MINIS T E RE DE LA SAN TE PU BLLO U E Par te MONOGRAPHIE DE L’INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE N°17 PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE TOME II REGIONS DU NORD, DE L'EST ET DU CENTRE PARIS 1 9 58 VRTVTE OLCE CO AITT PORTTLOLYE COLLEGIVM CIVILE AD SANTTATEN Médecin Colonel B. MAROT Médecin des hopitaux militaires Docteur ès sciences MINIS T E RE DE LA SAN TE PU BLLO U E Par te MONOGRAPHIE DE L’INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE N°17 PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE TOME II REGIONS DU NORD, DE L'EST ET DU CENTRE PARIS 1 9 58 VRTVTE OLCE CO AITT PORTTLOLYE COLLEGIVM CIVILE AD SANTTATEN Médecin Colonel B. MAROT Médecin des hopitaux militaires Docteur ès sciences MONOCRAPHITS DE L’INSTITIT NATIONII DRYCIENE DE1A PARIES : N° L. — Documente statistiques gur la morbidité par cancer dans le monde, par P. F. DENOIX, Paris 1953. — Epuisé. N° 2. — L’économie de l’alcolisme, par L. DEROBERT, Paris 1953. Epuisé. N° 3. — Mortalité urbaine et rurale en France en 1928, 1933 et 1947, par Ch. CANDIOTTI et M. MOINE, Paris 1953. — Prix : 900 F. N° 4. — Contribution à l’tule de l’anophélisme et du paludieme en Coree par C. TOUMANOFF, Paris 1954. — Prix : 1200 F. N° S. — De la diveraité de certains cancers, par P. F. DENOIX, Paris 1954. — Epuisé. N° 6. — La lutte préventive contre les maladies infectieuses de l’homme et des animaux domestiques au moyen des vacins, par G. RAMON, Paris 1955. —- Prix : 1200r. N° 7. — Etudes desocio-pavchiatrie, par H. DUCHENEetcoll., Paris 1955.- Prix: 900F. N° 8. — Rapport eur la fréquence et la sensibilité aux insecticides de ṕdiculus humanus humanus K. Linnaeus, 1758 (anoplura) dans le eud-est de la France, par R. M. NICOLI, Paris 1956. — Prix : 500 F. N° 9. — Etude sur la maladie de Bouillaud et son traitement, par J. CHEVALLIER, N° 19. — Rapport d'enqute aur la régdantuation fonctionnelle des adiltes en Frances par H. G. POULIZAC, Paris 1956. — Prix : 1000 F. N° I1. — Etude pour l'établissement de rations alimentaires nour le tuberculeux en ana¬ torium, par F. VINIT et J. TRÉMOLIERES, Paris 1957. — Prix : 1250 F. N° 12. — Le cancer chez le noir en Afrique françaige, par P. F. DENOIX et J. R. SCHLUMBERCER, Paris 1957. — Prix: 150 F. N° 13. — Broncho-pneumopauhies à virus et à rictetsice chez l’enfant, par R. SOHIER, M. BERNHEIM, J. CHAPTAL eL M. JEUNE. — Prix: 1300 r. N° 14. — L’asistance peychiatrique aux malades mentaux d’origine nord-aficaine musulmane en métropole, par G. DAUMEZON. Y. CHAMPION et Mme J. CHAMPION-BASSET, Paris 1957. — Prix : 1200 F. N° 15. — Documents statietiques sur l’épidemiologie des ihfections typho-paratyphoidiques. de la poliomvélite et des brucelloses en France en 1954 et 1955, par P. CHASSAGNE et Y. GAIGNQUX. — Prix : 1.100 r N° 1-. — La patbologie rgionale de la France. Tome I. Rgions du Nord, de l’Eat et du Centre, par R. MAROT. Prix 3500 F. En préparation: N°18 - De la destruction des bactéries par la chaleur - Etude de l'effcacité de la pasteurisation du lait par A. NEVOT ph. LAFONT et J. LAFONT Vente des publications à L’INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE 3, rue Léon-Bonnat, Paris (16e). — AUTeuil 32-84 Y RÉGIONS DU CENTRE Alpes de Savoie et du Dauphiné Massif Central Couloir rhodanien blances certaines. GENERALITES Nous engloberons ici dans une étude commune plusieurs régions du centre de la France — Savoie et Dauphiné d’une part, Auvergne et contrées voisines d’autre part — ces régions, à peu près symétriquement disposées par rapport au sillon rhodanien présentant du point de vue nosologique des ressem¬ LES ALPES DE SAVOIE ET DU DAUPHINÉ Les Alpes françaises représentent la portion occidentale du plus vaste et du plus puissant des massifs européens. Allongées en arc de cercle sur plus de 350 Kilomètres depuis le lac Leman jusqu’à la Méditerranée, elles sont le résultat d’un gigantesque plissement survenu au cours de l’époque tertiaire. plissement resté d’ailleurs très jeune d’aspect en dépit de l’érosion intensive qu’il a subie. L’histoire de la formation des AIpes doit être brièvement rappelée si t’on veut bien comprendre la structure actuelle de la chaine. Il est probable qu’aux temps primaires un massif montagneux occupait déjà tout le sud-est de notre pays. Mais, rongé par les eaux, il se démantela peu à peu au point de céder la place à une dépression marine dont le fond cristallin se recouvrit d’épaisses couches sédimentaires durant toute l’époque secondaire. Puis l’ère tertiaire arriva, annonciatrice d’un bouleversement complet. Des profondeurs jaillirent alors des masses énormes de terrains qui, d’abord hardiment dres. sées, se disposèrent ensuite en larges plis couchés : ce sont ce que les géologues ont appelé les nappes de charriage. Ces nappes entrainèrent dans leur mou¬ vement de surrection les racines cristallines" du sol situées sur leur rebord occidental, les deux éléments finissant par atteindre du fait de leur opposition réciproque des hauteurs considérables. Enfin, plus à l’ouest, quelques ondula¬ tons se produisirent encore, dues au plissement sur place des sédiments accumulés. Ainsi, les Alpes françaises se décomposent en trois longues bandes longi¬ tadinales qui sont, en allant d’est en ouest : 1° — la zone des nappes formée de gneis, de grès et de schistes lustrés. 2° — la zone centrale de nature essentiellement granitique. 3° — la zone dite « Préalpine » constituée par des calcaires et des marnes. la texture de l’ensemble se trouvant du reste compliquée par l’existence de profondes cassures du sol, conséquences de la brutalité des soulèvements. la plus importante de ces cassures étant représentée par le « sillon alpin ». 6 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE A cette division géologique — parfaitement justifiée — il y a lieu cepen¬ dant d’en préférer une autre qui fait intervenir d’autres données : altitude et latitude surtout. Elle conduit à ne reconnaitre dans les Alpes que deux secteurs : les Alpes du Nord (Savoie et Dauphiné) d’une part, et les Alpes du Sud (Provence) d’autre part, séparées approximativement par le cours de la Drôme, puis par la ligne de partage des eaux entre Isère et Durance (cols de Luz-la-Croix-Haut. Bavard, du Lautaret). Ce sont les premières que nous aurons surtout en vue ici, les secondes avant été précédemment décrites au tome 1 dans le chapitre consacré à la Provence. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE FIG, 2. — Sous la pression des nappes, un bloc cristallin s’élève, formant môle de résistance, cependant qu’apparaissent les quelques plissements de la zone préalpine et que, plus loin, le rebord oriental du Massif Central s’exhausse lui aussi. A cer¬ tains endroits, les nappes viennent recouvrir le bloc hercynien pour se déverse mêtne parfois sur les Préalpes. Déjà, en ce qui concerne le relief, des différences sensibles opposent les deux secteurs alpestres. Les Alpes du Nord possèdent en effet les massifs principaux de la chaine en même temps que les sommets les plus élevés. C’est à leur niveau par ailleurs que les trois zones structurales qui viennent d’être évoquées affectent les dispositions les plus régulières. C’est ainsi que l’on rencontre tour à tour : dans la zone des nappes de charriage, formée de plis serrés, outre le Grand-Paradis situé, en Italie, le massif de la Vanoise (3 861 m à la Grande-Casse) et les monts du Briançonnais: dans la zone cristalline, constituée par une série de môles puissants et de sierras altières, le massif du mont Blanc d’abord (point culmi¬ nant à 4 807 m), puis ceux du Beaufortin, de Belledonne, des Grandes¬ Rousses et de l’Oisans (4 103 m à la Barre des Ecrins). REGIONS DU CENTRE 7 dans la zone préalpine enfin, étroite mais remarquablement haute pour une « avant-scène », le chapelet des massifs calcaires du Chablais, des Bornes, des Bauges, de la Grande-Chartreuse et du Vercors: avec, dans l’intervalle de ces deux dernières zones, la longue faille déjà citée du sillon alpin, occupée par les cours moyens de l’Arly et de l’Isère. En comparaison de ces A1pes du Nord, les Alpes du Sud se caractérisent par des altitudes moindres (un seul sommet dépasse 3 000 mètres) et par un aspect beaucoup plus chaotique des chainons rendant toute systématisation difficile. La zone centrale se réduit dans ce secteur à l’amande cristalline du Mercantour italien. Entre ce massif et l’Oisans, le barrage avant cédé a livré passage à quelques nappes constituant les ilots tourmentés du Queyras, de l’Embrumais et de l’Ubaye. Partout ailleurs, ce sont les dômes arrondis ou les « plans » étalés d’une zone préalpine démesurément agrandie. De tels changements dans la tectonique sont du reste parfaitement expli¬ cables. Ils sont dus à ce fait que l’effort orogénique parvenu ici à son terme a beaucoup perdu de son souffle, que les môles hercyniens ont manqué pour soutenir le développement des nappes, que le soulèvement pyrénéen enfin. à direction ouest-est, et antérieur à celui des Alpes, est venu apporter de graves perturbations dans l’architecture générale de la chaine. Mais c’est dans le domaine du climat beaucoup plus encore que dans celui de l’orographie que les contrastes sont saisissants. Tandis que les Alpes du Sud, exposées aux influences méditerranéennes sont chaudes et sèches, avec des précipitations rares mais torrentielles, les Alpes du Nord, au contraire, soumises aux influences océaniques, sont fraiches et humides, avec des pluies abondantes et répétées. Voyons avec un peu plus de détails les aspects du climat dans ces Alpes de Savoie et du Dauphiné. Dans cette partie septentrionale de la chaîne les hivers sont naturelle¬ ment rigoureux surtout sur les hauteurs ou l’on peut rencontrer de véri tables froids polaires, par contre, les étés sont chauds, aux heures ensoleillée sur les sommets, toute la journée dans les vallées. A Annecy, comme en beaucoup d’autres endroits, on peut observer des variations thermiques entre les saisons rappelant déjà les écarts des pays au climat continental. La rudesse des hivers oblige les habitants à tenir le plus grand compte de l’orientation des versants et à rechercher, pour leur installation, l’adret plutôt que l’envers. ce dernier, situé face au nord, étant à la fois le domaine des vents froids et de l’ombre. L’orientation par rapport aux vents revêt en effet une importance capi¬ tale. Comme dans toutes les régions de climat océanique, ce sont les vents d’ouest appelés traverses qui dominent, annonciateurs de pluie. Au contraire. le vent du nord ou bise, sec et froid, semblable au mistral pour les Alpes du Sud, amène ordinairement le temps clair. L’un et l’autre sont concurrencés par la lombarde, originaire du sud-est, qui balaye de son haleine humide e tiède les abords des grands cols et surtout par le fameux vent du midi qu souffle avec violence depuis le Ventoux jusqu’au lac Léman. Brutal et chaud celui-ci provoque parmi la population des états dépressifs, graves surtout chez les tuberculeux, les enfants athrepsiques et les déséquilibrés neuro-végétatifs ainsi que nous le verrons dans un chapitre ultérieur. Les précipitations, pluies et neiges sont considérables dans les Alpes du Nord. En fait, il y pleut à peu près en permanence, avec toutefois des maxima en été et en automne comme il est de coutume partout où, règne le climat atlantique. Ce qui est plus spécial à la montagne, ce sont les rapports qui existent entre l’abondance des pluies et l’altitude, les hauted terres froides 10 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE favorisant au plus haut point la condensation des nuées. C’est ainsi que dans les Préalpes, directement exposées au souffle humide de l’Océan, la quantité moyenne des pluies annuelles dépasse 1 500 mm. Il en est de même au niveau des sommets les plus élevés des massifs intérieurs qui ne bénéficient d’aucun écran protecteur, Par contre, au-dessous de 2 500 m d’altitude, les chiffres tombent facilement à 1 200 mm pour descendre plus encore, à 1 000 et même 800 mm, dans les vallées bien abritées, que celles-ci soient longitudinales comme le sillon alpin ou transversales comme en Tarentaise et en Maurienne. Il n’empêche que la loi générale est la pluviosité surabondante. Et il faut faire au surplus une place à part aux précipitations neigeuses. Cette neige s’accumule sur 7 mètres en Chartreuse, sur 10 mètres dans la haute vallée de l’Arve. Elle devient permanente à partir de 2 600 mètres sur le massif de Belledonne, de 2 700 mètres sur le mont Blanc et de 3 000 mètres sur le Pelvoux, ces différences étant dues aux influences conjuguées de la situation par rapport à l’Océan et de la latitude. On voit par tous ces docu¬ ments quel réservoir énorme d’humidité constituent en définitive les Alpes Malgré cette humidité persistante, elles sont pourtant saines. En parti¬ culier, elles ont sur l’organisme humain une action tonique et vivifiante depuis longtemps reconnue, action qui pourra être utilisée, comme nous le verrons, dans le traitement de certaines maladies (tuberculose, laryngites, rhumatismes chroniques, etc.), à condition toutefois que l’indication de cure ait été bien posée et la station convenablement choisie. Fort différentes les unes des autres sous l’angle climatique, les Alpes méri¬ dionales et septentrionales le sont aussi en ce qui concerne la végétation et le régime des cours d’eau. 4u sud, faute de pluies régulières, c’est partout la sécheresse et la nudité que l’on rencontre. Sur les pentes arides des montagnes, brulées par le soleil. les forêts sont rares, l’herbe elle-même, mêlée de-ci de-là à quelques bouquets de lavande ou de thym, est rêche et rude, convenant beaucoup mieux à la chèvre et au mouton qu’aux vaches laitières. Quant aux rivières — Drôme. Durance, Var — si elles roulent parfois des eaux torrentielles après les grandes averses de l’automne ou la fonte des neiges au printemps, elles sont bien plus souvent réduites à de minces ruisselets, perdus au milieu d’un immense lit de cailloux. Évidemment, aucune culture importante, aucun élevage à grand rendement ne sont possibles dans de telles conditions. Dans le nord, au contraire, où l’eau sourd de toutes parts, la végétation est riche et abondante. Les cultures et les herbages occupent les vallées et les bas-versants. Au-dessus vient la forêt, étageant ses essences variées (chènes. hêtres, conifères) jusqu’à 1 800 mêtres d’altitude. Enfin, plus haut encore, c’est l’alpage avec ses herbes grasses et drues parsemées de fleurs éclatantes. On conçoit, dès lors, que l’élevage soit ici la principale ressource et qu’il porte avant tout sur le gros bétail. Il y a quelques années, les trois départements qui constituent les Alpes du Nord possédaient 430 000 bovins, soit les 3 %% du cheptel français. Ces animaux appartiennent d’ailleurs à des races diffé¬ rentes suivant les régions : dans les Préalpes, on élève surtout les fortes races de Villard-de-Lans et d’Abondance, grosses mangeuses et grosses productrices de lait: dans la haute montagne au contraire, c’est la race tarine qui pré¬ domine, petite et nerveuse, excellemment adaptée aux grands déplacements qu’on lui fait subir. L’élevage dans les Alpes du Nord demeure, en effet, toujours soumis aux migrations saisonnières. Dans les Préalpes, celles-ci sont simples. Enfermées à l’étable dans les villages du bas durant tout l’hiver, les bêtes montent en mai directement aux alpages, où chaque famille possède sa part de mon¬ le beurre et la viande dont celles-ci ont besoin. REGIONS DU CENTRE tagne et son chalet. Dans les massifs cristallins, par contre, les remues obeissent à des coutumes un peu plus compliquées. Au sortir des étables du bas-pays. les troupeaux doivent faire un séjour de quelques semaines dans les monta¬ gnettes des basses hauteurs sous la conduite de leur propriétaire avant d’être confiés vers la Saint-Jean au pasteur qui les surveillera durant tout l’été sur la vraie « montagne ». Telle est du moins l’ancienne tradition. A l’heure actuelle toutefois, l’amplitude de ces mouvements périodiques tend à se réduire. à mesure que les prairies artificielles, les prés naturels et les cultures fourra¬ gères se développent dans les vallées au dépens des cultures d’alimentation humaine. Un certain nombre de troupeaux restent ainsi confinés toute l’année dans les enclos étroits des vallées afin de procurer aux stations estivales le lait. Ces produits du bétail font du reste l’objet d’un commerce très lucratif auquel s’ajoute celui des fromages — la fameuse tome de Savoie notamment fabriqués de plus en plus dans de vastes coopératives, les fruitières, à l’exemple du Jura. Avant et après les grandes « remues » du printemps et de l’automne, des foires très animées se déroulent dans chaque canton, destinées contrées voisines, la vallée du Rhône principalement. à la vente des bêtes en excédent, celles-ci étant ensuite acheminées vers les A côté de l’élevage des bovins, celui des moutons fait dans les Alpes du Nord, assez modeste figure. Dans les trois départements de la Haute¬ Savoie, de la Savoie et du Dauphiné, on estime couramment qu’il existe 7 moutons autochtones pour 23 bêtes à cornes, cette proportion se trouvant largement inversée dans les Alpes du Sud. Et pourtant, l’été, les moutons paraissent plutôt nombreux dans le Dauphiné. C’est que de très importants mouvements de transhumance les amènent alors, au nombre de 150 000 envi¬ ron, des rivages méditerranéens vers cette province et vers le sud de la Savoie. Cette transhumance, jadis, se faisait uniquement par route. De nos jours. elle se fait volontiers, du moins à l’aller, par chemin de fer. Les moutons provençaux débarquent ainsi aux gares de Moûtiers, de Saint-Jean-de-Mau¬ rienne, de Grenoble, de Bourg-d’Oisans, d’où ils grimpent par des sentiers escarpés vers les Alpages de la Tarentaise, de la Maurienne, de Belledonne et de l’Oisans. Ils y demeurent jusqu’en septembre sous la garde de leurs pâtres, avant d’effectuer par route la descente et le trajet du retour. Tels sont les aspects de l’élevage en Savoie et en Dauphiné. Nous aurons l’occasion d’y revenir assez longuement en étudiant l’extension locale des Brucelloses liée précisément en grande partie à ces mouvements du cheptel. Signalons, pour terminer, que les Alpes du Nord possèdent par ailleurs de riches porcheries, succursales fréquentes des « fruitières ». Si nous les men¬ tionnons ici, c’est qu’elles ont eu, elles aussi, une influence intéressante sur la pathologie du pays. C’est à leur contact, en effet, qu’a pris récemment naissance en France une maladie nouvelle dénommée à juste titre péningo¬ typhus des jeunes porchers. Identifiée pour la première fois en Haute-Savoie par Boucher il y a une trentaine d’années, cette affection s’est depuis répandue dans plusieurs provinces françaises. Nous lui consacrerons plus loin un paragraphe spécial. Nous avons déjà décrit les rivières des Alpes méridionales, torrents ins¬ tables et capricieux, sujets parfois à des crues subites mais beaucoup plus souvent à sec. Toujours assurées d’être alimentées en eau, même en été, du fait de la fonte des glaciers, les rivières des Alpes septentrionales — Arve Fier, Isère surtout — ne connaissent pas toutes ces vicissitudes : leur débit est perpétuellement abondant et leur régime régulier. Aussi occupent-elles dans la vie du pays une place de tout premier plan. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 12 Tout d’abord, ce sont elles qui, avec l’aide des glaciers quaternaires. ont édifié le magnifique réseau de vallées grâce auquel les communications sont faciles à l’intérieur de la chaine. C’est ainsi que dans le sens longitudinal s’étire le long sillon alpin parcouru, comme nous l’avons précédemment indiqué, par les cours moyens de plusieurs rivières (Arly, Isère), cependant qu’à partir de cet axe fondamental se détachent de multiples rameaux trans¬ versaux coupant, d’une part les Préalpes, d’autre part les massifs intérieurs, ici par les cours supérieurs et là par les cours inférieurs de ces mêmes cours d’eau. A l’extrémité des hautes vallées, tout un jeu de cols fort heureusement disposés rend aisé le franchissement des crêtes, soit en direction de l’Italie (cols de Tende, de Larches, du Mont-Genièvre, du Mont-Cenis et du Petit¬ Saint-Bernard), soit vers la Mediterranée (cols du Lautaret, du Galibier. Bavard, de l’Iseran). Enfin deux voies ferrées unissent le réseau français au réseau italien : l’une par le tunnel dit du Mont-Cenis (ligne Paris-Turin). l’autre par le tunnel du col de Tende (ligne Rivièra-Piémont). On est donc bien loin du redoutable isolement dont souffrent encore les sierras pyrénéennes. Les cours d’eau interviennent également dans l’économie de la région. lrigant les vallées et les fertilisant de leurs alluvions, ils ont sans doute permis le développement des cultures. Mais grâce à la création des barrages, ils ont surtout donné naissance à une florissante industrie. Ainsi, la houille blanche a pratiquement suppléé aux insuffisances du sous-sol. Partout, dans le Grésivaudan, la Tarentaise, la Maurienne, la Romanche, de puissantes usines ont été crées, usines électrométallurgiques fabriquant des aciers purs. des ferro-alliages, de l’aluminium, ou usines électro chimiques produisant des carbures, des chlorates, des abrasifs, etc. De nos jours, les Alpes fournissent plus de la moitié de la force hydro-électrique de France. Enfin, ce sont les rivières et leurs vallées qui ont été les facteurs essen¬ tiels du peuplement dans les Alpes. L’eau existant à profusion, la population est évidemment très dispersée. Sur les Adrets, les habitations permanentes s’échelonnent jusqu’à 1 800 mètres d’altitude, 2 000 mètres même le long des pentes abritées de la Tarentaise et de la Maurienne. Toutefois, si l’épar¬ pillement des chalets reste la règle, on est bien obligé de constater que de nos jours la population tend de plus en plus à se concentrer dans les bas-pays. Ainsi les vallées, autrefois fermées et silencieuses, sont devenues bruyantes et animées, surtout depuis que des cités actives se sont substituées en bien des endroits aux modestes villages du temps passé. Or, les causes de ces trans¬ formations, nous les connaissons déjà : ce sont avant tout le développement des échanges et l’apparition d’une industrie prospère. Mais c’est aussi, il ne faut pas l’oublier, l’essor pris par le tourisme d’été, complété depuis quelques années, par les sports d’hiver. Été comme hiver, en effet, un énorme afflux de touristes envahit les Alpes, contribuant certainement beaucoup à leur richesse. A côté des stations thermales depuis longtemps réputées — Evian, Aix-les-Bains, Uriage, Brides. Challes — de nombreuses stations d’altitude, telles que Chamonix, Briançon Morzine. Villars-de-Lans et bien d’autres, ont surgi, recueillant une abon¬ dante clientèle. Toutes obtiennent un succès sans cesse croissant grâce au bon air qu’on y respire. Mais, en retour, il est juste de dire que les sports qu’on Y pratique ne vont pas sans occasionner des accidents trop fréquents, aussi bien chez les excursionnistes que chez les skieurs. Par ailleurs, certains sujets accusent des troubles variés liés à l’inadaptation de leur organisme à l’altitude comme au climat. De là l’existence dans les Alpes, plus peut-être que dans les autres chaines françaises, d’une véritable pathologie de la montagne dont les traits les plus caractéristiques seront bientôt envisagés. Quoi qu’il en soit, toutes ces activités nouvelles issues du progrès ont mis lin à un mal longtemps très grave dans le pays, à savoir l’émigration. Autre¬ l’Ardèche, la Haute-Loire et la Loire. REGIONS DU CENTRE 13 fois, les Savoyards partaient durant l’hiver pour exercer à distance les durs métiers de maçons, de couvreurs, de ramoneurs, de scieurs de long; ou bien ils quittaient définitivement leurs vallées et s’installaient à Lyon ou à Paris. C’est dans ces conditions que le département de la Savoie a perdu, pendant les vingt premières années de notre siècle, 20 % de sa population. Mais à partir de 1921 la situation a totalement changé, les courbes démographiques affectant au contraire une marche ascendante. Aujourd’hui les Alpes du Nord sont même devenues une zone d’immigration, les Suisses et les Italiens affluant dans l’industrie hôtelière, les Nord-Africains dans l’industrie chimique. Les Alpes septentrionales comptent des villes importantes : Annecy, un peu écrasée par le voisinage de Genève et surtout ville de tourisme; Chambéry, située au croisement du sillon alpin et de la principale voie transversale, ville de garnison et de commerce. Mais c’est néanmoins Grenoble qui attire tous les regards : véritable « plaque tournante » en ce qui concerne les communi¬ cations, elle est incontestablement la capitale économique et intellectuelle de toutes les Alpes françaises. LE MASSIF CENTRAL Le Massif Central, château d’eau de la France, est un vaste réduit rocheux dont les rebords, de tracé irrégulier, sont creusés de profondes entailles. Autour du puissant donjon médian constitué par les monts d’Auvergne, il groupe toute une série de hautes terres qui, inclinées en pentes douces vers le nord et l’ouest, se dressent au contraire en véritables remparts vers le sud et le sud-est. L’ensemble revêt la forme d’un triangle dont les pointes correspondent aux trois seuils du Lauraguais, du Poitou et de Bourgogne, cependant que les côtés longent le Bassin parisien, la cuvette d’Aquitaine et le couloir de la Saône et du Rhône. Avant déjà étudié en même temps que le Bas-Languedoc et le Bassin aquitain les régions du Sud qui courent depuis le Périgord jus¬ qu’aux Cévennes, il ne nous restera plus à envisager ici que le môle central flanqué de ses ailes, soit 10 de nos départements, à savoir : le Puy¬ de-Dome, l’Allier, la Creuse, la Haute-Vienne, la Corrèze, le Cantal, la Lozère, La configuration et la constitution du sol dans cette partie de notre pays sont les témoins encore sensibles des vicissitudes orographiques autrefois tra¬ versées. Le Massif Central est, en effet, un très vieux bloc hercynien que l’érosion a fortement entamé à travers les âges. Mais, à l’époque tertiaire, le contre-coup du soulèvement alpin a en quelque sorte rajeuni la montagne déjà usée, redressant son bord rhodanien et relevant son altitude. En retour, il a engendré des cassures et des effondrements multiples, lesquels ont donné naissance à des éruptions volcaniques et à de nombreux filons d’eau thermo¬ minérale : il a créé aussi d’importantes dénivellations dont la vallée de l’Allier représente le type le plus parfait. Depuis lors, le vieux socle cristallin. exhumé, débarrassé de sa calotte sédimentaire, a repris sur de larges étendues l’aspect de l’antique plate-forme, recouverte toutefois à certains endroits par les coulées fertilisantes des volcans. Les dépôts tertiaires ont, par ailleurs. tapissé le fond des vallées. Ainsi s’explique la grande diversité des paysages. diversité qui n’exclut d’ailleurs pas une certaine communauté de traits qui frappe aussitôt le voyageur et confère à la totalité du plateau une physionomie très particulière. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 16 Nous avons déjà dit que le Massif Central présente en son milieu une vigoureuse épine dorsale. Celle-ci est constituée par les monts d’Auvergne qui¬ étirés sur 170 Kilomètres environ, s’étendent depuis la vallée de la Sioule jusqu’à celle du Lot. D’origine esentiellement volcanique, ils comportent en réalité plusieurs chainons successifs. Tout d’abord, ce sont les monts Domes dressant au-dessus de la plaine de la Limagne leurs 70 cônes d’une étonnante fraicheur de forme, le plus imposant et le plus connu d’entre eux étant le Puy de Dôme, haut de 1465 mêtres. Plus loin, ce sont les monts Dores et les monts du Cantal, gigantesques ruines volcaniques aux pentes dénudées, culmi¬ nant à 1 886 m au Puy de Sancy et à 1 858 m au Plomb du Cantal. Enfin. touchant aux Causses, ce sont les monts de l’Aubrac, sortes de plateaux suré¬ levés aux larges ondulations, sans véritables sommets. La culture ici ne peut avoir que de médiocres développements, sauf dans le fond des vallées (céréales, arbres fruitiers) et sur quelques planèzes fertiles. D’une manière générale, les monts d’Auvergne, aux vastes pelouses herbeuses constituent des montagnes pastorales presque autant que les Alpes. La race botine de Salers notamment y a acquis une juste renommée tant pour son lait que pour sa viande. Durant l’été, le petit exploitant laisse ses animaux paitre à proximité du village, recueillant chaque matin le lait nécessaire aux besoins de la ferme. Le gros exploitant, au contraire, envoie son troupeau sur la « montagne » à plus ou moins grande distance. La, 100 à 200 bêtes se trouvent réunies autour d’une cabane appelée buron où le vacher confec¬ tionne la fameuse fourme du pays, fromage rustique vendu sous la forme d’énormes cylindres. Si l’on considère d’une part qu’il existe dans le Cantal plus de 2 000 burons et environ 130 000 vaches, d’autre part que chaque vache de Salers fournit en moyenne 1 200 litres de lait par an, on devine aisément l’importance qu’a prise dans ce département l’industrie fromagère avec ses dérivés, le petit lait servant à nourrir et à engraisser une multitude de porcs. Grâce à toutes ces activités, la vie ne s’est pas éloignée de ces terres élevées. Toujours dans le Cantal, on compte au moins 100 000 habitants séjour¬ nant au-dessus de 800 mètres, chiffre qui est loin d’être atteint dans les Alpes elles-mêmes. De vieilles villes « perchées » comme Salers. Mauriac et Saint-Flour, maintiennent encore quelques traditions d’urbanisme dans ce pay rude mais sain, habité par une population robuste et laborieuse. Il est vral que, depuis quelque temps, cette population dispose de bien d’autres ressources que l’élevage. Bénéficiant de la beauté des sites, le tourisme s’est fortement accru, cependant qu’une quantité de stations thermales telles que la Bour¬ boule, le Mont-Dore, Saint-Nectaire, Vic-sur-Cère, ete, voient chaque année leur clientèle augmenter. Ainsi l’émigration, autrefois très intense, semble avoir de nos jours à peu près complètement disparu. A l’ouest des monts d’Auvergne, s’étend le vaste glacis du Linousin. séparé de la chaine centrale par un fossé, ou mieux par une série de failles plus ou moins profondes, où subsiste une trainée de petits bassins houillers (Commentry, Saint-Eloy, Messeix. Champagnac). L’ancienne province fran¬ caise forme là un massif granitique épais, au dessin lourd, aux horizons sou¬ vent monotones, dominé par quelques sommets de 800 à 1 000 mêtres (plateau de Millevaches), en contrebas desquels s’étagent des hauteurs de moindre alti¬ tude (plateau de Combraille, monts de la Marche, monts du Limousin). L’ensemble rappelle d’assez près la Bretagne toute proche : même ciel gris et bas, même aspect de bocage découpé à l’extrême, même éparpillement de l’habitat du fait du pullulement des sources, même précarité aussi de la végé¬ tation naturellement réduite à la forêt, à la lande et aux maigres cultures. Néanmoins, grâce à l’irrigation et aux engrais, de nombreux pâturages se sont ŔGIONS DU CENTRE 17 développés un peu partout, faisant du Limousin une autre terre d’élevage, le pays reproducteur par excellence, fournissant des animaux jeunes : bovins à la robe dorée, moutons ou porcelets destinés à être expédiés aux régions voisines. Dans les fermes, enfouies derrière les haies au fond d’un chemin creux, l’étable occupe encore volontiers la place d’honneur, le paysan se contentant générale¬ ment pour son usage de deux ou trois pièces obscures et basses, dépourvues de toute hygiène et de tout confort. Pour être comparativement bien modestes, les ressources du sous-sol dan le Limousin n’en sont pas moins existantes. Déjà nous avons signalé la pré sence de charbon dans la dépression qui longe les monts d’Auvergne. Mais on trouve en outre du Kaolin au sud de Limoges (Saint-Vrieix) et à l’est de Montluçon. Enfin, deux entreprises installées également près de Saint-Yrieix broient le quartz aurifère et extraient environ 150 Kilos d’or par an. Grâce à ces exploitations minières, grâce surtout à l’énergie hydro-élec¬ trique produite en abondance depuis quelques années dans les vallées, l’indus¬ trie a fait son apparition dans le pays. Elle s’est essentiellement concentrée autour de Montluçon et de Limoges. Déjà célèbre dès le Moyen Age pour ses porcelaineries, cette dernière cité a récemment accru très sensiblement son activité, l’orientant vers toutes sortes de domaines : c’est ainsi qu’elle possède aujourd’hui des papeteries, des scieries, des fabriques de chaussures et même de la métallurgie. Située sur un grand carrefour de routes et de voies ferrées. elle a pris nettement figure de capitale régionale. Malgre l’enrichissement agricole, malgré la naissance de deux centres industriels importants, le pays, moyennement peuplé, voit cependant sa population s’amenuiser de plus en plus. Les jeunes émigrent facilement vers l’Aquitaine et vers Paris. Il en résulte que des villes comme Aubusson. Guéret Rochechouart, Tulle même, ne sont plus guère aujourd’hui que de gros bourgs sommeillants, réduits à des fonctions purement locales. Si, quittant les monts d’Auvergne, au lieu de progresser vers l’ouest, oa s’avance vers l’est, l’aspect devient tout différent. C’est que l’on aborde alors la partie la plus morcelée, la plus disloquée du Massif, celle oì alternent et s’opposent le mieux les remparts cristallins et les vastes dépressions intérieures ou bordières. Tout d’abord, au pied même des Dêmes et de leur versant oriental, s’étale la plantureuse Limagne, fossé vaste et profond que l’Allier a creusé et où se sont entassés les sédiments argileux, les laves et les cendres des volcans voisins. Profondément enfoncée jusqu’au cœsur de l’Auvergne, encadrée de montagnes qui l’abritent à la fois contre la rigueur des vents et l’excès d’humidité, dotée d’un sol extrêmement fertile, cette plaine s’est toujours montrée propice aux cultures les plus lucratives (céréales, betteraves sucrières, arbres fruitiers) ainsi qu’à l’élevage. Mais ce ne sont pas là les seuls motifs de sa réputation. Elle possède en effet sur son territoire trois des plus célèbres villes d’eau du monde : Royat. Chatelguvon et surtout Vichy, cette dernière recevant jusqu’à 130 000 baigneurs par saison, et enfin la capitale de l’Auvergne. Clermont-Ferrand, que l’industrie du caoutchouc a réveillée d’une longue torpeur, doublant même sa population en moins d’un demi-siècle (100 000 habitants aujourd’hui) Toutes ces richesses font que l’émigration est désor¬ mais pratiquement inconnue dans cette région, malgré la large fenêtre que cette dernière ouvre vers le nord, favorisant l’appel de Paris. Au-delà de la Limagne court du nord au sud, entre la Loire et l’Allier. un long sillon montagneux dont les sommets principaux dépassent 1 500 m (Signal de Randon Pierre Haure) Débutanr aux mohts de la Madeleine, du Livradois et du Forez dont les croupes granitiques sont fortement boisées, ce sillon se continue par les hauteurs voleaniques du Velay, pour se terminer LA PATHOLOGIE RÉGONALE DE LA FRANCE 18 enfin par les plateaux sévères de la Margeride et du Gevaudan au contact des Causses. Toutes ces terres sont pauvres et peu peuplées, à l’exception cependant du petit bassin du Puy enchâssé entre les plis du Velay. Durant l’été, de nombreux troupeaux de moutons originaires du Bas-Languedoc vien¬ nent séjourner dans la Margeride (comme d’ailleurs dans l’Aubrac tout proche) apportant à ce pays particulièrement déshérité un supplément appréciable de ressources. Le rempart des monts de la Madeleine et du Forez franchi, on tombe à nouveau sur une zone déprimée. Celle-ci correspond aux plaines foréziennes, plaine du Forez proprement dite et plaine de Roanne, traversées de part en part par le cours inférieur de la Loire. Tapissées par des alluvions argi¬ leuses et sablonneuses arrachées aux pentes cristallines voisines, ces deux cuvettes ont un sol imperméable d’un très médiocre rendement. Qui plus est, dans la plaine du Forez de nombreux étangs se sont maintenus, entretenant comme nous le verrons plus tard une vieille endémie palustre. La vie serait donc également difficile dans ces contrées si l’industrie textile lyonnaise n’y avait poussé d’importants rameaux, renflouant ainsi leur économie et donnant même à Roanne une place enviable parmi nos grandes cités cotonnières. Reste à envisager le dernier versant montagneux formant la bordure orien¬ tale du Plateau Central, tout au long du couloir de la Saône et du Rhône Redressé, comme nous l’avons indiqué, lors du plissement alpin, ce rebord est représenté par toute une série de massifs losangiques avant chacun leur physionomie propre. D’abord, c’est le Morvan, pluvieux et forestier, bientôt suivi par le Charolais et ses herbages qu’une magnifique race de bœufs à rendu célèbres. Puis c’est le Beaujolais et ses vignobles. Enfin ce sont les monts du Lyonnais et du Vivarais (Pilat : 1434 m. Mézenc : 1 754 m, et Gerbier-de-Jonc: 1 551 m), assez arides de nature, mais vivifiés, comme le basin de Roanne, par l’extension de l’industrie lyonnaise Plus intéressantes que ces montagnes cependant sont les failles qui les séparent. Deux d’entre elles surtout méritent de retenir l’attention grâce aux bassins houillers qu’elles enserrent : ce sont celles du Jarez et du Creusot. Comprise entre le Morvan et le Charolais, la dépression du Creusot, excellente voie de passage entre la Bourgogne et le Bourbonnais, possède en effet l’important Bassin Rouiller de Saone-et-Loire dont le rendement peut être encore évalué, à 2 millions de tonnes par an. Cette houille a permis le développement d’une industrie métallurgique extrêmement active avant pour centre les villes du Creusot, de Montchanin et de Blanzy. Dans cette vallée ce ne sont partout que cités usinières et minières, attirant principalement le enfants du pays, mais faisant également appel depuis quelques années à des immigrants étrangers. La dépression du Jarez a la même origine et, dans un cadre plus ample avec des traits plus fortement accusés, la même nature que la dépression du Creusot. lci encore, entre les massifs du Lyonnais et du Vivarais, s’allonge du sud-ouest au nord-est un synclinal carbonifère que parcourent en sens inverse deux rivières : le Furens qui va à la Loire et le Gier qui se rend au Rhône. Mais les dimensions sont devenues plus importantes, tout au moins en largeur. En outre, le gisement houiller est plus étendu et plus profond produisant dans les 4 millions de tonnes annuelles. Enfin et surtout, la Progi ptité immédiate de Lyon a permis le développement, sous l’égide de la grande cité, d’une quantité d’industries extrêmement prospères, fabriquant non seu¬ lement soie, coton et rayonne, mais encore produits chimiques, verrerie, etc. Comme actuellement les usines et les agglomérations ouvrières se succèdent sans interruption de la Loire au Rhône. Saint-Etienne tend de plus en plus :̀ devenir une capitale régionale dynamique, éliminant l’emprise lyonnaise à mesure que sa population s’accroit et que son influence grandit chauds. REGIONS DU CENTRE 19 Telles sont nos régions du Centre dans la diversité de leurs aspects locaux. Or, nous savons déjà que cette diversité n’exclut pas tout un ensemble de caractères communs qui confèrent au Massif Central une individualité certaine et le distinguent nettement des territoires avoisinants. Ces caractères, quels sont-ils? l° Tout d’abord, ils ont trait au climat. D’une manière générale, il s’agit d’un climat de région élevée : vents fréquents et forts, pluies abon¬ dantes liées à la proximité de l’Océan, hivers longs et rudes, étés brefs mais Bien entendu, l’humidité s’accroit à mesure que l’on se rapproche de l’Atlantique ou que l’altitude augmente. C’est ainsi que le plateau de Mille¬ vaches reçoit 1 560 mmn d’eau par an et la chaine du Puys jusqu’à 2 000, tout au moins sur son versant occidental. En même temps d’ailleurs que ces préci¬ pitations abondantes, les influences maritimes entrainent, dans les secteurs où elles prédominent, un adoucissement très marqué de la température ambiante. Ce sont ces faits qui expliquent les oppositions souvent constatées entre le climat des sommets et celui des fossés tectoniques, entre le Puy de Dôme notamment et la vallée de l’Allier qui s’étend à ses pieds. Abritée contre les vents d’ouest par un écran puissant, largement ouverte à la « bise » nordique, souvent noyée de brouillards, la plaine de la Limagne accuse en effet des écarts thermiques considérables que l’on n’enregistre guère sur les dômes voisins. L’hiver. Clermont-Ferrand est souvent à 10° au-dessous 20 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE du sommet du Puy, Par contre, juillet et aout comportent dans cette ville des journées de chaleur accablante sans cesse entrecoupées d’orages. Le total des pluies n’y atteignant même pas 600 mm, la sécheresse, malgré de violentes averses, est redoutée des agriculteurs. Le contraste entre les faites volcaniques et les plaines se répête vers l’est au niveau de chaque bloc montagneux comme dans chaque dépression. L’air océanique baigne les hauteurs et arrose leur front occidental, cependant que les vallées demeurent plus sèches et plus continentales. Mais, en réalité, chaque bassin, chaque massif a son régime propre qu’il importe de bien connaitre. la notion de microclimat ne revétant nulle part autant d’importance qu’en ces lieux. Ainsi, des stations comme Châtel-Guvon, le Mont-Dore, la Bourboule, Saint-Nectaire., jouissent d’un climat excellent, bien abrité, leur permettant de joindre aux avantages de la cure hydrominérale les bienfaits d’un site remarquablement choisi. Mais, en regard de ces zones d’élection, que de couloirs éventés et de rampes glaciales n’offrant de possibilités de séjour qu’aux organismes bien aguerris" Or, c’est là précisément un caractère souvent vérifié du climat du Massif Central que de se montrer essentiellement salutaire aux sujets sains. Il leur procure en effet un air tonique et vivifiant, une atmosphère bactériologique¬ ment pure, exempte de poussières, riche par surcroit en émanation radio¬ actives. Un enneigement prolongé aidant, on ne s’étonnera pas de ce que les sports d’hiver aient parfaitement réussi dans ces régions, des pistes comme celles du Mont-Dore, du col du Lioran ou de Bessat-Mont-Pilat avant même acquis depuis quelques années une notoriété certaine. Favorable aux individus robustes, la cure d’altitude l’est aussi à un grand nombre de débilités, à condition toutefois d’être attentivement surveillée et dosée. Sous cette réserve, les convalescents, les surmenés, les anémiques, les ganglionnaires, les bronchitiques sécrétants, voire même les tuberculeux tor¬ pides, pourront tirer bénéfice d’une saison en Auvergne, dont le résultat sera presque toujours de stimuler les réactions vitales momentanément amoindries. Par contre, cette cure sera à déconseiller formellement aux vieillards. aux cardio-rénaux, aux cardio-vasculaires, aux grands insuffisants hépatiques. aux sujets dont l’insnffisance respiratoire est manifeste (symphysés, emphygé¬ mateux, porteurs de pneumothorax doubles, etc.), enfin aux tuberculeux évo¬ lutifs ou congestifs, la non-observation de cette règle pouvant conduire aux pires catastrophes. 2° En dehors du climat, le Massit Centrat s’individuatise par les pari¬ cularités de son hydrographie. Déjà nous avons eu l’occasion d’indiquer que ce bouclier de hautes terres, abondamment arrosé, au sol imperméable, cons¬ tituait le véritable château d’eau de la France. Des torrents descendent à l’est vers la Saône et le Rhône, de longues rivières se dirigent au nord vers la Seine et la Loire, à l’ouest vers la Caronne. Aux massifs les plus élevés correspondent deux grandes zones de dispersion aisément repérables sur la carte : d’une part les Cévennes et le Vivarais d’où s’échappent la Loire. l’Allier, le Lor, le Tarn, l’Ardèche et le Card, d’autre part le groupe « Auvergne-Limousin » où le Cher, l’Indre, la Vienne, la Dordogne et tous ses affluents prennent leur source. L’ensemble forme un riche réseau de voies de pénétration menant vers l’intérieur du pays. Cependant, les communica¬ tions sont restées longtemps difficiles le long de ces voies d’accès partout hérissées d’obstacles où il a fallu construire de nombreux travaux d’art. C’est ce qui explique sans doute que, jusqu’à une date encore récente, le Massif Central ait du vivre dans un isolement presque complet, replié comme la Bretagne sur ses modestes ressources. REGIONS DU CENTRE 21 3° Reste à établir maintenant le bilan de ces resources ou apparai¬ tront encore quelques caractères communs à tout le Massif. Du point de vue agricole, nos régions du Centre sont pauvres, aptes seu¬ lement aux maigres cultures. Seuls les bassins tertiaires font exception quand des cendres ou des coulées volcaniques sont intervenues pour les fertiliser. Aussi l’économie s’oriente-t-elle de plus en plus vers l’élevage, soit en vue de la production laitière (Auvergne), soit en vue de la production des animaux jeunes et de la viande de boucherie (Charolais. Limousin). Le gros bétail augmente — il est d’ailleurs de qualité : races du Charolais, de Salers et du Limousin, Par contre, les ovins diminuent sauf dans le Limousin et les Causses. Même la transhumance des moutons méditerranéens vers la Lozère, l’Aubrac et le Gévaudan se réduit progressivement. A côté de l’agriculture, l’industrie a pris naissance Le Massif Central produit annuellement 12 millions de tonnes de houille et possède quelques¬ unes des plus puissantes centrales thermo-électriques de France. Se substituant de plus en plus à la petite industrie montagnarde, la grande industrie se développe autour des bassins houillers de bordure : métallurgie du Creusot. de Saint-Etienne, de Montluçon; porcelaine et céramique de Limoges et Mont¬ lucon; industrie textile du coton de Roanne, de la soie de Saint-Etienne, de la laine dans le Sud; industrie du caoutchouc de Clermont-Ferrand. Enfin le Plateau central est la région francaise la plus riche en sources thermales, en stations installées avec luxe et confort; les sports d’altitude y avant pris d’autre part beaucoup d’extension, les touristes affluent désormais en Auvergne hiver comme été. Ce schéma d’ensemble terminé, il est permis d’imaginer quelles sont. dans la pathotogie de ces régions, les notes dominantes. A priori, on peut s’attendre à une forte empreinte du terroir avec, comme en Bretagne, une incidence fréquente des tares héréditaires, de l’alcoolisme et de la tuberculose. d’assez nombreux cas de maladies pastorales, cà et là quelques foyers silico¬ tiques dans les secteurs miniers, par contre enfin, peu de cancers, ceci étant peut-être lié à la radioactivité du socle et à sa structure cristalline. Au cours des chapitres ultérieurs, nous verrons si ces quelques pronostics se trouven confirmés. LYON ET LE COULOIR RHODANIEN Avant déjà étudié la vallée de la Saône et celle du Rhône méditerra¬ néen, il ne nous reste plus à envisager ici que le « couloir rhodanien » pro¬ prement dit, segment de 150 kilomêtres environ compris entre Lyon et le « robinet de Donzère ». Dans ce sillon, le Rhône suit d’abord de très près la haute muraille du Massif Central, cependant que sur sa rive gauche) se succédent des plaines alluviales très fertiles, séparées les unes des autres par les derniers éperons alpestres. Puis, à partir de Viviers, son cours se resserre, pour finalement s’épanouir définitivement au milieu des vastes plaines provencales. Nous ne nous attarderons pas à décrire ici les aspects de cette riche valle dont le contraste est saisissant avec les autres contrées qui la bordent : monts du Lyonnais et du Vivarais d’une part plateaux caillouteux du Bas¬ Dauphiné de l’autre. On conçoit que la vie se soit de bonne heure concentrée sur cette terre d’élection, donnant "naissance à une de nos agglomerations urbaines les plus importantes. LA PATHOLOGIE REGIONAIE DE LA FRANCE 22 Déjà capitale de la Gaule romaine sous le nom de Lugdunum. Lyon. en effet, n’a jamais cessé d’accroitre son influence. Longtemps limitée entre Saone et Rhône, l’orgueilleuse cité a peu à peu annexé toute une série de faubourgs populeux dont la physionomie tranche nettement avec les quartiers aristocratiques du centre. Aujourd’hui la ville elle-même compte environ 560 000 habitants. Mais si l’on y joint toutes les communes industrielles qui s’étendent de Calluire à Oullins et de Villeurbanne à Vaise, faisant pratique¬ ment corps avec elle, c’est a une passe humaine de près de 900 000 ames que t’on aboutit finalement. Cette heureuse destinée tient évidemment à des causes multiples, Parmi celles-ci, il en est deux qui méritent plus spécialement de retenir notre attention. La première concerne la position géographique de la uille qui occupe l’un des carrefours les plus fréquentés de nôtre pays. Située sur un grand confluent de voies d’eau, elle est en effet au point où se croisent les routes venant de Genève et de la Suisse par la vallée du Rhône moyen, du Bassin parisien par la plaine de la Saône, de l’Italie par le Grésivaudan, du Massif Central par les dépressions qui entaillent son rebord oriental, de Marseille et de la Méditerranée enfin par la vallée du Rhône inférieur. Semblablement, elle marque l’endroit où viennent s’affronter les climats océaniques et méditerranéens. Souvent envahie par une brume épaisse due à la présence du fleuve, elle est soumise aussi bien à la « bise » nordique qu’aux haleines chaudes et déprimantes du vent du midi. Certains ont même voulu voir dans cet ensemble de facteurs naturels une explication de l’Âme Ivonnaise où se retrouveraient à la fois la limpidité parisienne, l’esprit contemplatit de la Savoie et peut-être un peu de l’ardeur méridionale. Ce qui est bf́aucoup plus assuré, c’est que, du noint de vue nosologique. Lyon paie la rançon de cette situation privilégiée qui la place aux frontières de deux mondes bien distincts. En plus de sa pathologie propre qui est au fond celle de toute métropole moderne, elle est en effet tributaire d’une véri¬ table pathologie d’epprunt qui porte surtout la marque provencale et dont les effets actuels ne sont pas à dédaigner. RÉGIONS DU CENTRE 23 Quant à la seconde cause, elle se rapporte au développement pris par l’industrie Iyonnaise. Déja, au XVIe siècle. Lyon était la ville de la soie. Elle l’est demeurée par la suite en dépit de crises répétées, étendant même ses ateliers et ses usines vers les montagnes voisines dans un périmétre de plus en plus grand. En outre, grâce aux capitaux ainsi accumulés, des industries secondaires ont été créées dans les domaines les plus divers : tissage du coton, métallurgie, fabrication de produits chimiques photographiques, phar¬ maceutiques, etc. De nos jours, la zone industrielle lyonnaise couvre un très vaste territoire dont les limites correspondent sensiblement aux points de repère suivants : Roanne. Saint-Rambert, Belley. Voiron, Aubenas, le Puy et Cler¬ mont-Ferrand. A cette zone d’influence économique se superpose du reste une zone d’influence artistique et intellectuelle plus importante encore, débordant lar¬ gement de part et d’autre de la vallée du Rhône, sur une dizaine au moins de nos départements. Ainsi, il nous a paru possible de réunir ici, dans une même étude, le Massif Central et les Alpes septentrionales,. Toutes deux montagneuses et pas¬ torales, orientées vers ce même pôle d’attraction que constituent le couloir rhodanien et sa capitale, ces régions possedent en effet, malgré quelques dis¬ semblances, bien des traits communs. Comme nous le verrons dans les pro¬ chains chapitres, ces traits ne sont pas sans retentir nettement sur sa patho¬ logie, c’est-à-dire sur le choix et la répartrtonr ues atrectrons uu or y opserve RIRLIOCRAPHLE 1. AHROS (Ph.). L’Auvergne. A. Colin édit, 1932. 2. BENEYENT (E.). Le climat des Alpes françaises. Chiron édit, Paris, 1926. 3. BLANCHARD (R.). Les Alpes francaises. A. Colin édit, 1915. 4. FAUCHER (D.). Plaines et bassins du Rhônc moyen. A. Colin édit, 1927. 5. GEOLGI (P.). Géographie des Alpes françaises. Presses universit, de France, Paris, 1941. 6. GRANGLR (E.). La France. A. Favard édit, 1947. 7. RLEINRLALS (A.). LyOn, des origines à nos jours. Masson édit, 1925. 8. MAHTONNE (E, de). Les AIpes, A. Colin édit, 1926. 9. MAURETE (F.), Toute la l'rance. Hachette cdit, 1927. 10. MEYSTER (A.). Géographie du Massif cntral, Rieder édit, Paris, 1925. I1. PIERY (M.). Le climat de Lyon et de la région lvonnaisc. Cartier édit. Lyon, 1947. 12. POLRHAT (H.). L’Auvergne. Coll. « Les Bcaux Pays ». Arthaud édit, Grenoble, 1932. pour l’avenir. 24 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 1 — LA FIEVRE ONDULANTE Nous avons déjà vu, en étudiant les paysages alpestres, que la Savoie et le Dauphiné, exclusivement soumis aux inffuences océaniques, s’opposaient en tous points aux monts de Provence, encore assujettis au régime méditerra¬ péen. De part et d’autre de la Durance, le contraste apparait en effet sai¬ sissant pour qui vient par exemple de Sisteron et de Forcalquier et gagne la vallée de l’Isère en passant par le col de la Croix-Haute : tandis que vers le sud ce ne sont partout que pentes rocailleuses desséchées par le soleil, au nord, au contraire, c’est le déroulement continu des gras pâturages alimentés par l’abondance des pluies. Une telle opposition entre pays moutons secs et arides et pays vaches humides et verdovants n’a pas été sans retentir dès le début sur la physio¬ nomie et le mode de répartition de la fièvre ondulante à travers ces vastes étendues montagneuses. Alors qu’en Provence c’est la fièvre à mélitocoque qui a tout de suite régné en maitresse, transmise par les, ovins et les caprins venus des bords de la Méditerranée, en Savoie c’est la Brucellose à Abortus que l’on a vue bientôt apparaitre, importée probablement par des bovins descendus des hauteurs franc-comtoises voisines. Quant au Dauphiné, il était normalement destiné, du fait de sa posi¬ tion géographique, à devenir le point de jonction de ces deux vagues concen¬ triques. Etroitement apparenté à la Savoie par sa structure physique et ses ressources naturelles, il n’a pu se soustraire aux influences méditerranéennes et a vu ainsi s’ipstaller sur son sol, à côté de l’Arbotus bovis autochtone, le Melitensis amèné par les moutons transhumants. Dans le Massitf Central on peut dire que la situation s’est trouvée en quelque sorte calquce sur celle des Alpes, à telle enseigne qu’on y observe encore aujourd’hui la même division en deux zones basée sur l’orientation. différente de la production. Spécialisés en effet dans l’élevage des bêtes à cornes du fait de leurs nombreuses prairies, les Marches, le Limousin, l’Auvergne et le Charolais sont devenus de très bonne heure la proie de l’Arbotus, cependant que les Causses calcaires et" dénudés, rovaume du mouton, ont vite tenté le Méli¬ tocoque véhiculé par les troupeaux languedociens infectés vers les contreforts de l’Aubrac et des Cévennes. Ainsi, dès 1930, la fièvre ondulante a pu se répandre à droite comme à gauche de la vallée du Rhône, créant cà et là des ilots de plus en plus vastes et de plus en plus confluents, que l’on peut considérer suivant les cas, tantôt comme des émanations du foyer méridional primitif, tantôt comme des prolongements des foyers comtois et parisien de constitution rela¬ tivement récente. Dans l’exposé qui va suivre, nous examinerons tour à tour : L. — La maladie animale et ses voies de pénétration à travers le centre de la France. II. — La maladie humaine, ses conditions d’apparition et ses aspects cliniques. III. - L'intensité de l'endémie actuelle et les dangers qu'elle représente 25 REGIONS DU CENTRE A. — LA MALADIE ANIMALE ET SES VOLES DE PÉNÉTRATION VERS LE CENTRE DE LA FRANCE. Il convient à ce propos d’envisager successivement la façon dont s’est effectuée, depuis une vingtaine d’années environ, la propagation de chacune des deux grandes variétés de Brucelloses dans les Alpes d’une part et dans le Massif Central de l’autre : de la, dans cette rubrique, les quatre paragraphes bien distincts ci-après : . — La Mélitococcie ovine d’origine provencale dans les Alpes du Nord. — Rôle de la transhumance. Tout particulièrement intéressantes à étudier pour l’épidémiologiste sont les voies de pénétration suivies par la Mélitococcie depuis l’énorme foyer méditerranéen jusqu’aux profondeurs alpestres. Nous savons déjà que cette infiltration à pu s’opérer surtout grâce à l’antique coutume de la transhumance qui, chaque année, permet aux mou¬ tons de la côte, hélas trop souvent contaminés, de venir profiter de l’herbe tendre et parfumée des Alpages. On a fréquemment décrit à ce sujet le spec¬ tacle pittoresque qu’offre, au printemps, le défilé de ces immenses troupeaux de 2000 à 3000 têtes que l’on voit serpenter le long des drailles sinueux qu’eux-mêmes ont tracés, avec à leur tête le chef berger, ou bayle, immédia¬ tement suivi de la troupe des grands béliers et, terminant la file, les ânes bâtés fléchissant sous le poids des bagages. Nous avons eu précédemment l’occasion d’évoquer ces mouvements à l’intérieur des Alpes de Proyence. Il nous faut maintenant indiquer comment le réseau se prolonge en direction des Alpes du Dauphiné et même de Savoie, en nous aidant à cet égard des enseigne¬ ments précieux qu’a bien voulu nous fournir M. Magallon, directeur des Services Vétérinaires de l’Isère. Schématiquement, on peut dire que, pour gagner le Dauphiné, les trou¬ peaux venus du sud ont le choix entre les quatre grands itinéraires suivants : J. — La valle du Rhône, puis celle de l’Isère, en pasant par Crest, Bomans. Saint-Nazaire et Pont-en-Royans. 2. — Le territoire du Vaucluse puis la trajectoire Vaison-Nvons-Die. 3. — La vallée de la Durance ou le chemin déja amorcé de Taraccon par Puget et Sisteron se poursuit vers Laragne. Serres. Aspres-sur-Buech. Saint¬ Julien-en-Beauchène et Lus-la-Croix-Haute en direction de la Mure — 3 moins qu’à partir de Serres il n’oblique vers Veynes, le col du Festre et le Devoluy (3 bis). 4. — Accessoirement le Briançonnais, puis le col du Lautaret et la Crave vers Besse (troupeaux Dijol). Parvenus ainsi aux confins de l’Isère, les transhumants vont dès lors se répartir comme suit : a) Ceux qui ont atteint Pont-à-Rovans sur le cours même de l’Isère se dirigent : les uns vers les alpages de Villard-de-Lans; les autres vers Saint-Quentin où une bifurcation les amenera tantôt vers la Savoie par Voiron et Saint-Laurent-du-Pont, tantôt vers le massif de Belle¬ donne par Voreppe et Grenoble. b) Ceux qui ont atteint Die sur la Drôme peuvent opter entre : les alpages déjà cités de Villardde-Lans ou du Vercors par le col du Rousset et la grande ligne des pâturages Grenoble-Lus par le col de Romeyer 22 LA PATLOLOGIE RéGIONALE DE LA FRANCE AIN RGIONS DU CENIRE 27 Il est à noter qu’une troisième solution consiste pour ces troupeaux à gagner de Die le col du Mene pour, de la, rejoindre à la Mure les groupes suivants. c) Ceux qui sont arrivés à la Mure se distribuent ainsi deux troupeaux vers les alpages du Connez, petit massif isolé au confluent des vallées du Drac et de la Romanche; plusieurs troupeaux vers les pâturages du Serrion et du Thabor; d’autres troupeaux vers le massif du Tailleter par la vallée de la Roi¬ zonne, affluent de la Bonne: enfin, venus par la même voie, d’autres troupeaux suivent le cours de la Malzanne, affluent de la Bonne, franchissent le col d’Ornon et parviennent N96 La certains empruntent la vallée de l’Eau d’Olle vers les pâturages des Grandes-Rousses, le versant sud de Belledonne ou même la Savoie en passant par le col du Glandon; d’autres remontent le Vénéon vers Vénosc; d’autres finalement longent la haute vallée de la Romanche vers la Garde, Clavans et Besse où ils retrouvent les troupeaux Dijol émigrés du Lautaret. Telles sont les grandes voies d’accès consacrées par une lointaine tradi¬ tion et encore en usage de nos jours dans le Dauphiné et dans la partie méri¬ dionale de la Savoie. A vrai dire, depuis quelques années tous ces itinéraires semblent un peu moins fréquentés que par le passé, certains éleveurs préfé¬ rant aujourd’hui au cheminement lent et monotone le long des pistes le transport par voie ferrée infiniment plus rapide et plus commode.. Ainsi s’est organisé tout un système nouveau de transit comportant notamment les points de débarquement ci-après : 1. — Crenoble pour les troupeaux destinés aux pâturages de Chanrousse (bassin sud du massif de Belledonne). 2. — Jarrie-Vizille à destination de l’Oisans. 3. — Goncelin à destination du massit des Sept-Laux et du Gleixin. Encore que la guerre ait restreint ces derniers déplacements dans d’asez notables proportions, il semble bien que l’avenir soit désormais au rait beau¬ coup plus qu’a la route. Quoi qu’il en soit, il nous parait intéressant de reproduire ci-dessous quelques chiffres indiquant quelle était tout récemment la répartition des moutons transhumants entre les diff́rents massifs alpestres, toujours d’après les documents communiqués par Magallon : 1945). LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 2 Ce tableau représente déjà un ensemble de pres de 80 00 bêtes. Si on lui ajoute le contingent de 30 00 à 40 000 transhumants qui cagne directe. ment la Savoie, on arrive à un total compris entre 100 000 et 150 000 têtes pour un territoire couvrant à peine trois de nos départements. Si l’on consi¬ dère que ces animaux proviennent tous de régions où la Mélitococcie sévit avec une intensité nulle part égalée, qu’ils se mélangent dans les alpages, non seu¬ lement aux ovins autochtones (près de 5 00 dans le département de la Savoie). mais encore aux bovins sensibles eux aussi à la contagion, on concevra du même coup les dangers que cette pratique ancienne fait courir aux pays où elle s’est maintenue 2. — La Mélitococcie ovine d’origine méditerranéenne et ta transhumance sur les confins sud-est du Plateau Central. Le phénomène de la transhumance n’est pas spécial aux massifs alpestres : on le retrouve avec les mêmes caractères et la même ampleur à l’ouest du bassin du Rhône où, d’après Bruhat, on pouvait encore voir vers 1930 une armée de 300 000 moutons quitter au printemps les plaines languedo¬ ciennes et les steppes de la Crau pour escalader les pentes des Cévennes (mont Aigoual, mont Lozère) et celles de l’Aubrac. En réalité, le mouvement, malgré son intensité, se ralentit très rapide¬ ment sitôt que l’on a franchi la bordure escarpée qui limite au sud-est le Plateau central. Localisé essentiellement aux deux départements montagneux de l’Avevron et de la Lozère, déjà très faible dans la portion septentrionale de ce dernier, il a pratiquement disparu aux abords du Cantal et surtout de l’Ardèche qui te recoit plus que de très rares troupeaux venus du Gard, Plus loin, dans les monts du Forez et le massif du Pilat, l’élevage des bovins s’est partout substitué à celui des moutons. Et il en est de même pour l’Auvergne qui, depuis longtemps déjà, ne connait plus les migrations ovines et se contente de recevoir dans ses pacages d’altitude quelques troupeaux africains qu’elle héberge pendant un mois environ avant de les destiner à la boucherie. Quant au mode de transit, ici comme partout, la voie ferrée vient rempla¬ cer de plus en plus l’antique cheminement par les drailles. Si c’est là peut-être un progrès réel dans l’ordre économique, c’est loin en tout cas d’en être un du point de vue sanitaire, les vagons n’étant en pratique jamais désinfectés après usage. 3. — La Brucellose bovine en Savoie. — R̂le des « remues ». Si l’on fait exception pour sa partie sud, la Savoie ne connait plus la transhumance (1). Essentiellement vouée à l’élevage des bovins, elle peut s’enorgueillir de posséder l’excellente race tarine, originaire de Tarentaise. que l’on voit surtout prospérer dans les Préalpes ainsi que dans le sillon alpin. Partout on rencontre presque autant d’animaux que d’habitants, plus même dans les massifs des Bornes et du Vercors. Ordinairement, les vaches laitières séjournent en permanence dans la vallée, alors que les jeunes bêtes montent l’été sur les pâturages des sommets. Dans les grands massifs intérieurs on voit ainsi le bétail abandonner le village vers la Saint-Jean (24 juin) quand la neige achève de fondre sur l’alpage. Il y passe des lors la belle (1) Il existe effectivcment jusqu’en Haute-Savoie de vagues survivances de l’ancienne coutume, ce département recevant encore chaque aunée deux ou trois troupeaux de 800 têtes en moyenne venant du Midi et des Bouches-du-Rhône en particulier (rensei¬ gnements fournis, par le. Directeur départemental des services vétérinaires : octobre RÉGIONS DU CENTRE 29 saison sous la garde des vachers qui, rudimentairement logés, couchés sur des lits de branchages, ravitaillés chaque semaine seulement. fabriquent outre le beurre, un fromage réputé. Souvent, toutes les bêtes du village sont rassem¬ blées en un seul troupeau qui estive sur une montagne communale, dénommée grande montagne par opposition à la petite montagne qui est un alpage par¬ ticulier où le propriétaire conduit lui-même son troupeau. Ces remues : du bétail libèrent les prairies de la vallée et permettent de constituer des réserves de foin pour l’hiver. Avant la Saint-Michel (29 septembre), les troupeaux quittent l’alpage. De grandes foires se tiennent alors au chef-lieu de canton. au cours desquelles on se débarrasse des bêtes en excédent ou bien on en achête d’autres provenant des régions voisines, Puis, dès la fin octobre, c’est le long hiver qui commence, confinant au logis bêtes et gens, souvent entassés dans une pièce unique simplement séparée en deux par une mince cloison. Ainsi se trouvent réunis en Savoie différents facteurs qui assurent lar¬ gement la dissémination du mal. Apports extérieurs de bêtes contaminées. dernières ramifications de la transhumance, échanges commerciaux par¬ fois très actifs sur les marchés entrainant une véritable instabilité du cheptel. brassages annuels réalisés par les « remues », promiscuité malsaine des étables tout contribue finalement à entretenir dans ce pays de graves épizooties dont nous indiquerons plus loin les répercussions chez l’homme. 4. — La Brucellose bovine sur le Plateau Central. La diffusion de la Brucellose bovine entre les régions limitrophes du Plateau central (Bassin de la Loire, Poitou. Charentes, Aquitaine) et le cœur même de ce massif montagneux parait avoir obéi sensiblement aux mêmes lois que dans les Alpes du Nord que nous venons d’envisager. On retrouve ici en effet le rôle des « remues » (Auvergne. Cévennes), le contact avec des moutons malades importés du Sud, l’introduction surtout de bovins étran¬ gers provenant de zones contaminées. Mais les règles suivant lesquelles s’éta¬ blissent ces échanges sont parfois assez complexes et méritent d’être notées. C’est ainsi que dans le Limousin, où on utilise habituellement les vaches pour les menus charrois, les veaux de 3 à 10 mois sont vendus soit aux bouchers. soit aux éleveurs des Charentes. En revanche, chaque métairie, pour posséder les quelques bœufs destinés aux durs travaux, doit nécessairement racheter au¬ dehors des animaux de trois ans qui, après avoir été mis au joug durant quelques années, sont finalement livrés aux fournisseurs de la Villette. On voit par ce seul exemple les difficultés qu’il peut y avoir à établir la filiation des cas observés, le chemin parcouru par les Brucella avant d’atteindre l homme étant parfois des plus embrouillé. B. — LA MALADIE HUMAINE. — SES CONDITIONS D’APPARITION ET SES ASPECTS CLINIQUES. Contamination directe dans les campagnes, indirecte dans les villes, tel est le schéma général que l’on peut adopter en ce qui concerne le mode de transmission des Brucelloses à l’homme. On sait en effet qu’en milieu rural la contagion est due surtout à un contact avec les déjections virulentes de l’animal malade (urines, selles, pro¬ duits de la délivrance, etc.). Quand on a vu les garçons de ferme, aux mains malpropres et couvertes d’excoriations, manipuler sans aucune précaution les délivres au cours des avortements symptomatiques, enfouir les avortons, trans¬ porter le fumier, traire ensuite les vaches et, le soir venu, se coucher sur ronnantes : LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 30 une paille foulée par le bétail, on ne peut plus s’étonner de l’extension prise par la fièvre ondulante dans certains de nos villages. En ville, au contraire, si l’on met à part les quelques cas de contami¬ nations directe et professionnelle observés chez les vétérinaires et les bouchers. l’origine de l’affection est pratiquement toujours alimentaire et a pour point de départ l’ingestion d’un lait souillé ou de ses dérivés (beurre, fromage frais). Voici d’ailleurs un bilan établi en 1938 par Me Busillet qui montre bien l’opposition qui existe en matière de contagion entre une grande aggloméra tion urbaine (en l’espèce Lyon et sa banlieue) et les communes envi¬ J. — Lyon et Villeurbanne : 32 cas sont ainsi répartis : Cas médicaux de contamination de laboratoire Cas vétérinaires de contamination de service Contamination professionnelle aux abatoirs Contamination professionnelle chez des particuliers Cas d’origine non professionnelle et le plus souvent alimentaire. 2. — Commues rurales environnantes : Lissieu, Quincieux. Veron. Riverie, Saint-Genis, Chaselay, etc. : 15 cas pratiquement tous survenus après contact avec des animaux malades dans des exploitations où sévit l’avortement épizootique. En ce qui concerne maintenant la nature du germe en cause, il est la plupart du temps difficile de se prononcer étant donné la rareté des hémo¬ cultures pratiquées. Si la contagion par les ovins et les caprins implique d’autorité l’intervention du Mélitocoque à l’exclusion de l’Abortus, il n’en est pas de même des bovins qui peuvent être infectés par l’une comme par l’autre de ces deux espèces microbiennes. Si l’on remarque par surcroit que l’animal responsable ne peut pas toujours être déterminé lorsqu’il s’agit notamment de troupeaux mixtes comprenant à la fois des chèvres, des brebis et des vaches avorteuses, on saisit tout de suite la complexité du problème. Dans l’ensemble néanmoins, on peut estimer que l’on a affaire essentiellement au Micrococcus melitensis dans les départements méridionaux de la Drôme, de l’Ardèche, de la Lozère et de l’Avevron, voués au mouton, cependant que l’Abortus pré¬ domine au contraire dans le nord de la Savoie et du Massif Central plus spécialement consacrés à l’élevage des bovidés. Enfin, signalons que dans le Dauphiné le régime est intermédiaire, avec coexistence des deux germes, pour les raisons que nous avons déjà indiquées. Du point de vue clinique, aucun fait bien particulier ne mérite jci d’être souligné, la maladie affectant dans le centre de la France les mêmes aspects que partout ailleurs. Il y a lieu simplement de signaler que Jullien a insisté sur la fréquence des formes chroniques et cachectisantes dans le département de l’Ardèche (1935), en même temps que Béthoux, de Grenoble, et ses colla borateurs attiraient l’attention sur les formes pulptonaires de l’affection carac¬ térisées, tantôt par leur allure pscudo-tuberculeuse sans atteintes locales, tantôt par l’apparition de complications effectives du type cortico-ploural. REGIONS DU CENTRE 31 C. — INTENSITE ET RÉPARTITION DE L’ENDEMIE ACTUELLE CHEZ L’HOMME. Cherchons pour terminer à établir comment se répartissent les différents secteurs des Alpes et du Massif Central en fonction des atteintes brucelliennes et interrogeons à cet effet les Statistiques de l’Institut National d’Hygiène dont voici les données pour les deux périodes quinquennales 1941-1945 et 1949. 1953: Fréquence des Brucelloses dans les régions du Centre 31 Ce double bilan va nous permettre de classer les 15 départements inté¬ ressés en 4 zones bien distinctes : 1° La première de ces zones englobe la Sapoie et le Dauphiné, c’est-à dire les dénartements de la Haute-Savoie, de la Savoie et de l’Isère, auxquels on peut adioindre la Drôme. Sans atteindre des niveaux aussi importants que dans la Haute Provence toute proche, on peut dire que les taux de morbidité brucellienne conservent dans ces régions des valeurs très élevées. Le phénomène semble du à la persistance des influences du bassin médi¬ terranéen, entretenues surtout par le transhumance. C’est elle notamment qui est responsable de la diminution progressive de l’endémie du sud au nord. à mesure que l’on s’éloigne du fover provencal. C’est elle aussi qui explique dans un même département, l'’inégale répartition du mal, suivant qu’il s’agit d’un secteur montagneux à grosse activité pastorale favorable au dévelop¬ pement du processus ou au contraire d’une zone de basses terres (Bas Dau¬ phiné) ou d’une zone comportant des altitudes excessives (massif du Mont Blanc) : ainsi, dans l’Isère, l’affection prédomine dans la partie est du dépar¬ tement, dans la Haute-Savoie et la Savoie, dans la partie ouest. C’est elle, LA PATHIOLOGIE BÉGIONALE DE LA TRANCE 32 enfin, par ses variations incessantes liées aux facteurs économiques et sociaux. qui rend compte du fléchissement global actuel de la morbidité brucellienne enregistré dans les régions considérées, fléchissement sensible surtout dans le département de l’Isère. 2° La seconde zone correspond à la bordure sud-est du Plateau central autrement dit aux départements de la Lozère et de l’Ardèche, auxquels on peut associer l’Avevron, étudié ailleurs. Mais ici la contamination vient du Bas-Languedoc dont les indices d morbidité mélitococcique se sont accrus de façon inquiétante au cours de ces dernières années. Dès lors on ne s’étonne pas du relèvement concomitant des taux observés le long des confins du Plateau central directement exposés aux apports infectieux des moutons languedociens. Comme dans les Alpes d’ailleurs, la maladie voit sa fréquence diminuer du sud au nord ainsi que Causse l’a fort bien montré pour le département de l’Ardèche. 3° La troisième zone, Beaucoup plus faiblement touchée, s’identifie avec tout le versant est du Massif Central, à savoir les départements de la Haute Loire, de la Loire, de l’Allier et du Puy-de-Dôme avec, comme annexe, le Rhône. A l’abri des influences méditerranéennes grace au puissant ressaut des Cévennes, ces régions n’ont plus à redouter les incursions des ovins en pro¬ venance du Midi. Elles s’orientent avant tout vers l’élevage du gros bétail. On concoit dans ces conditions que la fièvre ondulante y soit plus rare et qu’elle relève de Br. Abortus bien plus souvent de Metitensis. Le département du Rhône occupe dans ce groupement géographique une place à part, mharquée essentiellement par l’incidence minime des atteintes brucelliennes. Il possède toutefois encore, à côté de ses secteurs industriels et viticoles très peuplés, des secteurs obstinément voués a la vie pastorale. Ainsi s’explique le contraste frappant qui existe entre le Beaujolais d’une part, où le vin est roi et la Mélitococcie rare, et les monts du Lyonnais d’autre part. où l’importance sans cesse croissante du cheptel a favorisé l’extension pro¬ gressive de la maladie. 4° La quatrième zone enfin, très médiocrement atteinte, est représentée par l’ensemble du versant ouest du Plateau central réunissant les départe¬ ments de la Haute-Vienne, du Cantal, de la Corrèze et de la Creuse. Seule la Haute-Vienne accuse dans cette zone des indices susceptibles de retenir quelque peu l’attention, sans doute à cause de l’abondance spéciale des troupeaux de race limousine qui ont fait sa fortune. Quant aux trois autres départements, ils comptent certainement parmi les moins contaminés de France. A notre avis, la protection relative dont ils béné¬ ficient est due à ce fait que, situés en plein milieu d’un massif montagneux aride et difficile d’accès, ils peuvent encore se soustraire en grande partie aux cou¬ rants morbides venant du dehors. N’oublions pas à ce propos qu’en 1933 ils étaient pratiquement exempts de Brucelloses ainsi qu’en témoigne la carte publiée par Lisbonne et lanbon dans l’édition de 1939 de « l’Encyclopédie médico-chirurgicale ». Telles sont les quelques particularités que nous avons désiré mettre en lumière concernant le développement des affections brucelliennes dans le centre de la France. N’auraient-elles souligné que la correspondance étroite qui existe entre les possibilités d’adaptation d’un processus nouveau et les différents facteurs locaux, essentiellement variables du reste dans le temps comme dans l’espace, qu’elles nous paraitraient dignes d’avoir été exposées avec quelque détail. REGIONS DU CENTRE 33 BIBLIOGRAPHIE I1. — LA MALADIE DES PORCHERS LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE 34 C’est un médecin de campagne, le Dr Henri Bouchet, de Cruseilles. que revient le mérite d’avoir pour la première fois soupconné en 1914 l’indi¬ vidualité nosologique d’une sorte de « grippe méningée », alors assez fréquente dans les « fruitières » de Haute-Savoie et qui devait par la suite être désignée sous le nom de « maladie des porchers ». La première publication relative à cette affection ne remonte cependant qu’à 1932. Elle est due au Suisse Muller qui nous a fourni à cette occasion une excellente description du processus, description qui devait être reprise et complétée l’année suivante par son compatriote Urech. Depuis cette époque, les travaux se sont succédé aussi bien en France que dans les pays avoisinants. C’est ainsi que le professeur Penso de Rome signale en fin 1933 dans la presse italienne l’existence, non seulement dans la province de Parme, mais encore dans la Savoie française qu’il vient de prospecter, de cette curieuse pyrexie qu’il appellera désormais « méningo¬ typhus éruptif des porchers ». C’est alors seulement que H. Bouchet se décide à publier les faits qu’il a depuis longtemps reconnus et qui constitueront bientôt un ensemble d’envi¬ ron 80 cas. A peu près au même moment. Charleux d’Annemasse relate de son côté une vingtaine d’observations de « méningite Iymphocytaire bénigne » identifiables en tous points à la maladie nouvelle. REGIONS DU CENTRE 35 Puis ce sont — toujours avant guerre — les communications de Bocca de Saint-Etienne (I cas), de Ledoux et Jacquard en Franche-Comté (13 cas). de P. Cayla — un autre praticien de campagne — dans les monts de l’Aubrâc (3 cas). Enfin, plus près de nous en 1941. Coste et ses collaborateurs font connaitre à la Société médicale des Hôpitaux de Paris les trois observations qu’ils viennent de recueillir parmi les employés de la porcherie d’Ivry. Quant à l’étude expérimentale de cette fièvre, elle fait parallelement l’objet d’importantes recherches, en France notamment, de la part de Durand. Giroud, Larrivé et Mestrallet (Lyon 1936). De ces constatations, il semble resortir qu’en dehors des quelques cas aberrants, signalés à Saint-Etienne, à Paris, et surtout dans l’Avevron (can¬ ton de Laguiole), l’affection se rencontre essentiellement dans nos départe ments contois et suvovards où elle fait partie du grand fover d’endémie suisse. lequel comporte principalement les cantons de Vaud, de Berne et de Genève. tout en s’étendant au-delà à l’est vers le Tyrol, au sud vers la plaine du Po et la chaine des Apennins. Il est probable d’ailleurs que dans un avenir plus ou moins proche, elle dépassera largement les limites actuelles pour se répandre en fin de compte dans toutes les régions où l’on élève des porcs au voisinage des fromageries (1). C’est en effet exclusivement parmi les porchers dont les bêtes sont nourries au petit lait, résidu de la préparation du fromage, que la maladie doit être recherchée. Celle-ci s’observe donc surtout au sein de ces vastes coopératives laitières dénommées burons dans l’Aubrac, fruitières en Savoie, depuis long¬ temps spécialisées dans la fabrication du gruvère, du cantal et du parmesan (2). Tous les emplovés de ces établissements ne sont d’ailleurs pas également exposés à la contagion : de beaucoup les plus souvent atteints sont les jeunes ouvriers débutant dans le métier qui, soit comme « vedeliers », soit comme « pastres », vivent en contact permanent avec les porcs et contractent ains le mal avant d’avoir pu acquérir une immunité suffisante vis-à-vis du germe causal. Sur la nature de ce germe, l’accord semble aujourd’hui s’être réalisé. Il s’agit d’un Leptospire (L. Pomona) identifié d’abord au Queensland, puis sur les confins franco-suisses et en Italie du Nord. La maladie appartient donc, en définitive, au groupe des Leptospiroses. Le porc semble constituer le véhicule normal de l’agent causal. Lui¬ même fait spontanément une maladie autonome, caractérisée par de l’ano¬ rexie, de la diarrhée et des phénomènes excito-moteurs tels que : raideur de la nuque, mouvements de totsion convulsions. A ĉté de ces cas typiques, il existe certainement de nombreuses formes frustes, lesquelles passent le plus souvent inapercues, mais n’en jouent pas moins un rôle important dans la transmission du mal. (1) De 1940 à 1915 toutetois la fréquence de la maladie de Bouchet a nettement diminué en Haute-Savoie. Par suite, en elffet, de la penurie des matières alimentaire habituellement reservées aux apimaus (mais orge, sbn, tourteaux, etc), les fromager se sont trouvés dans l’obligation de cesser radicâlement l’engraissement du porc anté rieurement destine à la boucherie-charcuterie pour n’élever désormais que quelques porcelets en vue de la consommation familiale des fermes. Mais ce n’était là qu’une situation toute provisoire, liee à des ceirconstances momentanées (rensciguements fournis Par le Dirécteuf départemental dès Serviecs vétérinaires). (ldu (9) l ciste encqre envlron 59o fruiuicres dns le demrtepent de htiesvote 36 LA PATHOLOGIE RÉGIONALIE DE LA ERANCE Selon toute probabilité, cette transmission, se fait à l’homme par contact direct avec les déjections virulentes de l’animal, la pénétration du virus dans l’organisme s’effectuant, soit par voie digestive par l’intermédiaire des mains souillées, soit par voie transcutanée à la faveur de petites plaies des téguments. Ainsi, de nos jours, on n’admet plus guère pour ce passage l’intervention d’un hôte intermédiaire (moustique, pou du pore, etc.), hypothèse qui avait Quoi qu’il en soit, l’affection n’est jamais contagieuse d’homme à homme et procède toujours par cas sporadiques. S’il arrive parfois que plusieurs indi¬ vidus soient touchés conjointement à l’intérieur d’une même collectivité, en aucune circonstance il ne peut être véritablement question d’épidémies. Du point de vue clinique, la maladie des Porchers, revet une allure cyclique, comportant successivement une phase typhoide et une phase mténin¬ gée séparées lune de l’autre par une courte période de rémission. Le début est d’ordinaire brutal à la manière d’une pneumonie, faisant suite à une incubation d’une quinzaine de jours. Après quelques heures de malaise, la température monte brusquement à 402 pour se maintenir ensuite en plateau pendant les jours suivants. Déjà la céphalée est constante, très pénible, accompagnée de douleurs musculaires, surtout lombaires. Le faciès est violacé, cvanotique, cet aspect étant parfois considéré comme un signe pâthognomonique. La plupart du temps il existe en outre une conronctivite bitatérate, laquelle peut d’emblée évoluer vers la purulence. Mais en réalité, au cours de ce premier stade, ce sont les symptômes digestits et intesfinaux qui dominent la scène. La langue est saburrale, les vomissements fréquents, les selles fétides, Par ailleurs, on note de l’albumi¬ nurie et parfois des signes plus complets d’atteinte rénale (hyperazotémie. cylindrurie). L’examen objectif montre alors un abdomen météorisé avec quelques gar¬ gouillements dans la fosse iliaque droite qui est douloureuse au palper. Assez souvent le foie et la rate sont un peu augmentés de volume sans que l’on observe cependant de coloration ictérique des téguments et des muqueuses. Vers la fin de cette période, et habituellement au troisième jour, appa¬ rait un exanthême maculo-papuleux rosé, siégeant sur l’abdomen et sur la face interne des cuisses, tantôt évident, tantôt discret, mais toujours de courte durée. Si l’on ajoute à ce tableau une asthénie extrême pouvant aller jusqu’au « tuphos » et quelques épistaxis, on conçoit que c’est avant tout à une typhoide que l’on songe à ce moment. C’est alors que survient la détente soudaine qui constitue l’une des prin¬ cipales caractéristiques de l’affection. Brusquement la température retombe à 37°, tandis que le malade accuse une sensation de « bien-être » contrastant avec son abattement des jours précédents. Cette accalmie dure 48 heures en moyenne. C’est là que le médecin risque de passer pour un prophête lorsqu’il annonce à la famille la reprise prochaine des accidents. Effectivement, à cette brève rémission vient bient̂t faire suite la dernière phase de la période d’état. Celle-ci est essentiellement marquée par la constitution d’un syndrome méningé avec céphalée atroce, photophobie, raideur de la nuque, signes de Kernig et de Brudzinski. En même temps la température remonte à 40-41 avec pouls dissocié aux environs de 100-110. 