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Med Sci (Paris). 37(3): 288–292.
doi: 10.1051/medsci/2021019.

L’ARN polymérase   COVID-19
Le talon d’Achille du SARS-CoV-2

Marie Corteggiani,1*a Lucas Gombert,1*b Callypso Pellegri,1*c and Laurent Aussel1*d

1Master 2 Microbiologie intégrative et fondamentale, Aix Marseille Université , Marseille , France .
2Aix Marseille Université, CNRS, LCB UMR 7283, IMM , Marseille , France .
Corresponding author.

MeSH keywords: Antimétabolites, Antiviraux, COVID-19, ARN polymérase ARN-dépendante de coronavirus, Découverte de médicament, Humains, Thérapie moléculaire ciblée, ARN viral, ARN polymérases ARN-dépendantes des coronavirus, Ribavirine, SARS-CoV-2, Réplication virale, composition chimique, usage thérapeutique, synthèse chimique, traitement médicamenteux, anatomopathologie, virologie, antagonistes et inhibiteurs, physiologie, méthodes, tendances, effets des médicaments et substances chimiques, génétique, métabolisme

 

Au cours des vingt dernières années, les coronavirus ont été à l’origine de trois épidémies qui ont causé plus de 2,5 millions de morts à travers le monde. Ces agents pathogènes font partie d’une vaste famille de virus et sont généralement la cause de symptômes bénins tels que le rhume. Ils peuvent cependant engendrer différentes maladies, allant jusqu’au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). En 2003, le SARS-CoV a été à l’origine du syndrome respiratoire aigu sévère en Chine. Puis en 2012, le MERS-CoV a été la cause du syndrome respiratoire du Moyen-Orient [ 1 ]. Aujourd’hui, une nouvelle épidémie sévit dans le monde, et l’agent responsable est à nouveau un coronavirus affectant les voies respiratoires et responsable d’un SRAS : le SARS-CoV-2. Ce virus, qui s’est propagé dans le monde, pose actuellement un immense problème de santé publique puisque plus d’un an après son apparition, aucun traitement antiviral spécifique n’a été découvert [ 2 ].

Les coronavirus sont des virus à ARN simple-brin positif, possédant une coiffe en 5’ et polyadénylés en 3’. La taille de leur génome peut atteindre 32 000 bases. Leur traduction permet la synthèse de polyprotéines qui sont clivées en 16 « non-structural proteins » (nsp) pour former un complexe de réplication. Ce complexe permet ensuite la synthèse de nouveaux ARN génomiques, mais également d’ARN subgénomiques 1 codant les protéines de structure essentielles à la multiplication du virus [ 3 , 4 ]. L’assemblage des protéines de structure ainsi que la synthèse d’ARN génomique mènent ainsi à la création de nouvelles particules virales.

L’une des caractéristiques des virus à ARN est leur grande variabilité génétique au sein d’une même espèce. En effet, la faible fidélité de réplication des virus à ARN engendre un taux de mutation élevé, leur permettant une évolution rapide. Le génome des coronavirus fait partie des plus grands parmi les virus à ARN. Or, un génome si grand nécessite une réplication fidèle et rapide afin d’empêcher un taux d’erreur trop important, qui pourrait à terme s’avérer fatal pour le virus [ 3 ].

Face à ces différentes contraintes, la machinerie de réplication des coronavirus a évolué vers un ensemble de 16 sous-unités, chacune apportant une fonction spécifique et permettant une réplication efficace [ 4 ]. Connaissant sa structure et son implication dans la prolifération virale, cette machinerie pourrait constituer une cible thérapeutique contre le SARS-CoV-2.

