Acquisitions et apprentissages

2007


ANALYSE

2-

Apprentissage de la lecture

La compréhension d'un texte écrit dépend à la fois du niveau de compréhension orale de celui qui lit et de sa maîtrise de mécanismes spécifiques à la lecture. L'exemple de la lecture d'une partition de musique peut permettre de cerner ce que sont ces mécanismes. En effet, l'incapacité de lire un document de ce type n'est en général pas attribuée à des difficultés de compréhension de la musique, ni à des troubles visuels. Ce qui est supposé faire défaut dans ce cas, ce sont les mécanismes qui permettent au musicien expert d'associer automatiquement dans sa tête une petite suite de notes écrites à un bout de mélodie. Il en va de même pour la lecture : un enfant intelligent ne peut comprendre un texte écrit que s'il a automatisé les mécanismes qui permettent d'identifier les mots écrits. Ce sont en effet ces mécanismes qui sont spécifiques à la lecture, le processus de compréhension étant largement amodal, c'est-à-dire similaire quel que soit le mode de présentation – écrit ou oral – comme le suggèrent des travaux qui ont montré que, chez le lecteur qui a développé des procédures d'identification des mots écrits efficientes, les corrélations entre compréhension écrite et orale sont très élevées (Gernsbacher et coll., 1990renvoi vers ; Lecocq, 1996renvoi vers). Dans ce chapitre, les recherches sur les mécanismes à l'œuvre chez le lecteur adulte qui sait lire (le lecteur dit « expert ») vont être examinées dans un premier temps. Sans cet éclairage, il n'est pas possible de comprendre l'apprentissage normal de la lecture et les difficultés de cet apprentissage. La deuxième partie du chapitre porte sur l'acquisition normale de la lecture1 .

Synthèse des travaux sur le lecteur expert

Si la compréhension d'un texte s'effectue sans effort cognitif apparent chez le lecteur expert, c'est parce qu'elle s'appuie sur des mécanismes très rapides, et largement indépendants du contexte, qui lui permettent d'identifier en mo-yenne cinq mots écrits par seconde. C'est ce que suggèrent les travaux présentés dans les deux premières parties de cette section, la troisième étant centrée sur la nature des informations auxquelles ce lecteur a accès dans cette étape très précoce de la lecture : informations visuelles, phonologiques et sémantiques.

Contexte et identification des mots écrits

Contrairement à une idée répandue, le lecteur expert fixe pratiquement tous les mots d'un texte, et non un sur cinq en devinant les autres (Rayner, 1998renvoi vers). De plus, c'est l'efficacité des procédures d'identification des mots écrits largement indépendantes du contexte qui différencie ce lecteur du débutant, ou de celui qui a des difficultés de lecture, comme l'ont montré les études princeps de West et Stanovich (1978renvoi vers) et de Perfetti et coll. (1979renvoi vers).
Dans l'étude de West et Stanovich (1978renvoi vers), des enfants et des adultes devaient lire le plus vite possible un mot cible dans deux principales conditions : à la fin d'une phrase congruente (« le chien court derrière le chat ») ou non congruente (« la fille s'assied sur le chat »). Les temps sont plus longs dans la seconde condition pour les enfants mais pas pour les adultes. Toutefois, la présence d'un contexte congruent réduit le temps de lecture dans tous les groupes, cet effet étant néanmoins significativement plus faible chez les adultes. L'étude de Perfetti et coll. (1979renvoi vers) signale en plus, qu'à niveau scolaire équivalent (5e année du primaire), ce sont les mauvais lecteurs qui profitent le plus du contexte. Le temps de lecture d'un mot est en effet plus long chez eux quand il est présenté seul que lorsqu'il est inséré dans le contexte d'une histoire, comme le montre la figure 2.1Renvoi vers. Un plus fort effet du contexte a aussi été relevé chez des étudiants diagnostiqués dyslexiques durant leur enfance dans une comparaison impliquant des enfants de même niveau de lecture (Bruck, 1990renvoi vers).
Figure 2.1 Temps d'identification de mots présentés en isolat ou dans le contexte d'une histoire chez des enfants de 5e année du primaire en fonction du niveau de lecture (Perfetti et coll., 1979renvoi vers)
Le rôle du contexte dans l'identification des mots écrits décroît donc avec l'âge et le niveau de lecture, probablement parce que cette identification est, chez l'expert, si rapide qu'elle ne laisse pas le temps aux effets contextuels (plus lents) d'interférer. Un effet de facilitation contextuelle peut toutefois être observé dans certaines conditions chez l'expert, en particulier quand le mot est induit par le contexte (par exemple, « avalanche » dans la phrase « Les skieurs ont été ensevelis par une soudaine... », Stanovich et West, 1981renvoi vers). Mais cet effet disparaît lorsque les mots sont congruents par rapport au contexte mais non prédictibles (Forster, 1981renvoi vers), ce qui constitue le cas de figure très largement majoritaire en situation de lecture habituelle.

Automatismes dans l'identification des mots écrits

Une des propriétés essentielles de l'identification des mots écrits chez le lecteur expert est son caractère involontaire. Elle ne mobilise pas en effet ses ressources attentionnelles, c'est chez lui un automatisme, quasiment un réflexe (Perfetti et Zhang, 1995renvoi vers). L'effet dit « Stroop », qui résulte d'une interférence entre le sens d'un mot et sa forme, est considéré comme étant un indicateur de cette automatisation. Ainsi, quand on demande à un lec-teur expert de nommer la couleur de l'encre d'un mot écrit, la réponse est plus longue quand le mot écrit est un nom de couleur qui ne correspond pas à la couleur de l'encre, par exemple, « vert » écrit en rouge, ce qui signale que le lecteur ne peut pas s'empêcher de lire, même quand on le lui demande. Les résultats à ce type de test permettent de cerner le niveau d'automaticité des procédures d'identification des mots écrits : plus ces procédures sont automatisées, plus il y aura compétition, et donc interférence, entre les deux noms de couleurs activés, celui du mot écrit et celui de la couleur de l'encre.
L'idée d'une reconnaissance des mots écrits quasi-réflexe peut être illustrée par l'étude de Guttentag et Haith (1978renvoi vers). Ces chercheurs ont présenté à des adultes et à des enfants scolarisés en début et en fin de 1re année de primaire des images représentant des animaux, des meubles et des moyens de transport. Les images ont été montrées seules (condition contrôle) et dans quatre conditions expérimentales : soit avec des mots écrits appartenant à une catégorie sémantique différente de celle de l'image (« chat-cahier ») ou à la même catégorie sémantique (« chat-chien »), soit avec des symboles non alphabétiques ou des suites de lettres non prononçables. Les sujets devaient dénommer le plus rapidement possible l'image en ignorant le mot écrit. Les effets d'interférence d'une reconnaissance irrépressible des mots écrits sont évalués en comparant le temps de dénomination dans chacune des conditions par rapport à ceux obtenus dans la condition contrôle. Les résultats sont présentés dans la figure 2.2Renvoi vers. Les adultes dénomment moins rapidement les dessins avec des lettres que ceux incluant des symboles non alphabétiques, ce qui suggère que les lettres sont traitées automatiquement. De même, ils dénomment moins rapidement les dessins avec des mots écrits de la même catégorie sémantique ou d'une catégorie différente, ce qui indique que les procédures d'identification des mots écrits sont quasiment des réflexes. Enfin, l'effet d'interférence est significativement plus fort quand le mot écrit appartient à la même catégorie que le mot imagé que lorsque les deux mots ne sont pas proches sémantiquement, ce qui est révélateur d'un accès très rapide au sens des mots. Des effets d'interférence similaires qualitativement, mais plus forts, sont observés chez les enfants après 9 mois d'apprentissage de la lecture, mais pas après 2 mois, ce qui indique que, très rapidement, le lecteur débutant a mis en place des procédures d'identification des mots écrits proches de celles de l'expert.
Figure 2.2 Différence entre la condition interférente et contrôle selon le type de stimulus interférent : 2 et 3, suite de caractères autres que des lettres (2) et lettres non prononçables (3) ; 4 et 5, mot de catégorie sémantique différente de celle de l'image (4) ou de la même catégorie sémantique (5); * différence significative (d'après Guttentag et Haith, 1978renvoi vers)

Accès au code visuel, phonologique et sémantique des mots

Les résultats précédents indiquent que les procédures d'identification des mots écrits sont largement automatiques chez le lecteur expert. Il reste à savoir à quelles informations ce lecteur a accès quand il identifie un mot écrit. Les modèles dans ce domaine (Plaut et coll., 1996renvoi vers ; Ans et coll., 1998renvoi vers ; Coltheart et coll., 2001renvoi vers) postulent que l'identification des mots écrits est le résultat de l'activation de 3 types d'information ou codes : les codes orthographique, phonologique et sémantique. Le code orthographique d'un mot comporte les lettres qui le composent et leur combinaison (t+o+u+r), le code phonologique, les phonèmes et leur combinaison (/t/ + /u/ + /r/) et le code sémantique comporte son (ou ses) sens.
La chronologie (on parle de décours temporel) de l'activation de ces codes peut être évaluée par la technique d'amorçage rapide : une amorce, mot ou pseudo-mot (c'est-à-dire une séquence de lettres sans signification qui respecte les règles orthographiques et phonologiques de la langue) précède l'apparition d'un mot-cible sur lequel il faut effectuer une tâche particulière. L'amorce et la cible partagent des propriétés communes, orthographiques (vélo-véla), phonologiques (vélo-vélau) ou sémantiques (vélo-moto) ou n'entretiennent aucune relation (vélo-table). Le temps de présentation de l'amorce est très court, de l'ordre de quelques millisecondes. Les tâches les plus fréquemment utilisées sont la décision lexicale (déterminer si l'item est un mot de la langue) et la lecture à haute voix.
Les travaux dans ce domaine ont mis en relief trois faits majeurs. D'une part, chez l'expert, les codes orthographique et phonologique d'un mot écrit sont très rapidement activés, le code orthographique étant activé avant le code phonologique (Ferrand et Grainger, 1992renvoi vers et 1993renvoi vers). En effet, comme l'indique la figure 2.3Renvoi vers, la facilitation due à la présence d'une amorce orthographique se manifeste pour une durée de présentation de cette amorce de l'ordre de 33 à 50 ms, la facilitation phonologique n'étant notée qu'après 50 ms.
Figure 2.3 Décours temporels de l'activation des codes orthographique et phonologique des mots (d'après Ferrand et Grainger, 1992renvoi vers et 1993renvoi vers)
D'autres études indiquent une activation précoce du code orthographique des mots écrits avec des durées d'exposition de l'amorce de 30 et 60 ms chez des lecteurs débutants ayant un âge moyen au-dessous de 10 ans (Booth et coll., 1999renvoi vers). Toutefois, quel que soit le temps d'exposition, l'effet d'amorçage phonologique est faible et ne supplante jamais celui de l'amorçage ortho-graphique, ce qui suggère que l'activation de ce code est moins rapide chez le débutant que chez l'expert. Enfin, le code sémantique du mot écrit est activé après son code orthographique et son code phonologique, autour de 200 ms chez le lecteur expert (Ferrand et Grainger, 1992renvoi vers et 1993renvoi vers ; Perea et Gotor, 1997renvoi vers). Des résultats similaires ont été relevés avec des enfants (Plaut et Booth, 2000renvoi vers). Il n'est pas facile de comparer ces études en raison des différences de durée d'exposition des amorces (800 ms chez les enfants).

Synthèse des travaux sur l'apprenti-lecteur

Le lecteur expert a recours à des procédures d'identification des mots écrits très rapides, fortement indépendantes du contexte et lors de cette étape précoce de traitement de l'information, il a accès aux codes orthographique et phonologique des mots écrits, avant d'avoir accès à leur code sémantique. L'objectif majeur de l'apprentissage de la lecture doit donc être d'acquérir un haut niveau d'automaticité dans l'identification des mots écrits. C'est le développement de telles procédures qui permettra à l'enfant d'atteindre un niveau de compréhension écrite égal à celui de sa compréhension orale, en le dégageant du poids d'un décodage lent et laborieux, ou du recours à des anticipations contextuelles hasardeuses.
Dans cette section, après avoir développé un cadre de référence permettant de situer les problèmes auxquels le lecteur débutant est confronté, sont ensuite présentées les compétences susceptibles d'influer sur l'apprentissage de la lecture (capacités phonologiques et visuelles, QI, milieu socio-culturel...) et, enfin, la façon dont se mettent en place les mécanismes spécifiques à la lecture, à savoir les procédures d'identification des mots écrits. Une attention particulière est portée à la question de l'incidence des méthodes sur l'apprentissage de la lecture.

Cadre de référence

Pour comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les enfants quand ils apprennent à lire en français, il est nécessaire d'avoir une idée précise de ce qu'implique cet apprentissage dans une écriture alphabétique, par rapport aux autres types d'écriture. Toutes les écritures, y compris les écritures logo-graphiques comme celle du chinois (souvent incorrectement dénommées écritures idéographiques) transcrivent des unités de la langue orale, et non des idées. Ce qui change c'est la taille des unités et leur nature : unités qui ont un sens, comme les mots, ou qui n'ont pas de signification, comme les syllabes ou les phonèmes. La transcription de l'oral s'effectue en effet à trois niveaux : le mot ou le morphème, la syllabe et le phonème. Ainsi celui qui s'occupe d'enfants présentant des troubles du langage est désigné par un seul mot en français (orthophonie) et par deux en anglais (speech therapy). Ces mots contiennent des sous-unités qui ont également un sens, les morphèmes, comme ortho- (orthodontiste, orthographe) et phon- (phoniatre, phonétique). Ces éléments sont les unités de base, non décomposables, de certaines écritures (celle du chinois). Dans d'autres écritures, les mots et les morphèmes peuvent être décomposés en sous-unités qui n'ont pas de sens : les syllabes et les graphèmes. Par exemple, le mot oral « cheval » comporte 2 syllabes (che-val) et 5 graphèmes (« ch », plus les 4 autres lettres). Les syllabes sont les unités de base, non décomposables, des écritures syllabiques (les kanas du japonais), l'unité de base d'une écriture alphabétique étant le graphème, qui correspond au phonème. D'autres écritures transcrivent les unités phonologiques et morphologiques par les consonnes et les voyelles respectivement, comme en arabe ou en hébreu. La figure 2.4Renvoi vers présente une schématisation des principaux problèmes auxquels le lecteur débutant est confronté : la disponibilité, la consistance et la taille des unités qui relient l'écrit à l'oral (Ziegler et Goswami, 2005renvoi vers ; voir également Sprenger-Charolles, 2003renvoi vers).
Figure 2.4 Principaux niveaux de difficultés auxquels est confronté l'apprenti-lecteur dans des écritures alphabétiques (adapté de Ziegler et Goswami, 2005renvoi vers)
Le premier problème auquel le lecteur débutant est confronté vient de ce que, avant l'apprentissage de la lecture, il ne dispose pas de représentations orthographiques, à part pour quelques mots qu'il a pu apprendre par cœur. De même, il n'a alors pas forcément accès de façon explicite à certaines unités phonologiques, en particulier, le phonème, qui est le trait distinctif minimal permettant de différencier – dans une langue donnée – deux mots, par exemple « bol » et « vol » en français. En effet, la prise en compte du phonème, indispensable pour apprendre à lire dans une écriture alphabétique, nécessite de se focaliser sur des éléments du langage parlé abstraits et, en plus, difficilement accessibles pour des raisons de co-articulation. En effet, les phonèmes ne sont pas prononcés les uns à la suite des autres, mais en un seul geste articulatoire à l'intérieur d'une syllabe (le mot « calcul » est prononcé /kal/+/kül/ et non /k+a+l+k+ü+l/), ce qui rend difficile leur identification.
Le second problème est lié au degré de consistance des relations entre les unités de l'écrit et de l'oral, qui varie en fonction des langues. Ainsi, dans certaines écritures alphabétiques, comme en espagnol, les relations graphème-phonème sont très consistantes. Ce n'est pas le cas en anglais, le français occupant une position intermédiaire (Sprenger-Charolles et Colé, 2003renvoi vers). Les problèmes de consistance s'expliquent par l'histoire des langues (alors que l'oral évolue, l'écrit est plus conservateur) mais aussi par le fait que les lettres de l'alphabet ne permettent pas de transcrire les phonèmes des différentes langues. En effet, on ne dispose que de 5-6 lettres pour les voyelles, qui permettent de transcrire les 5 voyelles simples de l'espagnol, mais pas les quelques 10 à 16 voyelles du français ou de l'allemand. Dans ces deux écritures, il a donc fallu utiliser une combinaison de lettres, ou une lettre à laquelle s'ajoute une marque spécifique, pour transcrire, en particulier, certaines voyelles (le « ou » du français, par opposition au « u » qui s'écrit « ü » en allemand, et le « n » qui en français indique une voyelle nasale : « an », « on », « un », « in »). L'unité de base d'une écriture alphabétique n'est donc pas la lettre, mais le graphème qui renvoie au phonème, unité de base du système phonologique. Toutefois, la prise en compte d'unités plus larges peut réduire certaines inconsistances. C'est le cas des rimes en anglais, qui facilitent la lecture des voyelles, les relations graphème-phonème pour les voyelles étant fortement inconsistantes dans cette langue. Par exemple, la voyelle « i » se prononce de la même façon quand elle est suivie par la séquence « ght », comme dans les mots « night, sight, light... » (la rime de ces mots est « ight » et leur attaque « n », « s » ou « l »). Ce fait a conduit certains chercheurs à développer un modèle d'apprentissage de la lecture dans lequel une place centrale est accordée au découpage syllabique du mot en attaque-rime (Goswami et Bryant, 1990renvoi vers). On peut toutefois supposer que ce type d'unité ne devrait pas jouer un rôle majeur dans des langues qui comportent des voyelles clairement articulées et des syllabes ouvertes, c'est-à-dire se terminant par une voyelle, comme en français ou en espagnol par exemple (Delattre, 1965renvoi vers), puisque dans ce cas la rime du mot est également un phonème.
Enfin, le dernier problème est lié à la taille des unités. Il y a en effet beaucoup plus d'unités orthographiques à apprendre dans les écritures qui utilisent des unités de large taille (mot ou morphème) que dans celles qui utilisent des unités de petite taille (syllabe et phonème). Toutefois, les unités de grande taille ont un sens, pas celles de petite taille. Il en découle que les unités de petite taille sont moins facilement accessibles que celles de grande taille.
La difficulté de l'apprentissage de la lecture doit varier en fonction de la disponibilité, de la consistance et de la taille des unités qui relient l'écrit à l'oral. Ainsi, dans une écriture logographique comme celle du chinois, l'apprenti-lecteur doit apprendre par cœur de nombreux mots qu'il ne peut décomposer en unités plus petites. La charge de la mémoire est donc énorme, toutefois les unités de base de l'écrit sur lesquelles il peut s'appuyer, les mots ou morphèmes, sont facilement accessibles, tout au moins celles qui font partie de son lexique oral. Inversement, dans une écriture alphabétique, l'utilisation d'un petit nombre de relations entre graphèmes et phonèmes permet à l'apprenti-lecteur d'avoir accès au large stock de mots qu'il connaît à l'oral. La charge mnésique n'est donc pas très importante. En revanche, pour relier les graphèmes aux phonèmes, il faut s'appuyer sur des unités orales peu accessibles, les phonèmes. Toutefois quand, dans une écriture alphabétique, l'établissement des relations graphème-phonème est entravé par leur inconsistance qui peut provenir de l'orthographe ou de la qualité des représentations phonémiques de l'apprenant, l'apprenti-lecteur peut utiliser des unités plus larges : attaque-rime, syllabe, morphème et mot.
Ce cadre de référence, inspiré du modèle développé par Ziegler et Goswami (2005renvoi vers ; voir également Sprenger-Charolles, 2003renvoi vers ; Sprenger-Charolles et coll., sous presserenvoi vers), permet de situer la majeure partie des questions auxquelles les chercheurs ont essayé de répondre. La suite de ce chapitre se limitera aux travaux ayant porté sur les écritures alphabétiques pour trois raisons. D'une part, parce que les petits français apprennent à lire dans une écriture alphabétique. D'autre part, parce que ce type d'écriture est largement répandu. Enfin, pratiquement tous les enfants commencent à apprendre à lire en recourant à un système alphabétique. C'est même le cas en chinois, un pinyin, qui utilise l'alphabet latin, ayant été introduit dans les années 1970 en Chine continentale pour faciliter l'apprentissage de la lecture. Ce système est maintenant obligatoire dans les écoles élémentaires, les caractères chinois étant introduits progressivement. Ce fait est un révélateur des difficultés rencontrées par l'enfant quand il doit apprendre à lire dans une écriture logographique.

Compétences nécessaires à l'apprentissage de la lecture (en dehors de la lecture)

D'après le cadre théorique présenté, parmi les capacités métalinguistiques (Gombert, 1992), les capacités d'analyse morphologique et phonémique devraient avoir une forte incidence sur l'apprentissage de la lecture. Les secondes permettent en effet d'identifier et de manipuler des éléments du langage oral (les phonèmes) qui, dans une écriture alphabétique, correspondent aux plus petites unités de l'écrit (les graphèmes) alors que les premières permettent d'avoir accès aux plus petites unités sublexicales ayant un sens, les morphèmes. D'autres capacités non linguistiques, ainsi que des facteurs environnementaux, sont également supposés avoir une incidence sur cet apprentissage : les capacités visuelles des enfants, leur niveau cognitif et leur environnement socio-culturel. La 1re partie de cette section fait le point sur les relations entre apprentissage de la lecture et capacités d'analyse phonologique, la 2e sur l'implication des capacités d'analyse morphologique et la 3e sur les autres facteurs qui peuvent avoir une incidence sur cet apprentissage.

Capacités d'analyse phonologique et apprentissage de la lecture

Avant l'apprentissage de la lecture, les capacités d'analyse phonémique des enfants, comparativement à leurs capacités d'analyse syllabique, sont faibles. Cela peut s'expliquer par le fait que le phonème ne se prononce en général pas seul, sauf s'il s'agit d'une voyelle. Ce serait la confrontation avec une écriture alphabétique qui permettrait le développement des capacités d'analyse phonémique. Liberman et coll. (1974renvoi vers) ont été les premiers à avoir mis en relief ce résultat, qui a été reproduit depuis dans de nombreuses études impliquant des pré-lecteurs de différentes langues. Ainsi, comme le montre le tableau 2.Irenvoi vers, alors que les enfants réussissent mieux des tâches impliquant la manipulation de syllabes que des tâches similaires2 impliquant la manipulation de phonèmes avant l'apprentissage de la lecture, ce n'est plus le cas après cet apprentissage, tout au moins dans des écritures alphabétiques.
Ce tableau appelle plusieurs commentaires. Tout d'abord, à la fois avant et après l'apprentissage de la lecture, les enfants ont des scores élevés dans les épreuves de manipulation de syllabe, sauf les petits anglais, probablement parce que les frontières syllabiques ne sont pas claires dans leur langue. D'autre part, les petits turcs ont des scores surprenants en analyse phonémique avant l'apprentissage de la lecture, ce qui peut s'expliquer par le fait que les voyelles en turc servent à indiquer des changements morphologiques (par exemple, le pluriel), ce qui peut obliger les enfants turcs à traiter des modifications phonémiques subtiles avant même d'avoir appris à lire. En comparaison, les enfants italiens, allemands, français et anglais n'arrivent à atteindre un bon niveau d'analyse phonémique qu'après l'apprentissage de la lecture, ce qui suggère que cette capacité est le résultat de l'apprentissage de la lecture dans une écriture alphabétique. Les faibles scores d'analyse phonémique relevés chez les petits japonais, qui ont appris à lire dans une écriture syllabique, confortent cette interprétation (Mann, 1986renvoi vers). Les résultats observés chez des adultes illettrés et ex-illettrés vont dans le même sens. Ainsi, les capacités d'analyse phonémique des illettrés sont plus faibles que celles de sujets de même milieu ayant appris à lire tardivement (17 % contre 72 % pour les ex-illettrés : Morais et coll., 1979renvoi vers), mais pas leurs capacités d'analyse syllabique (Morais et coll., 1986renvoi vers). La simple maturation ne semble donc pas suffisante au développement des capacités d'analyse phonémique.

Tableau 2.I Capacités d'analyse syllabique et phonémique et apprentissage de la lecture

Pourcentage moyen de réponses correctes
 
Dernière année de maternelle
1re année de primaire
Langage
Syllabe
Phonème
Syllabe
Phonème
Anglais(1)
 
48
 
74
Anglais(2)
63,5
63
75
75,6
Français(3)
 
45
 
98
Allemand(1)
 
17,5
 
69
Italien(4)
77
34,4
88
93,1
Turc(2)
93,5
67,1
97,5
94
Japonais(5)
  
91
43
1 D'après Mann et Wimmer, 2002renvoi vers (tâche de suppression)2 D'après Durgunoglu et Oney, 1999renvoi vers (tâche de comptage)  3D'après Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers. (tâche de suppression, futurs normolecteurs : 5 et 7 ans respectivement)4 D'après Cossu et coll., 1988renvoi vers, les données anglaises sont celles de Liberman et coll., 1974 (tâche de comptage)5 D'après Mann, 1986renvoi vers (tâche de comptage impliquant des unités intermédiaires entre le phonème et la syllabe, les mores)
Quant aux travaux sur les unités attaque-rime, très nombreux, ils ont principalement été effectués avec des enfants anglais qui semblent développer les capacités d'analyse syllabique avant celles portant sur les unités attaque-rime, ces dernières se développant avant les capacités d'analyse phonémique. C'est ce que rapportent Anthony et coll. (2003renvoi vers) qui ont examiné les résultats de plus de 1 000 enfants âgés de 2 à 6 ans, en contrôlant, entre autres, le type de tâche utilisée (voir également, Anthony et coll., 2002renvoi vers ; Anthony et Lonigan, 2004renvoi vers). D'autres études montrent que les tâches impliquant la manipulation des unités attaque-rime sont toujours mieux réussies que celles impliquant les phonèmes, quel que soit l'âge des enfants (à 4 ans : Muter et coll., 1998renvoi vers ; à 5 ans : Muter et coll., 1998renvoi vers ; Goswami et East, 2000renvoi vers ; Hulme et coll., 2002renvoi vers ; à 6 ans : Nation et Hulme, 1997renvoi vers ; Hulme et coll., 2002renvoi vers). Ce type de résultat pourrait cependant être spécifique à l'anglais. En effet, des pré-lecteurs et lecteurs débutants néerlandophones ne traitent pas les unités attaque-rime comme étant des unités cohésives de l'oral (Geudens et Sandra, 2003renvoi vers).
D'autres travaux indiquent qu'il est nécessaire de tenir compte, non seulement du type d'unités, mais également du type de tâche. Ainsi, comme l'a montré Lecocq (1991renvoi vers), sur 10 épreuves impliquant des unités phonémiques, seulement 2 sont à peu près maîtrisées par des enfants de 4 ans, et 3 le sont un an plus tard. De plus, les enfants font des progrès substantiels dans ce domaine avant l'apprentissage de la lecture. L'amélioration des scores est en effet de plus de 67 % entre 3 ans et demi et 6 ans pour l'ensemble des épreuves d'analyse phonologique. Des progrès de l'ordre de 36 % sont cependant constatés entre 6 ans et 6 ans et demi, ce qui indique une nouvelle fois que l'apprentissage de la lecture stimule les compétences phonologiques et cela probablement de façon spécifique. En effet, l'évolution des scores de mémoire entre les mêmes âges est moindre (13 % et 11 %, respectivement).
Le fait que les capacités d'analyse phonémique ne soient pas celles qui sont les plus développées avant l'apprentissage de la lecture ne permet toutefois pas de se prononcer sur le rôle qu'elles peuvent jouer dans cet apprentissage. Or, parmi les capacités d'analyse phonologique, les meilleurs prédicteurs de l'apprentissage de la lecture sont les capacités d'analyse phonémique. Dans ce domaine, en dehors de l'article princeps publié en 1983 par Bradley et Bryant dans la revue Naturerenvoi vers, l'étude la plus souvent citée est celle de Bryant et coll. (1990renvoi vers). Cette étude est présentée en détail, non seulement pour montrer quels sont les moyens d'évaluation utilisés, mais également pour signaler certains problèmes de méthode.
Les enfants (N=65) ont été suivis de 4 ans et demi à 6 ans et demi. Ils ont été vus deux fois entre temps (à 5 ans ½ et à 6 ans). Les capacités d'analyse des unités attaque-rime ont été évaluées lors des deux premières sessions et celles d'analyse phonémique lors de la troisième session. Pour les épreuves attaque-rime, l'enfant devait dire quel est, parmi trois mots, celui qui n'a pas la même fin (en l'occurrence la même rime, par exemple : « peg, cot, leg») ou le même début (en l'occurrence la même attaque, par exemple : « pin, pig, tree »). Des images ont été utilisées afin d'éviter la surcharge mnésique. Les tests d'analyse phonémique comportaient des épreuves de suppression du premier et du dernier phonème de mots consonne-voyelle-consonne et une épreuve de comptage de phonème dans des items de 1 à 3 phonèmes. Les tests portant sur les unités attaque-rime renseignent sur les habiletés phonémiques ultérieures après avoir contrôlé l'effet de facteurs pouvant biaiser les résultats (âge, QI verbal et non verbal, milieu socioéconomique). Après les mêmes contrôles, les habiletés phonologiques (unités attaque-rime et phonèmes) expliquent une part importante de la variance en lecture.
Selon les auteurs, ces résultats signalent que la sensibilité aux unités attaque-rime permet l'émergence de la conscience phonémique, cette dernière ayant une incidence directe sur la lecture, tout comme la sensibilité aux unités attaque-rime. Toutefois, comparer le pouvoir prédictif de ces deux capacités est difficile, les évaluations n'ayant pas été faites au même moment. En plus, les tâches de chasse à l'intrus utilisées pour évaluer la sensibilité aux unités attaque-rime ne sont pas très spécifiques. En fait, les unités à l'attaque des mots correspondent le plus souvent à un phonème. Les résultats pourraient donc s'expliquer par le fait que les enfants peuvent très tôt manifester un certain niveau de sensibilité à des unités phonémiques, quand la tâche le leur permet. Cette interprétation est renforcée par une étude française (Lecocq, 1991renvoi vers) dans laquelle l'épreuve la plus prédictive du futur niveau de lecture, quel que soit le test de lecture utilisé, est une épreuve du type de celles utilisées par l'équipe de Bryant (trouver, parmi 4 mots celui qui n'a pas la même consonne initiale : « bon, bois, bain, dent »). Pourtant cette épreuve n'était pas la mieux réussie par les enfants : elle ne se situait qu'au 6e rang des 14 épreuves administrées.
Dans l'étude de Bryant et coll. (1990renvoi vers), il n'a toutefois pas été tenu compte du niveau de pré-lecture des enfants. Comme le soulignent Castles et Coltheart (2004renvoi vers), on ne peut donc pas éliminer la possibilité que ce serait le niveau de lecture au temps 1 qui déterminerait celui observé au temps 2. Ces auteurs ont identifié 18 études dans lesquelles le niveau de pré-lecture a été évalué (Bradley et Bryant, 1983renvoi vers ; Wagner et coll., 1994renvoi vers ; Wagner et coll., 1997renvoi vers ; Muter et coll., 1998renvoi vers ; Caravolas et coll., 2001renvoi vers ; Hulme et coll., 2002renvoi vers). Les preuves en faveur d'une contribution des capacités d'analyse syllabique et rimique sur le niveau ultérieur en lecture sont très limitées comparativement à celles en faveur d'une contribution des capacités d'analyse phonémique. En fait, parmi les études sélectionnées, toutes celles incluant un examen des capacités d'analyse phonémique précoces montrent une contribution significative de ces capacités sur les compétences ultérieures en lecture et en écriture. Ces résultats ont été reproduits dans des études plus récentes (Kirby et coll., 2003renvoi vers ; Parrila et coll., 2004renvoi vers ; Schatschneider et coll., 2004renvoi vers).
Un autre argument en faveur du rôle des capacités d'analyse phonémique dans l'apprentissage de la lecture provient d'études sur des dyslexiques. En effet, dans ce type de tâches, les dyslexiques ont des scores plus faibles que ceux des normolecteurs plus jeunes qu'eux, mais de même niveau de lecture (en anglais : Bruck, 1992renvoi vers ; Fawcett et Nicholson, 1994renvoi vers ; en allemand : Wimmer, 1993renvoi vers), ce qui ne peut être imputé au rôle de la lecture sur les capacités d'analyse phonémique, puisque les groupes sont appariés en fonction de ce niveau. En plus, les études longitudinales ont permis de relever un déficit d'analyse phonémique chez de futurs dyslexiques avant même l'apprentissage de la lecture (en allemand : Wimmer, 1993renvoi verset 1996renvoi vers ; en français : Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers).
Un dernier argument en faveur du poids des compétences d'analyse phonémique sur l'apprentissage de la lecture vient des études d'entraînement. Dans une méta-analyse (Ehri et coll., 2001arenvoi vers), l'effet d'un entraînement de ces capacités sur la lecture a été évalué en calculant la différence, en écart-type, entre les groupes entraînés et les groupes témoins de 52 études. Des améliorations de l'ordre de 0,20, 0,50 et 0,80 écart-type ont été respectivement considérées comme faibles, modérées et notables (Cohen, 1988renvoi vers). L'effet moyen d'un entraînement phonémique est modéré (0,53). Toutefois, l'effet est plus important dans les études avec des enfants anglophones que dans celles avec des non-anglophones (des Danois, des Hollandais, des Finnois, des Allemands, des Norvégiens, des Espagnols et des Suédois), tout au moins lors du premier post-test (0,63 versus 0,36), pas par la suite (0,42 versus 0,47). Selon les auteurs, l'entraînement phonémique aurait un plus fort effet immédiat chez les anglophones parce qu'il les aide-rait à clarifier les relations entre graphèmes et phonèmes, qui sont très inconsistantes dans leur langue. L'effet de ce type d'entraînement est également plus notable quand il a porté sur des enfants à risque pour l'apprentissage de la lecture (0,86), surtout à long terme (1,33), ce qui peut s'expliquer par le fait que ces enfants sont généralement diagnostiqués tôt et sur la base de la faiblesse de leurs scores en analyse phonémique. Il faudrait donc un certain temps pour que l'effet de l'entraînement porte ses fruits sur les capa-cités entraînées et, ensuite, sur la lecture. Chez les lecteurs en difficultés, l'effet de l'entraînement est plus faible, que ce soit sur la lecture (0,45), ou sur les capacités entraînées (0,62 contre 0,95 chez les enfants à risque), ce qui suggère qu'un déficit d'analyse phonémique est à la base des difficultés de lecture, un tel déficit étant difficile à compenser (voir aussi Vellutino et coll., 2004renvoi vers). Enfin, l'effet le plus notable est obtenu quand, en plus des activités d'analyse phonémique, les enfants ont à manipuler les lettres (0,67). Ce résultat (voir aussi les revues de Bus et Van Ijzendoorn, 1999renvoi vers et de Castles et Coltheart, 2004renvoi vers), suggère que le développement des capacités d'analyse phonémique est un facteur important dans l'apprentissage de la lecture, mais pas une condition suffisante.

Capacités d'analyse morphologique et apprentissage de la lecture

Les modèles d'apprentissage de la lecture soit ne prennent pas en compte le niveau morphologique (Ziegler et Goswami, 2005renvoi vers), soit considèrent que ce type de traitement ne joue un rôle qu'à partir du moment où l'enfant maîtrise le décodage (Frith, 1985renvoi vers ; Seymour, 1994renvoi vers). L'utilisation de la morphologie pour identifier les mots écrits serait donc un signe d'expertise. Cette question est examinée dans la partie suivante, la synthèse présentée ci-dessous portant sur les relations entre analyse morphologique et appren-tissage de la lecture. Les travaux sur les relations entre capacités d'analyse morphologique et lecture ont porté sur la morphologie dérivationnelle (qui permet de dériver des familles de mots : « lait-laitier, laiterie... ») et flexi-onnelle (qui sert à marquer le genre et le nombre, mais également la personne et le temps des verbes : « je chante ; tu chantes ; tu chanteras... »). Comme les épreuves évaluant les capacités d'analyse phonologique, celles évaluant les capacités d'analyse morphologique sont passées à l'oral, ces deux types de capacités étant souvent évaluées en même temps.
Le pouvoir explicatif des capacités d'analyse morphologique est plus faible que celui des capacités d'analyse phonologique : 4 % de variance en lecture expliquée contre 37 % en 1re année du primaire (Carlisle et Nomanbhoy, 1993renvoi vers). Une autre étude a montré que, aussi bien en 1re qu'en 2e année, les capacités d'analyse phonémique sont reliées aux compétences d'identification des mots écrits, pas les capacités d'analyse morphologique (Muter et coll., 2004renvoi vers). Toutefois, cette dernière habileté mesurée en 1re année renseigne sur le niveau de compréhension en lecture un an plus tard. Les résultats d'une étude française vont dans le même sens (Casalis et Louis-Alexandre, 2000renvoi vers). Les connaissances morphologiques en grande section de maternelle expliquent 6 % de la variance dans un test de lecture en 1re année du primaire (la Bat-Elem, Savigny, 1974renvoi vers) et 22 % de la variance en compréhension écrite en 2e année (Écosse, Lecocq, 1996renvoi vers). L'implication des connaissances morphologiques serait donc plus forte chez les enfants plus âgés. Cela est également suggéré par une étude dans laquelle les enfants ont été suivis de la 2e à la 5e primaire (Deacon et Kirby, 2004renvoi vers). Après avoir contrôlé le niveau de lecture, le QI verbal et non verbal et les compétences d'analyse phonologique en 2e primaire, les compétences en analyse morphologique évaluées à la même époque renseignent sur le niveau de lecture ultérieur (de la 3e à la 5e primaire), qu'il s'agisse des capacités de décodage ou de compréhension. D'autres études indiquent que le poids des compétences d'analyse morphologique sur la lecture s'accroît avec le niveau scolaire alors que celui des compétences d'analyse phonologique décroît, tout en restant significatif (Shankweiler et coll., 1995renvoi vers ; Carlisle, 2000renvoi vers ; Mahony et coll., 2000renvoi vers).

Autres facteurs influant sur l'apprentissage de la lecture

Scarborough (1998arenvoi vers et brenvoi vers) a effectué une méta-analyse de 61 études incluant plus de 30 enfants suivis pendant un à trois ans depuis un âge se situant entre 4 ans et demi et 6 ans. Le tableau 2.IIrenvoi vers indique les corrélations moyennes entre les prédicteurs et le futur niveau de lecture. Les habiletés non verbales précoces, visuelles, motrices, et visuo-motrices, tout comme le QI non-verbal, ne sont que faiblement reliés au futur niveau de lecture. De plus, les mesures précoces les plus fortement corrélées aux performances ultérieures en lecture sont celles qui sont directement impliquées dans cette activité : les capacités phonologiques, la connaissance des lettres et les capacités de dénomination sérielle rapide, évaluées par un test qui permet de cerner la rapidité et la précision de l'accès au lexique à l'oral. Le même constat ressort d'une étude française (Kipffer-Piquard, 2003renvoi vers) dans laquelle 85 enfants ont été suivis de 4 à 8 ans. Le QI non verbal, tout comme la mémoire visuelle (évaluée par la reproduction de séquences visuelles qui varient en longueur, entre 2 et 7 items), ne sont que faiblement reliés au niveau de lecture à 8 ans (respectivement 0,18 et 0,19), à l'inverse de capa-cités d'analyse et discrimination phonémique (respectivement 0,44 et 0,53), de mémoire à court terme (évaluées par la répétition de pseudo-mots de 3 à 6 syllabes, 0,41), de connaissance des lettres (0,41), et de dénomination sérielle rapide (de 0,41 à 0,53 selon le test).

Tableau 2.II Corrélations entre les prédicteurs en maternelle et les scores ultérieurs en lecture (résultats d'une méta-analyse de 61 études, d'après Scarborough, 2001renvoi vers)

Prédicteurs
Nombre d'études
Corrélation
Mesures impliquant le traitement de l'écrit
  
Rudiments de lecture (connaissance des relations lettre-son...)
21
0,57
Identification des lettres
24
0,52
Mesures impliquant le langage oral
  
Analyse phonologique
27
0,46
Dénomination sérielle rapide
14
0,38
Mémoire de phrases ou rappel d'histoires
11
0,45
Mémoire verbale de chiffres ou de mots
18
0,33
Vocabulaire (dénomination)
5
0,45
Vocabulaire (compréhension)
20
0,33
QI verbal
12
0,37
Mesures impliquant les habiletés non verbales
  
QI non-verbal
8
0,26
Mémoire visuelle
8
0,31
Discrimination visuelle
5
0,22
Intégration visuo-motrice
6
0,16
Habiletés motrices
5
0,25
Ces données corrélationnelles ne prennent pas en compte le degré d'association entre les différentes mesures, qui peut être très fort. C'est ce qu'indiquent deux études, une avec des enfants danois (Petersen et Elbro, 1999renvoi vers), l'autre avec des enfants français (Kipffer-Piquard, 2003renvoi vers). L'étude danoise a porté sur 150 enfants. Les prédicteurs relevés avant l'apprentissage de la lecture étaient la connaissance des lettres, les capacités d'analyse phonologique et morphologique, la clarté de la prononciation et les antécédents de dyslexie dans la famille. Moins de la moitié des 11 variables significativement corrélées au futur niveau de lecture prédisent de façon unique cette compétence. De même, dans l'étude de Kipffer-Piquard (2003renvoi vers), 5 des 15 mesures relevées en grande section de maternelle prédisent le niveau en lecture en fin de 2e primaire, alors que 12 d'entre elles étaient significativement corrélées à ce niveau. Ces 5 mesures expliquent 52,2 % de la variance en lecture, deux (dénomination rapide et discrimination phonémique) rendant compte de 43,2 % de cette variance.
Les études précédentes signalent les compétences précoces qui prédisent le futur niveau de lecture des enfants. Dans la pratique, il faut pouvoir se prononcer sur les cas individuels. Comme le soulignent Elbro et Scarborough dans une synthèse de la littérature (2003renvoi vers), le pourcentage de classifications correctes est élevé (de l'ordre de 80 %). C'est ce qu'indique l'étude ayant porté sur des enfants danois (Petersen et Elbro, 1999renvoi vers). Les 6 mesures prédictives relevées avant l'apprentissage de la lecture (dans trois épreuves d'analyse phonologique et morphologique, une de connaissance des lettres, une de prononciation plus une évaluation des antécédents familiaux de dyslexie) permettent de classer correctement, en fonction de leur niveau de lecture, 129 des 150 enfants (86 %) en fin de 2e primaire. La classification est toutefois moins fiable pour les enfants qui, effectivement, ont rencontré des difficultés (60 % de classifications correctes pour ceux qui ont des scores au-dessous du 11e percentile dans un test de lecture de mots) que pour ceux de l'autre groupe (94 %). Dans l'étude française, les enfants ont été séparés en deux groupes à la fin de la 2e primaire sur la base de leurs scores au test de l'Alouette (Lefavrais, 1967renvoi vers)3 : les mauvais lecteurs (plus de 6 mois de retard en lecture), et les autres (moins de 5 mois de retard). Les prédicteurs sélectionnés pour la classification sont les deux qui expliquent la majeure partie de la variance en lecture (capacités de discrimination phonémique et de dénomination sérielle rapide). Ils permettent à eux seuls de classer correctement 83,5 % des enfants en fonction de leur niveau de lecture en fin de 2e primaire (soit 71 sur 85). Comme dans l'étude danoise, la classification est moins fiable pour les futurs mauvais lecteurs (76 %) que pour les autres (87 %).
Enfin, le milieu socioculturel des enfants est moins fortement relié à leur futur niveau de lecture que ne le sont leurs habiletés linguistiques. Dans l'ensemble, d'après la synthèse de Elbro et Scarborough (2003renvoi vers), les corrélations sont au-dessous de 0,25. Le même constat ressort de l'analyse des pratiques familiales de lecture. Ainsi, selon deux méta-analyses qui ont évalué l'impact des lectures des parents sur le niveau de lecture des enfants, les corrélations entre ces deux domaines, bien que significatives, sont faibles : de l'ordre de 0,28 (Scarborough et Dobrich, 1994renvoi vers ; Bus et coll., 1995renvoi vers). Les mesures de ce type sont donc moins informatives que celles qui prennent en compte les compétences langagières précoces pour identifier les enfants à risque pour l'apprentissage de la lecture. La prédiction est toutefois plus fiable quand il est tenu compte non pas des habitudes de lecture des parents, mais de leurs habiletés dans ce domaine. Ainsi, le fait d'avoir des parents souffrant de difficultés de lecture est un facteur de risque. Lorsque le niveau de lecture des parents est contrôlé, l'influence des facteurs socioéconomiques est réduite (Petersen et Elbro, 1999renvoi vers).
En résumé, ce sont les capacités d'analyse phonologique qui sont le plus fortement reliées à l'apprentissage de la lecture à son début, le pouvoir prédictif des compétences d'analyse morphologique augmentant en fonction du niveau scolaire, alors que celui des compétences d'analyse phonologique diminue, tout en restant significatif. De plus, les prédicteurs les plus forts de l'apprentissage de la lecture sont les compétences d'analyse phonologique, principalement au niveau phonémique, celles de mémoire phonologique à court terme, de dénomination rapide et le niveau de connaissance des lettres. Ces prédicteurs permettent de pronostiquer précocement les enfants à risque pour cet apprentissage, avec une fiabilité élevée. En comparaison, le poids des habiletés non verbales, tout comme celui des facteurs socioculturels, est moindre. Enfin, des entraînements à l'analyse phonémique ont des effets positifs sur la lecture, qui sont toutefois plus importants si, en plus, les correspondances entre lettres et phonèmes sont enseignées.

Développement des compétences spécifiques à la lecture

Les études sur le lecteur expert indiquent que les compétences spécifiques à la lecture se situent au niveau de l'identification des mots écrits, ces procédures étant largement indépendantes du contexte. D'après les modèles de référence dans le domaine (Plaut et coll., 1996renvoi vers ; Coltheart et coll., 2001renvoi vers), pour identifier les mots écrits, ce lecteur peut utiliser la voie dite directe (aussi appelée voie lexicale ou procédure par adressage, ou encore procédure visuo-orthographique) ou la voie dite indirecte (aussi appelée voie sublexicale ou procédure par assemblage, ou encore procédure par médiation phonologique), ce qui renvoie, dans la terminologie utilisée dans le domaine de l'enseignement, à la lecture globale de mot, en opposition au décodage. Dans la suite, le terme « adressage » (ou procédure lexicale) est utilisé pour désigner la première procédure et le terme « décodage » (ou procédure sublexicale) pour désigner la seconde. Il faut toutefois tenir compte du fait que le décodage s'automatise progressivement : cette procédure ne fait donc pas seulement référence à la lecture lente et laborieuse du débutant, le lecteur expert peut en effet identifier très rapidement des mots qu'il ne connaît pas. De plus, l'expert a accès en quelques millisecondes aux codes orthographique, phonologique et sémantique des mots écrits : le lecteur supposé utiliser une procédure par adressage ne perçoit donc pas seulement les caractéristiques visuelles et sémantiques des mots écrits.
La question est de savoir comment se mettent en place ces procédures au cours de l'apprentissage de la lecture. Si, comme l'ont montré les travaux sur les compétences qui prédisent le futur niveau de lecture dans une écriture alphabétique, ce sont les capacités d'analyse phonémique qui apparaissent comme étant les meilleurs prédicteurs, on peut supposer que l'enfant va d'abord s'appuyer sur les correspondances graphème-phonème, et non sur des unités de plus grande taille4 . La réussite de l'apprentissage de la lecture doit donc dépendre de la consistance de ces relations, qui varie en fonction des langues. La première partie de cette section présente les principaux résultats des études dans le domaine. Ensuite est examiné le rôle des méthodes d'enseignement sur l'apprentissage de la lecture.

Rôle de l'environnement linguistique sur l'apprentissage

Dans certaines langues, comme en espagnol ou en italien, les correspondances grapho-phonémiques sont très consistantes alors que dans d'autres, comme en anglais, elles sont peu consistantes, l'allemand et le français occupant une place intermédiaire5 . On devrait donc relever des différences quantitatives entre anglophones et non anglophones, mais également des différences qualitatives. Ainsi, le décodage devrait être utilisé plus systématiquement quand l'orthographe est transparente que lorsqu'elle ne l'est pas, une orthographe opaque pouvant conduire à la mise en œuvre précoce de la procédure lexicale, ou à la prise en compte d'unités sublexicales plus larges que les graphèmes.
Une étude qui a impliqué des enfants de différents pays d'Europe permet de cerner l'incidence négative de l'opacité de l'orthographe sur les débuts de l'apprentissage de la lecture (Seymour et coll., 2003renvoi vers). Sauf pour les anglais et les français, uniquement des enfants en 1re année d'apprentissage de la lecture ont été examinés, les anglophones étant les plus jeunes (5,6 ans). Toutefois, les anglophones de 2e année ont approximativement le même âge (6,6 ans) que les enfants de 1re année français et espagnols, mais ils ont un an de moins que les allemands (7,6 ans). Des mots familiers très fréquents ont été sélectionnés dans chaque langue : mots « plein » (en français : « voir, femme... », en anglais : « high, boy... ») et mots « fonction » (en français : « donc, alors... », en anglais: « them, about... »). Deux listes de pseudo-mots ont également été élaborées, une contenant des items d'une syllabique, l'autre de deux syllabiques. Les résultats des anglophones, des francophones, des germanophones et des hispanophones en fin de 1re année du primaire ainsi que ceux des anglophones et des francophones en fin de 2e année du primaire sont présentés dans la figure 2.5Renvoi vers.
Les anglophones de 1re année sont clairement des outliers. Les scores de ceux de 2e année sont comparables à ceux des français de 1re année mais inférieurs à ceux des espagnols et allemands de 1re année (entre 15 et 34 % de différence). Les analyses statistiques indiquent que, en lecture de mots, la moyenne des anglophones de 1re année est inférieure à celle des enfants français, danois et portugais de même niveau scolaire, qui, à leur tour, ont des résultats inférieurs à ceux de tous les autres enfants. Les anglophones de 2e année forment un sous-groupe avec les Danois, les Portugais et les Français de 1re année. En lecture de pseudo-mots, les scores des anglophones de 2e année sont faibles et inférieurs à ceux de tous les enfants de 1re année, sauf les danois. À âge équivalent (6,6 ans), le niveau de lecture des anglophones, qui ont pourtant bénéficié d'une année supplémentaire d'apprentissage de la lecture, est inférieur à celui de la majeure partie des autres enfants. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que les anglophones de cette étude ont un niveau de lecture supérieur aux normes nationales et sont issus de milieux socioéconomiques plutôt favorisés.
Figure 2.5 Pourcentage de réponses correctes (d'après l'étude inter-langue de Seymour et coll., 2003renvoi vers)
Dans une autre étude, des enfants francophones et anglophones ont été suivis pendant 2 ans, de la grande section de maternelle à la fin de la 1re année du primaire (Bruck et coll., 1997renvoi vers). Les auteurs ont examiné la lecture de mots simples (des items d'une syllabe, réguliers et de haute fréquence) et de pseudo-mots (construits en changeant la première lettre des mots). Les résultats, présentés dans la figure 2.6Renvoi vers, indiquent que les scores des anglophones sont plus faibles que ceux des francophones, la différence entre les deux groupes étant encore une fois plus marquée pour les pseudo-mots que pour les mots.
Ces résultats, qui renforcent l'idée que la consistance des relations grapho-phonémiques a une incidence positive sur l'apprentissage de la lecture, sont d'autant plus importants qu'une des principales différences entre les deux groupes est que les petits anglophones ont bénéficié d'une sensibilisation précoce à la lecture en grande section de maternelle, pas les petits français. Les mêmes tendances ont été relevées dans une autre étude, qui impliquait en plus des enfants espagnols (Goswami et coll., 1998renvoi vers).
Figure 2.6 Réponses correctes en lecture de mots et de pseudo-mots pour les enfants de 7 ans de l'étude de Goswami et coll. (1998renvoi vers) et pour ceux de même âge de l'étude de Bruck et coll. (1997renvoi vers)
Les résultats précédents signalent des différences quantitatives en faveur des enfants qui apprennent à lire dans une orthographe transparente. Ils suggèrent aussi que l'environnement linguistique a une incidence sur les procédures de lecture mises en œuvre. Ainsi, comparativement à des non-anglophones, les apprenti-lecteurs anglophones auraient des difficultés de mise en œuvre du décodage, en témoignent leurs scores, toujours plus faibles, en lecture de mots nouveaux. C'est aussi ce qu'indique l'étude de Wimmer et Goswami (1994renvoi vers), qui a porté sur des enfants anglophones et germanophones de 7, 8 et 9 ans qui ont eu à lire des noms de chiffres ainsi que des pseudo-mots construits à partir de ces mots en changeant la consonne initiale. Les jeunes allemands (7 ans) font moins d'erreurs sur les pseudo-mots que les enfants anglais plus âgés (9 ans) et, lorsqu'ils se trompent, ils produisent surtout des néologismes (l'item écrit est remplacé par un mot qui n'existe pas mais qui a une prononciation voisine). En revanche, les jeunes anglais, soit ne répondent pas, soit font des erreurs de lexicalisation (le pseudo-mot est remplacé par un mot). De plus, les corrélations entre les temps de réponse pour les mots et les pseudo-mots sont élevées chez les jeunes allemands (0,93), pas chez les anglais (0,58).
Ces résultats, qui suggèrent que les jeunes allemands, mais pas les enfants anglais, utilisent largement la même procédure pour lire les mots et les pseudo-mots, ont été reproduits dans une étude ultérieure avec des enfants de même âge (Frith et coll., 1998renvoi vers). Les enfants devaient lire des mots, appariés en difficulté orthographique et en familiarité (Summer/Sommer) et des pseudo-mots dérivés des mêmes mots (Rummer/Rommer). Les performances des anglophones sont inférieures à celles des germanophones en lecture de mots (80 % versus 95 %) et, surtout, en lecture de pseudo-mots (59 % versus 88 %). Dans une seconde expérience, la fréquence et la lexicalité ont été manipulées. Pour les mots fréquents, les performances des enfants de 8 ans des deux groupes linguistiques sont similaires, alors que les anglophones manifestent de moins bons scores pour les mots rares ou inventés. Les mêmes enfants ont eu à lire des pseudo-mots composés de trois syllabes simples (« tarulo, surimo »). De nouveau, les scores des anglophones de 8 ans sont inférieurs, non seulement pour la précision (70 % versus 99 % pour les enfants allemands) mais également pour les temps de réponse (4,3 s versus 1,9 s). Cette étude a également permis de relever des différences dans le traitement des voyelles, source de nombreuses erreurs chez les petits anglais, mais pas chez les enfants allemands. Comme le soulignent les auteurs, ces résultats peuvent s'expliquer par la plus grande consistance de l'orthographe de l'allemand, principalement pour les voyelles. Cette inconsistance de l'orthographe conduit les jeunes anglais à s'aider d'informations lexicales quand ils apprennent à lire, alors que les jeunes allemands s'appuient essentiellement sur les correspondances graphème-phonème.
C'est ce qui ressort d'une autre étude dans laquelle on a présenté à des enfants anglais et allemands de 8 et 9 ans des pseudo-mots qui se prononcent comme un mot de la langue (homophones), des pseudo-mots non-homophones et des mots (Goswami et coll., 2001renvoi vers). Les enfants ont eu à effectuer une tâche de lecture à haute voix et une de décision lexicale (dire si l'item présenté sur l'écran d'un ordinateur est ou non un mot de la langue, en appuyant sur une touche différente pour les réponses « oui » et « non »). La logique sous-tendant cette étude est que, dans la mesure où les pseudo-mots homophones se prononcent comme un mot de la langue, ils devraient être mieux lus en lecture à haute voix que les pseudo-mots non-homophones, en revanche, ils devraient entraîner un fort taux d'acceptations erronées dans la tâche de décision lexicale. En fait, en lecture à haute voix, l'effet facilitateur de l'homophonie n'est relevé que chez les enfants anglophones, alors que l'effet négatif de l'homophonie n'est observé en décision lexicale que chez les germanophones. Le résultat relevé en lecture à haute voix suggère donc une nouvelle fois que les anglais – mais pas les allemands – auraient besoin d'utiliser leurs connaissances lexicales pour lire des pseudo-mots. Celui observé en lecture silencieuse signale que, chez les enfants germanophones – mais pas chez les anglophones – l'information phonologique serait automatiquement activée au cours de la lecture (comme chez l'expert) et difficile à inhiber.
L'opacité de l'orthographe a aussi une incidence sur les unités sublexicales utilisées par l'apprenti-lecteur. Ainsi, comme l'indiquent les résultats de différentes études, la faible cohérence des correspondances graphème-phonème en anglais conduit l'enfant à développer des stratégies de lecture s'appuyant sur des unités de différentes tailles, alors que quand l'orthographe est transparente, une seule stratégie, s'appuyant sur les correspondances graphème-phonème, est utilisée. En particulier, vu que, en anglais, les inconsistances de prononciation des voyelles sont réduites quand il est tenu compte des consonnes qui suivent, les anglophones utilisent des unités de type rime. En revanche, la prise en compte des unités rime n'a pas d'incidence majeure dans des langues qui comportent des voyelles clairement articulées et qui, en plus, ont principalement des syllabes ouvertes, se terminant par une voyelle (dans ce cas la rime correspond à un phonème), comme en français ou en espagnol par exemple, comparativement à l'allemand et à l'anglais.
Cette question a été examinée dans une étude inter-langues (anglais, français, espagnol) par Goswami et coll. (1998renvoi vers). L'étude a porté sur des enfants de 7, 8 et 9 ans qui ont eu à lire des mots et des pseudo-mots qui avaient ou non la même rime que des mots. Un effet facilitateur de la présence de rimes est relevé chez les anglophones et les francophones, mais pas chez les hispanophones. Comme le soulignent Ziegler et Goswami (2005renvoi vers), la prise en compte des rimes a toutefois un effet plus massif sur les résultats des anglophones que sur ceux des francophones : pour les enfants de 7 ans, l'amélioration des scores est en effet de 15 % à 20 % pour les anglais contre 5 % chez les français. Un résultat similaire a été relevé dans une autre étude avec des enfants francophones de 1re année du primaire (5 % de supériorité pour les pseudo-mots qui riment avec des mots en comparaison avec des items de contrôle, Sprenger-Charolles et coll., 1998brenvoi vers). Toutefois cet effet a été relevé en milieu de CP, alors que ni la fréquence, ni la lexica-lité, n'influaient sur les performances en lecture. Il pourrait donc provenir d'une facilitation via le lexique oral, les pseudo-mots qui riment avec des mots étant construits à partir de mots fréquents qui ont des codes articulatoires préprogrammés. Cette interprétation est renforcée par le fait que, avec les mêmes items et les mêmes enfants, cet effet n'a pas été observé en écriture, modalité dans laquelle les codes articulatoires ne sont pas directement impliqués, à la différence de la lecture à haute voix. Elle est également renforcée par la présence de corrélations élevées entre les deux types de pseudo-mots (0,90).
L'utilisation par des enfants anglais et allemand d'unités sublexicales de petite taille (graphème-phonème, CGP) ou plus larges (rimes) a été ré-évaluée par Goswami et coll. (2003renvoi vers). La logique de cette étude est qu'une procédure s'appuyant sur les rimes devrait faciliter la lecture de pseudo-mots qui peuvent être lus par une telle procédure (en anglais, « dake », qui rime avec « cake », en allemand, « guff », qui rime avec « cuff ») lorsque dans une liste uniquement des pseudo-mots de ce type sont inclus, et vice versa pour des items qui peuvent être lus correctement en n'utilisant que les CGP. Si les deux types d'items sont mélangés dans une même liste, les performances des enfants anglais devraient être plus affectées que celles des allemands. C'est bien le résultat observé. En effet, dans la seconde condition, les scores des allemands ne sont pas pénalisés, ce qui suggère une nouvelle fois qu'ils utilisent surtout les CGP, alors que ceux des anglophones le sont, ce qui signale qu'ils utilisent à la fois une stratégie se basant sur les CGP et une stratégie se basant sur les rimes.
D'autres études indiquent que l'incidence négative de l'opacité de l'orthographe ne se retrouve pas simplement au début de l'apprentissage. C'est ce que suggèrent deux études, l'une avec des enfants de 9 ans, anglophones et néerlandophones (Pate et coll., 2004renvoi vers), l'autre avec des adultes anglais, français et italiens (Paulesu et coll., 2001renvoi vers). Dans ces études, le temps de latence de la réponse vocale dans des tâches de lecture à haute voix a été examiné. La première étude montre une infériorité des anglais, quel que soit le type d'item à lire (les différences à leur détriment sont de 446 et 576 ms pour la lecture de mots et de pseudo-mots, respectivement). De même, les anglais adultes (Paulesu et coll., 2001renvoi vers) se démarquent à la fois des français et des italiens, mais surtout en lecture de pseudo-mots (90 et 260 ms de différence au détriment des anglais ; les différences étant de 30 et 120 ms en lecture de mots) ce qui suggère encore une fois que les anglophones utilisent probablement plus que les sujets non anglophones leurs connaissances lexicales pour lire.
En résumé, le niveau en lecture dépend du degré de transparence de l'orthographe. En effet, les scores les plus faibles se retrouvent chez les anglophones et les meilleurs chez les hispanophones. Les facteurs linguistiques induisent également des différences qualitatives. Ainsi, les anglophones utilisent davantage la procédure lexicale, probablement pour compenser la difficulté de mise en œuvre du décodage dans leur langue. C'est ce que suggère, d'une part, le fait que, dans toutes les comparaisons inter-langues, les différences les plus fortes à leur détriment ont été relevées en lecture de pseudo-mots, et non en lecture de mots et, d'autre part, la présence d'un effet facilitateur de l'homophonie dans des tâches de lecture à haute voix. En revanche, la présence de corrélations très élevées entre les scores pour les mots et les pseudo-mots chez les germanophones (pas chez les anglophones), tout comme l'absence d'effets facilitateurs de la fréquence et de l'homophonie en lecture à haute voix, indique que ces enfants s'appuieraient essentiellement sur le décodage pour lire. De plus, l'effet négatif de l'homophonie en lecture silencieuse relevé chez eux (pas chez les anglais), signale qu'ils auraient des difficultés à inhiber l'information phonologique. La moindre consistance des unités grapho-phonémiques en anglais semble également favoriser un plus grand recours à des unités plus larges que le graphème, en particulier la rime des mots, ce qui s'explique par le fait que cette consistance est, surtout pour les voyelles, plus forte au niveau des rimes dans cette langue. Ce n'est pas le cas dans des langues qui ont des voyelles clairement articulées, comme en français, en espagnol et en allemand.

Exemple en français : données longitudinales de 6 à 10 ans

En raison de la consistance des relations grapho-phonémiques en français, on peut s'attendre à observer une forte utilisation du décodage au début de l'apprentissage de la lecture. Cette hypothèse a été évaluée dans des études longitudinales (entre autres, Sprenger-Charolles et Casalis, 1995renvoi vers ; Sprenger-Charolles et Bonnet, 1996renvoi vers ; Sprenger-Charolles et Siegel, 1997renvoi vers ; Sprenger-Charolles et coll., 1998arenvoi vers et renvoi versb ; Sprenger-Charolles et coll., 2003renvoi vers) et transversales (entre autres, Leybaert et Content, 1995renvoi vers ; Colé et coll., 1999renvoi vers). Nous examinerons surtout les résultats des études longitudinales vu que, les mêmes enfants étant observés à différents moments, les changements relevés entre sessions peuvent être imputés à des déterminants antérieurs. Ceux de deux études vont être présentés en détail (Sprenger-Charolles et coll., 1998brenvoi vers, 2003renvoi vers). Dans ces études, n'ont été pris en compte que des enfants supposés ne pas devoir rencontrer de difficultés pour les apprentissages scolaires, en l'occurrence, ceux ne présentant pas de troubles comportementaux ou sensoriels (auditifs ou visuels), ayant un niveau cognitif normal et de langue maternelle française. Soixante non-lecteurs ont été sélectionnés sur cette base à 5 ans, à partir du bilan réalisé par le psychologue scolaire, le niveau de « non-lecture », tout comme le niveau cognitif verbal et non-verbal, ayant été évalué par des tests spécifiques. En début de primaire, ces enfants étaient scolarisés dans 20 classes de 9 écoles de la banlieue parisienne, ce qui a permis de neutraliser au mieux la variable pédagogique.
Les enfants ont eu à lire des mots réguliers et irréguliers de différents niveaux de fréquence (« table » versus « sable » ou « sept » versus « short »)6 . Les mots réguliers ont été appariés en difficultés orthographiques à des pseudo-mots (« table-lople », « riche-soche »).
Les premiers résultats pour les sessions de CP ont été publiés en 1998 (Sprenger-Charolles et coll., 1998brenvoi vers). En milieu de CP, les performances en lecture sont très fortement affectées par la régularité mais pas par la fréquence ni par la lexicalité. En effet, alors que les mots réguliers sont mieux lus que les mots irréguliers (41 % de réponses correctes contre 7 %), les différences entre mots fréquents et rares (30 % contre 28 %), tout comme celles entre mots et pseudo-mots (44 % contre 48 %) ne sont pas significatives. Les effets de fréquence et de lexicalité se manifestent toutefois dès la fin du CP (75 % de réponses correctes pour les mots fréquents contre 66 % pour les rares ; 88 % pour les mots réguliers contre 80 % pour les pseudo-mots). Néanmoins, à cette époque, les signes de mise en œuvre de la procédure sublexicale sont toujours présents, en particulier l'effet de la régularité qui est même plus marqué que lors de la session précédente. La différence entre les réponses correctes pour les mots réguliers et irréguliers augmente en effet de 15 % (de 34 % à 49 %). Il en est de même, pour la proportion des erreurs de régularisation, qui passe de 5 % à 27 %. Ces résultats indiquent que les enfants utilisent principalement la procédure sublexicale au début de l'apprentissage de la lecture, le poids de cette procédure augmentant dans le temps alors qu'apparaissent progressivement quelques manifestations de traitements lexicaux.
La majeure partie de ces enfants a été suivie jusqu'en fin du CM1 (Sprenger-Charolles et coll., 2003renvoi vers). Dans la mesure où, d'après les résultats précédents, les effets de fréquence et de lexicalité allaient dans le même sens et que les mots rares utilisés étaient suffisamment fréquents pour être connus de lecteurs débutants, les analyses n'ont porté que sur les effets de lexicalité et de régularité. Les résultats, présentés dans la figure 2.7Renvoi vers, indiquent que les changements majeurs s'opèrent durant la première année du primaire. En milieu de CP en effet, les scores en lecture de mots réguliers et de pseudo-mots ne diffèrent pas et sont supérieurs à ceux pour les mots irréguliers, qui sont très faibles. En quelques mois, le tableau se modifie fortement. Une progression est relevée pour les trois types d'items mais elle est plus marquée pour les mots réguliers, qui sont alors mieux lus que les pseudo-mots, eux-mêmes mieux lus que les mots irréguliers, ce qui peut s'expliquer par le fait que les mots réguliers bénéficient à la fois de la régularité et de la fréquence d'exposition. Ni la fréquence d'exposition seule, ni la régularité seule suffisent, comme en témoigne la progression plus faible pour les mots irréguliers d'une part, et pour les pseudo-mots d'autre part. Ces résultats permettent de comprendre pourquoi les progrès des enfants espagnols, qui ne rencontrent pratiquement que des mots réguliers, sont si rapides alors que l'apprentissage de la lecture est lent et laborieux pour les enfants anglais, confrontés à une orthographe peu consistante.
Figure 2.7 Réponses correctes en lecture à haute voix de mots réguliers et irréguliers et de pseudo-mots : données longitudinales (d'après Sprenger-Charolles et coll., 2003renvoi vers)
Ces résultats peuvent toutefois être biaisés par le fait que les enfants devaient lire à haute voix. Cela ne semble pas être le cas vu ce qui a été observé, avec les mêmes enfants et aux mêmes époques, dans une tâche de lecture silencieuse dans laquelle, après l'énoncé d'une catégorie (fruit, couleur...) un mot appartenant ou non à cette catégorie était présenté. L'épreuve comportait des pièges visuels ou phonologiques. Par exemple, la question « est-ce que c'est une couleur? » était suivie de la présentation du mot « gris » (item correct), « blan » (intrus phonologique) ou « rouqe » (intrus visuel), l'hypothèse étant que si les codes phonologiques des mots écrits sont activés en lecture silencieuse, les intrus phonologiques devraient entraîner plus de fausses acceptations que les intrus visuels. De fait, sauf en milieu de CP, il y a systématiquement plus d'acceptations erronées des intrus phonologiques que des intrus visuels (respectivement pour les sessions de milieu et fin de CP et de fin de CE1 : 83, 90 et 77 % pour les intrus phonologiques et 84, 70 et 54 % pour les intrus visuels, soit respectivement -1 %, +20 % et +23 % de différence au détriment des intrus phonologiques). Les enfants activent donc les codes phonologiques des mots écrits en lecture silencieuse. Ce résultat pourrait toutefois être dû à des connaissances orthographiques peu précises. Pour savoir si l'orthographe des mots utilisés était maîtrisée, le mot-cible a été présenté en même temps que les deux intrus (« pomme » versus « pome, pomne » ; « loup » versus « lou, louq »), les enfants devant montrer le « bon mot », celui qui est bien écrit. Le nombre des réponses correctes double entre le milieu du CP et la fin du CE1 (de 42 % à 87 %). En fin de CE1, les représentations orthographiques sont bien établies, tout au moins pour les items proposés. Or, à la même époque, les enfants ne rejetaient correctement qu'environ 25 % des intrus phonologiques contre environ 50 % des intrus visuels dans l'épreuve de décision sémantique. Les scores observés dans l'épreuve de choix orthographique peuvent s'expliquer par le fait qu'il est plus facile de repérer le bon mot quand les trois items sont présentés en même temps que lorsqu'on ne voit qu'un seul mot, correct ou non. Ils ne permettent toutefois pas de comprendre pourquoi, dans l'épreuve de décision sémantique, ce sont les intrus phonologiques qui sont source de plus d'erreurs. De plus, l'examen des erreurs dans l'épreuve de choix orthographique (Sprenger-Charolles et coll., 1998arenvoi vers) a permis de constater que, en milieu de CP, les acceptations erronées concernent massivement les intrus phonologiques (46 %), qui sont aussi souvent choisis que les mots corrects (40 %) et bien plus fréquemment que les intrus visuels (14 %). En fin de CP, alors que les réponses correctes dominent, on relève toujours plus d'erreurs sur les intrus phonologiques (29 %) que sur les intrus visuels (6 %). Quelle que soit l'épreuve, les intrus phonologiques sont donc source d'erreurs plus nombreuses que les intrus visuels. Cette différence ne peut être imputée à une ignorance de l'orthographe puisqu'elle demeure, et s'accentue, alors que les connaissances orthographiques des enfants s'améliorent.
Comme cela a été relevé chez les enfants germanophones (Goswami et coll., 2001renvoi vers), les résultats obtenus en lecture à haute voix indiquent que les enfants francophones ont recours principalement au décodage grapho-phonémique en début d'apprentissage. De même, ceux observés en lecture silencieuse signalent qu'il leur est difficile d'inhiber l'information phonologique contenue dans des items7 .

Incidence de la morphologie dans l'identification des mots écrits

Les modèles développementaux (Frith, 1985renvoi vers ; Seymour, 1994renvoi vers) postulent que l'utilisation de la morphologie serait un signe d'expertise, ce qui est en accord avec des résultats indiquant que le lecteur expert semble traiter automatiquement les unités morphémiques (Colé et coll., 1997renvoi vers ; Barber et coll., 2002renvoi vers). Les chercheurs qui se sont intéressés à la question de savoir si, et à partir de quand, l'apprenti-lecteur traite ce type d'unité ont principalement travaillé sur l'écriture. Cette question est pourtant loin d'être subalterne, au moins en français, qui a progressivement basculé du système des langues romanes (dans lequel, par exemple, les marques morphologiques de la personne sont notées à la finale des verbes, « canto, cantas, canta », sans pronom) au système des langues anglo-saxonnes (dans lequel ces marques sont indiquées par des pronoms). En plus, en français oral, les finales consonantiques des mots se sont amuisées progressivement, si bien que les marques de dérivation ont pour la plupart disparu à l'oral (cf. « grand, petit, long... »). En revanche, l'écrit, plus conservateur que l'oral, a gardé des traces de l'ancien système, ou d'anciennes prononciations, ce qui est à l'origine des principales inconsistances des relations graphème-phonème en français.
Des effets facilitateurs de la morphologie ont été relevés chez des enfants anglais de 7 à 9 ans (Laxon et coll., 1999 ; Carlisle et Stone, 2003renvoi vers ; Mann et Singson, 2003renvoi vers) et chez des enfants français dès la fin de la 1re primaire (Marec-Breton et coll., 2005renvoi vers). L'étude de Laxon et coll. (1992renvoi vers) indique cependant que l'analyse morphologique des mots lus est sous la dépendance de facteurs phonologiques jusqu'à une période tardive. Ainsi, la lecture de mots suffixés est meilleure que celle de pseudo-suffixés (en français « chasser » versus « berger »), chez des enfants et des adultes, toutefois, les mots se terminant en « er » sont mieux lus que ceux finissant par « ed » par les enfants, pas par les adultes, ce qui peut s'expliquer par les règles phonologiques complexes qui gouvernent la prononciation du suffixe « ed » en anglais. C'est aussi ce qu'indique l'étude de Feldman et coll. (2002renvoi vers), qui a porté sur des enfants de 5e primaire qui devaient compléter un mot cible à partir d'une amorce transparente ou opaque (en français « vol-voler » versus « beau-belle »). Un effet de facilitation morphologique est relevé, que l'amorce soit transparente ou pas, cet effet étant toutefois plus important pour les amorces transparentes. Les résultats d'autres études vont dans le même sens (en anglais : Mann et Singson, 2003renvoi vers ; en italien : Burani et coll., 2002renvoi vers). Les enfants utilisent donc les unités morphologiques quand ils lisent, quelle que soit l'orthographe (en italien, en allemand et en anglais). Néanmoins, le recours à de telles unités est sous la dépendance de facteurs phonologiques jusqu'à une époque tardive.

Rôle des méthodes d'apprentissage de la lecture

Les recherches dans ce domaine sont essentiellement anglo-saxonnes. Il y a toutefois quelques études francophones, entre autres, celles de Braibant et Gérard (1996renvoi vers) et de Goigoux (2000renvoi vers).
Les études anglo-saxonnes ont fait l'objet de deux synthèses, suite à une requête du congrès des États-Unis qui, en 1997, a demandé que soit évaluée l'incidence des pratiques pédagogiques sur l'apprentissage de la lecture. Une synthèse porte sur l'incidence des méthodes d'enseignement sur l'apprentissage de la lecture (Ehri et coll., 2001brenvoi vers) ; l'autre sur l'effet d'un entraînement des capacités d'analyse phonémique sur cet apprentissage (Ehri et coll., 2001arenvoi vers)8 .
La première synthèse de Ehri et coll. (2001renvoi vers) inclut 38 études effectuées avec des enfants anglophones scolarisés aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et en Australie. L'effet d'un type particulier de méthode a été évalué en comparant les résultats d'enfants intégrés dans des groupes qui ont bénéficié de méthodes supposées avoir un effet positif sur l'apprentissage de la lecture à ceux d'enfants qui ont été exposés à des méthodes différentes : le groupe dit « témoin ». Les études examinées ont été conduites dans des situations scolaires ordinaires : il ne s'agit donc pas d'expériences de laboratoire. Les différences relevées après l'apprentissage entre les groupes sont présentées en nombre d'écart-type. Des améliorations de l'ordre de 0,20 ; 0,50 et 0,80 écart-type ont été considérées comme étant respectivement faibles, modérées ou importantes (Cohen, 1988renvoi vers).
Cette synthèse avait 4 objectifs principaux :
• évaluer si un enseignement systématique des correspondances grapho-phonémiques aide plus efficacement les enfants à apprendre à lire qu'un enseignement ne tenant que peu, ou pas du tout, compte de ces corres-pondances ;
• évaluer si cet enseignement est plus efficace dans certaines circonstances, entre autres, en fonction, d'une part, de son moment d'introduction, très précoce (c'est-à-dire en 1re année du primaire, voire en grande section de maternelle) ou plus tardif (à partir de la 2e année du primaire) et, d'autre part, des habiletés des enfants : est-ce que ce type de méthode est aussi efficace pour des enfants n'ayant pas été repérés comme étant à risque pour l'apprentissage de la lecture que pour ceux supposés à risque pour cet apprentissage ou pour des lecteurs en difficultés ;
• évaluer si ce type d'enseignement a un effet non seulement sur les capaci-tés de décodage mais également sur la compréhension de texte ;
• enfin, évaluer si les différences sont significatives quelles que soient les méthodes auxquelles ont été exposés les enfants du groupe témoin : entre autres, les méthodes de type « mixte », qui enseignent de façon non systématique le décodage, et les méthodes « whole word » ou « whole language ». Dans la méthode « whole word », les enfants apprennent d'abord quelques mots par cœur ; c'est seulement après cette étape, et en général pas avant la fin de la première année du primaire, que débute l'apprentissage des correspondances grapho-phonémiques. À la différence de cette méthode, dans l'approche « whole language » l'enseignement des correspondances grapho-phonémiques n'est pas différé, il est simplement réalisé en fonction des besoins des enfants.
L'effet moyen d'un enseignement systématique des relations grapho-phonémiques a été évalué sur les performances des enfants en lecture et en écriture de mots ainsi qu'en compréhension de textes, comparativement aux autres méthodes. Les principaux résultats sont présentés dans les figures 2.8aRenvoi vers (avantage de la méthode phonique selon la tâche) et 2.8bRenvoi vers (avantage de la méthode phonique selon le niveau de lecture et le niveau socio-économique : moyenne sur les 4 tâches).
Comme l'indique la figure 2.8aRenvoi vers, un enseignement systématique des correspondances grapho-phonémiques en 1re année de primaire, voire dès la grande section de maternelle (sur la figure, les résultats des deux années sont confondus) aide efficacement les élèves. Cette supériorité se manifeste sur toutes les mesures. En revanche, lorsque cette méthode est introduite plus tardivement (à partir de la 2e année du primaire), son impact est plus faible. Ce dernier résultat peut toutefois être biaisé par le fait que la très grande majorité des études comportant un enseignement tardif des correspondances grapho-phonémiques (78 %) a porté sur des enfants en difficultés.
Figure 2.8a Résultats de la méthode phonique selon la tâche (d'après Ehri et coll., 2001brenvoi vers)
De plus, un enseignement systématique des correspondances grapho-phonémiques est particulièrement bénéfique pour les enfants à risque pour l'apprentissage de lecture, en l'occurrence, ceux qui avaient de faibles capacités d'analyse phonémique ou qui étaient intégrés dans des classes spéciales pour enfants en difficultés, ou encore ceux issus des milieux socio-économiques les moins favorisés (voir la figure 2.8bRenvoi vers).
Figure 2.8b Résultats de la méthode phonique selon le niveau de lecture et le niveau socioéconomique : moyenne sur les 4 tâches (d'après Ehri et coll., 2001brenvoi vers)
Parmi les méthodes qui s'appuient systématiquement sur les relations grapho-phonologiques, il a été possible de distinguer trois principales approches : celles qui utilisent les correspondances entre les graphèmes et les phonèmes, celles qui s'appuient sur des unités plus larges telles que les rimes des mots et les approches mixtes. Ces trois approches ont toutes une incidence positive sur la lecture, les meilleurs résultats étant toutefois relevés quand sont enseignées les relations grapho-phonémiques. Enfin, les méthodes s'appuyant systématiquement sur les relations grapho-phonologiques se sont avérées être supérieures à toutes les autres méthodes, y compris aux méthodes mixtes qui enseignent ces relations, mais de façon non systématique.
Les résultats des études intégrées dans cette synthèse sont robustes : ils ont été relevés systématiquement quelle que soit la taille des groupes (20 enfants dans certaines études contre 320 dans d'autres), et quel que soit le mode d'affectation dans les groupes (dans 63 % des études cette affectation n'a pas été effectuée au hasard). Comme le soulignent les auteurs, ces résultats permettent d'avancer qu'un enseignement systématique et précoce des relations grapho-phonémiques aide plus efficacement les élèves qu'une approche peu, ou pas du tout, centrée sur ces relations.
Deux études francophones, celle de Braibant et Gérard (1996renvoi vers) et celle de Goigoux (2000renvoi vers), ont évalué l'impact d'une méthode centrée sur le décodage comparativement à celui d'une méthode idéovisuelle, qui rejette l'enseignement des relations grapho-phonémiques parce que le recours à la phonologie ralentirait la vitesse de lecture et nuirait à la compréhension. L'hypothèse de ces études était que les enfants ayant bénéficié d'un enseignement idéovisuel devraient avoir des performances supérieures à celles des enfants soumis à un enseignement centré sur le décodage, particulièrement en compréhension de textes écrits.
L'étude de Braibant et Gérard a été conduite auprès de 450 enfants scolarisés dans 25 classes de 2e année de 12 écoles francophones de l'agglomération bru-xelloise. Les caractéristiques de cette population étaient proches des moyennes de référence (origine sociale, âge, sexe, retard scolaire...). La nécessité de ne pas favoriser les élèves qui ont appris à lire selon une méthode plutôt qu'une autre a conduit les auteurs à renoncer à une évaluation des compétences de lecture à voix haute, cette tâche étant généralement utilisée uniquement par les enseignants qui utilisent une méthode phonique. De même, les capacités de compréhension n'ont pas été évaluées par un test qui implique le recours à des stratégies d'anticipation contextuelles, ce type de stratégies étant privilégié par les enseignants pratiquant une méthode idéovisuelle.
Les capacités de décodage ont été évaluées par une épreuve de lecture silencieuse. Un dessin sous lequel était écrit un mot était présenté aux enfants qui devaient décider si ce mot correspondait bien à celui représenté par l'image. Cette épreuve comportait des « mots inadaptés », par exemple, le mot « boire » sous le dessin d'une « poire ». La compréhension a été évaluée par un test dans lequel l'enfant devait choisir, parmi 4 images, celle qui corres-pondait à un petit texte écrit. Par exemple, le texte « il est temps de se lever pour aller à l'école » était accompagné des images suivantes : l'une avec une maman montrant l'heure à sa fille qui était dans son lit, sur une autre figu-raient deux enfants sur le chemin de l'école, les deux dernières images présentaient respectivement une maman lavant sa petite fille et deux enfants en train de se laver. Trois principaux constats ressortent de cette étude.
Tout d'abord, le niveau de lecture en 2e année du primaire (capacités de décodage et de compréhension) est largement expliqué par la méthode d'enseignement et les pratiques pédagogiques, le pouvoir explicatif de ces variables étant bien plus important que celui des facteurs socioculturels. Les autres facteurs associés à la réussite en lecture sont principalement la langue parlée à la maison et les compétences linguistiques des enfants. Ces deux facteurs n'ont toutefois pas la même incidence sur les différentes mesures des capacités de lecture. Ainsi, les enfants qui ne parlent pas le français à la maison comprennent moins bien ce qu'ils lisent, alors que leurs capacités de décodage sont aussi bonnes que celles des enfants dont la langue maternelle est le français. De même, les compétences linguistiques (vocabulaire, capacités syntaxiques) interviennent dans la réussite au test de compréhension alors qu'elles n'influencent pas de manière significative les capacités de décodage.
Ensuite, quelle que soit l'origine sociale des élèves, l'approche idéovisuelle est moins efficace que l'approche phonique. En fait, comme l'indiquent les résultats présentés dans la figure 2.9Renvoi vers, les enfants de milieux les moins favorisés qui ont été exposés à une méthode enseignant le décodage ont des résultats supérieurs à ceux des enfants de milieu plus favorisés confrontés à une méthode idéovisuelle, et ce encore une fois tant dans le test évaluant leurs capacités de décodage que dans celui évaluant leurs capacités de compréhension.
Enfin, les enfants soumis à une approche idéovisuelle ont des scores plus faibles que ceux de l'autre groupe, en plus, cette approche augmente les différences entre les élèves et les classes. En revanche, les résultats des enfants qui ont été exposés à une approche phonique sont plus élevés mais aussi plus homogènes. Par exemple, dans le test de compréhension écrite supposé pourtant leur être plus favorable que le test de décodage, près de 50 % des élèves exposés à une méthode idéovisuelle ont obtenu un score faible (inférieur au percentile9 25), près de 25 % d'entre eux ayant même des résultats très faibles (inférieurs au percentile 10). De très bons résultats (supérieurs au percentile 75) n'ont été relevés que chez 10 % de ces enfants. Sur la base des mêmes calculs, 20 % des enfants exposés à une méthode phonique ont obtenu de très bons scores dans la même épreuve, et seulement 10 % des scores faibles.
Ces données ont été confirmées par une étude longitudinale française (Goigoux, 2000renvoi vers). D'après les résultats aux épreuves développées pour cette étude (compréhension et connaissance du code) mais aussi d'après ceux de l'évaluation nationale à l'entrée au CE2, les scores des enfants exposés à une méthode idéovisuelle sont inférieurs à ceux des enfants qui ont bénéficié de la méthode phonique.
Figure 2.9 Résultats aux tests de compréhension et de décodage en fonction de l'approche pédagogique et du milieu socioculturel des enfants (MSC+ ou MSC- : milieu favorisé et défavorisé, d'après Braibant et Gérard, 1996renvoi vers)
Ainsi, d'après ces travaux, l'enseignement systématique des correspondances grapho-phonémiques est plus efficace que toutes les autres méthodes et l'impact de ce type d'enseignement est plus fort lorsqu'il débute précocement. Les enfants exposés à ce type d'enseignement obtiennent des résultats significativement supérieurs à ceux des enfants qui ont bénéficié d'autres méthodes, non seulement dans les activités de décodage, mais aussi en compréhension de textes écrits. Enfin, ce type d'enseignement est particulièrement bénéfique pour les enfants à risque de difficultés d'apprentissage de la lecture, soit en raison de la faiblesse de leur langage oral, soit du fait de leur milieu socioculturel.

Rôle du décodage dans l'apprentissage de la lecture

D'autres études indiquent que la maîtrise du décodage est le sine qua non de l'apprentissage de la lecture. Cela peut s'expliquer par le fait que le décodage permet de lire tous les mots réguliers, qu'ils soient ou non connus. Cette procédure de lecture fonctionne également, au moins partiellement, pour la lecture de mots irréguliers qui contiennent toujours des correspondances grapho-phonémiques régulières. On peut donc les lire en partie correctement en utilisant les correspondances graphème-phonème et, par une confrontation avec le lexique oral, corriger ensuite les erreurs. En effet, si on lit le mot « femme » en utilisant les relations grapho-phonémiques les plus fréquentes, on obtient l'item /fεm/ qui n'existe pas. Dans la mesure où un mot fréquent de prononciation voisine existe /fam/, on peut inférer que le « e » de « femme » doit être lu /a/, comme dans les adverbes en « emment ». En fonction de la fréquence des correspondances grapho-phonémiques et de celle des mots, des associations fortes entre unités orthographiques et phonologiques peuvent ainsi se créer, tant au niveau sublexical (entre graphèmes et phonèmes), qu'au niveau lexical (entre représentations orthographiques et phonologiques du mot), voire à des niveaux intermédiaires (les rimes, en anglais), permettant ainsi à l'apprenti-lecteur de dépasser le stade du déco-dage lent et laborieux, et de lire tous les mots, y compris ceux qu'il n'a jamais rencontrés, par l'une ou l'autre des deux procédures de lecture.
Le rôle du décodage dans l'acquisition de la lecture a été mis en relief par des études qui ont montré que les enfants ayant au départ les meilleurs scores en lecture de pseudo-mots progressent le plus, y compris en lecture de mots irréguliers (Byrne et coll., 1992renvoi vers). Dans d'autres études, des corrélations positives entre réponses correctes et production d'erreurs phonologiques ont été relevées. Ainsi, les enfants qui, au début de l'apprentissage, font surtout des erreurs de régularisation sur les mots irréguliers sont aussi ceux qui produisent le plus de réponses correctes, ce qui est surprenant, les erreurs étant généralement négativement corrélées aux réponses correctes (Sprenger-Charolles et coll., 1998brenvoi vers). D'autres évidences viennent d'études qui ont comparé les effets d'entraînements phonologiques et visuels. Les résultats signalent que les entraînements phonologiques sont les plus efficaces. Ainsi, au tout début de l'apprentissage, des enfants incapables de décoder même des mots très simples apprennent plus facilement les mots associés à des indices phonologiques qu'à des indices visuels (Ehri et Wilce, 1983renvoi vers ; Laing et Hulme, 1999renvoi vers). Des résultats similaires ont été obtenus avec des enfants plus âgés (2e primaire, Share, 1999renvoi vers). Cette recherche a été effectuée en hébreu qui possède une orthographe transparente au niveau des correspondances grapho-phonémiques, tout au moins quand les voyelles sont explicitement transcrites, ce qui était le cas. Les items tests, des pseudo-mots représentant des noms fictifs de villes, d'animaux, de fleurs... ont été présentés dans des textes courts. Trois jours après la première présentation, on a demandé aux enfants de rappeler l'histoire. Puis, on leur a présenté quatre orthographes différentes des items-tests : l'item-test lui-même, un homophone, un item visuellement similaire (modification d'une lettre), et un item comportant une transposition de deux lettres. Les items-tests sont mieux et plus vite reconnus que les autres. De plus, dans des conditions qui interfèrent avec le traitement phonologique (écoute simultanée de productions non pertinentes), l'effet de l'apprentissage est fortement réduit. Enfin, la contribution d'un apprentissage visuel (des symboles non-alphabétiques remplaçant les lettres de l'hébreu) est très faible. L'auteur en conclut que le décodage est la clé de l'apprentissage de la lecture, non seulement pour les débutants mais plus largement quel que soit le niveau d'habileté du lecteur.
Le décodage a donc un rôle crucial dans la dynamique développementale. En conséquence, tout déficit de cette procédure doit entraîner des difficultés de mise en place du lexique orthographique. Si, comme il est maintenant largement admis, les enfants qui souffrent de difficultés spécifiques et sévères d'apprentissage de la lecture – les dyslexiques – présentent des déficiences dans les traitements impliquant la phonologie (Ramus, 2003renvoi vers), le décodage ne devrait pas se mettre correctement en place chez eux, ni par voie de conséquence, la procédure lexicale. En conséquence, on ne devrait pas rencontrer de profils dissociés de type dyslexie phonologique (caractérisée par un déficit spécifique de la procédure phonologique de lecture) ou dyslexie de surface (caractérisée par un déficit spécifique de la procédure lexicale de lecture) dans la dyslexie du développement.

En conclusion,

l'apprentissage de la lecture dépend de la transparence des correspondances grapho-phonémiques, qui est très élevée dans certaines langues (en espagnol) et très faible dans d'autres (en anglais), le français occupant une position intermédiaire. De fait, les scores de lecture les plus bas s'observent chez les anglophones, et les plus hauts chez les hispanophones. Ces résultats s'expliquent bien à la lumière de ceux obtenus en français. En effet, en milieu de CP, les scores en lecture de mots réguliers et de pseudo-mots ne diffèrent pas et sont supérieurs à ceux relevés pour les mots irréguliers (comme « sept »), alors très faibles. En quelques mois (fin CP), le tableau se modifie fortement. Les mots réguliers sont alors mieux lus que les pseudo-mots, eux-mêmes mieux lus que les mots irréguliers. Cela provient sans doute de ce que les mots réguliers bénéficient à la fois de la régularité et de la fréquence d'exposition. Ni la fréquence d'exposition seule, ni la régularité seule suffisent, comme l'indique la progression plus faible relevée pour les mots irréguliers d'une part, et pour les pseudo-mots d'autre part, comparativement aux mots réguliers. Ces données permettent de comprendre pourquoi les progrès des enfants espagnols sont si rapides alors que l'apprentissage de la lecture est lent et laborieux en anglais. Les facteurs linguistiques induisent également des différences qualitatives. Ainsi, la procédure lexicale est davantage utilisée quand l'orthographe est opaque, probablement pour compenser les difficultés de mise en œuvre du décodage. Les facteurs linguistiques induisent aussi des différences dans les unités de lecture utilisées. Par exemple, l'anglais favorise une plus grande utilisation des rimes des mots parce que, dans cette langue la prononciation des voyelles dépend largement des consonnes qui suivent. En revanche, les rares études dans le domaine de la morphologie indiquent que, quelle que soit la langue, les enfants utilisent des unités morphologiques quand ils lisent. Toutefois, cette capacité est sous la dépendance de facteurs phonologiques jusqu'à une période tardive. Enfin, quelle que soit la langue, c'est la capacité de décodage qui détermine le succès de l'apprentissage de la lecture, les meilleurs décodeurs précoces étant ceux qui progressent le plus.
Ces données permettent de comprendre pourquoi l'enseignement systématique, et précoce, des correspondances grapho-phonémiques est celui qui aide le plus efficacement les élèves. De plus, ce type d'enseignement se révèle particulièrement bénéfique pour les enfants de milieu socioéconomique défavorisé, et pour ceux signalés à risque pour l'apprentissage de lecture. Ces données permettent aussi de comprendre pourquoi les entraînements à l'analyse phonémique ont un effet sur l'apprentissage de la lecture, qui est toutefois plus important si, en plus, les enfants pouvaient manipuler les lettres correspondant aux phonèmes, ce qui suggère que le développement de la conscience phonémique est un facteur important dans l'apprentissage de la lecture, mais pas une condition suffisante. Elles permettent enfin de comprendre pourquoi les prédicteurs les plus fiables de l'apprentissage de la lecture sont les capacités d'analyse phonémique et le niveau de connaissance des lettres, auxquelles s'ajoutent les habiletés de dénomination rapide et de mémoire phonologique à court terme. En comparaison, le poids des habiletés non verbales et des facteurs socioculturels, est moindre. De même, les preuves à l'appui d'une contribution précoce des capacités d'analyse d'unités phonologiques plus larges (syllabe, attaque-rime et morphème) sont faibles. Ces résultats proviennent sans doute de ce que les capacités d'ana-lyse phonémique sont cruciales au début de l'apprentissage de la lecture dans une écriture alphabétique, parce qu'elles permettent à l'enfant d'accéder au principe de ce type d'écriture. En revanche, le niveau d'intervention des capacités de dénomination rapide est moins clair. On peut toutefois supposer que, quand l'enfant utilise le décodage, cette capacité lui permettrait d'accéder de façon rapide et précise au mot oral qui correspond à la chaîne de lettres qu'il a décodée, ce qui faciliterait la création de liens entre code orthographique et code phonologique des mots. Vu le très fort pouvoir prédictif de cette capacité, l'utilisation de ce type de tâche dans les batteries prédictives doit être recommandée.

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