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Med Sci (Paris). 37: 44–45.
doi: 34878395.doi: 10.1051/medsci/2021192.

Les exosomes, des messagers intercellulaires naturels aux mécanismes polyvalents pour le traitement des myopathies ?

Alexandra Bayer-Wildberger,1* Judith Lorant,2** and Jean-Thomas Vilquin1***

1Sorbonne Université, Inserm, Centre de Recherche en Myologie, Institut de Myologie, Paris, France
2Insem/UEPS UMR 861, Paris Saclay Université, I-STEM, Corbeil-Essonnes, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Exosomes, Humains, Maladies musculaires, Protéines, thérapie

Résumé

Dans la souris mdx, l’injection d’exosomes permet d’améliorer les phénotypes pathologiques musculaires, cardiaques et squelettiques, et ce grâce à plusieurs mécanismes non exclusifs. Les exosomes, qui font partie des vésicules extracellulaires, mesurent une centaine de nanomètres et sont produits par de très nombreux types cellulaires. Leurs marqueurs de surface et leurs contenus sont variables en fonction des cellules productrices et des conditions environnementales. Libérés par exocytose, les exosomes sont ensuite internalisés par endocytose ou fusion membranaire. Ils présentent une action pléiotropique et jouent un rôle primordial de messagers intercellulaires en conditions normales et pathologiques. Dans la souris mdx, l’absence de dystrophine entraîne une perte de l’intégrité membranaire, un déséquilibre de l’homéostasie, une dégénérescence progressive et une inflammation musculaire, le tout se traduisant par une baisse de force, une fatigabilité, et le développement d’une insuffisance cardiaque.

Dans une première étude [1], l’injection intrapéritonéale d’exosomes produits à partir de cellules souches mésenchymateuses humaines et murines, de cellules dendritiques immortalisées murines, de myotubes murins, ou d’extraits de sérum murin, permet de limiter l’afflux de calcium intracellulaire, de diminuer l’activation de protéases, et de stabiliser les complexes existants de protéines associées à la dystrophine (sarcoglycans, dystroglycans). En restaurant partiellement la myo-architecture et l’intégrité membranaire des cellules musculaires squelettiques des souris mdx, les exosomes bloquent l’influx de marqueurs exogènes (tel le colorant bleu Evans) et la fuite de protéines endogènes (comme les CPK et la LDH). Leur activité immunomodulatrice diminue l’infiltration leucocytaire et l’inflammation, et réduit l’expansion ultérieure de la fibrose. Ces effets sur des cibles multiples se traduisent par une augmentation de la force et de l’endurance des souris.

Dans une autre étude sur le même sujet [2], une injection intraveineuse unique d’exosomes produits par des cellules dérivées de progéniteurs cardiaques (cardiosphères) améliore les fonctions musculaires cardiaques et squelettiques des souris mdx. Les exosomes font régresser les lésions cardiaques, augmentent la fraction d’éjection myocardique, améliorant la capacité maximale d’exercice et diminuant la fibrose myocardique. Ils stimulent la régénération musculaire squelettique, augmentent la prolifération des cellules satellites, diminuent les réponses inflammatoires, et augmentent in fine la force isométrique des muscles squelettiques. Les bénéfices sont liés aux modifications transcriptomiques exercées par les micro-ARN (miR) contenus dans les exosomes, en particulier miR148a, ainsi qu’aux mécanismes d’immunomodulation. Les exosomes sont aussi efficaces que les cellules productrices elles-mêmes et constituent probablement leur principal mécanisme d’action.

Commentaire
Les exosomes sont des structures sub-cellulaires dont la production à large échelle, d’une qualité utilisable en clinique, devient possible. Ces nanoparticules peuvent être caractérisées de plus en plus finement concernant leurs marqueurs phénotypiques, leurs contenus en protéines (facteurs de croissance, de différenciation, de transcription), en acides nucléiques (ADN, ARN régulateurs…), en lipides, et leurs fonctionnalités biologiques. Ils présentent peu, voire pas d’immunogénicité, une biodistribution large et durable, et peuvent donc être administrés de manière répétée par voie systémique sans présenter de toxicité.

Les exosomes permettent ici de ralentir la progression de la maladie dans la souris mdx, voire d’observer un rétablissement phénotypique. Si la restauration de l’intégrité membranaire peut être considérée comme une cible primaire, des mécanismes complémentaires ou supplémentaires sont à l’Ĺ“uvre : effets trophiques médiés par des facteurs de croissance, modulations géniques par des miR, effets indirects médiés par l’immunomodulation… Tous ces mécanismes ne sont pas exclusifs ; ils perdurent et dépendent de la nature, de l’origine, de la stimulation et de l’environnement de la cellule productrice. Les exosomes pourraient finalement représenter le chaînon mécanistique manquant pour expliquer le bénéfice observé de certaines approches de thérapie cellulaire, dans lesquelles on constate une disparition rapide des cellules après leur injection : les effets seraient médiés par les exosomes libérés durant la présence transitoire des cellules.

Ces traitements à partir d’exosomes ne peuvent remplacer la dystrophine mais limitent les conséquences de son absence. Ils peuvent représenter des approches adjuvantes ou complémentaires permettant de ralentir la progression de la maladie. Ni tout à fait une thérapie cellulaire, ni même une forme de thérapie génique contrôlée, l’utilisation des exosomes pourrait ainsi représenter un nouveau paradigme thérapeutique, une nouvelle génération de candidats médicinaux biologiques.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Leng L, Dong X, Gao X, et al. Exosome-mediated improvement in membrane integrity and muscle function in dystrophic mice . Mol Ther. 2021;; 29 : :1459.–70.
2.
Rogers RG, Fournier M, Sanchez L, et al. Disease-modifying bioactivity of intravenous cardiosphere-derived cells and exosomes in mdx mice . JCI Insight. 2019; ; 4 : :e125754..