La diversité fonctionnelle du complexe ARN polymérase du SARS-CoV

En 2005, Cheng et al. ont décrit nsp12 comme la sous-unité centrale du complexe réplicatif du SARS-CoV, responsable de l’activité ARN polymérase ARN-dépendante (RdRp) [ 5 ]. Longtemps, les chercheurs se sont heurtés à une énigme : l’enzyme nsp12 purifiée était non-processive (la processivité, facteur critique de l’efficacité de la réplication virale, correspond au nombre de nucléotides polymérisés au cours d’une seule rencontre avec la matrice), avec une faible activité polymérase alors que les études in vivo démontraient le contraire. L’explication la plus rationnelle était que nsp12 nécessitait un ou plusieurs partenaires protéiques afin d’augmenter son activité polymérase et sa processivité. En 2008, l’équipe de Bruno Canard a identifié l’un de ces partenaires : nsp8, qui interagit avec nsp7 et également avec nsp12 [ 6 ]. Mais ces interactions sont-elles responsables des différences observées entre l’activité de nsp12 in vitro et in vivo ? Ce n’est qu’au cours de l’année 2014 que cette même équipe a évalué l’activité de nsp12 seule, puis en présence de nsp7 et nsp8 avec l’ajout d’une amorce afin d’initier la synthèse d’ARN [ 7 ]. La vitesse d’incorporation de nucléotides a pu être calculée et la processivité a également été évaluée. Les résultats ont démontré que nsp7 et nsp8 étaient requises pour l’activité polymérase de nsp12 et pour la liaison du complexe nsp7/8/12 à l’ARN. Ceci indique que l’interaction du complexe nsp7/8 avec nsp12 lui confère une processivité élevée.

Il a également été observé que des mutations de nsp8 peuvent être responsables de la perte d’interaction entre nsp8 et nsp12, ce qui engendre une perte de l’activité polymérase de nsp12. Cette observation a renforcé les résultats obtenus précédemment et confirme que l’interaction entre nsp8 et nsp12 est requise pour l’activité RdRp de nsp12 [ 3 ]. Cependant le complexe polymérase nsp7/8/12 du SARS-CoV, bien que capable d’incorporer des nucléotides à une vitesse élevée, n’est pas fidèle. En effet, lors de la polymérisation, celui-ci fait de nombreuses erreurs d’incorporation, contrairement aux polymérases d’autres virus. Il a ainsi été découvert que la sous-unité nsp14 était elle aussi capable d’interagir avec nsp12. Nsp14 possède deux activités : une activité N7-guanine méthyltransférase (N7-MTase), impliquée dans la méthylation de la coiffe, et une activité exonucléase 3’-5’, permettant l’excision de nucléotides. Cette association pourrait permettre de corriger les erreurs d’incorporation commises par nsp12. L’activité exonucléase du complexe nsp7/8/12/14 a ainsi été mesurée et celle-ci s’est révélée très faible. Cependant, l’ajout de la sous-unité nsp10 connue pour être un cofacteur de nsp14 a permis d’augmenter considérablement son activité exonucléase, et donc la fidélité de la réplication. L’ajout de nsp14 et nsp10 au complexe de réplication fait de lui le seul à réunir une activité N7-MTase, exonucléase et RdRp chez les coronavirus, le définissant comme un complexe unique [ 8 ]. Ainsi, l’association de nsp7/8 à nsp12 améliore l’activité RdRp et la processivité du complexe de réplication d’une part, et l’association de nsp10/14 améliore sa fidélité de réplication d’autre part.

Le complexe de réplication comme cible thérapeutique

La machinerie de réplication est une cible intéressante dans le traitement des virus à ARN. Étant donné que la fidélité est essentielle à la survie des virus, l’altérer serait un moyen de stopper la réplication virale, et ainsi la prolifération du virus. Les analogues des bases nucléotidiques sont déjà utilisés contre certains virus à ARN. Leur fonctionnement est simple : ils sont incorporés par la polymérase à la place des bases A, U, C ou G, et peuvent induire des mutations lors de la réplication du brin complémentaire. La structure de la polymérase du SARS-CoV et celle du SARS-CoV-2 sont très conservées [ 9 ] : ainsi les études menées précédemment sur la polymérase du SARS-CoV peuvent servir de support pour étudier la polymérase du SARS-CoV-2.

La ribavirine est un analogue de la guanosine utilisé pour traiter un grand nombre d’infections virales. Elle semblait être un bon candidat contre le SARS-CoV, mais il a été démontré que cette molécule était inefficace. L’équipe de Bruno Canard a en effet observé que la machinerie de réplication du SARS-CoV était capable d’exciser l’analogue, grâce à son activité exonucléase portée par nsp14 ( Figure 1A ) [ 8 ]. Un autre analogue de nucléotide a été testé très récemment par la même équipe sur le SARS-CoV-2. Le favipiravir est, comme la ribavirine, un analogue ambigu de la guanosine. S’il est incorporé à la place d’un A à cause de son ambiguïté, il sera reconnu comme un G lors du cycle de réplication suivant et engendrera une mutation. Le problème qu’aurait pu rencontrer une telle molécule est, comme pour la ribavirine, l’excision par nsp14. Il a cependant été démontré que le traitement au favipiravir de cellules épithéliales infectées par le SARS-CoV-2 entraînait une inhibition de la réplication virale, et ainsi une diminution de l’effet cytopathique [ 9 ]. Ces effets sont liés à une augmentation du taux de mutation du SARS-CoV-2. Il a également été démontré que le favipiravir était très fréquemment incorporé par erreur par la polymérase ( Figure 1B ) , en comparaison avec les mésappariements qui surviennent naturellement, peu fréquents. Les auteurs ont émis l’hypothèse qu’un tel niveau d’incorporations incorrectes, couplé à la rapidité de la polymérase, pouvait surpasser son activité de correction, induisant ainsi des mutations, souvent létales, dans le génome du SARS-CoV-2. Ces résultats montrent que le favipiravir a une action assez efficace sur les cellules infectées par le SARS-CoV-2 pour être testé comme traitement [ 9 ]. Afin de multiplier les chances de trouver un traitement, d’autres molécules analogues des bases sont actuellement testées. Le remdésivir, analogue de l’adénosine, a été démontré comme efficace contre le SARS-CoV-2 sur des cellules ex vivo [ 10 ], mais son intérêt clinique chez les patients est controversé eu égard de résultats d’essais cliniques contradictoires. De même, certains analogues tels que le galidésivir ou encore le sofosbuvir, capables d’interagir avec la RdRp in silico , pourraient également être testés ex vivo [ 10 ].

La machinerie de réplication des coronavirus semble donc représenter une cible d’intérêt pour le développement de traitements thérapeutiques, avec la possible utilisation d’analogues de nucléotides pouvant induire des mutations, le but étant d’engendrer des modifications létales pour le virus. Mais n’ayant aucun contrôle sur la nature des mutations qui auront lieu, ce type de traitement pourrait engendrer des mutations bénéfiques pour le virus, lui permettant alors une prolifération plus efficace ou une virulence accrue. C’est pourquoi il est important que les molécules testées soient capables d’engendrer un taux élevé de mutations, résultant en une perte rapide de la viabilité du virus. De plus, le développement d’un potentiel traitement nécessite de nombreuses études, notamment la détermination de la sélectivité, qui assure que la molécule testée s’attaque uniquement à la réplication du virus et n’impacte pas les processus cellulaires vitaux de son hôte. Le développement d’un tel traitement nécessitera encore de longs travaux.

Entretien avec Bruno Canard

Bruno Canard est directeur de recherche au CNRS et responsable de l’équipe « Réplicases virales : structure, mécanisme et drug-design » dans le laboratoire « Architecture et fonction des macromolécules biologiques » (AFMB) à Marseille. Il est spécialiste des coronavirus. Après un doctorat de microbiologie et biochimie obtenu à l’Institut Pasteur à Paris et un post-doctorat à la Harvard Medical School de Boston, il s’intéresse désormais à la structure et à la fonction des enzymes impliquées dans la réplication virale et le coiffage de l’ARN, ainsi qu’à leur utilisation dans la conception de médicaments antiviraux.

Comment en êtes-vous venu à travailler sur la réplication des coronavirus ?

Je me suis tout d’abord installé à Luminy en 1998 pour travailler sur les enzymes de la réplication, en particulier chez le virus de la dengue. Avec ma première étudiante qui effectuait une thèse de doctorat, nous avions déterminé la structure cristallographique d’une méthyltransférase, qui est une protéine associée à la polymérase de la dengue. Ces travaux de recherche m’ont valu d’être invité à un congrès sur les coronavirus en Hollande, dont l’organisateur était Eric Snijder. Il pensait à l’époque que les coronavirus étaient susceptibles de posséder cette méthyltransférase, ce qui s’est avéré vrai par la suite. Ce congrès a eu lieu début 2003, pendant l’épidémie de SRAS, ce qui m’a permis de prendre contact avec des virologistes spécialistes des coronavirus. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que c’était une famille de virus intéressante étant donné la complexité et la diversité des enzymes que ces virus possèdent. Je me suis dit que les étudier allait me donner beaucoup de travail et pendant très longtemps car, à l’époque, les coronavirus étaient encore très peu étudiés. C’est donc en 2003 que j’ai pu commencer à travailler sur les coronavirus en participant à un projet européen car l’épidémie de SRAS avait contribué à donner un peu d’intérêt à l’étude de ces virus. Par la suite, je me suis passionné pour l’étude de l’ARN polymérase des coronavirus. Je suis biochimiste et j’aime les enzymes qui font des choses complexes. La polymérase est une enzyme qui doit contrôler plein de paramètres et qui possède des performances enzymatiques extraordinaires. Le fait qu’elle puisse catalyser 500 à 600 réactions par seconde avec une spécificité incroyable m’a fasciné, et j’ai donc décidé de consacrer une partie de ma vie à étudier son fonctionnement.

Dans votre article traitant de la RdRp, vous avez décrit la sous-unité nsp14 comme ayant une activité N7-MTase en plus de son activité d’exonucléase. à ce jour, toutes les guanine N7-MTase qui permettent la méthylation de la coiffe de l’ARN font partie de la famille des « Rossman fold », caractérisée par un motif particulier de repliement. Comment expliquez-vous que la sous-unité nsp14 n’en fasse pas partie ?

C’est une excellente question ; je pense que nous avons 20 à 30 ans de recherche devant nous pour y répondre. Le repliement de type « Rossman fold » est un repliement très ancien, présent chez les méthyltransférases, qui leur permet d’interagir avec un cofacteur appelé S adénosine méhionine (SAM) afin de méthyler la coiffe de l’ARN en cours de synthèse. Ce type de repliement primitif, apparu aux origines de la synthèse d’ARN, a été très conservé au cours de l’évolution grâce à sa stabilité et ses propriétés physico-chimiques qui permettent aux méthyltransférases d’être très spécifiques de SAM. La découverte d’une méthyltransférase chez les coronavirus ne possédant pas de repliement de type « Rossman fold » est absolument incroyable et totalement inexpliquée. On ne comprend pas pourquoi ce repliement présent chez la méthyltransférase des coronavirus n’a pas été remplacé par le « Rossman fold » au cours de l’évolution. On peut supposer que ce repliement différent a probablement émergé au même moment que le « Rossman fold » et qu’il a été conservé car il aurait conféré des propriétés différentes aux méthyltransférases. Toute la question est de savoir quelles pourraient être ces différences entre méthyltransférases.

À ce jour, quels sont vos objectifs en termes de recherche pour l’avenir ? Quelles sont les pistes que vous aimeriez explorer ?

Premièrement, le SARS-CoV-2. C’est un sujet d’actualité pour lequel il y a une urgence et qui est bien financé. Ce qui m’intéresse à ce jour, c’est de mieux comprendre les mécanismes de réplication pour pouvoir faire du design de médicament dans le but de contrôler l’épidémie. C’est une chance dans le sens où c’est un virus qui est extrêmement intéressant. Au-delà du fait de trouver rapidement un traitement, il reste encore quelques mécanismes à comprendre, notamment la manière dont la polymérase démarre la synthèse de l’ARN, ainsi que le coiffage des ARN par la guanylyltransférase. La compréhension de ces mécanismes au niveau moléculaire est importante pour aider à développer des antiviraux.

Deuxièmement, ce qui m’intéresse particulièrement chez ces virus, c’est qu’ils ont un génome très grand constitué d’un ARN très long. Il existe certainement une raison pour laquelle ce virus a un génome aussi grand et pour que cette longueur ait été maintenue au cours de l’évolution, contrairement à d’autres virus. Une longue molécule d’ARN est moins stable, elle peut être la cible de nucléases issues de l’immunité innée de l’hôte. Le virus a dû acquérir de nouvelles enzymes pour lui permettre de conserver ce long génome. Comprendre les mécanismes impliqués dans la stabilité de ce génome, très anciens dans l’histoire de l’évolution, permettrait la mise au point de nouveaux antiviraux. Le défi, c’est d’arriver à faire financer des recherches sur des virus qui ont un grand génome constitué d’un long ARN mais qui n’ont aucune importance d’un point de vue médical. La communauté scientifique n’est pas prête actuellement à laisser les chercheurs explorer des pistes un peu extravagantes, peu connectées avec la réalité des gens (le confinement, le coronavirus, etc.). Ce type de recherche est extrêmement créatif et excitant, et pourrait être très fertile pour aboutir à de nombreuses découvertes très variées, y compris sur les coronavirus. Il est compliqué de faire financer la recherche sur des virus qui n’ont pas d’intérêt immédiat, mais qui en réalité sont importants pour la compréhension de mécanismes moléculaires.

Qu’est-ce que vous proposeriez pour empêcher de nouvelles crises comme celle de la pandémie actuelle et pour qu’à l’avenir, il n’y ait plus ce genre de problèmes ?

Une recherche fondamentale comme la nôtre conduit à proposer une voie d’action différente de la vaccination dans la mesure où, si nous sommes confrontés à un virus inconnu, quand on obtient la séquence de son génome, on remarque la plupart du temps que finalement, il ressemble à quelque chose de connu. À ce moment-là, on peut retrouver les protéines et les enzymes qui sont les plus conservées dans cette famille. Et si on a un médicament qui a été conçu auparavant pour agir contre les protéines de cette famille – en particulier les polymérases – mais aussi les protéases ou d’autres enzymes qui sont connues pour être des cibles thérapeutiques, alors on disposera à l’avance de cet antiviral sur notre étagère.

La voie du traitement antiviral est une approche beaucoup plus large et anticipatrice que celle consistant à préparer des vaccins qu’on va devoir adapter à chaque nouvel isolat qui va apparaître lors de l’épidémie. Les vaccins sont faits contre les protéines d’enveloppe du virus, qui sont soumises à une pression sélective extrême et qui varient beaucoup, même au sein d’une même famille. Cela pose problème pour la vaccination. Mais dès que les vaccins seront disponibles * , et nous l’espérons tous, les traitements antiviraux devraient aussi prendre leur place dans la stratégie de contrôle de la maladie.

Est-ce que vous pensez que la pandémie actuelle a permis de valoriser la recherche fondamentale ?

Ça s’est effectivement traduit par une valorisation par des mots. Si on écoute les ministres et les politiques, ils font reposer beaucoup d’espoirs sur les chercheurs et en pensent beaucoup de bien. L’avis selon lequel, sans recherche efficace et contrôlée, on ne va nulle part, est partagé. Cependant, dans les faits, on n’en est pas encore là. Par exemple, les chercheurs n’ont pas été beaucoup consultés dans les laboratoires concernant la Loi de Programmation de la Recherche (LPR), et je dirais même que la loi vient de passer contre l’avis de l’immense majorité des chercheurs.

La mise en Ĺ“uvre de soutiens efficaces à la recherche laisse beaucoup à désirer ; c’est dommage, car dans la crise actuelle, qui devient une crise économique et financière, on voit mal comment on arrivera à trouver de l’argent et à le mettre ensuite dans la recherche, alors que la société va en avoir besoin pour relancer l’économie. Cela a commencé il y a une dizaine d’années avec la perte de la considération de la recherche par les hommes politiques. Et pour le moment, rien n’a été fait pour remettre la France à niveau par rapport à l’Allemagne, la Chine (ndlr, la République populaire de Chine, RPC) ou les États-Unis.

Vous avez vivement critiqué le financement de la recherche publique en France, est-ce que vous auriez une solution à proposer pour l’améliorer ?

Selon moi, ce qui a le plus péché ces dernières années dans le financement de la recherche en France et qu’il faudrait changer, c’est le manque de soutien de base aux équipes. Dans mon domaine, ça s’est traduit par un manque total de préparations et d’équipements, en particulier en biologie structurale. La France est complètement sous-équipée en cryo-microscopes. Il y en a 3 en France, alors qu’il y en a 25 en Allemagne, plus de 20 en Angleterre, et des quantités industrielles en Chine. Même l’objectif de doubler la quantité de cryo-microscopes n’a pas été atteint en 5 ans. Cela signifie qu’on a été lâchés, abandonnés, et maintenant, on nous demande de faire l’impossible pour le lendemain en étant complètement démunis. C’est comme si on vous demandait de rapporter le trophée en vous donnant un Solex pour aller courir contre les voitures de formule 1. C’est ce qu’on nous demande à l’heure actuelle, et la nouvelle loi n’a rien envisagé là-dessus.

* Entretien réalisé en novembre 2020.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Les ARN subgénomiques sont des ARN issus de la transcription indirecte de l’ARN génomique : l’ARN génomique (+) est répliqué en ARN (-), qui sera à son tour transcrit de manière discontinue en brins de différentes tailles et de polarité identique à l’ARN génomique.
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