36 été autrefois envisavée. rigene pourront parfois preter à confusion, lci encore le laboratoire sera d’un REGIONS DU CENTRE 37 Pourtant on n’observe dans la règle ni paralysie oculaire ni atteinte des paires craniennes, et le sujet conserve toute sa lucidité. La ponction lombaire donne issue à un liquide clair, non hypertendu. Sur sa composition chimique et sa cytologie on a beaucoup discuté, certains les prétendant normales, les autres signalant au contraire une lymphocytose et une hyperalbuminose nettes. En fait, les résultats obtenus semblent surtout dépendre du moment même où a été pratiqué l’examen, les modifications décrites étant généralement aussi précoces que passagères. De toute facon, les taux de la glycorachie et des chlorures demeurent sensiblement normaux, cependant que l’étude bactériologique du liquide ne permet de déceler aucun germe. Après 5 à 8 jours d’évolution, on voit les symptômes méningés se dissiper à leur tour, la température revenant à la normale, tantôt rapidement, tantôt d’une manière progressive. Quoi qu’il en soit, en dépit de l’allure dramatique des symptêmes, le processus aboutit toujours à la guérison, ne laissant d’autre séquelle que le souvenir d’une céphalée terrible dont le malade ne parlera plus qu’avec crainte (J. Cayla). C’est du reste en raison de cette bénignité constante du pronostic que Durand et ses collaborateurs ont songé il y a quelques années à utiliser le sang des sujets atteints de maladie des porchers comme moyen de pyrétothé¬ rapie dans la paralysie générale. Tel est, très schématisé, le tableau habituel de la maladie. Il y a cepen¬ dant des cas où celle-ci se présente sous un aspect atypique du fait surtout de l’absence d’une ou plusieurs de ses manifestations principales. Signalons à ce propos que l’on a décrit une forme purement digestive à allure d’embar¬ ras gastrique, une forme sans rémission thermique, et surtout une formte sans réaction méningée sur laquelle Ledoux a particulièrement insisté. Le diagnostic se pose différemment suivant le stade de l’évolution, A la phase dé début, c’est avant tout, comme nous l’avons vu, à une typhoide que l’on pense. Mais on sera en droit également d’envisager un typhus auquel la maladie s’apparente alors par bien des côtés: fièvre, tuphos, troubles digestifs, exanthème, voire même syndrome méningé et absence de contagion interhumaine. Ceci est tellement vrai que certains auteurs n’ont pas hésité avant l’identification du germe à ranger la fièvre des porchers parmi les Bickettsioses, se conformant en cela à une opinion émise par Penso. En réalité, la courte durée de la phase typboidique et la névativité des examens de laboratoire (hémoculture, sérodiagnostics de Widal et de Weil¬ Félix) permettent rapidement d’éliminer cette hypothèse. Il en sera de même pour la mélitococcie qui présente également des caractères bactériologiques et sérologiques propres. A la phase méningée, la ponction lombaire et l’étude du liquide céphalo¬ rachidien feront semblablement écarter l’éventualité d’une méningite cérébro¬ spinale ou celle d’une autre méningite purulente. Mais elles ne suffiront pas à exclure la méningite tuberculeuse, car on sait qu’il existe de nombreux cas ou le bacille de Koch est difficile à mettre en évidence malaré des recherches patientes et répétées. Seule, comme le dit 1. Cayla, l’évolution favorable de la maladie des porchers tranchera le diag¬ nostic, qui aura déjà été aiguillé par l'’absence de signes oculaires et de phé¬ nomènes parétiques. De même certaines formes anictériques et méningees de spirochétose icté¬ 283 grand secours lorsqu’il mettra en œuvre, suivant le stade considéré, l’inocu¬ lation au cobave du sang ou des urines, la recherche des spirochêtes et le sérodiagnostic de Petit positit à partir du douzième jour. Enfin, mentionnons pour terminer que la dengue offre plusieurs points communs avec la maladie en cause, puisqu’elle comporte elle aussi une évo¬ lution en deux temps, un exanthème et une céphalée violente. Elle s’en dis¬ tinguera néanmoins par l’aspect scarlatiniforme ou roséoliforme de son érup¬ tion ainsi que par l’absence de syndrome méningé jointe à la brièveté de la reprise. De toute façon, la constatation d’un haut pouvoir agglutinant du sérum du suijet à l’égard d’un leptospire, le L, pomona, permettra de poser le diagnostic, à la condition toutefois de songer à rechercher ce test préconisé pour la première fois par Gsell. Ainsi donc, en définitive, la maladie des porchers apparait comme une affection rare (on en compte tout au plus 150 cas dans la littérature médicale française) et par ailleurs peu répandue : dans le centre de la France on ne la rencontre guère que dans la partie ouest, agricole, du dépar¬ tement de la Haute-Savoie (régions d’Annemasse, de Frangy et de Cruseilles). avec peut-être dans l’Aubrac un autre fover naissant (communes de Laguiole et de Saint-Urcize). Il semble bien que cette double particularité soit due aux conditions mêmes qui président à la contagion, celle-ci ne pouvant se réaliser que dans les porcheries annexées aux entreprises laitières de haute montagne. Le processus est parfaitement individualisé et vient s’intégrer clinique¬ ment dans le cadre général des « méningites lymphocytaires bénignes » et noso¬ logiquement dans, celui des Leptospiroses. Son diagnostic différentiel ne se posera guère en pratique pour peu que l’on ait connaissance de la profession du sujet et des conditions dans les¬ quelles il travaille. Il y a lieu au surplus de remarquer que, pas plus en Savoie qu’en Franche-Comté, on n’a rençontré jusqu’à présent de typhus, de dengue ou de spirochétoses, notion qui simplifie d’autant la discussion et sou¬ ligne une fois de plus l’intérêt que comporte l’étude des pathologies régionales. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE BIBLIOCRAPHIE 1. BOCCA (G.). Un cas de maladie des porchers observé à Saint-Etienne. Soc, méd, des HOD, de Lxon. Séance du 24 novembre 1936. 2. BOUCHET (H.). Relation sur la pscudo-typho-méningite des porchers. Boll. e Atti d. R. Acc, di Roma, séance du 30 noy, 1935 et lmpr. Herisson, Annecy 1935. 3. BOUCHET (L.). Notes cliniques sur la maladie des fruitières. Boll. e Atti d. R. Acc. di Roma, séance du 30 noyombre 1935. 4. CAYLA (J.). Nouvelles observations sur la maladie des porchers (maladic de Bouchet). Son extension au Massif ccntral (région de l’Aubrac). T’hèse Paris 1938. 5. CHALLEUX (G.). La Méningite hénigne des porchers. Lyon médical, 31 mai 1936. CLVI, 650-657 et Presse méd., 234 mars 1937, n° 24, 452-454. 6. COSTE (F.), MORIN et MANDEL, Trois cas parisiens de maladie des jcunes porchers. Soc, méd. des Hop, de Paris, 24 octobre 1941. 7 Pu (9 Gunatooha) lun d) tuiuan Cs, nes, sans is pe es 2 tale a lhomnmne de l'ainalidte des porchers. Ci des sences de lac 96 p 11 26 oct, 1936. CCII, p. 830. 8. LAVABRE (P.). La mnaladie des porchers. Thèse Lyon 1937. 9. MULETR (A.). Leber mollerci frippe. Schyciz, méd. Wochensclr, 10 sept, 1832. LXII, 840. 10. PENSO (A.). Méningo-typhus éruptif, sporadique, bénin, à caractère professionnel (maladie des fruitières ou maladie des jeunes porchers). Rey. d’hyg., juillet 1936. 11. PLAUCHIL, VALLIER et RENNARD. Sur un cas de Leptospirose pomona (maladie des porchers) constatée dans la région lyonnaise. Soc, méd. hop. Lyon, 13 juin 1949. 12. RENSZ. La maladie des porchers. Thèse Strasbourg, 1939-1940. 13. ROCn (M.). Les méningites bénignes de l’adulte, 24° Congrès francais de méd. Paris 1936. RÉGIONS DU CENTRE III. — LES AFFECTIONS TVYTTIOIDLQUES On ne peut faire allusion aux incidences des affections typhoidiques sur le centre de la France sans évoquer aussitôt les épidémies parfois très meur¬ trières qui se sont abattues sur la région lvonnaise au cours des siècles passés. La dernière en date de ces épidémies remonte à trente ans à peine (1928) et est encore présente à toutes les mémoires. On sait qu’elle causa près de 3 000 atteintes — 2 676 exactement — réparties comme suit : 39 Uniquement localisée à l’arrondissement de Lyon, elle n’a frappé que les compumes desservies par la Comnagnie des Faix et a eu pour point de départ la rupture d’une importante canalisation de la ville. Si nous relatons cet épisode, c’est qu’il traduit en réalité sous la forme d’un paroxysme passager l’état endenique permanent qui règne sur l’agglomération lvonnaise comme d’ailleurs sur la plupart de nos grandes cités, y compris Paris. Etudiant les aspects de cette endémie à l’occasion de sa poussée estivo¬ automnale annuelle de 1943 Sedallian et Monnet, se basant sur 234 obser¬ vations, ont pu mettre en évidence plusieurs faits intéressants; fré¬ quence relative des paratyphoides R par rapport aux affections éberthiennes proprement dites, gravité sbéciale de ces dernières conformément aux données classiques, possibilité enfin de rencontrer des Salmonelloses avant la sympto¬ matologie complête de la fièvre iyphoide dont elles partagent au demeurant le pronostic toujours sérieux. En ce qui concerne sa topographie, cette recrudescence de 1943 a vu se constituer autour de Lyon duatre fovers bien circonscrits à Bron-village. Civors, Decines et Lagnière-Saint-Sorlin, groupant au total une cinquantaine de cas. Pour le reste, il s’est agi d’atteintes isolées, parfois familiales. 40 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Du point de vue étiologique, la contamination par le lait a été invo¬ quée en l’occurrence, à Bron puis à Decines. Plus près de nous, en 1946. Robin et ses collaborateurs sont revenus sur ce mode de contagion à propos d’une épidémie de 24 cas apparue dans un quartier de Lyon et due très probablement à la consommation de fromages frais préparés avec des laits souillés. Mais ces exemples ne doivent nullement faire oublier le rôle prépon¬ dérant qui revient en toutes circonstances au facteur hydrique, notamment lors des explosions épidémiques urbaines et dans les endémies rurales. C’est en effet à l’eau qu’il faut avant tout rapporter les nombreux cas de typhoses observés dans les campagnes. Déjà nous avons eu l’occasion d’insis¬ ter sur les dangers que font courir aux populations des villages les puits insuf¬ fisamment étanches installés au-dessous des maisons d’habitation ou dans la cour même des fermes, tantôt au voisinage des champs d’épandage et tantôt à proximité des tas de fumier. Il n’est pas douteux que bien des accidents imputés au lait ne sont dus en réalité qu’à la pollution secondaire de ce liquide par l’intermédiaire de récipients lavés avec une eau impure. Quant à l’origine ostréaire, mis à part les quelques cas constatés dans les villes à certaines époques de l’année, elle n’entre guère en ligne de compte dans les statistiques locales, surtout en milieu rural. Ces quelques remarques faites, il convient maintenant de dire quelques mots au sujet de la fréquence et du mode de répartition des affections typhoides dans les régions considérées. Afin de bien saisir l’évolution de ces affections, nous allons considérer successivement les trois périodes ci-après : a) une période relativement ancienne : 1925-19315. b) une période récente : 1939-1945; c) la période actuelle : à partir de 1949. A. — LA PÉRIODE RELATIVEMENT ANCIENNE DE 1925-1931. Elle nous est bien connue grâce aux excellentes statistiques du professeur Dubreuil. Nous allons indiquer ci-dessous, pour chacun des départements des Alpes et du Centre, le taux de mortalité et le numéro de classement relevés au cours de la période étudiée. Mortalité typho-paratyphoidique durant la période 1925-1931 (Dubreuil). Taux de mortalité correspondant pour la France entière : 4,8 RÉGIONS DU CENTRE 41 De la lecture de ce tableau, on peut tirer les conclusions suivantes qui précisent bien la situation telle qu’elle, se présentait avant guerre : 1° Comme tout l’intérieur et contrairement aux zones côtières, le Centre. les Alpes et le couloir lyonnais ne paient alors dans leur ensemble qu’un tribut modéré aux affections éberthiennes. 2° Assez fréquentes cependant dans les régions de plaine ainsi que dans certaines vallées possédant des agglomtérations importantes (Lyon,. Valence, Grenoble, Clermont, Vichy. Saint-Etienne), celles-ci se montrent par contre très rares dans les départements montagneux a population faible et clairsemée tels que la Savoie, la Haute-Savoie, le Cantal et la Lozère. B. — LA PÉRIODE RÉCENTE DE 1939-1945. Si les précédentes constatations concordent d’une part avec la logique et d’autre part avec les réponses fournies par d’autres enquêtes, il faut bien reconnaitre que les bilans établis au cours de la période 1939-1945 ne s’en écartent guère dans leur ensemble. Seuls deux changements appréciables méritent d’être signalés, à en juger par les statistiques de morbidité de l’Ins¬ titut National d’Hygiène correspondant à cette époque : ils concernent d’un côté le département de la Loire et de l’autre celui de la Lozère. On remarque en effet dans ces documents que, contre toute attente, ces départements viennent se placer respectivement au second et au 22e rang du classement général. En réalité, ces données ne sont nullement en contradiction avec celles que nous venons d’exposer. Elles peuvent s’expliquer, pour la Loire, par une épi¬ démie locale passagère (1 152 cas en 1944) telle qu’il peut s’en produire n’im¬ porte quand partout ailleurs, et pour la Lozère par la densité très faible de sa population qui fait que quelques cas supplémentaires de contagion ont tout de suite pour résultat de hausser démesurément les moyennes. En somme. ce sont là des exceptions qui, pour le moment considéré, ne viennent que conhirmer la règle formulée par Dubreuil quelques années auparavant. C. — LA PÉRIODE ACTUELLE. Pour préciser ses caractères, nous nous adresserons à nouveau aux sta¬ tistiques de morbidité de l’Institut National d’Hygiène. Vojei les renseigne¬ ments officiels que celles-ci nous apportent en ce qui concerne la période toute proche de 1949-1953 : Morbidite ypho-pararyphordlique durant L période 1919-1953 (LN. H.). très général à l’heure actuelle, on note donc dans le centre de la France un certain déplacement des grands pôles d’activité typhoidique qui n’exclut pas pour autans la persistance de zones d’endémicité tenaces. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 42 On voit que, par comparaison avec les précédents documents, ce tableau exprime à la fois des analogies et quelques discordances. Comme analogies, on continue à observer des taux de morbidité faibles dans les départements ruraux et montagnards de la Haute-Loire, du Cantal. de la Corrèze et de la Creuse auxquels on peut ajouter désormais la Lozère (voire la Drôme) où les poussées épidémiques récentes semblent s’être com¬ plètement apaisées. De même, on constate encore à l’opposé des indices élevés dans la Loire (où la vague épidémique de 1944 prolonge ses effets), le Puy¬ de-Dôme, le Rhone et l’Isère. Comme discordances, par contre, on remarque surtout une extension du processus à travers les Alpes ou, du Dauphiné, il a gagné toute la Savoie. En outre, une aggravation sensible se manifeste dans la Haute-Vienne, devenue aujourd’hui le siège d’un foyer important lié à de nombreuses contaminations d’origine hydrique. En même temps qu’une baisse très accusée de la morbidité, phénomène BIRLIOCRAPHIE IV. — LES PARASITOSES INTESTINALES L’étude des parasitoses intestinales dans les régions du centre de la France amène à envisager un certain nombre de problèmes qui peuvent être rangés sous trois rubriques principales : A) Le Parasitisme cosmopolite banal tel qu’il apparait dans l’acclomération lvonnaise. B) L’Ankylostomose des mineurs dans le basin houiller de Saint-Ftienne. C) Les foyers parasitaires spéciaux dont l’existence parait liée à certaines conditions du milieu. Alors que le premier de ces chapitres vient s’intégrer dans le cadre géné¬ ral du parasitisme dans les grandes villes, les deux autres ont trait à des ctats cdemques Jotaux d’une importance d’ailleurs très inégale. BÉGIONS DU CENIRE 43 A — LE PARASITISME COSMOPQLITE RANAL DANS L’ACCLOME. RATION LYONNAISE. L’agglomération lvonnaise compte parmi les zones françaises qui ont été les mieux prospectées du point dé vue parasitaire. Sans remonter aux tra¬ vaux déjà anciens de Drivon, datant de 1891, nous trouvons en effet dans la littérature moderne consacrée à ce sujet, d’abord les publications de Morénas en 1928, puis celles plus récentes de Garin et de Roman échelonnées entre 1937 et 1944. Ce sont surtout ces dernières qui serviront de base à notre documentation, car elles ont le mérite d’apporter des données précises à la fois sur le mode de répartition des cas et sur leur évolution en fonction des événements qui se sont succédé. Voici d’ailleurs quelques chiffres extraits des statistiques de ces auteurs qui donneront tout de suite une idée sur la fré¬ quence des infestations observées, en indiquant le pourcentage des contamina¬ tions relevées lors de divers sondages effectués dans les hopitaux, grâce à des examens systématiques des selles (repérage des formes enkystées) (voir le tableau). Abordons maintenant la question sous un angle plus analytique : J. — Ascaris. Ce parasite semble avoir été de tout temps assez rare dans la région lyonnaise. A cet égard, les constatations de Roman ne s’écartent guère de celles de Morénas qui évaluait déjà à 1.25 % la moyenne des infestations chez les sujets de tout âge. Dans l’ensemble, les enfants paraissent plus tou¬ ches que les adultes et les coloniaux plus que les métropolitains. La guerre ne gemble pas d’ailleurs avoir change notablement la situation à en juger par 34 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE le précédent tableau. Celui-ci acuse toutefois un certain désaccord avec les chiffres publiés d’autre part par C. Favreaux, lequel aurait trouvé une pro¬ portion de 424 % de porteurs de parasites au cours de ses recherches. Mais, en plus du fait que ces investigations n’ont porté que sur un nombre très restreint d’individus, elles ont été effectuées exclusivement parmi les enfants hospita¬ lisés à la clinique médicale infantile de la Faculté. Or. on sait que l’Ascaridiose évolue souvent sous l’aspect de petites épidémies localisées, là surtout où les règles de l’hygiène fécale ne sont pas suffisamment respectées, ce qui est fré¬ quemment le cas dans la banlieue lvonnaise. Quoi qu’il en soit, ce qui est bien certain, c’est que l’on assiste depuis 1940 à une multiplication impres¬ sionnante des infestations massives, telles qu’on n’en vovait guère autrefois. 2. — Trichocéphales. C’est à juste titre que Carin a pu dire du Trichocéphale qu’il était le plus envahissant des vers. Déjà, vers la fin du siècle dernier, Drivon signalait sa présence dans les trois quarts des intestins d’autopsiés, avec un pourcen¬ tage de 56 %% chez les enfants. Ce dernier taux semble s’être quelque peu abaissé par la suite, puisque Garin ne le trouve plus que de 33 % en 1908 et voit une trentaine d’années plus tard son évaluation confirmée par Roman avec 30,2 %%. Si l’on considère maintenant les statistiques globales, enfants et adultes, on obtient 21,7 % d’examens positifs avec Morénas en 1928 et 25,7 % avec Roman en 1937, ce qui est encore concordant. Depuis la guerre. ces proportions ne paraissent guère s’être modifiées, du moins chez nos natio¬ naux, les étrangers accusant par contre des chiffres un peu plus élevés, comme il était d’ailleurs possible de s’y attendre. En définitive, l’infestation par les Trichocéphales se révèle comme très répandue Lyon où elle semble même intéresser près du tiers de la popu¬ tation. 3 — Antylostomes. Nous verrons dans un chapitre prochain l’importance du fover d’ankylos¬ tomose qui existe dans le bassin houiller de Saint-Etienne. Malgré la proxi¬ mité de cette région minière, les rares cas de cette parasitose observés à Lyon même semblent relever à peu près exclusivement d’une origine ezotique et ne se rencontrent guère en pratique que chez; des indigènes coloniaux. Indochinois, Sénégalais ou Malgaches. 4. — Oxvures. Nous ne nous attarderons pas à commenter ici les résultats obtenus par Morénas. Roman et. Carin au cours de leurs recherches parasitologiques sur les matières fécales. La femelle de l’oxvure avant pour habitude de pondre direc¬ tement ses œeufs au niveau de la marge de l’anus, c’est uniquement par hasard qu’on arrive à les découvrir à l’occasion d’un examen nicroscopique des selles. Aussi, pour apprécier sa fréquence chez l’homme, faut-il recourir à d’autres moyens d’investigation. Déjà les renseignements fournis par le malade lui-même ou par son entourage ne sont pas dépourvus d’intérêt lors¬ qu’ils indiquent la présence à la surface des matières du petit ver blanc mobile. bien connu des mères de famille. A la rigueur, le médecin peut compléter ces données par l’exploration visuelle de la région anale, à condition toute¬ fois de l’effeetuer le soir, au moment du prurit caractéristique. Mais ces pro¬ cédés laissent encore échapper bon nombre de contaminations. Associés aux résultats du laboratoire, ils ont néanmoins permis à Favreaux puis à Tho¬ masset de dénoncer en 1943 une recrudescence appréciable de l’oxvurose à RÉGIONS DU CENTRE 45 Lyon durant la période d’après-guerre, ces auteurs s’étant adressés, l’un aux enfants en traitement dans les hôpitaux, l’autre à la clientèle de ville. En fait, des progrès beaucoup plus sensibles devaient être réalisés un peu plus tard grace à l’utilisation des méthodes basées sur le principe du masage de la muqueuse anale. C’est ainsi qu’en appliquant la technique préconisée par M. Schuffner et N.-H. Stellengrebet sur plus de 600 enfants recrutés par moitiés à la clinique dermatologique et à la clinique médicale infantile de la Faculté, Roman et Coudert ont réussi en 1947 à déceler l’oxvure dans 43 % des cas, c’est-à-dire chez près de la moitié des sujets examinés. A peine un tiers des enfants reconnus parasités au cours de cette enquête ont accusé les symptômes habituels de l’infestation (prurit anal et prurit vulvaire surtout) ce qui souligne bien la grande fréquence des contaminations absolument latentes. Reprenant ces mêmes recherches dans les milieux scolaires de la ville de Lyon. Coudert et ses collaborateurs sont arrivés en 1952 à des taux beaucoup plus élevés encore puisqu’ils ont atteint globalement la proportion de 62 %. Dans les écoles maternelles, ils ont obtenu des chiffres oscillant entre 37 et 60 % et dans un internat de garçons jusqu’à 94 %. Ils en viennent dès lors à incriminer à l’origine le manque d’hygiène familial et, secondairement, la promiscuité qui, dans les écoles et surtout dans les internats, favorise à l’ex¬ trême la difusion du processus. Ainsi on voit, d’après ces quelques chiffres, l’importance qu’a prise l’Oxy¬ rose dans notre grand centre rhodanien, importance que les seuls examens « standard » de laboratoire étaient incapables de refléter, mais que permet¬ tait déjà de soupconner la simple observation de tous les jours. Et il est intéressant de noter à ce propos que les statistiques de Roman et de Coudert viennent en quelque sorte rejoindre — en les renforcant — celles très anciennes de Drivon qui, après de nombreuses et minutieuses études helminthologiques sur le cadavre, avait déjà conclu à des taux d’infestation de 22,7 % chez l’enfant et de 17,2 % chez l’adulte, taux qui paraissaient énormes à l’époque. 5. — Tenja iperme. Dépourvu de tout orifice de ponte, cet helminthe ne saurait émettre directement d’œufs dans le chyme. Ceux-ci ne peuvent donc qu’accidentelle¬ ment se mélanger aux matières, à la faveur d’une rupture prématurée dans l’intestin des anneaux chargés d’embrvophores que le ver expulse au-dehors. Comme pour l’oxvure, par conséquent, l’examen coprologique se montrera le plus souvent en défaut et devra être complété par les données de l’interro¬ gatoire, d’autant plus valables d’ailleurs que la traversée de l’anus par les strobiles éliminés s’accompagne d’une sensation désagréable qui passe rare¬ ment inapercue des malades. C’est en tenant compte de tous ces renseigne¬ ments, au cours de leur enquête de 1940-1943 auprès de la population lvon¬ naise, que CGarin et ses collaborateurs ont pu relever des taux de contamina¬ tion atteignant 3,1 6% chez les Français prospectés et jusqu’à 6.4 % chez les étrangers, ces chiffres devant resnectivement remplacer les 0,8 et 3,8 % figu¬ rant aux deux dernières colonnes du précédent tableau, basé uniquement sur les données du laboratoire. Comparés maintenant aux statistiques antérieures et notamment à celles de Drivon, ces taux ne traduisent apparemment aucune tendance de la parasitose à l’extension locale Si les évéremente en cours à l’époque ont pu en effet accroitre dans une certaine mesure les dangers d’infestation par suite de l’aug. mentation dans la région des éléments en provenance de l’étranger, ce risque e est trouvé par ailleurs compensé par une diminution notable de la consom¬ 1A PATIOIOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 46 mation en viande, et notamment en viande de bœuf, du fait des restrictions alimentaires. Il en est résulté, en définitive, une sorte d’équilibre provisoire qui a maintenu sensiblement la situation à son niveau d’avant-guerre. Passons maintenant aux infestations par les Protozoaires, beaucoup moil fréquentes dans l’ensemble que les Helminthiases. 6 — Amibe dysentérique et amibjase. Nous avons déjà dit à propos de la pathologie méridionale de la France que l’Amibiase, loin de se cantonner exclusivement aux pays chauds, pouvait se manifester également dans les régions tempérées, y donnant lieu en parti¬ culier à des complications suppurées du foie dont l’origine autochtone ne sau¬ rait être mise en doute. La seule réserve à apporter à cette notion est que, sous nos cimats, la grande dysenterie aigué elassique ne s’observe plus guère et cède la place à des colopathies chroniques d’emblée, d’allure torpide, dont la véritable nature risque encore trop souvent de demeurer méconnue. Semblablement, du point de vue parasitologique, ce ne sont plus aux formes végétatives du parasite que l’on aura ordinairement affaire, mais à ses formes enkystées, qu’il s’agisse de l’Entamœba dysenteriae typique ou de sa variante, l’Entamœba dispar, décrite par E. Brumpt en 1925. On sait que c’est à la faveur des énormes brassages de population qui ont accompagné et suivi chacune des deux grandes guerres mondiales que l’Ami¬ biase à pu se répandre en Furope, atteignant des régions où elle était restée jusqu’alors inconnue. L’agglomération lvonnaise n’a pas échappé à cet envahis¬ sement : très rare avant la campagne de 1914-1018, la Parasitose s’y est en effet définitivement installée sitôt après la fin des hostilités. C'est ainsi qu’entre 1920 et 1924 Carin et Lpine signalaient déjà en avoir observé 208 cas à Lyon même, cependant que quelques années plus tard, en 1928. Morénas pouvait fixer à 4,35 % le taux moyen des porteurs de Kystes existant dans la ville. En réalité, cette vague initiale devait bientêt s’apaiser ainsi qu’en témoigne la statistique de Roman arrêtée en 1937, statistique où il n’est plus question que de 2,3 %% de contaminations au total, fait qui est manifestement en rapport avec la détente générale et le ralentissement des échanges humains entre continents. Malheureusement les événements de 1939 allaient bient̂t motiver de nouvelles inqujétudes. Celles-ci ne furent pas immédiates cependant, puisqu’un bilan dressé en 1940 par Cade et ses collaborateurs n’accusait encore qu’une proportion de 1.9 2 de sujets infestés parmi les malades hospitalisés au Centre de gastro-entérologie de la 14° Région militaire. Effectivement, on peut dire que l’aggravation ne date réellement que de la période 1941-1943 au cours de laquelle Garin et Roman parvinrent à déceler un pourcentage de selles positives de 7,3 chez les Français et de 14.1 chez les étrangers demeurant à Lyon. La situation devait dès lora se maintenir sensiblement stationnaire, conservant ainsi un niveau élevé qui n’avait jamais été atteint après l’autre guerre. Nous verrons plus loin les causes probables de cette poussée nouvelle qui, du reste, s’est manifestée un peu partout en France, et s’avère d’autant plus redoutable qu’elle est moins apparente, risquant sans cesse d’engendrer des complications aussi sévères qu’inopinées chez des individus ignorant tota¬ lement la Parasitose dont ils sont touchés. Parmi ces causes nous pouvons néanmoins signaler l’afflux après 1944 vers notre pays de nombreux contingents africains — et surtout nord-africains — les habitants. RÉGIONS DU CENIRE 47 ainsi que de coloniaux rapatriés sur la métropole du fait des circonstances. C’est en effet parmi ces éléments que se recrute la bonne moitié des cas d’Amibiase dépistés, le reste — soit tout de même une importante fraction concernant des sujets n’avant jamais quitté la région lvonnaise et par consé¬ quent victimes à priori de contaminations autochtones. Il convient toutefois de distinguer à ce propos les accidents qui sont véritablement nés sur place a partir de germes déjà adaptés au pays de ceux, plus fréquents sans doute, qui résultent d’une contaxion directe sur¬ venue au contact de malades hébergeant des souches d’origine exotique, pui¬ sées au loin dans des régions de haute endémicité. Souvent réunis malencon¬ treusement sous la même rubrique, ces deux ordres de faits sont à séparer nettement et seul le premier mérite le précédent qualificatif. C’est peut-être là une notion dont il n’est pas toujours suffisamment tenu compte dans l’éta¬ blissement des statistiques. En dehors d’Entamœeba dysenteriae, on rencontre encore dans la région lvonnaise d’autres variétés d’Amibes, telles Entamœba hartnanni et Endo¬ limax nana, toutes deux plutôt rares, et Entamœba coli au contraire très répandue, surtout depuis la guerre où son taux a passé de 8 % à près de 20 % parmi la population. L’absence de pouvoir pathogène de toutes ces formes parasitaires nous dispense d’insister plus longuement sur leurs particularités. 7. — Lambtias. Tantôt considérées comme dangereuses et tantôt comme inoffensives pour l’homme, les Lamblias sont des parasites qui se localisent électivement au car¬ refour duodénal, le gros intestin ne constituant pour eux qu’un lieu de passage destiné à l’évacuation des Kystes. A l’heure actuelle, la plupart des auteurs sont d’accord pour leur reconnaitre un rêle effectif dans la production de certaines réactions colitiques ou hépato-vésiculaires par ailleurs inexpliquées. Avant guerre ces flagellés étaient de constatation assez hanale à Lyon puisque Roman, au cours de ses prospections dans les hôpitaux, signalait en 1937 avoir décelé des Fystes dans 10,0 %% des selles examinées, chiffre absolu¬ ment comparable à celui de 10, 2 % déjà trouvé par Morénas dans les mêmes conditions. Contrairement toutefois à ce qui a été observé pour beaucoup d’autres parasites, ces taux se sont sensiblement abaissés depuis lors au point de n’atteindre que 8. 1 9% en 1940 d’après Cade et 6,5 9% en 1943 d’après Garin et Roman. Selon ces derniers cette évolution favorable serait attribuable à l’effi¬ cacité du traitement à l’atebrine-quinacrine utilisé dans l’intervalle chez de nombreux porteurs. Mais toutes ces enquêtes ne portent en réalité que sur les formes enkys¬ tées du parasite à l’exclusion des formes végétatives beaucoup plus diffici¬ lement accessibles Or, la pratique aujourd’hui vulgarisée du tubage duodénat permet désormais d’aller rechercher celles-ci au niveau de leur gite habituel. rendant du même coup possible le dépistage de multiples cas d’infestation qui¬ autrement, seraient passés inapercus. C’est ainsi que le pourcentage de 6,5 indiqué par Carin et Roman et rapporté ci-dessus, se transforme en 11.8 des que l’on tient compte des résultats obtenus grâce à ce mode d’investi¬ gation. Pour notre part, nous avons le souvenir, étant Assistant à l’hôpital Desgenettes à Lyon entre 1931 et 1936, d’avoir très souvent décelé par tubage des Parasitoses ignorées et sommes convaincus de la grande fréquence de la Lambliase dans la ville, non seulement chez les étrangers, mais encore pa LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE 48 8. — Chilomastix mesnili. Il s’agit là d’un autre flagellé au pouvoir pathogène assez douteux, accusé parfois cependant de provoquer des troubles diarrhéiques tenaces. En ce qui concerne sa fréquence, signalons que Morénas a publié en 1928 sept cas d’infestation et Roman, de 1932 à 1939, six autres cas. Depuis cette date les observations semblent s’être multipliées. Roman avant pu en recueillir jusqu’à 22 entre 1940 et 1943, dont 19 parmi des Français. En somme, affection plutôt rare dans la région lvonnaise, néanmoins en voie d’accroissement depuis quelques années et apparemment plus répandue chez nos compatriotes que chez les étrangers. Que pouvons-nous maintenant conclure de l’ensemble de cet exposé sur l’évolution du Parasitisme intestinal à Lyon au cours de ces vingt-cina der¬ nières années et plus particulièrement depuis les événements de 19302 Pour ce qui a trait tout d’abord aux Helminthiases, on a de nos jours l’impression d’assister avant tout à une vaste ofensive de la Trichocéphalose, laquelle se rencontre désormais chez près du tiers de la population urbaine. L’Ozvurose est également très répandue puisqu’elle atteint, de son côté. plus de la moitié des enfants. En fait la progression récente de cette Para¬ sitose semble plus apparente que réelle et résulte probablement pour une bonne part des perfectionnements qui ont été apportés à la technique des recherches. L’Ascaridiose parait manifester son augravation moins par la multipli¬ cation de ses casz que par l’importance des infestations que parfois elle détermine. Le Tenivsis garde sa tréquence habituelle. Quant à l’Ankylostomose, elle demeure une affection rare, d’origine essen¬ tiellement exotique, la proximité du fover stéphanois n’avant que fort peu de retentissement sur la ville. Si on envisage ensuite la catégorie des Protozoaires, on constate surtout les progrès réalises depuis 1941 par l’Amibiase, non seulement chez les sujets venus de l’extérieur, mais encore parmi les Lyonnais de pure souche chez qui les cas de contamination autochtone semblent s’être sensiblement accrus. Parallèlement, on note une augmentation du nombre des porteurs de Chi¬ lomastix qui parait s’être décuplé devuis une dizaine d’années. Par contre, la Lambliase marque un temps d’arrêt, sans qu’il faille pour autant la considérer comme une affection rare. Muni de ces divers renseignements, il est sans douue intéressant de compa¬ rer la situation actuelle à Lyon et dans les autres grands centres de la métro¬ pole. A vrai dire, cette controntation n’est guère possible que pour la période d’avant-guerre, à condition encore de se baser exclusivement sur les résultats fournis par les examens coprologiques. Sans vouloir entrer dans le détail des chiffres, très variables d’ailleurs suivant les auteurs, il est à notre avis un fait qu’il importe avant tout de mettre en lumière, c’est la diminution progressive des atteintes parasitaires a mesure que l’on s’achemuine du sud ou nord, c’est¬ a-dire des départements du Midi vers la région parisienne. Ainsi Lyon parait à cet égard tenir le milieu entre Marseille et Montpellier d’une part, Paris de l’autre, aussi bien pour l’Ascaridiose et la Trichocéphalose que pour l’Amibiese. Quant aux facteurs qui sont intervenus pour déterminer ce nouvel état de choses, nous les avons déjà en partie évoqués en dénoncant l’accroissement REGIONS DU CENTRE 49 des apports exotiques liés aux mouvements incessants de troupes et aux dépla¬ de l’épandage). DE SAINT-ÉTIENNE. cements des populations. A cela il faut ajouter les conditions qujourd’hui déplorables de l’hygiène alimentaire entrainant un régime exagérément riche en hydrocarbonés et l’absorption de plus en plus fréquonte de crudités trop souvent souillées par des déjections humaines (généralisation de la pratique B. — L’ANKYLOSTOMOSE DES MINEURS DANS LE BASSIN HOUILLER On sait que l’Ankylostomose est une parasitose sévère qui sévit en même temps dans les pays tropicaux et dans lès bassins houillers de nos régions tempérées. Cette distribution s’explique par la nécessité pour le Trématode de vivre à la fois dans la chaleur et l’humidité : à cet égard, les galeries de mines constituent pour lui un milieu de choix lui permettant d’évoluer à partir de l’œuf en larve rhabditoide d’abord, en larve strongyloide ensuite. celle-ci représentant la seule forme infestante du cycle. C’est sous cet aspect en effet que le ver pénêtre dans l’organisme humain, rarement par voie buccale (Garin), beaucoup plus souvent par voie transcutanée, gagnant alors la petite circulation, puis l’osophage, avant d’arriver au duodénum où il atteindra son stade adulte. Après fécondation dans la lumière intestinale. la femelle expulse une quantité souvent considérable d’œufs, qui, s’éliminant par les selles, serviront de point de départ à des contaminations nouvelles. Le haut degré d’infestation du bassin houiller de Saint-Etienne est actuel¬ lement un fait bien connu, depuis surtout les intéressants travaux publiés par l’Ecole lvonnaise Vers 1930 la situation était même devenue assez critique pour justifier des mesures prophylactiques urgentes. C’est à Garin que revient le mérite d’avoir mis sur bied tout un système de protection dont les effets ne devaient pas tarder à se manifester. Malheureusement la guerre est venue interrompre trop 1êt l’œuvre entreprise, entrainant une recrudescence de mor¬ bidité due surtout à la persistance de nombreux porteurs de germes. Du point de vue clinique, l’Antvlostomose se traduit essentiellement par un syndrome anémique attribué par certains auteurs à une action toxique du ver, pour d’autres alx spoliations sanguines répétées subies par l’ĥte. A ce propos, nous rappellerons que le parasite se fixe à la muqueuse duodénale par l’intermédiaire d’une capsule buccale munie de puissants crochets et de dents acérées. Le sanz qui s’écoule des plaies ainsi "produites est ausitêt rendu incoagulable par la présence d’une sécrétion analogue à l’hirudine, laquelle provient des glandes céphaliques. De toute façon l’iatensité du tablequ, clinique paroit être en relation étroite quec l’importance de l’infestation. Ceci a permis au professeur Carin de classer les individus parasités en trois catégories principales : le Les grands maladles alités. — Ce sont avant tout de grands anémiques accusant, outre une pâleur marquée des téguments et des muqueuses, de la dys¬ pnée, des palpitations des souffles cardiaques anorcaniqués et des œdèmes fugaces. A ces symptômes s’ajoutent ordinairement des troubles digestifs et une asthénie profonde. Hematologiquement, on constate une hypoglobulie du type hypochrome aueignant et dépassant même 3 millions. Devant de telles manifestations on serait évidemment tenté de penser à un processus biermé¬ rien ou à un cancer si la notion de profession n’amenait automatiquement à pratiquer un examen des selles. Celuti-ci fournit immédiatement la cle du diagnostic en permettant de découvrir plus de 200 et jusqu’à 3 000 œeufs par Préparation de 2 x 2 après enrichissement. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 30 2° Les amoindris. — Chez eux, les signes cliniques sont beaucoup moins accentués. Ils se bornent à une légère décoloration des muqueuses, avec par¬ fois un peu d’asthénie, de tachycardie et d’amaigrissement, suffisants toute¬ fois pour entrainer un fléchissement appréciable dans le rendement. Le nombre des hématies avoisine 4 millions et le taux de l’hémoglobine 60 à 70 %¬ Dans les selles on compte encore de 50 à 200 œufs par préparation. 3° Les porteurs sains. — Comme leur nom l’indique, ce ne sont plus des malades. Ils ne se plaignent en effet d’aucun trouble et présentent une héma¬ tologie normale. Seule l’existence dans les fèces de 1 3 50 œufs atteste la Nous venons de dire que le bassin houiller stéphanois constituait pour l’Ankylostomose un véritable foyer d’élection. Nous pouvons ajou¬ ter que dans ce domaine il s’est révélé comme infiniment plus touché que celui du Nord, s’il est vrai que celui-ci comporte encore des atteintes (1). Essavons maintenant de préciser par quelques chiffres le degré exact d’intensité de cette endémie minière. La tâche sur ce point se trouve grandement facilitée par toute la série des enquêtes successivement menées entre 1927 et 1937 par Garin et ses cola¬ borateurs comme prélude la mise en application de leurs mesures d’assai¬ nissement. Afin de pouvoir juger plus sainement de la situation alors exis¬ tante, ces auteurs ont procédé en effet à l’examen systématique des selles de tous les ouvriers du fond emplovés par les diverses compagnies. En décembre 1936 ils étaient ainsi parvenus à réunir plus de 2 000 dossiers tota¬ lisant plus de 25 000 analyses. Voici quels ont été dans l’ensemble les résul¬ tats de cette vaste prospection initiale. MINES DE LA COMPAGNIE DE MONTRAMBERT (1927-1928) Mines de Montrambert même : sur 1 241 ouvriers examinés, on trouve 893 porteurs de parasites (soit 72 2%) se décomposant ainsi : 689 por¬ teurs sains, 173 amoindris et 31 grands malades; Mines de Chambon et de la Béraudière : sur 1 0%6 sujets examinés, on en compte 243 de contaminés (soit 22,5 %), tous d’ailleurs simples porteurs. MINES DE LA COMPAGNIE DE ROCHE-LA-MOLTERE ET FIRMINY (1930) Le degré de l’infestation est ici très variable suivant les puits explo¬ rés : très fort par exemple à Cambefort et au Ban, il l’est beaucoup moins à Sagnat et à Dolomieu; Dans l’ensemble cependant, il atteint un pourcentage global de 19,8 % (1) Grâce aux perfectionnements récemment apportés aux techniques d’exploitation (assèchement, ventilation et rafraichisseinent continus des galeries), grâce sans doute aussi à un meilleur pH du milieu, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais semble « priort moins exposé à l’envahissement par l’Ankylostome que celui de Saint-Etiennc. Néanmoins en dépit de toutes les précautions prises, une menace sérieuse a plané au cours de ces dernières années, sur le groupement de Lens en particulier, où se sont produits des incidents sur lesqucls nous aurons l’ocasion de revenir (voir pathologie miniere du parasitose et commande un traitement anthelminthique énergique destiné à éviter la dissémination des germes. dont 1/3 de gros porteurs. Nord) REGIONS DU CENTRE 31 COMPAGNIE DES MINES DE LA LOIRE ET DES HOUILLERES DE SAINT-ETIENNE (1936) La même inégalité s’observe entre les taux des mineurs emplovés aux divers forages de la Loire. C’est le puits Montmartre qui parait le plus touché avec une proportion de 65 %% de contaminations. Le pourcentage moyen pour la totalité du secteur est de 40 % se répartissant en : 34 2% de simples porteurs, 5 %% d’amoindris et 1 % de grands malades; Dans les houillères de Saint-Etienne, l’ensemble des puits Mars Saint¬ Louis et Villiers comporte 20 % d’atteintes dont 1 2% sévères, avec un maximum pour le premier de ces forages. Bien que déjà très édifiante, cette documentation eut été en réalité fort incomplête si elle s’était strictement localisée aux seuls travailleurs du fond. négligeant la masse mouvante des ouvriers rencontrés dans les services d’em¬ banche. Provenant de tout le bassin houiller, ces sujets ne manquent pas de colporter assidument au cours de leurs périgrinations les parasites dont ils sont les porteurs plus ou moins ignorés. Il importait donc au plus haut point de les passer à leur tour au crible, afin de barrer la route à ceux d’entre eux dont l’admision dans une fosse nouvelle risquait d’introduire un danger supplémentaire. Les faits allaient bientêt confirmer l’utilité de cette autre série d’inves¬ tigations. A Montrambert, dès 1929, 29 % des candidatures durent ainsi être rejetées; et il en fut de même pour 11.2 % à Roche-la-Molière en 1930-1931. lors des premières prospections. Telle était donc la situanion q’il fallait à tout prix redresser, Mais il était au préalable indispensable de s’entendre sur le choix de la méthode à adopter. Or. l’expérience avait déjà prouvé l’inefficacité des anciens procédés visant notamment à la désinfection par les agents chimiques des galeries sou¬ terraines. C’est alors que Garin suggéra d’attaquer le ver, non plus au sol. mais dans l’organisme lui-même, en soumettant indistinctement tous les por¬ teurs, malades ou mon, 3 un traitement étroitement surveillé, mais très actif a base de tétrachloréthylène ou de formol, Par la suite, des examens pério¬ diques de tout le personnel devaient permettre le contrôle minutieux des effets obtenus grâce à cette thérapeutique à la fois peu onéreuse et simple. En fait, les réshltats enregistrés s’avérèrent bientôt des plus encourageants, et on vit en quelques années la morbidité vermineuse s’abaisser dans des pro¬ portions notables ainsi qu’on peut s’en rendre compte par les quelques exem¬ ples que nous reproduisons ci-dessous : A Montramhert, après un an de traitement (1929), sur un lot de 336 por¬ teurs de toutes catégories, on comptait : les améliorations s’étant surtout manifestées parmi les gros porteurs. Après un an de traitement également, on voit le pourcentage des por¬ teurs tomber à Roche-la-Molière - Firminy de 19,8 à 11 %. Après deux ans. il pase semblablement de 40 à 16 % dans les mines de la Loire, de 29 à 14,5 % aux houillères de Saint-Etienne. Les progrès ce constatenr d’ailleurs non seulement dans les puits, mais encore dans les services d’embauche où les mêmes mesures sont alors en vigueur : c’est ainsi qu’entre 1927 et 1938 le nombre des porteurs d’œufs d’Apkylostome dans les mines de la Loire descendit de 29 à 3 %. multiples ne devaient pas tarder à rendre impossible la continuation de l’œeuvre commencée. Dès lors, l’état endémique n’a pas cessé de s’accroitre dans la région, aggravé encore par les fréquents déplacements du personnel. Toute¬ fois, le malaise ainsi recréé n’a été que passager, la reprise du programme de lutte avant été immédiatement inscrite à l’ordre du jour dès que les cir¬ constences la rendirent possible. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 32 La stérilisation des mines du bassin de Saint-Etienne était par conséquent en bonne voie de réalisation lorsque survint la guerre de 1939,1940. Mais la défaite, l’occupation, puis les dificultés économiques aux incidénces C. — DE QUELQUES AUTRES MAMIFESTATIONS PARASITAIRES LOCALES. Sous cette rubrique, nous euvisagerops denx parasitoses spéciales a Pla¬ thelminthes : la Botriocéphalose d’une part, due à un Cestode, et la Disto¬ matose hépatique d’autre part, due à un Trématode. La Botriocéphalose, maladie essentiellement lacustre, doit cete particula¬ rité à la qualité des hôtes intermédiaires de son parasite causal. On sait en effet que ce ver rubanné vit à l’état adulte dans l’intestin de l’homme et de quelques carnivores. Les œeufs pondus dans le tractus digestif éclatent en milieu aquatique : l’embrvon pénêtre alors chez un petit crustacé du genre Cyclops où il prend la première forme larvaire ou procercoide . Le crustacé étant ensuite absorbé par un poisson (truite, lotte, brochet, etc.), le procercoide est mis en liberté et va se loger dans les muscles de ce vertébré, réalisant la deuxième forme larvaire ou « plérocerçoide ». C’est en ingérant ce poisson insuifisamment, cuit que l’homme, à son tour, se contamine, le plérocerçoide se transformant dans son organisme en ver adulte. En France, quelques cas de cette parasitose sont chaque année signalés aux abords du lac du Bourget où ils donnent naissance à des accidents assez analogues à ceux du Tanijasis. Dans les infestations massives et chez certains débilités, on peut observer parfois l’apparition d’une qnémie pernicieuse. Le diagnestic ne se fait pas comme pour le Tania : les anneaux murs du Botriocéphale expulsent leurs œufs dans l’intestin même par un orifice de ponte, puis se flétrissent. C’est donc l’examen microscopique seul qui permet de déceler les œufs en question, lesquels mesurent 60750 u en moyenne et sont munis d’un opercule à un de leurs pôles. La Distomatose hépatique est une affection très répandue dans nos climats chez le mouton, le bœuf et d’autres herbivores, mais plutôt rare chez l’homme. Elle est due à la grande douve du foie (fasciola hepatica), trématode long de 2 à 3 cm, aplati et foliacé, muni de deux ventouses, l’une céphalique et l’autre ventrale. Cette douve vit essentiellement dans les canaux billiaires de son hôte et s’y nourrit de sang. Elle pond des œufs ovoides, brunâtres et oper¬ culés qui sont éliminés par l’intestin avec les excréments, puis évoluent chez de petits mollusques d’eau douce, les timnées. Parvenue au stade cerçaire. la larve s’enkyste dans l’eau ou sur une plante aquatique. La contamination humaine se produit en ingérant du foie douvé d’herbivore ou encore des méta¬ cerçaires enkystées soit avec l’eau de boisson, soit avec des aliments végétaux (pissenlit et cresson surtout). Cliniquement, le processus se traduit par une température élevée d’allure oscillante, par une hépatomégalie douloureuse et par des épanchements très caractéristiques des séreuses (plèvre et péritoine) attribués à l’irritation pro¬ Voquée par le passage des cerçaires absorbées. Le diagnostic reposera de toute en zone d’élevage. RÉGIONS DU CENTBE 63 façon sur la constatation d’une éosinophilie importante et, plus encore, sur la découverte de la fasciola hepatica causale lors d’un examen parasitologique des selles ou de la bile. C’est également en Savoie et dans la région lyonnaise qu’ont été publiés les plus nombreux cas français de Distomatose hépatique, notamment par Garin, Meersseman, Morenas, Bouysset et tout récemment Sédallian dans la région de Villié-Morgon, puis Blanchard et ses collaborateurs Simul¬ tanément un autre foyer de la maladie a été signalé par Bernard-Griffiths et Vaurs dans le Puy-de-Dôme (1). Tous ces auteurs insistent sur le rôle que jouent les cressonnières infestées dans la transmission du mal et sur la fré¬ quence des petites épidémies familiales localisées. Ce sont la, en fait, des notions que les épidémiologistes doivent parfaitement connaitre, aussi bien du point de vue de la détection de la parasitose que de sa prophylaxie. BIBRLIOCRAPHIE 1. — LE PARASITISME COSMOPOLITE DANS LA RÉGION LIONNAISE : (1) Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que le Docteur Depaillat, de Tulle, vient d’annoncer à la Société médicale des hopitaux de Paris (séance du 15 no¬ vembre 1937) l'’existence en milieu rural corrézien d’une assez forte morbidite disto¬ mienne correspondant, sans doute au développement récent d’un foyer déjà ancien 4 cette occaslon, l’auteur insiste sur l’opportunite de pratiquer systématiquemen doants daulu tamuts sarctns n pctetuce de toute mptonatoluie flotre ncel 84 LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE mars 1932, pp. 24-34. 7. GAHIX (Ch.), ROUSSET et GONTHIEI. L’Ankylostomosc, 1 vol. Masson édit, Paris, 1932 8. MATuY (P.), Prophylaxie actuelle de l’Aukylostomose dans le bassin houiller de Saint-Etiennc. T’hèse. Lyon, 1938, Bosc et Riou édit. 9. NOHMIANN, De l’Anémnie des juineurs. Loire Méd, 2 déc, 1936, p. 97. 3. — LA DISTOMATOSE HÉPATIQUE DE LA SAVOIE ET DU PLATEAU CENTRAL: 1. BERNARD-GRIFEITTHS. VAURS, PERHOT, HAZEN. Epidémie de Distomatose hépatique humaine. Rey, méd. de France, janv. 1943, pp. 26-42. 2. BEINHEIX, ROMAN (E.). MQUHIQUAND (Cl.) et LARBHE (F.). A propos de deux cas infan¬ tiles de Distomatosc. Soc, méd. hôp. Lyon, 7 mai 1956. 3. BLASCHARD (H.). COUDERT (J.) et BUFFAnD. Distomatose à fasciota hepatica traitée par la glucantéine. Soc, méd. hop. Lyon, 4 avril 1949. 4. BOUYSSET, JOINAUX et PHILIPTE, Epidémie familiale de Distomatose à «fasciola hepa¬ tica ». Lyon méd., n° 43, 24 oct, 1942, pp. 417-422, puis Lyon méd., 24 déc. 1943. 5. DEPALLAT (A.), A propos d’une vingtaine de cas récents de Distomatose humaine en Corrèzc. Soc, méd, hop, Paris, 15 noy, 1957. 6. GARIX (Ch.). La Distomatose hépatique à « fasciola hepatica ». Lyon méd, n° 38. 17 sept, 1939, pp. 317-322. 7. GALUIN (Ch.). ROMAN et BEHAUD. Encore un nouvcau cas de Distomatose des voies biliaires à fasciola hepatica. Lyon méd, ne 37, 2 déc. 1940, pp. 577-580. 300. 9. MonéNAS (L.). Distomatose hépatique (fasciola hepatica) à formne latente. Lyon méd. n° 42, 17 oct, 1943, pp. 400-402. 10. MOUESAS (L.). Epidémiologie et prophylaxie de la Distomatose. Lyon méd., 19 noy. 1944, p. 421. 1. SEDALIAN (P.), LPERRIN (R.). Epidémie familiale de Distomatose : .EE NILI CC « fasciola hcbatica ». Soc, méd. hop, Paris, 11 mars 1949. 12. TAUEELIER. Distomatose à fasciola hepatica chez l’homme et chez l’animal. Thèse, Lyon, 1916. 13. VANDESAREELE. Distomatose à tasciola hepatica chez l’homme. Thèse. Lyon, 1938-1939. 14. VAURS et B.-Gutrrrus. Sur la Distomatose hépatique humaine. Rey, de méd. vétér. t. 46, jtillet-aout 1943, pp. 167-174. Y — LES PMEUMOCOMIOSES DANS LE MASSIE CENTRAL Bien qu’appartenant surtout à la médecine professionnelle, les Pneumo¬ conioses méritent néanmoins de figurer dans un travail de pathologie régio¬ nale, leur fréquence étant très grande en milieu minier où elles occasionnent. qujourd’hui encore, une importante morbidité. Avant d’envisager les inci¬ dences qu’elles présentent dans le bassin houiller de Saint-Etienne, nous allons rappeler en quelques mots les principaux signes radio-cliniques qui les caractérisent en même temps que les différents problèmes d’ordre nosogra¬ phique que leur existence soulève. Au début de ce siècle, quatre sortes de poussières étaient considérées comme nocives pour les poumons humains : c’étaient les poussières de char¬ bon, de silice, d’ardoise et de fer, et l’on désignait communément sous les noms d’anthraçose, silicose, schistose et sidérose les affections qu’elles étaient réputées déterminer. tions individuelles pouvant s’observer. C’est ainsi notamment que l’on ren¬ NÉGIONS DU CENTR 35 Depuis lors, celte conception a été assez fortement remaniée, Tout d’abord, l’anthraçose a été entièrement ravée du cadre de la nosologie, à la suite surtout des travaux de Claisse et de Josué qui ont réussi à démontrer que le processus en cause n’avait rien de pathologique étant dù tout simple¬ ment à un tatouage parfaitement inoffensit des parois broncho-alvéolaires. Pour les modernes, en effet, c’est à la silice seule contenue dans les poussières charbonneuses qu’il convient d’attribuer la fibrose des mineurs, l’anthracose devenant ainsi une forme spéciale de la silicose. Semblablement on admet de nos jours que les dépôts sidérosiques des poumons ne peuvent devenir patho¬ gènes que dans la mesure même où une importante quantité de silice se trouve mélangée à la poussière de fer. Quant à la schistose, elle ne serait également qu’une varieté particulière de silicose et plus exactement une silicatose. En définitive, comme l’écrit Dervillée, « dans le groupe si vaste des Pneu¬ moconjoses on est arrivé, par un travail essentiellement analytique, à réserver une place prépondérante, sinon exclusive, à la silicose, l’agent générateur de la sclérose pulmonaire paraissant être, dans la grande majorité des cas. le bioxyde de silice Si0° ». La silicose peut s’observer en principe chez tous les sujets exposés d’une manière quelconque aux poussières de pierre. Une série de circonstances tou¬ tefois peut arriver à modifier notablement l’imminence du danger. Ce sont : En premier lieu, la spécialisation de l'’ouvrier. C’est ainsi que la maladie atteint, outre les mineurs qui constituent évidemment la masse principale des victimes, les porcelainiers, les faienciers, les ardoisiers, les polisseurs de verre, les travailleurs de l’amiante, etc., épargnant par contre assez curieu¬ sement les plâtriers et les cimentiers chez qui elle ne détermine tout au plus qu’une irritation superficielle des voies respiratoires. Parmi les mineurs, du reste, il faut distinguer plusieurs catécories d’indi¬ vidus. On sait, en effet, que dans les mines de houille les veines de charbon sont séparées les unes des autres par des bancs de roche qu’il faut faire sauter à la dynamite après les avoir perforés au marteau piqueur. Le charbon lui-même ne contenant guère de silice, on concoit que les sujets emplovés exclusivement à son « ahaftage » encourent infiniment moins de risques que les bouoetteurs qui, eux, doivent s’attaquer directement au rocher et vivent ainsi dans une atmosphère continuellement saturée de particules nocives, cel¬ les-ci gagnant les alvéoles avec une facilité d’autant plus grande qu’elles sont plus ténues (moins de 10 microns d’après les estimations habituelles). On voit ainsi que la concentration en poussières de l’air intervient tout autant que la teneur en silice de la roche entamée. La première varie beaucoup suivant les moments considérés — étant au maximum, par exemple, après les coups de mine ou lorsque le dispositif humidifiant des perforateurs est dérange — et suivant aussi le degré de perfectionnement des appareils d’aération mieux concus notamment dans les" galeries du Nord que dans celles du bas sin stéphanois. Quant à la seconde, elle est avant tout fonction de la compo¬ sition géologique du sous-sol, les grès du Nord en particulier ne renfermant guère plus de 20 pour 100 de silice, alors que ceux du CGard en contiennent 90 2% et même davantage. Mais toutes ces considérations ne concernent en réalité que le seul agent vulnérant. Or, l’expérience prouve que, dans le genèse des accidents, une place très large doit être également réservée au facteur « terrain », autrement dit aux réactions propres chaque organisme. Si l’on admet ordinairement que c’est en moyenne après une dizaine d’années de travail au rocher que l’on voit apparaitre les premiers stigmates radiologiques du mal, il s’en faut de beaucoup que ce soit là une règle intangible, les plus grandes varia LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 30 contre très souvent vivant côte à côte des sujets avant séjourné impunément durant des années dans des exploitations pourtant classées parmi les plus insalubres et d’autres accusant déjà des lesions avancées après quelques mois seulement de séjour à la mine. Faut-il faire intervenir à l’origine de ces dif férences des phénomènes de méjopragie locale? Faut-il au contraire invoquer les atteintes organiques antérieures, voire même les tares héréditaires2 Ce sont là autant de questions qui, jusqu’à présent, n’ont encore recu aucune réponse satisfaisante. Du point de vue clinique, l’évolution des Pneumoçonioses passe classique¬ ment par plusieurs stades que l’on peut schématiser comme suit : l° Une phase de latence absolue au cours de laquelle l’ouvrier n’accuse aucun trouble fonctionnel en dehors peut-être de quelques quintes de toux d’ailleurs espacées. L’auscultation reste de même absolument négative à cette période, et c’est tout au plus si la radiologie révèle une trame périhilaire quelque peu densifiée, constatation essentiellement banale et sans aucune signi¬ fication séméjologique particulière. 2° Une phase initiale radiologique, tout aussi muette que la précédente en ce qui concerne l’état fonctionnel, les signes stéthacoustiques et la radios¬ copie, mais se précisant par contre nettement à la radiographie qui montre la superposition aux arborisations épaissies déjà indiquéès de la trame d’un semis de micronodules, tout d’abord clairsêmé et uniquement localise aux hiles, plus tard abondant et s’étendant vers les bases, constituant suivant les cas les images dites en ailes de papillon, en grains de plomb ou en tentpête de neige. Signalons qué c’est durant ces deux étapes liminaires que certaines épreuves récemment proposées telles que la spirométrie, le caleul du temps d’apnée volontaire ou les différents tests aux aérosols broncho-dilatateurs trouvent leur maximum d’indication en permettant respectivement de dépis ter une insuffisance respiratoire naissante, une défaillance cardiaque au début ou un spasme bronchique annonciateur de la dyspnée prochaine. 3° Une phase de tolérance relative ensuite. Bien qu’encore modérés, les troubles fonctionnels se sont ici franchement précisés. C’est ainsi que la dyspnée d’effort à laguelle nous venons de faire allusion s’est définitivement installée, manifeste surtout le soir au retour du travail. Bient̂t même elle deviendra le maitre-symptôme sans néanmoins obliger le mineur à interrompre son activité. Les signes stéthoscopiques sont alors ceux d’une sclérose pul¬ monaire avec emphysème compliquéé d’épisodes congestifs intermittents de courte durée. L’état général se maintient pendant lonxtemps assez satisfai¬ sant encore que parfois un certain amaigrissement commence déjà à se des¬ siner. Contrastant avec ces données, somme toute peu alarmantes, la radio¬ graphie accuse d’importantes modifications de l’aspect pulmonaire du fait de l’apparition, sur le fond ancien de sclérose rétractile, de nodules nouveaux de plus en plus denses et de plus en plus confluents. Ceux-ci pourront même se souder en de véritables blocs intraparenchymateux, volumineux, opaques et nettement circonscrits, réalisant les fameuses images pseudo-tumtorales partout décrites dans les ouvrages classiques et dont nous avons eu person¬ nellement l’occasion d’observer un certain nombre d’exemples. 4° La phase terminale enfin, durant laquelle le malade, à la fois cachec¬ tique, dyspnéique et cvanosé, offre tantôt le tableau du tuberculeux cavitaire avancé, tantot celui de l’asystolique parvenu au stade ultime de son affection¬ BEGIONS DU CENTRE 57 Reste à envisager le diagnostic. Dans les formes macronodulaires ou pseu¬ do-tumorales, il se posera essentiellement avec les néoplasies malignes et avec la maladie de Hodgkin à forme médiastinale. Quant aux formes mieronodu laires, de beaucoup les plus répandues, si l’on met à part la syphilis miliaire la carcinose miliaire et le syndrome de Besnier-Bœck dont on ne manquera pas de rechercher les manifestations ganglionnaires et cutanées, c’est avant tout à la Tuberculose qu’elles feront songer et plus spécialement à cette variêté de granulie que Savé et Burnand ont isolée sous le nom de granulid froide. En l’occurrence, on penchera plus volontiers vers l’hypothèse de sili¬ cose quand l’état général demeurera longtemps conservé sans fièvre ni amai¬ grissement prononcé, quand le cœur droit se montrera dilaté comme dans toute affection pulmonaire chronique, et quand les micronodules apparaitront bien opaques, fermement dessinés, peu évolutifs et concentrés surtout à la partie moyenne des deux champs. On tiendra également le plus grand compte des anamnestiques : durée du séjour à la mine, caractéristiques du terrain exploité, antécédents héréditaires et personnels, contacts divers tant fami¬ liaux que brofessionnels, etc. Enfin, on ne manquera pas de faire appel aux ressources du laboratoire en demandant par exemple une tuberculino-réaction une sédimentation globulaire et surtout une bacilloscopie des crachats com¬ plétée au besoin par une inoculation au cobave. En principe, tous ces moyens de différenciation devraient normalement aboutir à une séparation franche entre deux processus qu’à priori rien ne semble devoir rattacher l’un à l’autre. En réalité, il en va tout autrement dans la pratique en raison, sans doute, d’une part de l’existence de nom¬ breuses tuberculoses torpides longtemps muettes du point de vue bactériolo¬ gique, d’autre part et avant tout de la possibilité d’associations morbides silico¬ tuberculeuses, véritables entités nouvelles dont on discute encore à perte de vue et l’ordre de fréquence et le mécanisme de production. Disons d’ailleurs tout de suite que ces discusions, dont il est aisé de mesurer les conséquences. ne serait-ce que dans le domaine de la prophylaxie, dominent à l’heure actuelle tout le problème des Pneumoçonioses, suscitant souvent dans la presse médi¬ cale comme dans les Congrès des polémiques ardentes. En ce qui concerne en premier lieu le facteur « fréquence », l’accord parait pourtant sur le point de se réaliser. Si quelques auteurs admettent encore, à la suite notamment d’enquêtes effectuées dans certaines fosses du Nord, que le mineur n’est guère plus exposé aux agressions tuberculeuses que n’importe quel autre ouvrier et même que l’ensemble de la population locale. la grande majorité estime au contraire qu’il paie à la maladie un tribut anormalement élevé. C’est ainsi, par exemple, que des prospections récente ont révélé des atteintes bacillaires dument caractérisées chez II % des bowet¬ teurs de la Ruhr, de même que chez 30 à 40 % des travailleurs emplovés dans les mines de Bochum. C’est au sujet de la seconde question que les controverses les plus pas¬ sionnées continuent à se dérouler On sait qh’elles ont trait a l’origine mémd des hybrides silico-tuberculeux et à la filiation dans le temps de leurs deux éléments constitutifs. Maintenant encore, elles opposent souvent quelques phti¬ siologues et quelques anatomo-pathologistes à la plupart des médecins des centres miniers. Pour les premtiers (Rist, Policard. Doubrow..), la silicose pure serait un mythe, les poussières de silice marquant les poumons d’un tatouage tout aussi inoffensif que les empreintes de l'anthracose Selon eux, le nodule sili cotique ne serail autre chose qu’un nodule tuberculeux incrusté de silice une lésion de granulie froide avant atiré puis fixé les particules minérale inhalées. Des lors, quand un ouvrier mineur présente des symptômes cliniques en plus des images Fadiologiques créées par les poussières, c’est qu’il est non A LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 383 seulement silicotique mais encore tuberculeux ou, plus exactement, qu’une lésion tuberculeuse préexistante permet à son poumon de se laisser envahir par une fibrose qui jamais ne serait apparue s’il n’avait été au préalable touché par le bacille de Koch. Pour les seconds, par contre, la silicose représenterait un processus par¬ faitement autonome et hautement individualisé, avant son étiologie probre. son allure anatomo-clinique spéciale, ses images radiologiques originales. Que dans certains cas les lésions qu’elle détermine puissent créer un point d’appel pour l’infection bacillaire, ils ne songent guère à le nier, mais à condition alors de considérer cette dernière, non plus comme un facteur primitif et nécessaire, mais seulement comme un phénomène secondaire et absolument contingent. A notre avis, le problème n’est pas aussi compliqué qu’il parait l’être si l’on en juge par ces théories opposées. La Silicose étant très fréquente dans les mines comme la Tuberculose l’est en tout lieu, il n’est en rien sur¬ prenant que ces deux affections, agressives pour le même parenchyme. arrivent à coincider chez un certain nombre de sujets, associant alors leurs effets et modifiant leurs évolutions réciproques, la Tuberculose notamment reti¬ rant de son assoziation avec les Pneumoçonioses une tendance manifeste à la transformation fibreuse. C’est d’ailleurs à peu près à la même conclusion qu’aboutissait déjà Desoille quand il écrivait : « Nous crovons que l’on peut actuellement affirmer qu’il existe chez les travailleurs de la silice une affection spéciale se traduisant par de la dyspnée, des nodules pulmonaires fibreux, don¬ nant à la radiographie des images micro ou macronodulaires non pathognomo¬ niques, mais de réelle valeur symptomatique. Souvent, mais non constamment. on trouve une Tuberculose associée. Les statistiques montrent que cette Tuber¬ culose ne peut être considérée comme seule en cause : ou bien elle est une complication de la silicose, ou bien l’affection spéciale aux travailleurs de la silice ne se développe que sous l’influence conjuguée de la silice et de la tuberculose » (Encyclopédie médico-chirurgicale, 1937). Quoi qu’il en soit, plusieurs déductions pratiques importantes peuvent être tirées des faits que nous venons d’exposer. Elles sont d’ordre essentielle¬ ment prophylactique, justifiant tout un ensemble de mesures que l’on peut schématiser comme suit : 1) Dépistage systématique et minutieux à la fois de la Silicose et de la Tubercutose en milieu minier; 2) Comme sanction à ce dépistage, exclusion de la mine non seulement des tuberculeux, mais encore de deux catégories de silicotiques, à sa¬ voir : les porteurs de lésions avancées d’une part, chez qui le maintien à la mine constitue un danger vital immédiat, les porteurs de lésions débutantes d’autre part qu’une soustraction suffisamment précoce aux poussières peut parfois sauver; 3) L’installation dans toutes les galeries d’un appareillage perfectionné assurant dans de satisfaisantes conditions l’épuration de l’atmosphère et l’absorption des brouillards nocifs. Seules ces dispositions sont susceptibles d’enraver l’extension de ce mal professionnel aux progrès de plus en plus inquiétants dont nous allons main¬ tenant décrire les conséquences multiples dans les diverses exploitations du Massif Central. Si l’on met à part les gisements du Nord et du Nord-Est que nous étu¬ dierons dans un autre chapitre, rappelons que, de tous nos vieux socles pri¬ maires, c’est le Massif Central qui possède le sous-sol le plus richement miné¬ BÉGIONS DU CENIRE 39 ralisé. Ce dernier est loin cependant d’avoir la richesse des formations septen. trionales. D’après les recherches des géologues, la houille tirerait ici son ori¬ gine, non plus des sédiments accumulés dans les longues dépressions marines mais de dépôts lagunaires strictement limités aux cuvettes qui leur ont donné naissance. Dès les premiers temps de l’exploitation, la dispersion des couches a amené la constitution de nombreuses sociétés concessionnaires encore répar¬ ties qujourd’hui aux quatre coins du Plateau. Les plus productifs de ces zise¬ LES BASSINS HOUILLERS DU MASSIF CENTRAL ments se trouvenr incrustés dans le rempart oriental du Massif, s’allongeant suivant un axe S.-0. - N.-E, qui correspond à la direction générale des anciens plis hercyniens. Au nord, ce sont les bassins de Bourgogne, avec les gisements d’Epinac de Montceau-les-Mines - Blanzy et du Creusot, lesquels, à vrai dire, sortent du cadre de ce paracraphe comme appartenant plutôt au Bassin parisien¬ Au contre, c’est le bassin de la Loire, étiré sur une trentaine de Kilo¬ mêtres dans la dépression du larez au pied du mont Pilat, avec une densité de plus de 200 habitanre au Lm2 liée à une succession ininterrompue de villes industrielles actives telles que Saint-Etienne, Saint-Chamond, Firminy, etc. toutes echelonnées le long des rives noirâtres du Furens et du Gier. Au total il en sort annuellement près de 4 millions de tonnes de bouille, soit un peu blus que dans le groupement bourguignon. LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 60 Au sud, ce sont les gisements cévenols de Graissessac d’une part (230 000 tonnes) et d’Alès d’autre part (2 200 000 tonnes), celui-ci avec surtout les centres miniers de Bessèges et de Grand-Combe. Plus a l’ouest, une longue trainée houillère, orientée sud-nord, est exploi¬ tée à Albi et à Carmeaux aux extrèmes confins du Bassin aquitain (I million de tonnes), à Deçazeville (à peu près autant), à Champagnac dans le Cantal. à Meisseix et Saint-Eloy dans le Puy-de-Dôme, à Commentry dans l’Allier. Les médiocres gisements du Rouergue (autour de Rodez), de Brassac et de Langeac en Limagne, d’Abun dans la Creuse, viennent enfin compléter la série. L’ensemble du Masif Central fournissait de la sorte vers 1913 dans les 12 millions de tonmes de combustible. C’est, à peu de chose près, ce que nous en tirions encore en 1938, soit environ le quart de la production totale française. En dehors de la houille, signalons en outre les carrières de Kaolin de Saint-Vrieix qui servent à la fabrication de la célèbre porcelaine de Limoges (le village renferme également une petite mine de quartz aurifère), celles situées à l’ouest de Montlucon, le gisement d’amiante de Saint-Prejet-Arman¬ don (Haute-Loire) qui alimente en partie les usines de tissage de Clermont. enfin quelques filons ferrugineux épars à la périphérie du Massif, à la Voulte. Alès. Montalazac et Fumel. On sait que toutes ces ressources ont permis le développement de puis¬ santes industries, métallurgiques ou autres, groupées essentiellement autour des trois grands centres urbains de Saint-Etienne. Clermont-Ferrand et Limoges. En regard du Ptateau Central les AInes fon évidemment bien piêtre figure en ce qui concerne les apports du sous-sol. On ne peut guère y mention¬ ner que les mines de houille, d’ailleurs bien pauvres, de la Mure et du Brian¬ connais. L’industrie de l’aluminiumt a réussi, par contre, à s’y installer sur une vaste échelle grâce à l’utilisation de l’énergie fournie par les chutes d’eau. Tandis que la préparation de l’alumine reste cantonnée dans le Midi, à proxi¬ mité des mines de bauxite du var et de charbon (ou de lignite) de Fuveav de Manosque, voire même d’Alès, la fabrication de l’aluminijum qui exige de grandes quantités de courant électrique a pris possession des hautes vallées alpestres, accaparant notamment les cours supérieurs de l’Isère et de la Durance. Ceci dit, on ne s’étonnera pas de trouver aux Pneumoçonioses, dans le centre de la France, les sources les plus éparses et les origines les plus variées. Nous nous bornerons néanmoins à envisager dans cet article : l° La silico-anthracose des mineurs duns les bassins de Saint-Etienne et d’Alès; 2° L’asbestose des travailleurs de l'’amiante de Chermont-Ferrand; 3° Les pneumoconjoses dans les gisements de spath-fluor d’Auvergnes 4° La maladie des porcelainiers du Limousin. restant bien entendu que des processus semblables peuvent ézalement s’obser¬ ver — quoique sur une beaucoup moins grande échelle — chez les mineurs du fer d’Alès et de Fumel, les métallurgistes du larez (50 000 ouvriers) et. par ailleurs, les coutelliers de Thiers, les verriers d’Albi et de Montlucon. etc., sans oublier les travailleurs de l’aluminium dans les Alpes, certains tra vaux étrangers avant insisté récemment sur l’éventuelle nocivité de ce métal pour l’organisme humain. RÉGIONS DU CENTRE 1 A. — LA SILICO-ANTHRACOSE DES MINTURS Avant pris plus haut cette variété de pneumoconjose comme type de description, du point de vue radio-clinique surtout, nous n’aurons plus à envi¬ sager ici que ses particularités locales, et notamment sa fréquence dans les bassins de Saint-Etienne et d’Alès, de beaucoup les plus intéressants à consi¬ dérer. En ce qui concerne tont d’abord le gisement de la dépression du lares nous nous reporterons surtout au travail très documenté publié par Edme Martin et Louis Roche en 1945. Au cours d’une prospection radiographique portant sur le personnel de huit puits de ce bassin houiller, ces auteurs ont abouti aux constatations suivantes : Sur 3 078 ouvriers examinés, 81 — soit 2.6 6% — ont été trouvés porteurs de lésions tuberculeuses, lesquelles ont été reconnues évolutives dans 21 cas. Sur les 2 907 restants, 605 — soit 20,1 2% — ont présenté des anomalies uniquement imputables à une fibrose pulmonaire professionnelle. Ces anomalies ont été rangées dans cette étude sous trois rubriques dis¬ tinctes : Le stade 1, ou de début, caractérisé par des images miliaires fines et clair¬ semées, superposées à un feutrage d’ombres difuses, le tout réalisant de véri¬ tables brouillards radiologiques encore ténus et localisés (aspeet « cha¬ griné »). Le stade I, se caractérisant par des images dites en tempétes de netge avec des nodules déjà plus confluents avant tendance à s’organiser. Le stade I enfin, ou tumoral, où dominent les images homogènes par¬ fois étendues, entourées ordinairement de taches miliaires, nodulaires ou liné¬ aires vers la périphérie. Si, se basant sur cette classification, on compare maintenant le sort réservé, parmi les ouvriers du fond, à ceux qui n’ont travaillé qu’au charbon d’une part et à ceux qui ont été emplovés successivement au charbon et au rocher d’autre part, on arrive à établir les différences ci-après : Alors que chez les mineurs de la première catégorie la proportion des anomalies pulmonaires radiologiques s’est élevée à 13,4 %% (exactement 253 sujets sur 1877), cette proportioh a atteint 314 %% chez les ouvriers de le seconde catégorie (soit 352 sujets sur 1 120). Parmi les cas positifs, on a noté de même respectivement 20,5 et 364 % d’images correspondant à l’ensemble des deux stades II et III, les taux pour cette dernière catégorie seule (formes pseudo-tumorales) avant été de 4,7 et de 7,1. Enfin, tandis que chez les mineurs emplovés exclusivement au charbon le pourcentage des lésions pulmonaires s’acroit assez régulièrement avec la durée du séjour à la fosse, chez les mineurs mixtes cette progression accuse un bond surprénant à parir de la dixième année, le taux passant alors brusquement à 36,0 6%, alors qu’il n’était que de 6,0 2% cinq ans auparavant. Ainsi se trouvent confirmées une fois de plus certaines notions désormais classiques, à savoir : 12 la fréquence de la silicose chez l’ensemble des mineurs emplovés à l’extraction du charbon: 2° le danger particulièrement grand encouru par les botoetteurs chez qui les lésions se montrent à la fois plus sévères et plus répandues que chez les sujets utilisés à l’abattage, surtout après une dizaine d’an¬ nees consacrées à l’exercice du métier. 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Voyons maintenant les incidences de la silico-anthraçose sur les bassins cévenols d’après les renseignements communiqués récemment (1948) à la « Revue minière » par P. Cazamian, comme suite à une enquête avant porté sur 2 665 travailleurs du fond, dont 1 959 encore en fonction. D’après ce médecin, le taux des images pueumoçoniotiques dans le sec¬ teur envisagé s’est élevé à 11,3 2 entre la 10° et la 20 année de service. pour atteindre 38 % passé ce délai, l’adionction à ces bilans des aspects dits « réticulés » avant d’ailleurs pour effet d’augmenter sensiblement les pourcen¬ tages indiqués. Comme ses confrères du bassin de la Loire, it a d’autre part constaté chez les travailleurs au rocher des lésions plus précoces, plus rapidement évo¬ lutives et plus importantes que chez les travailleurs au charbon. Toutefois chez les uns comme chez les autres, la morbidité tuberculeuse s’est avérée faible: 0,2 % pour l’ensemble. En somme, les conclusions sont du même ordre au niveau des deux foyers d’exploitation, avec néanmoins, semble-t-il, une silico-tuberculose ur peu moins fréquente dans les Cévennes que dans la Loire. A vrai dire, cette dernière opinion peut être considérée comme assez sujette à caution, vu les discordances accusées par les diverses statistiques antérieures, lesquelles expri¬ ment de très fortes variations suivant les moments et les lieux, variations en corrélation sans doute avec les méthodes d’examen utilisées, les conceptions particulières des prospecteurs et les lots de malades choisis. C’est ainsi, par exemple, qu’on a pu évaluer à 11.3 % la proportion de tuberculeux pal rapport aux silicotiques dans les mines de Bessèges dans le Gvard, cette même probortion étant estimée à 24 %% par Policard. Croizier et Martin dans le bassin stéphanois. Ces données, qui viennent à l’encontre des précédentes 3 prouvent à quel point il convient d’être prudent en la matière, tant se révèle parfois difficile la détimitation de ces deux affections si fréquemment intriquées. B. — LES PNEUMOCONIOSES DES TRAVALLEURS DE L’AMLANTE EN AUVERCNE. Les cas en sont encore peu nombreux, cette industrie n’utilisant dans le Massif Central que très peu d’ouvriers et certains perfectionnements techniques avant d’autre part permis de réduire notablement la proportion des pous sières de silicate en suspension dans l’atmosphère des ateliers. C’est, en effet. dans les usines beaucoup plus que dans les carrières, toujours exploitées à cie ouvert, que le mal se rencontre communément. Luton et ses collaborateurs ont pu ainsi en publier quelques observations recueillies dans la région cler¬ montoise. A ce propos, il convient de rappeler que l’asbestose présente sensi¬ blement les mêmes caractères cliniques et radiologiques que les silicoses habi¬ tuelles, son diagnostic se trouvant souvent facilité, au moins à un stade avancé. par la découverte dans l’expectoriation des corps d’aptiante , constatation du reste d’un très fâcheux pronostic. De l’avis unanime, l’association avec la tuberculose s’avère ici exceptionnelle et affecte la plupart du temps des sujets plus jeunes que dans les silicoses ordinaires. C. — LES PNEUMOCOMIOSES DANS LES CISEMENTS DE SPATU-ELUOR D’AUVERGNE. L’exploitation des gisements de spath-ftuor en Auvergne est également génératrice de pneumoconioses. C’est ainsi que dans l’un d’eux plus de 50 % du personnel à ete reconnu atteint par le procesus, souvent après des exposi¬ RéGIONS DU CENTRE tions courtes aux poussières, inférieures même dans plusieurs cas à six mois. D’après Luton et Champeix, les lésions radiologiques sont généralement impor¬ tantes et l’évolution parfois rapide si les pousìres siliceuses associées cont abondantes. D. — LA MALADIE DES PORCELAINIERS DU LIMOUSIN. L’étude de la maladie des ouvriers céramistes du Limousin a débuté il Y a un siècle environ, peu de temps après l’installation en grand des fabriques de porcelaine dans cette région, consécutive elle-même à la découverte, du Kaolin à Saint-Vrieix et à Coussac-Bonneval. Après avoir fait l’objet à l’origine d’intéressantes publications de la part de Deperret-Muret (1855) et de Prosper Lemaitre (1880), cette affection à repris récemment de l’actualité grâce aux importants travaux de l’école limou¬ sine et en particulier de son chef, le professeur de Léobardy (1949-1950). De la série d’enquêtes menées par ces auteurs, il résulte que la Silicose des por¬ celainiers présente les caractères suivants : 1° Elle est fréquente, puisqu’elle frappe 18,8 % des ouvriers travaillant au milieu des poussières siliceuses (34 sur 180 exactement). 22 Elle comporte une période de componsation nettement plus pro¬ longée que chez les mineurs (20 à 30 ans au lieu de 2 à 4 ans) et des signes radio-cliniques plus atténués que chez ces derniers (pas de formes pseudo-tumorales notamment), sans doute parce que l’inha¬ lation de silice y est moins massive. 3° Elle se complique cependant volontiers — encore que tardivement — de tuberculose (30 2% des cas). 4° Elle justifie, du point de vue prophylactique, le dépoussiérage réglementé des locaux, soit par précipitation électrostatique des pous. sières, soit par humidification systématique de la matière emplovée. 5° Elle se distingue enfin de la pneumoçoniose des sujets exploitant les mines de quartz aurifère toutes proches (à Saint-Yrieix également). celle-ci avant notamment pour particularité d’être peu phtisiogène et d’évoluer généralement sous la forme d’une silicose pure. BIRLIOGRAPHIE GÉNÉRALITÉS SUR LES PNEUMOCONIOSES La bibliographie gcénérale des Phcumoçonioses cst considérable. Aussi n’indiquerons¬ nous ici que quelques références essentielles. 1. BARIETY (M) et HAXALT (A) Réfexions sur la Silicose et les Pneumoçonioses silico¬ tiques, Paris méd., 2 mars 1946, n° 9, pp. 1-3. 2. BoUnCrOIs (P.). Les silicoses. Sem, hop. Paris, 6 féyr, 1949, n° 10, p. 438. 64 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Vi — LA PATHOLOCIE MONTACNARDE (DANS LES ALPES SURTQUT) Comme la mer. l montagne possède se pathologie propre. Elle expose en effet ceux qui l’affrontent à une série d’accidents relevant d’ailleurs bien souvent de leur témérité ou de leur inexpérience. Procédant de causes très diverses, ces accidents peuvent se répartir en plusieurs catégories : — ceux qui sont dus à l’altitude elle-même; — ceux qui sont liés aux conditions atmosphériques; — ceux qui sont provoqués par le retiet; — ceux enfin, plus modernes, qui sont inhérents à l’emploi des skis. RÉGIONS DU CENTRE 65 Susceptible de se manifester dans toutes les régions montagneuses, la patho¬ logie que nous avons en vue s’observe surtout en France dans les hauts mas¬ sifs alpestres : c’est ce qui justifie la description en cette place de ses prin¬ cipaux aspects. A. — LES ACCIDENTS DUS A L’ALTITUDE Ils trouvent leur expression maieure dans ce que l’on appelle le mal aigu des montagnes bien connu des ascensionnistes. N’apparaissant guère au¬ dessous de 2 500 mêtres d’altitude, les troubles qui le caractérisent donnent naissance à un tableau clinique dont le professeur Binet a remarquablement indiqué les étapes esentielles : Le premier symntême semble être un malaise respiratoire, un besoin insatisfait de respirer à fond qui crée chez le sujet une anxiété précordiale et bientôt une dyspnée véritable, désormais acrue par les moindres mouvements En même temps survient un état nauséeux, une asthénie intense et une ace. lération très nette du pouls. Lorsque les phénomènes s’aggravent, on note une céphalée violente une impuissance musculaire généralisée avec crampes douloureuses, une sensa¬ tion d’épuisement complet inhibant tout effort salutaire, des vertiges, de la confusion des idées et des vomissements. A un degré plus marqué encore, le malade est plongé dans un abaute. ment profond; la respiration est de plus en plus perturbée avec précordialgies et cvanose; la sécrétion urinaire est ralentie. Exceptionnellement, la dyspnée devient insupportable, la vue s’obscurcit, des épistaxis et des gingivorragies se déclarent. Le patient accuse alors des lipotymies et peut succomber dans le collapsus cardiaque. Ainsi donc, on assiste au déroulement de manifestations d’allure parfois dramatique où s’intriquent à la fois des éléments d’ordres respiratoires, car¬ dio-vasculaires, neuro-psychiques, digestifs et rénaux. Leur mécanisme a été parfaitement élucidé grâce à l’observation clinique associée à l’expérimenta¬ tion. Il est en effet aujourd’hui démontré que le mal des montagnes est essen¬ tiellement provoqué par une insuffisance dé l’hématose, en relation elle-même avec la diminution progressive de la tension partielle de l’oxygène dans l’atmos¬ phère à mesure due l’altitude augmente. L’anozhémié qui en résulte retentit en premier lieu sur les groupes musculaires qui travaillent (d’où le dérobement des jambes) et sur les centres nerveux corticaux et sous-cor¬ ticaux particulièremient sensibles à la privation d’oxygène (d’ou l’asthénie psychique, la céphalée, les tremblements). Ensuite elle généralise ses eets à tout l’organisme, déterminant dès lors de la polypnée et de la tachy¬ cardie qui se transtorment ultérieurement en une respiration de Cheyne-Stokes et en tachvarvihmie pour peu que le processus s’amplifie. A ce stade, la pathogénie des accidents est devenue assez complexe. Par l’insuffisance de combustions qu’elle entraine l’anoxhémie engendlre en effet des phénomèncs togiques scondaires, expliquant notamment les symptômes digestifs et rénaux Elle provoque aussi de l’acapnie : c’est-à-dire un déficit en CO° du sans circulant, facteur dont il convient de ne pas méconnaitre l’importance, ce gaz étant, comme chaoun sait, l’excitant normal, physiologique, des centres respi¬ ratoires. Enfin, c’est sans doute, en partie tout au moips, à la forte dépres sion qui s’exerce au niveau dles téguments et des muqueuses qu’il faut attri¬ buer l’apparition des bémorragies externes. 66 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 68 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Le tableau clinique qui vient d’être évoqué survient typiquement au cours des ascensions vers les hauts sommets. Il peut, comme nous l’avons vu, être mortel. Dans la règle cependant, les troubles rétrocèdent assez vite, au besoin avec l’aide d’une thérapeutique active, soit par suite d’une adaptation rela¬ tive de l’organisme qui accepte une reprise modérée des eforts, soit plus sim¬ plement après une descente ménagée à des niveaux moins élevés. Mais ces accidents sont loin d’être l’apanage exclusif des ascensionnistes : ils peuvent se rencontrer tout aussi bien chez des personnes brusquement trans¬ plantées en altitude du fait de la rapidité des moyens de locomotion modernes. C’est ainsi que beaucoup de malades des sanatoriums éprouvent au début de leur séjour en montagne des malaises où l’on reconnait également l’inter¬ vention de l’anoxhémie. Ces malaises sont, eux aussi, de courte durée parce que l’organisme ne tarde pas à réagir. Bientôt, en effet, le système neuro-végé¬ tatif se discipline et surtout on voit apparaitre dans le sang une augmentation appréciable du taux des hématies (7 à 9 millions par mm) destinée à accroitre d’autant le champ de l’hématose. Uniquement dù d’abord à une spléno-con¬ traction réflexe, le phénomène résulte plus tard d’une stimulation véritable de l’héptatopotèse qui aboutit à la pénétration dans la circulation de nom¬ breux érythrocytes de renfort (polvelobulie d’altitude). Ainsi se constitue la phase d’acclimuatoment. Dans les cas extrêmes, celle-ci peut engendrer, par fixation et transmission héréditaire des caractères acquis, un type humain nouveau, doté de moyens de défense spécialement adaptés : thorax globuleux permettant une respiration ample et profonde, hypertrophie du cœeur droit¬ polyglobulie habituelle, etc. Le syndrome décrit par Carlos Monge sous le nom d’érythrémie de l’altitude avec sa dyspnée, sa cyanose, son hyper¬ splénie et ses odêmes, ne représente au fond qu’un accident au cours de cette évolution , accident correspondant à une déviation des processus réac¬ tionnels et finatement à une perte de l’adaptation. Pour intéressfnts qu’ils soient du point de vue de la pathologie géné¬ rale, ces derniers faits ne s’observent toutefois que dans des conditions très particulières : celles d’un séjour permanent à des hauteurs excessives telles qu’on en rencontre dans certaines régions de l’Amérique du Sud ou de l’Asie Centrale. Il ne faut pas oublier, en effet, qu’au Thibet la ville sainte de Lhassa qui compte 20 000 habitants a été édifiée à 3 500 mêtres d’altitude, et la Paz, capitale de la Bolivie, avec ses 12 000 habitants à 3 650 mêtres. En France, par contre, rien de semblable n’existe, le village le plus élevé. Saint¬ Véran dans les Hautes-Alpes, se trouvant à un niveau à peine supérieur à 2 000 mêtres (2 015 mêtres exactement). Cete altitude suffit néanmoins à déclencher les mécanismes de compen¬ sation et de défense auxquels nous venons de faire allusion. Or — et c’est là une notion sur laquelle il convient d’insister — ces mécanismes ne peuvent exercer leur libre jeu que chez des organismes jeunes et en par¬ fait équilibre. C’est dire qu’il y aura contre-indication aux altitudes élevées pour tous les sujets dont les capacités réactionnelles se trouvent sérieusement compromises, soit par suite de l’âge, soit du fait de certaines tares dont les principales nous scront maintenant faciles à définir : — las cardiopathios en voie de décompensation pême légère, l’hyperten¬ sion artérielle, la tendance aux spasmes coronariens, le syndrome de Stokes¬ Adams et la fibrillation auriculaire: — F’insuffisance rénale; — les dérèglemonts nouro-végétatifs importants; Par contre, on conçoit que la cure d’altitude devra être conseillée aux asthéniques, aux convalescents, dans certaines formes de tuberculose pleuro¬ puimIonsre ad dcods et surtout à la plupart des anémiqucs. RÉGIONS DU CENTRE 92 B. — LES ACCIDENTS LIÉS AUX CONDITIONS ATMOSPHÉRIQUES La dépression atmosphérique et la raréfaction de l’air jouent donc dans la genèse du mal des montagnes un rôle fondamental. Ces facteurs ne sont cependant pas en la circonstauce les seuls en cause et d’autres méritent d’être incriminés qui leur sont ordinairement associés. C’est ainsi qu’il faut tenir compte tout d’abord de l’aspect topographique du lieu considéré, dont dépen¬ dent l’irradiation solaire et le vent. Il a été souvent constaté en effet que certains couloirs humides, abrités à la fois du soleil et du vent, sont plus favo¬ rables à l’éclosion des accidents que les larges plateaux bien dégagés du voi¬ sinage. Et chaque massif montagneux comporte de ces passages maudits parfaitement connus des gens du pays. De même le profit orographique des sommets est à considérer, tous les versants n’étant pas aussi faciles à gravir. Signalons encore l’influence du degré d’enneigement du sot qui rend la marche pénible et du degré d’ionisation de l’atmosphère, étant admis qu’une prédo¬ minance des jons positifs est susceptible d’entrainer une accélération respi¬ ratoire en même temps qu’une élévation de la tension artérielle. A vrai dire, ce n’est pas seulement comme éléments adiuvants dans la pro¬ duction du mal des montagnes que ces facteurs doivent être envisagés. Ils sont également capables d’avoir leur action propre et de déterminer par eux-mêmes des accidents particuliers. En montagne, la raréfaction et la sécheresse de l’atmosphère rendent le soleil extrèmement lumineux et accroissent l’action des ravons ultra-violets. Il en résulte très souvent des coups de solil responsables de vastes brilures. à ne pas confondre avec l’insolation au cours de laquelle le sujet accuse des phénomènes généraux parfois très graves : dypsnée, hyperthermie, faciès con¬ gestif, délire. Les ravons ultra-violets peuvent en outre provoquer des conionc¬ tivites spécialement fréquentes lors de la traversée des glaciers, quand les ravons solaires se trouvent tamisés par une fine couche de brouillard. Bien plus répandus que les accidents dus à la chaleur sont, bien entendu. les accidents dus au froid, surtout à la période d’hiver. Ceux-ci sont fonction, non seulement de l’altitude (la température s’abaisse d’environ 6 à 7 dixièmes de degré par 100 mêtres de hauteur), mais encore du mode d’exposition et de l’orientation. C’est ainsi que l’on peut passer soudainement d’une pente abritée. ensoleillée et tiède à une crêre balavée par un vent glacial. En hiver après une belle journée claire, il arrive de même que le froid sévisse brusquement sitôt que le soleil a disparu. L’organisme aura souvent beaucoup de peine à lutter contre de telles variations atmosphériques. Ici aussi, il conviendra de distinguer les lésions locales que sont les gelures des manitestations générales liées au refroidissement. Les gelures atteignent presque toujours les extrémités : nez, oreilles, mains, pieds. Une immobilité prolongée dans la neige glacée, la compression des pieds et des jambes dans des chaussures serrées ou des bandes, en provo¬ quant des troubles circulatoires, les favorisent dans une très large mesure. On connait leur évolution en plusieurs phases successives : d’abord l’onglée dou¬ oureuse par vaso-constriclion, puis l’érythême et la tuméfaction indolente par vaso-dilatation, ensuite l’apparition de pllyctènes, enfin la mortification¬ On sait aussi les dangers d’infection et les risques pour l’avenir d’altérations trophiques persistantes. Quant aux accidents généraux, encore plus redoutables, ils débutent par une obnubilation de la vue, une faiblesse et un engourdissement de tout le système moteur et une fatigue intense. Plus tard apparait une somnolence invincible allant jusqu’au coma, des attaques épileptiformes, un abaissement important de la température rectale. Malgré la mise en veilleuse de toutes les réactions de l’organisme la mort survient alors sans souffrances appa¬ rentes : c’est la « mort blanche », la « mort douce » des auteurs classiques due à une sorte d’épuisement des réserves vitales. cubes. 29 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Le vent accentue l’action du froid. Il trouve son maximum dans ce que l’on appelle la « tourmente » qui représente certainement un des dangers les plus graves que l’on puisse rencontrer en montagne. Associant à une tem¬ pête violente et glaciale des tourbillons de neige pulvérulente, la tourmente détermine chez ses victimes, aveuglées, désorientées et transies, une rapide dépression physique et psychique. Durant parfois plusieurs jours consécutifs, on l’a vu entrainer à maintes reprises la disparition et l’anéantissement de détachements entiers. Enfin signalons encore parmi les périls qui menacent le montagnard. d’une part le brouillard qui modifie l’aspect du terrain, efface les points de repère et fausse l’orientation, d’autre part les orages dont les effets se trou¬ vent ici accrus du fait des contacts immédiats avec les nuages chargés d’électricité. Habituellement annoncés par un grésillement très particulier de tous les objets métalliques (bruit en « bourdonnement d’abeilles » des piolets). ils sont souvent responsables d’accidents de fulguration, mortels. C. — LES ACCIDENTS PROVOQUES PAR LE RELIET. Dans ce paragraphe, qui nous fait aborder la pathologie traumtatique de la montagne, plusieurs rubriques sont à envisager tour à tour : l° Les accidonts par chute de pierre. — La chute d’une simple pierre n’est pas en montagne un événement négligeable. Qutre les dangers qu’elle présente par elle-même, elle risque de détacher des blocs de glace ou d’entrai¬ ner de véritables avalanches de neige ou de pierrailles. Les fractures du crâne sont les blessures les plus souvent observées en l’occurrence. 2° Les accidents dus auz avalanches. — Il n’entre évidemment pas dans notre intention de décrire ici les différents types d’avalanches ni d’indiquer leur mode de production. Qu’il nous suffise simplement de rappeler qu’il en existe schématiquement deux variétés qui sont les suivantes : — Les atalanches de surtace, essentiellement hivernales, dans lesquelle la couche supérieure de neige récente, poudreuse, sans cohésion, glisse sur les couches sous-jacentes de neige plus ancienne ou de glace. Ce sont celles que l’on redoute le plus, parce qu’aucun indice ne peut faire prévoir ni l’heure ni la direction de l’écroulement, qu’un rien, le passage d’un chamois, un coup de vent, un bruit de voix peut déclencher. Les résultats en sont terribles : la masse croulante se grossit de toutes les neiges, de toutes les pierres et brous¬ sailles du'’elle rencontre; l’air comprimé latéralement forme une trombe qui emporte tout, par un véritable effet de « souffle ». Les avalanches de fond, surtout vernales, qui procedent d’un méca¬ nisme différent : au printemps, la couche superficielle de neige fond sous les ravons du soleil, et l’eau, pénétrant en profondeur, détache toute la masse du sol à l’état de névé, constituant une sorte de boue glacée qui s’élance en suivant la pente, entrainant, elle aussi, des débris de toutes espèces. Aussi désastreuses dans leurs conséquences que les précédentes, ces avalanches, pré¬ sentent toutefois l’avantage d’être relativement prévisibles aussi bien dans le temps (elles se produisent ordinairement à des heures déterminées de la jour¬ née) que dans l’espace (elles empruntent la plupart du temps des « couloirs » bien connus des guides). Le phénomène des avalanches est surtout fréquent dans les A1pes : c’est ainsi que le massif du Saint-Gothard compte 350 de ces couloirs parfaitement reperes, dont le débit annuel n’est, pas inférieur à 323, millions de mêtres de la colonne vertébrale. EELLINE Y Les accidents qui en résultent sont très graves car ils associent au trau¬ matisme lui-même la réfrigération, l’asphyxie et un shock particulièrement prononcé. 3° Les accidents par chute au cours de « l’escalade ». — Toutes sortes de causes peuvent entrainer la chute d’un ascensionniste. Tout grimpeur est notamment à la merci d’un vertige soudain, d’un décrochage, d’une prise qui cède ou d’une faute quelconque de technique. Il peut encore glisser dans une crevasse ou s’y trouver précipité par l’effondrement d’un pont de neige. Les lésions observées seront alors le plus souvent multiples avec fractures. non seulement des membres, mais encore du crâne et surtout du rachis, ce qui contribuera généralement à rendre les opérations de sauvetage particu¬ Rièrement difficiles et périlleuses. D. — LES ACCIDENTS INHÉRENTS A L’EMPLOL DES StIS. Nous devrions parler plutêt ici des accidents dus aux sports d’hiver, car¬ en plus des accidents inhérents à l’emploi des sEis (93,2 2%), il y a ceux qui sont occasionnés par la luge (3,9 %6) et par le bob (2,9 2), les lésions pro¬ voquées par le hockey en raison de leur très faible incidence avant été inté¬ grées dans la première catégorie. Ceci étant établi, on peut se demander maintenant quel est l’ordre de fréquence des accidents dus aux skis sur lesquels nous allons porter plus spé¬ cialement notre attention. En réalité, les réponses à cette question varient sensiblement suivant qu’on s’adresse à des groupements de professionnels ou au contraire à la foule des amateurs dont on a pu dire qu’elle apportait sur le terrain beaucoup plus de courage et parfois d’inconscience que d’habi¬ leté technique et de compétence. Et puis il faut tenir compte aussi de ce fait que bon nombre de petits traumatisés se font soigner à domicile par leur médecin personnel et échappent ainsi aux statistiques. Quoi qu’il en soit, on peut tout de même essaver de fixer un certain ordre de grandeur : Ainsi Moch évalue à 5 pour 1 000 la proportion des skieurs victimes de traumatismes, en faisant remarquer toutefois que l pour 1 000 seulement sont atteints de factures. Et Petitpierre de Saint-Moritz confirme cette estimation. Agnel de Chamonix, par contre, n’a observé dans l’Ecole de cette loca¬ lité que 0.50 pour 1 000 d’accidents. Mais Allaria, de Cortina-d’Ampezo, arrive à un chiffre intermédiaire de 2,33 pour 1000, lequel a d’autant plus de valeur qu’il est basé sur un très grand nombre de cas : 2 196 traumatismes soignés à l’Institut Codivilla¬ Putti durant une période de 18 années. C’est à cette dernière évaluation que nous pensons pouvoir nous rallier. encore que nous n’avons pas réussi à nous procurer de documents précis concernaht les grands centres de sports d’hiver français que sont notamment Morzine. Saint-Gervais. Megève. La Clusaz, le Mont-Revard. Val-d’Isère, Pra¬ lognan. Valloire, Alpe-d’Huez, Villard-de-Lans, Briançon, Barcelonnette, Allos et Saint-Etienne de-Tinée pour ne citer que quelques stations parmi les mieux équipées (voir carte ci-jointe). Une autre question qui se pose est de savoir quelles sont les lésions les plus typiques rencontrées au cours des accidents de skis et d’essaver d’en définir les mécanismes de production. Immédiatement, on peut préciser qu’il s’agit de lésions du membre inférieur dans une proportion oscillaht entre les 2/3 et les 3/4 des cas, le reste se répartissant entre les atteintes du membre supérieur, de la tête, du tronc et. 22 1A PATHOIOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE Lésions du membre inférieur. La lésion du membre inférieur la plus connue est assurément la fracture spiroide, hélicoidale, par torsion des deux os de la jambe : tibia au tiers moyen ou à l’union du tiers inférieur, péroné plus haut. Ele résulte ordi¬ nairement de l’enfoncement soudain d’un ski dans une neige trop molle. En ce cas, la jamhe fixée au sii libre continue sa course et, faisant pivot sur le membre immobile, décrit un arc de cercle de la même manière que le ferait la branche mobile d’un compas. Il s’ensuit que le membre fixe tourne anor¬ malement vers l’intérieur, la cassure se constituant de bas en haut et de l’inté¬ rieur vers l’extérieur (1) Celte fracture est généralement fermée, non comminutive et sans gros déplacement: mais elle peut s’ouvrir au cours de manœeuvres intempestives ultérieures. L’infection du foyer est alors très rare, surtout si l’accident est survenu en haute montagne, c’est-à-dire en « neige propre ». Tout aussi caractéristiques — et encore plus fréquentes — sont les entorses du genou et de l’articulation tibjo-tarsienne, celles-ci constituant à elles deux au moins la moitié du total des lésions dues au ski. L’entorse du genou siège électivement au niveau du tigament tatéral interne qui peut être distendu et parfois arraché par le même mécanisme de torsion qui produit la fracture spiroide du tibia. La plupart du temps bénigne, cette blessure échappe souvent au contrôle médical, le malade se contentant de bander l’articulation douloureuse. L’entorse du cou-de-pied atteint avant tout le ligament latérat externe dont le faisceau antérieur, péronéo-astragalien, est typiquement rompu par adduction forcée. Les lésions graves peuvent entrainer un arrachement de la malléole péronièret complication parfois méconnue, la symptomatologie étant dominée par l’attrition ligamentaire. Ces deux entorses evistent dans bien des cas à l’état isolé; elles peuvent aussi s’associer par torsion, réalisant alors un véritable équivalent ligamen¬ taire de la fracture hélicoidale de la jambe ci-dessus décrito Citons encore au niveau du membre inférieur : 4 la jambe : la fracture basse, transversale, des deux os par hyperflexion en avant du cou-de-pied, survenant chez des skieurs exercés qui se tiennent en position « très avancée » pour le saut ou la descente (trait horizontal pas¬ sant juste au-dessus de la chaussure). Au cou-de-pied: les fractures bimalléolaires avec fragment margipal pos¬ térieur et luxation du pied en arrière apparaissant surtout au cours des sauts. Au genou : les fractures parcellaires par arrachement des épines tibjales. l’enfoncement d’un plateau tibial à l’occasion d’une chute verticale, la rup¬ ture des ligaments croisés. 4 la cuisse et à la hanche : les fractures spiroides par torsion (comme au tibia) ou transversales par choc direct du fémur (ces dernières par ren¬ contre d’un obstacle), les fractures du massif trochantérien, les entorses de la hanche par écartèlement. 4u pied enfin : les fractures des métatarsiens et des phalanges. (1) Ceci est le mode habituel. Mais il n’est pas rare, spécialement sur terrain accidenté ou en pente, que le mnembre tourue au contraire vers l’extérieur, déclanchant slors anc lior ea sns opose, ayce trait dle fracture du proue situe plus pas due 8 pour lui consacrer un chapitre spécial. RÉGIONS DU CENTRE 73 Lésions du membre supérieur. La luzation antéro-interne de l’épaule tient ici une place de premier plan. Elle est généralement consécutive à une chule sur neige dure. Le rôle étiolo. gique du bâton, si souvent invoqué, semble avoir été en l’occurrence très exagéré : celui-ci n’agit sans doute qu’indirectement en déterminant une attitude du bras favorable au déboitement. La luxation de l’épaule est liee en effet à la position du skieur au moment de l’accident : bras écarté en abduction et porté en rétropulsion, saillie en avant du moignon scapulaire présenté en autopulsion, ce qui l’expose davantage au choc direct. Cette lésion est fréquemment récidivante, certains sujets en étant à leur 7e ou 8e luxa¬ tion et continuant à skier, exercés qu’ils sont à en opérer eux-mêmes la réduction. Parfois on observe des fractures associées, par arrachement, des tubérosités humérales et notamment du trochiter. A ce propos, il y a lieu de signaler que la coutière bicipitale peut être le siège, comme la face interne du genou, d’un point douloureux très caractéristique, quand les tendons des muscles « grands » qui s’y insèrent ont été malmenés par les mouvements du bâton vigoureusement poussé en arrière, en montée et surtout en course de fond; c’est là une lésion peu grave. mais fort tenace. Après avoir mentionné la possibilité de fractures de l’humérus de l’olé. crane et des deux os de l’avant-bras, ordinairement par choc direct, nous insisterons encore sur l’entorse métacarpo-phalangienne du pouce et sur les fractures des métacarpiens. Le bâton joue dans leur production un rôle essen¬ tiel : il crée l’entorse au moment de la chute, si la main n’a pas réussi à se libérer immédiatement de la lanière qui le retient à son contact; il agit, dans un choc sur neige glacée, pour briser par flexion les colonnettes métacar¬ piennes. Autres lésions. Elles sont extrèmement diverses. Ce sont en particulier : les fractures du crâne et les commotions cérébrales par choc violent contre un obstacle natu¬ rel; les lesions du rachis siégeant de préférence sur la colonne cervicale et comportant, fort heureusement, des arrachements ligamentaires plus souvent que des fractures; les contusions thoraciques et les fractures de côtes; ensuite les lésions par empalement de l’abdomen, du cou ou de l’aisselle causés par le bAton, de l’estomae et du globe oculaire par la pointe du ski, éventualités aussi redoutables qu’exceptionnelles. Enfin, il nous faut faire état, d’une part des plates des parties molles provoquées par le bâton brisé, des spatules cassées, des branches d’arbre, etc.. et susceptibles de s’infecter dans la neige souillée des grandes stations de villégiature (discussions sur l’opportunité de la suture primitive) et d’autre part des rabotages cutanés sur neige tôlée ou glacée, déterminant souvent à leur suite des cicatrices disgractouses. Tels sont très brièvement rapportés les faits essentiels se rapportant à la Pathologie de la montagne. On, voit, en définitive, que celle-ci se caractérise avant tout par la variété de ses manifestations, par des aspects souvent très spécifiques que l’on ne rencontre nulle part ailleurs, et enfin par la fré¬ quence relativement importante des acidents qu’elle entraine. Or, cette fré quence ne peut qu’aller en augmentant, dans l’avenir si l’on tient compte de l’attrait sans cesse croissant qu’exerce de nos jours la montagne, et en par¬ ticulier les Alpes sur le grand public. C’était là une raison supplémentaire LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 74 BIBLIOCRAPHIE VI1 — LE SYNDROME DU VENT DU MIDL DANS LE COULOIR RHODANIEN L’identification en 1926 du « Syndrome du vent du Midi » par Mouri¬ quand et ses élèves représente une des plus belles acquisitions de cette science encore toute nouvelle que constitue la « météoropathologie ». C’est grace, en effet, aux observations faites par ces auteurs à la crèche Saint¬ Ferdinand de Lyon qu’ont pu être définis les caractères essentiels de ce pro¬ cessus aussi curieux dans sa pathogénie que dans ses manifestations et propre à la fois au nourrison et à la vallée du Rhône. Mais avant d’aborder le terrain clinique, vovons donc en quoi consistent les perturbations atmosphériques génératrices des troubles évoqués, si remar¬ quablement décrits par Charpentier dans sa thèse inaugurale de 1928. Il semble bien, d’après les météorologistes, que le vent du Midi soit la conséquence du déséquilibre engendré par la constitution, d’une part d’une zone de hautes pressions dans l’Italie du nord, d’autre part par l’apparition de basses pressions dans tout le secteur englobant la France du sud-ouest, le golfe de Gascogne et l’Espagne septentrionale. Ainsi se trouvent créés pério¬ diquement des courants d’une rare violence à direction est-ouest, dont une composante vient s’engager du sud au nord dans le couloir rhodanien à la faveur d’une dépression secondaire née en Bourgogne. BEGIONS DU CENTBE 78 Au contact des parois ensoleillées de la vallée du Rhône ce vent devient de plus en plus sec et chaud, amenant dans les régions où il souffle d’impor¬ tantes variations atmosphériques dont les résultantes fondamentales peuvent se traduire comme suit : 1) chute lente mais assez accentuée de la presion barométrique de l’ordre de 15 millimêtres et plus; 2) élévation brusque de la température ne dépassant guère toutefois 3 à 55; 3) baisse hygrométrique considérable atteignant 40 et 30 au lieu de 30 (degré normal de la nuit). On sait que par « état hygrométrique » ou « humidité relative » il faut entendre le rapport entre la tension de vapeur d’eau contenue dans l’air au moment de l’observation et la tension maxima que cette vapeur pourrait acquérir à la même température. Le fait s’exprime en centièmes. Ainsi une « humidité relative » égale à 70 signifie que l’air ne contient plus que 70 2% de la quantité maxima de vapeur d’eau qu’il pourrait renfermer à la tem¬ pérature donnée. Or, les spécialistes considèrent le temps comme sec au-des¬ sous de 60 et comme très sec au-dessous de 30. Au cours de la nuit, la courbe se relève normalement par suite de l’absence d’insolation. A ce moment la cons¬ tatation d’un taux abaissé revêt par conséquent une signification toute parti¬ culière. Selon Mouriquand et Charpentier, c’est avant tout à cette chute hygro. métrique importante qu’il faut attribuer les accidents morbides constatés chez le nourrisson, cette chute entrainant dans l’organisme des phénomènes de déshydratation parfois sévères. Du reste, cette déshydratation n’est pas spéciale au corps humain,. Elle se manifesie également dans le rème végétal puisque après chaque période de « vent de Midi » les feuilles des arbres apparaissent jaunies et toutes raccor¬ nies comme après une longue sécheresse. Quant aux animaux, ils n’échappent pas davantage à ces effets : c’est ainsi que certains oiseaux comme les bec¬ figues perdent le tiers de leur poids sous l’action du vent, les chasseurs trouvant alors, de-ci de-la, leurs cadavres déshydratés. Dès lors, il est facile de s’expliquer les troubles que l’on observe dans la forme grave du nourrisson. En quelques heures l’enfant devient inerte et git dans son berceau, la bouche entrouverte, la langue sèche, la voix cassée. le cri monotone. Bientôt ses traits se creusent et ses veux s’enfoncent dans les orbites. A ce stade, la fontanelle est déprimée, l’abdomen rétracté, le peau molle et flasque. Ordinairement la température s’élève aux environs de 39 ou 40e, la mort pouvant survenir au bout de 24 ou 48 heures. Fait important, et sauf prédispositions spéciales, la diarrhée est ici assez rare et les vomissements peu fréquents. Dans ces conditions, le diagnostic reste assez facile à établir àvec le choléra infantile au cours duquel la déshy¬ dratation progresse au prorata des troubles aigus gastro-intestinaux toujours très intenses, la diarrhée notamment se produisant par jets incessants, compa¬ rable à des mictions. La confusion ne sera pas davantage possible avec le coup de chaleur. lequel s’accompagne de la même hyperthermie (allant d’ailleurs parfois jus¬ qu’à 42 et 436) et d’une sidératiop anormale de l’organisme, mais apparait à l’occasion d’élevations autrement marquées de la température ambiante fai¬ sant monter le uhermomêtre à 29-30° quelquefois même au-dela. 76 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA ERANCE tibles de revétir les deux aspects suivants : l’insomnie et des cris. céder la place au souffle du nord. Telle est la forme grave et déshydratante du processus, fort heureusement assez rare par comparaison avec les formes atténuées, lesquelles sont suscep¬ — le type thermique simple marqué surtout par une ascension thermique à 38, 39 ou 40°, sans aucune cause pulmonaire ni digestive; — le type irritatif simple caractérisé uniquement par de l’agitation, de Qu’il s’agisse de ces formes moyennes ou légères, l’évolution est toujours de courte durée : survenant sitôt que le vent du Midi s’installe — parfois quelques heures plus tot — les accidents disparaissent dès qu’il s’apaise pour Il est bien évident qu’en l'’ocurrence l’influence de la deshydratation est plus difficile à incriminer que ci-dessus — au moins en tant qu’élément maieur — d’autres mécanismes pathogéniques méritant dès lors d’être dis¬ cutés. Au reste. Mouriquand lui-même a estimé par la suite que le syndrome relevait fort probablement de l’intrication de facteurs variés dont certains. encore inconnus, pouvaient réaliser un véritable « indéterminé météorologi¬ que ». Dans cet indéterminé interviendrait, pour Policard, des phénomènes électriques et, plus spécialement, des variations notables de l’ionisation atmosphérique. C’est sans doute le moment de rappeler ici une théorie fort intéressante appuvée par l’Ecole lvonnaise. Comme suite aux travaux de de Rudder, von Nordenskiold. Stengel, etc, de Bergen, divers auteurs admettent actuellement en effet que les troubles décrits par Mouriquand et ses collaborateurs résul¬ tent en réalité :« de la rencontre et des réactions réciproques des masses atmos¬ phériques migratrices ». « Au niveau de cette rencontre, nous dit Pautrat s’établit une surface de discontinuité ou front. Suivant que la masse chaude se déplace vers la masse froide ou inversement, on a affaire à un front chaud ou à un front froid. Et bien que les perturbations des vents, de la pression barométrique, de la température, des atmosphériques (perturbations électro¬ magnétiques) soient opposées dans les deux cas, les résultats pathologiques sont les mêmes, qu’il s’agisse du passage d’un front froid, d’un front chaud ou de leur succession (cyclone) ». Cette opinion," apparemment confirmée par les incidents observés dans les crèches lvonnaises au cours de la nuit du 6 au 7 avril 1936 et ulté¬ rieurement à plusieurs autres reprises, a trouvé un excellent défenseur en Sommer (thèse de 1937) puis en Mouriquand qui, en 1948, est revenu avec Charpentier sur la question à l’occasion d’un article publié dans la Presse médicale (voir bibliographie). Si dans une crèche tous les nourrissons se montrent sensibles à l’action du vent du Midi, si tous pour le moins s’agitent et s’énervent quelque peu, une certaine proportion seulement d’entre eux accuse les symptômes pathologiques décrits dans les formes moyennes et graves. Il s’agit, dans la règle, tantôt d’enfants déjà malades et atteints d’affections digestives ou pulmonaires, tantôt d’enfants hypotrophiques se développant mal, tantôt enfin de sujets dits « hydrolabiles », incapables de retenir l’eau dans leurs tissus et présentant de ce fait d’incessantes variations pondérales en relation peut-être avec une insuf¬ fisance hépatique. C’est done surtout dans le lot des débiles, des prématurés des athrep¬ siques et des hérédo-spécifiques qu’il faudra songer à dépister le mal, quitte à faire bénéficier par priorité les suspects de ces crèches elimatisées récemment mises à l’étude dans un but prophylactiqu REGIONS DU CENTRE 37 Quant aux grands enfants et aux adultes sains, s’ils ne présentent guère ordinairement de troubles marqués, du moins se montrent-ils assez fréquem¬ ment incommodés, se plaignant alors de céphalées, de lourdeurs de tête. d’oppressions, d’asthénie physique ou psychique. Ces diverses manifestations peuvent d’ailleurs s’amplifier chez tous les instables et plus particulièrement chez les déséquilibrés de l’appareil circulatoire ou du système neuro-végétatif. C’est ainsi que dans les asiles on voit souvent les agités mener grand tapage pendant tout le temps que dure le vent, cependant qu’à la ville certains car¬ diaques en état de dyssystolie font dans le même temps des acci¬ dents brusques de décompensation cardiaque. Ainsi on s’aperçoit par ce rapide exposé que le syndrome du vent du Midi bien individualisé par l’Ecole lvonnaise constitue une entité morbide locale d’une réelle autonomie. Il se rapproche toutefois par bien des côtés du syndrome du Foehn observé dans la région d’Innsbruck (Berndt), les mêmes discussions pathogéniques avant été soulevées à son sujet au cours de ces dernières années. BIBLIOGRAPHIE 1. CHARPENTIER (R.), Recherches sur le Syndrome du Vent du Midi x. Thèse Lyon, 1928. 2. MOURIQUASD (G. ). Répercussion médicale liée aux variations météorologiques. Rapport du VIe Congr, de l’Ass. franc, de Pédiat, Paris, 1934. 3. MOURIQUAXD (G.), BERNHEIM et JOSSERAXD (A.). Syndrome du Vent du Midi chez les nourrissons, Lyon méd., 16 mai 1926. 4. MOURIQUAND (G.) et CHARPENTIER (R.). Météoropathologie et dystrophies infantiles. Presse méd, 22 déc. 1928. 5. MOURIQUAND (G.) et CHAHPENTIER (R.). Frontologie médicale, météoropathologie et notion de front aérien. Presse méd, 30 oct, 1948. 6. PAUTRAT (L.). Météoropathologie, Encycl, médic, chir, Intoxications et mal, par agents physiques, fasc, ne° 16501, ire édit, noy. 1937. 7. SOMMER (M.). La Météoropathologie. Recherches sur la frontologie médicale. The Lyon, 1937. VUL — LES MALADIES D’APPORT MÉDITERRANEEN à Lvon et dans te Couloir Rhodapien « Rickettsioses et Leishmanioses Bien qu’essentiellement localisées au bassin de la Méditerranée, la Fièvre boutonneuse et la Leishmaniose viscérale ne sont pas à Lyon des affections inconnues. Avant guerre, en effet, six cas de Fièvre exanthématique du littoral parfois aussi dénommée Dothtiendermie aigué par les auteurs lvonnais — ont pu être identifiés dans la ville, d’une part par Chalier à l’hopital de la Croix¬ Rousse, d’autre part par Paviot à l’hebital Edouard-Herriot, Si le premier de ces cas semble avoir été directement importé de Provence, il n’en est pas de même des cind autres qui paraissent avoir été contractés sur place, trois dans la rétion lvonnaise, un dans la Drôme et un à Pont-Saint-Esprit, les LA PAIIILCIE NL-PIINNEE PEC 78 intéressés n’avant jamais quitté leur pays d’origine et ne possédant par ailleurs aucun chien susceptible de s’être contaminé au-dehors, au contaet d’animaux étrangers. Ainsi donc, on a l’impression d’assister de nos jours a une exten¬ sion vers le Nord du fover boulonneux méditerranéen le long de la grande voie naturelle qu’est la vallée du Rhône. Cette impression se trouve du reste confirmée par l’éclosion autour de Lyon, au cours des étés 1945 et 1946, de sept nouveaux cas nettement autochtones de la maladie dont la des¬ cription vient de nous être donnée par Sédallian et ses collaborateurs. A cet égard, les auteurs rappellent l’évolution constamment bénigne du processus. la rareté des complications (un de leurs patients a néanmoins fait une phlé¬ bite) et l’inconstance de la tache noire de Piéri dont la constatation demeure cependant un très précieux appoint pour le diagnostic. Un autre exemple du cheminement actuel vers le Nord des affections méditerranéennes nous est fourni par la Leishmaniose viscérale dont diverses manifestations se sont produites récemment dans la vallée du Rhône ou sur ses confins. Mentionnons à ce sujet deux communications fort instructives de Péhu et Bertoye concernant, l’une un cultivateur de l’Ardèche (1935), l’autre un habitant des environs de Grenoble (1937), n’avant fait l’un et l’autre aucun séjour dans le Midi. Par la suite (1939). Bernhein et Sédallian ont également rapporté l’histoire d’un enfant de ll ans, domicilié dans le centre même de Lyon, dont la symptomatologie fut absolument typique, mais dont les circonstances de contamination demeurent assez obscures, l’origine médi¬ terranéenne ne pouvant être chez lui formellement exclue. A cette occasion. les auteurs ont insisté sur l’absence de toute endémie leishmanienne canine dans la région lvonnaise et sur l’existence par contre de phlébotomes dans les monts du Lyonnais ainsi que de rhipicéphales sur les téguments des nom¬ breux chiens. Enfin, plus près de nous, et pour compléter la liste des acei dents sporadiques connus, signalons encore les publications de Garin et de Paliard (1942) avant trait à des cas de Kala-azar méditerranéen avant évolue à Lyon et guéris par traitement antimonié; puis celles de Bernheim et Vial¬ tel (1945) et de Bernheim et Charrat (1951), cette dernière faisant état d’un traitement heureux par le glucantime, et se rapportant toutes deux à de nou¬ veaux cas autochtones ardéchois coincidant, cette fois, avec une morbidité et une mortalité canines très suspectes. Il est évident, dans ce cas, que la coexis¬ tence à Lyon et dans ses environs de Rhipicephalus sanguineus, de Phlébo¬ tonus perniciosus et d’une endémie canine serait de nature à faire redouter pour l’avenir une extension locale du processus leishmanien chez l’homme. Pour en revenir maintenant aux Rickettsioses, un mot du Tynhus histo¬ rique pour dire que celui-ci ne sévit désormais à Lyon que d’une manière tout à fait accidentelle. La dernière alerte semble remonter à l’année 1941 durant laquelle onze cas de cette redoutable affection purent être observés à l’inté¬ rieur de la prison (Girard). Le point de départ de ce petit fover parait avoir été l’arrivée dans cet établissement d’un porteur de germe évacué d’un péni¬ tencier de Marseille, ou régnait déjà une épidémie provenant elle-même d’Afrique du Nord (voir pathologie provencale. L. 1). Très rapidement du reste la menace s’est dissipée. Mais nous ne saurions à ce sujet passer sous silence une publication de Rochaix parue en 1932 et relatant la présence d Lyon de l’infection murine. D’après ce travail, en effet, plus de 10 %. des rats capturés dans la ville présentaient une réaction de Weil-Félix positive jus¬ qu’au 1640e, constatation qui n’est pas sans justifier une certaine vigilance de la part des Pouvoirs publics. Enfin, à ĉté de la Fièvre boutonneuse et des Typhus vrais, on classe encore parmi les Rickettsioses, outre le Trachome, en raison de l’aspect mor¬ phologique de son germe, la Fièvre de Queensland ou maladie de Derrick¬ Burnet, nouvelle venue de notre pathologie française. RÉGIONS DU CENTPE 79 Nous renvovons au chapitre consacré à la Corse (voir t. 1, p. 269). pour la description de cette dernière affection qui a fait son apparition dans notre ile méditerranéenne en 1945, puis à Strasbourg en 1948, avant de se propa¬ ger dans plusieurs de nos provinces et dans notre capitale. Nous nous bornerons à signaler ici que sa présence vient tout récemment d’être signalée à Lyon (1951) par Coudert et Garin qui en ont rassemblé 10 cas observés dans les services de Josserand, Barbier, Sedallian et Thiers, ainsi que dans celui de Camelin à l’ho¬ pital militaire Desgenettes. Avant pratiqué dans ces circonstances des séro¬ agglutinations systématiques chez 330 cultivateurs aux dispensaires de Ville¬ franche-sur-Saone, Tarare et Givors, les auteurs ont obtenu des résultats posi¬ tifs à Richetfsia burneti chez 77 d’entre eux, parmi lesquels des étrangers. Espagnols, Italiens ou Nord-Africains. Tous ces sujets auraient présenté peu de temps auparavant des épisodes fébriles généralement légers, atribués à une grippe. La contamination se serait faite à partir de bovidés importés pour une bonne part d’Italie ou d’Espagne (12 sérums positifs sur 24 de ces animaux), soit par contact direct, soit par l’intermédiaire du lait ingéré, le cheptel avant pu être lui-même infecté par des piqures d’Ixodes. Plus près de nous, une épidémie de fièvre 0 a fait son apparition à Moulins du 5 février au 20 mars 1952 chez les emplovés d’un train postal. Vingt et un sujets sur 30 ont dù de ce fait subir un arrêt de travail de près d’un mois. Sur 28 sérums prélevés de 1 à 3 mois après la maladie, 19 ont été positifs. Par ailleurs, un autre épisode semblable, mais plus modeste, est survenu peu après à Montluçon en avril 1952, toujours chez des emplovés des postes : sur 6 sérums examinés, 3 se sont révélés positifs. A l’origine de ce double accident il semble que l’on puisse incriminer les poussières transportées par les sacs postaux, ceux-ci avant été contaminés au cours de leur transport dans des vagons souillés par des produits d’origine animale hautement infectants. Quant au Trachome, il a, lui aussi, débordé largement son cadre habituel méditerranéen pour se répandre dans tous les grands centres industriels uti¬ lisant la main d’œuvre nord-africaine. Lyon n’a pas fait exception à cette règle En 1929 par exemple, le nombre des déclarations oficielles relatives à l’ophtal¬ mie granuleuse se chiffrait à 30 pour la ville même, à 7 pour la commune de Villeurbanne et à 3 pour le reste de l’arrondissement. Encore que ce bilan soit de toute évidence très au-dessous de la réalité, il n’en suffit pas moins à indiquer la nécessité qu’il y a à exercer une surveillance sévère par¬ tout où se sont installés des éléments exotiques et plus particulièrement en certains points de la banlieue. La conclusion que nous pouvons finalement tirer de cette rapide revue est que l’agglomération lvonnaise parait se cogtporter à l’égard des affections exotiques la manière d’un important relais placé sur la grande voie Iympha¬ tique qui unit le Midi à Paris. Cette situation explique les incidents que nous venons d’exposer, lesquels risquent d’ailleurs de se multiplier dans l’avenir. RIBLIOCRAPHIE FIEVRE BOUTONNEUSE. 1. CHALIER et CAXET. Deux nouveaux cas de dothiendermie aigué. Lyon méd., n° 435. t, 158, 25 oct. 1936, p. 470. 2. CHALIER, PLAUCLU ct BADINAND. Lyon méd, 2% mai 1934, p. 625. S. NNNSX, PLGUCHU et DAUYERCNE. Un cas de dothiendermie aigué. Soc, ḿd, hop. Lyon, 15 juin 1937. 4. SEDALLLAX (P.). Fièvre boutonneuse à porte d’entrée conionctivale. Soc, méd. h9p. Lyon, 3 déc, 1935. tainement bien au-dessous de la vérité. LA PATLIOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 9 AUTRES TYPHUS. 1X — LE PALUDISME DANS LA PLAINE DU FOREZ Si l’on met à part la plaine des Dombes que nous avons rattachée à la Franche-Comté pour des raisons de commodités, il ne fait aucun doute que la région du centre de la France qui a eu autrefois le plus à souffrir du Paludisme est le petit bassin d’effondrement du Forez situé dans le dépar¬ Toute parsemée d’étangs et de marécages, isolée et peu ferile, siège d’un anophélisme particulièrement actif, cette étroite dépression était tout naturellement destinée à devenir un foyer d’élection pour la maladie. Il y a soixante-dix ans à peine, l’endémie malarienne y sévissait encore avec inten¬ sité, semant la désolation dans les villages. D’après un document publié par A. Rochaix auquel nous faisons ici de larges emprunts, on pouvait compterx au cours de la seule année 1880 jusqu’à 426 atteintes palustres, parmi les 23 600 habitants d’un groupe de 31 communes, le taux le plus élevé avant été constaté à Sainte-Foy-Saint-Sulpice, petite localité de 505 âmes où furent dépistés 75 cas. Encore ne s’agit-il là que de chiffres très approximatifs, cer¬ NINIINS CU NELYLINE 81 Or, voici que depuis un demi-siècle environ la situation s’est modifiée du tout au tout, les cas de contamination autochtone étant devenus abso¬ lument exceptionnels de l’aveu même de tous les médecins praticiens exer¬ cant dans la région. A quoi faut-il donc attribuer une extinction aussi rapide de l’endémie localez On à pensé tout d’abord que le fait pouvait être imputé à la disparition des réservoirs de virus En réalité cette première hypothèse ne parait guère à retenir. S’il est vrai que les cas d’infestation autochtone sont devenus très rares dans le pays, ils existent encore cependant. D’autre part, on voit tou¬ jours de temps à autre s’installer dans la région des coloniaux et des étran¬ gers (Italiens surtout) venant de contrées fortement impaludées et porteurs d’hématozoaires. Il est juste de dire toutefois que ces réservoirs de virus ne tardent pas à se stériliser apres un séjour de quelques mois dlans le Massif Central. On à songé dès lors à incriminer une régression vrogressive de l’Ano¬ phélisme locsl. A ce propos, le professeur Gujart, de Lyon, s’est efforcé récem¬ ment de repérer les brincipaux gites d’4. Macnlipennis encore existants dan le Forez. Il en a décelé ainsi d’assez importants dans les zones marécageuses LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 82 situées aux alentours de Arthun, Poncins, Mornand et Feurs, de même que le long de la voie ferrée qui part de Montbrison en direction de Lyon. Contre toute attente, il s’est apercu que l’anophélisme, loin de s’éteindre, était au contraire en progrès manifestes dans tous les secteurs prospectés. Force est donc de reconnaitre qu’il existe encore aujourd’hui comme par le passé des facteurs favorables à la persistance de l’endémie palustre, S1 celle-ci est depuis quelque temps en train de s’épuiser, c’est que certainement des éléments nouveaux sont intervenus. Il était logique à cet égard d’attacher une grosse importance à l’aseche¬ ment des marais entrepris dès 1854, puis poursuivi conformément à la conven¬ tion du 24 juin 1856. Il faut malheureusement avouer que ces travaux ont tardé à produire leurs effets, toutes les autres causes d’insalubrité avant conti¬ nué à subsister. Ce n’est que plus tard, lorsque les opérations d’assèche¬ ment ont été complétées par des travaux d’aménagement divers (drainage. régularisation du bord des étangs, etc.), que les premiers résultats tangibles ont été obtenus. Néanmoins. Rochaix et d’autres auteurs ne pensent pas que ce soit là qu’il faille rechercher l’origine réelle des transformations survenues. Roubaud fait jouer un grand rôle à la multiplication du gros bétail qui¬ partout où il existe, attire à lui les femelles d’Anophèles, protégeant ains l’homme contre leurs piqures. Pourtant. E. Sergent à trouvé en défaut cette influence dérivatrice des animaux au cours de certaines enquêtes menées sur la disparition du Paludisme, en particulier à Argentat (1), petite ville située sur la Dordogne, dans le sud du département de la Corrèze. De plus. dans le Forez même, on peut noter que la diminution de la Malaria est loin d’avoir partout suivi les variations du cheptel. En fin de compte, le facteur décisif parait être d’ordre économique et social et résider dans les améliorations considérables apportées au standing de vie du travailleur agricole. Mieux nourri, plus confortablement logé, doté d’un outillage moderne réduisant sa fatigue physique, le cultivateur a vu s’accroitre bientôt sa résistance aux infections en même temps que sa capa¬ cité de guérison en cas de maladie déclarée. Une telle évolution n’est d’ailleurs pas spéciale à la plaine du Forez Elle se retrouve partout où l’endémie palustre a eu à faire face à la fois à un accroissement du Bien-être et à une amélioration de l’hygiène générale. BIRLIOCRAPHIE un nombre relativement élevé de Rougcoles dans le secteur Iyonnais. BÉGIONS DU) CENTRE 63 X — LES MALADIES INTECTIEUSES, ÉPIDÉMIQUES ET CONTACIEUSES COSMOPOLITES LES FLEVRES ÉRUPTIVES Froides, austères, souvent arides, les régions que nous avons en vue ici¬ et plus spécialement le Massif Central, doivent être à priori le siège d’une pathologie infectieuse particulièrement développée. Examinons s’il en est effec. tivement ainsi à la lumière des statistiques de l’Institut National d’Hygiène qui sont le reflet des déclarations officielles. Afin d’arriver à une idée exacte de l’évolution des maladies en cause, nous allons envisager le problème au cours des deux périodes successives 1938-1945 et 1949-1953. Les indices de morbidité que nous indiquerons ci-dessous représentent la moyenne des indices annuels pour 100 000 habitants relevés dans chaque département durant la période considérée. Il en résulte un classement parmi les 90 départements francais que nous inscrirons en regard. L. — Indices de morbidité dans le centre de la France pendant ta période 1938-1945 (J. N H.). Quelles conclusions pouvons-nous tirer de ces chiffres2 Malgré quelques réponses discordantes, nous pensons être en droit d’émettre l’opinion sui¬ vante : La pathologie infectieuse dans la popnlation civile s’est surtout carac¬ térisée ehtre 1988-1939 et 1945 par : — l'’existence de deux grands fovers scarlatineux dans les régions de Lyvon et de Saint-Etienne; l’apparition de plusieurs fovers de Méningite cérébro-spinale, l’un en Savoie, un autre dans la Loire, le troisième dans le Rhône; LA PATLIOLOGIE BÉGIONAIE DE LA FRANCE P Ces faits mis à part, la situation épidémiologique s’est révélée comme sans incidences notoires. IL. — Indices de miorbidite pendant ta seconde période 1919-1953 (LN H.). Ce tableau ne fait, en somme, que confirmer à quelques nuances près le tableau précédent. D’une manière générale, il témoigne en effet d’une morbi¬ dité par maladies, infectieuses particulièrement élevée dans trois secteurs bien déterminés qui sont : — l'’aglomération lyonnaise et le département du Rhône; — l’agglomération stéphanoise et le département de la Loires — les départements alpestres et surtout la Savoie. On remarquera, en outre, l’extension spéciale prise par la Rougeole dans le Cantal où 375 atteintes ont pu être observées en 1949 et 775 en 1952. Tout naturellement, on se trouve amené à invoduer, à l’origine de ces manifestations répétées, la rigueur du climat et surtout son humidité extrême, les brouillards de Lyon et de Saint-Etienne étant à cet égard justement célèbres. Or, ceci nous conduit à dire un mot d’une autre affection, très for¬ temtent influencée, elle ausi, par les conditions atmosphériques, à savoir le rhumatisme articulaire aigu, dont la fréquence vraiment anormale dans le centre de la France a déjà été signalée par de nombreux auteurs. Que nous apprennent donc à son sujet les statistiques médicales de l’Armée, les seules d’ailleurs valables en l’occurrence puisqu’il s’agit là d’une maladie dont la déclaration n’est pas obligatoire dans les milieux civils et d’autre part d’une affection du jeune, sévissant avec une prédilection très marquée à l’âge du service militaire 2 Elles nous montrent tout d’abord que l’indice de morbidité pour mala¬ die de Bouillaud atteignait avant guerre (période 1929-1936) les chiffres énor¬ mes de 20,50 pour 1 000 hommes d’effectif dans la 12° région de Limoges, 18,41 dans la 13e région de Clermont-Ferrand et 18,26 dans la 14° région de Lyon, placant celles-ci respectivement aux le, 2° et 4e rangs de nos 20 régions métropolitaines (Gouvernement militaire de Paris compris). Depuis ces taux ont baissé. Mais l’actuelle 8° région militaire de Lyon. qui remplace l’ancienne 14; région avec un territoire d’ailleurs très agrandi. se classe aujourd’hui (période 1951-1952) au tout premier rang avec un indice de 8,64. Ces constatations assez sévères sont du reste étavées par les statis¬ tiques hospitalières. C’est ainsi qu’en moins de 7 ans. Meersseman a pu obser¬ ver dans son service de médecine générale de l’hôpital militaire de Lyon 190 cas de rhumatisme articulaire aigu presque tous chez des jeunes, et 2 fois sur 3 chez des sujets n’avant jamais présenté de manifestations antérieures. L’auteur fait remarquer à ce propos que les cas sont survenus dans des Unités très diverses et surtout très éloignées, sans qu’aucun lien, aucune filiation puissent être établis entre eux. Ses conclusions se trouvent en accord avec celles de Costedoat qui, titulaire de l’autre service de médecine de cet hopital, a pu. de son côté, enregistrer à la même époque un nombre sensiblement équiva¬ lent d’atteintes. Des faits analogues avant été signales dans les hôpitaux civils, tant à Lyon que dans les départements voisins, surtout ceux du Massit Central, on ne s’étonnera plus dès lors de la fréquence des cardiopathies dans ces régioris. C’est là une notion sur laquelle nous désirions tout particulièrement insister pour terminer. RÉGIONS DU CENTRE RIRLIOCRAPHIE 86 X1 — LA POLIOMYÉLITE C’est en 1885 à Sainte-Foy-l’Argentière dans le Bhône qu’à l’occasion d’une petite épidémie de 13 cas. Cordier, chirurgien en chef de l’Antiquaille. révéla pour la première fois au monde médical l’existence de la Poliomvélite dans notre pays Rien que brève et très localisée, cette alerte fut assez sévère pour causer de très vives inquiétudes parmi les praticiens de la région, dès lors avertis de l’apparition sur notre sol d’un mal nouveau. A partir de cet épisolle jiusqu’a une date encore récente, l'’affection ne devait blus quère se manifestex qhe très discrètement et à intervalles éloignés dans le couloir rhodanien ainsi que dans les secteurs limitrophes des Alpes et du Massif Central. En effet, c’est tout au plus si l’on trouve dans la biblio¬ LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 66 graphie de cette époque mention de deux incidents, d’ailleurs d’importance modérée, et qui furent les suivants : D’une part l’épidémie de la Creuse de 1910 qui causa 31 auteintes er envahit successivement cinq communes de l’arrondissement de Guéret. Madame Tinel-Giry lui rattache volontiers deux cas survenus l’un à Loches en Corrèze et l’autre à Saint-Flour dans le Cantal. D’autre part l’épidémie de Haute-Savoie de 1930, qui comporta 62 cas. naquit à Cluses, puis s’étendit à Samoene, Thonon et au bassin de l’Arve avant de pénétrer en Suisse dans le canton de Genève. On a souvent invoqué, pour expliquer l’immunité relative dont ont béné¬ ficié ces contrées, l’isolement du à leur nature montagneuse qui les maintenait à l’écart des voies de communication essentielles en même temps que des grands courants humains. Actuellement, cet isolement s’est beaucoup atténué, permettant ainsi aux germes infectieux l’accès des plus hautes vallées. Ceci est tellement vrai qu’en 1943 le Plateau Central a compté parmi les régions françaises les plus forte¬ ment touchées par l’énorme vague de morbidité poliomvélitique déferlant sur notre continent. On sait que l’étude de ce violent raz de marée a suscité de nombreux travaux. Parmi ceux-ci, nous retiendrons avant tout les articles de Cléret et de Chassagne publiés l’un et l’autre dans les recueils de l’Institut National d’Hygiène et consacrés essentiellement aux incidences de la maladie sur le territoire de l’Allier et dans les départements voisins. D’après Cléret, le processus aurait débuté dans le centre de la France par le Montluconnais, gagnant rapidement les secteurs de Moulins et de Vichy pour se répandre ensuite sur le Puy-de-Dôme, le Cantal et la Haute¬ Loire. Au total, il aurait occasionné, dans ces 4 départements, 255 atteintes ainsi réparties : Dans T’Allier : 110 cas dans le secteur de Mondluçon, 16 dans celui de Moulins et 20 dans celui de Vichy. Dans le Puy-de-Dôme : II cas dans l’agglomération clermontoise et 70 dans le reste du département. — Dans le Cantal et la Haute-Loire : respectivement 15 et 13 cas. Ces chiffres sont — à quelques unités près — evactement superposables à ceux fournis par Chassagne dans son document officiel de 1946, lequel signale en outre, au cours de cette même poussée de 1943, 38 cas dans la Creuse, 25 dans la Haute-Vienne, 48 dans l’Avevron, 1I en Corrèze et 10 dans la Loire. Ces quelques faits ne font que confirmer le lien étroit qui a certai¬ nement existé entre le foyer bourbonnais d’une part et, d’autre part, le foyer aquitain et le fover rhodanien, ce dernier avant englobé, outre les 69 cas du Rhône, une cinquantaine de cas dans les trois départements alpins de la Haute-Savoie, de la Savoie et de l’Isère. Ils montrent, au surplus, quelle à pu être la puissance d’expansion de cette épidémie qui, en fin de compte. a réussi à submerger tout l’ensemble des territoires appartenant au bloc cen¬ tral de notre pays. Cette flamhée devait, du reste, comporter des résonances ultérieures. notamment dans les départements du Rhône, de la Savoie, de la Loire et de l’Allier où les déclarations demeurent encore nombreuses au cours des années 1944 et 1945. Comme déjà il y avait eu en 1938 quelques velleités d’épidémie en certains points des zones envisagées, il devenait dès lors fort occupé parmi l’ensemble des départements français : PÉGIONS DUI CENTRE 87 intéressant d’examiner quelle avait pu être la répartition des taux de morbi¬ dité durant toute la période 1938-1945, ceci afin de pouvoir juger le problème sur le fond et non pas exclusivement sur ses paroxysmes passagers. Si l’on met à part le département de l’Avevron rattaché en majeure partie à la région du Bas-Languedoc, les moyennes ainsi calculées sont venues confirmer cette notion en cours, à savoir que la maladie accuse une prédilection particuliè¬ rement marquée pour deux zones bien circonscrites susceptibles d’être défi¬ nies comme suit : — a l’ouest : le groupement Allier - Puy-de-Dômes — 3 l’est : le groupement Rhône - départements savoyards. ces deux groupements rivalisant alors avantageusement avec les plus ancien¬ nement atteintes de nos provinces françaises, qu’il s’agisse du Maine et de l’Anjou, de la Bourgogne, de la Gascogne ou de la région parisienne. Bien mieux, durant le laps de temps considéré, c’est l’Allier qui est venu se classer au premier ranx de tous les départements français pour la densité de ses atteintes, celles-ci s’étant élevées au taux vraiment impressionnant de 6 pour 100 000 habitants. Qu en est la question à l’heure actuelle2 Dans l’ensemble, on peur dire qu’elle ne s’est guère modifiée. On notera seulement qu’au cours de l’année 1951, marquée par une forte reprise épidémique, les deux fovers principaux mentionnés ci-dessus se sont un peu déplacés vers le sud, l’un en direction du Cantal et l’autre de l’Isère. C’est ainsi que daps le Cantal l’indice de morbidité s’est élevé en l’occur¬ rence à 22,9 correspondant à un total d’une quarantaine de cas. Ceux-ci se sont surtout observés dans le nord-ouest du département autour de Riom¬ ès-Montagnes, dans le territoire du système hydrographique descendant du col du Lioran vers la Dordogne. Dans l’Isère, il y a eu simultanément 89 cas (entrainant un indice de morbidité de 15) groupés essentiellement dans l’arrondissement de Crenoble (78 atteintes dont 27 dans la ville même). A ces quelques nuances près, il n’y a donc rien de changé dans la topo¬ graphie locale de la maladie. Voici d’ailleurs quels ont été, durant la période 1949-1953, les indices de morbidité pour 100 000 habitants (LM.b.) dans cha¬ cun de nos départements du Centre avec, en regard, le classement (C1). La Poliomvélite dans le Centre de 1949 a 1953. (d’après l’Institut National d’Hygiène). Peut-on maintenant tirer argument de toutes ces données pour ou contre lhypothese l’une Locotistion luctu ds contmirations at2 dbords des cors d’equ2 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 83 Si la question ne peut être immédiatement tranchée pour la Savoie, elle offre déjà moins de difficultés en ce qui concerne les vallées du Rhône et de l’Isère où les cas paraissent s’être plutôt concentrés au niveau des secteurs les plus richement irrigués. C’est ainsi que pour l’Isère, ils se sont révélés d’une particulière densité dans les zones de confluents, notamment ceux de cette rivière avec le Drac et du Drac avec la Romanche (Béthoux et Michel¬ Marguerit). A Lyon même, ils se sont montrés par ailleurs essentiellement fré¬ quents dans les ler, 2e et 3e arrondissements, ainsi que dans la banlieue Est à Villeurbanne (Sédallian). Les mêmes conclusions sont valables pour le Massif Central ou les épi¬ démies semblent avoir sévi avec une particulière intensité, dans l’Allier, le long du Cher et de ses affluents, dans le Puy-de-Dôme en bordure de l’Allier de la Dore et de la Sioule, dans le Cantal dans les conditions qui viennent d’être indiquées. Il est vrai que dans les régions montagneuses les vallées constituent les seules voies de communication pratiques pour le commerce et les échanges. le rôle joué par les contacts humains ne pouvant de ce fait être complè̂te¬ ment écarté dans la diffusion de la maladie. Du point de vue clinique enfin, les études de Cléret, comme celles de Sédallian, permettent d’insister sur une notion fondamentale, à savoir la fré¬ quence, tout au moins à la période de début, des accidents algoméningés. phénomène s’opposant à la rareté relative des paralysies brusques. A ce propos, il ne nous parait pas inutile de rappeler pour terminer les trois stades par lesquels passe le plus souvent le diagnostic au cours de l’évo¬ lution du processus, ces trois stades pouvant, d’après Melnotte, se résumer comme suit : 1) Une étape de possibilité durant laquelle le mal ne pourra ordinai¬ rement êtret soupconné qu’une fois l’épidémie déclarée, la constata¬ tion d’une anxine, d’une diarrhée ou d’une courbature généralisée faisant alors plutôt penser à une grippe, à une entérite ou à un rhu¬ matisme banal; 2) Une étape de probabilité marquée surtcut par la constitution d’un syndrome puéningé qu’il faudra savoir dépister au besoin par ses petits signes (spin-sign des auteurs américains, signe d’Amos, signe de Fla¬ teau), confirmer par la ponction lombaire et rattacher ensuite à sa véritable cause; 3) Une étape de certitude enfin, avec ses paralysies caractéristiques dont l’apparition viendra lever tous les doutes, malheureusement trop tar¬ divement dans la plupart des cas, le fait étant aujourd’hui bien établt que c’est uniquement lors des deux phases initiales de la maladie que la thérapeutique peut encore avoir quelque chance de succès. RIRLIOCRAPRIE BéGIONS DU CENTRE 89 4. CLERET (M.). La récente épidémie de Poliomvélite dans la région de Clermont¬ Ferrand. Rec, des Tray, de l’Inst, nat, d’HYR, t. l, vol. I, 1944, p. 149-175. 5. CORDIER, Relation d’une épidémie de paralysie atrophique de l’enfance. Lyon méd. 1-8 janv. 1888. 6. LACROIX (P.). L’épidémie de Poliomyélite dans l’Allier. Conc, méd., 11 sept, 1943. p. 723. 7. LATARCE (P.). La Poliomvélite épidémique en France. Thèse Lyon, 1934. XIL — AUTRES AFFECTIONS A. — LA SPIROCHÉTOSE ICTÉRICENE. 4 Lyon, où le rat est pourtant un réservoir de virus assez répandu puisque Rochaix a pu dénombrer jusqu’à 10 et même 20 % d’animaux contaminés. la Spirochétose ictérigène apparait encore de nos jours comme une affection peu fréquente chez l’homme. Si l’on met à part la petite épidémie d’Ictère de Chaselay, décrite en 1842 par Chaudon et d’origine très vraisemblablement spirochétosique, trois cas seulement de cette maladie ont pu être décelés entre 1918 et 1932 dans toute l’agglomération lyonnaise alors que durant ce même laps de temps les observations commençaient déjà à se multiplier à travers la banlieue pari¬ sienne. La raison en est sans doute que les eaux d’égout de la ville, de réaction acide ordinairement, se montrent peu favorables à la sur¬ vie des Spirochêtes véhiculés par les urines du rat. Ainsi, en dépit du taux de parasitisme élevé de ces rongeurs, le danger de diffusion du processus à la population semble devoir demeurer relativement réduit. Depuis ces trois cas, l’un à forme méningée (Froment), le second à forme hépatoméningitique (Morénas), et le troisième à forme anictérique (Meersse¬ man), d’autres faits se sont succédé, mais leur cadence est restée très faible, leur publication avant d’ailleurs été le plus souvent motivée, beaucoup moins par un souci de statistique, que par le désir de mettre en lumière un aspect clinique particulier ou les effets d’une thérapeutique nouvelle. Néanmoins, en 1947, quand Sédallian d’une vart et Bavault de l’autre entreprirent d’étu¬ dier l’action de la pénicilline sur la maladie, c’est sur plus d’une vingtaine de cas qu’ils réussirent à appuver leurs expériences. Cest dire que l’affec¬ tion n’est peut-être pas en définitive aussi exceptionnelle qu’on veut bien le croire, sa découverte étant avant tout fonction dé la peine que l’on prend à la dépister. C’est en la recherchant ainsi systématiquement qu’il nous a été possible en 1944 de l’identifier dans une région ou, à notre connaissance, elle n’avait encore jamais été signalée Il s’agit de la région de Vichy où nous avons pu réunir une dizaine de cas appartenant à des formes cliniques variées lor d’une épidémie locale avant pour centre les vallées de l’Allier et du Sichon et. du reste, consécutive à l’infection de ces rivières très fréquentées des baigneurs. Comme toujours, le processus dans sa forme ictérique classique sera à distinguer des autres variétés d’ictères infectieux et, en particulier, de ces ictères catarrhaux épidémiqnes d’étiologie reconnue depuis virale que l’on voit survenir un peu partout par brusques bouffées et dont Courmont a pu rassem bler 90 cas répartis entre Lyon et Montélimar, au cours du seul été 1933. RIRLIOCRAPHIE LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 90 Dans les formes anictériques on pensera aux méningites lymphocytaires diverses, sans oublier cette nouvelle venue de la pathologie française qu’est la Leptospirose grippo-typhosa dont un cas a été relaté par P.-L. Marie sur les bords de ta Creuse en 1943, d’autres par Sédallian et aussi par Ravault dans la région lyonnaise en 1947, et qui parait s’être manifestée à nous dans l’Allier quelques mois après l’épidémie du Sichon gans qu’il nous ait éte malheureusement possible d’apporter la preuve formelle de son existence. BIBLIOCRAPHIE B. — LE SODOLU. Cette affection se manifeste à Lyvon sous forme de cas très espacés parmi lesquels nous citerons ceux déjà anciens de Goyon (1920) et Cabrielle (19341 et celui plus récent de P. Ravault et ses collaborateurs (1947). C — LA TULARÉMIE Faisant rapidement tache d’huile depuis son apparition toute récente en France, la Tularémie a commencé par encercler le Massif Central par la Bourcogne, le Nivernais, la Bretagne et l’Aquitaine avant de l’atteindre. Un premier cas a été signalé dans la Crense en 1951. D’autres suivront sans doute de très près qui pourront être le point de départ de nouveaux foyers. RÉGIONS DU CENTRE 9) D. — LA LEPRE. Comme tous les grands centres urbains, la ville de Lyon présente quelques Lèpres d’importation, ce qui ne saurait surprendre étant donné qu’elle se trouve située sur la route qui, remontant le Rhône, vient des régions méditerra¬ néennes infectées. Mais elle héberge aussi parfois des Lèpres autochtones. témoins ces cas publiés par Gaté en 1933 concernant deux sœeurs qui n’avaient jamais quitté leur pays. BIBLIOCRAPHIE GATÉ (J.), DEVIC (A.), MICHEL (P.) et CHAPLIS (A.). Un cas de lèpre autochtone. Soc. Méd. hoD. Lxon, 16 mai 1933. E. — LE TÉTANOS. Diverses publications récentes ont porté sur le mode de répartition du Tétanos dans certains secteurs se ratachant au Massif Central. C’est ainsi que le professeur Galy a établi que cette affection, rare dans la région lyonnaise et la Lozère, s’observait plus souvent dans l’Ardèche, aux environs de Privas et de Vals notamment. De leur côté, Bernard-Griffiths et Me Groslier ont insisté sur la fréquence du processus dans les pallées de l’Allier et de la Dore le reste du département du Puy-de-Dôme et en particulier Clermont-Ferrand paraissant au contraire indemnes. On pourra constater à la lecture du docu¬ ment suivant que les statistiques officielles ne sont pas en désaccord avec l’opi nion de ces auteurs La mortalité tétanique dans le Centre de la France durant la période 1948,1951 Indices établis par l’LN. H. pour 100 000 habitants BIRLIOCRAPHIE 1. BERNARD-(LHIETITIS et Mme GROSLIER,. Concours méd, 6 déc, 1952. P. CHAYAINNIZ (J.). Les zones tétanigenes en France, Acad, chir, 7 janv, 1953 tétanigènes), Thèse Paris, 1952, n° 381. porcins dans certaines régions. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 92 F. — LE CHARBON. Comme partout ailleurs, le charbon bactéridien a beaucoup diminué chez l’animal depuis la vaccination systématique du bétail. Chez l’homme, on ren¬ contre encore de-ci de-là quelques cas de contamination. C’est ainsi que dans le Puy-de-D̂me deux cas de pustule maligne ont été observés depuis une vingtaine d’années, l’un en 1927 incontestablement dù à une inoculation lors de la prévaration d’une vache atteinte de la maladie, l’autre en 1943 d’ori¬ gine inconnue. Il s’agissait dans ce cas d’un agriculteur dont la lésion localisée à la face pouvait être attribuée soit à l’utilisation d’un blaireau récemment acheté, soit à un apport de germes par des mains souillées au contact de la terre alluviale de la plaine de Riom. Dans la Haute-Savoie, cinq cas de conta¬ gion charbonneuse ont été semblablement signalés en 1936, 1937, 1940 (2) et 1943, tous attribuables comme d’habitude à la manipulation d’animaux avant succombé à l’infection. (Renseignements fournis par les Directeurs départe¬ mentaux des Services Vétérinaires.). C. — L’ÉRYSIPÉLOIDE DE ROSENRACH On sait que cette affection, trop peu connue, fait partie du groupe des maladies transmissibles de l’animal à l’homme et qu’elle a été surtout iden¬ tifiée par les vétérinaires qui en sont les victimes habituelles (voir pathologie du Midi océanique. T. 1). En Haute-Savoie, deux cas de cette affection ont été signalés il y a une vingtaine d’année (1938) dans une exploitation se livrant à l’élevage du porc et où sévissait le rouget : l’un chez le propriétaire même de la porcherie mordu par une de ses bêtes, l’autre chez le vétérinaire qui avait été appelé à pratiquer la vaccination du troupeau. Mentionnons encore l’observation publiée par Gaté et Chanial à Lyon en 1936 et concernant une ménagère qui s’était piquée avec un os de lapin. Mme en supposant que des accidents soient restés ignorés, les cas n'’en demeurent pas moins rares. A notre connaissance, aucun n'’a encore été décelé sur toute l’étendue du Plateau Central, malgré un élevage assez intensif de BIBLIOCRAPHIE H. — LA FIEVRE APHTEUSE La Fièvre aphteuse n’est nullement particulière à la Savoie et à l’Au¬ vergne. Déjà signalée dans la vallée de la Caronne, nous la retrouverons ultérieurement en Franche-Comté, dans les Vosges et jusque dans le bassin parisien. Spéciale aux régions de grand élevage, elle devrait normalemen sévir avec une certaine fréquence dans tout le centre de la France, si cette fréquence même n’était chez l’homme éminemment sujette à discussion pour des raisons que nous allons bientôt indiquer. Tantôt considérée comme banale. et tantôt coinme exceptionnelle selon les opinions en cours, cette affection nous a paru mériter les quelques commentaires qui vont suivre, destinés sur tout à préciser la place qu’elle occupe dans la nosographie. RÉGIONS DU CENTRE 93 La Fièvre aphteuse est une fièvre éruptive due à un agent microscopique du type des virus filtrants. Identifié dès 1898 par Loeffler et Frosch, ce germe comporterait 3 variétés dénoinmées O. A et C, distinctes essentiellement par leurs propriétés immunisantes. La maladie humaine dérive de la maladie animale qui frappe, outre cer¬ tains animaux sauvages (cerfs, antilopes, rennes, etc.) la plupart de nos ani¬ maux domestiques, ovins, caprins et bovins. Elle détermine chez ceux-ci des épizooties redoutables par l’importance des pertes qu’elles occasionnent. En médecine vétérinaire, elle se traduit avant tout par un état infectieux sévère accompagné d’une éruption pustuleuse des muqueuses et de suppura¬ tions superficielles intéressant les extrémités des membres et principalement la périphérie des ongions. Quand on compare la contagiosité extrême de la Fièvre aphteuse chez les animaux et l’extension des épizooties qui en résultent à la rareté des cas chez l’homme, on se trouve tout naturellement amené à douter de la réalité de la maladie humaine. Au reste, ce doute se voit encore renforcé par l’échec de maintes tentatives d’inoculation effectuées de l’animal à l’homme (Nicolle). Pourtant, parallèlement à quelques épizooties, on a pu voir se dévelop¬ per des foyers épidémiques indiquant, semble-t-il, un certain pouvoir d’adap¬ tation du virus à l’homme. En dehors de ces épisodes, des cas isolés sont, par ailleurs, de temps à autre signalés. Dans la région du Rhône mentionnons à ce propos une publi¬ cation de Rochaix et Delbos et, en Savoie, diverses constatations, d’ailleurs non bijologiquement confirmées, émanant de praticiens. Si l’on oscille ainsi entre l’épidémie franche d’une part, et les cas spora¬ diques minutieusement comptés d’autre part, c’est qu’au fond on n’est guère fixé sur les limites exactes d’un processus diagnostiqué, suivant les tendances. tantôt avec trop de libéralité tantôt avec trop de parcimonie. Il existe pourtant un test rigoureux de l’affection : il réside dans l’ino¬ culation à un animal choisi (cobave, bovin, porcelet) de produits patholo¬ giques extraits notamment de lambeaux de vésicules : malheureusement, soit que les circonstances ne s’y soient pas prêtées, soit que le processus humain soit considéré comme par trop bénin, la méthode ne s’est guère répandue et n’est que très rarement utilisée. De toute facon, la transmission spontanée de l’affection à l’homme peut se faire, tantôt directement par intermédiaire de plaies cutanées chez des sujets vivant professionnellement au contact des animaux, tantôt indirectement à la suite de l’ingestion de lait, de beurre ou de fromage contaminés. La maladie humaine, une fois déclarée, est absolument semblable à celle qui se développe chez les animaux, tout au moins dans les formes typiques. Après une incubation de 3 à 5 jours, le début se manifeste par un malaise général et par des sensations de brulure au niveau des muqueuses, parfois aussi à la paume des mains et à la plante des pieds. Peu après, la fièvre monte à 39 ou 40e cependant qu’apparaissent les suppurations péri-unguéales et les aphtes caractéristiques. Ces aphtes siègent essentiellement sur les muqueuses des lèvres, de la langue et du pharynx, mais peuvent également se rencontrer dans le nez. sur les conionctives et même dans le vagin. Souvent ils débordent de là sur les téguments avoisinanis. Quelquefois même il existe un véritable exanthème géné ralisé prédominant sur les parties distales des membres. vement le débat. LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 94 Typiquement, ces éléments sont constitués par des vésicules de quelques millimêtres de diamêtre, susceptibles de confluer et s’ulcérant finalement tot ou tard pour donner naissance à de petits cratères que recouvre bientôt une croutelle jaunâtre peu adhérente. La stomatite provoque ordinairement une salivation abondante qui¬ associée à une déglutition difficile, peut engendrer un certain degré de déshy¬ dratation de l’organisme. Quant aux suppurations péri-unguéales, assimilables au « piétin » des ani¬ maux à onglons, elles demeurent au stade de tourniole, pouvant néanmoins entrainer la chute des ongles. Telle est la forme typique qui aboutit ordinairement à la guérison après une convalescence souvent prolongée. Des décès ont toutefois été enregistrés. en nombre d’ailleurs variable d’une épidémie à l’autre (I à 8 %), imputables, soit à l’affaiblissement général favorisé par la déshydratation, soit à une loca¬ lisation du virus au poumon, au mvocarde, au rein ou au foie, soit à une affection intercurrente. Quoi qu’il en soit, ces formes sont peu fréquentes en comparaison des tormes légères, écourtées ou frustes qui, la plupart du temps méconnues. témoignent de la faible affinité du virus pour l’homme. C’est en fonction surtout de ces dernières que se posera le diagnostic dont il est superflu de dire combien il sera délicat dans certaines circons¬ tances. Bien entendu, en présence d’un malade souffrant en même temps de stomatite aphteuse et de suppuration péri-unguéales multiples, c’est tout de suite à la Fièvre aphteuse due l’on devra penser, surtout si le début à suivi de quelques jours un contact suspect. Mais cette éventualité est plutêt rare. Beaucoup plus souvent on aura affaire à un sujet porteur d’éléments isolés dont l’interprétation ne sera pas toujours aussi aisée. Dans certains cas les vésicules déborderont plus ou moins largement sur les téguments. On tiendra alors le plus grand compte de la diffusion de ces éléments et de l’absence de douleurs concomitantes pour éliminer : — les vésicules herpétiques qui, groupées en bouquets, siègent habituel¬ lement à la séparation même de la muqueuse et de la peau; l’éruption du zona surtout, laquelle est unilatérale, à topographie radi¬ culaire, s’accompagnant de phénomènes douloureux parfois très accusés. Mais dans d’autres cas il y aura atteinte exclusive des muqueuses : c’est alors que les difficultés apparaitront à leur maximum. Nous excluons tout de suite de la discusion la Diphtérie, la Syphilis des muqueuses et le Muguet qui ont des signes cliniques, bactériologiques et séro¬ logiques propres, ainsi que certaines dermatoses (stomatite impétigineuse, hydroa de Bazin, etc.) qui sont plutôt du domaine du spécialiste. Restent les aphtes banals de la bouche autour desquels gravite la grande majorité des contestations. En leur faveur plaident évidemment bien des arguments cliniques, tels que l’absence en particulier de toute élévation thermique, de toute confluence et de toute propagation aux téguments voisins. Néanmoins le doute pourra subsister en période d’épizootie avec une forme fruste de la Fièvre aphteuse. Nous rappellerons à ce propos que seules les méthodes biologiques d’inoculation pourront permettre de trancher définiti¬ vement le débat. REGIONS DU CENTRE 94 Il est vrai que ces explorations n’auront la plupart du temps qu’un inté¬ rêt purement spéculatif, la Fièvre aphteuse avant, comme nous l’avons déjà dit, un pronostic généralement très satisfaisant et sa constatation ne nécessi¬ tant guère la mise en oeuvre de mesures de prophylaxie, vu la très faible agresivité qu’elle manifeste pour l’espèce humaine. 1. HUGor. Thèse Lyon, 1913-1914. 2. ROCH (M.). La Fièvre aphteuse chez l’homme, Bull, méd, n° 39, 30 sept, 1839 p. 723-726. 3. ROCHAIX (A.) et DELnOS (J.). Progrès méd. LNVI, p. 965, 1938. 1 — LES TEICNES DU CUIR CHEVELU A LYON. Depuis une dizaine d’années environ, on assiste dans le monde entier à une recrudescence inquiétante des Teignes du cuir chevelu. Signalé aux Etats¬ Unis des 1943, le phénomène s’observe aujourd’hui un peu partout en France. ou des études spéciales lui ont été notamment consacrées à Paris, à Lille et à Lyon. C’est ainsi que dans cette dernière ville 348 cas de Teignes de tous ordres ont, pu être enregistrés par J.-C. Doucet à la clinique dermatologique de l’hôpital de l’Antiquaille entre le 1°" janvier 1946 et le l° juillet 1949. ce chiffre témoignant d’une large extension des processus en cause. Le plus fort contingent d’atteintes est fourni par les Teignes infantiles dues à Microsporon andouini, ensuite par les trichophyties suppurées d’origine animale rencontrées indifféremment chez les adultes et les enfants. Les favus et les trichophyties pures, par contre, se sont montrées plus rares. Il semble que l’on ait aftaire en l’ocurrence à des bouffées épidémiques localisées, évoluant sur fond endémique et se développant électivement dans les collectivités de jeunes. La contagion s’opère surtout par l’intermédiaire des instruments de coiffeurs et par les murs mêmes des bâtiments où ont vécu les teigneux, les spores qui y sont fixées pouvant demeurer virulentes pendant plus d’un an. Le diagnostic devra être aussi précoce que possible afin de restreindre les chances de dissémination. Il sera très aidé par l’emploi de la lumière de Wood et devra conduire immédiatement à la mise en œuvre des thérapeutiques modernes, chimiques ou biologiques, dont les effets se sont révélés souvent remarquables BIRLIOCRAPHIE J. — L’ACRODYNIE INFANTILE Hormis le bassin aquitain, c’est peut-être dans la région lvonnaise que l’acrodynie intantile a suscité les plus importants travaux. Dès octobre 1926. Péhu et Ardisson signalaient en effet à environ une centaine de Kilomêtres de Lyon, dans la plaine chalonnaise, une petite épidémie de cette affection dont ils rappelaient par la même ocasion les caractéristiques essentielles (voir pathologie comtoise). Plus spécifiquement lvonnaise furent par la suite les observations de Péhu et Lesbroc (novembre 1926). Devic et Dauiat (1928). puis de Dufourt (1929). LA PAIHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 96 Depuis cette époque, diverses autres constatations sont intervenues éma¬ nant des pédiatres lyonnais et notamment de Mouriquand, Péhu, Bernheim et leurs collaborateurs. Encore que ces auteurs aient laissé délibérément de côté les aspects statistiques du problème pour n’envisager que certains détails cliniques particuliers (voir bibliographie), il ressort nettement de leurs com¬ munications que, dans cette portion tout au moins du couloir rhodanien, l’acro dynie est demeurée jusqu’à nos jours une affection rare, sinon une curiosité (indiquons à ce propos que récemment encore — janvier 1949 — le professeur Mouriquand nous écrivait avoir l’occasion d’observer depuis quel ques années 3 ou 4 cas d’acrodynie en moyenne par an, tant à l’hopital que dans sa clinique privée). Il n’en est plus de même dans une région toute voisine la région sé¬ phanoise, où Beutter s’est également livré à une active prospection de la mala¬ die. Cette prospection a eu pour résultat de lui permettre en 1937 de publier un important bilan comprenant 97 cas pour le département de la Loire, dont 40 groupés au seul chef-lieu. Parmi les 57 restants, il convient de citer : 7 cas à Roanne, 9 à Firminy, 4 à Noiretable, 4 au Chambon-Feugerolles, 2 à Rive¬ de-Cier, la Talaudière. Trémolins. Saint-Just-sur-Loire, Roche-la-Molière et 1 dans 23 autres localités diverses. Poursuivant ses investigations avec l’aide de quelques praticiens du pays. l’auteur a encore pu dénombrer : — dans la Haute-Loire : 15 cas dont 6 à Saint-lust-Malmont, 2 à Retour nac et à Saint-Didier; — dans l’Allier : II cas dont 5 à Lapalisse et 2 à Varennes-sur-Têche; — dans le Puy-de-Dôme : 3 cas à Saint-Anthème. Pont-du-Château et Ambert;. dans le Cantal : Il cas à Saint-Flour; soit pour les 5 défartements explorés un total de 127 cas nettement confirmés. auxquels il convient d’en ajouter dix autres — soit 137 — décelés au cours même de la rédaction de l’article. A ce lot déjà appréciable nous proposons d’adioindre par ailleurs : — les cina cas de Dessert rencontrés dans un petit secteur de l’Alier (Lapalise. Chavroches. Montaiguet) de novembre 1931 à mars 1933. les quelques cas rapportés par Saint-Félix en 1942 concernant le Cantal et ses départements limitrophes. Enfin les 14 observations de Valat dans le bas Limousin qui, réunies à celles de Ferru dans la région poitevine, viennent en quelque sorte établir la jonction entre le bloc endémique du Centre et le gros foyer d’Aquitaine¬ Charentes évoqué dans un précédent chapitre. Quant au versant est du Rhône, il n’a pas davantage échanpé aux atteintes du mal. Si celui-ci parait avoir quelque peu épargné la Savoie, jusqu’à présent tout au moins, il a par contre envahi le Dauphiné ainsi qu’en témoignent les 52 observations rassemblées de 1927 à 1937 par M. Lamy et son elève Mme Proskouriakoff dans le département de l’Isère et à Grenoble (20 cas pour cette ville). Si maintenant, abandonnant les chiffres, nous pasons à l’étude critique du processus, quelques points méritent d’être signalés, sur lesquels les auteurs précités semblent s’être tous mis d’accord. RÉGONS DU CENTRE 97 Nous n’insisterons pas sur l’âge habituel des malades, la saison optims des atteintes, les taux de léthalité, etc, ces diverses questions n’avant donné lieu, aussi bien dans le Forez que dans le Dauphiné, à aucune remarque particulière. Plus intéressantes déjà sont les constatations relatives à la marche cêné rale de l’affection dont l’évolution semble s’être effectuée par bonds succes¬ sifs à la manière des maladies contagieuses, avec maxima au cours des années 1927-19290 et 1934-1935. Il est à noter cependant qu’aucun fait patent de contagion n’a jamais pu être observé, de même qu’il n’a été possible d’éta¬ blir aucun lien précis entre les poussées d’acrodynie et les renforcements périodiques d’autres affections à virus telles que la Poliomyélite et l’Encé¬ phalite. Restent les considérations d’ordre topographique. Ce sont elles surtout qui sont à retenir en dépit des réponses essentiellement négatives des enquêtes locales. Des chiffres que nous venons d’indiquer on peut conclure tout d’abord à l’absence de toute prédominance rurale manifeste, tout au moins dans la Loire et l’Isère. De même l’influence de l’altitude ne semble guère davan¬ tage devoir être mise en cause, les atteintes s’étant par exemple produites aussi bien dans la plaine du Forez (350 mêtres environ) que sur les hauteurs voisines confinant au Vivarais (800 à 1 000 mêtres). Quant à la localisation élective du processus le long des cours d’eau si fréquemment admise, elle est rejetée par Beutter qui se base avant tout sur la diffusion des cas à toute l’étendue des territoires intéressés. Ici cepen dant des réserves sont certainement à faire, l’acrodynie avant accusé, quoi qu’on en dise, une prédilection marquée pour les localités situées en bor¬ dure du Furens d’une part et de l’Isère de l’autre. Qu’il nous soit dès lors permis de rester fidèle à la conception classique, laquelle reconnait à la maladie de Schwift-Feer un hydrotropisme très pbarticutier BIRLIOCRAPHIE 1. BERNHPIN (M.). Deux observations d'’acrodynie fruste à forme douloureuse. Pdiatrie. t. NXIV, n° 1, janv, 1935, p. 11-19. 2. BEUTIER (Ch.). Deux cas d’acrodynie infantile. Soc, de pédiat, 21 dec, 1928. 3. BEUTTER (Ch.). Acrodynie infantile. La Loire, méd. n° 8, aout 1927. 4. BEUTER (Ch.). Deux cas d’acrodynie infantile. Bull, soc, pédiat, 21 déc. 1935. 5. BEUTTER (Ch.). L'acrodynic infantile dans la Loire et les départements limnitrophes. Journ, de méd. de Lyon, n° 411, 20 février 1937, p. 109-112. 6. CORREARD. L’acrodynie, Thèse Lyon, 1927. 7. DESSERT, GAUD et TESSIER, Cina cas d’acrodynic. Centre méd., mars 1933, p. 80. 8. DEVIC (A.), et DALAT. Sur un cas d’acrodynic survenu daus la région Iyonnaise. Soc, méd. hop. Lyon, 30 oct, 1928. 9. DUFQURT, Deux nouveaux cas d’acrodynie infantile. Soc, méd. hop. Lyon, 26 noy, 1929. 10. FERn Quclques considérations générales sur l’acrodynie infautile. Rey, méd, du Centre-Quest, avril 19036. 11. LAMY (M). Lacrodvnie infantle, pauphine méd., n2 6, juin 1929. 12. LANY (M.) et Mune PROSKQURLAKOEE. L’acrodynie infantile dans le Dauphiné. Journ¬ de méd, de Lyon, n° 411, 20 févr. 1937, p. 112-115. 13. MOLHIOLAND (G. ) BEHNHTIM t BADISAND Acradynie avec réaction abdominale, Pédia tric. t. XXIV, n° I, jany, 1935, p. 8-9. 14. MoURIOLAXn (G.). SAVOYE et DALYEIGRE. Acrodynie sévère avec prolapsus rectal Soc, méd. hoOp. Lyon, séance du 29 juin 1937. 15. MOUILIOUAND (G.). SEDALLIAN et SAVOYE. Sur un cas fruste d’acrodynie infantile. 22 E1 XIIL — LES CRANDS ELÉAUX SOCIAUX 98 LA PATHOLOGIE RÉGIONALIE DE LA FRANCE 16. MOURIQLAND (G.). Mlle WEIL, et BADINAND. Acrodynie fruste diagnostiquée par les signes cardiovasculaires, Pédiatric, t. XXIV, n° 1, janv. 1935, p. 10. 17. PEHU (M.). Quclques observations d’acrodynie. Lyon méd., janv. 1927. 18. PEHU (M.) et BOUCOMONT (J.). Histoire et géographie de l’Acrodynie infantile. Journ. de méd. de Lyon, n° 387, 20 févr, 1936, p. 29. 19. PEHU (M.) et LESBROC. Sur un cas d’acrodynie chez une enfant de 13 ans. Soc, méd. hop. Lyon, 16 noy, 1926. 20. PHOSKQURIAROEE (Mme). L’Acrodynie infantile dans le Dauphiné, Thèse Lyon 1934¬ 1935, n° 99. A. — LA TUBERCULOSE. Nous avons déjà insisté sur l’influence favorable qu’exerce le climat des Alpes septentrionales sur l’évolution de la Tuberculose, y compris les formes subfébriles ou légèrement congestives. Le fait est beaucoup trop connu d’ail¬ leurs pour que nous avons à y revenir. Dès lors, on est tenté de penser que le climat, bénéfique à l’égard des malades venus de l’extérieur, doit l’être à fortiori vis-à-vis des habitants mêmes du pays, soit en les guérissant de leurs lésions, soit surtout en les protégeant contre toute atteinte. Pourtant plutôt élevée ce n’est pas ce qu’indiquent les statistiques ci-après qui révèlent au contraire. plus encore en Savoie que dans le Dauphiné, une mortalité tuberculeuse Mortalité tuberculeuse dans les Apes septentrionales en 1938 et 1943 d’après l’Institut National d’Hygiène En réalité, l’interprétation de cette situation a déjà été envisagée en étudiant la pathologie d’autres régions et elle fera encore plus loin l’objet de nombreux commentaires. On sait, en effet, que les statistiques officielles se basaient jusqu’à une date toute récente sur le lieu de décès des malades. négligeant de faire état, comme la logique le voulait, de leur région d’origine Limoges, jusqu’à sa suppresion toutefois en 1933. Voici les chiffres qu’elles BÉGIONS DU CENTBE 96 Les départements riches en établissements de cure se vovaient ainsi attribuer des taux de mortalité injustement grossis par les apports étrangers. C’est manifestement le cas de la Savoie et surtout de la Haute-Savoie et de l’Isère qui possedent respectivement sur leur territoire les célèbres agglomérations sanatoriales du plateau d’Assy et du plateau des Petites-Roches. Heureuse. ment cette erreur se trouve maintenant corrigée dans les statistiques actuelles. celles-ci ne tenant plus compte que des contaminations de source autochton comme dans le document qui va suivre : Mortalité tuberculeuse dans les AIpes septentrionales durant la période 1953-1955 (L.N.H.) Ce tableau met parfaitement en évidence la chute survenue dans la morta¬ lité tuberculeuse au cours de ces dernières années, cette chute apparaissant encore plus sensible quand on choisit pour élément de comparaison les chif¬ fres d’avant guerre. Il montre, en outre, que le classement établi entre les départements intéressés ne s’est quère depuis lors modifié, la Haute-Savoie demeurant toujours en tête malgré l’amélioration de sa situation sanitaire et malgré surtout les miéthodes nouvelles de recensement auxquelles il vient d’être fait allusion. Vovons maintenant, en utilisant à cet effet les mêmes bilans périodiques et en les confrontant, si les remarques précédentes peuvent également s’appli¬ quer aux départements du Massif Central (voir le tableau de la page suivante). On constate d’après ce document que les événements ont en effet présenté à peu près la même évolution de part et d’autre de la vallée du Rhône. On remarquera surtout que, dans l’ensemble, les départements ruraux — Creuse. Cantal. Lozère — se révèlent comme beaucoup moins fortement touchés que les départements comportant de grandes agglomérations urbaines et un habi¬ tat relativement concentré, comme l’Allier, le Rhône et, plus encore, depuis quelques années, la Loire avec sa dépression largement industrialisée du larez. Mais c’est la, à vrai dire, une loi assez générale qui nous est devenue désormais familière. B. — LES MALADIES VÉŃRIENNES, Les statistiques médicales de l’Armée qui nous servent dans ce travail de base d’étude cohcernent en l’occurrence, pour les périodes envisagées d’avant¬ guerre, la 14e région de Lyon, la 13e de Clermont-Ferrand et enfin la 12e de t Centrat en 1938, en 1943. 3-1955 (L.N.H.) RÉGIONS DU CENTRE 191 nous permettent d’enregistrer pour la Blennorragie, le Chancre mou et les 2EPeEa Blennoragie (1930-1936). Classement Chancre mou (1930,1936). Syphilis toutes priodes (1930-1936). 102 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Ce tahleau indique une haute morbidité vénérienne au sein de la 146 région, liée sans aucun doute à la présence de la vaste agglomération lvon¬ naise. Les deux autres régions, par contre, apparaissent comme beaucoup moins touchées. Dans la nomenclature actuelle — qui n’a absolument plus rien à voir avec la précédente — la 8erégion, avant pour centre Lyon, comprend les dépar¬ tements suivants : Haute-Savoie. Savoie., Isère, Hautes-Alpes. Drome, Ain¬ Rhône, Ardèche, Haute-Loire. Loire. Cantal, Puv-de-Dôme et Allier. Elle englobe donc 1I départements parmi les 15 qui nous intéressent. L’examen de son état sanitaire peut en conséquence nous fournir des renseignements utiles. Or les statistiques militaires de 1951-1952 nous montrent, dans le douaine des affections vénériennes, une amélioration très sensible sur le passé, tant en ce qui concerne le nombre des cas enregistrés que la position occupée par la région par rapport au reste de la France. Le document suivant permet d’en juger : Morbidité vénérienne pour 1000 hommes en 1951-1952 dans la 8e région militaire Bien entendu, la région lyonnaise intervient encore largement dans la valeur des taux ci-dessus reproduits. Il n’en reste pas moins vrai que des progrès énormes ont été réalisés sur ce terain, seule la région parisienne et le Midi méditerranéen conservant de nos jours des indices obstinément élevés. C. — LE CANCER. Examinons pour commencer les repseignements que nous fournissent les statistiques de l’Institut National d’Hygiène sur la fréquence et la répartition du Cancer dans le centre de la France durant les années 1927-1936, prises comme test pour la période d’avant-guerre : Indices de mortalité cancéreuse pour 190 000 habitaars calculés par l’I N H durant la double période quinquennale 1927-1931 et 1932,1936 BéGIONS DU CENTRE 103 Deux ordres de déduction pouvaient être tirées de cette statistique : l° Bareté relative du Cancer dans les départements montagnards du Mas¬ sif Central, ainsi d’ailleurs que dans les deux départements savoyardss 2° Fréquence par contre du processus dans la plaine du Bhône, qu’il s’agisse de la vallée même du grand fleuve ou de celle de ses affluents, Isère et Giers Constatation identique pour la Limagne, laquelle en fait ne représente. comme nous l’avons vu, qu’un simple diverticule du bassin parisien. De telles observations mettaient alors parfaitement en lumière l’opposition existant entre les terrains sédimentaires des plaines, apparemment favorables au Cancer et les vieux socles archéens, paraissant au contraire hostiles à son implantation. Comparant deux révions de l’Isère diff́rentes l’une de l’autre du point de vue géologique. Béthoux faisait du reste remarquer à l’appui de cette thèse que la région du nord-ouest de formation récente et de constitution calcaire présentait une mortalité cancéreuse plus forte que la région du sud est d’origine plus ancienne et de constitution cristalline. Il nous était même arrivé en consultant les premières cartes relatives à la distribution en France des gisements d’uranium, et en relevant la locali¬ sation élective de ces gisements au niveau des terrains primaires, de nous demander à ce moment si une radioactivité élevée du sol ne pouvait pas exercer éventuellement une influence inhibitrice, sur le développement des héoplasies, la cause profonde de celles-ci restant d’ailleurs à déterminer. 104 LA PATHOLOGIE RÉGONALE DE LA FRANCE Voici maintenant des statistiques plus récentes corespondant à ces deF nières années : Indices de mortalité cancéreuse pour 100 000 labitants caleulés par l’I N.I pour la période 19418,1955 Clagsement Classement Par comparaison avec le précédent tableau, ces chiffres permettent d’abou¬ tir aux conclusions suivantes, valables pour l’époque actuelle : l° Les départentents montagnards du Massif Central comptent toujours parmi les ntoins touchés de notre pays, cependant que ceux de la vallée du Rhône et de ses annexres ont encore accentué la position fcheuse qu’ils occu¬ paient déja avant-guerre. Pour le Bhône, le fait est d’autant plus sensible que les bilans de mor¬ talité se trouvent basés désormais sur le domicile et non plus sur le lieu du décès, ce qui élimine pour les statistiques récentes concernant ce département les incidences facheuses qu’avait autrefois la présence sur son territoire d’un grand centre anticancéreux, drainant à lui des malades originaires parfois de régions fort éloignées. Quant à la théorie précédemment évoquée faisant état des facteurs géolo¬ giques, si elle ne se révèle pas en défaut en ce qui concerne les observations locales, elle perd en tout cas de nos jours un peu de son intérêt du fait de cons¬ tatations discordantes effectuées dans d’autres régions et plus particulièremen en Bretagne. 2° D’autre part il existe un accroissement important des taux de ntorta¬ lité cancéreuse, phénomène très général qui n'’a rien de spécial à nos pro vinces du Centre mais qui crée aujourd’hui de très graves problèmes. (période 1936-1937, 1938). 149 prême 105 REGIONS DU CENTRE D. — L’ALCOOLISME. Nous allons commencer par reproduire les quelques statistiques habituelles empruntées à l’Institut National d’Hygiène : 1. — Consommation en uin d’après le montant des droits de circuthation acquités Nombre de litres par nabitant et. par an (mo¬ venne générale pour la rrance : 198). Milliers Clasgement d'nectolitres parmi les 88. soumig chaque départements année à la taxe français Milliere d’hspitants du département (1936) 650 1 928 245 268 291 486 333 196 239 83 3 37 3 259 262 372 267 175 Loire 167 Rhêne 163 Haute-Loire 158 Aliser 184 Creuge 130 Puy-de-Dôme. 145 Hiaute-Vienne 142 Cantal 134 Savoie 114 Lozère 192 laère Haute-Savoie. 194 CorrS̀ze 192 199 Ardèche 35 1 149 9e 1 1718 126 395 I4e 576 16e 311 17e 324 196 482 2le 24e 271 322 27e 112 396 627 42e 271 49e 270 sie 635 371 23 126 (5e 2. — Consommation en AIcool d’après le montanr des droits de circulation acquittés (période 1937-19381 105 LA PATLIOLOGE BéGIONALE DE LA FRANCE 3. — Répartition des bouillfeurs de cru (1936). 4. — Bépartirion des débits de boisson (1936). De tous ces tableaux on peut conclure que les départements du centre de la France paient dans leur ensemble un lourd tribut à l’Alcoolisme, les plus touchés paraisant ceux du Rhône et de la Loire, sièges d’agglomérations urbaines importantes, les départements ruraux comme la Haute-Loire, la Creuse ou la Haute-Vienne ne se montrant pas pour autant épargnés. Sans doute le vin est-il le principal responsable de cette intoxication des collectivités, en particulier dans les départements que nous venons de citer. Pour Delore, il mérite d’être mis en cause à Lyon dans près de 80 2% des cas Dans la Haute-Vienne, de Léobardy signale la toxicité spéciale des vins de noah, plus dangereux que ceux proyenant des vieux plans français, non gref¬ fés et de petit rendement. Mais en réalité toutes les boissons alcooliques on ici leur part de culpabilité. 107 REGIONS DU CENTRE La situation médico-sociale due à l’Alcolisme est d’ailleurs en voie d’aggravation dans le pays ainsi qu’en témoignent les diverses statis¬ tiques et notamment les statistiques hospitalières. Voici tout d’abord quel fut durant la période 1941-1942 le bilan des entrées pour éthylisme à Lyon dans le service de médecine générale du professeur Delore à l’Hopital de l’Antiquaille : Et voici maintenant, en ce qui concerne plus sṕcialement les Cirrhoses alcooliques du foie, les faits observés par le même auteur au cours de ces dernières années : ils témoignent d’une recrudescence inquiétante de la mala¬ die faisant suite à l’accalmie des périodes de disette : Ces chiffres se passent de tout commentaire. Ils traduisent actuellement une situation de plus en plus sévère, laquelle malheureusement est loin d’être particulière à nos régions du Centre. E. — RACUITISME : COITRE ENDÉMLQUE - MORTALITÉ INFANTILE MALADIES MENTALES. LE RACHTTISME. Pour avoir tout de suite une vue d’ensemble sur la fréquence du Rachi¬ tisme dans nos régions du Centre de la France, le mieux est de se reporter au tableau de la page 437 du tome l où se trouve indiquée la proportion des LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 108 exemptions et ajournements prononcés au cours des opérations de révision de la classe 1950 pour « insuffisance de développement » ou « malformations diverses ». Les chiffres obtenus, qui atteignent respectivement 7 2% et 2,38 %4 du contingent, permettent de classer parmi les plus fortement touchées la 8° région de Lyon, laquelle s’étend, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, depuis le département du Puy-de-Dôme jusqu’à la frontière ita¬ lienne (1). Ainsi, même à l’âge du service militaire ou le Rachitisme de l’enfance a souvent rétrocédé ou même disparu, les traces de dystrophies restent encore assez répandues dans la zone considérée en dépit de l’amélioration très nette de la situation observée depuis le début du siècle. On sait d’ailleurs que cette amélioration porte non seulement sur la fréquence des cas, mais aussl sur leur gravité, les grands infirmes d’autrefois étant devenus tout à fait excep¬ tionnels de nos jours. Quels sont maintenant, sur ce vaste territoire, les secteurs qui paraissent les plus éprouvés2 Ce sont, d’après les documents que nous avons pu obtenir, du côté des Alpes, la vallée de la Tarentaise et surtout celle de la Maurienne, dans le Massif Central, la Haute-Loire et la Corrèse Ailleurs, le mal a sensiblement régressé, notamment dans les riches vallées de la Savoie et du bas Dauphiné ainsi que dans la plaine plantureuse de la Limagne. En ce qui concerne la Corrèze, Dépaillat nous a fourni en 1950, à la suite d’une enquête très complète auprès des médecins-praticiens, des renseigne¬ mnents statistiques du plus haut intérêt dont nous allons reproduire ci¬ dessous l’essentiel: « En prenant une moyenne entre les densités plus grandes du plateau de Millevaches au nord, de la haute Corrèze au nord-est (régions essentiellement granitiques pauvres et à population clairsemée) d’une part, et la densité faible ou nulle de la plaine briviste et de la basse Corrèze avoisinant les régions cal¬ caires ou alluviales des Causses et de la Dordogne (à cultures riches et à démo¬ graphie dense) d’autre part, nous avancons que les Rachitismes frustes mais authentiques se rencontrent au moins chez 25 pour 100 des enfants corréziens du premier âge, à l’allaitement artificiel strict. Le pourcentage parait être, au maximum, aux environs de 40 pour 100 (régions de Roche-Canillac. Eygu¬ rande, Treignac. Corrèze. Neuvic. Argentat. Mercœeur). Il parait être à un coefficient avoisinant zéro dans la région de Meyssac ou dans les campagnes sud particulièrement fertiles de la basse Corrèze. Nos observations compor¬ tent également des cas authentiques de dystrophies frustes pour quelques ca d’allaitement mixte et une seule pour un enfant entièrement au sein. Nos estimations sont corroborées par le pourcentage de 22 pour 100 de stigmate de Rachitisme trouvé chez des enfants de plus de 6 mois dans la clientèle hospitalière du service départemental de pédiatrie fonctionnant depuis un an à l’hopital de Tulle, mais recrutant dans une clientèle partiellement urbaine moins touchée que la clientèle rurale. Enfin, nos observations portent sur une population qui présente souvent trop tard les stigmates d’une dystrophie carentielle du premier âge : la race corrézienne, bien que robuste, est noueuse édentee, riche en scolioses et en deformations des membres. Les coefficients RÉGIONS DU CENTRE 163 de mensuration des conseils de révision donnent des chifres médiocres, par¬ fois mauvais. Les dystocies obstétricales sont assez fréquentes. Les visites sco¬ laires font apparaitre la fréquence des thorax étroits ou déformés, les ano¬ malies crâniennes, la gracilité des membres... » Précisons que l’auteur, dans l’impossibilité la plupart du temps d’obte¬ nir des documents radiologiques, s’est limité aux tests cliniques, exigeant au minimum pour le diagnostic : chapelet chondro-costal, bourrelets épiphysaires radio-cubitaux et malléolaires, front bombé, déformation arciforme diaphy¬ saire des tibias. Or, le bilan ainsi établi se révête inetructif, non seulement par les indi¬ cations qu’il fournit sur la fréquence du processus, mais encore par les lueur qu’il projette sur une pathogénie assez complexe où aux causes d’ordre général se mélent parfois des circonstances locales particulières. Après avoir montré que l’hérédité ne pouvait guère être incriminée en l’occurrence (hérédo¬ alcoolisme, hérédo-syphilis, hérédo-tuberculose), le docteur Depaillat insiste tout spécialement sur le rôle joué par certaines habitudes alimentaires défec¬ tueuses dans la genèse des accidents. En Corrèze, en effet, un quart à peine des mères paysannes allaitent leurs enfants au-delà des deux premiers mois. âge auquel it s’en faut de beaucoup que les nourrissons soient à l’abri de la morbidité inhérente aux allaitements artificiels, rachitisme y compris. Ainsi la plupart des enfants sont nourris au lait de vache et ceci d’autant plus facilement du’on le trouve en abondance, en quelque sorte à portée de le main. Or, ce lait présente une forte carence phospho-calcique, cet abaissement salin étant lié à la pauvreté en phosphore et en calcium du four¬ rage livré au bétail et à l’absence pour celui-ci de nourriture d’appoint, bete¬ raves et tourteaux, en provenancé de sols plus riches. Les eaux servant au coupage du lait sont elles-mêmes déminéralisées, surtout en haute Corrèze gra¬ nitique. Les biberons, ainsi préparés, sont fréquemment administrés sans pré caution et souillés au cours de fâcheuses manipulations ou, au contraire, soumis à une ébulliton excessive détruisant tous les apports vitaminiques. Enfin, cette alimentation lactée mal concue est trop longtemps prolongée, les bouillies et les petits repas apparaissant d’une manhière beaucoup trop tardive. A ces erreurs alimentaires viennent en outre s’ajouter les méfaits engendrés par l’anhétie, phénomène qui peut paraitre paradoxal dans une contrée dont le degré d’insolation égale presque celui de la région parisienne Mais il faut tenir compte ici d’une coutume désastreuse encore en honneur dans les campagnes qui consiste à maintenir pendant de longs mois l’enfant calfeutré dans des locaux obscurs et insuffisamment aérés : « Le paysan, en effet, craint, par nature, le froid, le courant d’air, l’eau et la nudité. L’en¬ fant est enfoui dans sa literie et on ne découvre de sa peau que le minimum indispensable. On penserait du moins que, si bien protégé, il est promene à l’extérieur et qu’on lui donne l’occasion ainsi d’au moins respirer le grand air vivifiant. Or, il n’en est souvent rien, les commodités du labeur de parents lui imposant la garde à la maison. » Après avoir fait ses premiers pas, l’enfant trouve ordinairement dans une vie plus libre un remède efficace et rapidement réparateur. Mais il n'’en est pas toujours ainsi, les influences favorables n’intervenant alors qu’une fois les déformations du rachitisme cons tituées. Des faits semblables et des pathogénies analogues sont invoqués dans d’autres régions. C’est ainsi que dans la Hlaute-Loire, Robert Arsac met éga¬ lement en cause la pauvreté en sels calcaires du sol et des eaux. Pour lui¬ le Rachitisme serait plus important à la ville qu’à la campagne, la sélectior naturelle intervenant avec brutalité en milieu rural et ne laissant guère sub sister que des organismes sains et robustes. ancestrales dangereuses. 119 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE De même Béthoux, après une enquête effectuée chez plus de 4 000. enfants du Dauphiné, conclut à une fréquence plus grande du rachitisme à Grenoble même que dans les communes limitrophes, exception faite toutefois pour les quartiers aisés de la ville où les mères se rendent volontiers aux consul¬ tations et possèdent des logements salubres. Mais il insiste aussi sur l’impor¬ tance particulière de ces dystrophies dans certains villages des AIpes dauphi¬ noises où le mal est encore plus répandu chez les enfants de 2 à 4 ans que chez les nourrissons, du fait probablement d’une alimentation incorrecte, insuf¬ fisamment équilibrée. Inversement, des progrès sensibles sont observés, comme nous l’avons déjà dit, dans d’autres contrées, telles que la Sqvoie, où le développement du tourisme semble avoir exercé une action très salutaire en améliorant les condi¬ tions de vie de l’habitant et en faisant disparaitre peu à peu les coutume LE COTRE ENDÉMIQUE C’est également à l’amélioration de l’hygiène, jointe à la distribution aux populations d’eaux potables sévèrement contrôlées, qu’il faut attribuer la régression actuelle de l’endémie goitreuse dans toute la France. Cependant. en dépit de cette évolution, quelques foyers subsistent encore, bien qu’atténués. dans notre pays : certains secteurs des Alpes et du Massif Central en four¬ nissent notamment l’exemple. Il y a 40 atis à peine, plusieurs vallées a'pestres étaient réputées en effet comme extrémement goitrigènes : le Quevras et la région de Barcelon¬ nette dans les Hautes-Alpes, l’Oisans dans l’Isère, la Maurienne en Savoie (Béthoux). Depuis lors, l’affection a considérablement diminué à telle enseigne que les goitreux hypothvroidiens, débiles physiquement et psychiquement, ren¬ contrés autrefois couramment dans les conseils de révision, se font aujourd’hui de plus en plus rares. En contrepartie l’hyperthvroidie est devenue plus fré¬ quente, surtout chez les femmes. Des remarques semblables ont été formulées pour le Massif Central où les principales zones d’endémicité semblent avoir été le Puy-de-Dôme, la Haute¬ Loire et la Corrèze. Dans ce dernier département le mal est loin d’avoir entièrement rétrocédé ainsi qu’en témoigne en particulier l’enquête récente mnenée par L. Vichneysky sous la direction du professeur Guy Laroche, enquête dont nous allons rapporter ci-dessous les conclusions essentielles : Le bilan établi par Mle Vichneysky en fin 1948 et en 1940 a porté exclusivement sur des enfants et des adolescents âgés de 3 à 10 ans. Un contingent de 5 916 sujets a été ainsi examiné, Parmi ceux-ci 3 055 goitres ont été décelés, soit une proportion de 53,3 %. Il est évident que ce nombre surprend par son importance Il est juste toutefois de remarquer qu’il s’agissait là, le plus souvent, de tumeurs de volume modéré. Sur l’ensemble prospecté, 785 cas seulement allaient jusqu’aux dimen¬ sions d’une noix, 367 jusqu’à celles d’une orange et 1I enfin au-delà, dont 5 à Argentat, 2 à Brive et 3 à Uzerche. Du point de vue géographique maintenant, le processus s’est révélé plus fréquent sur le plateau cortézien et surtout dans la montagne corrégienne (47,8 %), le bas pays, par contre, se montrant relativement épargné. RÉGLONS DU CENTRE 113 Voici du reste les principales données numériques que l’auteur nous com munique à cet égard : Nombre de goitres obsertes en Corrège au cours d’une prospection récente dans les Ecoles (J. VichneUsky 1948,1949). En définitive, on peut dire que l’endémie goitreuse persiste actuellement en Corrèze, sous une forme atténuée sans doute par rapport aux manifesta¬ tions historiques, mais néanmoins avec une fréquence très appréciable, beau¬ coup d’enfants accusant par surcroit des troubles fonctionnels en plus ou en moins qui témoignent d’un certain dérèglement du corps thyroide. Chez l’adulte d’ordinaire, seuls les gros goitres subsistent, les formes légères apparues au moment de la puberté disparaissant progressivement avec l’âge. Signalons pour terminer qu’il arrive parfois à des adolescents étrangers au pays d’y contracter des goitres légers, ceux-ci rétrocédant d’ailleurs rapi¬ dement sous l’influence d’un changement de climat (Ombredanne). LA MORTALITÉ INFANTILE La mortalité infantile demeure encore assez élevée à l’heure actuelle dans les quartiers et faubourgs populeux des grandes agglomérations urbaines (Lyon et surtout Saint-Etienne), ainsi que dans certains départements ruraux rela¬ tivement peu évolués et restés fidèles aux vieilles traditions, tels que le Cantal. 112 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE la Haute-Loire, l’Ardèche et la Lozère (1). Bien que partout des progrès appréciables aient été réalisés dans ce domaine, de gros efforts sont encore à faire comme en témoignent notamment les indices figurant au tableau ci-après : La mortalité foto-infantile dans le Centre durant la période 1948,-1950. LES MALADIES MENTALES. Elles semblent n’avoir comporté aucune incidence spéciale digne d’être mentionnée gurane ces vermsere temps goge dee régions consrqe ces 1 TUBERCULOSE. 1948. (1) Parmi les arrondissements les plus touchés par la mortalité (focto-infantile signalons ceux de : Saint-Etienne (Loire), Aurillac et Mauriac (Cantal). Yssingeaux dIantitcLoire). Largentiere (Ardche). Florse (Iozere) et, à ua moimdre degre. Vienn (Isère). Appendice RÉGIONS DU CENTRE 113 RACHITISNE. J. BETRQUX (L.). Le Rachitisme en Dauphiné. Acad, nat, méd., 13 avril 1948. 3. DÉPALLAT (R.). Le Rachitisine en Corrèze. Presse méd, 8 juillet 1950, p. 796. 4. FOURTEAU (J.). Le Rachitisme rural en Corrèze. Thèse Paris, noy, 1949. GOITRE ENDEMIQUE. 1. BETHQUX (L.). Correspondance pers, 15 juin 1955. 2. BLECHMANN (G.). Le Goitre en France. Compte rendu des Assises nat, de Méd. génér. française, 4 mars 1934. Concours méd. 1934, p. 1033-1039. 3. ONBREDANNE et le JEMBLE de la HUxAIRE. Deux goitres acquis en Haute-Savoie. Soc, pédiat, 20 déc. 1938. RESSQURCES THERMOMINÉRALES Nous avons déjà vu, au chapitre des généralités, que le Massif Central devait à son activité volcanique passée l’existence sur son sol de filons ther¬ mo-minéraux aussi nombreux que variés. Bien que de structure et d’origine très différentes, les Alpes de Savoie et du Dauphiné se montrent également assez bien partagées. Nous allons indiquer ci-dessous les principales stations de cure de ces régions en précisant pour chacune d’elles les indications thé¬ rapeutiques essentielles qu’elle comporte. 1 — MAASSIE CENTRAL. Alors que les départements de l’Allier et du Pux-de-Dôme ont le précieux privilège de posséder plusieurs des grandes vedettes du thermalisme inter¬ national, les autres départements du Massif n’offrent guère sur leur territoir que quelques stations d’intérêt secondaire. Alier. Vichy, par le nombre, la qualité et la diversité de ses sources hicarbo¬ natées et par la puissance de son organisation, est la première des stations hydrominérales françaises (Giraud). Dans ses parcs jaillissent des sources chau¬ des de 34 à 44° (Hopital. Chomel. Grande-Grille) et des sources froide (Célestins). Toutes sont recommandées, avec sans doute des indications spé ciales, dans la lithiase biliaire, les dyspepsies, le diabête, la goutte et l’obésité par voie interne et par voie externe. traitement des rhumatismes. LA PATLIOLOGIE RÉGIONLE UE LN TRANSCE Néris, avec son climat tempéré et abrité, ses eaux chaudes chimiquement indifférentes mais très radioactives, est la grande station sédative de notre pays pour toutes les algies, les psychoses cœnesthopathiques et certaines sé¬ quelles de maladies organiques du système nerveux (hémiplégie, poliomyé¬ lite, parkinsonisme, etc.). Bourbon-l’Archambault, grâce à ses eaux chaudes, chlorurées et bicar¬ bonatées sodiques, se montre favorable à la cure des paralysies organiques. des séquelles de blessures de guerre et surtout de toutes les arthropathies chroniques. Puy-de-Dome. Le Mont-Dore. — Situé dans un cirque de volcans, non loin des sources de la Dordogne, le Mont-Dore joint aux bienfaits de la cure d’altitude ceux d’une thérapeutique hydrominérale sédative très efficace (eaux bicarbonatées chaudes, légèrement arsénicales et radioactives). Il est spécialisé dans le trai¬ tement de l’asthme et des affections des voies respiratoires à tendance conges¬ tive ou spasmodique, évoluant sur terrain arthritique. La Bourboule. — A quelques Kilomêtres en aval du Mont-Dore, éga¬ lement station climatique et hydrominérale (eaux arsénicales fortes très chau¬ des), la Bourboule est surtout conseillée chez les enfants, dans le redressement des dystrophies héréditaires ou acquises et la correction des états lympha¬ tiques. Elle possède aussi des indications chez l’adulte (bronchite chronique. anémie, diabête, dermatoses diverses). Chôtelguvon. — De même que Vichy est la grande station des hépa¬ tiques. Châtelguvon, avec ses eaux chlorurées, bicarbonatées, magnésiennes, est aujourd’hui la grande station des colitiques. Adossée au soubassement cristallin des monts Dômes, elle reçoit chaque été une importante clientèle de malades atteints d’hypopepsie et surtout de colostase auxquels elle apporte un soulagement indéniable. Rovat. — Protégée contre les vents du nord par un écran montagneux. dominant Clermont-Ferrand et toute la plaine de la Limagne qui s’étale à ses pieds, Royat est une autre « reine » du thermalisme. Sa cure carbo-gazeuse s’applique en effet heureusement aux hypertendus et spasmodiques artériels ainsi qu’aux cardiaques hypodynamiques, à condition toutefois de respecter un ccrtain nombre de contre-indications impérieuses. Saint-Nectaire. — C’est la station maieure des albuminuriques grâce à l’action tobique néphrotrope de ses eaux chlorurées sodiques et aussi au carac¬ tère tonique de son climat de subaltitude. Citons encore dans ce même departement Saint-Mvon. Rouzat et surtout Cĥtequneuf dont les sources tièdes et carbogazeuses conviennent aux arthri¬ tiques. Cantal. Vic-sur-Cèro, dans la vallée de la Cère, avec ses eaux bicarbonatées mixtes froides, procure de bonnes conditions de cure et de repos aux déprimés et aux convalescents. Chaudesaigues, dans la vallée de la Truvère, doit surtout sa réputation à ses enux hyverthermales, les plus chaudes de France (81°), favorables au BÉGIONS DU CENTRE 1135 Creuse. Evaux-les-Bains. — Ses sources thermales, très radioactives et fortement gazeuses, utilisées en boisson et, plus encore, en cure externe, trouvent des indications dans les affections rhumatismales ainsi qu’en gynécologie. Laissant, plus à l’ouest, la Roche-Posay dans la Vienne, station des der¬ matoses et dermato-névroses, qui, en réalité, sort du cadre géographique envi¬ sagé dans ce chapitre, nous allons aborder maintenant les stations de la bordure orientale du Massif Central. Loice. Saint-Alban, au sud-ouest de Roanne, possède des sources bicarbonalées mixtes froides très gazeuses et un climat tonique, jugés salutaires dans le trai¬ tement des troubles de la fonction thyroidienne et des petits déséquilibres neuro-végétatifs. Sail, à l’extrême nord de la Loire, doit à ses sources faiblement minéra¬ lisées mais très nettement radioactives d’appréciables résultats chez les arthri¬ tiques et certains dermopathes. torère. Bagnols-les-Bains, à l’est de Mende, dans la vallée du Lot, est, grâce à ses eaux sulfhydriquées chaudes, une bonne station dans la thérapeutique des séquelles articulaires et cardiaques non évolutives du rhumatisme de l’enfance. Ardèche. Vals. — Ses multiples sources bicarbonatées sodiques froides comportent des indications — en somme assez voisines de celles de Vichy — dans la cure des états dyspeptiques et hépatiques ainsi que dans les diathèses (goutte, obé¬ sité, diabètes bénins). Accessoirement, mentionnons encore Nevrac. 11. — ALPES DE SAVOLE ET DU DAUPHINÉ. Nous y trouvons également, avons-nous dit plus haut, quelques stations qui font honneur au thermalisme français. Haute-Savoie. Evian, sur le lac Léman, possède des eaux froides hypominéralisées qui lui ont valu une grande réputation en tant que diurétiques (voies interne et externe) dans la lithiase rénale, les auto-intoxications, les petits états névro¬ pathiques. Accessoirement, signalons Saint-Certais où se traitent eczéma et psoriasis (source du Torrent). LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 16 Savoie. Aixles-Bains. — Située à proximité du lac du Rourget dans un site choisi, dotée d’eaux hyperthermales (45) sulfurées calciques, très radioactives. cette station s’est acquis une véritable célébrité dans la thérapeutique des arthrites non tuberculeuses en dehors de leurs poussées aigués, des névralgies. des raideurs articulaires et des atrophies musculaires (usage externe surtout). Brides-les-Bains, Entermée dans une étroite vallée, Brides est la grande station de l’obésité contre laquelle agissent ses eaux sulfatées et chlorurées chaudes en usage externe et interne. Challes, avec ses sources sulfurées sodiques froides, combat avant tout les affections des voies respiratoires supérieures. La Léchère enfin et Salins-Moitiers sont des stations respectivement recommandées dans le traitement des phlébitiques ou variqueux et de l’adé¬ noidisme. fsère. Allevard. — En même temps que centre de tourisme et de sports d’hiver Allevard est une station hydrominérale dont les eaux sulfhydriquées sont emplovées en inhalation, mais aussi à l’extérieur et en boissons dans les inflammations chroniques des voies respiratoires supérieures et du poumon (rhino-pharyngites, bronchites chroniques, emphysème) ainsi que dans cer¬ taines atteintes cutanéo-muqueuses (eczéma, blépharites, etc.). Uriage, avec sés eaux chlorurées sodiques et sulfurées offre d’appré¬ ciables ressources tant en gynécologie que dans la thérapeutique des derma¬ toses justiciables de la médication soutrée. Très accessoitement, mentionnons La Motte, dont les eaux chaudes ame¬ nent des améliorations dans le rhumatisme et dans les affections gynéco¬ logiques. On voit par cette rapide énumération que les Alpes du Nord comme le Massif Central comportent une gamme de stations hydrominérales à peu près complête et pratiquement inégalée. On ne s’étonnera dès lors pas de l’impor¬ tance prise par le tourisme dans ces régions, l’afflux des curistes et des esti¬ vants compensant ainsi en partie les répercussions lacicuses de r cmrgraton. CONCLUSIONS La pathologie du groupement régional « Alpes - Massif Central: couloir rhodanien » est à première vue d’autant plus difficile à définir qu’il s’agit la, géographiquement, de zones de transition : A l’ouest, en effet, le Limousin granitique, humide et bocager, apparait comme un souvenir de la Bretagne dont il partage les aptitudes morbides en ce qui concerne notamment le Rachitisme et l’Alcoolisme. Plus loin, la plaine de la Limagne n’est guère autre chose qu’un long diverticule du bassin parisien s’étalant au pied des monts d’Auvergne. RÉGIONS DU CENTRE 17 Enfin, au sud, sur les plates-formes des Causses comme sur les derniers versants du Dauphiné, c’est déjà le Midi qui s’annonce, surtout quand les moutons transhumants du Languedoc et de la basse Provence, encore recou¬ verts de la poussière blanche des « drailles », viennent l’été y chercher asile. Et pourtant, du point de vue médical comme du point de vue géogra¬ phique, toutes ces régions possédent entre elles comme un air de famille en dépit de dissemblances frappantes. Constituées par des montagnes élevées et froides au passé tourmenté, jadis soumises, ici à de violents soubresauts orogéniques, là au débordement des vol¬ cans, découpées par des cassures profondes, perpétuellement burinées par l’érosion, elles subissent aujourd’hui la marque de l’homme et de son génie transformateur. Mais, en retour, elles lui font subir leur empreinte. conditionnant son mode de vie et intervenant aussi, à l’occasion, sur son équi¬ libre physique et sur sa sante. Sans doute la montagne attire-t-elle par le pittoresque de ses paysages et les propriétés tonifiantes de son climat. Elle fait le bonheur des estivants. des excursionnistes et des skieurs. Son air pur éloigne les germes dangereux. en sorte que les maladies infectieuses telles que la Scarlatine et la Diphtérie n’ont plus sur les hauteurs que des incidences affaiblies. Mais, tavorable aux individus sains, elle ne l’est pas toujours aux organismes débilités. Si cer¬ taines formes de Tuberculose peuvent tirer bénéfice de l’altitude, celle-ci, par contre, est à déconseiller formellement aux vieillards, aux cardiaques, aux hypertendus, aux sujets dont l’insuffisance respiratoire est manifeste (symphy¬ ses, emphysémateux, etc.), autrement dit à tous ceux dont la puissance d’adaptation est devenue déficiente. Et puis, les ascensions des sommets sont souvent meurtrières. Chaque année elles entrainent chez les, fervents des sports d’hiver des accidents aussi multiples que variés, provoquant notamment chez les skieurs de Megève, de Villard-de-Lans, du Mont-Dore ou du Lioran, des lésions aux aspects cliniques très particuliers. Ainsi est née une véritable pathologie de l’altioude avec ses désardres organiques propres et sa traumatologie spéciale, pathologie dans laquelle il nous semble logique d’intégrer les maladies liées à la vie pastorale et avant tout les Brucelloses auxquelles nous avons déjà fait allusion à diverses reprises. Dues à Br. Melitensis dans les « pava à moutons » tels que les Alpes de Provence et les Causses, ces Brucelloses relèvent plus volontiers de Br. Abor¬ tts dans les « pays à bovins » comme la Savoie, le Limousin et l’Auvergne. Leur fréquence toutefois va en dimintant progressivement du sud au nord, à mesure que l’on s’éloigne du gros fover médilerranéen (indices de morbidité à 9 dans le Dauphiné et à 7,2 en Savoie, à 4,5 dans l’Ardèche et à 0. 12 dans le Puy-de-Dôme). A côté de ces fièvres ondulantes on voit évoluer depuis quelques années une affection, nouvelle, la fièvre des jounes porchers , dont quelques cas sporadiques ont pu être identifiés là surtout où le porc est le commensal habituel des troupeaux, c’est-à-dire dans les « fruitières » de Savoie et les « burons » de l’Aubrac. Et nous en arrivons maintenant à ces plaines intérieures, développées au fond des vallées et dont la pathologie doit également susciter notre intérêt. Certes, ce sont là des zones privilégiées. Protégées coutre les vents par de puissants éerans montagneux, elles jouissent d’un cimat adouci. Alluvion naires et fertiles, elles possedent généralement de riches cultures, Par ailleurs. leur sous-sol disloqué bar d’anciennes fractures enserre parfois d’importants bassins houillers (Saint-Etienne, Saint-Eloy. Commentry. Decazeville, etc). LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 118 Enfin, toujours dans le Massif Central, l’activité volcanique passée a laissé comme trace des filons thermominéraux abondants dont certains comportent des résurgences célèbres (Vichy. Rovat, la Bourboule. Châtel-Guvon), entrete¬ nant en même temps une radioactivité du sol qui expliquerait peut-être la rareté locale du Cancer. On concoit dès lors que la vie se soit condensée sur ces terres pleines de ressources, donnant naissance à des agglomérations urbaines prospères. Malheureusement ces avantages ont parfois leur contrepartie. Voies natu¬ relles de pénétration, les vallées favorisent le cheminement des maladies infec¬ tieuses et c’est ainsi qu’une grave épidémie de Poliomyélite a pu s’abattre en 1943 sur la Limagne (plus de 200 cas). Au niveau des bassins houillers, des Silicoscs nombreuses sont apparues soulevant de délicats problèmes médicaux et sociaux. En outre, dans certains bas-fonds humides, des vestiges de Malaria ont subsisté comme c’est le cas pour la petite plaine du Forez et celle d’Argentat. Et nous n’aurons garde d’oublier pour terminer le Goitre endé¬ mique dont les fiefs principaux demeurent, pour les Alpes, le Quevras, l’Oi¬ sans et surtout la Maurienne. Reste le long couloir du Rhône qui, resserré entre les Alpes et le Massif Central, s’étire depuis la plaine séquanaise jusqu’aux rivages de la Médier¬ ranée. Avec des traits encore renforcés, son sort n’a été en rien différent de celui des précédentes vallées. 4 son actif on note, en effet, de belles étendues cultivables, d’admirables vignobles, de florissantes cités. Mais a son passif on peut inscrire les mêmes maux que ci-dessus, c’est¬ à-dire : des restes de Paludisme dans la Dombe, une pathologie minière très vivace (avec Ankylostomose) dans le diverticule du larez (bassin de Saint¬ Etienne), des Typhoides, quelques Spirochétoses et, fait plus original, de nom¬ breux apports mtorbides en provenance de l’extérieur. Or, ces apports morbides portent avant tout la marque proyencale. Du point de vue climatique, chacun connait ce fameux syndrome du vent du Midi qui, à Lyon, déprime les adultes et détermine chez les nourrissons des accidents de déshydratation souvent graves, parfois même mortels. Et. dans le domaine infectieux, nous savons déjà que de Marseille s’élance vers Paris à travers le sillon du Rhône toute une gamme de germes pour lesquels Lyon représente un point d’arrêt particulièrement vulnérable, un véritable relais. Ainsi l’agglomération Iyonnaise est aujourd’hui le siège de toute une pathologie d’emprunt en perpétuel danger d’accroissement. Ceci, elle le doit à sa sifuation exceptionnelle à l’un des confluents les plus fréquentés de l’Europe occidentale. Mais il serait injuste de ne pas faire remarquer à cette occasion que c’est également cette position qui a le plus contribué à sa puis¬ sancc et à sa grandeur. Capitale de la soie depuis des siècles, la ville est devenue un des centres industriels les plus importants en même temps qu’un des foyers intellectuels les plus actifs de notre pays. Sa primauté s’étend de nos jours sur une dizaine de nos départements, aussi bien du côté des Alpes jusqu’à la frontière italienne que du côté du Massif Central jusqu’à l’Auvergne. Et c’est en grande partie pour cette raison que nous avons tenu à réunir, mal¬ gré des oppositions de détail, toutes les vastes régions qui la desservent dans une étude d’ensemble commune. MIL JURA ET PAYS DE LA SAONE CÉNÉRALITÉS Nous envisagerons dans ce chapitre toute la région située entre la Saon et la frontière suisse d’une part, la trouée de Belfort et le coure supérieur du Rhône d’autre part. Ainsi délimitée, elle englobe la totalité des départe¬ ments du Doubs, du Jura et de l’Ain, ainsi que la majeure partie de la Haute-Saône et une partie de la Saone-et-Loire. Elle correspond donc à l’ancienne province française de Franche-Comté, augmentée de ses annexes naturelles, c’est-à-dire la plaine bourguignonne à l’ouest, les Dombes la Bresse et le Bugey au sud. Adossée à la chaine du lura qui lui constitue une vigoureuse épine dorsale, elle voit se succéder d’est en ouest, après la zone des forêts et des hauts pâturages aux dessins souvent austères, toute la série des plateaux calcaires de la Haute-Saone étagés en terrasse, puis la dépression de la basse Saone en forme de cuvette oblongue, où la vigne alterne avec la grande culture. A la considérer dans son ensemble, cette région demeure essentiellement agricole, s’opposant ainsi à la région du nord-est, sa voisine, qui, elle, est avant tout industrielle. Tout contribue d’ailleurs à lui donner cet aspect : un sol plus fertile, une latitude moins élevée et aussi des vallées généralement mieux abritées. Pays de céréales et de sylviculture, elle reste pourtant au premier chef. et aujourd’hui encore, un pays de gros élevage, grâce à ses vastes herbages. plus gras peut-être dans le Jura que dans la plaine bourguignonne, mais assez riches partout pour nourrir infiniment plus de bovins que de moutonss grâce aussi à ses porcheries justement célèbres. Assez variée dans ses productions avec seulement des diff́rences en plus ou en moins ou des particularités locales, elle offre à l’examen deux secteurs bien distincts que nous allons maintenant passer très rapidement en revue. A — LA RÉCION DU URA Etendue d’un seul tenant derrière le talus très étiré qui la borde à l’ouest depuis le Retermont jusqu’au Lomont, tombant à pic sur la Suisse à la manière d’un puissant rempart, la région du Jura est formée par une succes¬ sion de chainons parallèles parcourus à leur sommet par des « combes » longi¬ tudinales, séparés entre eux par des failles herbeuses profondes ou « vals » et coupés par des cassures transversales ou « cluses », le tout suivant un systême bien décrit dans tous les ouvrages classiques. TURA ET VALLEE DE LA SAONE LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE 124 Les ressources sont ici, d’une manière générale, assez médiocres. Le cli¬ mat rigoureux frappe une partie du pays de stérilité; sur les cimes, en effet. il chasse la végétation ou la réduit à l’extrême; mais les différences d’alti¬ tude y créent, sinon l’abondance, du moins la diversité; et la fréquence des pluies supplée à l’excessive perméabilité du sol. Au-dessous de 1 300 mêtres, c’est la présence exclusive des nâturages d’été; mais leur herbe — trop souvent mélangée à la funeste absinthe — est assez fournie pour permettre le développement d’une bonne race de vaches à robe tachetée dont le lait est transformé en fromage dans les fruitières. Entre 1 300 et 700 mêtres, on voit apparaître, alternant avec les mêmes pâturages, des forêts de sapins qui comptent parmi les plus belles de France. Si l’on descend ensuite jusqu’à 400 mêtres, on rencontre les forêts feuil¬ lues : bouleau, frène, hêtre, etc.: les cultures fourragères cédent peu à peu la place aux céréales, réduites encore au seigle et à l’avoine. Au-dessous de 400 mêtres enfin, commence le bon pays : c’'est la terre du blé, des cultures maraichères et surtout du vignoble, lequel s’épanouit le long du versant occidental du talus déjà mentionné, face à la vallée de la Saone, pour donner des crus parfois fort estimés (crus d’Arbois, de Poli¬ gny, etc.). Ainsi, avec ses sillons régulièrement disposés et ses zones de végétation partout identiquement réparties, la région du Jura offre une physionomie bien particulière, très agréable d’ailleurs malgré une légère nuance de mono¬¬ tonie. Mais un autre caractère, conséquence directe du climat, le régime des eaux, vient complétér son originalité. Schématiquement, on peut dire que le climat est du type a'pestre, étant marqué par des contrastes accusés. Dans le Haut-lura surtout, on ne dis¬ tingue guère que deux saisons : l’été, chaud et clair, qui dure 4 mois et per¬ met les cures d’altitude (pays de Gex), puis l’hiver qui en dure 8 avec d’abon¬ dantes chutes de neige favorables aux sports d’hiver (région de Morez et de Saint-Claude, Valserine, etc.). La « bise » sèche et glaciale, venue du nord-est s’engouffre alors dans les vallées. Mais les vents dominants restent incontes¬ tablement ceux d’ouest qui condensent leur humidité au contact des parois froides des montagnes.: Il en résulte des précipitations atmosphériques qui comptent parmi les plus fortes de France. Le pluviomêtre marque facilement des moyennes de l m 50 à 2 mêtres, voire même davantage, à mesure que l’on se rapproche des hauts sommets — Besançon, pourtant située au fond d’une vallée, recoit encore 1 m 10 d’eau par an. Cette abondance des pluies entraine l’abondance des caux superficielles. De nombreuses rivières parcourent en effet le pays, originaires pour la plupart de la partie centrale de la chaine. C’est là, en particulier, que naissent le Doubs, l’Ain, la Brenne et la Valserine dont on apercoit sur la carte les cours tortueux, cheminant d’un val à l’autre à travers les cluses ençaissées. UIn tel réseau hydrographique étonne sans doute dans un massif dont la carcasse est uniquement constituée par des masses calçaires perméables. En réalité, dans toute la partie haute du Jura, des marnes crétacées tapissent le fond des vallées, cependant que des placages morainiques, témoins d’anciens glaciers, obstruent les fissures du terrain. Ainsi s’explique l’importance du ruissellement en même temps que la fréquence des lacs — lacs de Nantua. de Silans et de loux notamment — blottis au tond des cluses et des combes au milieu de décors d’une pittoresque grandeur. Plus loin, par contre, dans la partie occidentale de la chaine, ces revétements argileux n’existant plus, lais¬ sent à nu un sol fissuré et soluble. Les crevasses allongées des lapiés, les dépres¬ sions circulaires des dolines, les avens appelés ici emtposieux criblent alors le plateau. Du même coup, les rivières se raréfient, puis disparaissent, ap JURA ET PAYS DE LA SAONE 125 bées par les fentes multiples de leur lit. Il en résulte une circulation souter¬ raine intense, les eaux franchissant tantôt de longues galeries, tantôt des poches dilatées, avant de réapparaitre à flanc de coteau sous forme de sources vau¬ clusiennes là où la couche imperméable qui les guide vient affleurer. Ainsi les eaux du plateau de Leviers et les éléments perdus par le Doubs près de Pontarlier, se collectent pour former la Loue. Ainsi naissent égale ment les petites rivières de la bordure occidentale où les résurgences du Lison et de la Seille comptent parmi les plus célèbres. Du point de vue épidémiologique, on concoit que ce dispositif soit du plus haut intérêt. Drainant un bassin d’alimentation exposé à toutes les souil¬ lures humaines ou animales, traversant ensuite des terrains fissurés qui se comportent comme de mauvais filtres, ces eaux, souvent impures malgré leur apparente limpidité, transportent à distance les germes qu’elles ont pu ren¬ contrer au passage. On voit dès lors apparaitre dans les vallées des épidémies parfois explosives d’origine hydrique, des cas de Fièvre typhoide notamment. dont l’origine devra toujours être recherchée aux étages supérieurs, c’est-à dire sur la montagne même, où l’enquête ne manquera pas de révéler l’exis¬ tence de fovers d’infection souvent méconnus. B — LES PAYS DE LA SAONE Compris entre les escarpements calcaires du Revermont et les éboulis de la Côte-d’Or, les pays de Saône occupent aujourd’hui une dépression allon gée sur l’emplacement de l’ancien lac bressan. Communiquant jadis avec l Méditerranée par un fiord resserré correspondant à l’actuelle vallée du Rhône. ce lac s’est comblé peu à peu sous l’accumulation des dépots alluviaux charriés par les cours d’eau, dépôts auxquels sont venus s’ajouter, en amont de Lyon¬ des moraines glaciaires arrachées aux massifs alpestres. Ainsi naquirent des terres basses en forme de cuvettes, grandes ou petites, parcourues de bout en bout par une rivière au cours tranquille, gonflée par de nombreux affluents. Lien certain entre les régions qu’elle traverse, la Saône n’a toutefois pa réussi à réaliser leur unité. Rien ne rappelle ici la belle ordonnance de la vallée de la Seine ou de celle de la Garonne. Il s’agit plutôt d’une succession de bassins aux structures variées s’étageant doucement vers le sud depuis les terrasses de la Haute-Saône jusqu’au confluent rhodanien. Sitôt franchis, en effet, les plateaux avres et desséchés où la rivière prend sa source, on arrive à un premier palier, celui de la plaine bourguignonne qui s’étale depuis Gray jusqu’à la rencontre du Doubs. La, un contraste sai¬ sissant existe entre les buttes argileuses couvertes de forêts, qui pointent un peu partout dans la campagne, et les vallées verdovantes où s’épanouissent d’abondantes récoltes. A l’ancienne agriculture pauvre s’est substituée de nos jours une exploitation très poussée, d’allure bien particulière, comme ces hou¬ blonnières et ces vergers de cerisiers, de pruniers et de mirabelliers dont on tire des eaux-de-vie et qui annoncent déjà l’Alsace toute proche. Plus en aval, sur un plan légèrement inférieur, s’étend la Bresse, la plantureuse Bresse, l’un des plus beaux greniers de la France. La terre limo¬ neuse, d’une fraicheur constante grâce à l’eau qui sourd partout des marnes profondes, y produit d’opulentes moissons rapidement dorées sous le chaud soleil d’été. Grande pourvoyveuse de grains, cette région est également un important foyer d’élevage. Du fait de ses immenses ressources, elle peut en effet nourrir des bœufs robustes, des porcs, des chèvres, des moutons et sur¬ tout d’innombrables troupeaux de volailles à qui elle doit la plus grande part de sa réputation. 126 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Tout à fait au sud enfin, la Dombes, « sœur chétive de la Bresse », aurait quelque prétention à l’égaler si elle n’était affligee d’un sol fangeux caillouteux (moraines), imperméable, peu propice aux cultures. Des étangs poissonneux y ont fait jadis la fortune du pays, fortune d’ailleurs chèrement acquise aux dépens de la santé publique fortement compromise par les fièvres paludéennes. Il a fallu, nous dit Reclus, multiplier lois et décrets pour com¬ mencer l’assainissement du pays et vaincre la résistance des habitants moins attachés à l’hygiène qu’aux gains tirés de leurs pêches. Aujourd’hui, toutes proportions gardées, la Dombes à peu près asséchée et assainie est devenue une petite Bresse, apportant à la région son contingent de récoltes, mais encore peu adaptée, semble-t-il, à l’élevage. Différente du Jura par le sol et le relief, la vallee de la Saône l’est aussi par le climat. Ici, en effet, c’est le climat rhodanien qui l’emporte avec ses froids modérés, ses étés souvent très chauds, ses automnes agréables. La arrivant par la vallée du Rhône. vigne absente de tout le Nord-Quest atlantique se retrouve désormais chez elle : mais elle exige des sites exceptionnels. Rare dans la Bresse et de médiocre valeur dans ce pays d’herbages elle vient recouvrir les pierrailles ensoleillées du bas lura encore baignées par la tiède haleine des vents méditerranéens Comme toutes les zones déprimées, cette région est moins arrosée que les montagnes qui l’environnent. Dans les parties les plus creuses même, les préci¬ pitations sont presque aussi faibles que dans la plaine d’Alsace. Et pourtant la Saône, calme et paisible d’ordinaire, est parfois sujette à de brusques débordements. En effet le régime de cette rivière sans pente dépend des facteurs qui conditifonnent l’écoulement beaucoup plus que de ceux qui règlent l’alimentation. En hiver, le sol est gelé ou imbibé d’eau : dès lors, la moindre pluie ou une fonte prématurée des neiges entrainent tout de suite de vastes crues et provoquent à perte de vue ces inondations si familières aux habitués de la ligne Paris-Lyon. Ainsi, fréquemment submergée, la vallée de la Saône est fatalement exposée à toutes les affections d’origine hydrique — Typhoide Spirochétose, Poliomvélite. Acrodynie, etc. — que nous avons déjà signalées ailleurs et notamment le lonc de la Garonne. On sait qu’elles sont dues suivant les cas à l’humidité du sol, à la pullulation des muridés ou à la souillure de puits insuffisamment protégés. Avant de clore ces paragraphes consacrés aux pays de l’Est et à leur phy¬ sionomie d’ensemble, une remarque reste à faire concernant un secteur d’as¬ pect assez particulier : le département de l’Ain. C - UNE MOSALQUE DE TERROIRS : LE DÉPARTEMENT DE L’AIN Ce département, qui ferme à la fois vers le sud le croissant jurassique et les plaines de la Basse-Saône, présente du point de vue géographique une structure très complexe. Coupé du nord au sud par l’Ain et son affluent, le Suran, il se trouve divisé en deux parties de dimensions à peu près égales mais tout à fait diffé¬ rentes dans leur constitution. A l’est, c’est le Bugcy où viennent se prolonger les derniers chainons du Jura au milieu d’un cadre sauvage, d’une incontestable majesté. Le plus orien¬ tal de ces chainons s’individualise pour donner le pays de Gxex spécialement réputé pour ses vaches laitières. C’est ici que l’on rencontre les sommets les plus élevés, non seulement du département, mais encore de tout le système Jurassien, avec le Crêt de la Veige haut ue 1 129 m5 ee 6 Grrs JURA ET PAYS DE LA SAONE 127 d’une altitude sensiblement identique (1 720 m). Crâce à son reliet et à la pureté de l’air qu’on y respire, cette contrée est devenue un centre apprécie de tourisme ou de repos. On y pratique les sports d’hiver, notamment à Champ¬ fromier, Mijoux. Lélex appélé le « Chamonix du lura ». Chegery et Belley doux, cependant qu’à Divonne on traite avec succès les psychasihéniques et les déprimés, et qu’à Hauteville on soigne les tuberculeux dans un sana¬ torium fort connu. Au centre, enclavé entre l’Ain et le Suran, et se rattachant au même massif montagneux, s’avance, le promontoire du Regermont au profil égale¬ ment accidenté. A l’ouest, par contre, sitôt franchies ces deux rivières, le paysage change complêtement d’allure. Désormais c’est la plaine qui commence, toute entière orientée vers la riche vallée de la Saône. Cette plaine, nous en connaissons déjà les parties constitutives. Ce, sont : au nord, la Bresse, type parfait des régions agricoles, devenue après de savants travaux l’un des coins les plus fertiles de France, au sud, la Dombes, gigantesque moraine frontale gagnée elle aussi, mais non sans peine, à la culture. De cette dernière région nous pourrions détacher, il est vrai, au-dessous de la ligne Trévoux-Montluel. l’angle sud-ouest du département, désormais complètement incorporé à la vie Iyonnaise. Prenant part à l’activité industrielle de la florissante cité dont elle est devenue une sorte de grande banlieue, cette zone voit aujourd’hui sa popu¬ lation croitre d’année en année d’une manière étonnante. Ainsi constitué de morceaux fort disparates, le département de l’Ain se range certainement parmi les plus hétérogènes de notre pays. De ce fait même. il présente pour nous le plus haut intérêt puisqu’il permet du point de vue nosologique des comparaisons fructueuses entre les secteurs très contrastés qui le composent. Nous allons en avoir à plusieurs reprises le témoignage. En regard des abondantes ressources du sol que nous venons très briève¬ ment d’indiquer, la production du sous-sot franc-comtois et bressan apparait comme des plus modestes. Dans l’ensemble, la nature du terrain se prête beau¬ coup plus aux carrières qu’à la mine. Et si l’on rencontre un peu partout du marbre et de la bierre à bâtir, on ne trouve par contre aucun gisement houiller important (sauf peut-être celui de Ronchamp au nord, déjà bien excentrique). aucun gite de minerai digne d’être signalé. Dans ce domaine, il est cependant un point qui mérite de retenir l’atten¬ tion. Les assises du pays renferment en effet des nappes salines étendues notamment à la base des plateaux du Jura aux environs de Besançon et plus encore à Salins et à Montmorot près de Lons-le-Saunier. Extrait des sources par évaporation, ce sel est l’objet d’une exploitation active. Or ces sources chlorurées sodiques présentent, en dehors de leur valeur commerciale considérable, un intérêt thérapeutique réel, qu’il s’agisse de la station de la Mouillère dans les faubourgs de Besançon ou, mieux encore, de celle de Salins. D’autres sources minérales réparties dans la région s’ajoutent d’ailleurs à ce bilan. Beaucoup d’entre elles sont sans importance ou d’une renommée purement locale, Il n’en est pas de même de celles de Luxeuil et de Bourbonneles-Bains dont la réputation dépasse le cadre de la région et s’étend au loin. Dépourvue, comme il vient d’être dit, de ressources minières, la Franche¬ Comté n’a jamais pu prendre un essor économique important. Mais cet essor s’est trouvé encore entravé, au moins dans la montagne, par un autre fac teur : la dificulté des communications. Abstraction faite de quelques seuils. cluses ou cols, les relations demeurent en effet très précaires à l’intérieur du lura. Sans doute l’art des insénieurs a r ncessr « doomgpes de ggex ces 1 128 LA PATTIOLOGE RÉGIONAIE DE LA TRANCE obstacles en lancant des ponts d’une hardiesse extrême, en creusant des tunnels ou même en aménageant certains cours d’eau comme le Doubs. Mais ces efforts n’ont pas suffi à ouvrir largement le pays aux influences du dehors. Aujourd’hui encore, il vit dans un état d’isofement au moins relatif, les grandes transactions commerciales s’effectuant le long de la grande voie natu¬ relle qui longe à quelque distance sa facade occidentale. Cette grande voie, c’est la vallée de la Saône prolongée par celle du Rhône. Elle débute au nord par un vaste carrefour où se rejoignent les routes venant d’Alsace par la « porte de Bourgogne », des « hauts de Meuse » par le « seuil de Lorraine » et de Champagne par le « seuil de Langres ». Chemin certainement le plus court entre l’Europe septentrionale et les pays médi¬ terranéens, elle doit à ce fait d’avoir été à travers les siècles l’une des avenues les plus souvent foulées par les invasions. Lieu de passage toujours animé, cette vallée de la Saône n’est pourtant pas devenue un lieu de séjour. L’homme a en effet trop de raisons d’y craindre l’instabilité de la rivière et ses caprices. Seules quelques cités — Châlon. Macon. Villefranche — se sont installées sur ses rives au débouché d’un pont ou à proximité de quelque confluent. La population a préféré se réfugier au pied du Massif, sur la ligne de contact entre le lura et les plaines bordières. La dans un cadre agréable, les villes sont venues s’échelonner à l’entrée des vallées latérales appelées « reculées », où elles assurent les échanges entre la plaine et la montagne. Ce sont notamment Lons-le-Saunier, Poligny, Arbois. Salins et surtout Besançon sur une boucle du Doubs. En arrière, en pleine chaine, ce sont principalement les issues des cols qui ont été occupées (Morteau. Pontarlier). Quant à la zone des plateaux, la plus déshéritée, elle ne possède que de rares villages disposés le long des failles . Toutes ces agglomérations urbaines que nous venons d’énumérer sont en réalité petites et la éapitale franc-comtoise elle-même, Besançon, ne compte guère plus de 60000 habitants. D’une manière générale, la population est essenttellement rurale, composée d’une race de paysans dure, solide et forte. Malheureusement, ici comme en bien d’autres régions, l’attirance des gros centres, en l’espèce Lyon et Paris, se fait de plus en plus sentir, entrainant une épuigration qui a pris de nos jours des proportions véritablement alar¬ mantes. Ainsi s’opposent dans le centre-est de la France deux régions d’asnect fort différent mais dont les activités se complêtent : — le massif du Jur d’une part, tout entier orienté vers la vie pastorales — la vallée de la Sône d’autre vart, riche plaine agricole assujettie à la rivière qui lut a donné naissance et semblable en cela aux bassins plus étendus de la Seine et de la Garonne. Toutes les incidences de la pathologie locale dérivent de cette oppoci¬ tion. C’est ce que les chapitres suivants vont démontrer. BIBLIOCRAPHIE 1. BOURGET (M.). Le Jura, de Gigord, edit, Paris, 1934. 2. BRUTAT (M.). Précis de géographie. Carus cdit, p. 18-20. 3. GEORGE (P.). Les Pays de la Saône et du Rhône. Presses Universitaires de France. Paris, 1941. 4. GRANGER (E.). La France. Favard édit, Paris, 1947. 5. MAURETTE (F.). Toute la Francc. Hachette édit, Paris, 1933. d’éditions modernes illustrées, 1948, t. Il, chap. IX, p. 495. JURA ET PAYS DE LA SAONE 1 — LA FIEVRE ONDULANTE EN ERANCHE-COMTÉ 129 Nous ne referons pas ici l’historique de l’endémie brucellienne en France en avant déjà exposé les étapes essentielles dans le chapitre consacré à la pathologie du Languedoc. Nous rappellerons simplement que la Fièvre ondu¬ lante parait avoir été importée dans notre pays au début de ce siècle, la première observation due à Cantaloube remontant à 190, Parti de la côte méditerranéenne, le mal s’est ensuite infiltré le long des vallées alpestres à la faveur de la transhumance, envahissant chaque année des territoires de plus en plus étendus. Il s’agissait en l’espèce de la véritable fièvre maltaise, déter¬ minée par Brucella melitensis et transmise à l’homme par les chèvres et les moutons si fréquents dans nos provinces méridionales. allemandes. Entre-temps, une autre forme de Brucellose avait fait son apparition en Europe du nord, frappant en particulier les Etats baltes, la Pologne et le Danemark. Elle relevait d’un germe voisin du précédent. Brucella Abortus. agent de l’avortement épizootique des bovidés, la contamination humaine se faisant par l’intermédiaire de ces derniers. Gagnant rapidement vers le sud. elle ne devait pas tarder à atteindre nos frontières au travers des plaines Ainsi menacée de part et d’autre par la marche concentrique de ces deux affections, la Franche-Comté ne pouvait longtemps échapper à leur assaut combiné. Cependant, un facteur local important allait aussitôt inter¬ venir pour donner à chacune d’elles des chances d’installation différentes. On sait en effet que la région du lura ne possède que fort peu d’ovins et de caprins, alors qu’elle se livre au contraire à un élevage intensif de bêtes à cornes. La Brucellose comtoise allait donc prendre nécessairement et d’emblée t’aspect d’une Brucellose a Abortus d’origine bovine. Un fait nouvellement connu devait toutefois enlever à cette notion son caractère absolu. Il est en effet désormais établi que les bovidés peuvent se contaminer au contact des moutons. C’est ce que l’on a vu se produire tout d’abord en Haute-Saone en 1935-1936, puis dans le département de l’Ain. Ainsi donc, la Fièvre ondulante comtoise, tout en demteurant d’origine exclu¬ sivement bopine et essentiellement base d’Abortus, s’est montrée récenment susceptible de relever occasionneltement de Micrococcus melitensis. C’est là comme nous le verrons plus loin, un événement épidémiologique d’une gravité réelle pour l’avenir du pays. A. — ERÉQUENCE DES RRUCELLOSES EN ERANCHE-COMTÉ. C’est en février 1928 que Ledoux et ses Flèves publièrent à la Sociéte Médicale des Ĥpitaux de Paris le premier cas franc-comtois de Fièvre ondu¬ lante d’origine bovine. L’affection présentait tous les caractères cliniques de la fièvre de Malte et le sérum du malade agslutinait à 17200 le bacille de Bang et celui de Bruce. Toutefois, il ne fut pas possible de préciser auquel des deux germes on avait affaire. Quoi qu’il en soit, le sujet avait été contamine par des vaches atteintes d’avortement épizootique, maladie particulièrement fréquente dans le cheptel de la région. Ce cas venait s’inscrire immédiatement après ceux de Lisbonne (1925). Veil et Ménard (1925), puis de P. Ciraud (1926), lesquels avaient déjà attire l’attention du Corps Médical sur le « péril bovin » en France. En 1930. Ledoux et Baufle faisaient connaitre à l'’Académie de Médecine l’existence en Franche-Comté d’un véritable foyer autochtone de cette infection égard: 13 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE dont ils allaient désormais suivre pas à pas l’évolution dans nos départements. de l’Est. Ils se basaient dans leur exposé sur un ensemble de 16 cas personnels dont 12 appartenaient au Doubs, 3 au lura et 1 à la Haute-Saône. Deux ans plus tard (décembre 1932). Ledoux et ses collaborateurs étaient parvenus à un total de 25 cas, les derniers constatés étant presque tous ori¬ ginaires de la région byzontine. Dès lors, l’alerte était donnée aux praticiens franc-comtois qui, bientôt. rapportèrent à leur tour les résultats de leurs observations. Afin de nous faire une idée, au moins approximative, sur l’importance de l’endémie locale ainsi décelée, nous nous sommes adressés en premier lieu aux organismes officiels, et voici, très résumés, les renseignements qu’ils nous ont fournis. On peut évaluer à une cinqruantaine environ le nombre des cas de Bru¬ celloses régulièrement déclarés dans chacun des départements de l’Ain et de la Haute-Saône entre les années 1932 et 1944. Pendant le même laps de temps on en comptait une soixantaine dans le Doubs et seulement une dizaine à peine dans le Jura. Soit un total de 170 ̀ 180 cas en 13 ans pour toute l4 région considérée. C’est bien à des résultats du même ordre qu’aboutit l’enquête effectuée par l’Institut. National d’Hygiène puisque celle-ci ne parvient à réunir au cours des cina années 1941-1945 que 16 contaminations au total dans chacun des départements de la Haute-Saone et de l’Ain, 7 dans le Doubs et 5 dans le Jura, soit une moyenne annuelle de II cas pour l’ensemble. Ajoutons que, durant l’exercice 1949-1953 cette moyenne est tombée selon les mêmes sources à 9, avec 13 cas dans la Haute-Saône, autant dans le Doubs, 10 dans l’Ain et 7 dans le Jura. Ainsi l’écart entre le nombre des contaminations enregistrées d’un sec¬ teur à l’autre tend aujourd’hui à se réduire, en même temps que s’abaisse peu à peu l’indice de morbidité pour la région entière. Ces phénomènes, qui d’ailleurs ne sont pas spéciaux à la Franche-Comté, nous les retrouverons ulté¬ rieurement. D’ores et déjà ils suffisent à nous expliquer que tous les dépar¬ tements comtois se trouvent actuellement rassemblés dans le second tiers de la liste des départements français établie en fonction de la densité des atteintes brucelliennes. Voici, du reste, des tableaux particulièrement significatifs à cet Fréquence de la fièure ondulante dans l’Est (d’après l’Institut Nationat d’Hygiène). diagnostiqué dans le pays parmi la population. JURA ET PAYS DE LA SAONE 131 Bien entendu, ces chiffres, pour intéressants qu’ils soient, sont comme toujours loin de correspondre à la réalité des faits. Malgré la campagne inten¬ sive menée par les Pouvoirs publics en faveur du dépistage attentif de toutes les manifestations de Brucellose sur notre territoire, trop de cas demeurent encore méconnus, surtout dans la clientèle rurale où les médecins n’ont d’ail¬ leurs pas toujours la possibilité de faire confirmer par le laboratoire le diag¬ nostic que la clinique leur a fait suspecter. C’est ce qui explique sans doute. au moins en partie, la moyenne très faible enregistrée dans le lura, ce dépar¬ tement se trouvant particulièrement éloigné de tout centre important de recherches. Ajoutons à cela que, trop souvent aussi, les praticiens négligent de faire aux autorités compétentes la déclaration que la loi de 1925 a pourtant rendue obligatoire en matière de Mélitococcie. Dans ces conditions, il n’y a pasilieu de s’étonner outre mesure des dis. cordances qui apparaissent entre les données officielles et celles qui résultent des enquêtes privées. Nous avons questionné par lettre un certain nombre de confrères depuis longtemps installés dans le pays et plusieurs nous ont répondu avoir eu l’occasion d’observer à maintes reprises chaque année des pyrexies trainantes sudoro-algiques évoquant en tous points la Mélitococcie, mais aux¬ quelles ils n’ont malheureusement pas toujours pu apporter la confirmation bactériologique. Malgré la prudence que cette dernière remarque impose, il ne nous parait pas excessif, en nous basant sur les documents recus, d’évaluer en définitive 100 ou 200 au minimum l’ensemble des cas de Brucelloses survenant annuelle¬ ment dans le groupe des départements envisagés (1). Si maintenant on aborde la question sous un autre angle, celui de l’éto¬ lution générale de l’endémie brueellienne depuis son quènement en Franche¬ Comté, on s’aperçoit qu’ici encore des constatations intéressantes sont à faire. Alors que, dans une première période qui s’étend de 1928, date du cas initial de Ledoux, jusqu’à la guere de 1939, on assiste à un accroissement à peu près continu du nombre des atteintes mélitococciques, à partir de 1941¬ 1942 — et actuellement encore comme en témoignent les documents ci-dessus (L.N.H.) — on a l’impression d’une régression nette de la maladie partout ou elle s’était implantée. Cette notion ressort d’ailleurs beaucoup plus de notre prospection per¬ sonnelle que des statistiques officielles, soumises, comme nous l’avons vu, à de trop capricieuses fluctuations. C’est ainsi que le Docteur Gomet, de Besan¬ con, nous écrivait notamment en décembre 1945 : « Tandis qu’il m’était donné dans certaines années de voir de 10 à 12 cas de fièvre de Malte, je ne me sou¬ viens pas en avoir vu un seul depuis deux et peut-être trois ans. » Des obser¬ vations identiques nous ont été ccmmuniquées par d’autres confrères et en particulier par le Professeur Ledoux lui-même, lequel s’est par ailleurs préoc¬ cupé de trouver à ce phénomène une explication satisfaisante. Selon lui, cette brusque détente relèverait de deux causes principales : d’une part de la vacci¬ nation des bovins, opération considérée comme efficace par les vétérinaires. d’autre part et surtout de l’abattage de nombreuses vaches avorteuses livrées à la réquisition par leurs propriétaires. Est-il possible de tirer de ces événements récents des conclusions pour l’avenir2 Faut-il voir notamment dans cet abaissement de la courbe de mor¬ bidité l’annonce de l’épuisement prochain d’un état endémique devenu assez (1) De son côté M. Rossi, directeur des Services vétérinaires de Saone-et-Loire. estime à une quinzaine environ le nombre des malades de son, département atteints chaque année de fièvre de Malte depuis 1932, date à laquelle le premièr cas a été coutumes à son voisin du nord. 132 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE inqujétant avant-guerre? Il serait sans doute prématuré de se prononcer à ce sujet. Toujours est-il qu’il existe là une évolution nouvelle intéressante à noter mais qui ne saurait motiver le moindre relâchement dans l’application des mesures de prophylaxie déjà en vigueur. B. — RÉPARTITION DES CAS DANS LES DIFFÉRENTES ZONES: Elle se fait de manière assez particulière suivant les départements considérés. 1. - Déparcements du Doubs et du lura. L’étude de la répartition de la Fièvre ondulante dans le Doubs a fait l’objet en 1937 d’un évcellent travail de H. Viennet, lequel s’est basé sur un ensemble de 51 cas recueillis exclusivement dans le département depuis 1930. Grâce à cette documentation, l’auteur a pu dresser une carte provisoire de la maladie dans la région et déterminer les fovers les plus importants de l’endémie locale. Voici les résultats auxquels il a abouti. Sur les 51 cas considérés, 29 ont été observés dans la partie haute du pays dont l’altitude varie entre 600 et 1 000 mêtres. Ils correspondent aux localités suivantes : Ove-et-Pallet. Sainte-Colombe, Frasne. Levier, Aubonne. Hautepierre, le Valdéhon. Avoudrey. Vercel. Orchamps-Vennes. Ftalans, Loray. Fuans, la Sommette. Laviron, la Grange-de-Bellerbe. Charmoille. Vau¬ cluse. Morteau. Roche-les-Blamont. Guvans-Durnes et Charbonnières. Onze cas ont été dépistés sur le, plateau intermédiaire entre 400 et 600 mêtres d’altitude, à Villers-sous-Montrond. Charnay, Boussières. Larnod, Pouilley-Français. Dammartin. Saraz. Chantrans. Bonnay et Sancey. Enfin, les onze autres cas appartiennent à la région basse entre 200 et 400 mêtres d’altitude à Besançon. Pirey. Saint-Vit. Douvot. Sainte-Marie et Montbéliard. Ainsi donc, il existe dans le Doubs une relation certaine entre la fré¬ quence de la Fièvre ondulante et le relief. En réalité, cette relation n’est qu’in¬ directe et n’intervient que dans la mesure où ce dernier factéur favorise le développement du cheptel et augmente par suite les chances de contamination humaihe. Quoi qu’il en soit, la maladie devra surtont être recherchée sur les terres hautes, dans les zones mêmes des grands pâturages particulièrement propices à l’élevage des bovins. Ce sont en effet ces derniers seuls qui sont à l’origine des cas rencontrés chez l’homme. Dans la propagation de l’affection, la transhumance ne parait d’ailleurs jouer aucun rôle appréciable, cette coutume n’étant guère en hon¬ neur dans le pays. Certaines exploitations — toujours les mêmes — situées dans les communes frontières, envoient bien quelques bêtes pacager en Suisse pendant l’été, mais il ne semble pas que ces déplacements, portant cà et là sur de tout petits effectifs, puissent influer notablement sur la transmission des germes à la population (1). Toutes les remarques que nous venons de faire s’appliquent également au département du Jura, assez semblable par sa structure, ses ressources et ses 133 JURA ET PAYS DE LA SAONE 3. - Département de l’Aip. Dans l’Ain, la diversité des zones a eu pour conséquence d’entrainer une certaine complexité dans la distribution des Brucelloses. Dans sa thèse inaugu¬ rale parue en 1935. J. Goy s’est efforcé de dresser le bilan de l’endémie locale et de déterminer quelles avaient pu être les voies de pénétration de la maladie dans le pays. Nous allons indiquer rapidement;les conclusions auxquelles cet auteur est parvenu. La carte montre tout d’abord que les cas de Brucelloses se sont répartis dans le département en deux groupes essentiels. L’un correspond à la partie basse et comprend : a) Un foyer nord-ouest avec les localités d’Arbigny. Reyssouze, Saint, Jean¬ sur-Reysouze, Saint-Didier-sur-Chalaronne; b) Un foyer sud-ouest avec Montmerle-sur-Saône. Vancia. Nevron. BÉPABTITION DES DBTMIEDS CAS DE FIEVBE OMDULAVTE, DANS L’AIN ( darès J.(69, 1935). important de toute la région. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 134 L’autre correspond à la partie haute et englobe semblablement : a) Un foyer est avec Bellegarde, Chézery, Farges, Collonges et Thoiry; b) Un fover central avec Cormaranche. Hauteville-Lompnès. Brenod. Champdor, Pevriat. Saint-Martin-de-Bavel, Passin et Aranc. De beaucoup le plus important de ces fovers est celui du Bugey, puis vient celui du pays de Gex et en dernier lieu celui du S.-O. Ainsi se trouve vérifié. dans l’Ain comme dans le lura et le Doubs, le principe général suivant lequel l’affection tend à se concentrer essentiellement dans les régions d’alti¬ tude, c’est-à-dire là où le bétail est le plus abondant. Si l’on cherche maintenant à déterminer les voies par lesquelles le pro¬ cessus a pu s’infiltrer dans le pays, on s’apercoit que, selon toute vraisem¬ blance, la contamination ne s’est pas faite par le sud. A priori pourtant, l’hypothèse pouvait paraitre séduisante puisqu’il existe au-delà du Rhône des fovers de Mélitococcie déjà importants et relativement anciens. En réalité cette conception se heurte à toute une série d’arguments d’ordres économique et géographique que Coy a bien mis en valeur en ces termes : « Si l’on prend par exemple l’Isère, on voit que les mouvements d’élevage sont plutôt orientés du nord au sud que du sud au nord. L’Isère cherche à adapter des bovins « pie rouge » (race tachetée de l’Est) à son milieu de plaine situé au sud du Rhône. La région de Villars-de-Lans a une race spéciale de bovins qui( ne diffuse pas vers le Nord. La Fièvre ondulante sévit d’ailleurs surtout dans le sud de ce département, dans la région mon¬ tagneuse qui héberge les transhumants du Midi. Le Centre et le Nord — et notamment la frontière de l’Ain — paraissent indemnes, encore que l’avor¬ tement épizootique y soit fréquent. » Et il ajoute plus loin cette autre remar¬ que : « Les régions infestées de l’Isère ne font pas de commerce avec l’Ain. ) Ainsi donc, la vallée du Rhône se comporte vis-à-vis des Brucelloses à la manière d’une barrière de protection, moins sans doute par l’obstacle géogra¬ phique qu’elle représente que par la limite qu’elle constitue entre deux. contrées aux intérêts divergnts. Tout porte à croire, par contre, que l’invasion de la maladie s’est faite d’emblée par le nord. La limite septentrionale de l’Ain est en effet une « frontière purement administrative » qui permet de larges communications entre ce département et des voisins déjà fortément contaminés. Or l’étude chro¬ nologique des faits montre précisément que depuis quelques années les cas ont tendance à se propager du nord au sud en s’échelonnant de préférence le long des grandes voies naturelles de la Saone et du Bhône, En définitive, tout se passe comme s’il s’agissait d’une double vague déferlant des hauteurs franc¬ comtoises vers les premiers contreforts alpestres. Pour expliquer cete poussée, il ne semble pas, ici encore, qu’il faille faire intervenir la transhumance. Beaucoup moins développée que dans l’Isère, celle-ci ne s’observe guère en effet que dans le pays de Gex, en direction de la Faucille et du Grand Crêt d’Eau, où son intérêt reste d’ordre purement local. Le facteur prédominant de cette extension parait plutêt résider dans l’activité des échanges agricoles entre les divers départements de l’Est. C’est ainsi que la vache gessienne, très appréciée pour ses qualités laitières, est très recherchée dans le Bugey et en particulier sur le plateau d’Hauteville où on la trouve en grand nombre de nos jours. Il est probable que c’est surtout à la faveur de ces importations que la maladie a pu s’étendre du pays de Cex au Bugey, lequel est devenu actuellement le fover mélitococcique le plus 136 part en part. JURA ET PAYS DE LA SAONE 3. - Département de la Haute-Saône et de la Sagne-et-Loice. La topographie moins variée du terrain a eu ici pour conséquence une répartition plus égale des cas, au moins pour l’ensemble du pays, car l’affec¬ tion présente toujours une certaine prédilection pour les hauteurs, ainsi que pour les rives du grand cours d’eau qui traverse ces deux départements de C. — VARIETÉ DU CERME ET ACENT DE TRANSMISSION DANS LES BRUCELLOSES TRANC-COMTOISES. Dans les statistiques rapportées ci-desus, tous les cas de Fièvre ondulante officiellement reconnus avaient recu la confirmation du laboratoire sous forme d’un séro-diagnostic de Wright positif. Malheureusement, si cette épreuve per¬ met de poser en toute sécurité le diagnostic de Brucellose, elle ne renseigne en aucune façon sur la nature exacte du germe responsable et n’indique pas si l’on a affaire au Melitensis ou à l’Abortus, Pour arriver à cette pré cision, il est indispensable de recourir à l’hémoculture, à la condition tou¬ tefois de la compléter par la série des tests de Huddleson, lesquels font appel à des techniques relativement peu courantes. Crâce à la complaisance du C. B. F.0 de Montpellier quelques identifi¬ cations ont pu néanmoins être pratiquées dès le début de l’endémie franc¬ comtoise sur un petit groupe de malades de Ledoux dont deux provenaient du Doubs, un du Jura et un de la Haute-Saône. Tous les résultats revinrent positifs pour Brucella Abortus. Dans le sang d’une vache avant avorté appar¬ tenant à l’exploitation d’un malade de la Haute-Saône, ce fut également Br. Abortus bovis qui fut décelé. C’est ainsi que put d’emblée s’acréditer cette notion que la Fièvre ondu¬ lante en Franche-Comté relevait exclusivement du bacille de Bang transmis à l’homme par des bovins eux-mêmes contaminés. En réalité, à partir de 1935, le problème changea quelque peu d’aspect à la suite de deux constatations d’une portée épidémiologique considérable qui furent faites par E. Ledoux en Haute-Saône et qui mirent en cause pour la première fois, le Micrococcus Melitensis. Les voici très brièvement rapportées. Dans une ferme isolée du canton de Fauçogney on vit apparaitre coup sur coup au cours de l’année 1935 quatre cas de Fièvre ondulante, dont trois très sévères et un mortel. Dans cette ferme, les vaches n’avaient jamais avorté; mais à deux reprises des moutons avaient été introduits dans l’étable Bientôt on s’apercut que les bœufs et les vaches réagissaient à l’antigène brucellique. Il était dès lors logique d’attribuer aux moutons venus de l’exté¬ rieur et la contamination du cheptel et la petite épidémie familiale secondaire. La seconde observation est encore plus probante en raison de la confir¬ mation bactériologique qu’elle comporte. Un éleveur de Cemboing, dans le canton de lussey, fait venir de Savoie un lot de moutons qu’il revend à des cultivateurs du voisinage. Six cas de Fièvre ondulante, dont plusieurs graves. se déclarent chez lui et chez les acheteurs de ces moutons. Le laboratoire par¬ vient à isoler le Melitensis par hémoculture dans le sang d’un malade, Jans le sang d’une brebis et dans le sang d’une vache dont le propriétaire venait justement de succomber à une Typhose mélitococcique. D'autres épisodes du même genre se sont reproduits par la suite dans l’Ain, la Sagné-et-Loire et le Doubs, démontrant une fois de plus la possi¬ bilité d’une infestation par Melitensis des bovins, imprudemment mis au 136 LA PATIOIOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE contact de moutons malades. Ceux-ci, accidentellement importés du Midi, ont donc réussi a introduire en Franche-Comté la Fièvre ondulante à melitensis dont nous redirons plus loin la gravité toute spéciale chez l’homme. Quant au modé de contage, il obéit ici aux mêmes lois épidémiologiques que partout ailleurs. Ce sont toujours les cultivateurs, les bouchers et les vétérinaires qui paient le plus lourd tribut à la maladie. C’est en pratiquant les manoeuvres obstétricales ou en y aidant, c’est par contact avec les produits septiques lors de la délivrance ou de l’enfouissement des avortons qu’ils se contaminent la plupart du temps. Dans d’autres cas, beaucoup plus rares en réalité, on peut invoquer une origine alimentaire ou hydrique. Mais ici les plus grandes réserves sont à faire surtout en ce qui concerne cette dernière éventualité. D — ASPECTS CUINIQUES Du point de vue clinique, la Fièvre ondulante franc-comtoise se carac¬ térise par l’atténuation de ses symptômes, la rareté de ses complications et la bénignité de son évolution. Elle s’oppose ainsi à la Mélitococcie méditerra¬ néenne dont on connait l’habituelle gravité. Très voisine des formes classiques de la maladie par l’aspect de sa courbe thermique et l’importnce de ses phénomènes sudoro-algiques, elle s’en dis¬ tingue cependant par la modicité de l’atteinte générale. L’asthénie et l’amaigris¬ sement notamment sont dans certains cas si peu marqués que le sujet peut conserver en permanence une certaine activité malgré sa température (formes ambulatoires). On n’observe guère par ailleurs les ostéites, sacro-coxites, hépatoméga¬ lies, méningo-radichlo-névrites, etc, si souvent rencontrées dans le midi de la France. Uue réaction méningée lymphocytaire et quelques orchiébididymites, telles étaient jusqu’en 1935 les seules localisations viscérales décrites, si l’on met à part les complications respiratoires sur lesquelles Ledoux a tout spéciale¬ ment attiré l’attention. Ces dernières constituent en effet par leur fréquence une des particularités les plus intéressantes de la Brucellose comtoise, qu’il s’agisse de congestions pulmonaires, de cortico-pleurites ou encore de pleurésies à faible épanche¬ ment et à formule de Iympho-polynucléose. S’accompagnant d’ordinaire d’un certain fléchissement de l’état général, voire même dé petites hémoptysies, ces réactions peuvent en imposer pour une Tuberculose, pour peu que l’on mé¬ connaisse l’endémie brucellienne en cours et que l’on néglige de faire appel aux ressources du laboratoire. L’évolution, il est vrai, peut aider à trancher le débat. Aussi bien dans ces formes compliquées que dans les formes simples, elle se fait normalement vers la guérison au bout d’un délai de 2 à 8 mois, conférant ainsi à l’affection une réputation de bénignité qui persiste encore, mais que certains événements survenus récemment risquent bientôt de compromettre. Ces événements, nous les connaissons déja. On sait que l’année 1935 a été marquée par l’apparition en Haute-Saône d’une double épidémie familiale de Brucellose sévère avec deux cas mortels. Depuis lors, d’autres faits ana¬ logues se sont produits, non seulement dans ce département, mais encore dans les départements voisins et jusque dans l’Ain. Nous ne reviendrons pas sur la cause de ces incidents graves. Elle réside comme nous l’avons vu dans l’introduction en Franche-Comté de ce germe JURA ET PAYS DE LA SAONE 132 redoutable qu’est Micrococus Melitensis, Importé en même temns que des moutons malades, il a d’abord créé de petits foyers localisés de Mélitococcie bouine, avant de déclencher par leur intermédiaire les quelques cas humains connus. On concoit que la diffusion ou la multiplication de ces foyers ne manqueraient pas d’avoir pour l’avenir du pays les plus funestes conséquences. Mais un autre danger est à redouter. Certains indices ne laissent-ils pas présager une ezaltation de virulence de ce même Br. Abortus considéré jus¬ qu’d présent comme un germe « de tout repos »° Tout récemment, en effet. on a pu lui rapporter un certain nombre de cas de Typhoses malignes. En outre, parmi les 7 cas d’Endocardite mélitococcique réunis par E. Ledoux, et qui se sont tous terminés par la mort, il en est un dont l’origine abortive à pu être démontrée par l’hémoculture. Dès lors le mal apparait comme assez sérieux pour que l’on ne retarde pas la mise en application de mesures de prophylaxie énergiques. Il serait souhaitable en particulier que l’on se décide à réglementer, ainsi que l’ont proposé Ledoux et Picard, le transfert dans les zones de grand élevage du Jura de tous les ovins et caprins originaires de régions ou sévit la fièvre à Melitensis. Le temps presse si l’on veut éviter que la Franche-Comté ne devienne un jour la proie d’une double endémie brucellienne. BIBLIOCRAPUIE observé de récidives ni de réchutes. LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE 138 1 — LA MALADIE DES PORCHERS Jusqu’en 1937, la maladie des Porchers n’existait officiellement qu’en Suisse allemande et romande, dans la province de Parme en Italie, et en France en Haute-Savoie (H. et L. Bouchet. Charleux). Bocca en avait en outre signalé un cas dans la Loire. Dès lors, il fallait s’attendre à la voir apparaitre tôt ou tard en Franche-Comté où les conditions des exploitations rurales sont absolument les mêmes. Effectivement, il a suffi qu’à cette époque le Professeur Ledoux entreprit sa recherche systématique en compagnie de quelques médecins. granc-comtois pour qu’en quelques mois, au cours des années 1938,1930, il réussisse à en dépister 13 cas dans le seul département du Doubs. A peu près au même moment, des faits analogues étaient relatés dans l’Ain à la suite d’une enquête menée par M. Rossi¬ Inspecteur des services vétérinaires. Depuis lors les observations n’ont cessé de se multiplier dans toute la région. Ainsi donc, voici une entité morbide nouvelle qui, bien que non origi¬ naire de Franche-Comté et sans aucune spécificité pour ce pays, est parvenue à s’y implanter tout récemment, à l’insu presque du corps médical qui, désor¬ mais mis en éveil, se préocoupe activement de l’identifier et de surveiller son développement partout où elle est susceptible de se manifester. C’est qu’en effet, pour avoir quelque chance de la rencontrer, il faut la rechercher là où elle se trouve, c’est-à-dire dans la zone des hauts patu¬ rages du Jura où se sont installées les grandes porcheries (1). Ces dernières étant essentiellement ravitaillées par le petit lait provenant des fromageries se sont tout naturellement groupées aux points où le cheptel bovin est le plus abondant. La présence de ce cheptel conditionne donc, ici encore, la répartition de la maladie, mais cette fois de manière indirecte. Comme en Suisse et en Savoie, l’affection frappe exclusivement les por¬ chers qui vivent au contact des animaux malades dans des conditions d’hygiène la plupart du temps déplorables. Elle touche avec une prédilection marquée les sufets jeunes, les débutants, qu’une atteinte antérieure n’a pas encore immunisés. C’est ainsi que sur les 6 observations personnelles recueillies par le Docteur lacquart (de Nods)., 4 se rapportent à des apprentis entrés dans la profession depuis quelques semaines à peine. En aucun cas il n’a été JURA ET PAYS DE LA SAONE 136 Il est habituel de dire que la maladie se présente toujours sous une forme sporadique, l’absence de contagion interhumaine s’opposant à l’éclo¬ sion d’épidémies véritables. Néanmoins, il arrive très souvent que les causes de contamination déterminent l’apparition simultanée ou successive de plu¬ sieurs atteintes dans une même agglomération, comme cela s’est vu notam¬ ment à plusieurs reprises dans les écoles suisses de fromagerie. Signalons à ce propos que notre école nationale d’industrie laitière de Mamirolle (Doubs) a réussi jusqu’à présent à échapper à cette menace malgré l’importance de la porcherie annexée à ses « fruitières ». Nous n’insisterons pas sur la symptomatologie de la maladie des porchers que nous avons déjà décrite en étudiant la pathologie savovarde. Nous rappellerons simplement ses quelques traits essentiels, à savoir : le début brutal à la manière d’une grippe, l’évolution en deux phases sucessives, la première digestive, la secondé méningée (1), correspondant chacune à une vague fébrile, la courte rémission intermédiaire avec chute thermique momen¬ tanée, la guérison rapide et complête au bout d’une dizaine de jours. On a observé parfois de la cvanose des lèvres, une conionctivite, voire une petite éruption maculeuse du quatrième jour, mais ce sont là des phéno¬ mènes inconstants auxquels on a voulu cependant attribuer une certaine valeur diagnostique. N’oublions pas qu’il existe, à côté de la forme classique à laquelle nous venons de faire allusion, des formes frustes ou atténuées marquées seulement par quelques malaises digestifs, de la céphalée, un peu de lassitude et qui risquent par suite de passer inapercues. Ce rapide exposé achevé, on peut se demander si l’affection offre dans la région franc-comtoise des particularités cliniques dignes d’être relevées. En réalité, rien ne permet de le penser. Le Professeur Ledoux a simplement insisté récemment sur la rareté des manifestations nerveuses dans les cas qu’il a pu observer, le processus ne méritant pas, à son avis, les appellations de « méningo-typhus des porchers » ou de « pseudo-typho-méningite des fruitiers » qui lui ont été données. Mais c’est là une remarque qui a été également faite debuis lors par plusieurs auteurs dans d’autres pays. BIBLIOCRAPHIE LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 149 I1 — L’ÉCHINOCOCCOSE ALVÉOLAIRE DU FOIE Bien que d’observation rare, l’Echinococcose alvéolaire du foie peut être considérée à juste titre comme l’affection la plus spécifique de la Franche¬ Comté, ou plus exactement du Jura français, encore qu’elle paraisse ne s’être que tardivement implantée sur son sol. Authentifiée pour la première fois par Virchow en 1855, elle a été ren¬ contrée tout d’abord en Bavière et dans le Tyrol, d’où le nom d’Echinococcose bavaro-tvrolienne qui lui a été parfois donné, Par la suite, elle a été signalée en Europe centrale, en Russie et enfin dans la Suisse du nord- est. Dans tous ces pays elle est devenue de nos jours relativement fréquente à en juger par l’abondance des travaux qui lui ont été consacrés. Son apparition en France ne remonte, semble-t-il, qu’à 1890, date de la première observation véritablement autochtone rapportée par Dematteis. Depuis lors, d’autres faits ont été enregistrés, si bien qu’en juin 1938 on pouvait éva¬ luer à vingt le nombre des cas jusqu’alors relatés sur l’ensemble de notre territoire. Sur ces vingt cas, trois seulement ont évolué en dehors de la région de l’Est, à savoir : celui de Desoil dans le Pas-de-Calais (1925), celui de Loeper et Garcin dans le Cantal (1927) et enfin celui de Fiessinger, dans les Deux¬ Sèvres (1936). En réalité, le lieu exact d’origine de la contamination apparait chaque fois ici comme des plus douteux, ainsi que nous aurons l’occasion de l’indiquer dans d’autres chapitres de cet ouvrage. Si, excluant ces quelques cas épars, nous nous en lenons strictement à la région franc-comtoise, nous constatons qu’elle réunit a elle seule exactement quinze — soit les 3/4 — des observations contenues dans la statistique précé¬ dente. Parmi celles-ci, onze sont dues à G. Tisserand qui les a publiées soit seul soit en collaboration avec J.-F. Martin. Ledoux et Baufle. C’est donc à cet auteur que revient avant tout le mérite d’avoir mis en lumière l’intérêt local présenté par cette entité morbide nouvelle. Du point de vue topographique, ces 15 cas se répartissent de la façon suivante : Département du Doubs — 85 Département du lura — 3: Département de l’Ain - 2 (Gex, Bellegarde): Département de la Haute-Saone 2 (Gray, Moutot). On voit, d’après ce tableau, que l’on est en droit de parler d’un véritable foyer franc-comtois de la mualadie. A ce foyer, on peut d’ailleurs ratacher deux autres cas : celui de Wilmoth dans la Côte-d’Or, à Pagny-la-Ville (entre Beaune et Diion), et celui, déjà cité, de Dematteis dans la Haute-Savoie à Thonon. Ce bilan permet de constater que ce sont les départements situés aux confins de la Suisse qui sont de beaucoup les plus touchés, et en particulier le département du Doubs. Bien mieux, si l’on regarde sur une carte l’empla¬ cement précis des points d’impact (voir figure ci-après), on en arrive à cette conclusion que les cas vont en se multipliant à mtesure que l’on se rapproche de 12 Lonti, le, srande mujorite denrce eux, apartenant, aux, contors limitrophes. à Besançon). JURA ET PAYS DE LA SAONE 143 RDARTITION EN FRANE DE LECHINOCOECOSE ALVEOLAIRE LE FOYER FBANC-COMTOIS Depuis 1938, l’Echinococcose alvéoliare a continué à se manifester dans la province comtoise. C’est ainsi que le Dr Tisserand nous écrivait en janvier 1946 être parvenu à en réunir 17 cas, dont 3 non encore publiés, enrichissant ainsi ses statistiques antérieures (1). De tels chiffres peuvent paraître évidemment bien modiques Ils témoi¬ gnent certainement en faveur d’une faible extension du processus, même dans ses zones d’élection. Le danger néanmoins ne doit pas être sous-estimé et ceci pour deux raisons : Tout d’abord, les auteurs se sont bornés jusqu’à présent à relater les faits indiscutables, c’est-à-dire confirmés par l’examen histologique des pièces prélevées après intervention chirurgicale ou autopsie, laissant délibérément de coté les cas, nombreux sans doute, ou la biopsie n’a pu être pratiquée (tel ce malade de Volmat, cultivateur du Doubs, opéré en septembre 193 (1) Camelin et ses collaborateurs (Lyon) viennent tout récemment de publier à la Société médicale des Hopitaux de Paris (23 juin 1954) une observation tout à fait typique d’Echinoçoccose alvéolaire avec identification de parasite à la biopsie peropéra¬ toire. Il s’agissait d’un sujet né en Haute-Saône, mais avant, il est vrai, séjourné quelque temps au Tyrol. Au cours de la même séance. Weissmann-Neter a fait éjat de son côte du cas d’un autre sujet qu’il a pu suivre et qui, lui, avait contracte sa maladie dans le Jura. nécrobjose ». LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE E1 En second lieu, et surtout, en dépit de l’alerte donnée par les maitres de l’école bizontine, la plupart des praticiens ne paraisent pas encore suffi¬ samment familiarisés avec cette affection dont le diagnostic demeure trop sou¬ vent méconnu ou n’est que rétrospectivement soupconné. C’est pourquoi nous pensons qu’il peut être opportun de rappeler en quelques mots dans cette étude de pathologie régionale les caractéristiques essentielles de cete étrange parasitose. L’Echinoçoccose alvéolaire du foie est due à un petit Cestode, le Tœnia echinococcus alycolaris, lequel, pour von Posselt, serait nettement distinct du Taenia echinococcus de van Liebolt, agent causal du Kyste hydatique commun. alors que pour Dévé, dont l’opinion tend actuellement à prévaloir, il ne s’agissait là en réalité que de variétés secondairement différenciées d’un même parasite originel. L’affection est vraisemblablement transmise à l’homme par les animaux domestiques et notamment par les bovidés, sans qu’on soit encore parvenu à déterminer le mode exact de contage. Signalons à ce propos que l’on à parfois attribué la multiplication des cas le long de notre frontière helvétique à l’importation locale d’un bétail contaminé de provenance suisse. A vrai dire, cette interprétation est peu valable, un vétérinaire. M. Lance, avant établi que la race bovine comtoise était d’origine essentiellement autochtone. les échanges de troupeaux entre les deux pays demeurant des plus limités. Les lésions provoquées dans le foie par l’Echinoçoccose alvéolaire différent notablement de celles que l’on observe dans l’hydatide ordinaire, tumeur liquidienne à contenu « eau de roche », toujours nettement enkystée. On trouve ici au contraire une masse solide, non encapsulée, unique ou multiple creusée d’innombrables petites cavités, ressemblant grossièrement, suivant les comparaisons classiques, à du « pain bis » ou à du « bois vermoulu ». Cette néoformation a tendance a infitrer les tissus voisins à la manière d’un cancer et devient susceptible de se mortifier, de s’excaver ou de suppurer. L’aspect histologique, bien étudié par loseph F. Martin, est tout à fait particulier : juxtaposition « d’alvéoles bordés et souvent comblés par une mem brane chitineuse pelotonnée, entourés d’un tissu réactionnel (avec histiocytes. plasmocytes, accessoirement polynucléaires éosinophiles) qui rapidement se Le tableau clinique se présente habituellement de la façon suivante : Il s’agit d’un adulte venu consulter pour un ictère plus ou moins accen¬ tué, ou encore pour une sensation anormale de pesanteur dans l’hypochondre droit. Le début a été insidieux et progressif, et remonte parfois à plusieurs années. A l’examen on constate effectivement, soit un ictère par rétention avec tous ses caractères propres, soit un gros foie induré, lisse ou bosselé. de consistance souvent inégale suivant les régions palpées. On songe dès lors, suivant les cas, à une maladie de Hanot, à une syphilis hépatique et beaucoup plus encore à un néoplasme du carrefour développe aux dépens du foie, du pancréas ou des voies biliaires. Mais la lenteur de l’évolution amène à faire des réserves quant à cette éventualité, d’autant plus que l’état général demeure longtemps satisfaisant grâce surtout à une conservation de l’appétit, voire même à une véritable boutimie, facteur paradoxal dont on a voulu faire un signe pathognomonique de la maladie. A ce stade, les examens de laboratoire ne sont que d’un faible secours Dour le diagnostic. On note généralement une diminution du nombre des JURA ET PAYS DE LA SAONE 143 hématies associée à une eosinophilie marquée. Cette notion, jointe à la posi¬ tivité fréquente des réactions de W'einberg et de Casoni, milite en faveur de l’hydatisme, mais plaide aussi bien pour un lyste ordinaire que pour la forme alvéolaire. De toute façon, le malade s’achemine peu à peu vers la cachexie ter¬ minale des hépatiques : l’ictère se fonce, l’ascite apparait, les œdèmes péri¬ phériques s’installent, la fièvre s’allume, cependant qu’à son tour l’état géné¬ ral décline, l’appétit ne fléchissant qu’en dernier lieu. Bien souvent l’apparition d’hémorragies vient jeter une note sombre sup¬ plémentaire dans ce tableau déjà bien sévère. Entre-temps, le foie n’a cessé d’auxmenter de volume Parfois les bosse. lures se sont multipliées à sa surface, rénforcant encore l’hypothèse formulée d’emblée d’un cancer secondaire de l’organe. La laparatomie exploratrice est alors des plus utiles, mais ses conclusions pourront demeurer hésitantes si le parenchyme hépatique se trouve parsemé de ces masses infiltrantes que nous avons déjà signalées à propos de l’anatomie pathologique. Des chirur¬ giens — et des meilleurs — ont été ainsi amenés à refermer l’abdomen de leur malade, convaincus d’avoir eu affaire à une néoplasie, alors qu’up prélèvement biopsique leur aurait permis d’éviter l’erreur et les aurait autorisés du même coup à porter un pronostic un peu moins pessimiste. D’autres fois la tumeur est devenue rénitente et même fluctuante par suite d’une nécrose de sa portion centrale. C’est dans ce cas que la chirurgie reprend tous ses droits en permettant d’évacuer puis de drainer la poche liduidienne ainsi formée et d’obtenir de ce fait une détente plus ou moins prolongée. C’est qu’en effet, de toute façon, l’avenir du sujet est des plus compro¬ mis, l’évolution se faisant à peu près fatalement vers la mort. Toutefois celle-ci ne survient qu’au bout d’un délai de cing 3 quinze ans, laissant donc au malade une survie beaucoup plus prolongée que dans le cancer. Tels sont, rapidement esquissés, les traits principaux de cette affection curieuse, comme nous l’avons dit, par bien des côtés. Sa fréquence spécia¬ lement élevée en Franche-Comté, sa tendance à l’extension géographique ses aspects trop souvent méconnus, sa confusion facile avec le cancer, nous ont particulièrement incité à revenir un instant sur sa description. BIBLIOCRAPHIE 144 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE IV — LES AFFECTIONS TYPHOIDIQUES La Franche-Comté s’est longtemps classée parmi les régions de France les moins fortement éprouvées par les atfections typhoidiques, déjà peu répan¬ dues dans la Haute-Saone et le Jura, ces affections pouvaient être considérées comme rares dans le Doubs et dans l’Ain ainsi qu’en témoignent les deux documents ci-dessous empruntés à nos sources habituelles : Comparés aux indices moyens de la France entière qui ont été respec¬ tivement, durant les deux périodes envisagées, de 4,8 pour la mortalité et de 22,18 pour la morbidité, les chiffres que nous venons d’indiquer n’ont évidemment rien qui soit, à priori particulièrement inquiétant. Récemment des modifications se sont produites en Franche-Comté, en relation d’ailleurs avec l’évolution générale des typhoses en France. Comme le montre le tableau ci-après, la violente poussée épidémique de 1949, qui a eu un peu partout ses répercussions en France, a été suivie, sauf dans le Jura, d’une régression sensible liée surtout à l’efficacité des thérapeutiques modernes : Indices de morbidité pour 100 000 habirants durant la période 1949.1953 (L.N.H.). JURA ET PAYS DE LA SAONE 145 Ainsi, la situation a quelque peu varié de nos jours. Elle s’est aggravée un moment, en compromettant spécialement les départements du Doubs et de l’Ain autrefois relativement préservés, pour aboutir finalement à une nette détente dont il y a lieu d’espérer qu’elle se poursuivra dans l’avenir. Vovons maintenant quelles causes on peut ordinairement attribuer les contaminations typhoidiques au sein des quatre départements que nous étu¬ dions. Tout d’abord on peut affirmer que, sauf exceptions, l’oricine coquillière n’entre guère ici en ligne de compte, la consommation des coquillages en général et des huitres en particulier étant à peu près nulle dans toutes nos provinces de l’Est essentiellement terriennes et agricoles. Par contre, c’est à bon droit, semble-t-il, que l’on a pu parfois incri¬ miner les crudités (radis, salades, etc.), la facheuse pratique de l’épandage restant toujours en honneur dans les vallées en dépit des interdictions répé¬ tées formulées par les Pouvoirs publics. Le lait, de même, a été tenu pour responsable de la contagion au cours de certaines épidémies locales comme celle notamment qui s’est abattue en 1924 sur Bellegarde, occasionnant plus de 80 atteintes (Bretin et Forgeot). Plus récemment (1936). M°e Berthezène a été également amenée à suspec¬ ter cet aliment à 8 reprises lors d’une épidémie avant fait 24 victimes dans la région de Bourg. Toutefois, quel que soit leur interêt épidémiologique, ces deux derniers fac. teurs ne peuvent être invoqués que dans un nombre très limité de cas. D’ail¬ leurs, quand le lait est soupconné, on s’aperçoit bien souvent que c’est l’eau utilisée au lavage des récipients qui a servi en réalité à l’introduction des germes. En définitive, en Franche-Comté comme partout ailleurs, c’est à la mat¬ vaise qualité des eaux de boisson qu’il faut finalement attribuer la très grande majorité des cas de contagion observés, cette contagion pouvant s’effectuel de manière assez diverse suivant les circonstances et les lieux ainsi que nous allons le voir au cours des paragraphes qui vont suivre. A — LES SOURCES DE LA CONTAMINATION TYPHOIDIQUE DANS LA PLAINE SÉQUANAISE. Dans les régions de plaine — et nous entendons par là surtout la vallée de la Saône — plusieurs conditions se trouvent réunies qui favorisent nette¬ ment la propagation des affections typhoidiques. Tout d’abord il faut tenir compte d’un élément primordial, à savoir la forte densité relative de la ponulation qui, du fait de son groupement en d’importantes agglomérations riveraines (Chalon, Mâçon, etc.) entraine, avec la multiplication des contacts interhumains, un accroissement dangereux des chances de pollution du sol et du sons-sol. N’oublions pas, à ce propos, que c’estr sur les hords de la Saêne que l’épandage, dont nous avons déjà dénoncé les méfaits, reste, actuellement encoré, le plus en honneur. En second lieu, il convient de souligner que c’est dans les terres basses que l’on trouve la plus faible proportion de communes pourvues d’une adduction d’eau potable : 27 9% dans la Haute-Saône et 22 9% en Saône-et. JURA ET PAYS DE LA SAONE 147 Ajoutons à cela la fréquence dans la vallée — du fait du cours lent de la Saone — des inondafions périodiques qui, submergeant le pays et novant les puits, assurent à certaines saisons à la flore microbienne d’origine fécale la dissémination la plus large. curieux que la mriormrarre opseryce ne soit pas plus forte. ZONE MONTACNEUSE. Faisant allusion à l’état du terrain. Poncet en 1937 a pu écrire dans sa monographie spécialement consacrée au département de l’Ain : « Dans la Bresse et dans les Dombes., le sous-sol est complêtement imprégné de déjec¬ tions humaines séculaires : c est une éponge gorgée de matières stercorales, et c’est la-dedans que plongent les puits. » On conçoit dès lors à quels risques incessants se trouvent exposés les habitants, aussi bien dans la région visée par l’auteur que plus en amont, autour de Chalon notamment. Il est même B. — LES SOURCES DE LA CONTAMINATION TYPHOIDIQUE DANS LA Dans toute la région montagneuse que constitue la chaine du lura les conditions dans lesquelles s’opère la contamination typhoidique sont quelque peu différentes. Pour bien comprendre l’aspect assez spécial que revêt ici le problème, il est nécessaire de se remémorer les quelques notions fondamentales ci-après. relatives à la nature du sol et à la configuration du terrain. Dans l’ensemble du massif orographique du lura le calcaire fissuré abonde. Or, les géologues ont uoutré que les roches fissuraires, quelle que soit leur variété, sont formées par des blocs compacts séparés entre eux par de fentes, les unes verticales ou diaclases, les autres horizontales ou joints de stratification. S’infiltrant par les unes, glissant le lons des autres sitôt une couche imperméable rencontrée, les eaux superficielles constituent dans la profon¬ deur de tels sols des réseaux de ruissellement bientôt collectés en véritables rivières souterraines, qui émergeront finalement au flanc d’une vallée sous l’aspect de sources vauclusiennes d’un débit parfois très abondant. La source de la Loue, affluent du Doubs, représente le type le plus parfait et l’exemple le plus connu de ces résurgences. Par suite de phénomènes d’érosion et d’effondrement, il arrive d’autre part que certaines diaclases se creusent et s’élargissent démesurément au point de constituer d’énormes gouffres semblables à ceux que le vovageur peut aper¬ cevoir notamment sur le trajet du chemin de fer entre Ceyzeriat et Bellegarde ou entre Ambérieu et Culoz. Suivant les régions, ces failles sont désignées sous les noms de bétoires, mardelles, avens ou emposicux. La plu¬ part d’entre elles absorbent un ruisseau de surface à la recherche d’un canal souterrain qu’il viendra grossir. C’est ainsi que l’affluent du lac des Mortes au nord de Morez, disparait dans un vaste entonnoir après avoir actionné une scierie, son eau se retrouvant à la Doye Gabet, dans le lit de la Bienne à près de 10) Kilomêtres à vol d’oiseau. De même le ruisseau qui sort de la grotte de Corveissiat est très probablement alimenté par des « pertes » ana¬ logues produites sur le plateau voisin et notamment par le ruisseau venant de la fontaine de Bourbouillon et traversant le hameau de l’Hôpital, sur la commune d’Aromas (Jura). Le danger particulier de ces résurgences réside dans la crovance tres rénan¬ due que leurs eaux sont pures « parce qu’elles sortent du rocher » et en abon¬ LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 148 dance (Poncet). Or, il n’en est rien, le terrain calcaire se comportant comme un filtre détestable, incapable d’arrêter les impuretés entrainées par le cou¬ rant à l’intérieur des galeries. Ajoutons à cela que les gouffres sont parfois utilisés par les habitants à la manière d’égouts naturels pour se débarrasser des immondices les plus variées et principalement des bêtes mortes ou mourantes; d’autres animaux Y tombent par accident; tous ces détritus, tous ces cadavres pourrissent sur place, les produits de leur décomposition se retrouvant au niveau de résur¬ gences parfois très lointaines. Ces particularités expliquent les caractères spéciaux que revétent les épi¬ démies éberthiennes locales. Le pays peut demeurer pendant de longs mois sans connaitre d’incident notable. Mais survienne un beau jour, dans un village ou un hameau situé dans le bassin d’alimentation d’une rivière souterraine, un typhique en pleine évolution ou un simple porteur de germe et aussitôt le réseau profond sera infecté par les déjections imprudemment répandues sur le sol et des cas de la maladie apparaitront dans la vallée tributaire de la résurgence. Ainsi on verra éclater à intervalles plus ou moins éloignés des bouffées épidémiques à la fois brutales et explosives, mais toujours localisées à un territoire bien détini. Un épisode tout à fait caractéristique à cet égard eet l’épidémie survenue à Besancon en 1893 dans les seuls quartiers de la ville alimentés par les sources d’Arcier, puissantes résurgences issues des terrains calcaires du pla¬ teau de Nancray, Voici ce que nous dit M. Pilod dans son article publie en 1935 dans l’Encyclopédie médico-chirurgicale : « Dans le viltage de Nancray sévissait une épidémie de Typhoide apparue quelques jours avant celle de Besançon. On put démontrer (Thoinot et leannot). au moyen d’expériences de coloration par la fluorescéine, les rapports directs de la source d’Arcier avec les entonnoirs absorbants du plateau de Nancray en particulier avec le ruisseau qui traversait le village et se perdait dans le sous-sol, trois Kilomêtres après, dans une large fissure. Ce ruisseau servait d’égout collecteur et entrainait directement les déjections bacillifères dans la rivière souterraine aboutissant aux sources d’Arcier. La fluorescéine précipitée au niveau de la perte du ruisseau de Nancray réapparaissait quatre jours après dans les sources d’Arcier, apportant la preuve de la relation directe entre le fover du village et la distribution d’eau typhoigène de la ville de Resançon. » C’est la même interprétation qu’il faut donner à tele autres événemenrs plus récents survenus dans la région d’Artemare et à Lagnieu pour ne parler que du déparlement de l’Ain. C. — ERÉQUENCE RELATIVE DES FACTEURS IMVQQuES 1E CAS DU DEPARTEMENT DE L’AIN. Appartenant à la fois à la plaine et à la montagne, rural par essence mais possédant néanmoins plusieurs agglomérations d’une certaine importance. le département de l’Ain offrait les conditions les plus favorables à une prosvec¬ tion destinée à établir les rapports réciproques des facteurs que nous venons de mettre en cause. Or cette enquête a tenté précisément un Inspecteur d’Hygiène, le Dr Poncet. Nous ne pouvons donc mieux faire que de reproduire ci-dessous les constatations auxquelles cet auteur a abouti à la suite d’observations echelonnées sur une dizaine d’années (1927-1936). 1 1 130 LA PATHIOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE Tout d’abord, voici quelle fut, durant ce laps de temps, la répartition topographique dans le département des 390 cas oficiellement déclares : L’arrondissement le plus touché est donc celui de Bourg, puis viennent ceux de Trévoux, de Belley et de Gex, enfin celui de Nantua. Si l’on groupe maintenant ces arrondissements en deux catégories cor¬ respondant, au moins approximativement, à la plaine d’une part (Bourg et Trévoux) et à la montagne de l’autre (Belley. Gex et Nantua) on s’aperçoit que : C’est dire que la plaine a présenté nn taux de morhidiné pyphique supé¬ rieur celui de la montagne. En vérité, cette conclusion ne doit guère nous surprendre étant donnés les faits que nous avons déjà relatés. 4 la montagne en effet, les épidémies lorsqu’elles se produisent demeurent circonscrites et de courte durée. Au surplus elles sont relativement rares puis¬ qu’elles supposent un apport inopiné de germes en un point particulièrement vulnérable du pays. En définitive elles constituent beaucoup plus souvent une menace qu’une réalité, et il serait facile à ce propos de fournir de nombreux exemples de régions qui, bien que très exposées à la contaxion du fait même de leur topographie, ont pu à peu près constamment échapper aux atteintes du mal. Dans la plaine, au contraire, le danger est partout et il est perpétuel. en raison de la souillure permanente du sol. Dans un autre paragraphe de sa monographie, Poncet a ensuite cherche à déterminer les causes de contamination propres à chacun des secteurs du département soumis à sa surveillance. C’est ainsi qu’il est arrivé à des conclu¬ sions dont nous nous bornerons ici à indiquer l’essentiel. 4 Bourz même, la Typhoide est très fréquente, puisque, sur les 390 cas signalés, 106 ont été enregistrés à l’intérieur de la cité, soit plus du quart de l’ensemble. Or les eaux municipales captées dans la Veyle ne sauraient d’exécution. URA ET PAYS DE LA SAONE 151 en l’occurrence être suspectées. La plupart des contaminations semblent dues à l’utilisation des eaux de puits : soit directement en vue de la consomma¬ tion, soit indirectement pour le lavage des récipients à lait. L’effluent des égouts urbains sans cesse chargé de germes se jetant dans la Reyssouze sans épuration préalable, il en résulte une pollution de la rivière qui se fait sentir jusqu’à 20 Kilomêtres de distance. De là l’infection gagne les villages riverains. les, puits qui les alimentent et, par voie de conséquence, le lait transporté chaque matin à la ville, engendrant ainsi un cercle vicieux absolument désas¬ treux pour le pays. Dans les cantons de Trévoux et de Montluel, la morbidité typhoidique éle¬ vée parait, selon l’auteur, liée tantôt à l’existence de puits défectueux, tantôt à l’épandage pratiqué clandestinement par des entreprises de vidange lvonnaises ou caladoises. D’autre part, le déversement de certains égouts sans épuration ou avec une épuration illusoire des effluents entretient sans aucun doute une menace supplémentaire qui n’est pas négligeable. Il est, à ce propos, curieux de mentionner que les régions de Châtillon-sur-Chalaronne, Pont-de-Vevle et Pont-de-Vaux bénéficient d’une situation privilégiée par rapport aux précé¬ dentes en dépit de conditions hydrogéologiques et sociales sensiblement identiques. C’est dans la vallée du Suran que se trouve posé à son maximum le grave problème des résurgences. C’est ainsi que tout un groupe de villages (Villeversure, Bohas. Cize. Hautecour. Mevriat, Rignat et Romanèche) entiè¬ rement desservis par la grotte de Corveissiat déjà signalée se trouve en per¬ manence à la merci d’un porteur de germes venu s’installer à proximité de la source qui y prend naissance. La même remarque s’applique au cours supérieur de l’Ain et à la vallée de l’Albarine. A Lagnieu notamment, de nombreux cas de Typhoide sont survenus, apportés du hameau de Vaux-Févroux par le cours souterrain d’un ruisseau dont le trajet à l’air libre avait été détourne vers le nord depuis plus d’un siècle. Heureusement que la réfection des cap¬ tages et les travaux d’assainissement entrepris depuis lors sont parvenus à transformer la situation sanitaire locale. Bien que moins fortement touchée, la vallée du Séran n'’est pas non plus à l’abri de toutes les atteintes. Elle possède, elle aussi, ses résurgences dan gereuses dont certaines proviennent d’assez loin. Et la ville de Belley a cons¬ tamment à redouter l’arrivée d’un porteur de germes sur le plateau d’Armix Quant au pays de Cex, si l’on met à part les incidents inquiétants de Divonne, il a réussi jusqu’à présent à éviter le pire. Mais il est probable que cet avantage lui est assuré, moins par la salubrité de ses puits, que par la faible densité de sa population, conséquence de l’altitude, et c’est sans doute aussi à la rareté relative des habitants qu’il faut attribuer l’état sani¬ taire satisfaisant des régions d’Oyonnax et de Nantua, aux ressources du reste très limitées. Telles sont les remarques fort intéressantes faites par le Dr Poncet lors de son séjour dans l’Ain. Elles ont d’ailleurs servi de base à l’établissement d’un plan de prophylaxie très judicieux qui était récemment encore en cours 132 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE BIBLIOGRAPHIE V LES. MAAL ADIES IMEECTIEUSES, ÉPIDÉMIQUES ET CONTACIEUSES COSMOPOLITES LES FIEVRES ÉRUPTIVES Malgré leurs imperfections et souvent leurs défaillances, les statistiques constituent encore, noas l’avons déjà dit, la meilleure source de renseigne¬ ments lorsqu’on veut apprécier le développement et la répartition des mala¬ dies épidémiques. Une fois de plus, nous allons donc puiser dans les statis¬ tiques de l’Institut National d’Hygiène les indices de morbidité (L. Mb.) enre¬ gistrés dans les départements franc-comtois aux cours des deux périodes récentes prises comme exemple dans cette étude : étangs desséchés. 153 JURA ET PAYS DE LA SAONE Ces tableaux nous révèlent la forte morbidité infectieuse qui règne dans le département de l’Ain, contrastant avec la morbidité relativement faible qui existe dans le département de la Haute-Saône, les deux autres départements (Jlura et Doubs) occupant en la matière des positions généralement inter¬ médiaires. Pour expliquer ces faits outre l’élément climatique, un autre facteur semble jouer : il s’agit de la densité de la population, sensiblement plus élevée dans l’Ain que dans la Haute-Saône (54 habitants contre 39 au Km2). Dans L’Ain, en effet, il existe aujourd’hui à l’ouest, au voisinage de Lyon, un sec¬ teur fortement industrialisé, particulièrement exposé aux contagions du fait de son orientation de plus en plus poussée vers la vie collective. En dehors de ces constatations, il y a lieu de remarquer un fléchisement généralisé des indices de morbidité entre les deux périodes considérées, témoin d’une amélioration très appréciable de la situation sanitaire. A cette règle il y a malheureusement une exception : elle concerne la Poliomvétite. Son importance est assez grande pour mériter quelques commentaires et justifier notamment un bref rappel historique. Pendant de nombreuses années après son apparition en France, la Polio. myélite n’a guère existé qu’à l’état sporadique en Franche-Comté (Perron, Simeray). Ce n’est que peu de temps avant la dernière guerre mondiale que le mal a pris de l’extension dans la région, son développement local parais¬ sant d’ailleurs avoir été largement favorisé par le voisinage immédiat des trois foyers bourguignon, savovard et lorrain dont nous signalerons plus tard l’im¬ portance dans notre pays. Quoi qu’il en soit, si, durant la période 1938-1945. le Doubs et la Haute-Saone semblent avoir été relativement épargnés, il n’en est pas de même pour les départements de l’Ain et du lura où on eut l’occa¬ sion de relever un certain nombre d’atteintes (77 cas officiels dans le premier et 55 dans le second durant la période envisagée). Depuis lors, la situation n’a cessé de s’aggraver. C’est ainsi que pendant la période 1949-1953 on a pu enregistrer au total 89 cas dans l’Ain, 82 dans le Doubs, 46 dans le lura et 33 dans la Haute-Saône, ces chiffres traduisant une fréquence de plus en plus parquée du processus mesure que l’on se déplace des régions rirales du Vord uers le Sud phus peuplé. Il est à noter à cet égard que le département de l’Ain doit surtout sa fâcheuse position à la poussée épidémique violente, respon sable de 42 cas, survenue en 1940 sur son territoire. On peut certes beaucoup épiloguer sur les causes de cette situation et incriminer en particulier la forte 1A PATHOIOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 184 irrigation de la plaine bressane, apparente sur toutes les cartes. Il n’en demeure pas moins vrai que l’alerte a été sérieuse, et ceci d’autant plus qu’elle rebrésentait une menace immédiate pour la puissante agglomération Ivonnaise toute proche. BIBLIOCRAPHIE VI — DE QUFLQUES AUTRES AFTECTIONS DIVERSES A. — UNE MALADLE DU PASSE : LE PALUDISME DANS LES DOMRES. Pauvre, marécageuse et désolée, la région des Dombes fut jusque vers la seconde moitié du XIxe siècle une des contrées les plus malarigènes de France. Rien ne le montre mieux qu’un document récemment découvert par le Professeur Garin de Lyon, document suivant lequel F. Neeple, médecin de l’hopital de Montluel, aurait eu à traiter entre les années 1822 et 1826 plus de 520 paludéens sur un total de 1 352 malades entrés dans son service. Le Palu¬ disme représentait donc à l’époque près de 40 % de la morbidité générale du pays (1), proportion qui nous rappelle la situation que nôs soldats devaient rencontrer un siècle plus tard en Macédoine pendant la campagne de 1916-1918. Ce sont les Auvergnats venus en grand nombre chaque été pour parti¬ ciper aux travaux des champs, qui pavèrent alors le plus lourd tribut à la maladie. Non adaptés au climat, soumis par ailleurs à un surmenage phy¬ sique, ils contractèrent presque tous les fièvres et beaucoup d’entre eux suc¬ combèrent à des accès pernicieux. Depuis trois quarts de siècle environ, l’état sanitaire du pays s’est com¬ plêtement transformé. Ce changement est du à l’assainissement de la plaine réalisé grâce à d’importants travaux d’assèchement dont les premiers furent nécessites par la construction des voies ferrées. En 7 ans, de 1863 à 1870, il y eut ainsi 9 000 hectares d’étanss sur 19 000 rendus à la culture. Aujourd’hui la région est riche et prospère et le Paludisme a disparu malgré la persis¬ tance d’abondants anophèles et la reconstitution pour la pêche de quelques (1) Le Préfet de l’Ain signale de même dans un rapport adressé le 7 novembre 1853 au Ministrc de l’Agriculture que 70 à 80 % des habitants sont atteints par les fièvres dans les comnunes de villars et de Versailleux, et à Lapeyrouse on en compte jusqu’a JURA ET PAYS DE LOIRE 155 Il arrive cependant encore de temps à autre que l’on publie un cas de contamination locale. En réalité, quand on fouille avec soin les antécédents du sujet, on découvre la plupart du temps, soit un séjour oublié dans une zone de forte endémicité (Corse. Camargue, etc.), soit un contact suspect comme chez ce jeune enfant de Mouriquand dans l’entourage duquel vivait en per¬ manence un paludéen de guerre. Dès lors, l’origine de l’infestation devient douteuse, et l’on est en droit d’incriminer l’intervention d’une souche étran¬ gère au pays. Ces quelques faits nous incitent à conclure que l’endémie palustre des Dombes peut être désormais considérée comme éteinte, la région ne méri¬ tant plus de nos jours la triste réputation qu’elle sétait acquise au travers des siecles. 1. ANTON. Considérations sur quclqucs observations d’accès pernicieux d’origine palustre. T’hèse. Lyon, 1902. 2. BHELET (G.). Ln cas récent de Paludismc daus les Dombes, Thèse. Lyon, 1911. 3. FOINENT et MAZEL. Un cas récent de Paludisme dans les Dombes. Soc, méd. hop. Lon, 10 janv, 1910. 4. MALCHOUS. Le Paludisme dans les Dombes et en Camargue. Acad, de Méd., 4 janv, 1927. 3. MARCHQUX. Prophylaxie du P’aludisinc. Le Paludisme dans les Dombes et en Camargue. Rey. d’HYR, et de Méd, prévent, t. 51, p. 721, oct, 1929. 6. MOURIQUAND. SÉDAILLIAN et LyONNET. En cas de Paludismue autochtone. Soc, mnéd. hop, Lyon, 23 juin 1931. 7. RIEUX. Cas de Paludisme autochtone dans les Dombes. Bull. soc, pathol, exot, t. XIV, p. 457, 1921. 8. ROCHAIx (A.). La K Journ, méd. Lyon, 1935, p. 353. régression et l’extinction spontanécs de l’Endémie palustre en France 9. THUREL. Le Paladisme dans les Dombes, T’hese. Lyon, 1907. BIRLIOCRAPHIE B. — UNE MALADIE NOUVELLE : LA TULARÉMIE, Une grave épizootie de Tularémie avant sévi dans la région de Besançon (communes de Saône. Gennes. Chalèse. Chalezeule et Nancray) en janvier 1947 parmi les léporidés dont les chasseurs rencontraient alors sans cesse les cadavres dans les fourrés, on a pu craindre à cette époque l’extension de la maladie chez l’homme. En réalité, aucune épidémie humaine n’est survenue. Ce qui ne veut nullement dire que depuis la Franche-Comté ait échappé à toute atteinte. A la suite des deux observations princeps de Karcher de Vesoul en 1950, d’autres exemples de contamination ont été en effet signalés parmi les habitants de la région. Ainsi donc, la Franche-Comté se ratache aujourd’hui au vaste fover d’endémie tularémique qui, avant pour centre la Côte-d’Or, a gagné peu à peu l’Alsace-Lorraine, la Champagne, l’lle-de-France, le Nivernais et le Berry au cours de ces dernières années. 1. La Revue « Le Comtois », n° du 19 février 1947. BIRLIOCRAPHIE d’établir un lien certain entre ces trois processus. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 156 C. — UNE MALADIE CURIEUSE : L’ACRODYNIE INFANTILE. A part les quelques cas publiés par Ledoux en 1930 dans la région bizon¬ tine, l’Acrodynie infantile a surtout été observée dans le département de la Saône-et-Loire où son étude a fait l’objet, tout d’abord de plusieurs commu¬ nications de Péhu et Ardisson entre 1926 et 1928, ensuite d’une excellente revue d’ensemble de ce dernier auteur en décembre 1937. Ceci ne signifie du reste en aucune façon que la maladie soit demeurée loca¬ lisée aux deux seules zones citées, les endémies acrodyniques paraissant « éclore » partout où on les recherche, c’est-à-dire là où il existe un médecin capable de les dépister. Dans la région chalonnaise, l’affection semble avoir fait son apparition sous forme de deux poussées successives survenues en 1925 et 1927. La pre¬ mière a compris 6 cas, dont 2 à Chalon même, 3 dans les environs immédiats (Saint-Jean-des-Vignes et Saint-Laurent-lès-Maçon) et le dernier à distance, à Bauzenas. La seconde a groupé le même nombre de cas sensiblement dans le même secteur. Depuis lors. Ardison a pu réunir, dans un intervalle de lI années, un total de 69 cas, à propos desquels il s’est livré à une très remarquable étude critique de la maladie. Du point de vue topographique, il n’aboutit d’ailleurs à aucune conclu¬ sion positive. La particulière fréquence du processus en milieu urbain (12 cas à Chalon et 23 dans des agglomérations avant de 1000 à 5 000 habitants) n’est, à l’analyse, qu’une abpbarence. LA REPARTITION DE. L’ACRDYNIE IMTANTILE CN SAONE-GLOIRC (d’aprs Araissmn) JURA ET PAYS DE LA SAONE 132 De même l’examen de la carte n’apporte aucune donnée susceptible d’éta¬ blir un rapport indiscutable avec la distribution hydrographique ou la cons¬ titution du sous-sol. La Bresse, chalonnaise ou louhannaise, région humide et réputée mal¬ saine, fover habituel d’épidémies, n’est pas plus touchée que la basse Côte chalonnaise, pays sec et préjugé sain. Le sous-sol bressan argileux et imperméable ne semble pas prédisnoser davantage à la maladie que le calcaire sec et le socle pierreux de la basse Côte. Enfin, les localités échelonnées le long des cours d’eau ne sont pas plus souvent en cause que les autres. La vallée de la Saône à population dense n’est pas plus éprouvée que la basse Côte où les habitations sont relativement clairsemées. Ajoutons à ces notions qu’en Saone-et-Loire la léthalité a été de 4 %. que les cas se sont surtout produits entre les 12° et 48° mois de la vie sans distinction de sexe, et que la période hiverno-vernale a été celle de la plus grande fréquence. La contagion, en outre, ne semble avoir joué en l’occurrence aucun rôle. La question des rapports posibles entre l’Acrodynie infantile et deux autres affections également fréquentes en Saone-et-Loire, à savoir la Polio¬ myélite et surtout l’Encéphalite (épidémie de 1932-193 en Bresse louhannaise) a été tranchée négativement par l’auteur, aucun argument ne permettant BIRLIOCRAPHIE D. — DEUX AFFECTIONS TRES RARES : L’ÉRYSIPÉLOIDE DE ROSEN. BACH ET LA FIEVRE APHTEUSF. Ces deux affections nous sont connues, nous les avons déjà signalées dans d’autres régions et notamment dans le centre de la France. 1. - l’Erysipéloide de Rosenbach. On ne sera pas surpris de la fréquence de l’Erysipéloide dans la vallée de la Saône si l’on songe que c’est là une zone d’élevage très prospère, dotée par surcroit d’un corps de vétérinaires particulièrement atentif au dépistage variété de germe en cause. LA PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 183 du processus depuis surtout les importants travaux de l’un d’entre eux. C’est grâce à M. Rossi, en effet, que nous avons pu rassembler les » observations ci-après, absolument typiques de la maladie et originaires soit de l’Ain, soit de Saone-et-Loire. 1 et 2. — deux cas publiés en 1937 par Cermain. Cibert et Poncet concernant des cultivateurs de Pizay avant soigné des porcs malades; 3. — le cas de Rossi et Vincent relaté en 1938 et dont l’originalité est d’avoir été contracté au contact d’un fumier souillé par des déjections de porc (contamination indirecte): 4 et 3. — deux autres cas de Rossi consécuuifs, l’un à la morsure d’un porc (1939), l’autre à une entaille survenue lors de la saignée d’une truie. Evidemment ce bilan reste faible. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit là d’une affection exceptionnelle chez l’homme, tout au moins jusqu’à présent. BIBLIOCRAPHIE 2. -— La Fièvre aphteuse. C’est également à M. P. Rossi. Directeur départemental des Services Vété¬ rinaires de Saone-et-Loire, qu’il faut attribuer les intéressantes recherches faites sur la Fièvre aphteuse dans la vallée de la Saône et en, Franche-Comté. Le virus aphteux ne s’adaptant que très difficilement à l’homme, ces recher¬ ches n’ont abouti qu’à un très petit nombre de cas malgré l’importance des épizooties observées entre 1937 et 1953. Parmi ces cas, deux méritent spécia¬ lement d’être mentionnés du fait des lésions digitées qui les ont accompagnés. Malheureusement leur étude n’a pu être complétée par les inoculations habi¬ tuelles au veau et au cobave qui eussent permis la détermination exacte de la E. — LE TÉTANOS. Du fait sans doute de leurs contacts étroits avee la Lorraine, région fran¬ caise traditionnellement la plus éprouvée, les départements limitrophes de la Haute-Saône et du Doubs sont effectivement ceux qui, en Franche-Comté, ont le plus à souffrir de la maladie, le lura et l’Ain étant au contraire relative¬ ment épargnés. Bien mieux, au cours de ces dernières années, les taux de mor¬ talité tétanique en Haute Savoie se sont tellement élevés qu'ils ont fait de ce JURA ET PAYS DE LA SAONE 159 département le phus touché de France ainsi qu’on peut s’en rendre compte Ba le tableau suivant : Mortatite tétanique durant la période 1948-1951 (LN.H.) Ces chiffres, qui correspondent à 120 décès au total pour 4 années. doivent retenir d’autant plus l’attention qu’ils laissent pressentir une extension dangereuse vers le sud du vieux foyer lorrain dont nous aurons plus loin l’occasion de dénoncer l’importance. F. — LE CHARRON Le pays de Cex, de par sa constitution géologique (terrains glaciaires interposés entre le lura et le lac Léman), s’est de tout temps prêté à la conservation des germes charbonneux et est devenu ainsi à maintes reprises le siège de manifestations épidémiques assez caractéristiques telles que celles notamment qui ont été décrites par Forget. Fusier et Perrier en 1921. La maladie était alors connue depuis longtemps déjà dans la région. Dès 1881. Gertier avait relaté en effet des cas simultanés de charbon hactéridien chez l’homme, le cheval, le bœeuf et le chien dans une commune haut située de la montagne. En 1917, un bœuf avant été atteint de charbon, des bouchers s’infec¬ tèrent en le dépecant et l’un d’eux en mourut. En 1921, un nouveau cas étant apparu chez un bœeuf de la même exploitation, plusieurs personnes et des chiens accusèrent bientôt des troubles digestifs importants pour avoir consommé de sa viande, l’animal avant été abattu clandestinement. A ce cas en quelque sorte avant-coureur devait rapidement faire suite une petite épizootie locale intéressant à la fois les bovins, les moutons et les chèvres de la ferme maudite. La fermière avant lavé un linge souillé de sang charbonneux dans un baquet servant à donner à boire aux bestiaux les avait ainsi infectés et s’était ensuite elle-même contaminée au niveau de la main. Dans une ferme voisine, un animal étant mort également du charbon peu de temps après, le propriétaire présenta le soir même une tumeur char¬ bonneuse de la face, cependant que deux jours plus tard son fils faisait à son tour une pustule maligne de la joue. p. 389. LA PATHIOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 160 Dans une autre exploitation enfin des bœufs charbonneux avant été sacri¬ fiés pour être vendus frauduleusement, une pustule apparut au bout de quel¬ ques jours sur l’avant-bras du boucher qui avait dépouillé ces animaux. Signalons encore, au cours de cette même épidémie, une diarrhée san¬ glante chez un consommateur de viande virulente puis un œdême malin périor¬ bitaire chez un paysan du village qui sétait, inoculé en se rasant et on aura ainsi fourni un bel exemple des relations qui existent entre les maladies humaines et animales en même temps qu’un échantillonnage assez complet des différents modes de contamination qui peuvent être observés dans ce genre d’affection. BIBLIOCRAPHIE 1. ARLOISG (F.) et T’HÉVENOT (C.). Charbon. Encycloṕdie médico-chir, maladies conta gicuses n° 8034, aout 1935. 2. FOHGEOT, FUSIER ct FERRIEL. Epidémie de charbon bactéridien. Soc, vétérin. Lyon. uillet 1921. 3. GEuruI. Le charbon dans le pays de Gex. Jouru, méd. vétér. et Zootchnie 1894,. VIL — LES CRANDS FLÉAUX SOCIAUX A. — LA TURERCULOSE. Pour apprécier sa fréquence dans les quatre départements franc-comtois. établissons pour commencer le bilan des années 1928 et 1943 et voyvons, à la lumière des documents officiels, quels ont été à cette époque les indices de mortalité relevés dans la région : La mortalité tuberenlense en 1938 et 1943. (d’après d’Institut Nationat d’Hygiène) JURA ET PAYS DE LA SAONE 161 des atteintes tuberculeuses allait régulièrement en croissant du nord au sud. De ce double tableau on peut déduire qu’aux dates indiquées la densité c’est-à-dire du département de la Haute-Saône jusqu’à celui de l’Ain. Examinons maintenant, sur la base des statistiques de 1953,1955, la façon dont se présente la situation à l’heure actuelle : La mortalité ruberculeuse durant la période 1953-1955. (même source). Ce qui frappe certainement tout d’abord à la lecture de ce document. c’est la forte régression récemprenr suruenue dans l’endémie bacillaire, fait d’ailleurs en accord avec ce que l’on observe un peu partout en France aujour¬ d’hui et dont les causes sont relativement faciles à déterminer (prophylaxie intensifiée, reprise économique, utilisation de médications nouvelles, etc.). Mais on constate en même temps que cette régression, loin de se montrer homogène, a intéressé surtout les secteurs centraux, n’affectant par contre que plus modestement le département de la Haute-Saone dont la position s’est aggravée et le département de l’Ain qui continue ainsi à se maintenir en tête de liste. Pour expliquer cette situation particulière de l’Ain, on sait qu’on ne peut plus guère invoquer de nos jours la présence sur son territoire, et notamment dans le pays de Gex, de sanatoriums nombreux dont celui de Hauteville¬ Lompnès est sans doute le plus connu L’établissement des statistiques de mor¬ talité en fonction du domicile et non plus du lieu de décès supprime en effet désormais cette cause d’erreur par majoration dont étaient autrefois victimes les régions riches en maisons de cure. Beaucoup plus valable nous parais être l’argument qui met en cause l’industrialisation encore récente de toute la portion ouest du département. devenue ainsi une véritable dépendance de la puissante agglomération Iyon¬ naise. A cette orientation nouvelle de l’économie devait fatalement corres¬ pondre un accroissement rapide de la population dans des conditions d’ailleurs insutfisamment préparées. De là, en bien des endroits, un encombrement exces¬ sif trop souvent associé à un manque total d’hygiène qui ne devaient pas tarder à retentir sur les indices locaux de mortalité en freinant le mouvement de repli généralement observé. de l’Armée : 162 LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA PRANCE B. — LES MALADLES VÉNéRIENNES Si l’on se réfère comme nous l’avons toujours fait jusqu’ici au test fourni par le milieu militaire, c’est aux documents concernant la 7° Région d’avant 1940 qu’il faut s’adresser surtout, cette région groupant alors, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, la Haute-Saone, le Doubs et le Jura avec, en plus il est vrai, la Haute-Marne et en moins le département de l’Ain. Or, voici ce que nous apportent à ce sujet les statistiques médicales Morbidité vénérienne dans la 7° Région Militaire (Besançon) Période 1930-1936. Ces chiffres témoignent, somme toute, d’une morbidité movenne dans les 4 départements examinés. Dans l’Ain, alors rattaché à la 14° Région, les taux se sont par contre montrés plus élevés. Ce fait tient sans doute, ici encore, à la proximité immé¬ diate de Lyon dont l’influence s’étend largement sur toutes les cités ouvrières massées au-dessus du confluent de la Saone et du Rhone. Signalons enfin qu’en Franche-Comté, comme partout ailleurs la fré. quence des maladies vénériennes a subi, au cours de ces 30 dernières années. d’importantes oscillations. Après une sérieuse poussée au lendemain de la guerre 1914-1918 une régression s’est manifestée jusque vers 1930, date à la¬ quelle les taux se sont encore accrus pour aboutir au second paroxysme de 1939-1946. Depuis lors, un nouveau recul a été observé dans ce domaine. amplifié du reste par l’intervention des thérapeutiques modernes. Les statis. tiques médicales de l’Armée pour les années 1951 et 1952 en font d’ailleurs foi, indiquant, pour 1 000 hommes d’effectif, des indices de morbidité n’attei¬ gnant respectivement que 3,71. 0.09 et 0,68 pour la Blennorragie, le Chancre mou et la Syphilis primaire. Il est vrai que ces taux concernent une 7° Révion nouvelle, englobant à la fois la Bourgogne et la Franche-Comté. TURA ET PAYS DE LA SAONE 163 C. — LE CANCER. Pour fixer la situation en Franche-Comté dans le domaine de la morta¬ lité cancéreuse, voici deux bilans extraits des statistiques de l’Institut National d’Hygiène concernant, l’un la période d’avant-guerre, l’autre une période beaucoup plus récente. 1. — La mortalité cancéreuse durant la double période quinquennale 1927-1931 et 1932-1936 (indices rapportés à 100 000 habitants). 2. — La mortalité cancéreuse au cours de la période 1918, 1935 De ce double bilan on peut tirer les conclusions suivantes : 1° Le Cancer aceuse en Franche Comté une fréquence moyenne dans son ensemble par rapport au reste de la France: 2° Cette fréquence a été, comme partout, en augmentation brogressive. surtout depuis ces dernières années: 3° Les taux de mortalité vont en s’accentuant sensiblement du nord au sud, le département de l’Ain étant le plus éprouvé. Ainsi, tandis que le Cancer et la Tuberculose manifestent actuellement des tendances évolutives nettement divergentes, ils continuent à présenter pour ce dernier département une prédilection spéciale qui merite certainement d’être soulignée. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 194 D. — L’ALCOOLISME Etablissons encore les faits en fonction des statistiques officielles avant d’en tirer des déductions pratiques. 1. — Consommation en vin d’après le montant des droits de circulution acquittés (période 1936-1938). 2. — Consommatiot en alcool d’après le montant des droits acquités (période 1937,1938). 2 LI2ECEC CEE2 Nombre totai dee URA ET PAYS DE LA SAONE 162 4. — Répartition des débits de boisson (1936). Ce bilan illustre une consommation très élevée en alcoot et surtout en vin dans les départements comtois, le département de beaucoup le plus touché étant celui de la Haute-Saone. Cette notion se trouve confirmée par les statistiques hospitalières qui montrent également la forte imprégnation éthylique du pays. C’est ainsi qu’à l’hopital de Besançon, le Professeur Ledoux a pu faire en 1938 les constatations suivantes : Ces constatations viennent d’ailleurs rejoindre celles qui sont faites par les médecins aliénistes dans les hôpitaux psychiatriques. Toujours à Besançon. la proportion des internements prononcés en 1943 pour psychoses toxiques a été en effet de 2,2 pour 100 0000 habitants, soit un des taux les plus élevés de France. Il n’est done pas douteux que la situation est sérieuse en Franche-Comté et encore plus grave certainement qu’on ne le pense couramment. E. — RACHITISME COITRE — MORTALITÉ IMEANTILE MALADIES MENTALES. 1. - te Rachitisme. En Franche-Comté, le grand Rachitisme apparait partout de plus en plus rare. Quant au petit Rachitisme, il semble également en régression, mais peut¬ être davantage dans les villes que dans les campagnes (Duvernoy. Bernard. Baigue). Dans les vallées, il ne parait pas plus répandu que sur les plateaux (hormis le val d’Abergement, très humide, signalé par Verrier), sans doute parce que les parois de ces dépressions ne constituent pas un obstâcle suffi sant à la pénétration des ravons solaires. (C.R. de la XVIIe Sesion de l’Association trançaise de médecine générale.) quelques conclusions. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 166 2. - Le Coitre. Dans le lura, le voitre, autrefois très répandu, a considérablement dimi¬ nué de nos jours (Ledoux). Les statistiques fournies par la plupart des méde¬ cins le représentent comme frappant tout au plus 1 pour 100 de la popu¬ lation. Cependant, d’après Bérard, il existe encore une bande de territoire située sur les derniers contreforts montagneux, regardant les plaines de Bresse et de Bourgogne et s’étendant sur une longueur de 70 Kilomêtres environ, ou le nombre des goitreux serait beaucoup plus important que partout ailleurs. sur les hauts plateaux notamment. BIRLIOCRAPHIE 3. - La mortalité infantile. La Franche-Comté est un pays de mortalité infantile moyenne. On n’y observe pas en particulier les véritables hécatombes de nourrissons enregis¬ trées notamment dans certains départements du Nord ou de la Bretagne. Voici à cet égard quelques chiffres significatifs : Mortalité infantile en Franche-Comté durant la période 1948 1950. Indlices caleutes pour 1 000 naissances (L.N.H.) 4. - Les maladies mentales. Pour ce qui est des maladies mentales, un tableau déjà reproduit dans le tome I de cet ouvrage (voir pages 430-440) va nous servir de base de documentation. On sait qu’il se proposait d’établir le bilan par affections et par régions des internements effectués dans les hopitaux psychiatriques au cours de l’année 1943 prise pour type. A cet effet, la France avait été divisée en 19 secteurs, cependant que les maladies psychiques étaient elles-mnêmes ran gées sous 10 rubriques différentes. Nous allons donc extraire de ce tableau les données relatives à la région de Besançon, et essaver ensuite d’en tirer JURA ET PAYS DE LA SAONE 167 Bilan des internements prononcés en 1943 dans la région de Besançon Ce bilan est assurément un bilan d’alarme qui traduit une situation mani¬ festemtent critique. Fait intéressant à noter : ce ne sont pas tant les psychoses d’étiologie infectieuse ou toxique — psychoses éthyliques et spécifiques notamment — du sont surtout en cause ici (malgré leur incidence nettement supérieure à la moyenne générale) mais bien plutôt les affections mentales d’origine intpré¬ cise, et réputées constitutionnelles. Ceci semble indiquer une propension toute spéciale — et en quelque sorte native — de la population franc-conttoise 6 faire des accidents dans le domaine psychique. Cette notion est fort peu connue : nous crovons même qu’elle n’a jamais été signalée. Elle n’en mérite que d’autant plus l’attention des Pouvoirs publics et la vigilance du Corps médicais BIBLIOCRAPHIE 168 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Appendice RESSQURCES THERMALES Sans disposer de la même gamme de sources que les Pyrénées, les Alpes et l’Auvergne, la région de l’Est n’est cependant pas dépourvue de ressources hydrominérales. Quatre stations y sont particulièrement réputées dont nous allons rappeler brièvement les caractéristiques essentielles : l° Dans l’Ain : Divonne-les- Bains (519 mêtres d’aluitude) Située sur les premiers contreforts du Jura, à quelques Kilomêtres du lac de Genève, elle constitue moins une station thermale qu’un sanatorium pour le traitement hydroclimatique des maladies neuro-psychiques (neurasthénies, psychasthénies. sympathoses, basedovisme, etc.) pour lesquelles l’hydrothérapie associée à la cure d’air et au repos est indiquée. 2° Dans le Iura : Salins, du lura (354 mêtres d’altitude). Avee ses eaux froides (12°) chlorurées sodiques fortes, elle convient spécialement au traite¬ ment externe des tuberculoses ostéo-articulaires et ganglionnaires ainsi qu’aux affections gynécologiques. 3° Dans le Doubs : la Mouillère-Besancon possède des sources avant sen¬ siblement la même composition et les mêmes indications que ci-dessus. 4° Dans la Haute-Saône : Lurenil (306 mêtres d’altitude). Grâce à ses sources multiples, les unes thermales, riches en chlorure de sodium, en man¬ ganèse et en émanations radioactives, les autres moins chaudes essentiellement ferrugineuses, elle constitue la grande station gynécologique française, car c’est elle qui comporte à la fois le maximum d’indications avec le minimum de contre-indications dans toutes les réactions inflammatoires subaigués ou chro¬ niques de l’appareil génital féminin. La cure comprend, outre des bains, des douches générales tièdes et écossaises, des cataplasmes abdominaux de boues radioactives, des irrigations vaginales d’eau courante et des injections vagi¬ nales de gaz rares recueillis directement au griffon. Station des femmes par excellence. Luxeuil attire également beaucoup d’hommes et d’enfants, les premiers pour y faire d’excellentes cures de diu¬ rèse, les seconds pour y traiter une chloroanémie ou une manifestation quel¬ conque du lymphatisme. Citons encore dans la Haute-Saône une station d’importance secondaire : Velleminfroy, indiquée surtout dans la goutte et les divers accidents de l’arthritisme. JUSA ET PAYS DE LA SAONE 169 CONCLUSIONS La montagne a toujours eu besoin de la vallée pour vivre, pour compléter ses ressources, assurer ses liaisons. Ainsi le massif du lura ne peut se passer des plaines de la Saone; celles-ci équilibrent son économie et lui évitent cet isolement total auquel il serait autrement condamné. Ceci est tellement vrai que la plupart des villes se sont installées à la limite des deux régions, dans la zone la plus favorable aux échanges. Mais ces liens d’ordre économique n’ont pas réussi à uniformiser les pathologies qui, aujourd’hui encore, demeurent fort différentes de part et d’autre, ainsi que les exposés précédents ont pu le démontrer. Les chaines du Jura présentent en effet, avant tout, une pathologie pasto¬ rale représentée ici par ses affections les plus caractéristiques; celles que trans mettent à l’homme, les troupeaux montagnards. Nous y trouvons la Fièvre ondulante, la maladie des Porchers et l’Echinococcose alyéolaire, cette der¬ nière quasi spécifique du terroir franc-comtois. Nous pouvons y ajouter le Charbon qui sévit à l’etat endémique dans le pays de Gex. 4 l’opposé, les plaines de la Saône présentent la pathologie typique des vallées, c’est-à-dire celle des bas-fonds humides fréquemment inondés. Nous y avons effectivement décrit avec quelque détail la Poliomvélite séquanaise et l’Acrodvnie de la région chalonnaise. Nous y avons relaté par ailleurs quelques cas de Spirochétoses, d’Erysipéloide et de Fièvre aphteuse. Enfin, nous y avons fait allusion à son sujet à l’antique Paludisme des Dombes, désormais éteint. mais remplacé par une maladie nouvelle, la Tularémie, propre aux vallées giboveuses. Nous ne voulons pas dire par l5 que ces deux régions distinctes, plaine et montagne, n’ont pas hérité de maladies communes. En fait, toutes deux accusent chaque année un important contingent de Typhoides, et les fléaux sociaux comme la Tuberculose ne les épargnent ni l’une ni l’autre. Mais — et c’est là le point intéressapt à considérer — ces affections ne revétent pas partout les mêmes caractères, leurs mécanismes de propagation étant bien distincts. Dans la plaine, la Fievre typhoide est provoquée ordinairement par la contamination des puits alors que, dans la montagne, elle est due au mauvais pouvoir filtrant d’un sol calcaire fissuré qui permet la dissémination au loin des germes infectants. Conditionnée dans les secteurs industrialisés de la Basse-Saône par le manque d’hygiène et l’encombrement, la Tuberculose affecte encore parfois danes le Bugey les aspects d’une majadie d’emprunt, liée à la présence de nom¬ breux sanatoriums répuués, installés là en raison de l’excellence du climat. De cet état de choses résulte de toute façon une mortalité bacillaire assez élevee. en dépit de la vague de régression actuellement observée. 179 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE Quant aux maladies mentales, leur fréquence vraiment inaccoutumée en Franche-Comté mérite un examen particulier. Sans doute peut-on invoquer à leur origine le rôle de l’Alcoolisme, très répandu dans la vallée de la Saône comme dans la plupart des pays viticoles. Mais cette explication se révèle en réalité insuffisante. La grande ma jorité des internements étant effectués pour des psychoses dites constitutionnelles ou héréditaires, force est d’incriminer ici le facteur « terrain », sous forme peut-être de méjopragies locales par¬ ticulières. Ainsi, la Franche-Comté ofre au nosoloxiste un champ d’étude extrême¬ ment instructif, en lui permettant notamment de saisir les rapports rattachant aux conditions du milieu le développement de certaines maladies. L’intérêt que l’on peut porter à cette étude trouve d’ailleurs son maximum d’applica¬ tion dans le département de l’Ain, cette mosaique de petits pays aux aspects très divers, situés à cheval sur la plaine et sur la montagne, que l’Adminis¬ tration a artificiellement rassemblés. Nous avons vu à son sujet qu’il existait une pathologie du pays de Gex distincte de celles du plateau d’Hauteville, de la Dombes rurale ou des grandes banlieues industrielles qui déjà annoncent Lyon. N’est-ce pas là le plus bel exemple que l’on puisse ima¬ giner de ces pathologies régionales auxquelles nous avons désiré consacrer cet ouvrage 2 Mut BÉGIONIS DU NOBDESI Alsace - torraine et Massif vosaien GENERALITES Deux môles archéens robustes, les Ardennes et les Vosges — entre eux. une zone sédimentaire, le plateau lorrain, composée de terrains secondo-ter¬ tiaires — derrière eux, un vaste fossé d’effondrement où coule le Rhin dans un lit de dépôts alluvionnaires : telle est la configuration d’ensemble de notre région du Nord-Est. Limitée au nord par la frontière, à l’est par le Rhin, au sud par la trouée de Beltort et à l’ouest par les côtes de Meuse, cette région englobe sept de nos départements, à savoir : les Ardennes, la Meuse, la Meurthe-et¬ Moselle, la Moselle, les Vosges, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. Nous passerons très rapidement sur le massif ardennais. Appartenant à l’époque primaire, son socle est aujourd’hui très usé. Les schistes imperméa¬ bles, sillonnés de barres de grès, étaient autrefois revêtus d’immenses forêts. De nos jours, on ne trouve plus, sauf sur quelques versants bien exposés, que de maigres taillis coupés de landes et de prairies tourbeuses. Abandonnant les plateaux humides, venteux et froids, trop souvent déshérités, la vie se concentre désormais de plus en plus le long des vallées aux multiples méandres qui par¬ courent le pays, réalisant par leurs incisions profondes les accidents les plus caractéristiques du relief. Les Vosges constituent au centre du dispositif étudié un volumineux bas¬ tion auquel viennent s’adosser de part et d’autre les plaines d’Alsace et le plateau lorrain. D’origine hercynienne comme les Ardennes, elles ont été recouvertes durant l’ère secondaire par d’épaisses couches sédimentaires que l’érosion a ensuite fortement entamées, mettant complêtement à nu les assises primitives dans les Vosges eristallines, laissant au contraire subsister un reve tement de grès dur dans les Vosges dites gréseuses. Le résultat de cette action contraire des eaux a été d’émousser partout les formes du relief et de trans¬ former les anciens sommets en dômes arrondis ou même en tables plates. portant les noms de ballons ou de chaumes. Nulle part on n’a l’impression de grande montagne : d’ailleurs le point culminant de la chaine, représenté par le ballon de Cuebuciller, n’atteint même pas 1 500 mêtres d’altitude. L’accès au pays vosgien se fait par des vallées, plus courtes et plus abruptes sur le versant oriental que sur l’autre versant. Leur fond est plat. occupé par des champs, des vergers et surtout des prairies, Parfois des lignes de moraines, issues des antiques glaciers, les coupent, retenant des lacs dont le plus célèbre est celui de Cérardmer. Cette origine glaciaire des vallées explique du reste, non seulement l’aspect des bas-fonds, mais encore l’escar¬ pement des pentes qui les bordent. Sur ces pentes, ni culture ni prés, mais une forét épaisse et sombre, composée surtout de sapins et de hêtres qui, recou¬ vrant à peu près uniformément les ondulations des montagnes, en amollissent encore davantage le dessin, Par les sentiers ardus qui franchissent ces flancs boisés on arrive aux surfaces planes qui couronnent les hauteurs, « Hautes¬ Chaumes » comme on les appelle, où les arbres sont rares mais le gazon très dru, excellents terrains d’estivage pour les troupeaux. 176 1A PATTIOIOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE En effet, si en hiver, sous l’abondante couche de neige qui les tapisse. les sommets ne sont plus que le domaine de la tempête et du silence, à la les eaux des torrents. belle saison, au contraire, ils s’éveillent sit̂t apparues les premières fontes du printemps. Les vaches montent alors vers les pâturages d’été cependant que la forêt s’emplit de la rumeur des bûcherons au travail, descendant par schlitte les trones abattus pour les acheminer ensuite vers les scieries qu’actionnent Ainsi, c’est la présence de la forêt plus encore que le modelé du sol qui assure aux Vosges leur originalité, comtme c’est d’ailleurs l’exploitation des bois qui constitue quvec l’élepage la grande ressource du pays. Réalité géographique autant qu’historique, la Lorraine occupe l’espace compris entre les Ardennes et les Vosges, sur l’emplacement de l’ancien golée qui, recouvrant tout le Bassin parisien, venait jadis se terminer au pied des massifs cristallins. La mer, en se retirant, fit peu à peu apparaître des dépôts sédimentaires abondants qui, disposés en couches concentriques suivant leur âge, devaient opposer à l’érosion une résistance très inégale. Le long même dés Vosges, les grès très durs du trias, rebelles à l’action des eaux, engen¬ draient un plateau aux lignes monotones, le plateau lorrain, aujourd’hui encore pays de forêts, d’étangs et de maigres cultures. A l’ouest, par contre, l’alter¬ nance des terrains allait provoquer plus de variété : tandis que les calcaires jurassiques résistants se dressent sous forme de sillons parallèles, les côtes côte de Moselle, oôté de Meuse, côte des Bars —, les marnes intercalaires se sont creusées en vallées. Mais le sol, pauvre en limons, est dans l’ensemble peu fertile. Seule la présence de vignobles et de houblonnières sur les pentes bien orientées des coteaux apporte au paysage une note riante en même temps qu’un complément de ressources pour les habitants. Les moyens d’existence de la population resteraient toutefois bien modestes, sinon précaires, si dans la zone intermédiaire aux cêtes et au plateau dans ce que l’on dénomme la plaine, la découverte au sein des calcaires du lias de dépôts ferruzinoux abondants n’avait donné naissance à une industrie florissante, encore favo¬ risée dans son essor par la proximité du bassin houiller sarrois. Pour comprendre la structure de la plaine aIsacienne il faut également se remémorer sa formation à travers les époques géologiques. On sait que durant l’ère secondaire les Vosges et la Forêt-Noire constituaient un seul et unique massif. Vers le milieu des temps tertiaires, sous l’influence de la vio¬ lente poussée exercée par le plissement alpin, ce massif s’est soulevé puis démembré; sa clef de voîte trop fragile s’effondrant a permis la séparation en deux blocs distincts de la masse primitive avec constitution dans leur intervalle d’un large fossé où coule aujourd’hui le Rhin. Celui-ci pourtant, à l’ori¬ gine, était totalement étranger au couloir ainsi créé. Débouchant de la Suisse. il déversait ses cailloutis sur l’Alsace méridionale avant de gagner le Bassin parisien par la Porte de Bourgogne. Pendant ce temps, les sédiments s’accu¬ mulaient au fond de la faille alors occupée par un lac, sur une épaisseur de plus de 1 000 mêtres. Il a fallu une cassure du quaternaire pour que le fleuve, virant brusquement vers le nord à partir de Bâle, se décide enfin à emprunter la voie toute tracée qui depuis longtemps s’offrait à lui. Ces faits expliquent non seulement l’altitude des Vosges, plus éle¬ vées au sud qu’au nord, ainsi que l’aspect relativement abrupt du versant oriental de la chaine issu de la cassure, mais surtout la grande diversité des terroirs que l’on peut observer dans la plaine rhénane, diversité qui apparaît d’une manière particulièrement nette au cours d’une traversée d’oucest en est, cfectuée, perpendiculairement à la direction du fleuve. à trait à l’extrême diversité physique de notra région du Nord.Est. Cette diver. 177 BÉGIONS DU NORD-ESI Au sortir des vallées des Vosges, on rencontre en effet tour d’abord les collines sous-vosgtennes considérées par les géographes comme dues au glisse¬ ment vers la plaine, au moment de la fracture du tertiaire, d’une partie de la croûte calcaire qui recouvrait le massif. Situées à l’abri des vents humides de l’Ouest, ces éminences pierreuses et ensoleillées sont devenues par excellence le domaine de la vigne. Une route, en les enjambant, relie les bourgs forto¬ ment agglomérés qui les jalonnent, riches villages de vignerons ou petites villes chargées de souvenirs dont l’histoire s’inscrit souvent dans les restes d’une enceinte fortifiée. Plus loin, ce sont les terrasses de loess. Formées d’un limon jaunâtre apporté jadis par les vents ou déposé par le réseau hydrographique qui pré¬ céda le Rhin, ces terrasses d’une extraordinaire fertilité conviennent aussi bien aux grandes cultures qu’au développement de la betterave sucrière et des arbres fruitiers. Dans un pays aussi comblé, on conçoit que la densité de la population soit poussée à l’extrême; les villages, régulièrement espacés béné¬ ficient ici d’une opulence qui n’a d’égale que le pittoresque des maisons d’une architecture très particulière. Enfin, dans l’axe même de la vallée, apparait le Ried. Celui-ci peut être défini la plaine d’inondation qui longe le grand fleuve, lusqu’au niveau de Strasbourg, en effet, le Rhin reste un fleuve montagnard à pente forte. sujet à des crues brutales de printemps ou d’été et doué d’une puissance éro¬ sive considérable. A maintes reprises it a déplacé son cours, multipliant les bras morts sur une largeur de 6 à 10 Kilomêtres. II en est résulté une zone d’insécurité, toute parsemée d’étangs et de roselières, où jamais une ville n’a osé s’établir (Strasbourg ne fait pas exception à la règle s’étant installée sur l’III, à une assez longue distance). C’est cette zone qui constitue donc le Ried, autrefois stérile et désolé, aujourd’hui quelque peu amélioré grâce aux importants travaux d’aménagement du fleuve. Ces travaux n’ont toutefois pas suffi à assécher le sol qui demeure partout très humide. Les eaux souterraines. très superficielles et exposées à toutes les souillures, ont été rendues respon¬ sables notamment des nombreux cas de Coitre observés dans la région. Ceux-ci disparaissent fort heureusement sur les terrasses de loess voisines où la nappe phréatique extrêmement profonde se trouve efficacement protégée contre les pollutions de surface par l’épaisse carapace limoneuse que nous venons de décrire. Collines sous-vosgiennes, terrasses de loess et Bied constituent dans la plaine d’Alsace de longues bandes longitudinales disposées parallèlement au cours du fleuve. De largeur variable, ces bandes ne se prolongent toutefois pas jusqu’à l’extrême sud du tossé rhénan. Entre Thann et la frontière suisse, elles sont en effet interrompues par cet amas de pierrailles déjà signalé, abandonne par le Rhin au moment où il se dirigeait encore vers la Porte de Bourgogne. Le pays ainsi créé, le Sundzan, avec son sol imperméable et froid, serait sans doute voué à la pauvrete si une industrie textile très prospère ne s’y était organisée, complétée bar l’exploitation d’énormes gisements de potasse, le tout pour le plus grand profit de Mulhouse, capitale de cette contrée. Ainsi apparait, en définitive l’Alsace avec son visare si composite et si harmonieux bourtant, bien diff́rent en tout cas de celui des provinces voisines. Sans doute le Rhin n’a-t-il pas creusé lui-même la dépression profonde qu’il occupe. Mais il l’a tellement transformée, tellement façonnée au cours des siècles, que celle-ci est devenue en quelque sorte son ouvre, l’œuvre aussi du grand affluent qui longe sa rive gauche. A cet égard, certains auteurs n’ont-ils pas prétendu que le nom même d’Alsace n’était en réalité qu’une déformation de « Illsass », autrement dit le pays de l’III. De tout cet exposé nous voudrions dégager une première conclusion : elle 13 178 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE BÉGIONS DU NORD-EST 179 sité. Maurette l’a remarquablement exprimée en des termes que nous rebr duisons ci-après : « Si l’on traverse la région de l’Est, du Rhin à la Marne, on passe par une grande variété de paysages. C’est, d’abord la plate et grasse plaine d’Alsace, blanche et rose sous les fleurs des cerisiers et des pruniers au prin¬ temps, rouge de ses cerises au début de l’été, blonde de ses moissons avant l’automne. Ce sont ensuite les coteaux ou avant-monts des Vosges avec leurs vignobles; puis les Vosges elles-mêmes, leurs ballons et leurs chaumes, leurs forêts et leurs pâtures. Puis voici le plateau lorrain, marqueterie de bois, de ver¬ gers, d’étangs et de prairies; puis les côtes lorraines avec leurs vignobles. dominant le sévère et grouillant canton de la métallurgie — minières, hauts fourneaux et convertisseurs — qui s’étend de Nancy à Thionville et à Longwy. Et c’est enfin, limitant la contrée vers l’Ouest, la ligne de calçaire gris du Barrois et le bloc boisé de l’Argonne, aboutissant à la mase plus haute et plus sombre de l’Ardenne. Sept paysages sur environ 200 Km à vol d’oiseau : on est loin ici de la monotonie du’ Nord. » Ce tableau déjà saisissant par les contrastes qu’il évoque entre les aspects des différents secteurs l’est peut-être plus encore par l’abondance des ressources qu’il laisse pressentir. Parmi ces ressources, il en est qui, dans une étude comme celle-ci, méritent de retenir plus spécialement l’attention. Elles peuvent se ranger sous trois rubriques distinctes : 1. — Tout d’abord les productions de la terre : forêts surtout et aussi riches cultures au nombre desquelles il ne faut pas oublier celles de la vigne. du houblon et des arbres fruitiers, particulièrement en honneur le long des côtes lorraines et dans la plaine d’Alsace Dès lors, rien d’étonnant que la région du Nord-Est fabrique en quantités appréciables les alcools les plus vuriés, tels que vins. Kirsch et prunelle d’Alsace, bières de Vezelise. Maxe¬ ville et Champigneulles, etc, dont la réputation n’est certes plus à faire. 2. — Ensuite l’éleuage dont le développement est toujours fonction de l’abondance des pâtures. Moutons et bovins sont en effet très répandus sur les pentes des Vosges comme sur le plateau lorrain. Cependant, tandis que dans la montagne les troupeaux n’effectuent d’ordinaire que des déplacements pério¬ diques minimes entre les « hautes chaumes » et les vallées, sur le plateau au contraire il leur arrive souvent d’entreprendre de bien plus longs voyages. Nous verrons plus loin qu’une véritable transhumance existe ainsi pour les ovins entre certains départements de Lorraine, ce fait ne manquant pas d’avoir les plus fâcheuses répercussions sur la dissémination d’affections telles que les Brucelloses. 3. — Enfin, les productions du soussol, d’une importance capitale, et res¬ ponsables des transfiormations profondes survenues dans l’économie du pays. Ultérieurement, en étudiant la pathtologie minière, nous décrirons avec queldue détail : le basin houiller mosellon, prolongement de celui de la Sare, dont le rendement peut être évalué à 6 ou 7 millions de tonnes par an¬ et le bassin de fer lorrain avec les gisements de Longwy,. Briey, Thion ville et Nancy, qui fournit au total près de 50 millions de tonnes de minerai annuellement et se classe ainsi au troisième rang dans le monde après les bassins du Lac Supérieur (L7 8 A) et de Koursle(U B S S.). Pour le moment, nous nous borncrons simplement à rappeler que l’un comme l’autre ont permis le développement d’immenses industries métalur¬ Gtques et chimiques concentrées pour la plupart le long de la vallee de la. Moselle et dans le sillon pré-ardennais autour de Charleville. LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 190 Ces exploitations, du reste, ne sont pas les seules à contribuer à la richesse du pays. Dans le même domaine il nous faut encore signaler les mines de sel gemme situées entre Dieuze et Nancy, base d’une industrie prospère de la soude, les carrières de marnes pour la fabrication des faiences de Luné¬ ville, celles de grès destinées aux cristalleries de Baccarat, les gisements de pétrole de Pechelbronn, etc. Et cette énumération serait tout à fait incomplête si nous omettions de mentionner ici les ressources offertes par les stations thermales, certaines d’entre elles, comme Vittel. Contrexéville, Plombières. jouissant depuis longtemps dans le monde d’une juste renommée. Ce premier point acquis, il en est un autre sur lequel nous voudrions maintenant insister. Consultons donc, au lieu d’une simple carte de France, une carte de l’Europe occidentale. On s’aperçoit alors que la région du Nord-Est, loin de constituer un tout, une entité géographique autonome, fait au contraire partie intégrante d’un système beaucoup plus vaste, débordant largement sur les nations voisines. On remarque notamment qu’il n’existe aucune différence de constitution physique entre l’Ardenne française et l’Ardenne belge ou le massil schisteux rhénan; entre la Lorraine et le Palatinat; entre les Vosges françaises et la Forêt-Noire allemande; entre la plaine alsacienne sur la rive gauche du Rhin et la plaine badoise sur sa rive droite. Ainsi, la frontière qui court de Bâle jusqu’à Givet, si elle est la résultante de nombreux siècles d’histoire, ne correspond en fait à aucun tracé décisif, à aucun obstacle naturel capable d’im¬ poser aux territoires qu’elle sépare des existences distinctes. Or — et ceci peu avoir sur la pathologie régionale des effets appréciables — ce que l’on observe dans le domaine de l’orographie se retrouve également dans ceux de l’hydrographie, du climat et du peuplement. Il y a là certainement une conionc¬ ture qui vaut d’être examinée de plus près. L’hydrographie tout d’abord. Nous verrons dans un chapitre ultérieur qu’une des caractéristiques du Bassin de Paris qui ont le plus contribué à sa précoce unification est la convergence de la majeure partie de ses cours d’eau vers le centre parisien. Dans l’Est, même convergence : après les quelques hési¬ tations de leurs cours supérieurs, les rivières se sont orientées délibérément, du sud au nord, traçant leur route, non plus vers l’Ile-de-France, mais vers les Pays-Bas et les provinces germaniques de l’Ouest pour lesquelles elles repré sentent d’excellentes voies d’accès. Tel est le cas pour la Meuse et pour la Moselle grossie de la Meurthe. Tel est le cas surtout pour le Rhin, imposante frontière sans doute à l’occasion, mais aussi trait d’union puissant entre les peuples riverains dont il facilite singulièrement, aux heures calmes, le com merce et les échanges. Passons maintenant au climuat. D’une manìre générale on peut dire que par son caractère déjà continental, il s’apparente à celui de l’Europe centrale bien au’il soit manifestement temtpéré par les souffles océaniques. Cette asso¬ ciation des influences continentales et maritimes lui confère d’ailleurs une très grande instabilité qu’accroissent encore les différences d’altitude et d’exposi tion. Il en résulte finalement d’importantes variations locales, celles-ci per¬ mettant de définir trois zones climatiques essentielles correspondant respecti¬ vement au Plateau lorrain, aux Vosges occidentales, enfin aux Vosges orien¬ tales et à l’Alsace. Rappelant le climat des Ardennes, le climat lorrain est surtout marqué par ses contrastes de température et par l’âpreté habituelle de sa saison froide. Du reste, les écarts thermiques atteignent facilement 18° à Nancy contre 15 seulement dans la région parisienne L’hiver est très rude, princi palement duand soufrie la pise venue de l’est, la neige recouvrant alors le sol RÉGIONS DU NORD-ESI 181 pendant de longues semaines. En été, par contre, les orages sont très fréquents. précédés ordinairement d’une chaleur étouffante et parfois suivis d’un refroi¬ dissement notable. Quant aux précipitations atmosphériques, elles sont géné¬ ralement assez abondantes du fait de l’intervention du vent d’Ouest, dépassant partout 700 mm pour atteindre un mêtre sitôt que le relief se redresse, c’est¬ à-dire le long des « Côtes » et aux abords des Vosgses. Le climat du versant ocidentat de la chaine vosgienne est, en efet remarquable par son humidité. Les nuées qui viennent de l’Atlantique se condensent au contact de la paroi froide de la montagne, déterminant ains des pluies abondantes et prolongées dont le niveau atteint aisément 1 m 50 sur les pentes et 2 mêtres sur les « hautes chaumes ». Néanmoins le fait primordial demeure ici cette instabilité du temps déjà signalée, plus sensible encore que partout ailleurs et liée aux caprices des vents plus peut-être qu’aux formes mêmes du relief. De là des variations incessantes de l’atmosphère, per¬ pétuellement soumise à des sautes d’humeur, non seulement d’un jour à l’autre. mais encore d’une heure à l’autre à l’intérieur d’une même journée. Reste à caractériser le climat a'sacien. Celui-ci est essentiellement condi¬ tionné par l’orographie et par l’orientation nord-sud de la plaine rhénane. Les vents d’Ouest dominants s’étant débarrassés de leur vapeur d’eau en montant à l’assaut des Vosges redescendent sur l’Alsace, secs et attiédis, créant ainsi un courant analogue au fœhn des Alpes. Il en résulte une atmosphère dans l’ensemble moins humide que sur le versant lorrain et surtout beaucoup plus ensoteillée. Toutefois, la suppression des influences océaniques provoque habituellement des écarts thermiques extrêmement accusés, Par ailleurs, la pré¬ sence dans la vallée du Rhin du grand fleuve et de ses affluents y détermine sans cesse l’apparition de brouillards froids, épais et stagnants bien connus notamment des Strasbourgeois, Tous ces facteurs expliquent certains aspects très particuliers du paysage. C’est ainsi que le touriste venant d’effectuer l’ascension des pentes lorraines sous la pluie est souvent très surpris d’apercevoir à partir des cols toute la plaine d’Alsace absolument inondée de lumière. Mais il peu aussi bien la trouver recouverte d’un lourd manteau de brumes glacées, alors du autour de lui les neiges des sommets étincellent au soleil. On voit, en résumé, que le climat de notre région du Nord-Est peut être qualifié dans son ensemble de climat continental humide, avec variations ther¬ miques incessantes et de grande amplitude Favorable à la population indi gène depuis longtemps adaptée à son apreté et pour laquelle il semble même avoir des effets toniques et vivifiants, il est par contre difficilement supporte par les personnes étrangères au pays ainsi que l’ont fort bien montré Perrin et ses collaborateurs au cours d’une étude récente. Ces étrangers, qui ainsi réagissent mal au climat local, quels sont-ils2 Ce sont, bien entendu avant tout, les sujets originaires d’autres régions que les circonstances ont définitivemtent fixés sur les versants des Vosges. Pour peu du’ils soient déficients et fragiles, ou tout simplement en état de déséquilibre vagosympathique, ils ne pouront suère s’accommoder d’un tel climat qui met constamment en jeu les réactions de la vie végétative. Mais ce seront aussi les Vosgiens ou Lorrains d’occasion qui constituent la clientèle plus ou mnoins mouvante des villes d’eau, des sports d’hiver ou des sanatoriums d’altitude. Les clients des stutions de cures thermales ne frquentent les Voszes qu’au moment de la belle saison, en sorte qu’ils n’ont à affronter ni les frimas de l’hiver ni les giboulées du printemps. Sous la réserve de ne pas être trop exigeants en ce qui concerne la température ambiante qui bien souvent néces¬ sitera le port de lainages, ils feront généralement des cutres efficaces en même temps qu’ils bénéficieront d’un agréable séjour frontière franco-allemande. Il nous faut maintenant dire un mot des dispo¬ 182 LA PATHOLOGLE RÉGIONALE DE LA ERANCE Les amateurs de sports d’hiver, gens vigoureux pour la plupart, trouve¬ ront également dans les Vosges, et aux meilleures conditions, de quoi satis¬ faire leur passion : lacs gelés, pistes entretenues, etc. Quant aux pensionnaires des sanatoriums vosgiens, ils feront bien, s’ils ne sont pas habitués au pays, de se méfier au plus haut point de l’instabilité ambiante. C’est dire que ne devront être envovés dans les Ftablissements du Nord-Est que des cas bien choisis et soigneusement triés, à l’exclusion des lésions congestives et des états de déséquilibre circulatoire ou nerveux par trop caractérisés. Nous avons exposé précédemment les similitudes frappantes quui existent du point de vue géograpbhique entre les pays situés de part et d’autre de la chands, un obstacle rebutant qu’il valait mieux contourner. RéGIONS DU NORDEST 183 sitions du relief qui facilitent les communications entre ces divers pays. Très développées, celles-ci comprennent : 1° du sud au nord, l’abondant écheveau des vallées déjà décrit (Rhin. Moselle. Meuse) gagnant la mer du Nord après avoir drainé l’Alsace ou le Plateau lorrain; 2° de l’ouest à l’est surtout, les célèbres trouées de Saverne et de Belfort débouchant toutes deux du Bassin parisien nour conduire, l’une par Stras¬ bourg vers l’Allemagne septentrionale, l’autre par le cours du Danube vers l’Orient. Toutes ces avenues réalisent un vaste quadrillage enserrant dans ses mailles le bastion vosgien. Naturellement isolé, celui-ei s’ouvre aujourd’hui largement à la vie moderne. Déjà des voies ferrées gravissent ses pentes depuis Strasbourg jusqu’à Saint-Dié par le col de Saales (1929) et depuis Saint-Dié jusqu’à Sélestat par le col de Sainte-Marie-aux-Mines (1937). Bientôt une ligne enjam¬ bant le col de Bussang reliera Epinal et Mulhouse. Ainsi se trouveront enfin réunis les deux versants trop longtemps séparés de la chaine vosgienne. Il n’est pas étonnant qu’à travers les siècles le peuplement de nos pro¬ vinces du Nord-Est se soit effectué par les grandes voies de pénétration que nous venons d’indiquer. C’est ainsi que, de très bonne heure, les Celtes vinrent occuper les terres basses qui entourent les Vosges, associant là leur destinée à celle de leurs frères gaulois. Comme eux, ils adoptèrent bientôt la lanque et les coutumes de Rome et ceci d’autant plus aisément que les légions romaines, établies le long du Rhin, constituaient alors de puissants fovers de culture latine, Par la suite la situation devait toutefois changer Les inva¬ sions germaniques du Ve siècle d’abord, puis la création du Saint-Empire. allaient introduire dans la plaine les influences d’Outre-Rhin. Aujourd’hui encore, les Alsaciens parlent un dialecte allemand. Mais ils sont loin d’avoir oublié pour autant leur origine gallo-romaine, origine à laquelle ils doivent à coup sur les traits les phus saillants de leur caractère, les meilleures de leurs qualités. Ceci dit, nous allons examiner maintenant la répartition de la population. Celle-ci est en effet très variable suivant les régions : Sur le Plateau lorrain, la densité démographique est généralement faible (50 habitants et moins au Km2), sans doute en raison de l’ingratitude du sol et de l’apreté du climat responsables d’un important mouvement d’émigration. L’habitat y est très concentré : pas de hameaux ni d’écarts, seulement des villages restés fidèles à l’économie communautaire. Ces villages s’étirent en une double rangée de petites fermes de part et-d’autre d’une rue unique. Entre chaque facade et cette rue s’étale un large espace, la parge ou usotr où traine, à côté de la réserve de bois, l’inévitable tas de fumier propice aux infiltrations nocives. Aucun luxe ni même de confort dans ces demeures obscures et basses, tassées les unes contres les autres suivant un modèle uniforme, très rapidement monotone. Dans les Vosces, par contre, l’aspect est déjà plus favorable. Grâce aux progrès, de la petite industrie et à l’avènement du tourisme, le pays s’est for¬ tement peuplé, surtout dans les vallées (200 habitants au Em2) ou domine une activité à la fois forestière et agricole. De petites villes agréables et coquetes s’y sont installées à proximité des cols et au débouché dans la plaine. Dans leur intervalle, de multiples chalets s’éparpillent au flanc des collines, mettant une note gaie dans le paysage. Ainsi on est bien loin du temps où la chaine vosgienne, silencieuse et hostile, représentait pour tous, missionnaires et mar¬ 134 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Quant à l’Alsace, sa population, plutôt clairsemée dans le Sundgau et le Ried, devient très abondante (150 ou 250 habitants au Km2) sur les terrasses de loess ainsi qu’en bordure des Vosges. Sur ces riches terrains les villages sont petits, mais le bien-être s’y décèle dès que l’on contemple le détail des maisons. Celles-ci, plus spacieuses dans la plaine que dans le vignoble, s’abri¬ tent sous un grand toit à forte pente surmonté de hautes cheminées où nichent parfois les légendaires cigognes; l’auvent, bâti contre la neige, est très accusé sur les murs crépis de blanc se détachent le dessin des poutres apparentes les balcons ajourés, les fenêtres fleuries. Tout reflête l’aisance large, ancienne et durable dans ces charmants logis, véritablement à l’image d’un peuple coura¬ geux et fier, réaliste peut-être et ami du confort, mais en tout cas fidèle à son long passé et à ses affections. Si les vallées vosgiennes et les terrasses de loess comportent, comme nous venons de le voir, des densités de population déjà appréciables, les très fortes concentrations humaines se rencontrent pourtant ailleurs. Elles se loca¬ lisent en effet autour des bassins miniers du Plateau lorrain ainsi qu’au niveau des carrefours commerciaux de la plaine. De nos jours il existe ainsi quatre zones surpeuplées, industrielles et ouvrières, avant chacune pour centre une ville importante faisant fonction de capitale régionale. Ces villes sont Metz et Nancy pour la Lorraine, Mulhouse et Strasbourg pour l’Alsace. Etablie sur la Moselle au confuent de la Seille, en face des grandes routes qui mènent vers Trèves et le Palatinat. Metz pouvait devenir aussi bien un gros centre d’affaires qu’une place forte. Confinée durant toute l’an¬ nexion allemande dans son rôle de citadelle, elle n’a réussi à s’en évader qu’à partir de 1910. Grace à son site bien choisi, à la proximité des bassins houillers de Longyy et de Briey, à la naissance enfin d’une industrie locale elle a dès lors pris rang de grande ville commerciale et compte aujourd’hui 83 000 habitants (125 000 avec la banlieue). Nancy, défendue au nord par les hauteurs du Grand-Couronné, a été également à l’origine un camp retranché, Puis sa position de carrefour lui a valu de devenir la capitale politique et intellectuelle de la Lorraine. Actuelle. ment, elle est en plus la principale agglomération industrielle de cette pro¬ vince. A Nancy et autour de Nancy se pressent en effet les mines de fer, les usines métallurgiques et mécaniques (Frouard et Pompey), les grandes brasse¬ ries de Champigneulles, les usines de soude (Dombasle et Varangeville), les verreries d’art, les tanneries, les fabriques de papier et de cartonnage. Elle a doublé sa population depuis 1875. Ville de plus de 100 000 habitants, elle commande désormais une agglomération urbaine deux fois plus nombreuse. Ancienne ville libre demeurée très éprise d’indépendance. Mulhouse repré¬ sente, sans aucun pittoresque d’ailleurs, mais avec une autorité certaine, la grande cité manufacturière du coton pour tout l’Est de la France. Et nous arrivons enfin à Strashourg Comme bien d’autres villes rhé¬ nanes. Strasbourg naquit, sous le nom d’e Argentoratum », d’une garnison romaine judicieusement installée à la croisée des routes qui font communiquer les bassins de la Seine et du Neckar d’une part, au confluént de l’Il et du Bhin d’autre part, assez loin du fleuve nour échapper à ses erues autrefois redou¬ tables, assez près toutefois pour profiter de la magnifique voie d’eau qui préci sément s’ouvte à partir de ce confluent, Rebaptisée après les invasions germa niques et devenue la « Cité des routes », elle fiut dès le moyen 3ge, du fait de son affiliation à la « Hanse », une ville riche et puissante. De nos jours. elle demeure un centre industriel et copmercial de premier ordre et de bau coup le plus animé de nos ports fluviaux après Paris. Dotée de vastes bassins où peuvent accoster des péniches de 1 500 tonnes et plus, elle exporte en abon dance potasse, soude et scories de déphosphoration, important en échange le 185 BéGIONS DU NORD-FeT charbon de la Ruhr, des céréales et des pétroles qu’elle distribue ensuite aux provinces voisines et jusqu’en Suisse. Mais à cela ne se borne pas son acti¬ vité. Joignant à la majesté d’une capitale un charme folklorique des plus sédui¬ sants, Strasbourg est au surplus une métropole intellectuelle et artistique des plus réputées, la « Reine » incontestée de notre France rhénane. Nous allons passer maintenant aux considérations d’ordre pathologique. Toutefois, avant de les aborder, nous voudrions insister à nouveau sur deux notions géographiques essentielles. Ce sont : d’une part la grande variété d’as¬ pect de nos provinces du Nord-Est et d’autre part les rapports étroits que celles-ci contractent nécessairement avec les territoires situés par-delà leurs frontières. En conséquence, nous devons nous attendre à priori, en Alsace plus peut-être encore qu’en Lorraine, 3 une pathologie pultiforme, facilement soumise par ailteurs aux influences d’Outre-Rhin. 1. AUERBACH. Le Plateau lorrain. Berger-Levrault cdit, Paris, 1893 Mason édit, 1933. 3. DETFONTAINES (P.) et CHOVEAUX (A.). La région de l’Est. Hatier édit, Paris, 1931. 4. GRANGER (E.). La France, A. Favard édit, Paris, 1947. 5. GROSDIDIER DE MATONS (M.). En Lorraine (Coliection « les Beaux Pays 2), Arthaad édit., Grenoble, 1933. 6. HANSL. L’AIsace (Collection « les Beaux Pays »). Arthaud édit., Grenoble, 1933. 7. RRONERG (R.). Le rôle économique du port de Strasbourg, Paris, 1924. 8. MALRETTE (F.)., Toute la Franche, Hachette édit, 1933. 10. ODLE (Cl.). Alsace. Atpina, édit, Paris, 1934. I1. PERRIN (M.). Le climat des Vosges occidentales : ses éléments constitutifs. Rey, méd. de l’Est, 1932. 13. PERRIN (M. et E.). La temprature de la Lorraine et du versant ocidental des vosges Paris méd., 26 août 1933, p. 160. 14. SOMNE. La Lorraine métallurgique. Berger-Levrault édit., Paris, 1930. 15. VIDAL DE LA BLACHE (P.). La France de l’Est. A. Colin édit, Paris, 1917. 1 — LES BRUCELLOSES Dans le Nord-Eet, comme dans bien d’autres régions françaises, l’histoir des Brucelloses eet passée par trois étapes successives : — une étape de début corespondant à la pénétration du mal dans le Pays; — une étape intermédiaire traduisant les premiers essais d’infiltration; 3 une étape finale correspondant à son extension actuelle. 3 186 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Les faits initiaux observés à Nancy par Haushalter en 1908 et 1909 étant en réalité des cas d’importation provenant de la zone méditerranéenne, on ne peut, avec M. Perrin, faire débuter véritablement la Fièvre ondulante en Lorraine qu’une vingtaine d’années plus tard, époque à laquelle apparaissent les premiers cas aufochtones. Si ceux-ci ont été parfois identifiés d’emblée (Etienne. Ganzinotty), plus souvent ils n’ont été reconnus qu’après coup, comme par exemple chez ce cultivateur de Ceintrey, envové à Saint-Raphael pour une soi-disant Tuberculose pulmonaire et articulaire alors qu’il était atteint d’une Brucellose d’origine ovine. Ce cas de 1920 suggère à A. Lombard (de Vezelise) de faire appel au laboratoire pour préciser le diagnos. tic d’une pyrexie atypique avec arthralgies et hématuries (Brucellose d’origine bovine). Toutes ces constatations allaient hientêr préluder à une série de 47 cas rassemblés par G. Parisot et R. Lévy. Ces auteurs, en liaison avec le Centre de Recherches de Montpellier, devaient en même temps établir la diversité des facteurs épidémiologiques en cause ainsi que la dualité des germes infec¬ tieux responsables (Brucella abortus et Brucella melitensis). Paraillèlement à ces observations, le mal était également dépisté en Asace. Dès 10930, des cas ovins y étaient signalés puis, en 1933, des cas bovins dans le département du Haut-Rhin (Aron et Uhlhorn). Les Brucelloses avant ainsi réussi à prendre pied dans nos provinces du Nord-Est n’ont cessé depuis lors d’y étendre leurs méfaits Dans les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale on pouvait dresser leur bilan Comme suit : Dans le départemenr de Meurthe-et-Moselle, de nombreux fovers de conta¬ mipation sont déjà reconnus, notamment dans les cantons de Vezelise. Colom¬ bey-les-Belles et Haroué, faisant l’objet de multiples communications de la part de Perrin, de Lavergne. Richon. Michon. Lewy. Hamant. Vichard et quelques autres. La situation est telle qu’en 5 ans (1931-1936) 177 cas de la maladie ont pu être décelés dans les zones indiquées, motivant des études fort intéresszes de Parisot et ses collaborateurs au 23° Congrès International d’Hygiène. Dans le département de la Meuse, les Brucelloses se sont de même ins¬ tallées un peu partout, occasionnant du l°e janvier 1931 au l° janvier 1938, dans 65 communes différentes, 115 cas humains se répartissant de la manière sui¬ vante (voir thèse de Steinberg) : Arrondissement de Bar-le-Duc : 40 cas dont s à Issoncourt et à Bar même, 4 à Rambercourt, 3 à Loisey, Ippécourt. Rumont. Seigneulles et Erize-Saint-Dizier. Arrondissement de Verdun : 30 cas dont 4 à Brabant-sur-Argonne et à Souilly, 3 à Brocourt-en-Argonne;: Arrondissement de Commercy : 36 cas dont 4 à Kœur-la-Petite, 3 à Pierrefitte. Saint-Mihiel et Void. Dans le département des Vosges, on relève semblablement durant les années 1932-1939, un total de 37cais avec une pointe de 12 cas en 1938 (renseignement fourni par l’Inspection vétérinaire). Bilan encore anglogue en Moselle (Gounelle et Warter). Dans les départements a'saciens, le mal n’est pas moindre. Uhlhorn avant pu réunir en 5 ans (1930-1934) 46 cas, les a répartis en sept groupes distincts. le premier comprenant les cas d’importation, les autres les cas autochtones. ciz-après : RÉGIONS DU NORD-EST 187 — Les cas importés, au nombre de 8 (5 pour le Bas-Rhin et 3 pour le Haut-Rhin), dus à l’ingestion de lait et de fromage de chèvre, éma naient pour la plupart du bassin de la Méditerranée; — Quant aux cas autochtones, au nombre de 38, ils avaient en grande majorité une origine proiessionnelle. Ils se partageaient en six groupes. englobant d’ailleurs des fovers plus ou moins bien circonscrits : Bos-Rhia : Région de Saverne..... 14 cas Région de Bouxviller..... 3 cas Région de Phalsbourg... 4 cas 4 cas Région de Strasbourg..... Faits isolés....... 6 cas Haut-RRin : Faits isole 6 cas On voit ainsi qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale les Fìvres ondulantes étaient déjà bien connues dans les départements du Nord-Est. Mais la situation par la suite devait encore s’aggraver ainsi qu’en témoignent les statistiques de l’Institut National d’Hygiène figurant dans le document MAorOIdte Dar Pritcettose de 1231 I2r9 (.:17.). Malgre les rensceignement, ipcomblets dont ce tableau fait état, il est lacile de constater que l’andémie brucellienne en Asace-Lorraine est déj devenue sérieuse, affectant une prédilection particulière pour le département de la Meurthe-et-Moselle et surtou celui de la Meuse. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA PRANCE 188 Reaucoup plus édifiants d’ailleurs sont les chiffres de même source publiés pour une période encore plus récente : Morbidité par Brucelloses de 1949 à 1953 (LN.H.) Mis à part le Territoire de Belfort, ces chiffres traduisent un acroisse¬ ment continu de la morbidité brucellienne dans tout le Nord-Est. Ils confir. ment, au surplus, la prédominance ci-dessus signalée de ce groupe d’affections dans les départements de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, ainsi que dans ceux tout proches de la Moselle et du Bas-Rhin. Nous verrons plus loin l’ex¬ plication de ce phénomène et le rôle que joue à son origine la néfaste coutume de la transhumance. BÉGIONS DU NORD-EST 189 Passons maintenant à l’étude des agents de transmission et des modes de propagztion locale de ces maladies. D’après Parisot et Lévy, il convient tout d’abord de distinguer dans le Nord-Est de la France trois sources de contagion humaine. Il existe en effet dans ce pays : 1° une épidémie de Fièvre ondulante d’origine opine relevant de la variété melitensis; 2° une épidémie de Fièvre ondulante en rapport avec une épizootie plus récente du cheptet bovin, également attribuable à la variété melitensis; 3° un ensemble de cas sporadiques liés à l’avortement épizootique des bovidés (Brucella abortus bovis) dont la réalité a été depuis longtemps signalée dans les départements lorrains. 8i l’on met à part ce dernier groupe assez spécial on admet générale. ment que la contamination du bétail est née, à l’origine, de l’introduction en Alsace-Lorraine de moutons malades achetés par les éleveurs sur les bords de la Méditerranée, en Provence ou en Algérie. Seçondairement, ces animaux étrangers ont transmis les germes infectieux dont ils étaient porteurs, d’une part aux autres ovins à la faveur des déplacements occasionnés par la transhu¬ mance, d’autre part aux bovides avec lesquels ils devaient partager l’hivel l’étroite promiscuité des étables. C’est à cette conception d’ailleurs que se rallie Uhlhorn lorsqu’il nous apporte sur la question les détails suivants : Dans le département du Haut-Rhin, les cas sont surtout groupés autour de Mulhouse. Encore qu’il existe dans ce secteur beaucoup de troupeaux de moutons — en particulier du côté d’Altkirch et de Ferrette — il s’agit essen¬ tiellement de contamination bovine, aussi bien dans la plaine, le long du cours du Rhin, que dans les vallées vosgiennes où les troupeaux de vaches sont nom¬ breux. Facteur important du point de vue épidémiologique : comme tous ces LA TRANSHUMANCE DANS LE NOBD FST DE LA FRANCE 190 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE animaux restent sur place, il est évident que la maladie ne peut se transmettre ici que par l’achat ou la vente des bopins. En ce qui concerne le Bas-Rhin, les conditions d’infection du cheptel sont quelque peu différentes. Les moutons étant dans ce département en continuelle transtumance, il leur est dès lors facile de disséminer à distance les microcoques qu’ils hébergent pour peu qu’un animal contaminateur ait été introduit dans le troupeau. Cette transhumance s’effectue surtout entre le Haut-Rhin et la Moselle d’une part, la Meurrhe-et-Moselle et la Meuse d’autre part. Comme Uhlhorn, nous allons reproduire ci-dessous un passage tout à fait significatif du rapport rédigé en 1932 par Parisot et Lévy à ce sujet : « Le département de Meurthe-et-Moselle est traversé, tous les ans, par un nombre considérable de moutons vovageurs. Les troupeaux originaires du Bas-Bhin et de la Moselle se metent en roure au début du printemps, che¬ minent par petites étapes et séjournent de mai à septembre dans de vastes prairies louées à des propriétaires des départements de Meurthe-et-Moselle et de la Meuss. Pendant ce vovage, les moutons broutent l’herbe des chemins et des champs, passent la nuit dans un enclos ou dans une cour de ferme; partout ils abandonnent leurs excrétas. Dès l’approche de l’hiver, les troupeaux transhumants effectuent le trajet en sens inverse et, en cours de route, quel ques animaux sont vendus lors de la traversée des villages. Plusieurs négo¬ ciants de Meurthe-et-Moselle ont parfois envové leurs troupeaux invendus pas¬ ser l’hiver dans des domaines de trafiquants du Bas-Rhin et de la Moselle. Cette transhumance s’effectue ainsi depuis trois ans et la représentation carto¬ graphique des trajets effectués couvre tout le tiers moyen du département d’un réseau extrêmement serré de 70 Kilomêtres de large. » Ces faits expliquent les raisons du développement électif de la maladie le long du territoire halavé par les troupeaux, territoire marqué notamment par les localités de Ingviller. Bouxviller, Saverne, Phalsbourg, Sarrebourg. Fenétrange. Dombasle, Frolois. Vézelise. Ils expliquent aussi la densité particulière des cas à l’intérieur des deux départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse qui, départements « récepteurs » pour les animaux migrhnts, possédent un abondant cheptel capable de subir la contamination et de la transmettre à l’homme. Ils expliquent enfin, fait plus banal, la prédominance des atteintes dans certaines professions : chez les éleveurs, les cultivateurs, les ber¬ gers et les bouchers surtout (31 cas sur 39 dans la statistique d’Uhlhorn). Il ne reste plus, pour terminer, qu’à dire un mot des aspects cliniques présentés par les Brucelloses dans nos provinces du Nord-Est. En Alace-Lorraine comne ailleurs, l’invasion se manifeste par des symp¬ tmôes variés, ordinairement dominés par un élément capital, la fièvre continue. qui au début peut contribuer à faire errer le diagnostic. A côté des formes aigués curables classiques, s’observent des Typhoses graves dont le pronostic trop souvent fatal autrefois s’est trouvé heureusement amélioré par l’avènement des thérapeutiques modernes. Quant aux formes viscérales d’emblée, elles n’ont ici rien d’original, qu’il s’agisse des formes pleuro-pulmonaires, hépatiques, rénales, orchitiques, car¬ diaques ou ostéo-articulaires. Dans l’ensemble donc, les Rrucelloses observées dans l'Est ne diff̀rent guère de celles que l’on rençontre dans les autres régions françaises. Mais leur fréquence et leur polymorphisme clinique souvent déconcertant devront main¬ tenir le praticien en éveil et l’inciter, au moindre soupcon, à réclamer les examens de laboratoire indispensables à leur dépistage. RÉGIONS DU NORD-Fer 191 BIBLIOCRAPHIE Supérieur et le bassin russe de Koursk. Il s’étend sur 120 Kilomêtres de lon¬ LA PATHOLOGIE ŔGIONALE DE LA FRANCE 192 1 — LA PATHOLOCIE MINIERE EN LORRAINE La région du Nord-Est doit à la présence sur son territoire du premier gisement ferrugineux et du second bassin houiller de France d’être fortement envahie par les Silicoses. Responsables de ces affections directement, au cours même de leur exploitation, ces bassins le sont aussi indirectement par l’intermé¬ diaire des multiples industries de transformation auxquelles ils ont donné naissance. Le gisement houiller comprend avant tout le riche hassin de la Sarre : partiellement incorporé à notre patrimoine à la suite de la première guerre mondiale (mines de louve, de Carling et de Petite-Roselle), il se trouvait encore récemment placé tout entier sous notre dépendance économique. Dans son ensemble il est capable de produire de 13 à 14 millions de tonnes de charbon par an, chiffre considérable certes, mais néanmoins inférieur à celui enregistré pour le bassin du Nord (30 millions de tonnes environ). A son apport il convient d’ajouter le contingent supplémentaire fourni par les petits bassins clairsemés de Ronchamp (près de Belfort). Creutzvald. Saint-Avold et Forbach. Quant au gisement de fer, il est non seulement le plus important d’Eu¬ rope, mais encore le troisième du monde, après le bassin américain du lae demeurant, en dernière analyse, le facteur principal des maladies de poussières 183 RÉGIONS DU NORD-EST gueur de Nancy au Luxembourg et mesure jusqu’à 20 Kilomêtres de large. Un peu dédaigné à l’origine en raison de la faible teneur en métal de son minerai (30 à 40 % seulement) et de sa richesse en phosphore rendant les aciers cassants, il a été par contre exploité sur une très vaste échelle à partir de 1878, date de la découverte par Sydney Thomas d’un procédé commode permettant d’obvier à ces inconvénients. Topographiquement, il comporte trois bassins successifs : au nord celui de Longuy, au centre celui de Briey au sud enfin, nettement détaché des précédents, celui de Nancy, exploité, sur¬ tout à Frouard et à Pompey. La plupart des filons, enfouis à la base du jvrassique inférieur, viennent affleurer le long des côtes mosellannes où. d’abord attaqués à ciel ouvert, ils ont du ensuite être creusés de nombreuses galeries dont certaines s’enfoncent aujourd’hui jusqu’à 200 mêtres sous terre. La production totale de ce gisement s’élevait en 1929 à 48 millions de tonnes environ de minerai, sur lesquels 15 à 18 millions étaient destinés à l’exportation vers l’étranger, cependant que le reste était utilisé sur place à l’alimentation d’une industrie locale puissante. De nos jours encore, la Lorraine possède la maieure partie de l’industrie lourde de notre pays, fournissant notamment les 3/4 de la fonte et les 475 de l’acier français. Ordinairement d’ailleurs, ce sont les mêmes compagnies qui réunissent sous leur direction : mines, hauts fourneaux, aciéries, fonderies coulant le métal en fusion dans des moules de sable, trains de laminoirs, cimenteries utilisant le laitier des hauts fourneaux, moulins brovant les scories de déphosphoration pour en faire des engrais, sans compter d’autres usines métallurgiques réparties un peu par¬ tout, dans le Nord, dans le Centre ou près des ports. Si l’on tient compte du fait qu’une usine lorraine constitue une énorme entreprise emplovant jus qu’à 10 000 ouvriers, si l’on considère en outre qu’en dehors des indus¬ tries sus-citées beaucoup d’autres se sont créées : faienceries de Luné ville et de Sarreguemines, cristalleries de Baccarat, glaceries de Cirey fabriques de produits chisniques de Nancy, etc, on devine aisément quelle peut être la fréquence de Pneumoçonioses au milieu de ces gigantesque ruches humaines vivant en permanence dans une atmosphère confinée, saturée de poussières. 1. — Nous ne nous atarderons pas, en avant déjà indiqué les traits essentiels, sur les particularités présentées par les silicoses qui sont propre aux mineurs du charbon, et nous nous bornerons à dire un mot du processus le plus spécifique de la région du Nord-Est — encore qu’il puisse être rencontre ailleurs (Normandie. Anjou. Pyrénées) — à savoir la sidérose ou Pneumo¬ coniose du fer. Cette affection peut s’observer, tant̂t à l’état isolé lorsque le fer est seu en cause comme, par exemple, chez les ouvriers se servant du rouge anglais (oxyde de fer), les miroitiers, les poliseurs de vere, etc., tantôt asociée à la silicose chez les aiguiseurs et surtout chez les mineurs C’est, en effet essentiellement chez ces derniers que le mal a été étudié C’est ainsi qu’à l’issue d’une enquête effectuée vers 1934 par Heim de Balsac et Feil ces auteurs ont pu évaluer à 10 ou 12 pour 100 la proportion des tra vailleurs du fond atteints de sidérose, celle-ci faisant ordinairement son appa¬ rition après dix ans au minimum de séjour à la mine et se traduisant par des images radiologiques nodulaires (aspect « granité », plus rarement en « tem pête de neige »), sans dyspnée, sans retentissement sur l’état général et sans association avec la Tuberculose. Ainsi, d’après ces recherches, la Pncumoco¬ niose en cause serait à la fois moins fréquente, moins sévère et moins tuber¬ culigène que la Silicose habituelle des charbonniers, phénomène explicable sans doute par la teneur médiocre du minerai lorrain en silice, cette substance 63 1 bres porteurs de fractures multiples ou de lésions d’écrasement. Nous nous contenterons simplement, pour terminer, de signaler que le classique « coup de grisou » parait dans le Nord-Est un peu monis frequont qe 6 LA PATLIOLOGIE REGIONALE DE LA TRANCE 194 Revenant à l’occasion de six observations personnelles sur le même sujet. Simonin a abouti, il est vrai , à des conclusions quelque peu différentes. Si le délai d’incubation des atteintes reste de l’ordre d’une dizaine d’années en moyenne, la dyspnée, par contre, mérite selon lui d’être considérée comme un symptôme d’alarme relativement pré¬ coce, survenant alors que les signes cliniques demeurent encore — et pour longtemps — des plus discrets. Quant aux radiographies, elles montreraient à son avis des aspects en tous points comparables à ceux de la Silicose. Enfin. tout comme ses prédécesseurs, l’auteur insiste sur l’intérêt que présente du point de vue du diagnostic la recherche du fer dans l’expectoration, l’éli¬ mination de ce métal étant du reste susceptible de se poursuivre bien au-delà de la cessation du travail et du départ de la mine. Toujours dans le même cadre, nous devons enfin faire état de l’opinion récemment formulée par B. Even,. Pour cet auteur, sur 1000 mineurs du fer, 250 travaillent à la surface, 750 au fond et, parmi ceux-ci, 375 environ au rocher. Chez ces derniers, seuls véritablement exposés, on décèlerait en moyenne 1 % de pneumoconjotiques avant 15 ans de service et 16 %% après ce délai avec une augmentation annuelle d’à peu près 2 %%. Chez les 9710. des sujets atteints on observe des lésions micronodulaires et chez le 1710 restant des formes plus sévères avec 3,6 % d’images nodulo-tumorales. Clini¬ quement, le stade initial de bronchite est constant, mais ne serait suivi que dans 15 % des cas du second stade de dyspnée. Quant au 3ème stade d’insuf. fisance ventriculaire droite, il serait exceptionnel ansi que la tuberculose. En dépit des quelques divergences enregistrées ci-dessus, il semble pos¬ sible en définitive d’admettre qu’il existe une Pneumoconiose des mines de fer, affection autonome assez bénigne en général et, par certains cotés. distincte de l’Anthraco-silicose banale. De toute façon, sa connaissance justifie la mise en œuvre de mesures de prophylaxie identiques à celles déjà préco¬ nisées dans la lutte contre les autres variétés de poussières siliceuses. II. — Bien entendu les lésions pulmonaires provoquées par les minerais de fer et de houille ne sauraient prétendre résumer toute la pathologie minière tant dans le Nord-Est que partout ailleurs. Pourtant l’Ankylostomtose se montre très peu répandue dans cette région et en tout cas moins fréquente que dans le bassin de Saint-Etienne, Par contre, la pathologie traumatique ouvre ici un chapitre important puisque G. Ichock, dans un travail statistique remoptant à 1932, a pu établir que les départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et de la Meusé étaient alors, avec le département de la Hlaute-Savoie, ceux qui comportaient les taux de mortalité aecidentelle les plus élevés de toute la France, les accidents de la route n’avant pas, à l’époque. la même importance qu’aujourd’hui. C’est ainsi notamment que la proportion des décès par mort violente, suicides exceptés, y ont été respectivement de 5 335, 4 065 et 4 040 pour 100 000 décès durant la période de 1925-1928, chiffres de loin supérieurs à ceux recueillis dans les divers autres départements. Si pour la région alpestre le fait peut s’expliquer par la fréquence des accidents de montagne, pour les régions industrielles et minière il doit être tout natu¬ rellement attribué aux traumatismes incessants survenant, soit à l’usine au contact des machines, soit à la mine en manipulant les outils ou à l’occason d’explosions et d’éboulements. Tous ces drames souterrains sont actuelle¬ ment trop connus pour que nous avons à en rappeler les circonstances, la grande presse se chargeant volontiers de rapporter par le détail l’histoire de ces ouvriers murés ou enterrés vivants que l’on doit ensuite retirer des décom¬ autorités responsables de la Santé Publique. RÉGIONS DU NORD-EST 195 du Nord de la France ou les poches de gaz ont, de tout temps, été la terreur des populations. II. — Si l’on peut dire que la Silicose ne résume pas à elle seule toute la pathologie minière dans le Nord-Est, on peut ajouter que cette Silicose ne se rencontre pas exclusivement dans les grandes exploitations de fer et de houille de la région. C’est ainsi que Lehmann a insisté tout récemment (1950) sur la fréquence des accidents dus aux poussières siliceuses et plombifères chez les verriers de Moselle dont le travail continue à s’effectuer dans des conditions assez primitives. Plus près de nous encore (1951). Claus, de Guebwiller, a exposé les dangers auxquels se trouvent soumis les carriers qui extraient le grès des Vosges (25 cas déclarés de 1947 à 1950 dans II entreprises occupant au total 220 ouvriers). Il en est de même pour les granitiers de la vallée de la Moselotte (Gauthier). Etudiant dans leur ensemble les maladies professionnelles au cours de l’année 1950 dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. J. Fourcade, de Strasbourg, a enregistré pour cette seule année 561 déclarations pour 450 000 salariés. Sur ce nombre, il existait 434 cas indé¬ niables parmi lesquels la Silicose occupait de loin la première place avec 463 déclarations nouvelles, dont 415 en provenance des houillères lorraines. Venaient ensuite les intoxications saturnines (18), les dermites du ciment (18), les intoxications par amines aromatiques (12) et enfin les intoxications par le benzol (8). On conçoit que de semblables bilans soient de nature à émouvoir les BIBLIOCRAPHIE LA PATHOLOGIE ŔGIONALE DE LA FRANCE 196 IIL — LES AFFECTIONS TYPHOIDIQUES Nous avons trop insisté déjà sur la remarquable affinité des affections typhoidiques à l’égard des abondantes régions littorales pour y revenir. Qu’il nous suffise de rappeler que leur prépondérance est due en grande partie à une abondante consommation de fruits de mer et qu’elle se manifeste, non seule¬ ment sur les rivages de la Méditerranée et l’arrière-pays alpestre, mais encore sur les côtes de l’Atlantique, surtout de l’embouchure de la Gironde à celle de la Seine. Vers l’intérieur, au contraire, nous avons été habitués jusqu’à une date toute récente à ne rencontrer que des foyers d’épidémies, parfois importants sans doute, mais essentiellement passagers et variables d’une année à l’autre. Or la région lorraine a toujours fait exception à cette règle générale en révé¬ lant un état endémique permanent assez comparable par son intensité à celui qui règne dans les régions que nous venons d’indiquer. Déi avant-guerre — et même jusqu’en 1945 — on ne pouvait qu’être frappé, en effet, par la situation inquiétante dans laquelle se trouvaient les deux départements lorrains de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle par rapport aux départements voisins et même à l’ensemble de la France. Voici d’ailleurs deux statistiques édifiantes à cet égard : Statistique de mortalité de Dabreuit (1925-1931). Pendant cette période l’indice moyen de la mortalité yphordique étair de 4,8 pour, l’ensemble de notre pays et 23 départements seulement le dépassaient. Statistique de morbidité de Chassagne (1939-1945). avec un indice moyen français de 22,18 pour 100 000 habitants, taux dépassé par 32 départements. REGIONS DU NORD EST 197 Depuis 1945, le problème s’est encore aggravé. On sait que depuis cette date l’évolution de la Fièvre typhoide s’est avant tout caractérisée par une dissémination plus grande du processus liée à l’éclosion d’épidémies multiples. dissemination qui pourrait faire croire à la faillite de la loi de Dubreuil sur la localisation littorale prédominante si, sous le « camouflage » des accidents paroxystiques, on ne pouvait arriver à discerner le véritable danger constitué par le fond endémique permanent. Ce qu’il y a précisément d’alarmant de nos jours, c’est que le mal tend se diffuser à travers le Nord-Est et même à s’y installer, en dépit de la vague de régression qui maintenant fait suite aux années particulièrement sombres de 1949 et 1950. Vovons les renseignements que nous apportent à ce sujet les dernières statistiques de l’Institut National d’Hygiène : Statistiques de morbidité de l’Institut Nationat d’Hygiène (1949-1953). On voit, à la lecture de ce document que nos départements a'saciens¬ forrains comptent qujourd’hui parmi les plus touchés de France, rivalisant en quelque sorte du point de vue de la morbidité typhoidique avec les dépar¬ tements « vedettes » que sont notamment le Var, la Corse et les llautes¬ Alpes dans le Sud-Est, la Vendée, la Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire à l’Ouest. Peut-on maintenant fournir 8 cette situation une explication valable 2 Immedliatement il importe de faire remarquer que, seule, l’origine bydrique de la maladie peut être valablement incriminée, l’origine coquillière n’intervenant que dans des circonstances exceptionnelles et uniquement dans le villes, A partir de cette infection hydlrique, la contamination interhumaine à du jouer très souvent au cours de ces dernières années, favorisée d’ailleurs par l’existence de nombreux porteurs de germes insuffisamment dépistés et surveillés Au sujet de cete pollution de l'’esu qui semble être la cause détermi¬ nante du mal, certains facteurs géologiques locux méritent de retenir plus spécialement l’attention. C’est le ceas tout d’abord pour la Meuse. On sait, en effet, que les catcaires parrois sont très mauvais protecteurs de la nappe souterraine et éminemment Propices aux infiltrations malsaines. Or il ne faut pas oublier que ce pays est justement celui des grases terres et des fumiers somptueux lésquels bor¬ dent les rout entre eux que de faibles intervalles pour accéder aux maisons (Dubreuil). e d’une ligne continue à la traversée des villages, ne laisant et pour la période 1949-1953. LA LAIIILCIE NLVIVINTNLE PE L LNP 198 Ainsi se trouvent facilement souillés les puits et les sources qui jaillissent à flanc de coteau, alimentant la population des vallées. Mais ceci est vrai également pour le Bas-Bhin où le processus parait être d’une fréquence élective dans le Ried, cette plaine d’inondation qui longe le grand fleuve, exposant à toutes les contaminations les eaux souterraines insuffisamment protégées par des couches de terrains d’une trop faible épais¬ seur et constamment humidés. Ailleurs, ce sont encore les régions de fort peuplement où les villes et les villages, cités ouvrières pour la plupart, se pressent les uns contre les autres. multipliant leurs contacts et les chances de pollution du terrain, comme c’est le cas notamment autour des grandes agglomérations urbaines de Strasbourg. Metz et Nancy, ainsi que dans la zone industrielle et minière située dans le Nord du département de Meurthe-et-Moselle. Ainsi « fragitisée » par tous ces facteurs locaux, la région du Nord-Est pouvait difficilement échapper à l’agression des typhoses, lesquelles ont reussi à s’installer sur son sol au point d’y créer aujourd’hui des foyers d’endémie tesaces, générateurs à l’occasion de poussées épidémiques violentes. Or il n’est pas possible de considérer ces faits sans songer immédiatement à la situation identique qui existe, depuis longtemps déid, de l’autre côté du Rhin, dans le Palatinat, le Pays de Bade, le Vurtemberg, voire même dans l’Allemagne toute entière. Si l’on se rappelle (cf. Généralités) que les deux versants de la vallée rhénane ont la même structure géographique et sont de plus soumis à des influences communes, le rapprochement précédent prend immé¬ diatement une valeur particulière : il permet notamment de soupconner à la base des analogies constatées dans le domaine de la pathologie autre chose que de simples coincidences. Le cas des affections typhoidiques plaide nettement en faveur de cette opinion. Mais il n’est pas le seul : dès le prochain chapitre nous en trouverons un autre exemple tout aussi frappant en ce qui concerne la Diphtérie. BIRLIOCRAPHIE IV — LES MALADIES INFECTIEUSES, EPIDEMIQUES ET CONTAGIEUSES COSMOPOLITES LES FIEVRES ERUPTIVES Comme de coutume, nous allons essaver de nous faire une opinion sur la répartition et la densité de ces maladies dans nos provinces du Nord-Est en utilisant à cet effet les statistiques officielles de l’Institut National d’Hygiène dont nous examinerons succesivement les bilans pour la période 1939-1945 A. — Période 1930 B — Période 1. 1945 (1) 20 LA PATLIOIOCIE BÉGIONRLE DT ERTRRNE Dans l’un et l’autre cas, nous indiquons pour chaque département le taux moyen de morbidité (L. M. b.) correspondant à la période considérée ainsi que le classement (cl) qui en résulte sur la liste d’ensemble des 90 dépar. tements français. Que conclure de cette cascade de chiffres2 Il est évident qu’il est bien difficile d’en extraire des données très précises. Outre les imperfections inhérentes à toutes les statistiques, encore acentuées ici du fait de certaines circonstances, il faut tenir compte au surplus de l’extrême variabilité dans le temps et dans l’espace des maladies considérées, soumises, de par leur conta¬ giosité même, aux plus grands caprices. Dans l’ensemble toutefois on peut dire pour la Rougcole, la Scarlatine et la Méningite cérébro-spinale que ces affections sont d’une fréquence qui n’a rien d’inhabituel en dépit de la rigueur du climat Au cours de ces der¬ nières années, elles se sont révélées peut-être un peu plus répandues en Lor¬ raine qu’en Alsace, en particulier dans le département très peuplé de Meurthe¬ et-Moselle. On remarquera en passant l’importante épidémie de Rougeole qui a sévi dans les Ardennes où plus de 1000 cas ont été déclarés au cours de la seule année 1951 dans une population relativement restreinte, portant ainsi l’indice de morbidité à 445. Beaucoup plus intéressant à tous égards est le problème posé par la Diphtérie. Il semble bien, en effes, que la région du Nord-Est constitue er France un des principaux foyers de cette maladie avec, actuellement, des effets particulièrement graves dans la Meuse et les départements rhénans. Comment expliquer ce phénomène? Nous pensons qu’il n’est pus indé¬ pendant de l’existence toute proche de cet énorme fover d’endémicité diphté¬ rique que constitue l’Allemagne toute entière. L’Allemagne, effectivement, est et a toujours été le pays d’Europe et même du Monde le plus touché par le bacille de Loffler (237 000 cas en 1942 contre 30 000 en France et 143 000. cas en 1946 pour la seule Allemagne occidentale). C’est ce qui explique notam¬ ment la vague épidémique qui a déferlé sur notre territoire au cours de l’occupation allemande. Il n’est pas étonnant dès lors que la région de France qui lui est contigué et qui, par suite, subit les mêmes influences, par¬ tage avec elle ses réactions morbides. Elle les partage du reste, il faut bien le reconnaitre, d’une manière très atténuée. Entre 1946 et 1949, alors que nous exercions les fonctions de médecin consultant de l’Armée d’Occupation, nous avons constaté à maintes reprises la rareté de la Diphtérie chez nos ressortissants en Allemagne par comparai¬ son avec la population allemande du voisinage. Ceci provient, sans aucun doute, du fait qu’en France la vaccination est obligatoire contre la Diphté rie alors qu’elle ne l’est nullement Outre-Rhin, la même observation pouvant être faite d’ailleurs à propos du Tétanos et des Fièvres typhoides. D’ailleurs les cas d’infection que l’on rencontre dans le Nord-Est comme dans nos autres régions apparaissent généralement dans des collectivités d’enfants, chez des sujets dont la vaccination a été négligée ou incomplête. C’est là une notion extrémement importante qui souligne la nécesité de maintenir dans toute leur rigueur les règles édictées dans notre pays en vue de la prévention de ces maladies. RÉGIONS DU NORD-EST 201 Y — LES AFFECTIONS A VIRUS NEUROTROPES Nous aurons surtout en vue dans ce chapitre la Poliomyélite et la Sclérose en plaques, ces deux affections paraissant comporter en Alsace-Lorraine une importance assez particulière. A — LA POLIOMYELITE. Ce qui a fait longtemps l’intérêt de l’étude de la Poliomvélite dans le Nord¬ Est de la France, c’est moins l’existence dans cette région d’endémies persis¬ tantes et meurtrières du type de celles que l’on rencontrait par exemple dans l’Allemagne occidentale voisine, que la possibilité d’observer chez elle ces paroxysmes épidémiques d’une violence inaccoutumée, exceptionnels dans le reste de notre pays. Nous voulons faire allusion ici tout d’abord à l’épidémie asacienne de 1930 bien décrite par Levaditi et Schmutz, et ensuite à l’épidémie lorraine de 1943 relatée par Melnotte et ses collaborateurs. C’est en nous appuvant surtout sur les travaux de ces auteurs que nous allons pouvoir rap¬ peler, très brièvement d’ailleurs, les faits essentiels relatifs à ces deux épisodes. 1. - L’endémie poliomyélitique en Alsace et la grande épidémie de 1930. Quand on recherche dans la thèse très documentée de P. Lafarge quelles ont pu être avant 1930 les manifestations de Poliomyvélite en Alsace, on est surpris de constater qu’aucune mention de la maladie n’est faite antérieu¬ rement à cette date, preuve sans doute qu’elle n’avait encore donné lieu à aucun incident notable. Si, en outre, on interroge la période 1931-1948 et plus spécialement l’intervalle 1938.1945 auquel se rapportent les statistiques de l’Institut Natio¬ nal d’Hygiène on s’aperçoit que la situation est demeurée sensiblement inchan¬ ge compte tenu des difficultes d’enquête crées par l’ocupation allemande. Si on met à part la petite poussée éphémère de 1938 avec ses 35 atteintes (18 dans le Bas-Rhin et 17 dans le Haut-Rhin) tout se borne en effet à quel¬ ques cas sporadiques et espacés. L’épidémie de 1930 a donc éclaté à la manière d’un orage soudain occa¬ sionnant pendant quelques mois dans toute la vallée du Rhin les plus vves inquiétudes. Venue de divers points de l’Europe occidentale (Bade, pays rhéno-palatins. Suisse, Belgique, Pays-Bas), l’affection s’est bientôt répandue sur toute la France septentrionale où 500 cas environ ont été signalés. Sur cet ensemble. 405 cas exactement ont été enregistrés dans le seul département du Bas-Rhin dui est devenu ainsi le foyer le plus important de la maladie, avec, comme centres principaux, la ille de Strasbourg et les cantons de Schitigheim et de Bischuoiller. Calculé par rapport à la population dlobale du departement (670 000 mes), l’indice de morbidité s’est élevé au taux de 603 pour 100 000 habitants. Mais rapporté à la population des 125 communes touchées, la seule qui ait été vraiment en danger, il a atteint 76,6 pour l’agglomération strasbourgeoise e jusqu’à 149 pour les cecteurs ruraux avoisinants. affection éminemment hydrique. D’ailleurs, en aucune occasion, l’hypo¬ 20 1A PATIOIOGIE RÉGIONAIE DE 1A TRANCE Ces chiffres correspondent de toute évidence à une explosion épidémique sévère, surtout si l’on tient compte des formes frustes, atypiques, voire même inapparentes, qui ont nécessairement échappé à la statistique. Le processus a débuté en fin mai, réalisé son maximum en juillet, décru en août et septembre, pour s’éteindre avant le l° octobre. En ce qui concerne l’âge des malades, 84 %% des cas sont survenus à l’âge préscolaire (jusqu’à 6 ans), 11 6% à l’age scolaire (6 à 14 ans) et 5 % seu¬ lement au-desus de 14 ans. La mortalité a été de 10 %% pour l’ensemble, atteignant son niveau le plus élevé chez les adolescents (20 2%). La réceptivité des sujets à l’égard du virus poliomvélitique a été, comme tqujours, des plus inégales A ce propos on peut se demander s’il existe à l’origine de ce phénomène une perméabilité plus ou moins grande des mu¬ queuses naso-pharyngées ou digestives, une sensibilité spéciale du névraxe, ou encore un état d’immunité propre à certains individus. A l’appui de cette dernière hypothèse, Kling a révélé la présence d’anticorps virulicides dans le sang de 8 sujets restés indemnes en dépit de contacts intimes et persistants avec des malades. Selon Levaditi et Schmutz, aucun rapport direct n’a pu être établi au cours de cette épidémie entre le chiffre de la population des localités contami¬ nées et la morbidité globale; de tout petits villages ont pu constituer des fovers à morbidité élevée. Certains territoires du département, même parmi ceux situés dans la plaine, ont été totalement épargnés. L’extension de la maladie s’est effectuée d’abord dans une région bordant la rive gauche du Rhin, du nord au sud, par conséquent en sens inverse du courant du fleuve et de la nappe souterraine. Dans une seconde phase, les cas se sont éche¬ lonnés de l’est vers l’ouest, de la plaine vers la montagne, en remontant les affluents du Rhin. Dans cette deuxième phase, il s’est agi surtout de cas isolés et de tout petits foyers. Il semble que le virus, en se prapageant, ait engendré une sorte d’état d’immunité régionale : topographiquement parlant, la Poliomvélite n’est en effet jamais revenue en arrière. L’affection a frappé surtout les localités situées dans la plaine rhénane ou le long des rives de certains affluents du Bhin Elle s’est attaquée de pré¬ férence aux agglomérations bâties à l’orée des bois et n’a pénêtré que diffici¬ lement dans les régions de haute altitude. Ceci tendrait à mettre en cause le rêle possible du sol : les régions humides situées en bordure des rivières ou au voisi¬ nage des forêts paraissent en effet avoir été très électivement touchées; il est vrai que c’est dans ces mêmes contrées que la population est de beaucoup la plus dense. L’examen des conditions climatiques montre qu’une vague de chaleur a précédé et accompagné l’éclosion de l’épidémie poliomvélitique du Bas-Rhin¬ Elle fut annoncée par une période de sécheresse. Le maximum de la courbe de morbidité globale coincide avec le minimum de niveau d’eau de la nappe souterraine. Cette morbidité a été particulièrement élevée surtout dans les localités dont l’eau d’alimentation est une eau de surface; les villages utilisant l’eau de source ont paru plus rarement et moins fortement atteints La répartition des fovers a suivi dans l’ensemble le système hydrographique du pays. Cependant les auteurs n’ont pas eu l’impression que les faits observés permettaient de conclure que la maladie de Heine-Médin se comportait comme une RéGIONS DUT NORO-EST 203 these de la propsgation du processus par l’intermédiaire de l’eau de boison (ou des aliments) ne s’est imposée d’une manière exclusive. Chaque fois que l’enquête a pu être effectuée, elle a permis au contraire d’établir la vraisemblance d’une transmission du virus par contact interhumain. Il est vrai que bien des facteurs extrinsêques, géographiques, géologiques, hydrographi¬ ques ou climatiques sont de nature à intervenir pour faciliter la contagion humaine et favoriser à la fois l’éclosion et le développement des épidémies. Tels sont les faits essentiels concernant les événements d’Alsace, Passons maintenant à ceux de Lorraine et vovons, au passage, si des déductions utiles peuvent être tirées de leur confrontation. 2. - L’endémie poliomvélitique en Lorraine et la grande épidémie de 1943. L’histoire de la Poliomvélite en Lorraine n'’est guère plus longue que celle de l’AIlsace. La première relation officielle qui s’y ratache est celle de Hadot qui signale avoir observé en 1929 dans la région de Pouxeux (Vosges) 34 cas de la maladie en 6 mois, alors que 30 ans de pratique dans le pays ne lui avaient permis d’en diagnostiquer que trois. A propos de cette communication. Etienne rapporte de son côté avoir eu connaissance à peu près au même moment d’assez nombreux cas de contami¬ nation intéressant les régions d’Epinal et de Bains. L’année suivante une dizaine d’atteintes sont à nouveau déclarées dans le département des Vosges en relation probable avec le foyer alsacien en voie de constitution. En 1937 un autre groupement vosgien est identifié, faisant bientôt 30 vic¬ times dont 35 dans une même commune de 282 habitants. En dehors de ces quelques faits ce ne sont partout, durant ces quelques années, que cas très disséminés et sans aucun lien apparent, témoignant d’une endémie des plus discrêtes. Celle-ci prédomine néanmoins dans le département de Meurthe-et-Moselle et, à l’intérieur de celui-ci, dans l’arrondissement de Nancy. La situation pouvait dès lors être considérée comme calme quand, dans les premiers jours du mois de juin 1943, survinrent les premiers cas d’une poussée épidémique qui allait durer tout l’été et se révéla une des plus graves que la France ait eue à subir. Disons tout de suite que cette poussée a frappé durement la Meurthe-et¬ Moselle, atteignant surtout l’arrondissement de Bricy d’endémie antérieurement faible; modérément la Meuse avec ici une prédilection très marquée pour l’arrondisement de Verdun; à peine les Vosges qu’elle n’a fait en somme qu’effleurer. Voici d’ailleurs, d’après Melnotte, le nombre des cas déclarés entre le 29 juin et le l'° décembre dans chaque département : Ce chiftres concordent avec ceux publiés par l’Institut National d’Hygiène pour l’année entière, ces derniers arrivant à un total de 180 cas 204 LA PATHIOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE LA POLIOMYELITE DANS LE NORD-EST DC LA FRANCE morbidité s’est avérée très variable suivant les secteurs envisagés ainsi qu’en témoigne le tableau ci-après : voit, bien au-dessous de celle qui avait été observée dans le Bas-Rhin. RÉGIONS DU NORD-EST 205 pour l’ensemble des trois départements. On voit que ce bilan, quoique impor¬ tant, reste tout de même bien inférieur à celui enregistré en 1930 pour le seul département du Bas-Rhin. Même constatation en ce qui concerne les indices de morbidité (L.M.). rapportés à une population globale de 100 000 habitants, ces indices étant res¬ pectivement de 24,7 en Meurthe-et-Moselle, 16,8 dans la Meuse et 22,5 pour les deux départements réunis (60,3 dans le Bas-Rhin lors des événements précités). Considérée, non plus par département, mais par arrondissement, cette La plus grande densité des atteintes s’est trouvée ainsi réalisée : — d’une part dans la partie nord du département de Meurthe-et-Moselle. c’est-à-dire dans l’arrondissement de Briey et plus spécialement dans les cantons de Longuy. Longuyon et Audun-le-Roman dont la popu¬ lation est ouvrière et très groupée; d’autre part dans la portion est de la Meuse, le long de ce fleuve et sur sa rive droite, dans tout l’arrondissement de Verdun ou, par contre, les agglomérations sont moins importantes et plus clairsemées. Contrairement à l’opinion précédemment émise par Levaditi et Schmutz. une certaine corrélation parait s’être ici établie entre les taux de morbidité poliomyélitique d’un côté et le chifre de population des localités contaminées de l’autre. La rpartition des cas suivant l’âge s’est effectue de la facon suivante: 63,7 % chez les enfants de moins de 6 ans, 30,8 % entre 6 et 14 ans et 15,5, % au-delà de 14 ans. C’est donc encore l’âge préscolaire qui a payé le plus lourd tribut à la maladie, moins toutefois qu’au cours de la grande épidémie alsacienne (84 9%). La mortalité a éte pour l’ensemble de 2,77 pour 100 00 habitants (2,6 pour la Meurthe-et-Moselle et 3 pour la Meuse), proportion, comme on le 206 par Rohmer et ses élèves. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE En ce qui concerne maintenant les axes d’expansion, l’épidémie lor¬ raine, née à Longwy, s’est d’abord propagée vers l’ouest en direction de Lon¬ guyon, puis vers le sud, envahissant successivement tous les cantons de l’arron¬ dissement de Briey, pour déborder finalement sur l’arrondissement de Nancy. Transportée dès les premiers cas à Gerbéviller et à Lunéville, elle a donné naissance autour de ces localités à quelques atteintes disséminées sans aucune tendance à la coalescence. Quant à la participation meusienne, elle semble n’avoir été que le résul¬ tat d’infiltrations venues du foyer principal voisin. Si nous laissons de côté les aspects cliniques de cette épidémie, lesquels n’ont rien de bien particulier en dehors d’une certaine fréquence des para¬ Iysies faciales isolées ou associées à d’autres paralysies (1), il ne nous reste plus à envisager, pour terminer, que la question, au demeurant fort contro¬ versée, du mode de transmission du virus. Comme toujours, on a invoqué je tour à tour la contagion indirecte par l’eau de boisson et la contagion directe interhumaine. On sait que l’argument le plus spectaculaire en faveur de la première hypothèse réside dans la répartition habituelle des cas le long des cours d’equ. Effectivement, durant l’épidémie de 1943, le procesus paraît avoir emprunté électivement dans sa progression la vallée de la Meuse d’une part, les vallées de l’Orne, de l’Othain, de la Crusnes et surtout de la Chiers d’autre part. Mais, en réalité, la valeur de cet argument est assez discutable. Tout d’abord il y a lieu de remarquer que les vallées sont également parcourues par des routes, voies naturelles des échnges humains. Par ailleurs, le simple examen de la carte montre que bon nombre de contaminations se sont en l’occurrence produites en dehors des voies d’eau, notamment dans ce qu’on appelle le Pays-Haut de Briey, véritable centre de dispersion hydrographique situé entre Chiers et Orne et dépourvu de tout effluent notable. Enfin, bas plus dans les zones contaminées que dans les régions voisines on n’a pu déce¬ ler de pollution des eaux livrées à la consommation, les prélèvements prati¬ qués avant constamment démontré l’excellente qualité de celles-ci. Et qui plus est, ce sont précisément les communes dotées du meilleur système d’adduction qui se sont révélées le plus souvent touchées. Dès lors, force est d’admettre le rôle prépondérant de la contagion directe dans la propagation de la maladie, la transmision avant pu s’effectuer soi par voie (rhino-pharyngée suivant la conception classique, soit par l’intermé diaire des « mains sales » à la manière des affections hydriques. A ce propos Melnotte signale la fréquence toute particulière du processus dans cértaine protessions exposées à des contacts interhumains répétés (mineurs, cheminots employés de bureau, commercants, etc.). Quoi qu’il en soit, la grande épidémie lorraine de 1943 s’est terminée en lysis aux abords d’octobre, ainsi que nous l’avons déjà dit, c’est-à-dire lor de la décroissance des chaleurs, anormalement fortes au cours de cette année¬ 4 partir de ce moment la situation s’est notablement améliorée, mais sans toutefois revenir immédiatement à son état initial puisqu’en 1944 les sta tistiques officielles mentionnaient encore 17 cas en Meurthe-et-Moselle, 9 dans la Meuse et 43 dans les Vosges. Faut-il voir, dans ces chiffres une sorte de (1) Ces faits sont à rapprocher des cas de paralysics faciales epidémiques observe à Naney en 1930 par de Lavergne. Abel et Kissel, ainsi que des nombreuses formes ence phaludues, ncsoephalaucs et bupoprotupramntilles sigonles en 1930 à Stnabou BÉGIONS DU NORD-TST 27 résonnance des événements qui viennent de s’écouler ou, au contraire, l’an¬ nonce de l’installation prochaine en Lorraine d’une endémie sévère2 C’est ce que nous allons essaver de déterminer à la lueur des dernières statistiques, en étendant d’ailleurs le problème à l’ensemble de nos territoires du Nord-Est. La Poliomyétite dans le Nord-Est durant la période 19419-1953 (d’après l’LN. H.) Quelles déductions peut-on tirer de ce tableau2 Tout d’abord, il en ressort que la Poliomvélite demeure plus fréquente en Lorraine qu’en Alsace sans toutefois valoir à cette région une place de tout premier plan. A défaut d’épidémies à grand spectacle, comme en 1930 et en 1943, il semble d’autre part que, de nos jours, on assiste plutôt à une impré¬ gnation sournoise du pays se manifestant par des cas annuels nombreux et disséminés. Ces faits qui traduisent la naissance d’une endémie certaine dans le Nord-Est s’observent d’ailleurs un peu partout en France. Ils constituent pour l’avenir une menace très grave si la vaccination préventive actuellement à ue ne vrent pas à temps opposer à cet envahissement une barriere ellficace. B. — LES AUTRES AFFECTIONS A VIRUS. C’est surtout à la Sclérose en plaques que nous désirons faire allusion dans cette rubrique, sa grande fréquence en Alsace étant actuellement un fait bien reçonnu. Si nous ne pouvons guère apporter de chiffres à l’appui de cette opinion, du moins pouvons-nous la faire reposer sur des témoignagnes autorises. tels ceux de MM. Barré. Warter et Stahl. Professeurs à la Faculté de Méde cine de Strasbourg. A diverses reprises ces auteurs ont notamment insisté sur l’opposition frappante qui leur à paru exister entre la fréquence de l’affection sur les bords du Rhin d’une part et dans les régions parisienne, nancéenne et clermontoise qu’ils ont eu l’occasion de prospecter (1) d’autre part. A ce R d PuL lepaR het-lie tion allemande l’Université de strasbourg s’est repliée sur le LA PATHOLOGIE ŔGONALE DE LA PRANCE 208 propos, il nous parait opportun de rappeler le polymorphisme clinique extrême de cette maladie ainsi que ses modes de début très variés, lesquels peuvent être à l’origine de nombreuses erreurs de diagnostic. Dans la plaine d’Alsace plus encore peut-être que partout ailleurs, il conviendra donc de se méfier au plus haut point de tout syndrome neurologique diffus qui ne fait pas direc¬ tement sa preuve, de même que de certains troubles oculaires, sensitifs (dysesthésies), moteurs (paraplégie, hémiplégie, paralysies faciales même) qui surviennent sans aucune raison appréciable chez des sujets n’avant pas encore atteint la trentaine. En dehors de la Sclérose en plaques, on observe partois aussi dans la région du Nord-Est de petites poussées d’Encéphalite épidémique, des syn¬ dromes de Guillain-Barré, voire même des cas d’Acrodynie infantile, cette dernière affection avant été attribuée, comme chacun sait, à la localisation sur le mésencéphale d’un virus neurotrope spécial. A ce sujet, nous ne sau¬ rions passer sous silence le fait que le premier cas de maladie de Feer observé en France et publié en 1924 par Debré et M°e Petot était originaire de la région de Nancy. Dès l’année suivante. Haushalter devait faire paraitre un mémoire groupant cette fois 9 cas identifiés dans divers villages de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des Vosges. Puis ce sont, coup sur coup les communications de Caussade et Rémy en 1927. Caussade et Brénas en mai 1928, Caussade et Abel en juin de la même année. Depuis lors, les cas se sont répétés tant d’ailleurs à Strasbourg qu’à Nancy, sans toutefois que l’on soit en droit de considérer ces deux centres comme les plus fortement touchés de France. Pour finir, nous voudrions signaler — mais sous toute réserve — l’exis¬ tence dans la plaine rhénane d’un processus morbide très particulier qui a attiré à maintes reprises notre attentiou lors du séjour que nous avons fait Baden (1947-1949) et qui, aux dernières nouvelles, paraissait s’être 3 également maniiesté le long de la rive gauche du grand fleuve. Cliniquement. il se caractérise par les symptômes suivants : hypersomnie, asthénie physique et psychique, dysesthésies des membres à type de fourmillements ou de cram¬ pes, myoclonies généralisées, tremblement intermittent, troubles visuels, sen¬ sations lipothymiques surtout nocturnes, vertiges, anxiété. Ordinairement, des troubles colitiques plus ou moins accentués s’associent à ces manifestations, lesquels correspondent peut-être à une pénétration par voie digestive du virus causal. Ce derniet, qui semble s’apparenter d’assez près au virus de l’Encéphalite, doit néanmoins en être séparé étant donné notamment l’absence de tout cas typique de cette affection au cours des pous¬ sées évolutives de la maladie (une fois cependant nous avons pu noter une légère hyperglycorachie). L’avenir nous dira si ce syndrome mérite d’être individualisé et s’il peut être considéré comme une entité morbide autonome avant pour la vallée du Rhin une affinité spéciale. GITPLIOCRAPHIE A. POLIOMVELITE. l doune pe d rdscme Met date, cct tu 2. Bulletin de l’Inst. Nat, d’HYR, t. 1, n° 3, juillet-sept, 1916, p. 225; (. 8, n° 2 1983. p. 349; t. 9, ne 2, 1954, p. 441. 1 RÉGIONS DU NORD-EST 209 6 LEVADIT (C.). Etude de l'’épidémie de Poliomvélite du Bas-Rhin. Strasbourg méd. 25 aout 1931. l’Inst. Pastcur, t. 46, n° 1, janvier 1931. L. L, vol., 2, pages 112-148. Masson, édit, 1944. 9. ROHMER (P.), ct ra , r cppor e crrrdtre cr trcr apc trtrdte ser T cpraciric de » or10 myélite d’Alsacc. Bull. Acad. Méd, 3 mars 1931. B. ACRODYNIE INTANTILE. 12. CALSSADE et AREL. Un nouvcaut cas d’acrodynie. Soc, méd. de Nancy, juin 1928. 12. CAUSADE Ct BIENAS. Uu nouvcnu cas d’acroynie infantilc. Soc, med. de Nancy mai 1928. 13. CAUSSADE ct RISXY. Un cas d’acrodynie infantilc. Rey, méd. de l’Est, 1927. 14. DERNE (R.) et Nlle Pror. Syndrome de Morvan et trqubles nerveux observés chez un enfant de 4 ans. Soc, de Pédiatric de Paris, oct. 1924. VI — TETANOS ET CHARBON EN LORRAINE En raison de leur fréquence particulière en Lorraine, ces deux affections méritent une mention spéciale dans cette étude. A — LE TETANOS. De toutes les régions françaises l’une des plus touchées — sinon la plus touchée — bar le Tétanos à toujours été la région lorraine. Tous les docu¬ ments interrosés à cet égard se montrent concordants. En voici quelques exemples : L. - Nombre de cas de Tétanos par Corps d’Armée métropolitains de 1888 à 1926 (in tbèse Koblencs) : De ce tableau il ressort que c’est le 6. Corps d’Armée de Metz qui arrive en tête de liste du point de vue de la fréquence des atteintes, suivi à peu de distance par le 20° C.A, de Nancy. LA PATHOLOGIE BEGIONALE DE LA ERANCE 210 2. - statistique de Meillet de Montpellier (in thèse Koblencs) : Proportion des décès dus au bacille de Nicolaier dans les villes de : Ici encore, c’est le grand centre lorrain qui vient occuper la première place dans le domaine de la léthalité. 3. - Statistique de la clinique des maladies contagieuses de la Faculté de Nancy (in thèse Koblepcs) : Cette clinique universitaire a recu de 1919 à 1935 exactement 149 téta¬ niques avec un maximum de 18 admissions pour chacune des deux années 1934 et 1935. Actuellement il entrerait en moyenne dans ce service de 10 à 15 cas de tétanos par an, pour la (plupart contractés dans les cantons environnants. 4. - Statistique interdépartementale de mortalité tétanique de l’Institue National d’Hygiène pour l’année 1943 : Ce bilan, dont se trouve exclue l’Alsace pour des raisons faciles 5 imas¬ giner (occupation allemande), témoigne de l’existence d’un véritable foyer lor rain débordant assez largement sur les contrées voisines. RÉGIONS DU NORD-EST 211 5. - Statistique interdépartementale de mortalité tétanique de l’Institut National d’Hygiène pour la période 1948-1951 : Ici les départements alsaciene lorrains demeurent encore en très bonne place, les premiers rangs revenant encore à la Meurthe-et-Moselle et ausi au territoire de Beliort. En ce qui concerpe mainfapant la répartition des cas 3 l’intérienr dut departement de Meurthe-et-Moselle, qui occupe la vedette dans la plu¬ part des documents précédents, voici quelques renseignements complémentaires qui ne manqueront sans doute pas d’intérêt : Du point de vue topographique, l’affection parait procéder par ilots plus ou moins espacés. Ainsi, sur les 140 cas rassemblés au cours de l’enquête ellec¬ tuée à Nancy avant-guerre, 23 provenaient de cette ville même, 3 de larville. 4 de Malzeville, 2 de Maxeville, 3 de Frouard, autant de Liverdun et de Foug. enfin 4 de Rosières-aux-Salines, soit une cinquantaine au total pour l’ensemble de ces agglomérations. Notons par ailleurs que parmi les 23 cas nancéens, 12 étaient originaires des abords immédiats de la Meurthe. Comment expliquer une semblable électivité dans la localisation de la maladie2 Selon Koblencs, on ne peut en l’ocurrence incriminer, ni la densité de la population, ni les conditions de vie des habitants, ni les conséquences d’un elevage intensiz du cheval. On ne peut invoquer non plus des erreurs dans le domzine de l’hygiène, comme par exemple l’enfouissement défectueux des animaux morts. Dès lors, il taut se rallier à l’obinion de Love et Hinstoeff qui metent en ceaunge la nature céolosique du terrain, 15 Days culcoirs paroisont etre les plus facilement contaminés LA PATHOLOGIE RÉGIONALIE DE LA ERANCE 212 Pour de Lavergne, du reste, cette inégalité tiendrait au fait que tandis qu’en terrain sablonneux les spores tétaniques de surface sont tot ou tard entrainées vers la profondeur sous l’action des eaux de pluie, en terrain cal¬ caire elles ne pénêtrent guère dans l’intérieur du sol, mais glissent rapidement vers la vallée avec les eaux de ruissellement pour se déposer ensuite dans la vase et les marnes des bas-fonds. Ainsi s’explique la prédilection qu’affecte le processus pour certains sec¬ teurs déterminés du département de Meurthe-et-Moselle. Bare dans toute la zone siliceuse avant pour centre Gerbéviller, il se montre au contraire très fréquent dans la zone calcaire ou calcairo-marneuse qui s’étend à l’est de la Meurthe-et-Moselle ainsi qu’au nord de la route allant de Nancy à Château-Salins. Autre phénomène intéressant à souligner, il s’avère exceptionnel en pays mitier, surtout depuis que le cheval n’est plus utilisé dans les galeries pour la traction des vagonnets. Déjà signalé en Allemagne, dans les mines du Creusot (Lagoutte), et dans celles du Nord (Leçat), le fait a été également observé dans le bassin de la Sarre et de la Moselle (Hug). Ajoutons qu’ici comme ailleurs l’affection frappe avant tour les ouvriers agricoles et succède ordinairement à des plaies supérficielles des membres trop bénignes d’aspect pour avoir imposé l’emploi du sérum. Dans les 149 cas réunis par Koblencs, la mortalité à atteint le taux élevé de 46 pour 100. Moins souvent relaté dans les autres départements du Nord-Est que dans celui de Meurthe-et-Moselle, le Tétanos y est pourtant bien connu. C’est ainsi que d’après l’Inspecteur vétérinaire des Vosges (1946) la malas die mérite d’être considérée comme assez fréquente parmi les animaux, au moins dans certains secteurs. Tout le canton de Dompaire notamment s’est révéle tétanisgene. De même, dans la commune de Grandrupt-de-Bains (canion de Bains-les-Bains), on a pu remarquer que les bovins et même les chiens cebendant beaucoup moins sensibles que les chevaux, étaient souvent touches. Rien d’tonnant en conséquence que l’on enregistre de temps, à autre sur ce territoire des cas de contamination humaine. les contaminations). Phus de 60 animaus ont suconmnle. Danger de contamnitation ponr l’hommnc.) RÉGIONS DU NORD-EST 213 Ceux-ci sont également signalés dans le département des Ardomnes où Vassal vient de nous présenter un bilan personnel de 50 cas avant 1949. puis de 10 autres cas entre 1949 et 1952, tous observés dans la région de Charleville oi il exerce. L’auteur insiste à ce propos sur l’exacerbation actuelle du mal en virulence, les formes suraigués se montrant particulièrement fré¬ quentes malgré la modicité habituelle de la plaie initiale. Ces réflexions doivent retenir spécialement l’attention du Corps médical et l’inciter au plus haut point à mettre en œuvre le plus largement possible les méthodes modernes de prophylaxie. BIBLLOCRAPHIE L. BERNARD (L.). CHASSAGNE (P.) et Mmc VIGUIE. — Situation épidémiologique ep France. en 1951. Presse méd. du 27 scptembre 1952, p. 373 du supplément du n° 60. 2. HAUSHALTER,. A propos de 40 cas de Tétanos. Soc, méd. de Nancy, 26 mai 1915. 3. Inspection vétérinaire des Vosges. Correspondance pers, 1946. 4. RODLENCS (2.). Le tétanos en Meurthc-et-Mosclle. Thèsc Naucy, 1935. 5. LAYERGNE (V, de). HENHY (G.). FAIYRE et HENRY (Ch.). Rccherches sur le tétanos. Rec. des Travaux de l’Inst. Nat, d’Hyg, tome 1, vol. I, 1944, p. 136-141. . VASSAL (L.). Remnarques sur 50 cas pecrsonncls de létanos. Soc. Méd. Nord, 23 octobre 1949. 7. VASSAL (L.). Sur dix nouveaux cas de tétanos. SOc. Méd. Nord, 30 janv. 1953. B. — LE CHARRON. Région tétanigène, la Lorraime a également été de tout temups une région d endémie charbonneuse. Comme la Beauce et plusieurs autres provinces fran¬ caises, elle possède ses « champs maudits » dont la carte a d’ailleurs été remar¬ quablement dressée par Groiéan vers le début de ce siècle. Bien que le mal ait aujourd’hui beaucoup perdu de sa fréquence, on le rencontre encore assez souvent chez l’animal dans certains secteurs agricoles de la Meuse et de la Moselle, dans la partie occidentale de la Meurthe-et-Moselle autour de Lune¬ ville, enfin dans une vallée vosgienne, celle que parcourt un ruisseau, l’Anger. plus spécialement dans sa partie située dans le canton de Bulgnéville (22 cas de 1934 à 1943). Fort heureusement, les contaminations humaines demeurent relativement rares, frabbant soit les cultivateurs, soit les ouvriers appelés à manier les peaux et les cuirs autour de Nancy et de Metz notamment. Malgre la modicité des statistiques publiées, c’est tout de même un grave danger qut Persiste et, qu’il faut essaver de faire disparaitre par les moyvens actuellement à notrce disposition (vaceination animale, protection des travailleurs contr BIBLIOCRAPHIE 1. GROIEAT « (L.). Les cbhamos matdits dle larainc, Etude sur la loclisation du chacbon bactéridicn en Lorraipe. T’hesc Naucy, 1901-1902. 2. Rpports des lnspccteurs départcmncntaux vétérinaires ct corcspondances person¬ nclles, 1946 3. VIE. CoIrT, JOUREIT. CALCHY ct FtCEINEIL, La fevre charbonncuse du vison. Acad. nat. 1 bonncuse 52. Cette publicatiou fait état d’unc curicuse épizootie char¬ survcnue en juin 1951 dans un clevage de visons de l’Ist de la l'rance 214 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE VII — DE QUELQUES AEFECTIONS DIVERSES LA TULAREMIE — LE PALUDISME Nous allons envisager dans ce paragraphe quelques maladies d’importa¬ tion, certaines toutes récentes dans la nosologie française. A. — LA TULAREMIE. Après avoir successivement envahi l’Amérique, le lapon, la Bussie, les Etats Scandinaves et l’Europe Centrale, la Tularémie a fait récemment son apparition en France ou elle a été identifiée pour la première fois au cours de l’année 1945. Depuis cette date elle s’est manifestée à différentes reprises sur notre territoire ou, à la fin de 1951, le nombre de ses atteintes connues dépassait 320, chiffre sans doute très inférieur à la réalité. Avant fait à l’oricine de la Bourgogne sa terre d’élection, le mal s’est bientôt répandu dans toutes les directions au point d’intéresser vers le début de 1952 trente-quatre de nos départements, Parmi ceux-ci, le département de Meurthe-et-Moselle semble avoir été le plus sévèrement touché avec, à l’époque indiquée, ses 74 cas déclarés, dont 4 dépistés entre 1947 et 1949 et 61 durant la seule année 1950. Dans le même temps, on notait l cas en Moselle, l autre dans le Bas-Rhin, puis 4 dans les Ardennes (1952). Ainsi, premier berceau de la Tularémie en France, la Bourgogne a da bien vite céder le pas à la Lorraine devenue en quelque sorte le foyer prin¬ cipat de la paladie. L’étude clinique succincte de cette dernière trouve donc sa place logique dans le courant de ce chapitre. La Tularémie est une maladie infectieuse provoquée par un microorga¬ nisme, le Bacterium tularense, ainsi dénommé parce que sa description ini¬ tiale a été faite par Mac Clure et Charpin en 1912 dans le comté de Tulare en Californie. Sous nos climats, l’affection est généralement communiquée à l’homme par le tièvre ou le tapin de garenne (jamais par le lapin domestique), la contamination s’effectuant soit par voie transcutanée au cours des manipula¬ tions de préparation et de dépecage, soit par voie oculaire par frottement avec des mains souillées, soit encore par voie digestive après ingestion d’un morceau de gibier insuffisamment cuit. Beaucoup plus rarement, elle peut être transmise par un autre animal (sanglier ou renard) à la suite d’une morsure. Récemment enfin, on a invoqué l’intervention possible d’un agent vecteur (tique, taon, punaise, etc.) sans d’ailleurs fournir d’argument décisif en faveur de cette opinion. Cliniqugment, le processus peut évoluer sous différents aspects d’où : les formes ulcéro-ganglionnaires, oculo-ganglionnaires, pharyngées et typhoidiques dues respectivement à une inoculation au niveau d’un doigt, de la conionc tive ou du tube digestif; la forme pneumonique consécutive probablement à une dissémination hématogène du germe; la forme ganglionnaire pure enfinz dans laquelle la lésion primitive demeure impossible à déterminer. De toute facon, après une incubation de 2 à 7 jours, la maladie débute brusquement, à la manière d’une infection grave, par des frissons, une élé¬ vation thermique à 40", de la céphalée, une courbature généralisée. Dès lorsa la lesion primaire ne tarde pas à s’extérioriser. (examen bactériologique du pus), la peste bubonique infiniment plus doulou¬ 215 RÉGIONS DU NORD-ESI Dans la forme ulcéro-ganglionngire (forme brachiale de V., de Lavergne) de beaucoup la plus tréquente, on voit apparaitre au niveau du doigt blessé. ordinairement siège d’excoriations antérieures, une sorte de papule rouge qui bientôt va s’ulcérer. Au voisinage de cette plaie, des trainées Iymphangitiques s’organisent qui gagnent les ganglions voisins. Ceux-ci se tuméfient, donnent rapidement naissance à de véritables plaçards indurés (axillaires dans le cas envisagé), qui se ramollissent puis se fistulisent, donnant issue à un pus jau¬ nâtre, épais et visqueux. Fait intéressant à noter : cette adénopathie demeure ordinairement régionale, n’avant que fort peu tendance à se généraliser. En outre, la lésion ganglionnaire dominant la scène clinique peut paraitre pré¬ céder dans son évolution la lésion cutanée. Ce serait même la règle pour de Lavergne. Dans la forme oculo-ganglionnaire, la conjonctive se tuméfie et s’ulcère semblablement, après quoi survient un gros engorgement unilatéral des ganglions préauriculaires, sous-maxillaires et sous-mentonniers. En principe, l’étolution spontanée est toujours favorable, même dans la forme typhoidique qui s’accompagne d’une prostration profonde. Seule la forme pulmonaire comporte un pronostic plus réservé en raison des lésions broncho¬ pneumoniques étendues qu’elle entraine. Quoi qu’il en soit, même guéri, le malade reste pendant longtemps un asthénique qui parfois ne peut reprendre son travail qu’après plusieurs mois de repos. Le diagnostic, souvent méconnu dans les formes typhoidiques, pneumo¬ niques ou pharyngées, faute d’y avoir pensé, est au contrairé relativement facile dans les formes avec participation ganglionnaire pour peu que l’on tienne compte des conditions spéciales d’apparition du mal. D’ordinaire il s’acit, en effet, de sujets avant transporté ou dépecé du gibier dans les dix jours qui ont précédé les accidents. Très souvent encore on aura affaire à un chasseur qui, dans les mêmes délais, aura apporté chez lui un lièvre contaminé trouvé mourant ou mort dans un fourré, Plus rarement le mal sera consécutif à la morsure d’un animal des bois ou des champs. Dans le doute, la confirmation sera fournie par le laboratoire, lequel met à la disposition du clinicien les méthodes de diagnostic biologique sui vantes : l° Le séro-diagnostic qui devient positif au Racterium tularense à partir du 8° jour de la maladie pour devenir maximum vers le 21° jour (jusqu’au 173 000) et décroitre jusqul’au 17100° environ, taux qui pourrà se maintenir pendant fort lonctemps dans le sang. On se méfiera des coagglutinines pour les Brucellas qui existent dans environ 50 %% des cas. 2° La tularino-réaction, copsistant en une injection intradermique de tula¬ rine et qui donne des résuhtats constants, spécifiques, précoces (vers le 7 jour): d’interprétation facile (réaction phlycténulaire). 3° L’inoculation au cobave des lésions cutanées ou des exsudats de conionc¬ tivite et d’angine qui détermine des le 6° jour chez l’animal des altérations macroscopiques très particulieres : adénite et périadénite, granulations sur le foie et la râte, avant d’entrainer la mort au bout de 8 à 10) jours. Ainsi il sera possible d’éliminer : dans la forme, brachiale, les adénophlegmons banaux à pvocènes p. 317. 216 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE reuse (recherche du bacille de Versin dans les ganclions et dans le sang), le sodoku toujours consécutif à une morsure de rat et procédant par poussées successives à la fois fébriles et éruptives (inoculation du sang au cobave en période d’hyperthermie), la mononucléose infectieuse, le Bouton d’Orient enfin, lequel est franchement chronique et ne s’accompagne pas de signes genérauxs syphilis et la tuberculose conjonctivales; — dans la forme oculo-ganglionnaire, la conionctivite de Parinaud, la — dans la forme pharyngée, les angines fébriles avec exsudat grisâtre et adénopathie satellite; — dans la forme septicémique, la fièvre typhoide, la tuberculose aigué et avant tout la Brucellose, pour laquelle nous avons déjà mentionné les ambi¬ guités parfois créées par le séro-diagnostic. Il est à signaler pour terminer que la streptomycine, l’auréomycine et la chloromycétine, surtout utilisées à la phase de début, ont donné ces temps derniers dans la Tularémie des résultats remarquables. Ceux-ci doivent être d’autant plus appréciés que les cas de cette affection sont peut-être appelés à se multiplier au cours des années à venir, à en juger du moins par l’allure évolutive actuelle. BIBLIOCRAPRIE 1. BENECH (J.). Sur la Tularémie dans la région de l’Est et en Mcurthe-et-Moselle. Soc, méd. Nancy 22 mars 1950, et NNNe congrès d’hygiène, Paris, 23-25 oct, 1950. 2. BERNARD (L.). CHASSAGNE (P.) ct Mmc VICUIR. Situation épidémiologique en France en 1951. Supplément hebd, de la Presse méd, ne du 20 sept, 1952, p. 362. 3. BLOCH (S.) ct VACRESHEIM (A.). Forme cervicale de la Tularémic. Soc, méd. Strasbourg. 24 mai 1952. 4. CHENEVAILD et PIERQUIN, Epidémie de Tularémic à forme angineuse. Soc, méd. Nancy. 25 avril 1951. 8. DE LAVERGNE (V.R HELLUY (J.-R.) ct, BEURCY (J.), Diagnostic biologique de la Tula¬ rémie. Soc, méd. Nancy, 20 mars 1950. 28 oct, 1949. 8. GHAHD (G.). La Tularémie (données pratiques). Paris méd, n° 25, 3 juillet 1948. B. — LE PALUDISME ET L’AMIRLASE. 1. - Le Paludisme. L’étude du Paludisme sur les territoires du Nord Est de la France n’a plus guère qujourd’hui qu’un intérêt historique, l’affection avant de nos jours pratiquement disparu de ces régions. Nous ne ferons donc ici qu’un brel retour au passé en nous référant aux excellents articles (avec bibliographe complête), parus en 1953 dans la « Bevue de pathologie générale et comparée » sous la signature de L.-R. Helluy pour la Lorraine et de J. Callot pour l’Alsace. 217 RÉGIONS DU NORD-FST En Loraine, les fièvres paludéennes avaient acquis vers le milieu du XIX° siècle une extension telle qu’on pouvait les considérer comme une des causes principales de morbidité. Ordinairement la maladie se déclarait aux époques de l’année où le débordement des rivières entrainait la « mise en eau » des chapelets d’étangs riverains. Des épidémies se manifestaient alors avec une prédilection marquée pour l’actuel département de la Moselle, le P929 dans le secteur de Sarrebourg aux abords des pièces d’eau qui avoisinent Fenétrange, Phalsbourg, Stock et Rechicourt, le long du cours moyen de la Moselle (Metz, Thionville), sur la Nied allemande (Faulquemont), enfin dans la cuvette marécageuse dé Bitche parcourue par le Hornbach. Ailleurs, on rencontrait encore des fovers d’infection dans la Meurthe-et¬ Moselle (surtout dans les quartiers humides de Nancy, Toul et Lunéville) et dans les Vosges, en débit d’une température ici plus basse et de la forte décli¬ vité du sol qui favorise l’écoulement rapide des eaux (Gérardmer, Ramber¬ villers. Saint-Die). Pour donner une idée de l’importance de l’endémie alors existante et des épidémies qui la traversaient, quelques exemples vont nous suffire : en 1840 à Dieuze, ville de 4 000 habitants, on enregistra près de 500 attcintess 218 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE à Nancy, à l’hôpital Saint-Charles, 344 cas de fièvres intermittentes furent traités dans le service du Docteur Néret de 1840 à 1849; à Saint-Dié enfin. au seul bataillon de Chasseurs, 113 cas furent dépistés en 1881 et 82 en 1882 au cours des six premiers mois de ces années. Soudainement, à partir de 1885, une détente se produisit telle que l’on put croire à l’extinction complête de la maladie. Mais la guerre de 1914-1018 survint bientôt, provoquant un réveil de l’ancien foyer, réveil au demeurant assez discret (une quarantaine de cas), fugace (quelques années) et à peu près exclusivement localisé à la vallée de la Seille. S’est-il agi en la circonstance d’un Paludisme autochtone vrai ou d’un Paludisme engendré par des apports étrangers (présence de nombreuses troupes colonjales) 2 : la question n’est pas encore tranchée. Au cours de la dernière guerre mondiale, on a redouté un moment le retour d’accidents semblables Il n’en a rien été, si bien que l’on peut conclure actuellement à la disparition du Paludisme en Lorraine. En Asace, l’endémie palustre a été surtout étudiée à Strashourg même. C’est ainsi que, de 1836 à 1842, 10 pour 100 environ des malades traités dans les cliniques médicales de la Faculté étaient des paludéens. Le nombre de ceux-ci était encore plus élevé à l’Hôpital Militaire (75 % des entrants en 1825-1827 et encore 29 %4 en 1862). Ces malades provenaient de l’agglomération strasbourgeoise ou de sa ban¬ lieue, A la Robertsan, quartier pariiculièrement humide, le Docteur François eut ainsi à soigner, en 1855, 436 cas de fièvres intermittentes dans sa clientèle. Mais le mal s’étendait en réalité à toute la zone marécageuse des Rieds coupée par les vallées de la Zorn et de la Bruche avec, comme foyers secon¬ daires, le Sundgau au sud et à l’ouest ce que l’on appelle parfois l’Alsace « bossue », qui touche à la Lorraine. Comme dans cette dernière province la Malaria s’est heaucoup apaisée en Alsace vers la fin du siècle dernier et au début de ce siècle. La guerre de 1914-1918 n’y a entrainé aucune reviviscence palustre, la vallée du Rhin n’avant pas été le lhéâtre d’opérations militaires. Entre les deux guerres. on a noté tout au plus quelques cas locaux, notamment à Reischoffen et à Sélestat. Mais, par contre, au lendemain du second conflit mondial, l’alerte a été assez chaude. En effet, en 1945, beaucoup d’Alsaciens incorporés de force dans l’Armée allemande sont revenus chez eux après avoir contracté la maladie à Tambow. Un certain nombre d’entre eux firent même leurs pre¬ mières manifestations cliniques après leur retour, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné ce que l’on sait du Paludisme des pays froids et de son incubation prolongée. Enquétant à ce sujet dans une cinquantaine de villages alsaciens en 1948. Calot a pu ainsi dépister 244 malades atteints de Paludisme à vivax parmi lesquels 7 ou 8 seulement pouvaient être considérés comme présentant une affection « autochtone ». Plus tard, en 1952, il devait d’ailleurs en décou¬ vrir un autre à Strasbourg-Kœenigshoffen, mais cette fois il s’agissait du frère d’un paludéen rapatrié d’Indochine. Ce « Paludisme de guerre » n’a, en réalité, rien à voir avec le « Palu¬ disme focal » d’il y a cent ans, bien qu’il soit observé dans la zone même de l’endémie ancienne. Cette dernière semble en effet bien morte, la plaine d’Alsace étant devenue aujourd’hui, comme toute la France continentale, une « région d’Anophélisme sans Paludisme ». A quoi peut-on maintenant atribuer cette régression en quelque sorte « spontanée » de la maladiez 219 RÉGIONS DU NORD-ES Il est certain que le phénomène a fortement intrigué les hygiénistes et les parasitologues, aucune des hypothèses émises jusqu’à présent ne parais¬ sant devoir être retenue ou tout au moins considérée comme décisive. C’est ainsi qu’on a fait jouer un rôle essentiel aux travaux d’asséchement entrepris depuis un siècle, ceux-ci avant eu pour résultat de faire disparaitre un grand nombre de gites larvaires. Mais si l’on prend l’exemple du Bhin dont le cours a êté régularisé, on s’aperçoit que cet aménagement a eu pour contrecoup la création de nouveaux bras morts, ce qui est loin d’avoir amé¬ lioré la situation. De même en Lorraine, si quelques marais ont été comblés. les guerres ont fait apparaitre une multitude de « trous d’eau » sur les ter¬ rains défoncés par les obus. On a invoqué aussi, peut-être avec plus de raisons, la substitution récente, en Alsace surtout, de la stabutation du cheptel au pacage traditionnel. ce qui détourne sur le bétail, pour le plus grand bien de l’homme, l’agressivité d’un Anophêtes macutipennis essentieflement zoophile. On a également mis en cause, non plus le vecteur, mais le germe lui¬ même en prétendant que celui-ci a moins tendance aujourd’hui à produire des gamêtes (Sautet), ce qui est, évidemment, reculer le problème plus que résoudre. On a fait état enfin, en ce qui concerne le dernier maillon de la chaine¬ à savoir l’individu, de l’amélioration considérable survenue dans les conditions de vie de l’habitant, améliorations qui, en fortifiant l’organisme, lui permet¬ tent de mieux résister à l’infection. Aux veux de Laigret, le grand défaut de cette théorie est de prendre l’effet pour la cause, l’augmentation du bien-être n’étant pas à l’origine de l’extinction du Paludisme mais bien plutôt sa consé¬ quence. Pour remplacer cette explication insuffisante, l’auteur en propose d’ail¬ leurs une autre, à vrai dire très séduisante. Selon lui, le Paludisme « autoch¬ tone » au sens propre du terme n’existerait plus depuis longtemps en Alsace¬ Lorraine, pas plus d’ailleurs que dans d’autres révions de la France telles que les Flandres. Il serait en réalité le fruit de réinfestations répétées du milieu, avant pour point de départ des importations successives de germes. consécutives en particulier aux bouleversements sociaux et surtout aux guerres. La localisation élective des épidémies aux villes de garnison où les troupes se renouvellent fréquemment, parfois après des séjours colonjaux (épisodes anciens de Lunéville. Toul. Nancy, Saint-Dié, Marsal, Strasbourg, etc.) cons¬ tituent assurément un excellent argument en faveur de cette thèse. Malheu¬ reusement, comment interpréter alors l’absence de toute réaction violente à la suite des deux grandes guerres mondiales qui furent pourtant fécondes en migrations de toutes sortes et propices aux réensemencements les plus étendus7 Ainsi, la cause véritable de la régression actuelle du Paludisme sur notre territoire demeure très obscure. Le fait cependant existe et il convient de s’en réjouir, à condition de conserver à son égard une vigilance prudente. 2. - L’Amibiase. Elle ne nous retiendra que fort peu Comme le Paludisme en effet, l’Ami¬ biase autochtone ne s’observe guère que sous forme de fovers fugaces cons¬ titués autour d’un ou plusieurs cas d’importation. C’est ce qui s’est produit Par exemple assez récemment dans le département de la Meurthe-et-Moselle où la présence d’un malade atteint de Dysenterie avec hépatite a entrainé dans son entourage l’apparition de quelques contaminations secondaires (Helluy 1949). Aujourd’hui, celles-ci sont surtout provoquées par les Nord-Africains séjournant dans les banlieues industrielles des villes ou par des militaires rapatriés récemment d’Indochine et d’Algèrie. 220 LA PATHOLOGIE RÉGONALE DE LA ERANCE BIBLIOCRAPHIE PALUDISME. 3. - Maladie des griffures du chat. On sait que l’Adénopathie régionale consécutive aux griffures du chat apparait d’ordinaire « dans l’ombre de la Tularémie ». Dans le Nord-Est de la France, les 5 premiers cas rapportés sont dus à Drouet et ses collaborateurs (Nancy). Ils comprennent un groupe de 2 observations familiales et d’autre part un groupe de 3 observations concernant des enfants habitant des mai¬ sons voisines. Le chat a été chaque fois l’animal transmetteur. L’intradermo¬ réaction à l’antigène spécial de Mollaret et Reilly s’estrévélée positive, alors que les réactions de la Tularémie (tularino-séro-réactions) sont demeurées néga¬ tives. Dans tous ces cas l’évolution a été bénigne. 4. - Une Rickettsiose : la « Fièvre du Queeastand ». Identifiée d’abord en Australie, puis reconnue aux Ftats-Unis, la « Fièvre du Qucensland » a envahi par la suite les pays méditerranéens — dont la Corse — à la faveur de la guerre de 1944-1945. De là elle s’est propagée à travers l’Europe, gagnant notamment l’Allemagne et la France. En 1948. elle était signalée à Strasbourg, en 1940 à Paris, en 1951 à Lyon Ainsi l’épidémie sirasbourgcoise est la première qui ait été constatée sur notre terri¬ toire continental. Cette épidémie, bien étudiée par Schuh qui en a relaté 30 cas a frappé électivement les emplovés des Abattoirs de la ville. D’ailleurs il s’agit là d’une maladie endémo-épidémique dont le réservoir de virus est représenté par le bétail. La transmission du germe causal (Bickettsia burneti) sé fait d’un ani¬ mal à l’autre par les tiques; mais les cas humains semblent dus à une conta¬ mination directe par le lait ou la viande des animaux infectés. Cliniquement, l’affection revêt l’aspect d’une pyrexie d’une quinzaine de jours se compli¬ quant d’accidents pulmonaires. RéGIONS DU NORD-EST 21 8. - La Spirochétose ictérigene. Ele est rare dans le Nord-Est de la France où la liutérature médicale ne fournit à son égard qu’un nombre de cas fort clairsemés. A titre d’exemple nous citerons, en Alsace, le cas de Counelle, Warter et Kabatker (Soc, de méd. du Bas-Rlin 1933), en Lorraine quelques observations de V. de Lavergne et ses Elèves, lesquels ont signalé d’autre part l’existence dans la province d’une forte proportion de rats parasités (14 % environ). 6. - L’Erysipéloide de Rosenbach. Nous ne connaissons que sept cas de cette affection se rapportant à l’Alsace-Lorraine. Tout d’abord la classique observation de Pautrier (1933). où l’infection fut consécutive à la piqure d’un hamecon amorcé avec des asti¬ cots provenant d’une viande avariée. Ensuite l’auto-observation d’un vétéri¬ naire des Vosges (1944) qui s’était accidentellement contaminé lors d’une vac¬ cination contre le Rouget. Entin, les cina observations publiées par Veis, de Nancy, (1948) provenant d’origines diverses. Quant à la maladie animale, elle est partout très répandue, en pari¬ culier dans les Vosges. 7. - La Fièvre apbteuse. L'’énizootie de 1937,1941 a atteint un très crand nombre d’animaux en Alsace-Lorraine (à peu près tous les bovins du département des Vosges notam¬ ment). Pourtant aucun cas de transmission à l’homme n’a été relaté au cours de cette période, au moins à notre connaissance, ainsi qu’au cours de l’épi¬ zootie plus récente et tout aussi meurtrière de 1952. 8. - Les affections méditerranéennes. En feuilletant les documents des bibliothêques locales, nous avons trouvé une observation le Bouton d’Orient à Strasbourg et une de Kala-azar dans les Vosges (1). En eux-mêmes, ces cas n’offrent qu’un médiocre intérêt, avant été mani¬ festement importés (i1 s’agissait en effet, d’une part d’un sous-officier soumis à de nombreux déplacements, et de l’autre d’un enfant constamment demeure dans son village mais avant été en contact avec un chien de passage venu du littoral méditerranéen). Ils prouvent néanmoins que le grand courant qui remonte de Marseille vers Paris par les vallées du Rhône et de la Saône est susceptible ocasion nellement de dévier vers le Nord-Est, provoquant des phénomènes qui reste¬ raient inexplicables si l’on ne songeait à les rattacher à leur vériable ori¬ gine (2). 22 1A PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE BIBLIOCRAPHIE Vut — LES CRANDS ELEAUX SOCIAUX A — LA TURERCULOSE. Notre meilleur élément d’information en matière de Tuberculose pulmo¬ naire — comme d’ailleurs dans bien d’autres domaines — étant représenté par les statistiques de l’Institut National d’Hygiène nous leur emprunterons quelques chiffres concernant la région du Nord-Est : Mortalité tuberculeuse dans le Nord-Est (d’après l’IN. H.) Indices (L. M.) chlculés pour 100 000 habitanis et classement (CI.) parmi les départements français (La mortalité est établie ci-dessous d’après le lieu du décès). RÉGIONS DU NORD-EST 223 Années 1953-1955. UT’auc élbts celfe lots d’après le lien d’origine du décédé). Tous ces tableaux sont intéressants à considérer car ils mettent en évidence une fois de plus cette chute importante de la mortalité tuberculeuse un peu par¬ tout observée et qui constitue certainement un des plus beaux succès de la médecine préventive moderne. Mais ils traduisent en même temps la tendance actuelle de la maladie à se localiser électivement dans les zones de fort peuplement, représentées en l’occurence par nos deux départements rhénans dont les indices comptent aujourd’hui parmi les plus élevés de notre pays. Que nous apprennent maintenant les statistiques de l’Armée basées sur la radioscopie systématique effectuée sur les jeunes recrues lors de leur entrée au régiment2 On sait qu’avant-guerre des études avaient été tres activement menes par le Mdecin-Colonel Sieur sur ce point, et que depuis elles ont ete reprises et amplifiées par de nombreux continuateurs. 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE 224 Or, d’après Sieur, la proportion des réformés pour Tuberculose pulmo¬ naire ouverte a atteint, durant la période examinée, le taux de l sujet sur 714 en Alsace et sur 887 en Lorraine, chiffres nettement inférieurs à ceux enregistrés simultanément en Bretagne surtout, aussi en Normandie, dans la région parisienne, dans le Nord et dans les Alpes septentrionales. Ces données étaient à l’époque en plein accord avec les bilans établis parmi les populations civiles. Depuis la situation a là comme ailleurs quelque peu évolué. marquée à la fois par un amenuisement des indices, le déplacement vers l’Alsace des pôles de haute mortalité et enfin le classement de notre pro¬ vince rhénane immédiatement après la Bretagne quant à son degré de contamination. Une question souvent posée est de savoir si l’Alsace-Loraine représente pour les tuberculeux en traitement un lieu de séjour favorable. Les climato¬ logues insistent beaucoup en effet sur les rigueurs et les caprices du climat vosgien ainsi que l’embrumement fréquent de la plaine rhénane. On peut conclure de leurs exposés que les sanatoriums des Vosges ne doivent pas être conseillés aux sujets étrangers au pays, aux organismes difficilement adaptables. Ils doivent être réservés à une clientèle purement locale, susceptible au contraire de tirer grand bénéfice de toute une organisation d’Etablissements bien amé¬ nagés, installés au haut des vallées au-dessus de la zone des brumes. B. — LES MALADIES VENERIENNES, Les maladies vénériennes ont toujours été d’une fréquence moyenne dans le Nord-Est ainsi qu’en témoigne le tableau suivant extrait des statistiques médicales de l’Armée d’avant-guerre (on y observera une légère prédomi¬ nance de ces affections dans la 20° Région de Nancy par rapport à la 6° Région de Metz, prédominance due sans doute à la présence dans la 20° région de la grande Cité alsacienne) : Morbidité par maladies vénériennes dans nos deux régions du NordEst d’après les statistiques de l’Armée (L MR: Indive de morbidité pour 1 000 homnies d’effectif CI: Classement parmi les 20 régions militaires d’avant-guerre). Bien entendu, cette endémie vénérienne a subi en Alsace Lorraine comme partout ailleurs, d’importantes variations depuis le début du siècle. Elle à comporté des poussées sévères au cours des périodes de guerre et d’après¬ guerre ainsi qu’à la suite de la fermeture des maisons publiques (publication de Pautrier). Aujourd hui elle semble en voie de régression depuis l’emplor 225 RÉGIONS DU NORD-EST systématique des antibiotiques, puisque l’indice de morbidité pour 1 000 hom¬ mes est tombé en 1951- 1952 à 7,90 pour la Blennorragie et à 0,53 pour la Syphilis primaire sur tout le territoire de l’actuelle 6° Région qui groupe les departements suivants : Haut-Rhin, Bas-Rhin. Moselle, Meurthe-et-Moselle. 2C C — LE CANCER. Pour pouvoir discuter d’un problème comme celui de la fréquence et de la répartition du Cancer dans une région donnée, il importe avant tout de dis¬ poser de statistiques bien établies, teltes que celles récemment publiées par l’Institut National d’Hygiène. C’est donc à elles que nous nous adresserons pour nos départements du Ioru Fats 1. — Indices de mortalité cancéreuse (J. M. pour 100 000 habitants). durant la double période quinquennale 1927-1931 et 1932-1936. HI. - Indices de mortaliré cancérouse durant la période plus récente 1948-1955. 226 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE De la confrontation de ces bilans se dégagent avant tout deux notions : 1) l’une, d’ordre général : la mortalité cancéreuse « doublé jci comme partout dans l’intervalle d’une vingtaine d’années; 2) la seconde, d’ordre local : le processus frappe les départements rhé¬ nans plus sévèrement que les départements lorrains, l’Alsace étant aujourd’hui, en matière de Cancer comme de Tuberculose, une des régions les plus touchées de notre pays. Pour ceux qui attribuent un rêle important dans la genèse du Cancer à la nature du terrain, cette dernière constatation est certainement pleine d’inté¬ rêt puisqu’elle confirme la fréquence plus grande des néoplasies sur les ter¬ rains sédimentaires que sur les terrains à socle archéen, ceux-ci étant respec¬ tivement représentés ici, d’une part par la vallée du Rhin, d’autre part par le massif des Vosges Il est vrai que nous avons déjà insisté ailleurs sur la prudence avec laquelle il convenait d’accepter de semblables conclusions. Rappelons toutefois, et toujours à ce sujet qu’il y a quelques années Robinet a cru avoir démontré de manière formelle les rapports existant entre la teneur en magnésium d’un sol ex le développement du’ Cancer à sa surface la zone d’expérience choisie avant été précisément constituée par nos dépar¬ tements alsaciens-lorrains. Les recherchès en question avaient abouti en efet au schéma suivant : à l’est des Vosges : très peu de terrains magnésiens — mortalité par néoplasies élevée: à l’ouest des Vosges : terrains plus souvent riches en magnésium mortalité par néoplasies relativement faible. Quant à la répartition du Cancer dans le Nord.Est, en fonction de la localisation anatomlique des lésions elle nous est indiquée notamment dans les études effectuées au Centre anticancéreux de Nancy (années 1935-1942). D’après ces études, cette répartition se fait suivant des proportions cor¬ respondant d’assez près à la moyenne générale francaise. Les taux enregistrés sont toutefois plus faibles que dans l’ensemble de la France pour les tumeurs de la bouche er du naso-pharyny (8 2 9% au lieu de 19 2 6), plus forts au contraire pour les néoplasies de l’utérus et surtout celles de l’appareil respi¬ ratoire (9,4 % au lieu de 8,4 2%). Cette dernière notion mérite de retenir plus spécialement notre atten¬ tion. Depuis quelque temps, en effet, l’Ecole strasbourgeoise met l’accent sur la fréquence anormale que revêt en Alsace le Cancer du poumon, fréquence qui va d’ailleurs en s’accroissant d’une manière inquiétante d’année en année. Ces faits ont été notamment mis en valeur par Waitz et Karczag qui ont montré, en outre, la grosse prédominance du mal chez l’homme, surtout de 40 à 60 ans, l’association possible avec une Tuberculose dans 174 %% des cas et l’absence de tout facteur professionnel. D’après ces mêmes auteurs, le pro¬ cessus affecte dans la majiorité des cas l’aspect d’une Pneumopathie plus ou moins atypique ou d’un épanchement pleural aux caractères variés. Ces constatations demeurent aujourd’hui encore d’actualité ainsi que nous l’assurait le Professeur Stall au cours d’une conversation relativement récente (1950). RÉGIONS DU NORD-EST 22 D. — L’ALCOOLISME. Nous allons reproduire cis-desous quelques extraits des statistiques de l’L N. H. indiquant, pour chacun des départements alsaciens-lorrains : — le niveau de la consommation en vin: — le niveau de la consommation en alcool — la fréquence des bouilleurs de cru: — le nombre et la répartition des débits de boisson. Consommation en V’in d’après le montant des droits de circulation aequittés (1936-1938) Consommation en Alcool dl après le"monrant des droits de etrcutation acquttes (193 (-1938). 228 1A PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Répartition des Bouilleurs de vin (1936). Répartition des debits de boison (1936). Ces documents ne permettent pas de tirer de conclusions bien carac¬ térisées. On remarquera seulement que dans les départements rhénans la consom¬ mation de vin et d’alcool reste relativement faible, bien qu’il s’agisse de départements viticoles. Le fait tient sans doute à ce que pour la grande majorité de la population, la boisson favorite est toujours la bière, bue par¬ tout en abondance et d’ailleurs d’excellente qualité. Cette bière est également très appréciée en Lorraine et notamment dans la région de Nancy. Mais elle ue parvient pas à y éclipser pour autant le vin ef les alcools. Cette région a donc à faire face à un triple danger. Malgré ces menaces, l’Alcoolisme ne semble cependant pas constituer dans ces provinces un fléau aussi redoutable que dans l’Ouest et en Franche¬ Comté: Mais ce n’est la, bien entendu, qu’un réconfort tout relatif qui ne doit en rien entrainer un relâchement dans la lutte antialcoolique entreprise par D’autant plus que, toutes proportions gardées, les Cirrhoses se montrent encore assez fréquentes en Alsace-Lorraine : 34 décès officiellement enregistrés en Meurthe-et-Moselle et 25 dans les Vosges durant cette même année 1943. Cette observation vient, volontiers à l'’appui d’une thèse selon laquelle l’intoxication alcoolique affecterait dans les pays à bière un tropisme essen tiellement viscéral et digestif, alors que dans les pays à vin au contraire elle accuserait surtout des affinités neurotropes. BÉGIONS DU NORD-EST 220 C’est ainsi que dans son service de clinique médicale, le Proteseur Abel de Nancy, n’a relevé en 1938 que 7,5 éthyliques sur 100 malades hospitalisés contre 8,5 dans les services d’Angers, 14,4 à Niort, 14,7 à Nantes et 12,2 à Besançon. De même le nombre des internements pour psychoses d’origine toxique n’a été en 1943 — et pour une population de 100 000 habitants — que de L.1 à Nancy contre 2,2 à Besançon, 2,5 à Rennes, 3,1 à Poitiers, 3,4 à Nantes et 1,6 pour la France entière. les Pouvoirs publics. E. — RACHITISME et MALTORMATIONS. — MORTALITE INFANTILE MALADIES MENTALES. 1. - Le Rachitisme et les maltormations La 18° session de l’Assemblée française de Médecine générale (3 no¬ vembre 1935) consacrée au Rachitisme nous fournit en ce qui concerne la fréquence et la répartition de la maladie en Alsace-Lorraine les renseigne¬ ments intéressants suivants : Les régions qui, en France, restent les plus éprouvées sont la Bretagne à l’Ouest, la Haute-Loire et le Berry dans le Centre et, à un degré moindre. nos provinces du Nord-Est. Dans l’ensemble les auteurs sont d’avis que le processus est plus répandu à la ville qu’à la campagne : A Strasbourg (Villemin), il frappe 24 à 27 % des citadins; à Mulhouse et dans les mines de notasse (Vondergeidt), il touche 20 à 30 %% des enfants à Colmar (Zillbhardr) il atteint 47 6% des jeunes sujets; mais tous sont d’accord pour dire qu’il s’agit là le plus souvent de formes légères. Dans la capitale alsacienne le quartier de la Robertsau constitue un véri¬ table fover de déformations rachitiques (Freysz). Par contre, dans la banlieue et à Graffenstaden notamment, le mal semble être entré nettement en régres¬ sion (Forest et Haffner). Comparons maintenant à ces résultats ceux que nous apportent les Conseils de Révision de la Classe 1950. A cette époque il n’existe déjà plus dans tout le Nord-Est qu’une seule région militaire, la 6, avec Metz pour chet-lieu. Or, cette région occupe le dernier ranx en ce qui concerne les « insufisances de développement physique » (5 % des jieunes recrues) et l’avant-dernier dans le domaine des malformations (0,88 %). de ces régions comme de beaucoup d’autres provinces françaises. déterminé. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 230 Ces conclusions, beaucoup plus favorables que les précédentes, comment les interprêter2 Pour nous, elles tirent leur origine de deux facteurs : d’abord les dernières statistiques relèvent de constatations plus récentes : de 1935 à 1950 le Rachitisme a eu le temps de diminuer; en second lieu, et surtout, elles concernent des sujets déjà plus évolués. des militaires en l’espèce, chez qui les malformations du jeune âge ont eu le temps de s’atténuer et même de se résorber. Ces faits nous donnent l’espoir de voir un jour le Rachitisme disparaitre 2. - La mortaligé intantile. Voici ce que nous donnent à ce propos les statistiques récentes de l’Ins¬ titut National d’Hygiène en ce qui concèrne la région du Nord.-Est : Mortalité foeto-intantile durant la période 1948, 1950. On voit que les taux s’échelonnent à des niveaux relativement élevés sans révéler toutefois une affinité spéciale du fléau pour un groupement régional 3. - Les matadies mentates. C’est toujours l’année 1943 qui va nous servir sur ce point de hase d’appré¬ ciation. Elle nous montre (voir Tome I, pages 439-440) une morbidité élèvée dans le domaine des psychoses (démence précoce, confusions mentales aigués. états délirants, etc.) se rapprochant, sans toutefois l’atteindre, de celle obser vée dans la région voisine de Besançon. Il y a là une notion qui mérite d’être mise en parallèle avec la fréquence en Alsace-Lorraine des affections à virus neurotropes (voir chapitre V). RÉGIONS DU NORD-EST 231 BIBLIOCRAPHIE En dehors des réff́rences habituelles empruntées aux « Bulletins x et aux « Recueils de l’Institut Natiopal d’Hygiène », aux statistiques médicales de l’Armée et aux comptes rendus des sessions de l’ « Assemblée française de médecine générale », mentionnons plus spécialement sous cette rubrique : POUR LA TUBERCULOSE: IX — LE COLTRE EN ALSACE Assez repandue en Alsace, Pendémie goitrigène Y a donné lieu à d’intéressabrs, travaux dont les plus récents se sont attachés surtout à déterminer la topographie du processus en même temps que les causes locales de sa répartition. C’est à Bhein que revient avant tout le mérite d’avoir démontré la per¬ sistance dans nos départements rhénans de deux zones bien distinctes de haute morbidité goitreuse situées, l’une le long du Rhin et de son affluent l’II. l’autre sur les contreforts et dans les vallées des Vosges, ces deux zones étant séparées l’une de l’autre par une bande de territoire relativement indemne cor¬ respondant à l’alignement des collines de loess. Ces collines sont formées, comme nous l’avons déjà vu, par d’épaisses couches limoneuses à la fois dures er imperméables recouvrant d’un enduit protecteur la napppe d’eau souterraine enfouie à une trentaine de mêtres de profondeur. Dans ces conditions, l’eau des puits y est ordinairement d’une excellente qualité Ajoutons à cela que le pays étant très fertile, l’aisance y règne volontiers, ce dui a pour effet de favoriser un peu partout le développe¬ ment du confort et de l’hygiène. L’endémie goitreuse qui sévit sur les bords du Rhin et de l’Ill fournit par contre un bel exemple de ces endémies de plaines qu’on rencontre assez souvent à l’étranger, en Lombardie notamment, et qu’on retrouve aujourd’hui encore dans le Bigorre ainsi que dans certains secteurs du Basin parisien. Dans cette région le sous-sol est constitué jusqu’à une grande profondeur par des dépots alluvionnaires poreux et permébles incapables d’opposer un sérieux obstacle à la contamination de la nappe d’eau superficielle qui, mobile, circule à 2 ou 3 mêtres seulement sous terre, dans le sens du courant du fleuve. 232 tA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Cette contamination se trouve d’ailleurs largement favorisée par le genre de cultures pratiquées en surface, cultures essentiellement maraichères, nécessitant par conséquent beaucoup d’engrais et responsables un peu partout d’infiltrations nocives. Au surplus, il convient de signaler que l’eau appartenant à ce réseau est très fortement calçaire et réalise ainsi un milieu éminemment propice à la pullulation des germes. La situation serait donc assez critique s’il n’existait au-dessous de la nappe superficielle, à 15 mêtres environ du sol, une nappe profonde, celle-ci immo¬ bile et complêtement à l’abri des pollutions extérieures. C’est elle qui est de préférence utilisée pour les canalisations urbaines, cependant que l’autre, aisé¬ ment accessible, alimente la grande majorité des puits de campagne. Dès lors, il est possible d’expliquer la répartition inégale de la maladie dans la province rhénane par le degré très différent de salubrité des eaux livrées à la consommation, le goitre, comme d’ailleurs toutes les affeciions d’origine hydrique, se multipliant facilement là où les eaux sont contaminées pour disparaitre au contraire là où elles sont exemptes de souillures. Pour illustrer ces notions, il nous suffira de rapporter deux exemples empruntés l’un comme l’autre à l’excellent article de Freyss publié en 1934. Le premier concerne le petit village de Bischheim, situé au nord de Stras¬ bourg, à cheval sur une terrasse de loess et sur la plaine. Alors que dans sa portion ouest surélevée le goitre est totalement inconnu, il est en revanche d’observation courante dans sa portion est, bâtie en contrebas sur les terrains d’alluvions. Le second a trait à la ville même de Strasbourz et plus spécialement au quartier dit de la Robertsau dans le 8° arrondissement. Au cours d’une enquête effectuée parmi la population de ce quartier. Freyss a pu constater que les tumeurs goitreuses très fréquentes chez les habitants demeurés fidèles à l’usage des puits étaient, à l’opposé, très rares chez ceux consommant l’eau pure et périodiquement contrôlée des canalisations urbaines. Le mal s’obser¬ vant parfois cependant chez ces derniers contrairement à la règle,. Freyss à essavé de trouver une explication à ces anomalies, Poursuivant ses investiga¬ tions parmi la jeunesse des Ecoles, il a alors constaté que seuls étaient devenus goitreux dans le lot des enfants examinés ceux qui hébergeaient dans leurs intestins de nombreux parasites, ascaris et trichocéphales surtout,. Force est donc d’admettre dans ces conditions que les vers intestinaux, à l’égal de l’eau polluée, sont susceptibles d’apporter à l’organisme les principes toxiques ou infectieux qui sont à l’origine des hyperplasies glandulaires (Borrel) (1). Reste maintenant à considérer la 2 zone d’endémie alsacienne, installée en bordure des Vosges, le long de la facade orientale de ce massif monta¬ gneux. Comparés aux faits que nous venons d’exposer, ceux qui se ratachent à cette région semblent à première vue assez contradictoires si l’on ne tient compte que des données de la géologie à l’exclusion des autres contingences locales. (1) A ce propos, nous raupellerons qu’il nous a eté donné d’assister entre 1948 et 1948, en Allemagne, parni les enfants des familles françaises venues en zone d’ocu pation, à l’éclosion de nombreux cas de Goitre sous une forme parfois même épidémique Or, tous les foyers que nous avons pu observer se trouvaient situés dans des zone hautcment infestées par les helminthes, du fait surtout de l’épandage, comme par exemple à Ravensbourg, près du lac de Constance. Du reste, l’enduête devait ultéricu retnent confiriner, sans que malheureuscment nous puissions fournir à cet écard de statistiques précises, quc bresque tous les enfants porteurs d’hypertrophies thyroidiennes étaient en même temps très fortement parasités, notion qui scublc vouloir impliquer une certaine relation entre les deux phénomènes. REGIONS DU NORD-ESI 233 D’une manière générale, les Vosges sont formées par des terrains anciens imperméables où domine le granit, à priori bon protecteur de la nappe sou¬ terraine. En réalité, les eaux ruissellent parfois longtemps en surface avant de pénétrer dans le sol pour reparaitre un peu plus loin au niveau des sources. Au cours de leur long trajet à ciel ouvert, à travers les prairies parsemées d’excréments animaux, elles sont exposées à toutes sortes de souillures. Plus tard, lorsqu’elles sont parvenues sous terre, elles ont ordinairement à passer sous des fermes dui, ici, n’ont plus la même tenue que dans la plaine et abritent fréquemment des malades, voire même déjà des goitreux. Finalement. c’est une eau impure que les habitants doivent venir puiser aux émergences. dans les vallées voisines. On concoit dès lors que, dans ces régions, la carte du goitre coincide à peu près exactement avec celle des terrains primaires, là au moins où ceux-ci viennent affleurer au sol. Et l’on s’explique en même temps que certaines vallées comme celle de l’Andlau, celle de Munster au-dessus de Sulzern et celle de la Thir entre Thann et Wildenstein constituent encore des repaires importants pour la maladie. Mais, à côté de ces terrains cristallins, existent en divers endroits des for¬ mations calcaires plus ou moins fissurées, de toute façon perméables aux eaux et, somme toute, assez analogues à celles que l’on retrouve un peu plus au sud. dans le Jura. Normalement, la perméabilité même de ces couches de revé¬ tement devrait mettre en danger la nappe phréatique sous-jacente. Fort heu¬ reusement, deux éléments interviennent ici dans un sens favorable, à savoir : d’une part l’absence de stagnation et le faible ruissellement des eaux de sur¬ face, d’autre part et surtout la densité peu élevée de la population diminuant largement les chances de souillure. Tant et si bien qu’en fin de compte le goitre est exceptionnel dans une vallée comme celle de la Kirneck dont la source et le cours sont pourtant tout proches de ceux de l’Andlau. Ceci va nous permettre de souligner en terminant le rôle fondamental que sont amenés à jouer dans le déterminisme et la répartition des hypertrophies thyroidiennes lès facteurs dits humains, qu’il s’agisse des mœurs et coutumes en usage chez les habitants du nombre même de ceux-ci, ou encore de la façon dont ils se comportent à l’égard des problèmes d’hygiène. Rien d’éton¬ nant en conséquence à ce que le goitre recule de plus en plus en Alsace comme partout ailleurs à mesure que s’améliorent les conditions de vie, cette régression étant toutefois beaucoup plus accentuée, du moins pour le moment, dans les Vosves que dans les basses vallées de l’Ill ou du Rhin. BIBLIOCRAPHIE 234 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Appendice RESSQURCES THERMALES D’origine très ancienne, le masif des Vosges renferme plusieurs stations thermo-minérales dont quelques-unes de renommée universelle. Surtout concentrées dans le département même des Vosges, ces ressources ne présentent plus dans le département voisin du Bas-Rhin qu’un intérêt secondaire. Vosges. Quand on fait allusion en Crénothérapie au département des Vosges, on pense tout de suite à la station de Vittel dont les eaux froides, sulfatées cal¬ ciques et légèrement magnésiennes sont depuis fort longtemps connues. Deux sources méritent d’être citées : la source Hépar et la Grande Source. Tandis que la première convient surtout aux pléthoriques, la seconde doit être essentiellement conseillée aux uricémiques et aux goutteux. Contrexeville est une station très proche de la précédente à la fois par sa situation géographique et par la composition de ses eaux. Celles-ci sont en effet également indiquées, mais surtout en boisson, dans la goutte chronique et la gravelle. Mentionnons encore dans ce même département : Bussang dont les eaux ferrugineuses froides sont utilisées dans les anémies: Martigny dont les eaux sulfatées calciques froides sont prescrites aux lithia¬ siques et aux goutteux. Bains-les-Bains dont les eaux hyperthermales (32 à 53°), oligométalliques et radioactives, emplovées en cure mixte (balnéation et boisson) et associées au climat sédatif, ont une action très favorable contre toutes les formes d’an¬ giospasmes (hypertension, angor, maladie de Raynaud, etc.). Et nous terminerons par une autre grande station : Plombières. On sait que ses eaux, indifférentes chimiquement, mais très chaudes (27 à 70) et for tement radioactives, se sont acquis, en effet, une réputation quasi-mondiale dans le traitement de toutes les névroses du tube digestif, qu’il s’agisse des entéro-colites douloureuses, des diarrhées nerveuses ou des différentes variétés de dystonies gastro-intestinales. Pas-Rhig. Deux petites stations seulement sont à signaler : Morsbronn-les-Bains, avec ses eaux chlorurées sodiques sulfureuses chaudes (41°). Niederbronn-les-Bains, avec ses eaux chlorurées sodiques et alcalines froides (17°). Toutes deux peuvent être recommandées dans le traitement des Rhuma¬ tismes chroniques. 6 REGIONS DU NORD EST 235 CONCLUSIONS Nous pourrions reprendre, à propos de nos provinces du Nord-Est, les mêmes schémss que pour le Centre et le Midi de la France, en opposant notamment à la pathologie de la montagne vosgienne celle de la plaine d’Alsace ou des secteurs miniers du plateau lorrain. Nous aboutirions certai¬ nement à des conclusions identiques. Mais celles-ci seraient fort incomplêtes. C’est qu’en réalité l’intérêt d’une pathologie régionale se mesure parfois moins la ténucité des maux anciens qui la composent qu’à la vigueur que lul insufflent certaines affections nouvellemuent implantées. Parmi ces transfusions, seules ont été envisagées jusqu’à présent celles qui reconnaissent une origine méditerranéenne. Or, celles-ci, bien qu’exis¬ tantes, passent en l’occurrence au second plan, le massif vosgien et ses alen¬ tours étant manifestement en dehors de l’axe de propagation normal qui unit la Provence à Paris. Il aprarait dès lors nécessaire de rechercher ailleurs les influences nocives et c’est ici qu’intervient un élément essentiel, à savoir le rôle que joue dans la nosologie alsacienne et lorraine la proximité de l’Europe Centrale. Au reste, la géographie nous apprend que l’Alsace-Lorraine présente avec les contrées situées au-delà de ses trontières des affinités naturelles véritable¬ ment frappantes. Nous l’avons dit précédemment, aucune diff́rence de contexture physique n’existe en effet entre l’Ardenne française et l’Ardenne belge ou le massif schisteux rhénan, entre les Vosges et la Forêt-Noire, entre les plaines de la rive gauche et celles de la rive droite du Bhin. Le grand fleuve, lui-même, imposante barrière à l’occasion, représente aux heures calme un trait d’union puissant entre les peuples riverains dont il facilite singuliè¬ rement les échanges Ainsi, de grands courants d’activité et de vie parcourent sans cesse le chemin qu’il a tracé, ou bien franchisent transversalement son cours en empruntant, par Strasbourg ou Neuf-Brisach, les grandes routes inter¬ nâtionales. Comment, dans ces conditions, s’étonner de l’unification des pa¬ thologies qui tend a ’eftecquer entre les deux berges rhénanes, spontanément soumises à des influenees communest A l’appui de cette opinion, voici d’ail leurs quelques exemples qui nous paraissent sufisamment démonstratifs: Tout d’abord, il y a le cas de la Fièvre ondulante. Dans le massif vosgien. c est la Brucellose abortus qui domine, transmise à l’homme par les bovides. Or, il s’agit là d’une affection née sur les rivages de la mer Baltique et secon¬ dairement propagée jusqu’à nous par l’intermédiaire des plaines allemandes. L’étape germanique est donc certaine. Ce qui n’empche pas toutefois de faire remarquer que cette forme spéciale de la maladie est concurrencée sur Plâce par sa rivale, la Brucellose à mélitocoques, essaimée par les moutons transhumants qui se déplacent l’été entre les départements rhénans et ceux de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse, après avoir té contaminés, semble. fil, par leurs emblables importés de Provence ou d’Algérie. 236 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Mais il y a d’autres faits. Le goitre, assez fréquent le long des vallées de l’Il et de ses affluents, constitue là des fovers qui ne sont en réalité que le prolongement des grandes zones d’endémie qui couvrent l’Allemagne de l’Ouest et celle du Sud, englobant la Prusse rhénane, le pays de Bade et la Bavière pour se poursuivre jusqu’en Suisse et en Tchéco-Slovaquie. La même remarque a été taite au sujet de l’helminthiase, au point que Borrel a pu se demander ’il n’existait pas une corrélation étroite entre les deux processus. La fièvre du Qucenstand a eu pour berceau l’Australie. De ce continent. à la faveur des événements de 1944-1945, elle s’est étendue au bassin de la Méditerranée pour gagner ensuite l’Europe septentrionale. A cet égard, il est permis de penser que l’épidémie de Strasbourg de 1948 n’a été, au fond qu’un rameau aberrant de celle qui sévissait dans le Wurtemberg vers la même époque. La Tularémie affectionne particulièrement en France le département de la Côte-d’Or et celui de la Meurthe-et-Moselle, tous deux, voisins de notre frontière de l’Est. Mais, phénomène curieux et sur lequel il convient d’insis ter, jusqu’à une date toute récente la maladie n’a été transmise à l’homme que par le lièvre dit « d’Europe Centrale », les cas de contamination par la variété dite « autochtone » ne remontant qu’à 1953. Cette notion, rapprochée de l’extension d’emblée prise par l’endémie tularémique en Allemagne, prouve bien que, là encore, c’est une source germanique qu’il faut incriminer. Nous pourrions aussi bien tirer argument de la répartition de part et d’autre du Rhin des diverses autres affections, en particulier les maladies a virus neurotropes, telles que la Poliomvélite, l’Encéphalite, voire même la Sclérose en plâques. Mais nous arrêterons là notre énumération Ceci dit, il semble bien y avoir pourtant des exceptions aux règles qui viennent d’être formulées. Elles ont trait surtout à la Fièvre typhoide et à la Diphtérie. Alors que ces affections sont extrèmement répandues au-dela du Rhin, elles ne se manifestent au contraire dans nos provinces du Nord-Est qu’avec une fréquence modérée, du moins dans leur ensemble. En réalité, ces faits ne sont nullement en opposition avec l’opinion précéde nment défendue. Indépendants ici des facteurs purement géographiques, ils ne relèvent en effet que de conceptions divergentes en matière d’hvgiène publique. Tandis qu’en France les vaccinations antityphoidiques et antidiphtériques ont été rendues obligatoires pour toute la population, en Allemagne aucune disposition ana¬ logue n’a encore ésé adoptée. Il ne faut pas chercher ailleurs la (ause du fort décalage actuellement constaté entre les statistiques de morbidité publiées par les deux pays. Et ceci nous conduit tout naturellement à envisager le Tétanos qui par¬ ticipe à la vaccination triple associée et accuse, lui aussi, sur notre sol un mouvement de recul très prononcé. Si cette régression n'’est pas aussi marquét que pour la Fièvre typhoide et la Diphtérie, si un fover tétanique inuportanl subsiste toujours en Meurthe-et-Moselle, cela tient uniquement à la ténacité spéciale du germe et à sa localisation élective au milieu rural encore trop volontiers rebelle aux méthodes modernes de prophylaxie. Nous n’insisterons pas sur l’importance des autres manifestations mor¬ bides dans le pays. Les fièvres éruptives et la Tuberculose y ont leur déve loppemert habituel, influencé seulement par un climat ricotreux et du type continental. Le Cancer, par contre, s’y révèle très répandu, surtout en Alsace accusant depuis quelquès années d’inquiétants progrès. Quant à la patho logie minière, si son étude se trouve justifiée du fait de la présence en Lor¬ RÉGIONS DU NORD-EST 237 raine du premier gisement ferrugineux et du second bassin houiller de France, ses aspects ne sont guère différents de ceux que l’on observe ailleurs, dans nos départements du Nord notamment. En définitive, on s’aperçoit que ce qui caractérise avant tout nos régions du Nord-Est du point de vue médical, c’est l’existence sur leur territoire d’une pathologie de frontières des plus typiques. Ce sont même peut-être les seules régions françaises, à accuser cette particularité. Il ne faut pas perdre de vue en effet que, géographiquement, la Franche-Comté tourne le dos à la Suisse comme nos provinces alpestres à l’Italie, cependant que vers le sud la chaine des Pyrénées constitue un rempart paturel dificilement franchissable. Mal défendue du fait même de sa structure, l’Alsace-Lorraine s’ouvre au contraire à toutes les invasions — qu’elles soient guerrières ou morbides — venues de l’Orient et de l’Est. Toute l’histoire est là pour en témoigner. 1X BASSIN PARISIEN de-France située entre cette dernière et la Brie. GENERALITES Alors que le Bassin aquitain présente l’aspect d’une ellipse avant pour double fover Toulouse et Bordeaux, le Bassin parisien affecte la forme d’un cercle dont le centre unique domine toute l’activité d’un vaste territoire circons¬ crit d’une part par les massifs anciens de l’Armorique, du Plateau Central et des Ardennes, d’autre part par le large fossé de la Manche. Situé au fond de la cuvette comprise entre ces limites, Paris a du sa primauté rapide à une position géographique exceptionnelle au milieu d’un système de plissements réguliers qui défend efficacement ses abords et au point de convergence d’un important réseau fluvial. Installée en plein cœur du hassin riche et fertile auquel elle a donné son nom, notre Capitale a su de très bonne heure en ordonner la vie. Plus tard, grâce aux avenues que la plaine ouvre de toutes parts, elle a réussi à faire ravonner au loin son influence, réalisant peu à peu autour d’elle l’Unité nâtionale. Du point de vue géologique, le Bassin parisien a une histoire tout à fais comparable à celle de l’Aquitaine. Recouvert à l’origine par une mer inté¬ rieure communiquant par des détroits — seuil de Bourgogne et seuil du Poi¬ tou — avec les mers du Sud, il se combla lentement durant les ères secon¬ daire, tertiaire et quaternaire du fait de l’apport successif de calçaires, d’ar¬ giles, de sables et de limons. Tandis que les sédiments les plus anciens s’ap¬ puvaient aux massifs primaires, les plus récents garnissaient le centre de la dépression de part et d’autre de Paris, l’ensemble revétant l’aspect de pla¬ cards de moins en moins étendus empilés les uns sur les autres, affleurant à la périphérie en quréoles concentriques. D’une manière générale, le reliet reste médiocre puisque les deux tiers de la cuvette n’atteignent guère 200 mêtres d’altitude. Ainsi, les grandes tables horizontales et Les larges surfaces faiblement ondulées constituent un peu partout les traits les plus habituels du paysage. Pourtant, sur la ligne de contact des couches superposées l’érosion fluviale, en entrainant les matériaux les plus tendres, a dégagé les roches les plus résistantes que l’on voit cà et la ge dresser au-dessus des plaines sous la forme de longs sillons surélevés fre¬ quemment rangés en arcs de cercle. C’est dans la partie orientale du Bassin que cette disposition devenue clas¬ sique est la plus nette, avec une orientation nord-sud des plis. Pour le vova¬ geur se rendant de Nancy à Paris, c’'est l’apparition successive des côtes de Moselle et des côtes de Meuse (envisagées avec les régions de l’Est), de la côte des Bars prolongée au nord par l’Argonne, de la falaise de Champagne inter¬ pose entre les Champagnes humide et pouilleuse, enfin de la falaise de l’le. 16 242 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Dans la partie occidentale, par contre, la structure devient un peu diffé. rente. Primitivement en effet, les Bassins parisien et londonien, encore sub¬ mergés, ne formaient qu’un tout. Or, à l’époque des plissements alpins, tan¬ dis que ceux-ci provoquaient à distance des bouleversements énormes, leur contrecoup se propagea jusqu’ici, engendrant des rides à peine esquissées espacées les unes des autres, à direction générale N.-O. - S.-E. Ce sont ces rides qui constituent, au nord, la ligne des colines de l’Artois et du Bou¬ lonnais que l’on retrouve dans les Downs d’Angleterre, au Centre, la ligne des hauteurs du Bray et du pays de Caux, au sud, la ligne des collines de Normandie et du Perche, avec, dans les intervalles, deux synclinaux où cou¬ lent respectivement la Somme et le cours inférieur de la Seine. On voit combien sont harmonieux dans leur constante modération les traits d’ensemble de ce dispositif. A l’est, des talus concentriques semblent vou¬ loir garantir la région parisienne contre tout excès en provenance du Conti¬ nent (vents glacés, invasions étrangères, etc.), cependant qu’à l’ouest des hau¬ teurs rectilignes, perpendiculaires au rivage, délimitent entre elles des sortes de couloirs qui livrent passage aux influences bienfaisantes de la mer. Le climat du Bassin parisien est, en effet, avant tout un climat maritime avec toutefois des interférences continentales de plus en plus marquées à me¬ sure que l’on s’avance vers l’intérieur. C’est ainsi notamment que le nombre des jours de gelée va en s’accroissant progressivement d’ouest en est pour pas¬ ser de 60 à Alençon à 65 à Paris et à 84 à Troves, cependant que du sud au nord l’influence de la latitude se fait également sentir, le gel étant par exem¬ ple 4 fois plus fréquent à Lille qu’à Brest. Malgré toutes ces variations, la température se maintient en permanence autour de moyennes fort acceptables allant de 2° à 1 3° en janvier, à « 17° et 1903 en juillet (1795 à Lille, 1863 à Paris, 1963 à Auxerre), avec des écarts assez faibles de l’ordre de 15 à 17° par conséquent. Les vents auquel le Bassin est soumis sont surtout les brises océaniques En été, elles soufflent ordinairement du nord-ouest et en hiver du sud-ouest. attirées alors par les zones de hasses pressions qui règnent sur l’ouest de l’Irlande. Durant la saison froide quapd un fover de baute pression s’éta¬ blit sur le centre de l’Europe, la bise peut également souffler de l’est, balavant le plateau de Langres de ses terribles rafales. Sensiblement apaisée au sortir des Champagnes, elle peut alterner avec les vents d’Ouest, expliquant ces chapgements brusques de température que l’on observe si souvent au cours de l’hiver et du printemns parisiens. Les pluies, par suite de l’absence d’accidents de terrain suffisants pour provoquer la condensation des nuages, ne donnent au centre du bassin qu’une faible hauteur d’eau (520 mm à Paris). Sur le pourtour de la cuvette par contre, l’exhaussement du sol arrétant les nuées, les pluviomêtres indiquent des taux manifestement plus élevés : en particulier dans le Morvan, le long des côtes de Meuse et même sur les collines de l’Artois ou l’on enregistre annuelle¬ ment jusqu’à un mêtre de pluie. C’est d’ailleurs grâce à cet écran protecteur que la Flandre doit de n’être pas exagérément mouillée. Dunkerque ne recevant que 540 mm d’eau malgré sa situation littorale. Quant à la répartition des précipitatitons au cours de l’année elle varie essentiellement suivant l’éloignement dle l’Océan. Si à Lille il pleut en moyenne un jour sur trois, cette proportion diminue rapidemene à mesure que l’on s’enfonce vers les terres. Simultanément, les chutes d’eau se concentrent de plus en plus durant l’été au détriment de l’hiver, fait qui s’explique par l’apparition sous l’effet de la chaleur de basses pressions continentales qui. charmantes rivières bien connues des baigneurs parisiens, la Marne et l’Oise. BASRIS PARISIEN 243 activant l’évaporation du sol, surchargent en vapeur l’atmosphère Bien en¬ tendu, les belles journées prédominent encore dé juin à septembre, mais un seul orage suffit alors pour déverser en quelques heures des quantités d’eau égales ou meme supérieures à 3 ou 4 jours de bruine hivernale. En définitive, on s’aperçoit que le climat parisien demeure dans ses grandes lignes remarquablemtent équilibré, par suite du jeu sagement mesuré des influences contraires. Là où cet équilibre semble être au mieux réalisé. c’est encore dans le « val de Loire », pays par excellence de la douceur et du calme atmosphériques. Nous signalerons qu’à l’opposé il se trouve fréquem¬ ment compromis sur les plateaux de Champagne et de Langres où les hivers rudes et les etes torrides annoncent déjà les extrêmes des climats continentaux. Le réseau hydrographique du Bassin parisien comprend quatre éléments fondamentaux : tout d’abord la vallée de la Seine avec le large éventail de ses aftluents convergeants sur Paris; en second lieu, un faisceau de rivières qui, enjambant la frontière belge, gagne bientôt la mer du Nord; ensuite toute une série de petits fleuves côtiers échelonnés à l’ouest, perpendiculairement au rivage, depuis le Cotentin jusqu’à la Picardie; enfin le « val de Loire » constitué par la Loire moyenne dont le cours longe à distance la facade méri¬ dionale de la cuvette. Si cette portion intermédiaire de la Loire est considérée par certains auteurs comme étrangère au bassin qu’elle traverse, c’est assurément bien à tort : les régions qu’elle baigne, malgré leur originalité, ne sauraient en effet être dissociées des territoires situés plus au nord auxquels les rattache tout un ensemble de caractères communs. Bien plus, si l’on s’en réfère à l’histoire géologique du pays, on apprend que le grand fleuve cévenol venait primiti¬ vement se jeter dans la Seine, en empruntant un trajet dont le cours actuel du Loing représente encore le vestige. Plus tard, vers le milieu de l’ère ter¬ tiaire, un vaste golfe marin appelé « mer des Faluns » s’avança de l’Atlan¬ tique jusqu’à Blois entrainant la capture de la Loire. Celle-ci devait ultérieu¬ rement le suivre dans sa retraite vers l’ouest. De là cette courbe majestueuse qu’elle décrit aujourd’hui autour d’Orléans. De toute facon, la Seine demeure indiscutablement l’artère principale du Bassin de Paris auquel elle appartient par la totalité d’un cours de près de 800 Kilomêtres. Née sur le plateau de Langres à 475 mêtres d’altitude, elle chemine d’abord vers le nord-ouest alimentée par des « douix », grosses sour¬ ces que l’on voit bouillonner au pied des escarpements calcaires. Elle franchit bient̂t la côte des Bars, ruisselle sur les argiles de la Champagne humide pour pénétrer ensuite, à la hauteur de Troves, dans la Champagne pouilleuse Dès lors, après avoir contourné la falaise de l’Ile-de-France, elle pique droit vers le centre de la cuvette en se glissant entre la Reauce et la Brie. Dans la capitale, elle n’est plus qu’à 26 mêtres d’altitude, cependant qu’à vol d’oiseau 180 Kilomêtres la séparent encore de la Manche. Dans ces conditions et en raison du manque de pente, on la verra désormais s’attarder en méandres répétés entre les tables calcaires du plateau normand avant d’atteindre un large estuaire ensablé qu’il faut sans cesse draguer pour maintenir aux gros navires venus d’Outre, Atlantique l’accès du port de Rouen. Durant ce long itinéraire, la Seine recoit de nombreux affluents mais tous n'’ont pas le même intérêt dans le domaine qui nous occupe. Parmi eux. citons avant tout; après l’Aube, véritable seur jumelle de la Seine à ses débuts, l’Yome, cet « enfant terrible » qui, née à 726 mêtres d’altitude dans le Morvan, c’est-à-dire dans la région la plus haute, la plus humide et la plus imperméable du Bassin, apparait comme un torrent aussi fougueux qu’iné¬ Bal — puis, à gauche encore, le Loing, l’Essonne, l’Orge, l’Yvette et la Bièvre BASSIN PARISII 249 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE grosies l’une de l’Ourca, du Grand et du Petit-Morin, l’autre de l’Aisne et du Thérain, et toutes deux voies de pénétration traditionnelles vers le cœur même de notre pays — L’Eure, enfin, descendant des collines du Perche vers le couloir ençaissé de la Basse-Seine. De tous nos fleuves, la Seine est certainement le plus régulier gr̂ce aux conditions physiques particulièrement homogènes de son bassin : les terrain en majorité perméables absorbent en effet les pluies et les retiennent un cer¬ tain temps avant de les restituer en sources; la pente faible des zones imper¬ méables retarde l’écoulement des eaux; le climat maritime procure des pluies généralement médiocres mais répétées. Dans ces conditions, les crues sont rares. Elles apparaissent durant les hivers trop pluvieux quand le sol, saturé d’humidité, laisse toutes les eaux s’écouler à la rivière. Dans ce cas le flot de l’Yonne, le plus rapide et le plus brutal, passe le premier, suivi de celui de la Seine et des affluents tranquilles. Tout peut encore rentrer dans l’ordre sans incident grave. Mais si. au cours de ce dernier stade, l’Yonne vient à s’enfler à nouveau par suite de la persistance de pluies diluviennes, la catastrophe devient inévitable. En janvier 1910, la Seine atteignit ainsi à Paris une hauteur de 8 m 50 au-dessus de son niveau normal, novant les bas-quartiers de la ville et de sa banlieue transformant en un immense lac la vallée environnante. Heureusement, de sem¬ blables événements restent exceptionnels, ne se reproduisant tout au plus du’une ou deux fois par siècle. Les deux groupes suivants ne nous retiendront que peu. Le premier com¬ prend, comme nous l’avons déjà dit, un faisceau de rivières dont seuls les cours supérieurs appartiennent à la France. Issues du bombement de l’Artois. ces rivières se rendent à la mer du Nord en parcourant des pays de plaine humides et brumeux. Lentes, bien pourvues d’eau, elles constituent de véri¬ tables canaux naturels. Ce sont, outre l’VYser, le réseau de l’Escaut et de son affluent, la Lys, qui draine les terres flamandes en direction de Cand et d’Anvers, puis, plus à l’est, la Sambre, située sur le prolongement de l’Oise et aboutissant à la Meuse. Quant aux fleuves côtiers tributaires de la Manche, ils se divisent de part et d’autre de l’estuaire de la Seine en deux sous-groupes : celui du Sud, avec la Vire, l’Orne, la Touques et la Risle destinées à une côte de plages et celul du Nord, avec le Bresle, la Somme, l’Authie et la Canche qui doivent fran¬ chir à leur embouchure une côte hérissée de falaises Aucun d’eux ne présenie du point de vue commercial une importance marquée, à l’exception toutefois de la Somme qui, descendue des collines du Vermandois, s’étire paresseuse¬ ment, 250 Kilomêtres durant, parmi les jardins maraichers et les vergers de Picardie gagnés peu à peu sur les anciens marécages et les tourbières Reste le cours moyen de la Loire — Celui ci débute vers Nevers à la sortie du Plateau Central pour se terminer aux abords d’Ancenis, à l’entrée du Massif Armoricain. Bien que gardant encore de son origine montagnarde un régimte extrémement irrégllier, caractérisé par des crues d’automne et de printemps alternant avec des « maigres » parfois excessifs d’hiver et surtout d’été, le fleuve traverse ici une large vallée lumineuse garnie de prés herbeux. de vignobles et de riches cultures A cette avenue principale se rattachent d’ailleurs des vallées secondaires, elles-mêmes amples et fécondes, tracées par de longs affluents venus de toutes parts : Cher, Indre et Vienne sur la rive gauche. Loir. Sarthe et Mavenne confluant dans la Maine sur la rive droite. L’ensemble s’est façonné une individualité toute particulière que l’on retrouve aussi bien dans les aspects de la végétation et les modalités du climat que dans le genre de vie des habitants, individualité qui fait du « val de Loire » un pays de seduction contrastant profondément avec toutes les terres d’alentour. BASSIN PARISEN 247 Ainsi se trouve irrigué le Basin de Paris, Sur la trame essentielle que nous venons de décrire viennent du reste se greffer, non seulement des affluents secondaires nombreux, mais encore une multitude de canaux de jonction, le tout réalisant un réseau extrémement serré, sans doute le plus riche de France. Une telle disposition ne peut évidemment que développer les échanges com¬ merciaux. Malheureusement elle a aussi pour effet — et ceci fera l’objet d’études ultérieures — de favoriser l’éclosion des maladies dites hydriques, tout en permettant la dissémination au travers des espaces découverts de beaucoup d’autres affections. Cette esquisse synthétique achevée, nous allons maintenant passer à l’ana¬ Iyse, en indiquant très schématiquement pour chacune des principales régions intéressées les facteurs géographiques susceptibles d’intervenir dans la genèse de pathologies locales, et dans ce tour d’horizon nous commencerons pal l’Ouest, c’est-à-dire par la Normandie et les territoires de la Basse-Seine. 5i la Bretagne ofre les aspects d’une entité géographique bien définie la Normandie sa voisine apparait, par contre, comme le résultat d’une associa¬ tion de « pays » fort divers. Tandis que sa portion occidentale appartien encore au Massif Armoriçain dont elle a conservé tous les caractères, sa portion orientale, la plus étendue, fait déjà partie intégrante du Bassin parisien, 4 priori donc, rien ne semblait devoir prédisposer ces contrées à l’unité, si ce n’est peut-être un climat uniforme du type océanique. En fait, si cette unité à pu se réaliser, ceci est dù avant tout à la main de l’homme et, en l’espèce. à l’intervention de Conquérants venus de Scandinavie que le hasard fit débar¬ quer sur nos côtes de la Manche sous le règne de Charlemagne. Marins intré¬ pides et pillards sans scrupules à l’origine, ces hommes du Nord, ces « Nor¬ mands », conservèrent longtemps dans leur nouvelle patrie leurs goûts ataviques pour les choses de la mer et les grandes aventures. Puis, gagnés par le charme du pays où le destin les avait jetés, ils adoucirent peu à peu leurs mœurs pour s’adonner aux travaux des champs. Aujourd’hui éleveurs, cultivateurs. ouvriers ou marchands, ces anciens Vikings se distinguent encore nettement des populations avoisinantes par certains traits spéciaux de leur caractère. Apres au gain, méfiants et rusés, volontiers processifs, ils marquent un grand attachement pour les biens de ce monde, aimant les intérieurs confortables. les repas plantureux, les longues beuveries. Ils y sont d’ailleurs incités pal là richesse de leurs campagnes, l’abondance de leurs greniers et de leurs pom¬ meraies, en un mot par toute une économie florissante qui leur assure chaque année la plus large aisance. Nous avons vu que la partie ouest de la Normandie présentait avec la Bretagne de naturelles affinités. Pour le vovageur qui vient du bassin de Rennes et traverse le Couesnon, frontière des deux provinces, ce sont en effet les mêmes aspects qui se présentent au regard, surtout dans la région appelée « Bocage » d’un nom qui évoque à la fois les paysages morcelés, les hameaux épars, les chemins creux s’enfoncant parmi les haies plantées de chênes ou de hêtres. Ici, comme en bien des points de la péninsule bretonne, on observe un relief tourmenté, au niveau notamment des collines de Normandie, dui. semblables aux Montagnes Noires de Cornouaille, étalent leurs dômes arron¬ dis, leurs pentes ravinées par l’érosion, Plus loin, au-delà de la dépression transversale qui aboutit à la baie des Veys et à ses polders, jaillit la presqu’ile du Cotentin, proictant dans la mer ses longs promontoires anguleux, frangés d’écueils et ceinturés de courants violents, Partout, dans ce pays, l’économie A du s’orienter d’emblée vers la culture et l’élevage. Mais le sol siliceux ne Permettant que de maigres profits, la vie y est longtemps demeurée très rude 248 LA PATHOLOGE REGIONALE DE LA FRANCE pour l’habitant. Il a fallu de nos jours le chaulage des terres, la naissance vers le Sud d’un peu d’industrie et surtout la reconstitution intensive et même l’accroissement de l’abondant cheptel bovin et ovin décimé par la guerre pour donner à cette contrée un semblant de prospérité. Néanmoins, en dépit de cette évolution, qu’il s’agisse de la presqu’ile ou de la montagne, la cam¬ pagne conserve toujours comme par le passé son visage austère et maussade. Il faut avancer vers l’Est, vers les plaines, pour trouver, en même temps qu’un sol plus fécond, des paysages plus riants. Ces plaines s’échelonnent le long d’une côte généralement basse, natu¬ rellement déshéritée et qui serait à peu près déserte si le développement récent de stations balnéaires luxueuses (Trouville. Dequville. Houlgate. Ca¬ bourg, etc.) n’en avait fait chaque été le rendezvous du Tout-Paris élégant. Derrière cette facade littorale, on pénêtre tout d’abord sur les terre alluviales et les argiles du Bessin, puis sur les calcaires des « Campagnes » de Caen et d’Argentan. Les premières portent des herbages fameux (beurre d’Isi¬ gny) et d’abondantes pommeraies, productrices d’un cidre agréables mais de conservation difficile. Les autres, grâce au manteau de limon qui les recouvre se prêtent plus volontiers à la culture des céréales, sans exclure toutefois l’élevage des boyins et du cheval pour lesquels des prairies artificielles ont ête aménagées. Dans ces régions, plus de haies, plus de clotures d’arbres, mais par contre de vastes surfaces nues mouchetées de nombreux troupeaux, de grosses agglomérations aux maisons de pierre couvertes de tuiles, installées autour de puits profonds. La ville de beaucoup la plus importante est Caen, à la fois grand marché agricole et centre industriel actif. Bénéficiant d’une part du fer extrait des gisements voisins de Saint-André et de May, de Bar bery et Soumont, d’autre part de la houille amenée d’Angleterre par le canal de l’Orne, elle est devenue depuis quelques années une cité métallurgiqud très prospère dont les usines s’étendent sur toute la banlieue et les environs. Au-dela de la vallee de la Dives, la Basse-Normandie fai, place :̀ la Haute¬ Normandie également remarquable par la variété de ses décors. Dans le pays d’Auge et le Lieuvin successivement parcourus, le socle craveux qui forme la base commune de tous les territoires de la Basse-Seine, largement décape par l’érosion, laisse apparaitre les marnes profondes. Le pays, imperméable devient un fouillis de haies et de près, de boqueteaux et de vergers, sans pittoresque sans doute, mais en tout cas d’une rare opulence. C’est là que se situe la vraie « Normandie heureuse », celle du cidre le plus savoureux et des mtarcs les plus réputés. C’est là aussi que se rencontrent les plus gros trou¬ peauz, vaches laitières qui évoquent les fromages célèbres de Camembert, Pont l’Evêque et Livarot, bœufs à l’embouche surtout, expédiés en masse sur Rouen et Paris. Mais cette oasis n’est pas sans limites. Sitôr franchie la Bisle, le catçaird revient partout en surface. Dès lors ce sont les espaces désséchés du Roumtois, du pays d’Ouche et du Thimerais qui s’offrent au regard, évoquant déjà la Beauce voisine par leurs immenses champs de blé que parsèment, il est vrai. quelques forêts, en particulier sur les placards sablonneux qui s’inserrent entre les méandres du grand fleuve. La Seine est là en effet toute proche, souvent resserrée dans un couloir profond. Malgré l’importance de l’obstacle cré par son lit, c’est à peu de chose près le même panorama qui se déroule sur l’autre rive dans ce que l’on appelle le pays de Caux, vaste terrasse calcaire surhaussée, limitée tant sur la Manche que sur le fleuve par des falaises abruptes. Ici le paysage est uniformément plat, sec et nu : peu de points d’eau, donc très peu d’arbre et des villages dispersés qui s’étirent le long des routes Fort heureusement 1a 249 PASSIN PARISIEN craie est généralement recouverte d’une couche de limon assez épaisse pour permettre le développement de riches cultures : céréales et plantes industrielles surtout. Les prairies artificielles avant par ailleurs prosperé, on voit aujour d’hui les bovins remplacer de plus en plus les moutons d’autrefois, conservés du reste beaucoup plus pour leur viande que pour leur laine. Ainsi, grâce à la fécondité de sa tere, grace à son climat dont l’humi¬ dité est surtout favorable aux herbages et aux pommeraies sans nuire pour autant aux récoltes, la Normandie apparait comme une immense fernue, admi¬ rablement tenue, produisant en abondance, non seulement les laitages et les céréales, mais encore des animaux de boucherie robustes et un cidre de qualité. Mais à cette source de richesse s’en ajoutent d’autres qui, pour être plus localisées, n’en occupent pas moins une place essentielle dans l’économie du pays. L’estuaire et la vallée inférieure de la Seine se prétaient tout naturelle ment au développement de ports importants et à la naissance d’un puissant commerce. Ainsi, de très bonne heure, Rouen a-t-elle profité d’une situation géographique exceptionnelle. Après avoir longtemps régné en maitresse sur toute 3 la région, la ville doit aujourd’hui compter avec sa voisine. Le Havre, qu serait probablement pour elle une rivale redoutable si les deux grandes cité n’avaient eu d’emblée la sagesse d’orienter différemment leur trafic et de s’adioindre des activités industrielles distinetes. Rouen s’est installé sur la Seine au point où, faute de tirant d’eau, les navires de mer doivent s’arrêter : c’est là qu’ils débarquent en effet leur car¬ gaison que reprendront ensuite les vagons de chemin de fer ou les péniches remontant le fleuve. Située profondément dans les terres, péritable avant¬ port de Paris, la ville recoit surtout les produits pesants avant intérêt à uti¬ liser au maximum la voie d’eau : houille, minerais, oléagineux, pétrole, etc Grâce à ces importations variées, une industrie moderne florissante est née dans ses banlieues, où huileries, savonneries, usines de produits chimiques voi¬ sinent de nos jours avec les filatures de coton venues remplacer les anciens tissages de lin ou de laine isus d’une production locale désormais à son déclin. Gros centre des affaires, mais aussi métropole intellectuelle et artis¬ tique des plus réputée. Rouen avec sa population de 125 000 habitants demeure ainsi, comme par le passé, la Capitale incontestée de toute la Normandie. En face de cette cité. Le Hayre, avec ses 165 000 habitants, fait figure de ville neuve et le tera cans doute bien plus ercore quand les services de la Reçonstruction auront achevé de réparer les ruines accumulées au cours de la dernière guerre Accrochée à l’extrémité du large estuaire qui la sépare com¬ pletement de la rive cauche, adossée d’autre part aux falaises du pays de Caux l’agglomération ne peut guère jouer le rôle d’un marché national. Puissant port internationat par contre, elle débarque, entrepose et expédie de préfé. rence les marchandises légères qui peuvent supporter les frais de longs trajets ferroviaires : coton, café, caoutchouc, denrées coloniales diverses. De même elle accueille la grande majorité des voyageurs transatlantiques qui abordent le Continent Soi arafice ce faisant avant tout avec les Amériques, elle cons titue la véritable « porte du Nouveau Monde ». De ce fait, elle se trouve exposée à toutes sortes d’influences, bonnes ou mauvaises, ces dernières étant essentiellement d’ordre épidémtiologique. Telle est la situation du Havre du point de vue sanitaire. En réalité, cette situation est partagée, à un degré moindre il est vrai, par d’autres villes de 13 ĉte. C’est ainsi que Dieppe recoit en abondance des visiteurs d’Angle. erre, cependant que Cherbourg sert de port d’escale aux couriers reliant Furope septentrionale aux pays d’Outre-Atlantique. Il est évident qu’une semblable multiplication des contacts sur le sol normand ne peut qu’y favo Fiser le développement des contaminations interhumaines, de même d’ailleurs 290 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE que l’afflux durant l’été des touristes fréquentant les plages ou des curistes venant demander aux sources de Bagnoles-de-l’Orne et de Forges la guérison de leurs maux. Tous ces faits doivent être bien connus des Pouvoirs publies, mais sans toutefois créer d’alarme excessive. Deux autres dangers sont en effet plus à craindre sur le territoire de la province. Liés aux particularités économiques du pays, nous les avons déjà fait pressentir. Très schématiquement, ils peu¬ vent être désignés comme suit : 1) La Normandie est avant tout un pays agricole et, qui plus est, un pays d’élevage (bovins du Cotentin, du Bocage, des pays d’Auge et de Caux, chevaux trotteurs de la campagne de Caen, moutons du plateau de Caux. porcs du Bessin). Logiquement, elle est donc appelée à paver un lourd tribut aux épizooties ainsi qu’aux maladies transmissibles des animaux domestiques à l’homme. 2) La Normandie est un pays de vergers et de pommeraies, gros pro¬ ducteur de cidre (Cotentin. Auge. Lieuvin) et d’alcool (Calvados), gros consommateur aussi : à priori elle semble donc vouée à tous les méfaits de l’alcoolisme. Ces présomptions, nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement et nous verrons qu’elles se trouvent confirmées par l’expérience. Ces quelques remarques faites, revrenons maintenant notre périple et quit¬ tons la Normandie par sa facade nord Laissant sur le ĉté la « houfon¬ nière » du pays de Bray, vaste déchirure argileuse sertie de petites crêtes calcaires, terre d’élevage et d’industrie laitière, on arrive immédiatement à la Picardie. Comprise entre la vallée de la Bresle et les collines de l’Artois, la Picardie se distingue, tout de suite du Caux par ses plateaux plus fortement ondulés; coupés de vallées plus creuses, par son littoral bas s’opposant aux hautes falaises, par son habitat moins clairsemé en liaison avec une humidité plus grande. Si le sous-sol du plateau demeure craveux, le sol, lui, offre trois aspects distincts. Tantêt la craie affleure, nue et intaete : elle est alors cou¬ verte d’herbes maigres, patures à moutons, qu’égavent de-ci de-là quelques bois. Tant̂t l’érosion a décomposé la craie en surface, la transformant en argile à silex imperméable, propice à l’épanouissement de grasses prairies : l’élevage des bovins succède alors à celui des moutons. Enfin et surtout, sur une por¬ tion notable du plateau, cette même couche épaisse de limon qui fait la richesse de la Flandre intérieure et de l’Artois tapisse la craie : là sont les plantureux terroirs favorables aux cultures de céréales, de betteraves sucrières et aux plantes fourragères. Les vallées entaillent profondément ces vastes étendues. Recouvertes d’allu¬ vions, elles sont très productrices là ou le uerrain peut être drainé — ce qui n’est guère facile, mais demeurent à l’état de marécage partout ailleurs, les eaux filtrant du plateau avant tendance à s’accumuler et à stagner dans tous les bas-fonds (témoins la vallée de la Somme et celles de ses affluents et sous¬ affluents : Ancre. Avre. Don. Nove). Ces quelques observations mettent nettement en lumière tonte l’importance que revêt en Picardie le problème de l’eau. Tandis que sur les plateaux cal¬ caires la question angoissante qui se pose constamment est celle de la disette — en effet la nappe souterraine est profonde les puits très rares et les foyers disséminés — dans les vallées au contraire o’'est l’evcès d’eau qui est à redouter : le drainage s’y impose. Grâce à ces travaux d’ailleurs, la popu¬ lation s’accroit très vite le long des rivières, constatation dont ou pour¬ rait se réjouir si les règles de l’hygiène y étaient mieux respectées. N’oublions BASSIN PARISIEN 251 pas que s’y voient réunis tous les facteurs qui favorisent habituellement la pollution tellurique : la surpopulation, l’humidité du sol et, par surcroit, des méthodes de cultures (hortillonnages) incitant à la fâcheuse pratique de l’épandage. Pays de Caux, Pays de Bray — avec son annexe le Beauvaisis — et Picardie se trouvent situés à l’ouest du grand sillon tracé par l’Oise. Au-delà de ce sillon, entre les plaines de Champagne et la rivière, s’allonge une étroite bande de terrain comportant successivement du sud au nord l’extrémité de l’lle-de-France, le Valois, le Soissonnais et la Thiérache. Là encore, les cal¬ caires limoneux assurent d’abondantes récoltes, plus peut-être autour de Com¬ piegne et de Soissons qu’au-delà de Laon où le sol devenu argileux et imper¬ méable entretient quelques forêts et favorise l’apparition de nombreux maré¬ cages d’ailleurs poissonneux (La Fère). Sur ce sol, généralement pauvre, l’éle¬ vage des ovins a depuis longtemps prospéré. Tous les terroirs que nous avons décrits jusqu’à présent se rattachent au Bassin parisien. Il nous faut maintenant péné̂trer dans la plaine des Flandres. très différente des régions précédentes tant par son visage actuel que par ses origines. Interposée entre le masif ardennais et la mer, la Flandre française se rattache à la grande plaine septentrionale de l’Europe qui, partie de Russie. s’étend sur l’Allemagne du Nord, les Pays-Bas et la Belgique pour venir expi¬ rer aux pieds des collines verdovantes de l’Artois et du Boulonnais. Ici, le pays est triste et laid. Que l’on parcoure les plateaux artésiens, les moères de Saint-Omer et de la Flandre maritime, les plaines d’argile grasse de la Flandre intérieure parsemées de buttes-témoins (tel le mont Cassel), les plates surfaces calçaires du Cambresis ou les « pays noirs » d’Anzin et de Lens, par¬ tout l’œil se lasse de la répétition des mêmes paysages comme des aspects toujours identiques de l’activité humaine. Ce sont en effet, à perte de vue. des champs de culture, des cheminées d’usines crachant leur fumée dans un ciel de suie, de monotones alignements de corons, ou encore la lente progres¬ sion des péniches le long de canaux souvent maledorants. Le rivage lui-même n’à rien de spontanément attirant avec sa longue rangée de dunes inhospita¬ lières. Il faut’ aller jusqu’aux deux extrémités de ces austères contrées, dans le Boulonnais et le Hainaut, pour rencontrer enfin d’agréables décors. Vérita¬ bles « édens » de fraicheur et de verdure, ces deux pays se sont ouverts avant tout à l’élevage et le cheval du Boulonnais reste de nos jours aussi célèbre que les troupeaux de l’Avesnois composés de bovins à robe rouge tachetée dits de « race flamande ». Ainsi donc la région du Nord s’est assurée dans le domaine de l’éle¬ vage comme dans celui de l’agriculture, une enviable réputation, son bétail comme ses cultures satisfaisant, non seulement aux besoins de ses habitants mais encore pour une large part à ceux des populations voisines. A cela ne se limitent pourtant pas ses richesses. En plus d’un sol très productif, la nature l’a en effet dotée d’un sous-sol d’une étonnante fécondité, ce qui nous amène à dire un mot de son bassin Rouiller. A la Flandre appartient en effet l’extrémité occidentale de ce vaste gise¬ ment de houille qui, longeant toute la bordure septentrionale du massif schis¬ teux ardennais-rhénan, commence en Artois (Ligny, Bruay, Béthune. Lens Courières. Liévin. Douai), franchit ensuite le Hainaut francais (Aniche Anzin, Valenciennes), pour venir rejoindre, par la dépression de Sambre-et¬ Meuse, les gcisements allemands d’Aix-la-Chapelle et de la Ruhr. Disposé en are de cercle sur une longueur d’une centaine de Kilomêtres et une largeur variant de 5 à 10 Kilomêtres à travers les départements du Nord et du Pas¬ de-Calais, le segment français n’est gùre étendu. Il est d’autre part d’exploi. 252 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE tation assez difficile en raison de la faible épaisseur et de la protondeur des couches qui le composent (certains puits descendent à plus de 1000 mêtres sous terre), de leur morcellement par de nombreuses failles et de l’existence de fréquentes poches de grisou. Néanmoins, dès sa mise en valeur, il a été d’un rendement énorme et actuellement encore sa production atteint une tren¬ taine de millions de tonnes grâce à l’activité incessante d’une armée de près de 200 000 travailleurs que ne rebutent pas les risques permanents de la silicose. Cultures industrielles étendues, riche sous-sol, population sympathique et gaie, mais aussi laborieuse et dense : il n’en fallait pas davantage pour faire naitre dans le Nord une industrie prospère. Cette industrie débuta, ici comme en Normandie, par l’exploitation des ressources locales : fabrication de la laine, tissage du lin, production du sucre et surtout de la bière dont il est toujours fait ample consommation dans d’innombrables estaminets. Plus tard cependant, elle devait se transformer et s’étendre largement (filatures de coton. métallurgie, etc.) grâce à une importation sans cesse croissante de matières premières d’origine étrangère, débarquées dans les ports de la côte (Dun¬ Kerque. Calais,. Boulogne), puis souvent acheminées par les canaux pour le plus grand essor d’une multitude de villes groupées autour de Lille et de sa florissante banlieue. Lille, « reine des F’landres », occupe une dépression tourbeuse au bord de la Deule. Il y avait là à l’origine toute une série bras instables et l’homme a dù lutter contre cette nature amphibie. L’eau, s’écoulant lente¬ ment, créait un danger pour la santé publique et il a fallu capter au loin les eaux de source et les amener à pied d’œuvre. De nos jaurs, les pro¬ blèmes d’hygiène étant nour une honne part résolus, la cité a pu s’accroître considérablement et dans des conditions favorables sur des emplacements par¬ ticulièrement choisis, à la limite des pâtures flamandes, des plaines à blé et des terres à moutons de l’Artois et de la Picardie, à proximité par ailleurs des grands gisements houillers. Devenue capitale administrative, intellectuelle et commerciale de tout le Nord, elle compte désormais 220 000 habitants et ses fsubourgs 200 000. Il convient d’y ajouter les grandes villes du textile. Rou¬ baiz et Tourcoinz, ainsi que leurs communes limitrophes. Il en résulte une masse urbaine de 700 000 dmes, assurément l’une des plus importantes de France après Paris, Marseille et Lyon. Cette masse urbaine, malheureusement, adossée à la frontière belge, ocupe une position excentrique qui nuit beaucoup à son ravonnement Si elle entre tient avc Paris des relations variées, elle vit par contre à l’écart des pro¬ vinces voisines. Cet isolement, il ne résulte pas seulement de causes purement géographiques. Les facteurs humains interviennent ici au moins pour autant : à peine est-il besoin de souligner en particulier tout ce qui sépare un Flamand d’un Normand, d’un Picard ou d’un Bourguignon, non seulement du point de vue ethnique, mais encore dans le domaine des coutumes, de l’humeur et du caractère. Ainsi Lille ne fréquente gquère Rouen, et il suffit pour s’en convaincre de considérer le temps qu’il faut, aujourd’hui encore. pour se rendre par voie ferrée de l’une à l’autre de ces villes. De même, mal. gré l’existence de la grande ligne du « Dijonnais », la capital des Flandres ignore à peu près les pays qui constituent l’est du Bassin parisien En péné¬ trant dans les plaines champenoises, c’est donc un monde bien différent que nous allons maintenant aborder. Du point de vue étymologique, le mot « champagne » ou « campagne : s’applique en France aux pays calcaires, secs et dénlés ouveris de bonne aujourd’hui revendus sur les marchés parisiens avec d’appréciables bénétices. heure à la circulation. Nous avons vu qu’il existait une Campagne de Caen, 253 BASSIN PARISIEN uous trouverons plus loin une Champagne du Mans et une Champagne beri¬ chonne. Mais le pays traversé par la Marne en amont d’Epernay est bien l’authentique Champagne française, celle que tout le monde désigne sans au¬ cune autre épithête. D’après la d́finition ci-desus, on serait tenté d’imaginer que le terme de « Champagne » ne se rapporte qu’à des terrains calcaires. Ceci n’est vrai que pour le territoire compris entre la falaise de l’Ile-de-France et une ligne de hauteurs allant de loigny à Vouziers, ou e développe en arc de cerete la Champagne pouilleuse Toute blanche, infini¬ ment monotone, presque totalement privée d’eau en surface du fait de l’ex¬ trème perméabilité du sol, elle étale, des lieues durant, ses immenses steppes pelées couvertes d’une herbe rase à moutons que le vovageur traverse en em¬ pruntant des routes rectilignes, poudreuses l’été, revêtues l’hiver d’une boue gluante, la triste boue des tranchées de 1915. L'eau n’apparait — et avec elle la vie — qu’au fond des vallées tapissées d’une mince couche d’argile C’est là que sont les villes, réparties le long des rivières laiteuses (Aisne. Marne, Aube. Seine) ou encore sur le versanr oriental de la cête de l’Ile-de¬ France que ses vignobles fameux ont rendu célèbre, Parmi ces villes, signa¬ fons Troves avec son industrie lainière (bonneterie) et surtout Epernay et Reims, les capitales du « vin de Champagne », cette dernière également répu¬ tée pour ses draperies. Mais, en dehors de cette Champagne craveuse et poreuse, s’étend, entre la ligne de hauteurs précitées et la côte des Bars, sur une largeur de 20 lilo¬ mêtres à peine, un pays totalement différent d’aspect : c’est la Champagne humide. Le sol, revétu ici d’une épaisse couche d’argile, retient l’eau qui suinte de toutes parts, donnant naissance à des mares innombrables. Aucune culture n’est possible : la forêt domine dans le paysage, avec quelques prai¬ ries pour les bouidés. La population, peu nombreuse, est très dispersée; les villes sont de petits marchés locaux sans grande importance. Devant de tels contrastes naturels, comment dès lors expliquer que les deux Champagnes aient pu être réunies sous un même vocable? Faut-il attri¬ buer ce fait curieux au réseau hydrographique commun qui les parcourt2 ou à un climat sensiblement identique, véritable dégradation continentale du cli¬ mat parisien2 Ce ne sont certainement pas là des conditions suffisantes. En réalité l’union des deux Champagnes tient à des raisons beaucoup plus histo¬ rioues que géographiques. De très bonne heure, en effet, les comtes de Cham pagne ont cherché à étendre leur domaine vers les pays voisins dotés en quelque sorte d’une économie complémentaire. Avant installé leur fief dans la région calcaire, ils ont rapidement acquis des droits sur le Barrois, flottant entre la Lorraine, la Bourgogne et leurs propres terres, et sur cette Champagne humide contrée de bois et d’herbages que flanquent au nord les croupes argileuses e forestières de l’Arzonne. De nos jours encore cette sujétion pérsiste, Reims e Troyes demeurant les métropoles incontestées de ces vastes espaces. Quant aux plateauz bourguignons dont il nous faut maintenant dire un mot, ils constituent une large sone de transition entre les plaines champe¬ noises et la dépression de la Sâne. Ici encore, nous observons une opposi¬ tion frapnante entre les tables surélevées de Langres, de l’Auxerrois et du Tonnerrois, arides, caillouteuses et éventées, et les vallées plus verdovantes ou coulent l’Yonne et ses affluents. ladis incultes, ces régions se sont récem¬ ment beaucoup améliorées grâce à l’apport d’engrais et au développement du réseau de comnmunications. C’est ainsi que de plus en plus l’élevage du gros bétail remplace celui du mouton en voie de régression marquée. Mis dans de bonnes prairies d’embouche, les bœufs blancs importés du Charolais sont 254 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE nier d’abondantes saignées parmi les habitants. Néanmoins, malgré cette renaisance de l’activité, le pays demeure toujours gévère et très peu peuplé, l’émigration avant opéré vers la fin du siècle der¬ Lorsque, quitant la Champagne et les plateaux sévères de la Haute-Bour. gogne, on atteint la vaste courbe que dessine la Loire entre Briare et Blois, le décor change totalement. L’œil séduit embrasse soudain des horizons d’une remarquable maiesté : c’est « le Val de Loire » qui vient alors d’appaaitre. Jusqu’au Saumurois inclus, il offrira désormais le spectacle continu de ses paysages harmonieux et mesurés où vergers et prairies se marient agréable¬ ment avec la vigne sous un ciel toujours lumineux et pur. Cette transformation survenue dans la nature, c’est au fleuve et à lui seul qu’il faut la rapporter. C’est lui en effet qui, par ses alluvions d’une étonnante fertilité, favorise l’épa¬ nouissement des plus riches cultures. C’est lui aussi qui conditionne le cli¬ mat : les souffles océaniques, remontant son cours, réchauffent les hivers, attié¬ dissent les étés et communiquent aux automnes une douceur incomparable. C’est lui enfin qui, en attirant et en fixant l’homme le long de ses rives, a permis la naissance de ces merveilleuses cités — Orléans, Blois. Amboise. Tours — jadis très prospères grâce à un commerce fluvial actif, aujourd’hui un peu assoupies mais néanmoins toujours vivantes à l’ombre de leurs monu¬ ments ou de leurs vieux châteaux. Ce n’est certainement pas la crainte des quelques maladies d’origine hydrique parfois signalées qui pourra diminuer l’attrait de cette élégante et riante vallée, dont le charme se retrouve jusque dans l’esprit même des habitants fait à la fois de réalisme et de finesse, de bon sens et de générosité. Le « Val de Loire » complété par le cours inférieur des grands affluents Cher, Indre, et Vienne — forme à vrai dire la seule partie attravante de la Touraine et de l’Orléanais Si peu que l’on s’éloigne de cette oasis de fécon¬ dité en escaladant les côtes qui la bordent, on pénêtre en effet dans des contrées qui présentent avec elle les plus vives oppositions. Au sud du fleuve, à l’intérieur de sa boucle, on trouve d’abord la Sologne. Ici, des nappes épaises d’argile et de graviers, arrachées au Massif Central, recouvrent les sédiments calcaires. Le sol imperméable et horizontal se prête mal à l’écoulement des eaux qui, naturellement, forment partout de longs sillons marécagoux. Ainsi, parsemée de marais, dé landes et de maigres cultures, elle fut longtemps un pays déshérité et malsain, envahi par les fièvres. Aujourd’hui, grâce à l’assèchement et à l’amendement des terres, elle est devenue une région de chasse, de pêche et même d’élevage, tirant bon profit de ses forêts giboveuses, de ses prairies ombragées, de ses étangs main¬ tenant bien entretenus et régulièrement empoissonnés. Quoique purement agri¬ cole, sa population n’a cessé d’augmenter au cours de ces dernières années, cependant que l’air s’assainissait et que le danger représenté par la Malaria se vovait définitivement écarté. Au-delà de la Sologne, le Berry offre un tout autre aspect. Il comporte avant tout un vaste plateau, dénommé « Champagne berrichonne », ou domi¬ nent les calcaires blancs et perméables. Ceux-ci, parfois tapissés de limons fertiles favorables au blé (fromentals), restent plus souvent à nu, donnant alors naissance à une steppe aride, la brande, humble domaine du mouton. Cet élevage, jadis très répandu, a permis le développement d’une industrie lainière très prospère, concentrée principalement autour de Châteauroux. D’autres industries sont apparues depuis, avant leur origine dans les ressour¬ ces mêmes du sol. Du calcaire, notamment, on extrait la chaux et de puis¬ eantes usines de ciment ont été créées. Deuz verreries à Vierzon utilisent le sable de la Sologne et de la vallée du Cher. Enfin le Kaolin de la région de 285 BASSIN PARISEN Montluçon alimente des faienceries où se fabriquent essentiellement des articles d’usage courant. En dépit de toutes ces activités — dont nous aurons plus loin l’occasion d’indiquer les inconvénients d’ordre nosologique — le pays reste pourtant pauvre et médiocrement peuplé : les villes, édifiées dans les vallées, ne sont pour la plupart que des marches sans gros débouchés Seule Bourges, cité à la fois historique et moderne, tranche un peu sur cet ensemble. Faisant même figure de petite capitale provinciale, elle exerce son influence, non seulement sur la « Champagne », mais encore sur tous les terri toires qui l’entourent, c’est-à-dire le Sancerrois avec ses collines garnies de vignobles, le Boischot humide et verdovant, la Brenne enfin et son socle gré¬ seux, véritable réplique à l’ouest de la triste Sologne. De l’autre côté de la Loire, sur sa rive droite, on retrouve également quelques « mauvais pays ». Telle cette forêt d’Orléans qui a pris place sur un amas de roçailles issu du Plateau Central. Telle aussi la « Gatine » touran¬ gelle dont le nom est synonyme de désert. Mais ces terres ingrates n’occu¬ pent en réalité que de faibles étendues. Bientôt apparaissent en effet, vers l’ouest, des terres plus accueillantes : l’Anjou et le Maine. Régions frontières, ou mieux zones de transition, le Maine et l’Anjou offrent des aspects très variés. Du nord au sud, elles présentent déjà le contraste habituel des pays à pommiers et des pays à vignes. Mais plus frappante sans doute est l’opposition qui existe aussi entre l’ouest et l’est : situées à cheval sur le Massif Armoricain et le Bassin parisien, elles possèdent en effet cha¬ cune deux portions bien distinctes, l’une hercynienne, bocagère et humide l’autre sédimentaire, plus sèche et plus plate. D’un côté, c’est l’Anjou noir et le Bas-Maine avec leurs terrains primaires voués surtout à l’élevage (bovins de race Maine-Anjou, porcs de Craon, moutons de Segré). De l’autre, c’est l’Anjou-Blanc et le Haut-Maine avec leurs surfaces calcaires, éminemment favorables à la vigne et aux cultures, sauf lorsque la présence de plaçards sablonneux vient imposer la forêt. En somme, d’une part c’est encore la Bretagne austère, de l’autre c’est déjà la Beauce florissante. Régions de transition du point de vue géographique, le Maine et l’Anjou sont aussi des régions de contact du point de vue humain. Elles le doivent à leur position particulière au carrefour des routes conduisant du Poitou à la Normandie et de Paris aux provinces de l’Ouest. Elles le doivent en outre à l’existence d’un réseau fluvial extrêmement dense qui parcourt le pays en tout sens, facilitant singulièrement les échanges. — bons et mauvais (polio myélite). — entre les différents secteurs. Ce réseau est esentiellement constitué par un éventail de rivières navigables formé par le Loir, la Sarthe et la Mayenne avec leurs affluents. Leurs eaux, unies sur un bref parcours sous le nom de Maine, se joignent à la Loire en aval des Ponts-de-Cé, contribuant ainsi à irriguer le « Val d’Anjou », le dernier peut-être mais certainement pas le moins séduidant des « Vaux » traversés par le fleuve. Les villes (Alençon, Le Mans. Angers), réparties le long des cours d’eau généralement à la limite de l’Est et de l’Ouest, jouent à la fois le rôle de marchés et de relais sur les grands axes du commerce. Mais en outre, si le Maine, et l’Anjou sont des régions d’agri. culture, d’élevage et de transactions très prospères, elles tirent ausi de leur sous-sol de grandes ressources. A défaut d’industries de transformation, elles Possedent en effet des industries minières actives, les unes relativement an ciennes, les autres plus récentes, toutes évidemment génératrices de siticose. Les premières sont représentées par l’exploitation d’un important gise¬ ment de schistes ardoisiers situé dans l’Aniou noir avec, pour centre princi¬ pal, Trélazé, près d’Angers. Ce gisement proquit creque anncc, Jasd e 236 LA PATHOLOGIE BREGIONALE DE LA FRANCE 175 000 tonnes d’ardoises d’excellente qualité, puisées dans des galeries sou¬ terraines extrêmement profondes s’enfoncant parfois jusqu’à 300 mêtres sous terre. Les secondes comprennent, outre les mines de fer de la région de Segré (200 000 tonnes en 1938), les mines d’anthracite de Montigné et les petits gise¬ ments d’or de la Lucette en Mavenne, de Saint-Pierre-Montlimart en Maine¬ et-Loire. A l’exception de ces derniers, on voit que toute cette activité minière se concentre dans la partie la plus méridionale de l’Anjou Noir, à proximité même de ce délicieux « Val d’Anjou » où se trouvent rassemblés les plus beaux vignobles, les prairies les plus grasses, les plus magnifiques champs de fleurs. C’est assurément là le coin le plus privilégié de ces provinces heu¬ reuses, à moins que l’on admette que ce soit au nord les verdovantes colines du Maine et du Perche, couronnées de forêts, et dont les appellations de « Suisse normande » et « d’Alpes mancelles » évoquent bien en même temps le charme et la fraicheur. Avec elles on quitte le bassin de la Loire pour voir apparaigre à nouveau la Normandie et, plus spécialement, le Bessin et le Pays d’Ouche. Ainsi se termine notre grand circuit autour du Bassin parisien. Avant exploré les régions périphériques, il ne nous reste plus maintenant qu’à dire un mot des quelques régions qui, au centre de ce Bassin, entourent direc¬ tement la Capitale. Sur les plateaux limoneux de la Beauce, la culture domine. Ici, chaque domaine est ’une véritable usine agricole emplovant de nombreux ouvriers et produisant en quantité blé, avoine et betteraves sucrières suivant les techni¬ ques les plus modernes Néanmoins, parmi toutes ces productions, c’est le blé qui l’emporte, méritant au pays le surnom de « grenier de la France ». Le gros bétail, presque toujours maintenu à l’étable, est nourri de pulpes de betteraves et de plantes fourragères. Il y a même quelques troupeaux de mou¬ tons qui pâturent dans les chaumes, donnant une viande et une laine excel¬ lentes, mais favorisant le développement de la Mélicococcie et surtout du Char¬ bon dans certains territoires bien déterminés que l’on appelle les « champs maudits ». Dans le paysage uniformément plat, sans vallées, sans étangs et sans arbres, quelques grandes fermes carrées se dressent comme des bastions au milieu des épis; au village vivent les ouvriers agricoles, souvent étrangers (belges, tchèques, polonais), mêlés aux artisans et aux commercants. De loin en loin montent les cheminées des sucreries et des distilleries qui travaillent l’hiver après l’arrachage des betteraves. Dans la Brie, par conire, sous une surface de calcaire grossier, souvent décomposé en pierre meulière s’étend une couche d’argile verte imperméable qui entretient partout l’humidité : grâce à celle-ci, les bois, les étangs et les prés se multiplient, l’élevage des bovins (race briarde) devenant dès lors la principale ressource avec production importante de lait et de fromage (« Brie de Melun ». « Brie de Coulommiers », etc.). Reste l’lle-de-France. Le sol comporte ici, de la surface à la protondeur des couches successives de calçaire, de gypse et de sable. Mais les eaux affluentes de la Seine, de la Marne et de l’Oise, avant déblavé les couches superficielles le plus souvent jusqu’au sable, ont mis en relief des buttes allongées, témoins des anciens nivéaux. Ces buttes portent sur leur erête cal¬ caire des bois, cependant que sur leurs flancs les carrières de plâtre alternent avec des vergers et quelques vignobles. Toutes encadrent des bassins alluviaux poy raipace re orepres cas cartures maraichères. 257 BASSIN PARISIEN On concoit qu’au milieu de tant de richesses naturelles un grand Centre ne pouvait que prospérer. Effectivement Paris doit en grande partie son essor prodigieux aux ressources abondantes et variées qui l’entourent. C’est ainsi que, sur place même (ou presque), se trouvent d’excellentes pierrès à bâtir (meulière de Brie, grès de Fontainebleau), du gypse pour la fabrication du plâtre, du sable, des bois de construction et de chauffage fournis par les forêts qui forment autour de la Capitale une magnifique auréole, des terres merveilleusement fertiles, propres soit aux grandes cultures (Beauce), soit à l’élevage (Brie), soit aux vergers et aux jardins potagers (alluvions des vallées). soit même à la vigne (collines d’Argenteuil et de Suresnes et surtout Cham¬ pagne, encore bien proche). Rien ne manque donc de ce qui est indispen¬ sable à la vie d’une immense fourmilière humaine. Pas même les sites agréables (forêts de Meudon, de Marly, de Saint-Germain, vallée de Chevreuse, etc. recherchés par les retraités qui volontiers s’y installent ou par le simple pro¬ meneur du dimanche en quête de quelques heures de détente. Ce rappel terminé nous étudierons, l’une après l’autre, dans les prochains chapitres, les principales affections qui contribuent à donner à la pathologie du Bassin parisien sa sillouette propre. Nous savons déjà que le développe¬ ment de ces affections est étroitement lié à des facteurs géographiques locaux. Avant de poursuivre, nous voudrions insister une dernière fois sur l’impor¬ tance de ces facteurs. A cet égard, six notions nous paraissent devoir être particulièrement mises en lumière : 1. — Le Basin parisien comporte des sones d’élection pour l’élevage des bobidés, agents de transmission fréquents des Brucelloses et de certaines para¬ sitoses. Le tableau ci-après indique les départements ou ces animaux sont les plus répandus (chiffres de 1936) : Ces animaux se rencontrent donc essentiellement dans les Flandres, en Normandie (pays d’Auge, Bessin et Cotentin) et sur les confins armoricains (Maine-Anjou), c’est-à-dire dans les pays humides de l’Ouest surtout favo¬ rables d’ailleurs aux vaches productrices de lait. A l’Est, par contre (plateaux bourguignons), c’est le bœeuf de labour et de boucherie qui prédomine et notamment le gros bœeuf importé du Charolais. 2. Le Bassin parisien donne écalement asile en bien des points au mouton dont le rôle est bien connu dans l’épidémiologie de la Mélitococcie du Charbon et de diverses autres maladies. A cet égard, les départements gros producteurs sont les suivants (1936) ce qui revient à dire que le mouton affectionne tout spécialement les plaines Sèches du Berry et dé Champagne, les coteaux calçaires de Bourgogne, les vastes espaces du Nord, les grands domaines de la Beauce et des régions proches de Paris, enfin le bocage normand (pré-salé). 288 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 3. — Certaines régions du Bassin parisien fabriquent en abondance des boissons alcoolisées, favorisant ainsi chez leurs habitants de dangereux abus. Chacun connait en particulier les vins de Champagne, de Haute-Bourgogne et d’Anjou, le cidre et le marc de Normandie, la bière et les eaux-de-vie du Nord. Voici d’ailleurs quelques chiffres très significatifs indiquant les taux de production élevés atteints par quelques départements : Année 1942. 4. — Le Bassin parisien est le siège d’industries extractiges nombreuses et variées, malheureusement génératrices de toute une série de maladies professionnelles en tête desquelles se place la Silicose. C’est ainsi que la honille s’extrait en abondance du grand bassin du Nord et du Pas de-Calais (30 millions de tonnes par an), accessoirement du bassin de Bourgogne (minès du Creusot), voire de quelques petits gisements anthracifères épars entre le Cotentin et la Vendée. Le minerai de fer est exploité dans l’Ouest le long de deux filons : celui de Normandie-Maine autour de Caen d’une part et celui d’Anjou-Basse-Bre¬ tagne autour de Segré d’autre part (2 millions de tonnes au total). Ajoutons à cela, outre les minuscules mines d’or du Maine-et-Loire et de la Mavenne, les grandes ardoisières des environs d’Angers et les carrières de gypse, de calcaire et de sable fréquentes dans le Berry, et les alentours de Paris. 5. — Notre grande plaine septentrionale possède une bordure ĉtière très étendue. Elle se trouve par ailleurs très fortement irriguée par tout un sys¬ tême de cours d’eau (bassin de la Seine, bassin de la Loire moyenne, fleuves côtiers aboutissant à la Manche et à la mer du Nord), complété et enrichi par un réseau important de canaux. Il en résulte des conditions éminemment propices au développement des maladies hydriques (affections typho-paraty¬ phoidiques, poliomvélite, leptospiroses, etc.) qui y ont créé des foyers d’endé¬ mie parfois très actif, tout comme du reste dans le bassin d’Aquitaine. 6. — Largement ouvert sur le Continent comme sur la mer le Bassin parisien est le carrefour par où passent obligatoirement toutes les invasions aussi bien maritimes que terrestres déferlant sur l’Europe occidentale. Il est 256 BADSIIN TANIIEIN aussi le point de rencontre des grands courants de circulation émanant de l’Europe centrale d’une part et des pays de l’Atlantique (Angleterre et Amé¬ rique surtout) de l’autre. C’est ainsi notamment que Le Havre recoit en moyenne 320 000 voyageurs par an, en majorité Américains. Dieppe 200 000 et Cherbourg, port d’escale, une soixantaine de mille environ. On concoit qu’un tel trafic ne puisse guère s’effectuer sans de réels dangers pour la Santé publique. Il apporte nécessairement aux pays traversés la menace cons¬ tante d’agressions épidéniques d’origine parfois très lointaine. Les facteurs géographiques avant ete décrits en détail avec leurs incidences nosologiques à priori probables, il ne nous reste plus maintenant qu’à relater te que ooses tion clinique nous enseigne. BIRLIOCRAPHIE J. AMPHQUX (M.) Le Havre « Les Presses modernes », édit, Paris 1931. 2. BRULEY (E.). Les Pays de Loire. Rieder, édit, Paris 1937. 3. CANU (J.). La Basse-Normandie. J. de Gigord, édit, Paris 1936. 4. CHANTRIOT (E.). La Champagne. Berger-Levrault, édit, Paris 1905. 5. CHIROL (P.). Rouen. Arthaud, édit. Grenoble, 1931. 6. DERRAYE (H.). En Touraine et sur les bords de la Loire. Collection « Les Beaux Pays 2. Arthaud, édit. Grenoble, 1925. 7. DEMANGEON (A.). La Picardie et les régions voisines : Artois, Cambrésis, Beauvaisis. A. Collin, édit, Paris, 1905. 8. DION (R.). Le val de Loirc. Arnault, édit. Tours, 1934. 9. GALLOIS (L.). Régions naturelles et noms de pays; étude sur la région parisienne. A. Colin, édit, Paris, 1908. 10. GRANOER (E.). La France, Arthême Favard, édit, Paris, 1947. 11. LEMAY et RORYN. — Le Nord. Albin Michel, édit. Paris, 1926. 12. LE MOY (A). L'Anjou, Paris 1924. 13. MARTONNE (E. de). Les régions géographiques de la Franc. A. Colin, édit, Paris, 1927. 14. MASSON (L.-M.). L’Ile de France. Collection « Les Beaux Pays ». Arthaud, édit. Gre¬ noble, 1928. 15. MAUCLAIR (C.). La Normandie. Collection « Les Beaux Paxs ». Arthaud, édit. Gre¬ noble, 1922. 16. MAURETTE, Toute la France, Hachette, édit, Paris, 1923. 17. MUSSET (R.). Le Bas-Maine. A. Colin, édit, Paris, 1917. modernes, Paris 1948. 19. SORIE (M.) Lindustrie extractive dans la reion du Nord, Lille 1927. 20. VACHPR (A.). Le Berry, A. Colin, édit. Paris, 19683. REPARTTION DU CHEE D’après F. CRANGER Départements qui nourrissent : chnifres de 1936). 362 LA PATUOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 1 — LA FIEVRE ONDULANTE Situé au carrefour des grandes voies naturelles qui relient l’Europe sep¬ tentrionale à la portion occidentale de la Méditerranée, le Bassin parisien n’a pu longtemps échapper à la marche concentrique des Brucelloses parties de ces deux poles opposés. Du Sud lui est venu tout d’abord la véritable fièvre de Malte, due à Bru¬ cella Melitensis et véhiculée par les moutons et par les chèvres, Introduite dès 1908 sur nos cêtes méditerranéennes par des troupeaux originaires de l’ile anglaise, elle n’a pas tardé à se propager à toute la zone alpestre à la faveur de la transhumance, pour gagner ensuite les plaines de Bourgogne, de Cham¬ pagne et de Flandre, utilisant à cet effet la route traditionnelle des échanges représentée par le long couloir du Rhône et de la Saône. Quant à la Brucellose d’origine bovine, due à Brucella Abortus, elle semble n’avoir fait son apparition en France que quelques années plus tard. Issue des pays nordiques, elle a rapidement pris pied en Franche-Comté et en Alsace. avant de s’élancer vers l’Ouest à la conquête des rivages de l’Atlantique et de la Manche. Comme son ainée, elle s’est partout développée grâce à l’ab¬ sence de toute réglementation sanitaire assurant la protection des troupeaux et interdisant l’introduction dans un cheptel encore sain d’animaux provenant des zones contaminées. Actuellement on peut dire que le Bassin parisien a été tout entier sub¬ mergé par cette double vague de morbidité, la densité des atteintes variant toutefois sensiblement avec les régions considérées. D’après les documents publiés, la pénétration de la Mélitococcie dans l’en¬ semble des territoires drainés par la Seine et la Loire ne remonterait qu’à vingt-cinq ans tout au plus, les premiers cas signalés paraissant être ceux de Grenoilleau dans le Loir-et-Cher, de Duthoit dans le Nord et de Leleu et Davesne dans l’Oise relatés au cours des années 1932 et 1933. Par la suite, le mal s’est très vite répandu aux contrées voisines, sa pré¬ sence avant été constatée tour à tour avant 1937 dans l’Eure (Pellerin), l’Orne (Dordain), l’Aisne, la Marne et les Ardennes (Favret), l’Eure-et-Loir (La¬ grange), le Loiret (Dechy et Lévy), la Haute-Marne (Gréhaut), la Brie (Laporte), la Somme (Grigny) et le Cher (Esbach). En 1938. Dévé pouvait annoncer au Corps médical de Rouen l’envahissement total de la Normandie. La période de 1939-1942 devait amener finalement la liquidation des quelques lots intacts restants, comprenant notamment l’Indre et les départements limi¬ trophes de la Bretagne (Sarthe. Mayenne. Maine-et-Loire). Telle est du moins la version chronologique des faits établie d’après tout un faisceau de publications et de statistiques. Mais, en réalité, on peut se demander si, aux dates indiquées, la maladie était aussi nouvelle qu’on le suppose dans les régions que nous venons d’énumérer Il semble bien plutôt qu’elle y évoluait déjà à bas bruit depuis quelques années à l’insu des médecins praticiens non encore avertis de son existence. En consultant la plupart des textes, et en particulier les thèses de Favret et de Mme Rose-Léonard, on trouve en effet plusieurs observations authentiques de Mélitococcie nettement antérieures aux révélations officielles et dont souvent le diagnostic ne fut que rétrospectivement posé. Bien mieux, dans sa monographie de 1934. P. Rossi nous fait savoir que dès 1925 un cas de Brucellose avait pu être identifié dans le Loiret chez uh vétérinaire n’avant jamais quitté le pays. N’oublions pas BASSIN PARISIEN 263 enfin que l’observation très ancienne de P.-E. Weil et Ménard communiquée en 1912 à la Société médicale des Hopitaux de Paris concernait un ouvrier de la région d’Evreux. Toutes ces constatations ne sauraient d’ailleurs nous étonner. Il est en effet démontré que la Fièvre ondulante humaine succède partout à une conta¬ mination du cheptel local. Or, il y a fort longtemps que l’avortement épi¬ zootique des bovidés est connu dans toute la partie nord de la France. Logiquement on peut donc admettre que l’invasion du Bassin parisien par les Brucelloses, latente pendant une certaine période, est devenue une réalité autour de 1930, et s’est achevée une quinzaine d’années plus tard, au lendemain de la deuxième guerre mondiale. En ce qui concerne, maintenant la Répartition topographique de la maladie, une autre notion importante mérite d’être soulignée. De toute évidence, l’afection ne s’est pas répandue de proche en proche sur le pays à la manière d’un flot continu. Elle semble au contraire avoir pro¬ gressé par bonds successifs, sautant sans aucun ordre apparent d’un secteur à un autre au hasard des circonstances, donnant l’impression de « parachu¬ tages » en séries effectués à plus ou moins grande distance. Ainsi ont pu se constituer des fovers, d’abord dispersés et limités à une ferme, un hameau¬ une commune, ensuite plus étendus, créant finalement par leur coalescence les foyers d’endémie signalés dans la litf́rature médicale. Ceci va nous permettre de distinguer deux phases dans l’histoire de la contamination du Bassin de Paris. A. — LA PERLODE D’AVANT-CUERRE (1930-1939): DISCONTINUIT DES BRUCELLOSES DANS L’ESPACE. S’il est vrai que c'’est d’après la répartition des premiers cas que l’on peut le mieux apprécier les facteurs de dissémination d’une infection en pays neuf, il n’est pas sans intérêt d’essaver de déterminer quels ont été dans le Bassin parisien les fovers initiaux de Brucellose humaine. Malheureusement trop de faits, surtout au début, sont demeurés dans l’ombre pour qu’il nous soit aujourd’hui possible de reconstituer la marche exacte du processus. Dans ces conditions nous nous bornerons donc à indiquer les quelques points d’im pact qui, de bonne heure, ont attiré l’attention des auteurs et fait l’objet d’études particulières. D’après les renseignements que nous avons pu recueillir, ils sont au nombre de quatre ainsi définis : J. - Le fover de la région du Nord : Sa topographie a été bien précisée par A. Bernard et Carnin qui se sont basés sur un "lot de 35 observations, les unes personnelles, les autres déjà publiees. D’après ce document, la grande majorité des cas se serait trouvée concen¬ trée au niveau du quadrilatère « Lille-Abbeville-Laon-Hirson » avec, à l’inté¬ rieur de celui-ci, deux zones spécialement touchées, à savoir le territoire com¬ pris entre Arras. Doullens et Montreuil d’une part et la vallée de la Samble et de ses affluents d’autre part. 264 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE considéré comme à peu près terminé. 266 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA TRANCE BASSIN PARISIEN 265 2. - Le fover briard : signalé par Laporte et ses collaborateurs sans d’ailleurs d’indications precises d’ordre statistique ou topographique. 3. - Le foyer nivernais : se prolongeant vers le Nord dans la région de Sermaises (Loiret) où Dechy a pu dénombrer 4 cas au cours de la seule année 1934. 4. - Enfin, le fover normand : Son étude a été surtout entreprise par Mme Rose-Léonard qui, dans sa thèse (1940), est parvenue à réunir 27 observations de la maladie dont 5 encore inédites et 3 communiquées par les services vétérinaires. Sur cet ensemble, 12 proviennent du pays de Caux et 7 des confins du Calvados et de l’Eure. Accessoirement on en note 3 localisées à l’extrémité de la presqu’ile du Cotentin et 2 dans la campagne de Caen (voir carte ci¬ dessus). Il est bien évident que même à ses origines la conquête du Bassin pari¬ sien par la Fièvre ondulante ne s’est pas limitée à ces quelques étapes essen tielles. D’emblée, comme nous l’avons déjà dit, elle s’est effectuée en ordre dispersé à travers les différentes zones d’élevage, jetant cà et là entre les gites principaux des chainons intermédiaires, d’ailleurs sans relation nécesaire les uns avec les autres.: C’est ainsi que Grigny nous apprend que, dès 1936 et 1037, des cas de Mélitococcie ont été rencontres dans le Sud du département de la Somme et plus spécialement dans le secteur Montdidier-Moreuil-Roye, ces cas étant venus s’ajouter à d’autres signalés simultanément dans l’Oise. De même. Favret fait état dans sa thèse — où se trouvent de nouveau relates plusieurs cas ardennais figurant dans le travail d’A,. Bernard et Car¬ hin — d’un certain nombre d’atteintes concemnant les départements de l’Aisne et de la Marne. Ainsi, tant au Sud qu’à l’Est, les limites assignées par les auteurs lillois au fover nordique semblent avoir été assez rapidement dépassées. Autour du cours moyen de la Loire les constatations sont encore iden¬ tiques puisqu’en 1938 Esbach relate quelques cas dans le Berry que la parti¬ cipation du Loiret permet aussitôt de relier à ceux de Lagrange dans l’Eure¬ et-Loir. Quant au fover normand, il ne tarde pas à éclater à son tour vers le Sud et le Sud-Est, débordant à la fois en direction de la Sarthe, de la Mavenne et du Maine-et-Loire. En fin de compte on s’apercoit qu’à la veille de la dernière guerre mon¬ diale l’envahissement par les Brucelloses du Bassin de Paris pouvait déjà être B. — PERIODE ACTUELLE: URIQuITE DE LA FIEVRE ONDULANTE. Les années qui ont suivi les événements de 1939,1940 ont été surtout mar¬ quées par l’intégration dans les zones contaminées des quelques lambeaux de territoire encore demeurés indemnes. Désormais, tout le Bassin parisien sans exception apparait comme infecté — à des degrés assez divers toutefois, ainsi qu’en témoignent notamment les statistiques de l’Institut National d’Hygiène. lesquelles nous ont permis d’établir les échelles de valeur ci-après pour deux périolles quinquennales sucesives : 1. - Indices de morbidité brucellienne pour 100000 Labitanks, celevés dans le Bassin parisien durant la période 1941-1945 » 1° — Départements avant un L. M. supérieur à 1 : Yonne (1.26), Orne (l. 15) et Indre (1.94) : %07 BASSIN PARISIEN 28 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 2° — Départements avant un L. M. compris entre 0,50 et 1 : Aisne (0.94). Côte-d’Or et Saĝne-et-Loire (9.92). Loir-et-Cher (0,88), Haute-Marne (0,84). Calvados (0,80), Nièvre (0,65). Seine¬ et-Marne et Eure (0,50) : 3° — Départements avant un L.M. inférieur à 0,50 : Somme et Loiret (0,42). Seine-et-Oise (0,35). Cher (032). Seine. Inférieure (0,27), Aube (0,24), Maine-et-Loire et Mavenne (0,20). puis Indre-et-Loire, Sarthe, Nord, Manche, Marne, Eure-et-Loir. Seine. Oise et Pas-de-Calais. 1° — Départements avant un L.M. supérieur à 1,50 : (1,88) : 2. - Indices de morbidité brucellienne pour 100,000 habitants, relevés dans le Bassin parisien durant la période 1949-1953 : Calvados (2,84). Haute-Marne (2,66). Côte-d’Or (1.90) et Indre 22 — Départements avant un L.M, compris entre 1 et 1.50 : Cher (1.32). Seine-et-Marne (1.28). Saone-et-Loire (L.29). Manche (1.24), Maine-et-Loire (1.12) et Orne (1.683) : 3° — Départements avant un LM, compris entre 0,50 et 1 : Nièvre (0.94). Aube (0,86), Somme (0,74). Eure et Marne (0,70). Sarthe (66). Loiret (0,64). Yonne (0,62) et Aisne (0,52);. 4. — Dnartements, aunt n LM infrieunr a 959 : Oise (0,48). Eure-et-Loir (942) Loir et Cher (9 34) Indre-et. Loire (0,30). Mavenne (0. 18), puis Seine-et-Oise, Nord, Seine Pas-de-Calais et Seine-Inférieure. A la lecture de ces deux tableaux, on remarque que les Brucelloses atteignent aujourd’hui tous les départements du Bassin parisien, sans excep tion aucune. On constate, en second lieu, que la fréquence de ces affections a subi d’une manière générale, au cours de ces dernières années, un accroissement marqué, ainsi qu’en témoigne notamment la comparaison des taux observés entre les deux périodes 1941, 1945 et 1949,-1953. Cependant, en dépit de l’extension de la maladie, les indices demeurent assez modérés sur toute l’étendue du territoire considéré par rapport au reste de la France. A cet égard, la statistique 1949-1983 nous apprénd que, dans le classement général des départements français établi en fonction de ces indices, I1 départements du Bassin se trouvent dans le dernier tiers de la liste et 15 dans le second, alors que trois seulement — le Calvados, la Haute Marne et la Côte-d’Or — s’incorporent dans le premier tiers, et encore de justesse puisqu’ils y occupent respectivement les 25°, 26e et 29e rangs. La confrontation des deux tableaux ci-dessus nous montre enfin que l’on assiste de nos jours à un véritable transfert des pôles d’activité maxima du processus, des départements comme l’Indre, autrefois peu compromis, se ran¬ geant aujourd’hui parmi les plus touchés. Cette impression se confirme d’ailleurs si au lieu de se baser sur les moyennes de plusieurs années on s’adresse aux statistiques annuelles, celles (1) Voir à ce propos le tablcaut de E. Grapger, p. 260. 269 BASSIN PARISIEN ci montrant par exemple les taux les plus élevés passer de l’Aisne et de l’Indre en 1941 au Calvados et à l’Orne en 1945 puis à la Haute-Marne et à l’Yonne en 193. De pareils changements ne doivent aucunement nous surprendre : on sait en effet qu’ils dépendent des oscillations de l’endemie animale, liées elles¬ mêmes aux variations du cheptel. Ubiquité, densité moyenne faible et mobilité : telles sont en définitive les trois caractéristiques actuelles de l’endémie mélitococcique dans tout l’es¬ pace compris entre les Vosges, le Plateau Central et le Massif Armoriçain. Les Brucelloses étant transmises à l’homme par l’animal, il convient main¬ tenant d’examiner quels sont dans le Bassin de Paris les Centres d’élevage les plus actifs, cette étude étant susceptible de fournir des indications pré¬ cieuses quant à la nature et à l’origine des contaminations humaines. Que nous enseignent à ce propos les manuels de géographie 2 Voici, selon eux, la répartition suivant les espèces des Centres envisagés : — pour les boyins : le Nivernais avee ces gros boeufs blancs les plaipes du Nord avec la race flamande rouge et tachetée et, surtout, les bocages de l’Ouest ou l’on voit les « bringes » normandes prospérer dans les grasses prairies du Bessin, du Cotentin et du pays d’Auge; pour les ovins : outre les maigres pacages de la Champagne et du Berry, les terres de haute culture de l’Ile-de-France et de la Picardie où les moutons se contentent volontiers comme nourriture des chaumes de l’automne. Dès lors, il est facile de constater que les régions énumérées sont préci¬ sément celles ou la Fièvre ondulante sévit avec le plus d’intensité. Partout se manifeste donc une corrélation étroite entre le développement de la maladie et l’abondance du chcptel. Mais déjà nous savons que dans ce domaine ce n’est pas tant le nombre des animaux qui importe (1) que la fréquence et l’amplitude de leurs déplacements. Dans de précédents chapitres nous avons eu l’occasion de souligner les méfaits causés par la transhumance. Si au nord de la Loire cette coutume n’est plus en honneur, une autre malheureusement l’a fort avantageusement remplacée dont nous allons ici dire un mot. Depuis plusieurs années dans certaines contrées on ne cherche plus à élever les bêtes jusqu’à leur croissance complête : on en assure la repro duction et on les vend ensuite très jeunes à des éleveurs spécialisés dans l’en graissement du bétail de boucherie. C’est ainsi que le Haut-Morvan expédie ses veaux vers les prés d’embouche de l’Auxois. Les grandes fermes des pla teaux limoneux situés entre Versailles et la Beauce reçoivent de même le bœeufs normands deodeux ans qu’elles mettent six mois à préparer pour l’abat¬ toir. Et les bouvillons nivernais vont s’engraisser en Picardie orientale avec de la pulpe de betterave. Certes, ces prâtiques ne sont pas exclusivement propres au Bassin parisien puisqu’elles sont également en usage entre le Limou¬ sin et les Charentes pour ne citer qu’un exemple. Il n’en reste pas moins vrai qu’elles contribuent largement à la diffusion de l’affection à la faveur dues contacts qu’elle entraine entre animaux de provenances différentes. entré en contact à l’étable. 27 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Encore ne s’agit-il là que de migrations purement intérieures entre régions voisines ou en tout cas peu éloignées. Mais à ce danger il faut en ajouter un autre, sans doute bien plus grave : nombre de cultivateurs, dans le but de compenser les abattages et les pertes, ont pris l’habitude de faire venir dans leurs exploitations des bêtes achetées au-dehors et notamment des vaches comtoises ou montbéliardes ainsi que des moutons des garrigues, c’est-à-dire des espèces avant vécu en zone hautement contaminée. Ainsi apparaissent sans cesse dans des secteurs jusqu’alors indemnes des bouffées épidémiques aussi soudaines qu’inattendues que l’enquête ne tarde pas à rattacher à l’apport de ces éléments étrangers. Avant d’aller plus loin, nous pouvons tirer de ces considérations deux ordres de conclusions dont l’intérêt du point de vue épidémiologique n’est pas à démontrer : Les premières ont trait à l’espèce animale susceptible d’être incriminée dans chaque cas de contagion humaine. A priori, l’origine ovine sera surtout suspectée le long du vaste arc de cercle qui va du Berry à la Picardie en passant par la plaine champenoise. La, elle entre cependant en compétition constante avec l’origine bovine, laquelle doit être mise uniquement en cause dans toutes les autres régions (1). Les secondes — qui ne sent du reste que les corollaires des précédentee se rapportent au germe responsable. Celui-ci sera à peu près partout le bacille de Bang, soit seul, soit associé au Melitensis dans les pays à moutons (dépar¬ tements de Saone-et-Loire, Aube. Marne et Nord, et sans doute Berry). Ces quelques données d’ordre général étant acquises, examinons plus en détails le cas particulier de la Normandie, les principes que nous venons d’énoncer paraissant y avoir trouvé leur application la plus complè̂te. En Normandie, ce qui frappe avant tout c’est l’existence pratiquement exclusive de la Brucellose humaine d’origine bovine, à en juger par les docu¬ ments publiés par Me Rose-Léonard en 1940. En effet, s’il est arrivé cà et là d’observer quelques cas d’avortement épizootique chez la brebis, jamais il n’a pu être prouvé qu’ils aient été à la source des accidents rencontrés chez l’homme (A. Richart) (2). Quant à l’étiologie caprine, elle parait tout aussi peu vraisemblable étant donné le petit nombre des chèvres normandes, leur origine autochtone et leur vie isolée à l’attache, sans relation avec le reste du bétail. A quoi donc atribuer cette origine apparemment unique 2 Probablement à la forte prédominance locale du cheptel bovin démontrée par le tableau ci¬ après et à la fréquence de son atteinte brucellienne révélée par l’apparition d’avortements en série. (2) Néanmoins. Mme Rosc-Léonard fait allusion, dans sa thèsc, à un cas normand de Brucéllose à mnelitensis, sans du reste préciser quel a été, en l’occurcnce, l’agent con¬ taminateur. Il peut fort bien s’agir d’un mouton importé avant trausiuis la maladie à l’homme, soit directement, soit par l’intermnédiaire des bovidés avec lesquels il était BASSIN PARISIEN 271 Etat du cheptel dans les départements normands d’aprés le Builletin ded’office de renscicnements aoricoles du ler auri I (in thèse Rose-Léonard) (1). Ceci étant dit, ce qui nous intéresse le plus maintenant c’est de voir exactement comment se répartissent à travers la province les foyers épizoo¬ tiques chez les bovidés. Or, voici les renseignements communiqués à ce sujet par les Services vétérinaires départementaux. Ils se montrent pour le moins sigificatifs (voir carte p. 266). Dans la Seine-Inférieure la maladie s'’est surtout répandue dans le pays de Bray où l’on pratique l’élevage des vaches laitières, spécialement autour de Doudeville (Richart). Dans l’Orne et dans l’Eure l’avortementr à Br. Abortus est également très souvent signalé. Dans ce dernier département les zones les plus touchées sont le plateau de Neubourg et l’arrondissement de Bernay, une certaine régression étant par contre notée dans l’arrondissement des Andelys et dans les environs d’Evreux (Delaunay). Dans le Calvados, la proportion des communes infectées était de 100 % en 1937, pendant que la proportion des exploitations intéressées était au même moment de 9 à 12 %; la plus forte densité des atteintes était observée dans certaines parties du Bessin ainsi que dans la portion Sud-Quest de l’arron¬ dissement de Caen. Dans la Manche enfin, le mal prend également une extension fort inquié¬ tante décimant parfois totalement les portées de jeunes veaux. Ainsi se vérifie intégralement pour les cinq départements normands la règle suivant laquelle une concordance étroite s’établit entre les zones d’épi¬ zootie et les foyers d’endémie humaine. Cette remarque mérite d’autant plus d’être formulée que la loi comporte quelquefois des exceptions, la superposition des deux processus n’étant pas toujours aussi absolue. C’est ainsi que Carnin, étudiant les pourcentages de l’infection hovine dans les arrondiesements d’Avesnes de Cambrai et de Valenciennes, où les cas humains sont très fréquents, les trouve respectivement de 14, 22 et 15 %: alors que dans l’arrondissement de Dunkerque, où aucun cas humain n’a encore été déclaré, il les voit s’élever à 17 %. 272 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE Semblablement beaucoup d’auteurs s’étonnent — et à juste titre — de l’apparition souvent très tardive de la Fièvre ondulante dans des contrées où l’avortement épizootique des bovidés est cependant bien connu et depuis fort longtemps dénoncé. Comment interpréter ces divers phénomènes2 S’agit-il d’un depistage insuffisant de la maladie par méconnaissance de ses signes cliniques habi¬ tuels? D’une fréquence toute particulière des formes atténuées et même inap¬ parentes dont le diagnostic n’est que rarement soupconné" D’une adaptation plus ou moins prompte à l’homme d’une affection primitivement sans viru¬ lence pour luiz Il est évidemment bien difficile de choisir entre ces diffé¬ rentes hypothèses. De toute facon, la persistance de ces quelques points obscurs ne peut en rien diminuer la portée des faits que nous vehons d’exposer. En ce qui concerne les différents modes de contagion, nous ne pouvons que répéter ce que nous avons déjà dit à maintes reprises. Aussi ne revien¬ drons-nous pas sur l’éventuelle contamination par ingestion de lait ou de fro¬ mazes, ni sur celle beaucoup plus fréquente par contacts directs avec l’animal à l’occasion surtout des opérations de délivrance. A titre de curiosité nous signalerons cependant deux cas d’infection acci¬ dentelle observés, l’un chez un vétérinaire, l’autre chez un éleveur, après une vaccination de bovins par le vaccin polyvalent vivant. Dans sa thèse. M°e Rose-Léonard insiste assez longuement sur les dangers pour l’homme de cette méthode thérapeutique. Pour termiher, il nous faut envisager la question des aspects cliniques locaux de la maladie. A cet égard nous ne crovons pouvoir mieux faire que de reproduire quelques opinions. Selon Dévé, la Fièvre ondulante se présente ordinairement en Norman¬ die sous sa forme sudoro-algique habituelle (14 cas sur 27). Néanmoins l’auteur à observé dans 2 cas une atteinte hépatique et dans 7 une orchite. Par contre. il n’a jamais rencontré de lésions vertébrales, sacro-coxalgiques ni méningées. D’après Grigny, l région du Nord se signalerait par la prédominance de certaines formes spéciales. Sur 37 cas il note en effet : 8 formes pseudopara¬ typhoidiques, 14 formes pseudotuberculeuses avec, dans un cas un foyer pul monaire tenâce et 13 fois une localisation articulaire. Il est vrai qu’il ne relate que 2 fois une orchite, une fois une réaction méningée et jamais de lésion osseuse. Par ailleurs Laporte observe en Brie un syndrome abdominal aigi et Favret dans les départements de l’Est une localisation pulmonaire d’emblée. Tous sont d’accord pour insister sur la fréquence des formes ambulatoires et frustes et sur la gravité actuelle des formes à Abortus considérées au début par Ledoux en Franche-Comté comme de pronostic relativement bénin. Quoi qu’il en soit, les quelques nuances que nous venons d’indiquer ne gauraient suffire à conférer à la Fièvre ondulante évoluant dans le Bassin parisien une physionomie clinique propre, l’affection présentant dans son ensemble les mêmes caractères que dans n’importe quelle autre région française. BASSN PARISIEN 23 BIRLIOCRAPHIE GENERALITES: 18 274 LA PATHOLOGIE RÉGIONAIE DE LA TRANCE 23. DAINVILLE DE LA TOUINELLE. Considérations sur la Brucellose dans le Calvados. Ann hyg, t, 28, 1950, pp. 157-162. 24. DÉVE (F.). Apparition des Brucelloses humnaines dans la Seine-Inférieure. Normandie méd., février 1938. 25. DEvE (F.). Les Brucelloscs en Normandic. Normandie méd, n° 2, 1938. 26. DORDAIN, Un cas de Fièvre de Malte. Normandie med, juin 1934. 27. DULISCOUET. CALLEGCARIL, MARQUE et HUREL. La Fièvre ondulante dans le département de la Manche, Paris méd., 20 aout 1938, p. 121. 28. EsTIvAL et DEvé. Forme hépatique de la Fièvre ondulante. Normandie méd, févr, 1938. 29. JEAX. Un cas de Bruceltose. Normandie méd, février 1938. 30. LERORGNE et CALMET. Un cas de Fièvre ondulante dans la Seine-Inférieure. Normandie méd., févr. 1938. 31. LENEVEU (A.). Regards sur la Brucellose humaine. Bull, de la Soc, de méd. vétér. de la Seine-Infér. et de l’Eure, 1934. 32. MACNIAUX et DÉVE, Brucellose à forme d’ictère infccticux à rechutes. Normandie méd. aout 1938. 33. PELLCHIN. La Fièvre ondulante dans le département de l’Eurc. Normandie méd. mars 1933. 34. PoTEz, Un cas de Brucellose humaine d’origine bovine. Normandie méd., août 1938. 35. ROSE-LÉONARD (Mme M.-L.). Les Brucelloses en Normandie. Thèse, Paris, 1940. 36. SOULIGXAC. Sur un cas de Fièvre de Malte observé en Seine-Inférieure. Normnandie méd., août 1937. 37. VITET et DEvE, Apparition des Brucelloses humaines en Scine-Inférieure. Normandie Lu LES AFTECTIONS TVPHOIDIQUE Nous avons déjà insisté sur les similitudes qui existent entre le Basin parisien et le Bassin aquitain, non seulement dans le domaine de la géogra¬ phie pure, mais encore dans celui de la pathologie humaine. Ces ressem¬ blances étant particulièrement nettes en ce qui concerne la fréquence et la répartition des affections typhoidiques nous nous bornerons ici à des indica¬ tions assez générales, trenvovant pour le détail au chapitre que nous avons déjà consacré à la région du Sud-Quest. Comme pour cette région, nous envisagerons successivement : A — La situation avant l’année 1948; B. — La situation actuelle. A — LA SITUATION AVANT L’ANNEE 1948. I. — Si l’on considère tout d’abord la distrihution topographiqne d’en¬ semble des typhoses dans le bassin de Paris, on s’aperçoit qu’avant la date indiquée ces maladies sévissaient avec une électivité remarquable dans deux zones bien distinctes : 1° — la côte normande avant pour centre Le Havre 2° — l’ile de France avant pour centre Paris. Voici, en effet, quelles furent, d’après cet auteur, les taux de mortalité typhoidiques enregistrés au cours de la période 1925,1931 dans les deux groupes de départements désignés : des campagnes en face du problème de la mortalité typhique, voici à quelles BASSIN PARISEN 273 Il est facile de constater que ces deux zones correspondaient assez evac¬ tement aux deux grands fovers que nous avons déjà rencontrés en Aquitaine. à savoir : 1° — les Charentes et la Gironde avec Bordeaux; 2° — la région toulousaine. Ces notions, si elles ne ressortent pas très clairement des statistiques offi¬ cielles de l’Institut National d’Hygiène relatives aux années 1939, 1945, devien nent au contraire d’une étonnante netteté si l’on s’adresse aux statistiques anté¬ rieures de Dubreuil publiées en 1936. l° — groupe de la côte normande : Seine-Inférieure (4,7 pour 100 000 habitants). Calvados (4,4). Manche (4,3): 2° — groupe de l’Ile de France : Seine (4,9). Seine-et-Oise (4,6). Seine-et-Marne (4,5). Ces chiffres s’opposent manifestement aux indices relevés dans les autres départements du Bassin parisien, lesquels apparaissent comme beaucoup moins touchés. A cet égard, on remarquera tout spécialement les taux très bas recueillis dans tout le secteur Nord-Est, vers les confins de la Lorraine, où l’on note par exemple : Aube (2,2). Aisne (1. 8). Marne (1.6). Ardennes (1.3). Sans ariver à des valeurs aussi faibles, la région du Nord, malaré son intense peuplement, se révèle de son cêté comme moins contaminée qu’on pourrait le supposer à première vue ainsi qu’en font foi les deux données suivantes : Pas-de-Calais (1.4), Nord (1.O) D’une manière générale on peut donc conclure de ce document qu’avant guerre le Bassin parisien dans son entier ne pavait aux affections typhoidiques qu’un modeste tribut, puisqu’un seul de ses départements, celui de la Seine. dépassait alors, et encore de justesse, par son indice de mortalité l’indice moyen de toute la France (4.8). Il n'’en demeure pas moins vrai cu’ici comme ailleurs on vovait à l’époque se vérifier la première loi de Dubreuil selon laquelle les maladios n° 1 se focatisuient électiventent le long des zones côtières et dans les régions comupor. tant une forte densité de populution. La région du Nord cependant méritait d’être rangée à part car elle constituait une exception relative à cette règle. I1. — Si l’on étudie maintenant le comportement resnectif des villes el 176 276 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE observations on aboutissait à ce moment en prenant pour base la même documentation : Si l’endémo-épidémie prédominait à la fois dans la région parisienne et dans le département de la Seine-Inférieure, elle se concentrait essentiellement à l’intérieur des grandes agglomérations urbaines, c’est-à-dire à Paris d’une part et, de l’autre, à Rouen et au Havre. Nous n’insisterons pas sur le cas de l’agglomération parisienne : il suffit sur ce point de comparer le taux de la Seine précédemment rapporté à celui de ses deux départements voisins de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise, les¬ quels englobent déjà une forte population rurale. Mais le contraste est beaucoup plus sensible quand on fait le détail du taux obtenu en Seine-Inférieure : Seine-Inférieure dans son ensemble 4,7 Partie rurale du département..... 1,0 Rouen (122 000 habitants)......... 8,5 Le Havre (161 00 habitants)...... 8,2 de même que dans le Nord : Nord dans son ensemble Lille (193 000 habitants) Le seconde loi de Dubreuil se vérifiait donc également, l’endémie typhoi¬ dique se montrant bien plus prononcée dans les viltes que dans les campagnes. A ce propos, il nous parait opportun de rappeler la place occupée, il y a environ un quart de siècle, par chacune de nos grandes cités du Bassin parisien sur la liste générale des 17 villes de France comportant alors plus de 100 000 habitants. Voici quel était ce classement au cours d’une enquête effectuée durant la période 1926-1931 : 3,1 Le Havre Paris Rouen Lille: Reims . Iodbaix 6 9 1 145 16 Ainsi, ces agglomérations se situaient toutes après les grands Centres du Midi méditerranéen (Toulon, Marseille et Nice) et du Midi océanique (Bor¬ deaux et Toulouse), avec lesquelles nos deux villes septentrionales les plus touchées ( Le Havre et Paris) pouvaient néanmoins soutenir la comparaison. R — LA SITHATION ACTUELLE. Moins facile à systématiser qu’au cours des périodes précédentes la situa¬ tion actuelle se caractérise surtout par un double phénomène que nous avons déjà signalé dans les autres régions, à savoir : une diffusion plus grande de l’endéptie dans l’espace et, simultanément, une régression de plus en plus GASSIN PARISIEN 227 marquée dans le temps. Le premier de ces facteurs apparait nettement dans le tableau ci-après : dans le Bassin Parisien durant la période 1949-1953 (I.N.H) Morbidité causée par les Fièures typhoides L’analyse de ce tableau permet de dégager plusieurs faits nouveaux intéresants : 1) Tout d’abord, l’ancier tover « Quest » du Bassin parisien subsiste mais il déborde désormais largement le cadre littoral pour gagner l’arrière-pays. Il englobe — outre la Seine-Maritime, le Calvados et la Manche — l’Orne, la Sarthe, l’Eure et Loir le Maine et. Loire et à l’autre extrémité, la Somme, ces derniers départements étant même les plus fortement touchés. 2) Le fover parisien a, par contre, perdu de son importance, les trois départements qui le composenr accusant aujourd’hui des taux de morbidité assez modérés, évidemment très influencés par l’extrême densité de la popu¬ lation qui aboutit fatalement à la dilution des atteintes. 3) Enfin un fover nouveaut est né, localisé aux frontières Sud-Est du Bassin et réunissant les départements de l’Indre, du Cher, de la Nièvre, de la Côte-d’Or, de la Haute-Mamne et de l’Vonne. Franchement intérieur, il semble Dour le moment moins vivace que le « fover Quest ». Quant aux départements du Centre (Loiret. Loir-et-Cher, Indre-et-Loire. Aube, etc.) et du Nord (Nord, Pas-de-Calais. Aisne. