2007


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Communications

Résultats préliminaires d'une étude épidémiologique au CE1

Pendant l'année scolaire 2005-2006, une expérimentation a été menée dans 20 écoles parisiennes scolarisant plus de 1 000 enfants de CE1. Elle a été le fruit d'une collaboration étroite entre plusieurs partenaires : l'Inspection académique de Paris, les inspecteurs de circonscription, les directeurs, enseignants et réseaux d'aide des écoles concernées, la Direction de l'action sociale de l'enfance et de la santé de Paris et les médecins scolaires, plusieurs équipes de recherche en neurosciences et en psychologie cognitive, le Centre de référence sur les troubles des apprentissages de Bicêtre1 .
Il s'agissait, à l'instar des grandes études dans les pays anglo-saxons, de réaliser :
• une enquête épidémiologique transversale sur les compétences en lecture, orthographe et calcul d'une population de plus de 1 000 enfants de CE1 ;
• une étude sur les facteurs en cause dans les difficultés d'apprentissage : cognitifs, médicaux, socioculturels, comportementaux ;
• une évaluation rigoureuse d'une aide à la lecture et au calcul, réalisée en milieu scolaire, à l'aide de logiciels ludiques mis au point par les équipes de recherche participantes selon les connaissances actuelles en sciences cognitives.
Ce sont les résultats préliminaires de toutes les données de cette étude, en cours de publication, qui sont décrits. Toutes les analyses ne sont évidemment pas terminées.

Phase 1 : enquête transversale de l'ensemble de la cohorte

Méthodologie

L'enquête a concerné tous les enfants scolarisés en CE1 des 20 écoles participantes. La méthodologie a consisté en une première évaluation semi-collective par groupes de 8 à 11 enfants, effectuée par les neuropsychologues de l'équipe de recherche, à l'aide de tests étalonnés, ceci pendant les quinze premiers jours de janvier 2006. Les conditions de la passation et le temps de chaque épreuve ont été identiques dans chaque école. Une passation « préalable » a été effectuée sur 40 enfants différents de la cohorte. Les résultats des enfants primo-arrivants ont été exclus.
La lecture a été évaluée par le Timé 2 (Ecalle, 2003renvoi vers) qui est un test de reconnaissance de mots comportant des mots corrects, des intrus homophones, phonologiquement ou visuellement proches, ainsi que des intrus sans rapport avec la cible. L'orthographe a été évaluée par l'item de CE1 de la batterie BREV (Billard et coll., 2001renvoi vers) à laquelle a été ajoutée une dictée de 8 syllabes. Le calcul a été évalué par la Batelem-R CE1-CE2 (Savigny, 1996renvoi vers).
Les écoles ont été classées en 3 zones selon leur appartenance ou non à un réseau d'éducation prioritaire (REP)2 . Le nombre d'enfants était réparti comme suit :
• 329 enfants en zone non REP (zone dans laquelle le pourcentage d'élèves dont le chef de famille appartient à un milieu défavorisé est inférieur à 25 %) ;
• 364 élèves en zone REP 1 (zone dans laquelle le pourcentage d'élèves dont le chef de famille appartient à un milieu défavorisé est inférieur à 45 %, soit REP 1 et 2 du classement des écoles de Paris) ;
• 327 élèves en zone REP 2 (zone dans laquelle le pourcentage d'élèves dont le chef de famille appartient à un milieu défavorisé est supérieur ou égal à 45 % soit REP 3 et 4 du classement des écoles de Paris).
En dehors de ces 1 020 enfants scolarisés en CE1, tous les enfants redoublant le CP appartenant aux mêmes écoles, nés en 1998 comme les enfants de CE1, soit 43 enfants ont été analysés séparément car ils n'ont pas participé à l'évaluation collective. Ils ont été considérés comme a priori en difficulté et examinés individuellement par les tests de lecture de la seconde phase, la dictée de CP de la batterie BREV enrichie des 8 syllabes et le subtest de calcul de la batterie BREV (figure 1Renvoi vers).
Figure 1 Méthodologie de l'étude

Résultats pour l'ensemble de la cohorte

L'échantillon est constitué de 53 % de garçons et 47 % de filles. Les compétences selon le sexe ne sont pas significativement différentes en lecture et orthographe, mais le sont en ce qui concerne le score de calcul qui est plus élevé chez les garçons que chez les filles (p < 0,000).
Six enfants sont scolarisés avec une année d'avance, 64 avec une année de retard, et 2 avec deux années de retard.
La moyenne en lecture de l'ensemble de la cohorte des 1 020 enfants représentative des différents environnements socioculturels (un tiers d'enfants scolarisés en zone d'éducation non prioritaire, un tiers en zone d'éducation prioritaire modérément défavorisée, un tiers en zone très défavorisée), est normale pour l'âge chronologique et compatible avec le niveau de scolarité. Il en est de même du score de calcul qui correspond à un niveau de février-mars CE1 (tableau Irenvoi vers).
Si on inclut les enfants redoublant leur CP, la cohorte est de 1 063 enfants. Dans cette cohorte, 114 enfants (10,7 %) ont un retard entre leur âge chronologique et leur âge de lecture de 12 mois ou plus, dont 36 de 18 mois ou plus (3,5 %). Parmi eux, 14, 5 % ont un score inférieur à -1 écart-type de la moyenne en dictée, et 17,9 % à -1 écart-type de la moyenne en calcul. La corrélation entre les différents apprentissages est très significative.

Scores d'apprentissages selon la zone de scolarisation

Les résultats concernant les compétences des enfants de la cohorte montrent un effet très significatif de la zone de scolarisation (p < 0,0000) dans tous les apprentissages (tableau Irenvoi vers et figure 2Renvoi vers). Les difficultés d'apprentissage dépendent donc de l'environnement socioculturel de l'école où l'enfant est scolarisé. Néanmoins, la différence du niveau de lecture n'est significative qu'en ce qui concerne les enfants de la REP 2, zone d'éducation prioritaire très défavorisée. Ces enfants sont plus en difficultés de lecture que les enfants de la zone non REP et de la zone REP 1, modérément défavorisée.

Tableau I Données moyennes, écart-type, minima et maxima de la cohorte de 1 020 enfants de CE1 en lecture, orthographe et calcul selon la zone de scolarisation

 
Nombre sujets
Âge (mois)(1)
Âge lexical Timé 2 (mois)
Retard lecture (mois)
Dictée (/20) (score en mots corrects)
Calcul Batelem (/320) (score en points)(3)
Zone non REP
329
89,8 (4,5)
75-108
91,9 (4,8)
72-107
2,1 (6,6)
22 à -30
16,9 (2,7)
2-20
194 (69)
0-320
Zone REP 1
364
90,7 (4,8)
80-111
90,3 (5,7)
73-98
-0,4(2) (7,8)
15 à -35
16,1 (3,9)
0-20
180 (71)
10-320
Zone REP 2
327
91,6 (5,5)
79-112
87,4 (6,2)
73-97
-4,2 (8,5)
16 à -34
14,1 (4,4)
0-20
140 (64)
20-300
Toutes zones
1 020
90,5 (4,9)
75-112
90,3 (5,7)
72-107
0,2 (7,9)
22 à-35
16 (3,7)
0-20
176 (72)
0-320
1Âge chronologique en janvier 2006 2Les résultats en négatif correspondent à une avance en lecture3Le score normal en janvier CE1 est de 165
Figure 2 Représentation des scores de lecture, dictée et calcul selon les 3 zones (non REP, REP 1, REP 2) de la cohorte de 1 020 enfants de CE1
Les caractéristiques de la population des 43 enfants redoublant le CP et scolarisés dans les mêmes écoles que la cohorte des 1 020 enfants sont décrites dans le tableau IIrenvoi vers.

Tableau II Caractéristiques des 43 enfants redoublants le CP

Zone
(nombre d'enfants)
Âge chronologique (mois)
Âge lecture (mois)
Syllabes lues Batelem
(nombre de syllabes correctement lues)
Dictée
niveau CP (/18)
Calcul BREV
(moyenne mi-CP : 6,3)
Non REP (6)
90,6
76,0
6,0
13,0
5,3
REP 1 (26)
89,7
78,1
9,5
8,8
5,5
REP 2 (11)
89,7
75,6
6,1
6,7
5,7
Toutes zones
89,8
77,4
8,5
8,7
5,5

Comparaison du groupe d'enfants normolecteurs et du groupe d'enfants faibles lecteurs dans l'ensemble de la cohorte et selon le lieu de scolarisation

Parmi les 1 020 enfants de CE1, 740 peuvent être considérés comme « sans difficultés » car leur niveau de lecture était normal, c'est-à-dire supérieur à -0,5 écart-type de la norme pour l'âge. À l'inverse, 191 enfants constituent le groupe des enfants suspects d'être « en difficultés » car leurs scores en lecture ou orthographe sont inférieurs à -1 écart-type de la moyenne de la cohorte. Les 89 enfants restants sont représentés par les enfants avec un score en lecture intermédiaire, c'est-à-dire ≤-0,5 écart-type et ≥-1 écart-type.
Les compétences respectives dans les apprentissages des 740 normolecteurs et 191 enfants suspects d'être en difficultés sont détaillées dans le tableau IIIrenvoi vers.

Tableau III Caractéristiques des apprentissages dans le groupe normolecteur et le groupe des enfants en difficultés

Groupe d'enfants
Âge chronologique (mois)
Âge lecture
Retard lecture (mois)
Dictée
score
Calcul
score
740 « sans difficultés »
90,3
92,3
2
17,3
190,7
191 « en difficultés »
91,7
81,3
–10,4(1)
10,1
108,2
1Les résultats négatifs témoignent d'un retard en lecture
Si l'on considère les scores des 740 enfants sans difficultés, les différences d'apprentissages en fonction de la zone restent grandes mais ne sont significatives qu'en ce qui concerne la zone REP 2 la plus défavorisée. Le pourcentage d'enfants sans difficultés en zone REP 2 est nettement plus faible (53,8 % versus 82,7 % en zone non REP et 80,5 % en REP 1). Néanmoins, les différences des scores sont émoussées puisqu'il n'y a en moyenne que 1 mois de différence d'âge lexical entre les enfants des zones les plus favorisées et ceux des zones les plus défavorisées (tableau IVrenvoi vers et figure 3Renvoi vers). Même dans les zones les plus défavorisées, les enfants sans difficultés ont un âge de lecture au moins égal à leur âge chronologique. Le score en dictée n'est inférieur que dans la zone la plus défavorisée et la différence est faible : de 0,5/20 pour une moyenne de 17,3. Il en est de même en mathématiques où la moyenne la plus faible concerne les zones les plus défavorisées et reste normale pour la classe suivie (score de janvier CE1).

Tableau IV Caractéristiques du groupe de 740 enfants sans difficultés en fonction de la zone REP

 
Nombre
Âge chronologique
Âge lexical
(mois)
Retard lecture
Dictée
score
Calcul
score
Zone non REP
272
89,8
93,6
-3,0
17,4
200
Zone REP 1
293
90,4
93,5
-2,2
17,3
193
Zone REP 2
175
91,0
92,6
-0,4
16,8
163
p
 
< 0,02
< 0,0005
< 0,0000
< 0,006
< 0,0000
Figure 3 Score de lecture en âge lexical des 740 enfants sans difficultés selon la zone REP (non REP, REP 1 et REP 2)

Phase 2 : étude des facteurs en cause dans les difficultés en langage écrit

Seuls les résultats préliminaires descriptifs sont indiqués. Les études statistiques précises sont en cours de réalisation.

Méthodologie

Dans un second temps (voir figure 1Renvoi vers), les enfants ayant un score en lecture ou en dictée inférieur à -1 écart-type de la population3 ont été examinés en individuel pour confirmer ou non leurs difficultés en lecture par le test de leximétrie de l'Alouette (Lefavrais, 2005renvoi vers), l'analyse du code graphème-phonème de la Batelem-R (Savigny, 1996renvoi vers) et la compréhension de lecture d'un texte oralisé d'un niveau fin de CP-CE1 (texte de « Pacha »). Cette seconde phase de l'étude a donc été proposée aux 22 % d'enfants les plus en difficultés de lecture, soit :
• 191 enfants de CE1 ;
• 43 enfants également nés en 1998 redoublant leur CP.
L'objectif était de confirmer et préciser en individuel la réalité et la sévérité du retard de lecture. Après cette vérification en individuel des difficultés de lecture, une évaluation complémentaire a été proposée chez 142 enfants (voir figure 1Renvoi vers), afin de préciser les stratégies de lecture et les facteurs en cause dans les difficultés de lecture.
Les 142 enfants qui en ont bénéficié sont :
• les enfants dont le niveau de décodage en individuel était inférieur ou égal à un score de janvier CP (15 syllabes lues à la Batelem-R) ;
• plus 5 enfants redoublant le CE1 ayant un score supérieur à la limite en décodage mais un retard d'âge de lecture concordant aux 3 tests utilisés (Timé 2, Batelem-R, Alouette) de 16 mois ou plus.
Compte tenu de la sur-représentation d'enfants en difficultés dans la zone de scolarisation très défavorisée (REP 2), la même évaluation a été proposée à un groupe témoin de 48 enfants issus de la phase 1 (voir figure 1Renvoi vers : groupe « A »). Ce groupe témoin, dont le niveau de lecture est tout à fait normal, a été apparié par rapport aux enfants faibles lecteurs, selon la classe fréquentée, le sexe et l'âge. L'objectif est de pouvoir comparer dans les mêmes conditions socioculturelles de zone de scolarisation un groupe d'enfants en difficultés de lecture avec un groupe d'enfants normolecteurs.
Cette évaluation complémentaire a comporté six parties :
• un examen médical réalisé par les médecins scolaires, portant sur les antécédents périnatals, les affections médicales connues, les soins (orthophoniques ou psychologiques) mis en place, l'examen neurologique, l'audition et la vision4  ;
• une évaluation de leurs fonctions cognitives verbales (phonologie, lexique, syntaxe, fluence et compréhension syntaxique) et non verbales (graphisme, perception et attention visuelles, planification et raisonnement spatial) par la batterie BREV validée en comparaison à une batterie de référence (Billard et coll., 2002arenvoi vers et brenvoi vers, 2006renvoi vers) ;
• une évaluation des stratégies de lecture par la batterie informatisée Evalec (Sprenger-Charolles et coll., 2005renvoi vers) donnant la précision et le temps de lecture de syllabes, pseudo-mots et mots réguliers et irréguliers ;
• une évaluation des différentes compétences sous-jacentes à la lecture : RAN (dénomination rapide de mots), mémoire phonologique à court terme, compétences phonologiques (discrimination de sons, soustraction de syllabe, soustraction de phonème) ;
• une évaluation du comportement par le questionnaire Child Behaviour Checklist (CBCL ; Achenbach et Rescorla, 1999renvoi vers), destiné aux enseignants ;
• un questionnaire destiné aux parents sur les conditions socioculturelles et linguistiques familiales5 .
L'objectif de cette phase 2 est d'une part de préciser les facteurs en cause dans les difficultés de lecture, d'autre part de sélectionner les enfants les plus en difficultés spécifiques qui participeront à l'évaluation d'entraînements pédagogiques en milieu scolaire (phase 3).

Résultats

Les enfants dont l'évaluation individuelle a confirmé un niveau de décodage insuffisant (inférieur au 10centile au code grapho-phonémique de la batelem-R), et/ou un niveau de leximétrie à l'alouette inférieur d'au moins 12 mois par rapport à l'âge chronologique, étaient majoritairement scolarisés en zone REP 2 très défavorisée : 23,2 % de la population scolarisée dans cette zone. Ils étaient moins fréquemment scolarisés en zone REP 1 : 17,4 % de la population, ou en zone non REP : 2,7 % de la population. Cette confirmation de la fréquence hétérogène de difficultés de lecture confirmées selon la zone de scolarisation nous a amené à analyser les facteurs en cause dans les difficultés de lecture en comparaison à une population de témoins bons lecteurs (voir figure 1Renvoi vers) appariés par l'école de scolarisation, l'âge et le sexe. Il s'agit de préciser dans chaque zone de scolarisation ce qui différencie les enfants faibles lecteurs des bons lecteurs.

Antécédents périnatals

Les antécédents périnatals sont rares dans le groupe d'enfants faibles lecteurs (7 enfants sur 113 avaient un petit poids naissance entre 1 500 et 2 500 g et 2 un poids inférieur à 1 500 g). Il en est de même dans le groupe des enfants normolecteurs (1 sur 48). Les antécédents de prématurité sont également rares (respectivement 5/113 et 0/48).
Les déficits d'acuité visuelle (acuité visuelle inférieure à 5/10e) sont moins fréquemment retrouvés chez les faibles lecteurs que chez les normolecteurs (14,4 % versus 16,7 %). Trois des enfants faibles lecteurs ont un déficit modéré de l'audition et ceci ne concerne aucun enfant normolecteur. Ces trois enfants n'ont pas de trouble important du langage oral et leurs compétences phonologiques sont similaires aux autres enfants.
Les antécédents périnatals ou médicaux sont rares chez les enfants en difficultés d'acquisition du langage écrit.

Soins

Un peu plus d'un tiers des enfants faibles lecteurs sont suivis en orthophonie (tableau Vrenvoi vers) et un quart sur le plan psychologique. Il n'y avait pas de différence claire dans l'intensité du déficit en lecture et en langage oral, lors de l'évaluation de janvier 2006, entre les deux groupes d'enfants rééduqués en orthophonie ou non. Les enfants rééduqués ne sont pas plus âgés (et n'ont pas plus progressé au cours de l'année que ceux non rééduqués) (tableau Vrenvoi vers).
Sept enfants normolecteurs (14,8 %) sont suivis en orthophonie et 3 (6,5 %) sur le plan psychologique. Pour deux de ces enfants normolecteurs, la persistance de difficultés du langage oral et la persistance d'un discret retard de lecture d'environ cinq mois par rapport à leur âge chronologique évoquent un trouble spécifique et sévère du langage oral, ce qui explique la discrète supériorité du retard de lecture moyen, de l'évolution en lecture et du déficit en langage oral des enfants normolecteurs rééduqués en comparaison à ceux sans rééducation. Pour les quatre autres enfants normolecteurs rééduqués en orthophonie, les tests de langage oral sont similaires à ceux de tous les autres enfants normolecteurs et ils n'ont aucun retard de lecture.

Tableau V Pourcentages et caractéristiques des enfants rééduqués (R) ou non rééduqués (NR) en orthophonie

 
Orthophonie oui
Orthophonie non
Âge chronologique (mois) R/NR(2)
Retard lecture(1) (mois)
R/NR(2)
Progrès en lecture (mois)
R/NR(2)
Score verbal
R/NR(2)
Faibles lecteurs
35,9 %
64 %
93,4/93
-14,3/-13,1
3,6/6,2
-3,7/-3,2
Normolecteurs
14,8 %
85,2 %
90,4/92
-4,1/-1
4,5/2,4
-3,4/-2
1Différence entre l'âge chronologique et l'âge de lecture exprimés en mois 2R/NR : rééduqués/non rééduqués
Les enfants les plus en difficultés de lecture semblent relativement rarement rééduqués en orthophonie et il apparaît que les indications seraient sans lien direct avec la sévérité et le profil de leur trouble.

Compétences cognitives non verbales et verbales

Parmi les enfants en difficultés de lecture ayant bénéficié de la phase 2, 18 enfants ont été écartés de la phase suivante (Phase 3 : évaluation des entraînements), du fait d'un déficit intellectuel repéré par le score non verbal de la BREV inférieur à –3 écarts-types et/ou confirmé par l'échelle de Weschler pratiquée par les psychologues scolaires.
Cinq des 48 enfants normolecteurs (soit 8,7 %) ont également un score non verbal inférieur à –3 écart-types. Tous ces enfants normolecteurs ont à tous les tests de lecture un niveau égal ou supérieur à leur âge chronologique. Deux d'entre eux ont une faible compréhension en lecture de texte, les 3 autres ont une compréhension normale. Trois de ces enfants normolecteurs avec un déficit des fonctions non verbales ont également un déficit des fonctions verbales, 2 autres ont un score verbal normal, évoquant une dyspraxie de développement. Les scores non verbaux et verbaux des enfants faibles lecteurs et des enfants normolecteurs sont détaillés dans le tableau VIrenvoi vers.

Tableau VI Scores non verbaux et verbaux des enfants faibles lecteurs et des enfants normolecteurs

 
Score non verbal BREV (écart-type)
Score non verbal BREV (indice)(3)
Score verbal BREV (écart-type)
Score verbal BREV (indice)(3)
Faibles lecteurs(1)
-1,0
87,5
-3,5
80,6
Normolecteurs (n=48)
-0,9
91,2
-2,3
87,8
Normolecteurs (n=43)(2)
-0,53
94,3
-2,2
88,6
1Après exclusion des 18 enfants faibles lecteurs ayant un déficit des fonctions non verbales 2Après exclusion des 5 enfants normolecteurs ayant un déficit des fonctions non verbales 3Indice soit le score ramené à la moyenne normale pour l'âge
L'existence d'un déficit intellectuel non verbal peut être en cause dans les difficultés d'acquisition de la lecture. Néanmoins, le niveau cognitif non verbal n'est pas réellement différent selon que les enfants ont ou non des difficultés en lecture. Les compétences en langage oral (score verbal à la BREV) sont globalement faibles dans cette cohorte, particulièrement chez les enfants les plus en difficultés.

Fonctions cognitives sous-jacentes à la lecture

Une première analyse des apprentissages et des différents facteurs cognitifs en cause dans les difficultés de lecture est détaillée dans le tableau VIIrenvoi vers, en comparant les enfants en difficultés de lecture et ceux normolecteurs. Les enfants en difficultés de lecture sont divisés en deux groupes : l'un est constitué des plus faibles lecteurs qui bénéficieront de la phase 3 c'est-à-dire de l'entraînement en milieu scolaire (« entraînés »), l'autre d'enfants faibles lecteurs mais de niveau discrètement supérieur au groupe précédent et qui de ce fait, ne seront pas entraînés (« FL non entraînés », groupe « B » dans le graphique de méthodologie). Les compétences en métaphonologie sont nettement plus faibles dans la population la plus en difficultés de lecture (enfants entraînés) par rapport aux deux autres groupes, de même que la dénomination rapide (RAN). En revanche, les scores verbaux et non verbaux sont peu différents dans les trois groupes.6

Tableau VII Caractéristiques des 3 groupes (82 enfants très faibles lecteurs entraînés, 29 enfants faibles lecteurs non entraînés (FL), 48 normolecteurs)

 
Âge chronologique (mois)
Syllabes lues
(Batelem)
Mots lus en 1 minute (LUM)
Dictée
Calcul
Batelem
Score non verbal(2)
Score verbal
Lexique(1)
Métaphonologie
MPCT
RAN temps (erreurs)
Discrimination sons (% bonnes réponses)
Entraînés
93
11
12,1
12,2
109,6
87,4
79,4
60,3
12,6
10,7
24,9 (0,3)
82,7
Faibles lecteurs non entraînés (FL)
93,1
18
20,1
14,5
112,9
88
84
56,9
20,4
11,9
23 (0,2)
85,7
Normolecteurs
91,8
24,6
46,2
17,5
154,1
91,2
87,8
62,6
27,5
11,9
19,4 (0,1)
86,9
1MPCT (mémoire phonologique à court terme) : score de répétition de chiffre sur 20 2Score en indice (soit ramené à la moyenne normale pour l'âge)
Comme classiquement décrit dans la littérature, les fonctions les plus en cause dans les difficultés d'acquisition du langage écrit sont les compétences métaphonologiques, la dénomination rapide (RAN), la mémoire phonologique à court terme. En revanche, dans cette population particulièrement défavorisée sur le plan socioculturel, le niveau de vocabulaire et le niveau de raisonnement non verbal (score non verbal à la BREV) ne sont pas différents selon que les enfants ont ou non des difficultés en lecture.

Comportement et caractéristiques socioculturelles

Les troubles comportementaux externalisés appréciés par le questionnaire CBCL rempli par l'enseignant, dans les deux populations d'enfants appariés, (faibles lecteurs d'une part et normolecteurs d'autre part) sont décrits dans le tableau VIIIrenvoi vers, ainsi que les grandes caractéristiques socioculturelles. Seule la fréquence plus importante de troubles comportementaux cliniques internalisés chez les enfants en difficultés de lecture comparativement aux normolecteurs, ressort nettement.

Tableau VIII Résultats préliminaires des questionnaires comportementaux et socioculturels dans les populations d'enfants faibles et normolecteurs

 
Facteurs internalisés(1)(%)
Facteurs externalisés (%)
Quotient familial très défavorisé(2)
Enfants nés hors France
(%)
Bilinguisme(3)(%)
Enfants faibles lecteurs
(103 questionnaires/111 enfants)
19,4
16,5
32,7
12,6
66,4
Témoins normolecteurs
(46 questionnaires / 48 enfants)
6,5
15,2
26,7
14,6
77,7
1Apprécié par le pourcentage d'enfants considérés comme présentant un trouble internalisé ou externalisé clinique au CBCL (%) 2Apprécié par le tarif périscolaire et le prix du ticket de cantine3Langue parlée à la maison non exclusivement française
Les troubles internalisés (anxiété, sentiments dépressifs, plaintes somatiques) sont plus fréquemment rencontrés chez les enfants en difficultés de lecture et peuvent être liés aux conséquences de l'échec scolaire.
Les facteurs socioculturels comme l'appréciation indirecte du quotient familial, le bilinguisme... n'expliquent pas à eux seuls les difficultés en lecture dans cette cohorte.
On peut formuler l'hypothèse d'une intrication entre les faibles compétences phonologiques, la précarité sociale et linguistique à l'origine des difficultés en lecture dans cette cohorte.

Phase 3 : évaluation d'un entraînement en milieu scolaire

Méthodologie

Les 82 enfants les plus faibles en décodage (score à la Batelem-R), après exclusion des enfants déficitaires ou porteurs de troubles massifs du comportement ou en impossibilité pratique7 , ont bénéficié d'un entraînement pédagogique en milieu scolaire à la conscience phonologique et à la voie d'assemblage de la lecture. Pour respecter une situation écologique en milieu scolaire, il a été proposé aux plus mauvais décodeurs, un entraînement par logiciel adaptatif répondant aux critères consensuels dans la littérature, à savoir associant la forme sonore du phonème ou de la syllabe, à sa forme visuelle (Ehri et coll., 2001renvoi vers ; Torgesen, 2002renvoi vers ; Vellutino et coll., 2004renvoi vers). Deux entraînements répondent à ce critère mais diffèrent sur les stimuli, le premier touche les paires minimales de phonèmes, le second touche un ensemble de stimuli allant du phonème au mot. L'entraînement à la discrimination de paires minimales de phonèmes8 est proche d'un entraînement ayant montré un effet dans une population de dyslexiques (Magnan et coll., 2004renvoi vers). L'autre, également audiovisuel, entraîne les liens entre forme phonologique et forme orthographique9 .
L'utilisation individuelle d'un logiciel d'entraînement audiovisuel a été proposée en raison d'un triple intérêt :
• une condition d'entraînement ludique, différente de la pédagogie habituelle ;
• une faisabilité en milieu scolaire en terme de ressources humaines : entraînement en petit groupe d'enfants chacun utilisant son logiciel sur l'ordinateur avec un adulte surveillant chaque groupe, d'une durée de quinze minutes deux fois par jour, quatre jours par semaine, pendant cinq semaines ;
• la possibilité d'une progression adaptée à l'évolution de l'enfant.
Pour étudier les éventuels effets spécifiques de ces entraînements à la lecture, une situation d'entraînement par un logiciel de mathématiques10 constitue la situation « contrôle » (Wilson et coll., 2006arenvoi vers et brenvoi vers). L'utilisation d'un logiciel de calcul pour cette situation contrôle est justifiée par la fréquence de la comorbidité des difficultés d'acquisition en calcul et en lecture. Les effets de cet entraînement ont été jugés sur l'évolution des compétences en mathématiques.
La comparaison d'un entraînement à la lecture et d'un entraînement au calcul permettra, en cas d'effet sur les compétences en lecture, de différencier les effets spécifiques liés aux caractéristiques des 2 logiciels de lecture, d'effets plus globaux attentionnels ou motivationnels liés à la situation d'aide. L'utilisation de deux entraînements à la lecture permettra de mieux analyser les effets et les limites de chaque logiciel, selon le profil des enfants, afin de proposer ultérieurement le logiciel le plus adapté à l'enfant.
Le groupe des 29 enfants témoins faibles lecteurs non entraînés (voir figure 1Renvoi vers : groupe « B »), constitue un groupe « neutre » d'enfants de même âge, dont les compétences en lecture sont légèrement moins faibles que le groupe entraîné. Ce groupe donne l'évolution des compétences en lecture sans aucun entraînement.
L'entraînement comporte un programme de dix semaines entrecoupées des évaluations et des vacances scolaires de Pâques. Il est évalué en randomisant les mauvais lecteurs en deux groupes :
• l'un bénéficiant de l'un des deux entraînements audiovisuels (A1 et A2) pendant les cinq premières semaines ;
• l'autre bénéficiant sur le même temps du logiciel d'entraînement au calcul (B).
Puis, pendant les cinq semaines suivantes, le groupe B ayant bénéficié du logiciel de calcul est randomisé en deux parties, qui bénéficient d'un des deux logiciels de lecture (A1 ou A2). Le groupe ayant bénéficié dans un premier temps des deux logiciels de lecture est randomisé lui aussi, en trois parties, l'une qui bénéficie du logiciel de calcul (B), les deux autres qui continuent à bénéficier du logiciel de lecture interverti (A1/A2 ; A2/A1).
Une évaluation des compétences de décodage, des stratégies de lecture, de compréhension de texte lu, des fonctions cognitives sous-jacentes, de calcul est effectuée avant l'entraînement, entre les deux phases puis à la fin des deux entraînements. La méthodologie permet ainsi d'analyser les effets tests-retests. Les données de l'évaluation initiale permettront de croiser les effets de l'entraînement avec plusieurs facteurs : conditions socioéconomiques, capacités intellectuelles, trouble persistant du langage oral, gravité du déficit en lecture, motivation à l'utilisation d'un ordinateur...

Résultats

Les résultats précis et spécifiques des entraînements sont en cours d'analyse. Seuls les résultats préliminaires sont donnés dans cette communication (tableau IXrenvoi vers).
Les enfants entraînés ont acquis entre janvier et juin plus de compétences en décodage (Batelem-R : lecture de syllabes) et lecture rapide de mots (LUM : lecture de mots en une minute) que les enfants faibles lecteurs non entraînés (figures 4Renvoi vers et 5Renvoi vers). Les effets des entraînements sont très variables selon les enfants. Certains enfants n'ont absolument pas progressé alors que d'autres ont en fin d'année scolaire un niveau de lecture normal tant au Timé 2, qu'à la Batelem-R ou à la Lecture en une minute.

Tableau IX Résultats globaux des entraînements (82 enfants entraînés en comparaison à 29 enfants faibles lecteurs non entraînés et à 48 enfants normolecteurs)

 
Nombre
Timé : nombre mots corrects Baseline(1)
Timé : nombre mots corrects Fin(2)
Timé : nombre mots corrects Delta(3)
Batelem Lecture Delta(3)
Lecture en une minute Delta(3)
Evalec mots Delta(3)
Evalec syllabes Delta(3)
Evalec Pseudo-mots Delta(3)
Compréhension Delta(3)
Nombre de bonnes réponses/10
Entraînés
82
10,7
(4,8)
17,8 (6,6)
6,9
(6)
6,1
(4,6)
9
6,8)
7,4 (7,3)
4,1
(5,4)
5,1 (7,5)
3,1
(2,6)
Faibles lecteurs
non entraînés
29
14,4
(4,8)
20,9 (5,9)
6,3
(5,2)
2,8
(3)
5,9
(4,6)
5,2 (7,5)
0,7
(3,3)
2,4 (6,3)
2,8
(2,3)
Normolecteurs
48
24,9
(5,1)
28,3 (4,3)
3,4
(4,1)
      
1Score : moyenne (écart-type) 2Score en fin d'expérience (juin 2006) (écart-type) 3Delta : différence entre le score après et avant les entraînements (écart-type)
Figure 4 Évolution des différents groupes (delta : différence entre le score après et avant les entraînements en âge de lecture en mois)
Figure 5 Évolution de l'âge de lecture entre janvier et juin dans les trois groupes
Au test de décodage de la Batelem-R, sur un total de 29 syllabes, les améliorations du groupe d'enfants entraînés sont les suivantes :
• 21 % des enfants ne sont pas répondeurs : ils lisent en fin d'expérience moins de 3 syllabes de plus qu'en début (moyenne 0,6 ; extrêmes 0-2). Ils constituent le premier quartile, le plus faible ;
• 24 % sont faibles répondeurs : ils ont progressé de 3 ou 4 syllabes (moyenne 3,6). Ils constituent le second quartile ;
• 28 % des enfants sont moyennement répondeurs : ils ont progressé de 5 à 9 syllabes (moyenne 6,5). Ils constituent le troisième quartile ;
• 27 % des enfants sont bons répondeurs : ils ont progressé de 10 syllabes ou plus (moyenne 12,1 extrêmes 10 à 16). Ils constituent le quatrième quartile, le plus amélioré.
Quelque soit le test considéré, plus de la moitié des enfants entraînés ont plus progressé que les enfants faibles lecteurs témoins non entraînés qui pourtant étaient moins en difficultés au début de l'expérience (figures 6Renvoi vers et 7Renvoi vers).
Figure 6 Évolution des scores de mots correctement lus au Timé 2, ou des syllabes à la Batelem, ou des mots lus en une minute selon que les enfants aient été non entraînés (FL non entraînés), ou selon l'importance des progrès des enfants entraînés (1er au 4e quartile)
A : Scores de syllabes (Batelem-R)
B : Scores de syllabes (LUM)
Figure 7-A Évolution des scores de syllabes correctement lues à la Batelem-R, ou des mots lus en une minute (LUM)
Figure 7-B Entre janvier et juin, selon que les enfants n'ont pas été entraînés (FL non entraînés), ou selon l'importance des progrès des enfants entraînés (1er au 4e quartile)
Un entraînement écologique, quotidien, 10 heures en cinq semaines, en milieu scolaire, sans marginalisation, par un logiciel spécifique améliore les performances en décodage, lecture rapide de mots et compréhension de texte lu. Ces effets sont variables selon les enfants, nuls pour certains, nets pour d'autres. Des analyses supplémentaires sont indispensables pour préciser si ces effets sont spécifiques au logiciel de lecture, et quel est le profil d'enfants en bénéficiant le plus.
En conclusion, à partir d'une cohorte de 1 063 enfants représentant tous les enfants scolarisés en CE1 ou redoublant le CP dans 20 écoles parisiennes situées pour un tiers en zone non défavorisée (non REP), un tiers en zone modérément défavorisée (REP 1) et un tiers en zone très défavorisée (REP 2), les compétences en lecture, transcription et calcul ont été mesurées. Plus de 10 % des enfants avaient un âge de lecture inférieur d'au moins un an à leur âge chronologique. Les difficultés en lecture sont très corrélées aux difficultés de transcription et de calcul. Les enfants en difficultés sont plus nombreux dans les zones les plus défavorisées. En même temps, les conditions socioculturelles (quotient familial, bilinguisme, naissance hors de France) ainsi que les conditions pédagogiques ne peuvent pas rendre compte à elles seules des difficultés de lecture, pas plus que les compétences non verbales, comme en témoigne la comparaison des enfants en difficultés de lecture avec un groupe apparié d'enfants normolecteurs. Les compétences en métaphonologie, mémoire phonologique à court terme et dénomination rapide sont plus faibles chez les enfants les plus mauvais lecteurs.
Un entraînement pédagogique audiovisuel par un logiciel adaptatif, répondant aux critères consensuels définis par la littérature pour améliorer le décodage, a été proposé aux enfants les plus en difficultés. L'objectif est d'aider les enfants faibles décodeurs, en milieu scolaire. Les effets de l'entraînement à la lecture ont été évalués en comparant les progrès des enfants entraînés à un groupe d'enfants scolarisés dans les mêmes classes en difficultés de lecture modérément moins sévères que celles des enfants entraînés. Plus de 50 % des enfants entraînés progressent davantage que les enfants moins faibles lecteurs non entraînés. Les effets spécifiques de l'entraînement à la lecture sont en cours d'évaluation en comparant une phase d'entraînement au logiciel de lecture à une phase de même durée avec un entraînement au calcul.

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Catherine Billard, Joel Fluss

Centre de référence sur les troubles des apprentissages, Le Kremlin-Bicêtre

Geneviève Richard

Direction des affaires sociales et sanitaires de Paris

Trois méthodes comparées de rééducation

Depuis plus de dix ans, l'application des recherches en neurosciences cognitives concernant d'une part la plasticité corticale et les rééducations et d'autre part l'origine des troubles de la lecture connaît un grand essor (Tallal et coll., 1996renvoi vers et 1998renvoi vers ; Eden et Moats, 2002renvoi vers ; Taub et coll., 2002renvoi vers ; Alexander et Slinger-Constant, 2004renvoi vers). En particulier, plusieurs études publiées montrent l'efficacité des méthodes de rééducation intensives et quotidiennes sur les compétences de lecture et leurs effets sur les activités corticales des réseaux neuronaux impliqués. C'est dans cette perspective que le programme de recherche intitulé « Étude comparative et anatomo-fonctionnelle de la récupération de la dyslexie à l'aide de méthodes de rééducation » a été initié à l'Hôpital Robert Debré et à l'Hôpital Trousseau conjointement dans le service de Pédiatrie neurologique et des maladies métaboliques et le service de Psychopathologie de l'enfant (de Schonen et coll., 2005renvoi vers)1 .
Cette étude a comme objectif :
• d'évaluer et comparer trois méthodes de rééducation d'enfants dyslexiques ;
• de confirmer ou non l'existence d'un lien entre entraînement à la perception phonologique et les compétences de lecture ;
• d'examiner les relations entre compétences du langage oral et écrit dans la dyslexie ;
• de déterminer des corrélats anatomo-fonctionnels de la dyslexie et des effets de la rééducation. Les résultats de cette dernière question ne seront pas abordés ici.
Même si l'évaluation des méthodes de rééducation est un processus complexe, il n'en reste pas moins que toute méthode de rééducation doit démontrer son efficacité. Or, mesurer l'efficacité d'une rééducation orthophonique est une tâche très difficile et coûteuse en raison de la multiplicité des facteurs en jeu.
Ce n'est que récemment qu'est apparue en France la nécessité d'évaluer l'efficacité des méthodes de rééducation de la dyslexie comme le soulignent de Cara et Plaza (2005renvoi vers) (par exemple, Messerschmitt et coll., 1994renvoi vers ; Habib et coll., 1999renvoi vers, 2002renvoi vers et 2004 ; Magnan et coll., 2004renvoi vers). On ne peut utiliser les évaluations de rééducations en langue anglaise bien qu'elles aient commencé il y a plus longtemps et qu'elles soient plus nombreuses. Il faut être prudent dans l'importation d'une rééducation d'une langue à l'autre pour deux raisons. Tout d'abord à l'heure actuelle, les rééducations ne sont fondées que sur une connaissance partielle et inachevée des mécanismes de la dyslexie, de telle sorte que certaines pratiques rééducatives dans une langue pourraient être favorables dans cette langue et ne pas l'être dans une autre langue. Deuxièmement, bien que les corrélats neuro-fonctionnels de la dyslexie soient les mêmes d'une langue à l'autre (en tout cas en ce qui concerne trois langues qui réagissent différemment à la dyslexie – l'anglais, l'italien et le français – (Paulesu et coll., 2001renvoi vers), les manifestations sont variables et spécifiques selon les langues et les cultures (principalement parce que les principes du transcodage graphophonologique diffèrent entre langues). L'évaluation des méthodes de rééducation est donc actuellement nécessaire pour l'amélioration de la qualité des soins et pour parvenir à un équilibre entre coût et efficacité.
Dans les travaux décrits ci-dessus, trois méthodes de rééducation ont été comparées. Ces méthodes ont été retenues parce qu'elles ont la réputation d'être toutes les trois efficaces. La méthode A (sémiophonie) est utilisée en France et a été évaluée en français comparativement à une méthode standard de rééducation (Messerschmitt et coll., 1994renvoi vers) et en anglais (Lloyd et coll., 2003renvoi vers). La méthode B (entraînement intensif de la perception auditive de la parole modifiée) a été évaluée en anglais à plusieurs reprises et en français par des études de l'équipe de Marseille (Habib et coll., 2002renvoi vers et 2004). Elle reste l'objet de vives controverses (Gillam, 1999renvoi vers ; Gillam et coll., 2001arenvoi vers et brenvoi vers ; Friel-Patti et coll., 2001arenvoi vers et brenvoi vers ; Hook et coll., 2001renvoi vers ; Thibodeau et coll., 2001renvoi vers ; Troia et Whitney, 2003renvoi vers ; Agnew et coll., 2004renvoi vers ; Pokorni et coll., 2004renvoi vers ; Bishop et coll., 2005renvoi vers ; Cohen et coll., 2005renvoi vers ; Bishop et coll., 2006renvoi vers). La méthode C (rééducation « classique » par un/une orthophoniste formé(e) en France) est la plus utilisée en France mais n'a fait l'objet d'évaluation contrôlée que par rapport à la rééducation sémiophonique. Les évaluations déjà effectuées en français ou en anglais comparaient les effets d'une rééducation aux effets d'une absence de rééducation d'un groupe témoin. Ici les effets de trois rééducations dont la réputation est d'être efficace sont comparés.

Caractéristiques des participants de l'étude

Vingt cinq enfants, 20 garçons et 5 filles, d'âge scolaire (CE1 à CM2) ont suivi l'une des trois méthodes de rééducation. Leur affectation à l'une ou l'autre méthode était décidée par un tirage au sort quasi aléatoire établi avant le recrutement. Les critères d'inclusion d'un enfant dans l'étude étaient les suivants : avoir un QI atteignant au moins 80, avoir été diagnostiqué dyslexique au test de l'Alouette (Lefavrais, 1967renvoi vers). L'Alouette est un test de leximétrie : l'enfant doit lire à haute voix en trois minutes un texte de 265 mots. L'objectif de ce test est d'attribuer un niveau de lecture (ou âge lexique). Les caractéristiques des trois groupes sont données dans le tableau Irenvoi vers. Le QI Total, le QI Verbal, le QI Performance (Wechsler, 1996renvoi vers), et les erreurs ou le nombre de mots lus au test de l'Alouette ne diffèrent pas significativement entre les trois groupes avant rééducation (p>0,10).

Tableau I Caractéristiques de chacun des 3 groupes d'enfants (moyennes et écarts-types) avant rééducation

 
Méthode A
Méthode B
Méthode C
Garçons/filles
6G/3F
7G/2F
7G
Niveau socioculturel
4 NSC(1) moyen 5 NSC supérieur
3 NSC moyen
6 NSC supérieur
4 NSC moyen
3 NSC supérieur
Âge pré-test en mois
111,22 (13,44)
102,33 (10,64)
108,86 (9,97)
Âge post-test en mois
126,33 (14,48)
109,67 (11,36)
124,86 (10,38)
Test de l'Alouette
   
Nombre de mots lus
110,25 (42,53)
100,83 (16,31)
84,25 (32,88)
Nombre d'erreurs
148,50 (52,65)
127,16 (55,74)
139,25 (43,53)
Âge lexique
82,75 (2,87)
81,16 (1,32)
79,5 (1,29)
Échelle d'Intelligence
   
QI Verbal
96,3 (16,5)
102,7 (17,5)
89,2 (5,3)
QI Performance
99,1 (14,3)
102,1 (18,9)
91,5 (6,6)
QI Total
98,2 (13,06)
102,9 (19,6)
89,3 (4,9)
1NSC : niveau socioculturel défini par le niveau d'éducation des parents (moyen ou supérieur)
La description ci-dessous ne concerne que les caractéristiques essentielles des méthodes utilisées.

Méthode A

La méthode A, dite sémiophonie, a été élaborée par son auteur (Beller, 1973renvoi vers et 1994renvoi vers), psychiatre exerçant en ville, pour tenter de dissocier l'attention aux aspects sonores de la parole de l'attention aux aspects lexicaux et sémantiques. Le rythme et la musique d'une langue (la prosodie) sont parmi les premières informations extraites de la parole par le bébé au cours du développement du langage oral. L'auteur de cette méthode faisait l'hypothèse que l'origine de la dyslexie est une perturbation de l'association entre le traitement acoustique, le traitement phonologique et le traitement sémantique de la parole. Ces traitements se seraient organisés de façon aberrante au cours du développement sous l'effet de facteurs que l'auteur n'était pas en mesure d'identifier lorsqu'il développa cette rééducation. La méthode visait à rétablir chez les enfants dyslexiques des automatismes perceptifs et linguistiques concernant certains aspects de la perception auditive de la parole en les dissociant des traitements lexicaux et sémantiques.
Pour ce faire, une partie des séances de rééducation consiste à attirer l'attention de l'enfant sur certains aspects auditifs de la parole. L'enfant écoute des stimuli sonores. Ces stimuli sonores sont le résultat de la modulation d'un son « paramétrique » par les variations d'amplitude et de fréquence de la parole naturelle. Techniquement parlant, le son paramétrique utilisé est un bruit blanc dans la zone des ultrasons, donc inaudible. Mais à chaque inflexion de la fréquence fondamentale (F0) de la parole, la fréquence de ce son paramétrique est abaissée et devient audible. On entend ainsi un son aigu mais agréable modulé par les rythmes de la parole, bien que nettement différencié de la voix. L'amplitude de ce son est modulée par les variations d'amplitude de la parole naturelle qu'elles soient rapides ou lentes ou par les variations de sons musicaux. Ce son redevient inaudible dans les pauses de parole. Le son paramétrique modulé ne conserve ainsi de la parole naturelle que les rythmes, les accentuations et l'enveloppe prosodique de la parole.
Le son paramétrique peut être modulé soit par de la parole spontanée pré-enregistrée, soit par de la parole pré-enregistrée correspondant à la lecture d'un texte, soit on-line par la parole d'un locuteur qui peut être l'enfant lui-même. Les paroles de l'enfant peuvent, par exemple, moduler le son paramétré qu'il entend alors par l'intermédiaire des écouteurs en même temps qu'il parle. En début de séance, l'enfant entend ou écoute de la parole enregistrée ainsi transformée (mots, phrases, récit). En fin de séance, l'enfant entend ou écoute les variations produites par ses propres paroles spontanées ou en répétition de mots, de phrases, ou en lecture.
Ce dispositif (appelé lexiphone) ne fournit probablement pas d'indices de segmentation phonémique. Il faut noter qu'il n'y a pas, à notre connaissance, de relation établie entre les mouvements de la fréquence fondamentale de la voix (F0), produite par les cordes vocales situées dans le larynx, et la segmentation en phonèmes. De manière générale, il n'y a pas de relations univoques entre les phonèmes et les segments présents dans le signal acoustique de parole émis par un locuteur. À chaque phonème peuvent éventuellement correspondre plusieurs segments acoustiques et, inversement, le même segment peut fournir de l'information sur plusieurs phonèmes. Il s'agit là d'un résulat classique, basé sur des descriptions acoustiques (Fant, 1973renvoi vers) et sur des expériences de perception (Liberman et coll., 1967renvoi vers). De manière plus spécifique, l'hypothèse selon laquelle la F0 pourrait fournir des indices de segmentation phonémique reste à prouver. Jusqu'à preuve du contraire, les changements de F0 ne correspondent pas nécessairement aux limites entre phonèmes et la F0 peut conserver des valeurs relativement constantes sur un intervalle de temps recouvrant plusieurs phonèmes successifs. Ensuite, il n'y pas de données montrant que des changements de F0 permettent de percevoir deux phonèmes différents2 .
Une autre transformation de la parole, utilisée dans la sémiophonie, dans une deuxième phase de la rééducation, consiste à « hacher » le flux sonore en supprimant de brèves portions de signal (entre 1/10e de seconde et 2 secondes) dans un enregistrement de la parole. Un intervalle silencieux peut avoir une durée plus brève qu'une syllabe. La durée de la suppression du son est contrôlable, mais le moment exact où survient la suppression dans la parole est aléatoire. Cette suppression n'affecte pas systématiquement les points de segmentation de la parole naturelle. Elle peut supprimer un morceau de syllabe, ou la fin d'une syllabe et le début de la suivante, ou se produire dans une pause...
Dans la pratique, l'enfant travaille avec un micro-casque, comme dans un laboratoire de langues, selon une progression standard, mais aménageable en fonction de l'enfant. Le rééducateur peut intervenir dans la rééducation au moment où il le juge le plus opportun, ou à la demande de l'enfant : soit directement (consignes, indications diverses, aide, explications, guidance), soit par l'intermédiaire d'un autre micro-casque relié au « lexiphone ». Un rééducateur peut assurer simultanément la rééducation de 3 à 4 enfants.
La durée totale de la rééducation dépend évidemment de l'enfant. Mais en raison de l'objectif de comparaison des trois méthodes dans le cadre de la présente étude, la durée totale a été de 90 séances de 60 minutes (soit 45 minutes de rééducation effective) pendant la période scolaire à raison de trois séances par semaine. En temps normal hors étude comparative, cette rééducation comporte plus de variabilité en fonction des enfants (pour une description plus détaillée, voir Beller, 1973renvoi vers et 1994renvoi vers).

Méthode B

La méthode B est un entraînement auditif intensif et quotidien utilisant de la parole modifiée.
Les premiers travaux sur l'entraînement auditif intensif et quotidien à la perception d'indices temporels dans la parole modifiée synthétiquement ont montré des progrès significatifs à des tests de compréhension du langage oral et de discrimination phonétique chez des enfants qui présentaient des troubles sévères du langage (Merzenich et coll., 1996renvoi vers ; Tallal et coll., 1996renvoi vers).
Selon Tallal, un déficit dans la perception des caractéristiques temporelles de la parole serait à l'origine de tous les types de troubles de l'apprentissage liés à la phonologie (y compris l'apprentissage des correspondances grapho-phonologiques). Plus précisément, le déficit concernerait le traitement de la syllabe c'est-à-dire le traitement des informations auditives brèves et en succession rapide du signal de parole contenue dans l'assemblage consonne-voyelle (CV). Les transitions formantiques qui caractérisent le passage du son consonantique (consonne) au son vocalique (voyelle) sont des indices acoustiques pour l'intelligibilité de la parole et sont de très courtes durées (inférieures à 40 ms). La segmentation des phonèmes et la discrimination entre phonèmes reposent donc sur des analyses fines portant sur des indices de très courtes durées.
Le principe de base de la méthode B est donc d'entraîner l'enfant à percevoir des stimuli dont les aspects temporels sont au départ « ralentis » artificiellement, donc plus faciles à discriminer. Par la suite, on rend progressivement de plus en plus brefs, en tendant vers la normale, les caractères temporels. Ces exercices visent à obtenir une amélioration des aptitudes des dyslexiques reposant sur une réorganisation corticale. La notion de réorganisation corticale liée à un entraînement est aujourd'hui documentée par plusieurs données expérimentales (Sadato et coll., 1996renvoi vers ; pour une revue, voir Recanzone, 2000renvoi vers et Kaas, 2000renvoi vers). Un entraînement « adaptatif », où l'aspect temporel des stimuli est impliqué dans des exercices de difficulté croissante au cours de la période d'entraînement, doit pouvoir induire une réorganisation des régions corticales impliquées dans le déficit observé. La méthode utilisée par les auteurs repose sur un conditionnement opérant, c'est-à-dire que grâce à des jeux vidéo informatisés, l'enfant va, à son insu, être conditionné à discriminer et reconnaître divers types de sons dont la variable temporelle est modifiée au cours du temps. Des preuves d'une réorganisation corticale consécutive à cet entraînement ont déjà été publiées (Temple et coll., 2003renvoi vers).
Dans sa version définitive, le programme d'entraînement intensif, actuellement commercialisé sous le nom de FastForWord (FFW), comprend des « jeux » informatiques audiovisuels ; ceux-ci sont destinés à l'entraînement des capacités de traitement auditif central (vitesse d'intégration temporelle, attention, mémoire séquentielle), d'identification des mots et de discrimination phonologique (en contexte de syllabe ou de mot), de traitement du langage et de compréhension grammaticale. Les éléments acoustiques brefs des zones de transition formantique de la parole, ou les signaux acoustiques non verbaux, sont allongés et également modifiés au niveau des contrastes d'amplitude, sur les bases technologiques de la méthode rapportée dans la publication de Nagajaran et coll. (1998renvoi vers).
Le programme utilisé dans notre étude est une adaptation en français de ces jeux vidéo informatisés FFW et porte uniquement sur des sons de paroles. Il s'agit du logiciel « Akoustik » mis au point par Barbier (2003renvoi vers). Une séance consiste à réaliser des exercices de discrimination de syllabes, de mots et de pseudo-mots et des exercices de troncation de mots et de pseudo-mots qui visent à développer les capacités métaphonologiques. Tous les stimuli de parole ont été modifiés de façon « adaptative ». La modification comporte 3 niveaux différant par le degré de ralentissement (14 % de réduction, 31 % réduction, 50 % réduction). L'enfant commence par le niveau où le signal est le plus ralenti jusqu'à ce qu'il réussisse au moins 80 % des essais de chaque exercice, puis il passe aux niveaux moins ralentis.
Ces exercices ont été pratiqués sur une période de 20 jours (6 à 7 séances de 20 minutes chacune par jour, pendant 4 semaines, 5 jours par semaine). La rééducation a eu lieu dans un service d'hospitalisation de jour (Hôpital Robert Debré, Centre de référence du langage, Service du Pr Mouren-Simeoni, Unité 5, Dr Le Heuzey puis du Dr Gérard). Outre les 6 à 7 séances de rééducation par jour, tous les enfants ont bénéficié d'un encadrement scolaire assuré par le personnel enseignant du service. Neuf enfants ont été accueillis au mois de juin et rééduqués par groupe de 3 simultanément. Une orthophoniste et une stagiaire formées à cette méthode ont pris en charge les enfants.

Méthode C

La méthode C est la pratique orthophonique classique dont les méthodes de rééducation sont plus ou moins codifiées.
Les trois orthophonistes qui ont participé à l'étude avaient une expérience professionnelle de plus de 4 ans et moins de 7 ans. Elles ont utilisé divers exercices, combinant plusieurs méthodes, le plus souvent avec des logiciels d'aide à la rééducation faciles à utiliser, paramétrables et ouverts. Quelques-uns de ces exercices sont résumés dans le tableau IIrenvoi vers.

Tableau II Quelques exercices utilisés pour la méthode C

Exercices de métaphonologie dans le langage oral et dans la correspondance entre le code oral et écrit
L'enfant segmente les mots dans une phrase, les identifie dans un texte et les réutilise dans un récit
L'enfant identifie des syllabes des mots, en faisant des exercices de frappes et de rythmes, ou avec une implication motrice plus générale
L'enfant fait des jeux sur les syllabes des mots, en initiales ou en finales : il doit retrouver des mots commençant pareil ou finissant pareil, ou trouver des intrus phonétiques
L'enfant fait des discriminations auditives sur des paires de mots, il repère si les mots existent ou non
L'enfant apprend à repérer certains indices visuels pour identifier des mots : repérage des voyelles, des indices de longueur, des rapports entre longueur d'émission vocale du mot et longueur du mot écrit
L'enfant apprend à repérer l'importance de la séquentialité au niveau des mots de la phrase, puis des syllabes dans le mot, puis des sons dans les syllabes
L'enfant travaille l'orientation spatiale et la séquentialité sur un matériel non linguistique
L'enfant travaille la mémoire immédiate
L'enfant travaille les conversions grapho-phonémiques avec des supports gestuels et visuels Il travaille simultanément la lecture et l'écriture (transcription d'abord avec des étiquettes puis le crayon)
L'enfant apprend les petits mots fonction ou les mots usuels très irréguliers pour renforcer l'utilisation de la voie lexicale et développer le lexique orthographique
Autres exercices
L'enfant répète le mot à apprendre et le forme à l'aide de lettres en plastique
L'enfant examine le mot présenté par écrit et le divise en segments phonologiques (syllabes, attaque-rime, phonèmes)
Si le mot contient un petit mot, l'enfant le souligne
L'enfant met en évidence par surlignage des groupes consonantiques (ex. pr, st), de certaines rimes (ex. out dans shout) et de patterns de lettres
L'enfant trace le mot avec un de ses doigts sur des surfaces de texture tactilement différentes
L'enfant vérifie si l'orthographe produite est adéquate et corrige celle-ci si nécessaire
En dehors de ces différents exercices, un axe de travail préconisé dans le cabinet des trois orthophonistes, comme dans la méthode A, est de rendre l'enfant autonome et motivé en lui offrant des stratégies pour qu'il puisse retrouver seul les moyens de compensation travaillés en rééducation.
Les méthodes A et C se déroulent sur la même durée et au même rythme : 90 séances de 45 minutes à raison de 3 séances par semaine pendant l'année scolaire interrompue par les congés. Il s'agit de méthodes dites « distribuées ». La méthode B en revanche se déroule sur une période beaucoup plus courte (un mois) avec un entraînement intensif de 6-7 séances de 20-25 minutes par jour, 5 jours par semaine, 4 semaines consécutives. Il s'agit d'un entraînement massif dont la durée effective de rééducation totale (44-48 heures) est inférieure à la durée de chacune des deux autres rééducations (67 heures).
Outre ces différences, les méthodes A et B diffèrent par d'autres aspects cruciaux qui sont directement pertinents ici. La méthode B exerce directement les capacités de segmentation de l'enfant. Les aspects de la segmentation de parole manipulés par la méthode B sont peu nombreux, systématiquement variés et il s'agit de ceux qui sont perçus de façon déficitaire par les enfants atteints de dyslexie phonologique. Dans la rééducation B, les exercices de segmentation concernent véritablement la segmentation de la parole (phonème, syllabe), tandis que la segmentation réalisée par suppression de segment sonore dans la rééducation A ne concerne qu'occasionnellement (au hasard) les frontières segmentales syllabiques ou phonémiques. De plus, les variations du son paramétrique de la méthode A sont asservies principalement aux variations rythmiques de l'enveloppe globale de la parole et ne fournissent pas systématiquement ou pas du tout d'indices de segmentation de la parole naturelle. Les enfants dyslexiques ne sont pas réputés présenter des déficits de sensibilité à la prosodie qui constitue pourtant une source importante de modulation de l'enveloppe de la parole (donc ici du son paramétrique). La méthode B exerce directement et spécifiquement les capacités déficitaires de segmentation tandis que la méthode A ne les exerce que très indirectement et sans aucun caractère systématique. La méthode A sensibilise l'enfant aux aspects rythmiques de la parole sans les distinguer, attire son attention auditive sur l'enveloppe de la parole sans fournir d'indices pour la segmentation. Les méthodes A et B constituent donc deux situations de contrôle mutuel. La méthode B devrait être plus performante que la méthode A. Cependant dans notre étude, les deux méthodes diffèrent en plus par la durée effective de rééducation.
Notons enfin que cette étude a été confiée à des chercheurs qui étaient investis ni dans une rééducation, ni dans les polémiques relatives aux rééducations et à la nature des troubles dyslexiques.

Évaluation de l'amélioration des performances par la Belec

Les performances des enfants ont été évaluées avant et après rééducation à l'aide d'une batterie du langage écrit pour l'enfant de 7 à 12 ans : la Belec (Mousty et coll., 1994renvoi vers). Cette batterie a été construite en tenant compte des résultats des recherches cognitives fondamentales sur les composantes considérées comme déficitaires dans la dyslexie phonologique. Il s'agit d'un outil d'évaluation cognitive de la lecture : elle remplit une double fonction, puisqu'elle permet, d'une part, d'identifier les difficultés spécifiques de la lecture/écriture et, d'autre part, de mettre en relation ces difficultés avec d'autres compétences cognitives susceptibles de les expliquer. La batterie se compose d'une évaluation des aptitudes de lecture et d'orthographe qui permet d'estimer le degré d'efficience des procédures mises en place par l'enfant pour reconnaître les mots écrits et de spécifier les mécanismes orthographiques utilisés, ainsi que d'une évaluation des compétences métalinguistiques (conscience phonémique, perception fine de la parole et mémoire de travail phonologique) qui permet de mettre en relation les déficits de l'enfant en lecture et/ou en écriture avec ces compétences dont on sait qu'elles sont associées à la réussite dans l'apprentissage de la lecture.
Il a été ainsi possible d'apprécier les performances langagières au pré- et post-test dans cinq domaines telles qu'elles sont analysées par la Belec :
• lecture de mots familiers, de mots rares et de pseudo-mots ;
• lecture de mots réguliers et irréguliers ;
• répétition de pseudo-mots de type CV et CCV ;
• manipulation intentionnelle des syllabes et des phonèmes avec les épreuves d'inversion syllabique, d'inversion phonémique, de suppression de consonnes dans des séquences C/CCV ;
• fusion syllabique de paires de mots avec l'épreuve « acronymes ».
Les notes brutes de chaque enfant ont été transformées en scores calibrés. Les scores calibrés pour chaque enfant et chaque tâche, au pré-test et au post-test, sont calculés de la manière suivante : pour chaque épreuve, la différence entre la moyenne (M témoin) du groupe témoin apparié à l'enfant dyslexique considéré et le score brut de cet enfant (x) est divisée par l'écart-type des performances du groupe témoin (ET témoin), soit (M témoin–x)/ET témoin. Ce score calibré donne une mesure de la distance entre chaque enfant examiné et la moyenne de son groupe témoin apparié pour chaque épreuve. Ainsi un score calibré de 0 indique une performance identique à la moyenne contrôle. Un score calibré négatif indique une performance meilleure que la moyenne contrôle, un score calibré positif indique une performance moins bonne que la moyenne contrôle. On peut considérer qu'un score calibré>+2 est un score anormal. Lorsqu'un score calibré passe d'une valeur positive au pré-test en se rapprochant de 0 ou adoptant une valeur positive au post-test, cela signifie que l'enfant a réduit son écart par rapport au niveau normal de performance. On peut calculer les scores calibrés au pré- et au post-test en prenant comme niveau de contrôle celui de la classe lors du pré-test. Les scores calibrés au pré-test évaluent alors la distance de l'enfant dyslexique par rapport au niveau contrôle de la classe où il est situé. Les scores au post-test montrent la distance de l'enfant dyslexique par rapport à ce même niveau contrôle et ne tient pas compte du fait que les enfants contrôles ont (au moment du post-test) des performances meilleures. Les scores calibrés au post-test indiquent donc de combien se réduit la distance entre l'enfant dyslexique et sa classe de référence au début de la rééducation. On appellera ces scores les scores calibrés de base. Une autre manière de faire consiste à calculer les scores calibrés au pré-test de la même manière que précédemment ; mais de calculer les scores calibrés au post-test en utilisant la moyenne et l'écart-type de la classe témoin correspondant à la fin de la rééducation (dans le cas d'enfants commençant la rééducation en CE2 et la finissant en CM1). On appellera ce score le score calibré évolutif. Ce score indique non seulement si l'enfant a progressé par rapport à son niveau de départ, mais s'il réduit la distance par rapport au nouveau niveau contrôle.
Quoiqu'il en soit, le score calibré permet de tenir compte du fait que dans chaque groupe de rééducation l'âge des enfants variait de 7 ans et demi à 10 ans et quelques mois de telle sorte que certains enfants étaient en CE1 ou CE2 et d'autres en CM1 ou CM2. La comparaison des performances des trois groupes d'enfants ayant suivi la méthode de rééducation A, B ou C doit indiquer si le groupe progresse ou non et s'il atteint un niveau normal.

Progression par rapport au niveau de départ : scores calibrés de base

L'efficacité des trois méthodes est envisagée pour chaque type de tâche.

Efficacité des trois méthodes de rééducation pour la lecture de mots fréquents, de mots rares et de pseudo-mots

Ces trois tâches ont pour but d'analyser le rôle de la lexicalité dans les mots et les pseudo-mots (par exemple : « littérature » versus « valcronceux ») et le rôle de la fréquence d'usage dans les mots rares et les mots fréquents (par exemple : « auxiliaire » versus « gentillesse »).
Une analyse de variance sur les scores calibrés de base (3 rééducations x 3 fréquences de mots x 2 sessions, avec mesures répétées pour les deux derniers facteurs) montre une réduction significative de l'écart entre enfants dyslexiques et témoins. La réduction est significative dans chacun des groupes de rééducation sans que l'un présente un effet plus grand que l'autre (interaction statistique rééducation x session, statistiquement non significative). Le progrès n'affecte pas de façon systématiquement plus importante les mots fréquents que les mots rares ou les pseudo-mots (figure 1). Du pré- au post-test, les enfants dyslexiques passent en moyenne d'une distance supérieure à +1,9 du niveau normal à une distance inférieure à +1 du niveau moyen normal, sans différence en fonction des méthodes de rééducation et des catégories de mots (triple interaction rééducations × fréquences de mots × sessions, statistiquement non significative).
Figure 1 Tâche de lecture de mots fréquents, de mots rares et de pseudo-mots. Moyennes et écarts-types des scores calibrés par rapport au niveau contrôle du pré-test

Efficacité des trois méthodes de rééducation pour la lecture des mots réguliers et irréguliers

Dans cette tâche, dont la passation dure environ dix minutes, on étudie le rôle de la régularité orthographique : on demande au sujet de lire à voix haute une série de 24 mots réguliers puis une série de 24 mots irréguliers. Les items, présentés ci-dessous, sont appariés en fréquence et en longueur :
• mots réguliers : caisse, nul, muscle, pair, onze, force, abri, matin, fumer, appel, soleil, meilleur, couvée, frisée, éponge, talon, copieur, adresse, approche, sonnerie, avenue, explosion, piloter, rétablir ;
• mots irréguliers : chÅ“ur, net, moelle, porc, ours, femme, écho, mille, fusil, hiver, second, monsieur, cassis, faisan, aiguille, tabac, chorale, oignon, automne, septième, orchestre, examen, parasol, revolver.
Une analyse de variance (3 groupes x 2 régularités x 2 sessions, avec mesures répétées pour les deux derniers facteurs) montre une réduction significative entre le pré- et le post-test de l'écart entre enfants dyslexiques et témoins (figure 2Renvoi vers). En moyenne, les performances au pré-test comme au post-test sont significativement meilleures (plus proches du niveau contrôle) pour les mots irréguliers que pour les mots réguliers. Cette particularité est probablement due au fait que la moyenne contrôle des performances pour les mots irréguliers est encore très faible, donc peu différente de celle des enfants dyslexiques, dans cette zone d'âge. Mais la taille des progrès n'est pas plus importante pour une catégorie de mots que pour une autre (interaction statistique régularité x session, statistiquement non significative). On n'observe pas de différence significative d'efficacité entre les méthodes de rééducation (interaction statistique rééducation x session, statistiquement non significative). Du pré- au post-test, les enfants dyslexiques passent en moyenne d'une distance de +1,9 à une distance de +0,615 du niveau normal moyen sans effet significatif des méthodes de rééducation et des catégories de mots (triple interaction rééducation x session x régularité, statistiquement non significative).
Figure 2 Tâche de lecture de mots réguliers et irréguliers. Moyennes et écarts-types des scores calibrés par rapport au niveau contrôle du pré-test

L'efficacité des trois méthodes de rééducation pour la répétition des pseudo-mots de type CV et CCV

Cette tâche a une double fonction : mesurer un empan de mémoire immédiate sur un matériel verbal sans signification et évaluer la qualité des capacités de perception de parole. Si la répétition de pseudo-mots ne nécessite aucune opération de segmentation ni de manipulation explicite de la structure phonémique des stimuli, elle requiert néanmoins de disposer de représentations phonologiques du signal de parole de bonne qualité.
Cette tâche est numérisée et se compose de deux listes de pseudo-mots qui diffèrent par leur complexité (syllabes CV et CCV). Chaque partie comprend 5 séries de 4 items. La longueur des items croît d'une série à l'autre (de 1 à 5 syllabes).
Une analyse de variance (3 groupes x 2 tâches x 2 sessions, avec mesures répétées pour les deux derniers facteurs) révèle une réduction significative entre pré- et post-test de l'écart entre les enfants dyslexiques et les enfants témoins. Cette réduction est comparable dans les deux tâches (CV et CCV) (figure 3Renvoi vers). La réduction de l'écart ne diffère pas selon la méthode de rééducation (interaction rééducations x sessions, statistiquement non significative). D'autre part, les performances sont significativement plus proches du niveau contrôle pour la répétition des CV que pour celle des CCV aussi bien dans le pré-test que dans le post-test. Il faut noter qu'au pré-test aucune moyenne des groupes de rééducation ne se situait à une distance du niveau normal supérieure à 1. Les progrès ne varient pas en fonction des rééducations et des catégories de pseudo-mots (triple interaction rééducations x catégories de pseudo-mot x sessions, statistiquement non significative).
Figure 3 Tâche de répétition de pseudo-mots CV et CCV. Scores calibrés par rapport au niveau contrôle du pré-test

Efficacité des trois méthodes de rééducation pour les épreuves métaphonologiques

L'enfant dyslexique a des difficultés à manipuler intentionnellement les phonèmes et les syllabes. Cette capacité à manipuler les sons de parole se teste à travers des tâches spécifiques dites « épreuves métaphonologiques » ; elles correspondent à une aptitude particulière de l'enfant qu'on désigne sous le nom de « conscience phonologique ». Il s'agit d'un processus composite constitué de deux composantes qui dans le cas de certaines dyslexies pourraient être dissociées (conscience de la structure syllabique et de la structure phonémique). On peut concevoir, comme le suggèrent certains auteurs, qu'il existe un processus neurobiologique permettant le développement de toutes les aptitudes métaphonologiques. Mais les processus métaphonologiques aboutissant à la segmentation explicite en unités de plus petite taille, les phonèmes, sont nécessaires pour mettre en place correctement le code alphabétique et donc la correspondance grapho-phonémique qui ne s'établit pas correctement chez l'enfant dyslexique
Trois épreuves métaphonologiques ont été numérisées sur ordinateur. Les consignes données à l'enfant explicitent le principe de la manipulation qu'il devra effectuer. Quelques exemples lui sont fournis avant chaque épreuve et du feed-back correctif lui est donné durant toute la durée des épreuves.
Dans l'épreuve d'inversion syllabique, l'enfant doit inverser les syllables de pseudo-mots de type CVCV, exemple : /baty/ devient /tyba/.
Dans l'épreuve d'inversion phonémique, l'enfant doit inverser les phonèmes de monosyllabes de type CV ou VC, exemple : /ba/ devient /ab/.
Dans l'épreuve de soustraction phonémique, l'enfant doit supprimer le phonème initial de monosyllabes de type CCV, exemple : /fre/ devient /re/.
Les résultats d'une analyse de variance (3 groupes x 3 tâches de segmentation x 2 sessions, avec répétition de mesures pour les deux derniers facteurs) montre une réduction significative du pré-test au post-test de l'écart entre les enfants dyslexiques et le niveau moyen normal (figure 4Renvoi vers). La distance entre les enfants dyslexiques et le niveau moyen normal est significativement plus faible dans la tâche d'inversion syllabique que dans les deux autres tâches au pré- comme au post-test. Mais l'importance des progrès ne diffère pas d'une tâche à l'autre (interaction statistique tâches x sessions, statistiquement non significative). La réduction de l'écart ne diffère pas non plus selon la méthode de rééducation (interaction statistique rééducation x session, non significative ; triple interaction statistique rééducation x tâches x sessions, statistiquement non significative).
Figure 4 Tâches de segmentation. Scores calibrés par rapport au niveau contrôle du pré-test

Efficacité des trois méthodes de rééducation pour la tâche d'acronyme

Dans cette tâche, on fait entendre des paires de mots (exemple : cher Auguste) et l'enfant doit chaque fois produire un nouveau « mot » /cho/ résultant de l'assemblage des phonèmes initiaux des deux mots. Il lui faut donc segmenter le premier phonème de chaque mot et ensuite les fusionner.
L'analyse de variance (3 groupes x 2 sessions, avec mesures répétées pour le dernier facteur) montre une réduction significative entre pré- et post-test de l'écart entre enfants dyslexiques et le niveau contrôle (figure 5Renvoi vers). Les progrès sont du même ordre dans les trois rééducations (interaction statistique rééducation x session, statistiquement non significative).
Figure 5 Tâche de segmentation : acronymes. Scores calibrés par rapport au niveau contrôle de la session 1
En résumé, on observe des progrès par rapport aux performances de départ des enfants dans les trois méthodes de rééducation et dans toutes les tâches. Aucune différence n'est observée entre les rééducations quelles que soient les tâches.

Rattrapage du niveau normal par les enfants dyslexiques

Dans quelle mesure les enfants dyslexiques rattrapent-ils le niveau moyen normal pour leur âge ? Il s'agit non plus de comparer les performances au niveau normal moyen de la classe de départ en début de rééducation, mais au niveau normal moyen de la classe intégrée en fin de rééducation. Pour répondre à cette question, les scores au pré-test ont été calibrés par rapport au niveau contrôle de la classe lors du pré-test comme dans l'analyse précédente. Les scores au post-test ont été calibrés par rapport au niveau contrôle de la classe intégrée par l'enfant à la fin de la rééducation. Dans ce cadre lorsque les scores calibrés indiquent un progrès, ce progrès est une véritable accélération des acquisitions et non pas seulement un progrès par rapport au niveau de départ ; s'il y a rattrapage, la pente de progression est plus forte pour l'enfant dyslexique que pour l'enfant normo-lecteur.
Les analyses de variance montrent un progrès significatif dans la répétition immédiate de pseudo-mots. Le progrès est significatif dans deux rééducations, la sémiophonie et la parole modifiée, mais pas dans la méthode de rééducation classique. En revanche, les trois rééducations montrent un progrès significatif dans les tâches de segmentation (inversion syllabique, phonémique, suppression de la consonne initiale dans CCV). Dans la tâche acronyme, aucun progrès n'est observé. Dans les tâches de lecture de mots, aucun progrès n'est significatif. Dans aucune des tâches, on n'observe de différences significatives d'efficacité entre les rééducations.
Le test de l'Alouette qui a servi au départ pour diagnostiquer les enfants dyslexiques fournit un score de lecture (âge de lecture) avant et après rééducation. Si les enfants ont fait des progrès en lecture dans ce test, la différence entre âge réel et âge de lecture devrait diminuer significativement entre le pré- et le post-test. En moyenne, les enfants ont gagné 9,9 mois d'âge de lecture (avec un maximum de gain de 34 mois et un maximum de perte de 2 mois). Lorsque l'écart entre âge de lecture et âge réel est rapporté à la somme de l'âge réel et de l'âge de lecture pour tenir compte de l'âge réel au pré- et au post-test, on constate que l'écart se réduit significativement au post-test par rapport au pré-test, bien que les performances de lecture conservent un retard de 28 mois en moyenne par rapport à l'âge réel.
Dans la mesure où l'étalonnage des épreuves est construite par groupe de deux classes (CE1 et CE2 d'une part, CM1 et CM2 d'autre part), on a aussi examiné les progrès des seuls enfants dont le post-test correspond à un changement de classe (et donc d'étalon) c'est-à-dire ceux qui commencent la rééducation alors qu'ils sont en CE2 et la terminent lors de leur entrée en CM1 en éliminant ceux qui commencent en CE1 et finissent en CE2. Les analyses montrent ici encore un progrès significatif pour la répétition des pseudo-mots, pour les épreuves de segmentation (sauf l'épreuve d'acronymes), et non pour les épreuves de lecture de mots. On peut donc considérer que la tendance observée au « rattrapage » du niveau moyen normal, dans les épreuves ciblées sur le déficit fondamental des enfants avec dyslexie phonologique, est un effet robuste.
Les progrès dans les épreuves de segmentation sont observés aussi bien dans la méthode B qui entraîne plus particulièrement et directement ces aspects, que dans la méthode A qui attire l'attention de l'enfant sur des aspects des sons de parole, mais qui ne fournit ni indices, ni exercices de segmentation proprement dit de la parole (voir plus haut). Par ailleurs, la méthode C (rééducation classique) entraîne l'enfant par quelques exercices de segmentation sans se focaliser seulement sur cette question. On peut donc s'interroger sur ce qui dans la méthode B (parole modifiée) est le facteur efficace. D'autres études ont attribué les progrès des enfants en perception de la parole à l'entraînement spécifique à la segmentation avec de la parole modifiée. En fait, ces progrès ne sont pas spécifiques de cette méthode.
L'absence de groupe témoin d'enfants dyslexiques non rééduqués ne permet pas de penser que les progrès de rattrapage observés dans les tâches de segmentation ne se seraient pas produits spontanément sans aucune rééducation (en relation avec un processus spontané). On peut cependant considérer les jeunes enfants qui suivent une classe de CE2 en début de rééducation et comparer le niveau de leurs performances après rééducation à celui des performances des enfants en classe de CM1 au début de leur rééducation. Si seul l'effet du développement spontané expliquait le progrès évolutif des enfants dans les tâches de segmentation, les performances des enfants sortant de CE2 après rééducation ne devraient pas être supérieures à celles des enfants entrant en CM1 avant rééducation. Or, les performances des plus jeunes après rééducation sont significativement supérieures à celles des plus âgés avant rééducation (tests non-paramétriques). On ne dispose cependant pas d'un nombre suffisant d'enfants pour comparer les résultats des trois méthodes à cet égard. On peut donc considérer que le développement spontané ne peut être le seul facteur à l'Å“uvre pour expliquer les progrès observés.

En conclusion,

les progrès dans les tâches de segmentation sont des progrès réels attribuables, au moins en partie, aux rééducations. Pourquoi cet effet s'observe-t-il alors dans les trois rééducations, alors que la segmentation phonémique n'est réellement exercée que dans la rééducation B ? Il est possible qu'attirer systématiquement l'attention de l'enfant vers certains aspects auditifs de la parole (aux dépens d'autres aspects auditifs) soit une condition suffisante de progrès. Le fait que les scores évolutifs montrent un progrès en répétition immédiate de pseudo-mots avec les méthodes A et B mais non la méthode C, suggère, en tout cas, que ce caractère systématique et répété de l'attention à certaines propriétés auditives de la parole (même celles éloignées des propriétés intervenant dans les compétences phonologiques) est une condition suffisante pour un progrès dans la répétition immédiate. En revanche, les compétences intervenant dans les tâches de segmentation métaphonologiques semblent sensibles aux trois méthodes de rééducation. Le bénéfice est équivalent entre les trois méthodes, alors qu'elles ne sont équivalentes ni par la nature, ni par le taux d'exercices métaphonologique.
Plusieurs remarques sont essentielles à faire dans cette étude. Tout d'abord, nos résultats montrent que ces progrès ne sont pas exclusivement liés à un entraînement concernant les compétences phonologiques (puisque la méthode A qui est dépourvue d'entraînement phonologique autorise des progrès du même ordre que la méthode B).
Deuxièmement, aucune des méthodes n'aboutit à un rattrapage du niveau normal de lecture. Dans les trois méthodes les enfants progressent par rapport à leur niveau de départ, mais ne réduisent pas l'écart qui les sépare du niveau normal contrairement à ce qui se passe pour les compétences métaphonologiques et pour la mémoire de répétition dans le cas des méthodes A et B.
Troisièmement, aucune différence significative entre méthodes n'est apparue dans aucune des deux procédures de calcul évaluant les progrès (score calibré de base, score calibré évolutif). Par conséquent, dans la période de temps étudiée, aucune des méthodes ne se distingue des autres par ses résultats à l'exception de la méthode C qui ne présente pas de tendance au rattrapage pour la répétition de pseudo-mots.
Quatrièmement, on observe une variabilité interindividuelle considérable dans les performances avant rééducation comme après rééducation. Ce point doit être pris en considération dans les évaluations à venir lors de la constitution des groupes de rééducation différents. Il n'y a pas de solution unique à ce propos ; chaque méthode d'attribution des enfants à une rééducation a des avantages et des inconvénients.
Cinquièmement, comparée aux méthodes A et C, la méthode B obtient, sur une période plus courte des résultats analogues à ceux obtenus par 90 séances réparties sur une période de 9 mois. On peut donc penser qu'une meilleure « gestion » des stratégies rééducatives intensives ne peut avoir que des conséquences favorables pour l'enfant dyslexique.
Enfin, les durées de rééducation utilisées sont très probablement trop courtes comme le suggère le fait qu'on n'observe pas de rattrapage, mais seulement des progrès, dans les niveaux de lecture. Par ailleurs, le post-test réalisé ici est très proche de la fin de la période de rééducation. On ignore dans quelle mesure les progrès observés montreront une stabilité à travers le temps identique pour les trois méthodes.
Il est clair que l'évaluation comparative des méthodes de rééducation exige des moyens financiers considérables pour assurer des échantillons suffisamment grands afin de minimiser le rôle des différences interindividuelles dans les résultats ou bien de les inclure comme objet d'étude, pour assurer des rééducations poursuivies sur une période de deux ans au moins, et assurer des tests et re-tests sur une période de trois ans. En attendant de nouvelles méthodes de rééducation et d'autres évaluations, on peut conclure que les trois méthodes de rééducation étudiées ici sont justifiables. On peut faire quelques suggestions susceptibles d'améliorer leurs résultats. La méthode A pourrait par exemple inclure, à un moment donné de son programme, des exercices portant directement et spécifiquement sur la segmentation de la parole en utilisant la parole ralentie. La prochaine évaluation de la méthode B devrait envisager de ne pas se contenter des exercices de segmentation quitte à rallonger un peu la période de rééducation. La méthode C pourrait inclure des exercices de parole ralentie. Ces suggestions n'ont de sens que par ce qu'il n'existe pas encore de méthode de rééducation qui se distingue par ses résultats.

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Marie-Thérèse Le Normand

Inserm et Service de neurologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré

Scania de Schonen

CNRS, Université Paris 5 et Service de neurologie pédiatrique, Hopital Robert Debré

Paul Messerschmitt

Service de Pédopsychiatrie, Hôpital Trousseau

Christophe Levêque

Service de radiologie, Hôpital d'instruction des armées du Val de Grâce

Marielle Genot-Delbecque

Orthophoniste, Hôpital Trousseau

Marie-France Le Heuzey

Service de psychopathologie de l'enfant

Philippe Evrard

Chef du Service de neurologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré

Exemple de remédiation neurodéveloppementale

La prise en charge thérapeutique des enfants dyslexiques est traditionnellement réalisée par des professionnels, orthophonistes, psychomotriciens, neuropsychologues, selon des modalités et des rythmes de prise en charge volontiers proposés sous la forme de séances bi- ou tri-hebdomadaires de 30 à 45 minutes, s'étalant parfois sur plusieurs années. De même, les remboursements par l'Assurance maladie des rééducations orthophoniques sont généralement calqués sur les habitudes de la profession dans son mode libéral d'exercice, ne laissant pas la possibilité de modalités plus intensives de traitement. Or, les recherches neuroscientifiques fondamentales laissent penser que les effets les plus significatifs sur l'organisation cérébrale sous-jacente aux déficits pourraient avoir lieu pour des interventions plus fréquentes, quotidiennes ou pluriquotidiennes, sur un mode répétitif et intensif et sur de plus brèves périodes.
Au cours des dernières années, des efforts importants ont été consentis par des équipes de recherche pour mettre en évidence l'efficacité de traitements intensifs, tant en termes d'amélioration des déficits cliniquement observables, que d'analyse, à l'aide d'outils de neuro-imagerie, de modifications induites de l'organisation cérébrale (Habib, 2003renvoi vers).
La présente communication résume un série d'études consacrées spécifiquement à l'entraînement des processus phonologiques tant au niveau de l'entrée auditive que de la production, avec pour objectif de cibler le plus finement possible les processus à entraîner et donc la spécificité des effets observés.
L'enjeu, ici, est de proposer des protocoles expérimentaux basés sur une hypothèse précise, en l'occurrence le rôle de l'entraînement phonologique, auditif, ou articulatoire, en contraignant la méthodologie de telle sorte à minimiser l'intervention de facteurs autres que celui ou ceux à étudier. Dans cette optique, le caractère intensif et quotidien, sur une courte période (en général quelques semaines) fournit les meilleures garanties de spécificité, même si, comme nous le verrons, il possède l'inconvénient de ne pas pouvoir garantir l'effet à long terme.
Rappelons enfin le travail de référence dans ce domaine, bien que vivement contesté par certains auteurs, celui publié en 1996 par Tallal et ses collaborateursrenvoi vers. Ces auteurs ont en effet rapporté les résultats sur un groupe d'enfants souffrant de troubles du langage, d'un entraînement quotidien à l'aide d'un jeu informatique audiovisuel (Fastforword®) conçu spécialement pour remédier à un éventuel trouble du traitement auditif que les auteurs postulaient comme causal au trouble d'apprentissage. L'un des inconvénients de Fastforword est qu'il utilise un programme informatisé sous forme de jeu vidéo interactif, dont de nombreuses caractéristiques peuvent contribuer à l'éventuelle efficacité. Les résultats de cette méthode, de même que leurs évidentes limites, ont été largement commentés ailleurs dans cet ouvrage, nous n'y reviendrons pas en détail. Précisons seulement que ce travail a eu clairement le mérite d'ouvrir une nouvelle voie de recherche qui s'avère chaque année un peu plus fructueuse : celle de la remédiation neurodéveloppementale.

Une application francophone du principe de modification temporelle de la parole

À la suite des travaux de Tallal et coll. (1996renvoi vers), Habib et coll. (1999renvoi vers et 2002renvoi vers) ont proposé d'adapter la méthode d'entraînement intensif à caractère temporel sous une modalité à la fois compatible avec la langue française et plus spécifiquement dévolue à la modalité auditive. Ainsi, ces auteurs ont-ils réalisé une série d'exercices de manipulation phonologique dans lesquels les enregistrements de mots étaient acoustiquement modifiés, selon une méthode très similaire à celle utilisée dans Fastforword. Les exercices quotidiens étaient enregistrés sur un support audio (CD), sous forme de séries de mots parmi lesquels l'enfant devait effectuer des appariements en fonction de la présence ou non d'une syllabe ou d'un phonème (par exemple : « quel est l'intrus entre « sapin/lapin/crayon » ? Ou encore, « quel est le mot qui ne commence pas par le même premier son : bateau/bougie/camion »). À l'instar de la méthode Tallal, ce matériel verbal était modifié acoustiquement de telle sorte que la durée des éléments rapides par ailleurs amplifiés proportionnellement, variait progressivement de 200 (durée double de la parole normale) à 100 % (parole non modifiée). Mais à la différence de Fastforword, la méthode est ici purement auditive, permettant d'isoler au mieux les mécanismes d'une éventuelle amélioration des déficits (contrairement à la présentation sous forme de jeu audiovisuel chez Tallal et coll., 1996renvoi vers).
Dans une première étude pilote, Habib et coll. (1999renvoi vers) ont soumis 12 enfants souffrant de dyslexie phonologique à un entraînement quotidien comportant des exercices de ce type, la moitié d'entre eux recevant de la parole ralentie et l'autre moitié de la parole non modifiée. L'entraînement se déroulait sur 5 semaines successives, chaque enfant étant en tête à tête avec l'orthophoniste pour ses exercices quotidiens, d'une durée de 40 minutes environ. Divers tests furent pratiqués avant tout entraînement, juste après la fin des 5 semaines d'entraînement puis un mois après la fin de ceux-ci (sans aucune autre rééducation durant cette dernière période d'un mois). Les mesures réalisées le furent sur trois types d'indices : d'une part la performance quotidienne sur les exercices eux-mêmes, d'autre part la performance à des épreuves phonologiques autres que celles entraînées, enfin diverses épreuves de langage oral et écrit. La première de ces mesures a été la seule à démontrer un effet spécifique de la modification temporelle, appréciée par une analyse de variance à mesures répétées jour après jour, analyse qui s'est avérée très significative, confirmant la supériorité de la parole ralentie. Globalement, le gain mesuré entre le premier jour et le dernier jour d'entraînement en faveur du groupe recevant de la parole modifiée fut de l'ordre de 15 %, avec un maintien de ce bénéfice après un intervalle libre d'un mois (figure 1Renvoi vers). Parmi les épreuves non entraînées, il fut observé une amélioration très significative de la totalité de la population sur pratiquement tous les tests réalisés (phonologie, langage oral et écrit). Ainsi, de ce travail préliminaire, deux conclusions purent être tirées : d'une part le caractère limité et non généralisable de l'avantage de la parole temporellement modifiée et d'autre part, sans doute le résultat le plus spectaculaire, une amélioration très significative des deux groupes dans de nombreuses épreuves de langage, en particulier en lecture et en orthographe, confirmant ainsi l'intérêt d'un entraînement purement phonologique dans la récupération du langage écrit chez le dyslexique. Ainsi, au test classique de l'Alouette, les 12 enfants pris dans leur ensemble amélioraient très significativement leur performance, passant d'un âge de lecture moyen de 56 mois à un âge moyen de 52 mois, soit un gain de plus de 5 mois d'âge de lecture (compte-tenu des 6 semaines séparant les deux mesures). En d'autres termes, entraîner tous les jours des enfants dyslexiques par des exercices répétitifs ne portant que sur l'écoute attentive, sans feed-back particulier, de mots sur lesquels l'enfant doit réaliser une manipulation mentale du contenu phonologique, suffit à améliorer très significativement leurs performances en lecture.
Les conditions de cette étude, tout-à-fait privilégiées, tiraient parti de la collaboration d'une école spécialisée (« Les Lavandes ») qui a accepté de participer au recrutement et de modifier profondément l'emploi du temps de douze de ses pensionnaires durant la période de tests et d'entraînement. À la suite de ce travail préliminaire, la même équipe (Habib et coll., 2002renvoi vers) a utilisé le même matériel d'entraînement sur deux populations d'enfants dyslexiques dans le but spécifique de confirmer son efficacité sur une population plus vaste et surtout dans des conditions plus écologiques, à savoir en partie au cabinet de l'orthophoniste, en lieu et place de certaines rééducations, en partie au domicile sous le contrôle des parents, spécifiquement instruits à cet effet. Le matériel, qui se présente sous forme de CD dont chaque piste, numérotée, correspond à une journée de traitement, est alors fourni aux parents avec une paire d'écouteurs HF et une fiche de réponse sur laquelle ils doivent, sans intervenir activement, noter la réponse de l'enfant.
La quantité d'exercices quotidiens a été ramenée à une durée de 20 minutes environ et chaque semaine les fiches de réponses sont recueillies afin d'assurer le suivi de l'étude. Cinquante deux enfants dyslexiques (29 dans une première étude, 23 dans une seconde), âgés de 7,3 à 12,3 ans, ont ainsi été sélectionnés et traités de la même manière que pour l'expérience précédente, à l'exception près que tous recevaient le même matériel acoustiquement modifié. Par conséquent, les résultats ne pouvaient informer que sur l'effet global de l'entraînement, sans dissocier l'effet d'un exercice phonologique quotidien de celui du ralentissement de la parole. Globalement, les résultats furent très similaires à ceux obtenus par la population dans son ensemble dans la première étude : environ 15 % de gain sur les tâches phonologiques, mais une généralisation seulement partielle aux tâches de lecture, la lecture de pseudo-mots semblant ici la seule à être significativement améliorée (figure 2Renvoi vers), peut-être en raison d'un effet plafond, les listes de mots étant relativement courtes et aisées pour des enfants ayant déjà en partie récupéré de leur dyslexie.
Figure 1 Performances (réponses correctes) des deux groupes de dyslexiques, comparées à un groupe témoin non dyslexique, avant, juste après et un mois après un entraînement phonologique quotidien comportant des mots enregistrés avec de la parole normale (PLAC) ou modifiée dans le sens d'un ralentissement des transitions formantiques (EXP)
Figure 2 Performances (réponses correctes) en lecture de pseudo-mots (/20), de mots réguliers (/10) et de mots irréguliers (/10) chez 26 enfants dyslexiques avant et après 6 semaines d'entraînement temporo-phonologique réalisé dans des conditions écologiques (cabinet de l'orthophoniste et à domicile avec les parents). Amélioration significative seulement en lecture de pseudo-mots.

Entraînements articulatoires dans la dyslexie

Les entraînements articulatoires reposent sur un ensemble de données expérimentales visant à relier les troubles phonologiques à un déficit de la boucle audio-articulatoire (Montgomery, 1981renvoi vers ; Heilman et coll., 1996renvoi vers), et ce en se basant sur divers cadres théoriques (comme la théorie motrice de la perception de la parole de Liberman et Mattingly, 1985renvoi vers ; ou la théorie cérébelleuse de Nicolson et coll., 2001renvoi vers).
Alexander et coll. (1991renvoi vers) ont les premiers mené une étude sur dix enfants dyslexiques soumis à une série de tests préliminaires montrant qu'ils présentaient un déficit marqué dans des épreuves ayant trait à la conscience phonologique. Ces enfants ont ensuite été entraînés selon un programme visant à leur faire prendre mieux conscience des mouvements articulatoires dans la production des sons de la parole. Ce programme se fondait sur les informations proprioceptives et tactiles en provenance des articulateurs, sur les informations visuelles apportées par un miroir placé en face du sujet de façon à lui permettre de voir sa bouche lorsqu'il parlait, et sur le feed-back auditif. Ainsi, lorsque le sujet produisait un « b », l'expérimentateur attirait son attention sur le fait que ce phonème est produit grâce à un mouvement rapide de fermeture/ouverture des lèvres. Chaque phonème était en outre désigné par un nom destiné à souligner les caractéristiques des mouvements articulatoires associés à ce phonème. Les occlusives bilabiales étaient ainsi appelées des « lip poppers ». Les sujets apprenaient également à identifier parmi un ensemble de planches articulatoires celle qui représentait le mieux la forme du conduit vocal dans la production d'un phonème prédéterminé. Après entraînement, les enfants ont montré une amélioration notable de leurs performances dans les tests de conscience phonologique.
L'une des études les plus complètes concernant l'effet d'un entraînement articulatoire chez le dyslexique est celle de Wise et coll. (1997renvoi vers et 1999renvoi vers). Dans une première publication (Wise et coll., 1997renvoi vers), ces auteurs rapportent une étude pilote ayant pour objectif de séparer l'effet d'un entraînement phonologique de celui d'un entraînement de la « conscience articulatoire ». Les enfants recevaient par petits groupes, soit un entraînement à la conscience phonologique (N=17), sans travail explicite sur l'articulation, soit un travail de lecture, de manipulation lettres/phonèmes et de conscience articulatoire. Après 60 demi-heures d'entraînement étalées sur 5 mois, le gain était très net mais sans différence entre les deux groupes, hormis une tendance non significative à un effet plus clair chez les enfants ayant le trouble phonologique le plus sévère. Un des problèmes de cette étude était que, pour rendre les durées d'entraînement équivalentes dans les deux groupes, le groupe phonologique pur recevait un travail non spécifique de lecture et d'écriture plus long que le groupe articulatoire, ce qui pouvait réaliser un biais non contrôlé. Dans leur deuxième étude (Wise et coll., 1999renvoi vers), les auteurs ont étudié 153 enfants des 2e à 5e grades (CE1 à CM2) définis comme les 10 % plus faibles en lecture de leur tranche d'âge à intelligence équivalente. Quatre groupes ont été réalisés : un premier (N=43) recevait un entraînement articulatoire seul, où on apprenait aux enfants, face à un miroir et par palpation du visage et du cou, à découvrir les mouvements articulatoires correspondant à la production des différents sons de la parole. Des vignettes comportant des dessins des mouvements nécessaires à la réalisation des sons étaient présentées par paires (sibilantes « s » et « z » ; bilabiales « p » et « b »...). De même pour les voyelles, les enfants apprenaient à représenter chaque son sur un dessin figurant l'ouverture de la bouche et la position de la langue dans la bouche. Un deuxième groupe (N=42) recevait seulement des exercices de manipulation de sons, c'est-à-dire divers exercices de comptage, suppression, échange de phonèmes, de rimes et de syllabes, avec un support de carrés ou de cubes représentant les sons de mots courts (très nombreux en anglais), et en utilisant le principe d'un « mot-clé » servant de référence pour chaque son, associé à un dessin figuratif auquel se référer pour associer un son donné. Un troisième groupe (N=37) recevait un entraînement combiné (articulatoire et manipulation de sons), mais selon un protocole de durée égale aux deux autres groupes, grâce à un programme informatisé (Marvin) où le personnage apparaît sur l'écran avec une bouche animée prononçant des pseudo-mots imprimés sur l'écran. Les sujets devaient décider si la prononciation de Marvin est correcte ou pas. Enfin, un groupe témoin (N=31) ne recevait aucune instruction particulière d'ordre phonologique ou articulatoire. Ici encore, un biais important est réalisé par le fait que le groupe articulatoire seul, pour pouvoir être aligné en durée de rééducation avec les autres groupes, passait significativement plus de temps sur une tâche informatisée de lecture où le sujet lisait sur l'ordinateur un texte de son choix, avec la possibilité de pointer les mots difficiles que l'ordinateur va alors présenter sous forme segmentée et le « prononcer » oralement.
Les résultats les plus importants de cette vaste étude sont :
• aucune différence entre les conditions combinées et manipulation de sons, suggérant l'absence d'effet additif des deux approches ;
• très peu de différences entre manipulation et articulation seule, suggérant que l'articulation est aussi efficace que la manipulation pour développer la conscience phonologique ;
• seules deux tâches de conscience phonologique étaient significativement mieux réalisées par le groupe manipulation, avec une différence par rapport aux autres groupes qui persistait 10 mois après.
Toutefois, cet avantage ne se généralisait absolument pas aux autres tâches, en particulier de lecture, ni à la fin de l'entraînement, ni 10 mois plus tard. En outre, les auteurs s'attendaient à ce que l'entraînement articulatoire soit d'autant plus efficace que le trouble phonologique initial était plus prononcé, mais cela ne fut pas le cas. Le seul effet sur le langage écrit, paradoxalement, était obtenu avec le groupe articulatoire seul qui était finalement meilleur sur une tâche de codage orthographique (distinguer entre un mot correctement orthographié et son pseudo-homophone : « rain-rane »), résultat que les auteurs expliquent par le temps supplémentaire passé sur la tâche de lecture informatisée par les enfants de ce groupe. Finalement, on retiendra de cette étude que l'adjonction d'une composante d'entraînement articulatoire ne semble pas apporter de bénéfice particulier par rapport à un entraînement phonologique seul. Toutefois, l'effort méthodologique considérable réalisé pour rendre équivalents les temps passés en rééducation aura paradoxalement nuit à la mise en évidence de différences. Un autre facteur possible pourrait être le mode de sélection des enfants dits « en difficulté de lecture », représentant les 10 % moins bons de leur tranche d'âge, mode de sélection certainement moins spécifique qu'un recrutement clinique, incluant en particulier la présence ou non d'antécédents de troubles du langage oral, facteur évidemment important quand on étudie les liens entre production et manipulation phonologique. À cet égard, une étude réalisée sur des enfants plus jeunes avec trouble de la production phonologique (Hesketh et coll., 2000renvoi vers) n'a pas non plus montré de différence selon que ces enfants recevaient un entraînement métaphonologique (10 séances à raison d'une par semaine) ou un entraînement articulatoire (mais il ne s'agissait à cet âge que de tâches visant à améliorer la production, et non de tâches de conscience articulatoire, comme dans le travail précédent). Enfin, les auteurs ne présentent malheureusement pas le devenir de ces enfants lors de l'apprentissage de la lecture, ce qui aurait évidemment été intéressant.
Dans le même ordre d'idées, Mercier et coll. (2002renvoi vers) ont proposé à 19 enfants dyslexiques soigneusement sélectionnés parmi la clientèle d'orthophonistes appartenant à un réseau de soins spécialisé, un entraînement phono-articulatoire selon un schéma expérimental destiné à éviter les biais rencontrés dans les études précédentes (tableau Irenvoi vers).
Les enfants, âgés de 9 à 12 ans ont été répartis en deux groupes : le groupe 1 recevait un entraînement phonologique quotidien (identique à celui réalisé dans Habib et coll., 2002renvoi vers) durant deux périodes de trois semaines auquel était associé un entraînement articulatoire pendant la première période seulement. Pour le groupe 2, les deux types d'entraînement étaient proposés dans l'ordre inverse (auditif seul les trois premières semaines, auditif et articulatoire les trois semaines suivantes).

Tableau I Schéma expérimental de l'entraînement phono-articulatoire de Mercier et coll. (2002renvoi vers)

 
Groupe 1
Groupe 2
Session 1 (semaines 1-3)
Phonologie+ Articulation
Phonologie
Session 2 (semaines 4-6)
Phonologie
Phonologie+ Articulation
L'entraînement articulatoire, assez similaire à celui réalisé par Wise et coll. (1999renvoi vers), consistait en des séances bi-hebdomadaires de 20 à 30 minutes destinées à renforcer, grâce à un support graphique, tactile et auditif, la conscience articulatoire lors de la production de phonèmes proches, en se concentrant sur les occlusives du système phonétique français. Chaque séance se déroulait de manière similaire : l'enfant réalise d'abord le phonème face à un miroir afin de prendre conscience de la position de ses lèvres lors de sa production orale. En outre, il doit placer sa main sur son cou afin d'avoir un feed-back tactile et ensuite verbaliser les sensations proprioceptives et kinesthésiques qui accompagnent la prononciation du phonème. Cette première étape est réalisée successivement pour le phonème voisé et le phonème non voisé d'une même paire. Puis l'enfant est exercé à associer chaque occlusive à un schéma comportant une coupe sagittale du visage représentant de manière très simplifiée la position des lèvres, de la langue, des dents et du palais lors de la production du phonème cible. La présence (ou l'absence) de voisement est également représentée par un trait vert et droit pour les sons non voisés, un trait ondulé et rouge pour les sons voisés. Enfin, l'enfant apprend à associer un mot contenant le phonème appris avec le schéma correspondant à l'aide de paires de paronymes (palais/balais, touche/douche) variant d'une séance à l'autre. La partie auditive de cette thérapie utilisait un logiciel ludique de reconnaissance de la parole du commerce (Speechviewer III® IBM), en utilisant 5 de ses fonctionnalités (contrôle du voisement, contrôle d'un phonème, contrôle d'une chaîne de phonèmes, contrôle de deux phonèmes, et contrôle de quatre phonèmes).
Des tests de lecture, de conscience phonologique, de dictée et de répétition de mots ont été réalisés avant l'entraînement et après chacune des deux périodes de trois semaines.
Les résultats (traités par analyse de variance à mesures répétées, test de Wilcoxon et analyse des corrélations) confirment l'effet bénéfique de l'entraînement phonologique sur les différentes habiletés déficitaires chez les enfants dyslexiques, tout particulièrement les tâches phonologiques (figure 3Renvoi vers). L'effet bénéfique est également montré sur la lecture (figure 4Renvoi vers) et la dictée de pseudo-mots.
Alors que les deux groupes améliorent significativement leur performance entre le début et la fin de l'entraînement, les périodes où les deux méthodes sont combinées donnent lieu à une amélioration plus nette (figure 3Renvoi vers). Les deux groupes s'améliorent de manière similaire tout au long de la période d'entraînement (figure 4Renvoi vers).
Figure 3 Performances en conscience phonologique (score/13) des deux groupes de dyslexiques
Figure 4 Performance en lecture des groupes 1 et 2 et performance moyenne des deux groupes
Par ailleurs, la comparaison des performances des deux groupes suggère une accentuation de l'effet lors des périodes avec entraînement articulatoire tout particulièrement sur les tâches de conscience phonologique et de dictée. Enfin, pour les deux groupes confondus, l'amélioration finale en conscience phonologique était corrélée au degré d'amélioration sur les tâches purement articulatoires (répétition de mots).
D'un point de vue méthodologique, la supériorité de cette étude par rapport au travail de Wise et coll. (1999renvoi vers) réside dans le fait que, bien que les deux périodes ne soient pas égalisées quant à la quantité d'entraînement reçu par chaque enfant, cet inconvénient est compensé par le contre-balancement des deux périodes pour chaque enfant. Concernant l'effet sur la lecture (figure 4Renvoi vers), il semble que l'amélioration très significative observée soit comparable à ce qui a été retrouvé par la même équipe lors d'études préalables après entraînement purement phonologique (Habib et coll., 1999renvoi vers et 2002renvoi vers).
En définitive, l'adjonction d'un entraînement articulatoire à l'entraînement phonologique classique semble accélérer la récupération du déficit phonologique, mais sans influence spécifique sur la lecture de pseudo-mots, pourtant réputée explorer les mécanismes phonologiques présumés déficitaires en lecture.

Entraînement phonologique et intermodalitaire

Kujala et coll. (2001renvoi vers) ont sélectionné 48 enfants dyslexiques de 7 ans ; par tirage au sort, 24 de ces enfants ont reçu un entraînement spécifique et 24 ont été considérés comme groupe témoin. L'entraînement du groupe expérimental consistait en la pratique durant dix minutes deux fois par semaine, et ce sur 7 semaines, d'un jeu vidéo dont le principe était basé sur l'apprentissage d'une association entre des sons ayant différentes caractéristiques (de durée, d'intensité ou de hauteur) et une représentation graphique de ces sons (sous la forme de traits de taille, épaisseur et position différente). Un tel entraînement consistait donc à exercer spécifiquement la transcription auditivo-graphique sans utiliser aucun élément linguistique, ni auditif, ni visuel. Enfin, une partie des enfants ainsi entraînés ont également reçu un enregistrement des potentiels évoqués auditifs selon le paradigme déjà cité de la Mismatch Negativity (MMN). Les résultats de cette étude furent tout à fait probants puisque les enfants du groupe expérimental différaient significativement de ceux du groupe témoin sur des tâches de lecture de mots, et seulement lors de l'évaluation post-entraînement audiovisuel. Par ailleurs, dans le groupe expérimental, les potentiels évoqués ont montré une augmentation d'amplitude entre le premier et le second enregistrement, suggérant que l'entraînement ait modifié l'organisation cérébrale sous-jacente aux processus, probablement corticaux, de discrimination auditive. Les auteurs insistent sur le fait que leurs résultats ne sont pas en faveur de la nature temporelle du trouble auditif central, puisque l'amélioration a été obtenue à un niveau cortical très élémentaire sans que les exercices ne fassent appel à du matériel acoustiquement modifié, comme dans les travaux de l'équipe Tallal-Merzenich. Enfin, ils conviennent de la nécessité, dans des travaux ultérieurs, d'un groupe contrôle recevant un entraînement d'autre nature pour que la comparaison soit vraiment pertinente.
Se basant sur ce travail, Santos et coll. (2006renvoi vers) ont récemment proposé à 26 enfants dyslexiques, âgés de 7 ans et 7 mois à 11 ans et 10 mois, un protocole d'entraînement phonologique utilisant le matériel décrit précédemment, mais comportant uniquement de la parole non modifiée, de façon à éviter la confusion de plusieurs facteurs dans l'analyse de l'effet observé. Ces enfants étaient séparés en deux groupes, le premier recevant un entraînement visuel non spécifique associé à l'entraînement phonologique, le second un entraînement qualifié d'intermodal, reposant sur l'association de phonèmes à discriminer avec un stimulus visuel, à l'instar de Kujala et coll. (2001renvoi vers). Pour ce faire, les auteurs ont utilisé un matériel extrait du logiciel Play-on® (« jeu de basket »), déjà utilisé par Magnan et coll. (2004renvoi vers), où les sujets sont placés devant un écran d'ordinateur et équipés d'écouteurs dans lesquels sont adressés de manière aléatoire l'un ou l'autre de deux exemplaires d'une paire de syllabes phonologiquement proches. Ils doivent décider le plus rapidement possible, en appuyant sur une touche de l'ordinateur, de diriger une balle apparaissant sur l'écran en même temps que le stimulus auditif vers un des deux paniers situés de chaque côté de l'écran. Cet apprentissage visuo-auditivo-moteur réalise donc typiquement un entraînement multimodalitaire.
Chacun des deux groupes recevait les deux traitements en deux périodes, l'une de trois semaines où les deux traitements étaient associés, l'autre, de trois semaines également, avec seulement l'entraînement phonologique. Ainsi, chaque groupe recevait une quantité équivalente de rééducation, avec une partie commune (6 semaines d'entraînement phonologique) et une partie différente (3 semaines d'entraînement intermodal pour l'un, visuel pour l'autre), l'entraînement visuel n'ayant a priori pas vocation à provoquer un effet mesurable (situation contrôle).
Les résultats (figure 5Renvoi vers) ont montré une amélioration significative dans les deux groupes, tant pour la lecture que pour un score phonologique composite, suggérant que l'adjonction d'un traitement intermodal n'a pas apporté d'efficacité supplémentaire au traitement phonologique. En revanche, dans plusieurs épreuves de transcription (dictée de pseudo-mots et dictée de texte), seul le groupe ayant reçu l'entraînement intermodal présente une amélioration significative (figure 6Renvoi vers).
Figure 5 Performances des sujets avant et après entraînement
Figure 6 Nombre d'erreurs dans une épreuve orthographique (dictée de texte)
Cette étude confirme donc d'abord, une fois de plus, l'efficacité remarquable d'un entraînement phonologique intensif et quotidien, sur une relativement brève période. Elle suggère en outre que pour la lecture et la phonologie, l'adjonction d'un entraînement intermodal, sensé renforcer les processus de transcodage intermodalitaires, connus pour être spécifiquement altérés en début d'apprentissage chez le dyslexique, n'apporte pas de gain particulier. En revanche, pour les processus de transcription phono-graphémique (dictée à voix haute), le gain est significatif. En d'autres termes, il semble que contrairement à l'adjonction d'un entraînement articulatoire, qui possède un effet modeste mais cumulatif avec celui de l'entraînement phonologique, l'entraînement intermodal s'adresse à des mécanismes distincts de l'entraînement phonologique, complémentaires de ce dernier. Ce résultat confirme donc partiellement ceux obtenus par Magnan et coll. (2004renvoi vers) qui, utilisant le même outil (Play-on®), améliorent significativement les performances de leurs dyslexiques dans une tâche de reconnaissance orthographique. Sans spéculer plus avant sur la nature de ces mécanismes, on peut toutefois remarquer que ce type d'exercices mettant en jeu à la fois la discrimination auditive de phonèmes et leur association avec un indice sensori-moteur, véritable transcodage intermodalitaire, vise un mécanisme qui pourrait être complémentaire de celui des exercices phonologiques classiques, essentiellement basés, quant à eux, sur le travail des processus de segmentation sonore. Ainsi, contrairement à l'entraînement phonologique qui améliore spécifiquement les capacités en lecture, entraîner les dyslexiques tout à la fois à discriminer des phonèmes et à les associer à une réponse visuo-motrice pourrait influer positivement et spécifiquement sur leurs aptitudes orthographiques.
Enfin, à l'instar du travail de Kujala et coll. sus-cité, les auteurs ont réalisé un examen de l'activité électrique cérébrale par la méthode des potentiels évoqués, dans le but de rechercher des concomittants cérébraux à l'amélioration constatée cliniquement. De fait, des anomalies détectées avant entraînement lors de la stimulation auditive disparaissent après entraînement (Santos et coll., 2006renvoi vers), suggérant que l'entraînement a modifié le traitement cérébral des stimuli auditifs. La persistance ou non de cet effet à plus long terme reste cependant à déterminer.

En conclusion,

il apparaît à présent possible de dégager quelques idées générales potentiellement utiles à la réflexion du thérapeute sur la mise en place, dans chaque cas, d'un traitement à base théorique (theory-based), ce qui a fait jusqu'à présent cruellement défaut en matière de dyslexie.
En premier lieu, il convient de discuter la forme générale que peuvent prendre les actions thérapeutiques basées sur les données présentées ici. D'un point de vue tout d'abord de la durée et de la fréquence des interventions, le caractère intensif et quotidien des interventions paraît aujourd'hui amplement souhaitable. Mais il faut admettre que dans les différents travaux ci-dessus, la principale justification du caractère intensif est la nécessité, liée aux contraintes de tout travail de recherche, d'optimiser les chances de mettre en évidence un effet significatif, dans la mesure où des traitements plus longs ou moins intensifs augmenteraient le risque d'interférence avec des facteurs confondants d'autre nature. Des durées de traitement de 5 à 6 semaines, avec intervention quotidienne, voire pluri-quotidienne, semblent ainsi, pour des raisons à la fois expérimentales et cliniques, les plus à même de satisfaire aux exigences de telles recherches. En revanche, rien ne prouve que des périodes plus longues ou des traitements moins intensifs ne puissent pas être aussi efficaces, mais cela serait difficile à prouver scientifiquement. La médiation d'outils standardisés, qu'il s'agisse de jeux vidéos ou d'enregistrements audios, apparaît une nécessité, cette fois non seulement pour la recherche, mais même en pratique clinique dans la mesure où il est indispensable de pouvoir contrôler la qualité et la quantité des informations qui sont adressées au sujet durant les séances d'entraînement. Des outils de type crayon-papier, tels que classiquement utilisés en rééducation orthophonique, restent de mise, surtout dans le but de maintenir la qualité de la relation patient-thérapeute, mais ne peuvent plus à l'heure actuelle constituer le principal de la rééducation, au risque de laisser l'évaluateur dans le flou quant aux raisons de l'efficacité ou non de son action.
Concernant à présent le contenu même de l'entraînement, ce qui est, bien entendu, l'objectif principal des recherches décrites ci-dessus, les données actuelles n'incitent pas à proposer, du moins de manière systématique, des exercices contenant de la parole artificiellement ralentie, le bénéfice par rapport à la parole normale étant bien peu documenté. En revanche, il paraît aujourd'hui incontournable de proposer des exercices de conscience phonologique diversifiés dans les processus visés, même si leur forme, pour les raisons évoquées ci-dessus, sera nécessairement plutôt monotone. L'avantage d'outils pré-enregistrés, outre le fait qu'ils exercent spécifiquement l'entrée auditive, est qu'ils permettent de réaliser une progression dans la difficulté des exercices, et éventuellement d'adapter ces exercices à chaque cas en fonction de l'âge, par exemple, ou encore de la sévérité du déficit phonologique. Un autre avantage de ce type d'approche est qu'il vise spécifiquement un certain type de processus, permettant l'utilisation d'autres outils pour d'autres objectifs, sans risque de chevauchement ou de double emploi. Par exemple, il est plus rationnel de séparer les périodes d'entraînement phonologique de celles d'entraînement de la fluidité de la lecture, qui reposent sur des processus totalement distincts. En revanche, l'alternance rapprochée de périodes phonologiques et intermodalitaires paraît plus plausible, dans la mesure où les arguments sont nombreux en faveur d'une potentialisation entre les deux types de processus, l'idée étant que le bénéfice apporté par un renforcement des processus métaphonologiques ne sera optimal que s'il est directement appliqué aux actes de lecture et d'écriture. Tel enfant qui avait largement amélioré ses capacités de segmentation après quelques semaines d'entraînement phonologique déclarait, comme une révélation : « mais alors, je peux faire la même chose quand je lis et quand j'écris ? ». Il est clair que la remise en place d'un système phonologique efficace ne prend tout son intérêt que si elle s'accompagne d'un progrès visible dans les processus de décodage et de transcodage.
Une autre condition d'efficacité est sans doute, comme souvent en rééducation neuropsychologique, la nécessité d'adapter le type de traitement à chaque profil individuel de déficit. Sans aborder ici la question des dyslexies visuelles, traitée par ailleurs dans cet ouvrage, il est clair que parmi les dyslexies phonologiques, celles s'accompagnant par exemple de troubles articulatoires pourraient tirer le maximum de bénéfice d'un entraînement de la conscience articulatoire à l'aide de support visuel et tactile, comme cela a été décrit plus haut. Des travaux récents semblent également démontrer qu'un traitement portant exclusivement sur la discrimination auditive, sans composante de segmentation ou de manipulation phonémique, est capable d'avoir un effet propre sur l'acquisition de la lecture (Hayes et coll., 2003renvoi vers ; Hatcher et coll., 2004renvoi vers). De même, la sévérité d'un trouble visuo-spatial associé débouchera sur une prise en compte de ces aspects, y compris sous la forme d'un travail de psychomotricité, même si les travaux, dans ce domaine, font spécifiquement défaut.
Il reste à envisager la question de l'environnement idéal de ces entraînements intensifs. Les études scientifiques sont souvent réalisées dans des milieux privilégiés, tels que des établissements spécialisés ou des structures hospitalières. Mais cela ne peut évidemment pas être le cas de la majorité des enfants souffrant de ces troubles. En théorie, l'école pourrait être le lieu approprié pour la réalisation d'interventions quotidiennes, en favorisant la prise en charge de petits groupes, voire en individuel. Toutefois, ce type de prise en charge se heurte à un manque de personnel (Rased, réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté, enseignants spécialisés) faisant que l'on donne volontiers la préférence à des pratiques mixtes, chez l'orthophoniste deux à trois fois par semaine, et au domicile le reste du temps, ce qui présume évidemment d'une participation active et fiable de la part des parents, ce qui ne peut pas être toujours obtenu. L'idéal serait la création de structures scolaires spécialisées, telles que des CLIS (classes d'intégration scolaire) à petit effectif, où les enfants sont une partie du temps dans leur classe de niveau, et le reste du temps dans la classe spéciale, où ils reçoivent à la fois l'instruction dans les domaines déficitaires et éventuellement les remédiations adaptées à chaque cas. L'avantage de cette formule, si elle est réalisée dans le cadre de réseaux multidisciplinaires, est de permettre au thérapeute (orthophonistes, neuropsychologues, psychomotriciens...) de se concentrer sur le travail spécifiquement rééducatif et l'évaluation, alors que la partie plus instrumentalisée et à caractère répétitif se fait dans l'école.
Enfin, outre l'élargissement de la recherche à d'autres domaines déficitaires, les travaux décrits ci-dessus pourraient utilement se prolonger par des études à visée épidémiologique et préventive, impliquant ici encore la structure scolaire, dans le cadre de recherches-actions mettant en jeu des équipes mixtes, éducatives et scientifiques, voie privilégiée vers une meilleure communication et un partage encore plus aisé des informations entre les deux domaines de compétences.

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Michel Habib

Service de neurologie pédiatrique,
Hôpital des enfants de la Timone, Marseille

Rééducation orthophonique dans la dyslexie

Les rééducations des troubles du langage oral et écrit de l'enfant sont, en France, de la compétence des orthophonistes.
En ce qui concerne les troubles d'acquisition du langage écrit, la nature même de la définition et la multiplicité des hypothèses et modèles explicatifs de la dyslexie, ont conduit au développement d'une multiplicité des traitements orthophoniques de ce trouble.
De même, la nature développementale du trouble, impliquant un défaut d'apprentissage précoce de la lecture compromettant l'adaptation scolaire, a fait que le débat a longtemps été de savoir si la pédagogie était en cause, ou si la pédagogie pouvait résoudre les difficultés de ces enfants.
L'enfant manifestant des troubles de l'apprentissage scolaire, se trouvant en difficultés par rapport à ses pairs, mal compris par ses parents et les adultes de son entourage, présente souvent des manifestations comportementales concomitantes pouvant laisser penser qu'elles sont causes et non conséquences des difficultés d'apprentissage. L'aspect psychologique de la prise en charge a donc parfois prévalu dans le traitement.
Les difficultés rencontrées par l'enfant dyslexique influent de façon évidente sur sa motivation à apprendre, toujours nécessaire pour acquérir de nouvelles connaissances. L'enfant qui réussit se trouve valorisé, gratifié et accepte de s'engager dans d'autres apprentissages, alors que l'enfant vivant précocement des échecs se décourage et n'a plus envie de se retrouver dans des situations d'apprentissage vécues comme dangereuses et dévalorisantes.
On voit pourquoi, du fait de la multiplicité des facteurs intervenant dans l'explication de la nature des troubles de l'enfant dyslexique, des abords très divers ont été développés dans les traitements et notamment dans les rééducations orthophoniques. Ces abords sont déterminés par les hypothèses formulées quant à ce qui est envisagé comme le plus gênant pour l'enfant ou le plus responsable de son incapacité à apprendre.
Le groupe de travail sur les recommandations de l'Anaes avait déjà signalé en 1997renvoi vers, que l'analyse de la littérature sur les troubles du langage écrit chez l'enfant montrait que « l'évaluation de l'efficacité de l'orthophonie était difficile, et que des recommandations étaient fondées sur un faible niveau de preuve scientifique ». Ceci est lié au fait qu'il existe peu d'études longitudinales sur l'évolution naturelle des troubles du langage écrit, peu d'études comparant différentes interventions avec l'absence de soins ou des soins dits « placebo », peu d'études sur des stratégies comparant le nombre total de séances de soins, la durée de ces séances ou leur fréquence. D'où la difficulté pour le médecin d'évaluer précisément l'indication de séances d'orthophonie, si bien qu'il « prescrit en fonction des arguments proposés par l'entourage de l'enfant (parents, enseignants, médecin scolaire, orthophoniste) ».
Les difficultés d'évaluation des rééducations tiennent également à la grande diversité des enfants dyslexiques quant à la nature de leurs troubles, à leur intensité, aux répercussions de ceux-ci sur la vie scolaire et familiale, elles-mêmes dépendantes des compétences cognitives de l'enfant, de sa personnalité et de son comportement, sans oublier l'importance de son environnement social et familial. Il est donc très difficile de faire des groupes de sujets homogènes.
Tous ces éléments et toutes ces facettes du trouble et de l'enfant sont à prendre en compte quand on reçoit un enfant dyslexique pour sa rééducation, et vont orienter la décision du projet thérapeutique.
La rééducation orthophonique ne se fait que sur prescription médicale et il faut qu'au moment de la consultation, la situation de l'enfant soit bien évaluée pour décider en toute connaissance de cause quelles interventions thérapeutiques sont souhaitables, dans quel ordre ou dans quelle association. Il est des cas où l'orthophoniste ne peut travailler seul et où l'intervention d'autres professionnels est nécessaire. C'est notamment le cas quand il existe des troubles associés, nécessitant l'adjonction d'autres traitements.
La rééducation orthophonique d'un enfant présentant un trouble dyslexique a deux objectifs principaux : développer les compétences nécessaires à l'apprentissage du langage écrit et développer les compétences pouvant être utilisées comme stratégies de compensation.

Développement des compétences nécessaires à l'apprentissage du langage écrit

Chez certains enfants, le développement insuffisant ou déviant des compétences ne permet pas l'apprentissage de la lecture.
En particulier, les performances en conscience phonologique et en dénomination rapide influencent la vitesse d'acquisition des premières compétences en lecture (Wagner et coll., 1997renvoi vers). Wolf et coll. (2000renvoi vers) discutent le fait que des déficits dans la vitesse de dénomination d'une part et dans le traitement phonologique d'autre part, sont des déficits distincts et dissociables dans le développement de la parole et du langage. Les enfants avec le double déficit (déficit phonologique et déficit en vitesse de dénomination) présentent les formes les plus graves de troubles du langage.
La vitesse de dénomination est conceptualisée comme un ensemble complexe de sous-processus attentionnels, perceptifs, conceptuels, mnésiques, phonologiques, sémantiques et moteurs (articulatoires), nécessitant que les temps d'exécution de chaque composant soient rapides. Le déficit en vitesse de dénomination visuelle, qui se traduit par des difficultés dans l'accès rapide aux noms des symboles visuels et dans leur évocation, peut expliquer l'échec dans l'acquisition des compétences d'identification rapide des mots isolés.
Le développement de la procédure d'assemblage nécessite que l'enfant accède à la conscience phonétique, possède les correspondances graphies-phonies, puisse fusionner les sons en syllabes puis en mots avant de pouvoir accéder au sens.
La conscience syllabique est acquise par les enfants de 4-5 ans. La notion de syllabe est vite appréhendée par les jeunes enfants, car les syllabes sont des unités articulatoires, à la différence des phonèmes qui sont eux, coarticulés en syllabes et plus difficilement dissociables en éléments minimaux.
La conscience phonétique se développe au moment de l'apprentissage de la lecture, avec qui elle entretient des relations réciproques. Il faut en effet avoir conscience que les mots sont constitués de sons pour apprendre à lire, mais réciproquement, le fait de découvrir la lecture dans un système alphabétique montre l'existence d'unités phonétiques. C'est donc dans cette réciprocité que se construit la conscience phonétique, et c'est pourquoi elle est toujours à travailler, chez l'enfant dyslexique, avec un support visuel ou autre et en parallèle avec l'apprentissage des conversions graphies-phonies. C'est-à-dire qu'il faut utiliser des supports visuels et/ou kinesthésiques, car leur canal auditif est peu performant.
L'entraînement des habiletés de traitement phonémique intentionnel a des effets positifs sur l'acquisition de la lecture, en particulier quand il est mené conjointement avec l'entraînement à la connaissance des correspondances graphème-phonème (Ehri et coll., 2001renvoi vers). Il faut tenir compte du fait que le travail sur la conscience phonologique implique d'autres processus comme l'attention auditive, la discrimination auditive et la mémoire de travail.
L'apprentissage des conversions graphies-phonies peut être entravé chez l'enfant dyslexique par le fait qu'il n'a pas la conscience du son, qu'il différencie mal le nom de la lettre du son correspondant et qu'il perçoit peu les différences entre les sons (notamment les voisements).
La rééducation nécessite donc l'apport de supports autres qu'auditifs pour différencier les sons, car les entrées auditives sont souvent défaillantes. Il faut utiliser le visuel (gestes Borel, dessins rappelant le bruit du phonème ou la forme de la bouche pendant la production), le kinesthésique (faire sentir les vibrations laryngées ou associer un mouvement corporel). Il faut toujours y associer la graphie pour fixer l'association lettre-son. Ces techniques aident l'enfant à maîtriser l'intermodalité entre le visuel, l'auditif et l'articulation.
Les compétences de fusion, comme celles de segmentation sont indispensables pour accéder à la lecture et à la transcription par la procédure d'assemblage. Elles nécessitent toute une série de traitements perceptifs auditifs et visuels et une grande quantité d'informations à stocker en mémoire de travail. Mais c'est aussi leur utilisation automatique qui conduira l'enfant vers une lecture moins coûteuse en énergie cognitive, accédant plus facilement au sens, et permettant également la constitution du stock orthographique.
Certains enfants ont des difficultés à mettre en place la procédure d'adressage et ne peuvent donc pas accéder à une lecture fluide et rapide. La reconnaissance des mots par la procédure d'adressage nécessite que l'enfant ait constitué un stock orthographique visuel et que celui-ci soit activé lors de la perception de la forme visuelle du mot en lecture, ou lors de l'évocation de la forme phonologique du mot en transcription. Il faut donc que le stock orthographique existe et qu'il soit facilement accessible. Les représentations sémantiques y sont associées.
Le développement du stock orthographique se fait normalement par automatisation de la procédure d'assemblage qui permet de reconnaître des mots déjà analysés et lus. Or, chez le dyslexique, la fréquence des troubles sur la procédure d'assemblage ne permet pas à l'enfant d'accéder rapidement à ce stockage des représentations visuelles, et donc d'utiliser l'assemblage comme procédure d'auto-apprentissage du lexique orthographique d'entrée. En effet, les décodages sont trop lents et l'enfant ne stocke pas la représentation visuelle globale du mot. C'est pourquoi il est souvent nécessaire de travailler parallèlement à l'assemblage, le développement de ce stock visuel, en s'appuyant sur des indices visuels mais aussi de repérage vocalique ou de longueur, de l'épellation qui oblige l'enfant à porter une attention particulière à chaque lettre du mot, et lui permet de se sensibiliser à la longueur du mot, à repérer les irrégularités, les lettres muettes. Certains enfants sont gênés par la forme visuelle du mot qu'ils analysent mal, alors que l'épellation, qui leur donne des indications auditives, les aide à la mémorisation de la séquence des lettres. Il faut auparavant s'assurer que sa perception et sa mémorisation visuelles sont adéquates.

Développement des compétences pouvant être utilisées comme stratégies de compensation

Ceci n'est possible qu'après examen précis des points forts et des points faibles de l'enfant et des stratégies de lecture qu'il a mises en place. Il est parfois plus bénéfique pour l'enfant de contourner pour un temps ses difficultés, pour lui donner quelques éléments de lecture, valorisants pour lui car ne le confrontant pas sans cesse à ses incapacités. Il s'agit par exemple de développer un petit lexique orthographique chez un enfant qui ne peut pas mettre en place pour l'instant une procédure d'assemblage, ce qui lui permet d'accéder à une lecture certes limitée, mais fonctionnelle. Cela a surtout pour fonction de le remotiver pour les apprentissages.
Un autre mode de compensation serait de développer une compétence morphologique. Les enfants dyslexiques ont des difficultés bien connues dans le traitement phonologique. Leurs performances de segmentation morphologique, à l'oral, sont aussi globalement inférieures à celles des enfants de même âge et la modification phonologique d'un mot à l'autre, de la même famille, les pénalise (c'est-à-dire quand on ne retrouve pas exactement la forme phonologique de la base, comme dans « sourd/surdité », ou « jardin/jardinier », au contraire des mots dans lesquels la base est totalement préservée sur le plan phonologique comme « coiffe/coiffeur/coiffer »). Toutefois, la différence de performance n'est plus significative si on compare les enfants non plus à ceux de même âge chronologique, mais de même niveau de lecture (Colé et Casalis, 2004renvoi vers).
Elbro et Arnbak (2000renvoi vers) ont mené une expérience d'entraînement à la conscience morphémique, qui s'est avérée bénéfique pour les enfants suivis en tout petits groupes (de un ou deux). Les effets ont été notés en reconnaissance de mots et en compréhension, mais étrangement pas pour les mots complexes morphologiquement. Ceci peut être expliqué par un effet positif sur les concepts de mots en tant qu'unités de signification. Il y a également eu un transfert sur la transcription.
L'entraînement semble donc indépendant des compétences phonologiques, ce qui est une voie de remédiation possible pour l'enfant dyslexique.
On peut donc entraîner les enfants sur la base de la morphologie des mots, en leur faisant reconnaître des mots qui ont une base commune, des intrus qui, bien que partageant des lettres communes, ne sont pas de la même famille. La construction de mots à partir d'une base sera également à entraîner en faisant par exemple découvrir les mots des différentes catégories reliées à cette base : « neige/neiger/enneigé/enneigement/déneiger... ».
La sensibilisation aux affixes, préfixes et suffixes, permettra à l'enfant de mieux identifier les mots et de mieux comprendre la construction de ces mots. Ce repérage de la base en lecture soulagera l'énergie cognitive nécessaire à la reconnaissance du mot, car une partie du mot sera alors identifiée.
La rééducation des compétences de lecture, quel que soit le trouble de l'enfant a pour but d'accéder à la compréhension des textes lus car on sait bien que ces enfants dyslexiques garderont des difficultés dans la lecture, notamment une lenteur, et dans l'orthographe.
La compréhension de la lecture est influencée par la connaissance du contexte, par l'appréciation de la structure du texte, par la capacité à appliquer des stratégies de compréhension de lecture, par la motivation et l'intérêt, et tout cela en plus des compétences d'identification de mots (Torgesen, 2000renvoi vers). Il se peut donc que les enfants dyslexiques aient des difficultés de compréhension des textes lus.
Les études sur les expériences d'entraînement qui rapportent les meilleurs résultats en compréhension sont celles dans lesquelles les enfants ont eu un enseignement explicite des capacités de décodage phonémique, ainsi que dans les stratégies de compréhension, et qui ont eu beaucoup d'opportunités pour s'engager dans des activités de lecture porteuses de sens, et ce sous haute supervision de l'enseignant (Foorman et coll., 1998renvoi vers).
Les troubles d'acquisition du langage écrit sont souvent complexes de par leur nature, mais aussi de par leurs répercussions, voire de leurs troubles associés.
Aussi, il n'est pas rare que l'orthophoniste ait besoin d'autres compétences professionnelles pour compléter l'aide qu'il apporte à son patient et à sa famille. Mais on connaît bien les difficultés pour amener les familles à consulter d'autres spécialistes pour un avis diagnostique ou des prises en charge complémentaires. D'où la nécessité que les parents sentent une véritable coordination entre tous ces professionnels, un partage de l'information et que tous ces examens ne restent pas lettre morte, mais servent directement à une meilleure prise en charge de leur enfant. C'est pourquoi se créent des réseaux de santé, comme par exemple le réseau troubles des apprentissages sur Paris-Ile de France Sud, pour permettre à la fois de mieux diagnostiquer les troubles, mais aussi d'assurer une prise en charge la plus cohérente possible, avec une information plus précise des parents. Il s'agit d'un réseau de professionnels de toutes les spécialités impliquées dans le diagnostic et le suivi des enfants présentant un trouble des apprentissages (médicaux et paramédicaux, psychologues), qui agit avec le soutien d'une cellule de coordination qui collecte les données, assure un rôle d'expertise en cas de problème diagnostique ou rééducatif, crée les liens entre les différentes parties (enfant, famille, professionnels libéraux et/ou hospitaliers, institution scolaire), coordonne les soins et facilite les liens avec le Centre référent sur les troubles des apprentissages en cas de besoin.
Nous avons tenté de décrire brièvement la complexité et la diversité des aspects de la rééducation orthophonique des enfants porteurs de troubles spécifiques du développement du langage écrit. Nous restons persuadés que la rééducation orthophonique est un art (Touzin, 2004renvoi vers). Toujours en pleine évolution, les techniques rééducatives ont leur importance dans cette rééducation, mais celle-ci ne se limite pas à cela. Elle dépend de la personnalité et de la créativité des rééducateurs, du comportement et de l'adaptation de l'enfant.
L'art de notre profession consiste à sans cesse rechercher le juste équilibre : entre les attentes du rééducateur et les compétences de l'enfant ; entre les attentes des parents et les possibilités de l'enfant ; entre le visuel, l'auditif, le sémantique et le moteur (articulatoire) ; entre les compétences acquises et les stratégies d'utilisation ; entre la nécessité de la rééducation, celle du travail scolaire et les activités de sa vie d'enfant ; entre la rééducation orthophonique et la pédagogie à l'école ; entre la difficulté d'apprendre et le plaisir d'apprendre. L'orthophoniste se doit de faire dépasser des obstacles à l'enfant, de l'accompagner dans ces apprentissages, sans lui éviter toute confrontation à la difficulté, mais en lui redonnant confiance en ses possibilités.

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Monique Touzin

Orthophoniste, Unité de rééducation neuropédiatrique, CHU Bicêtre


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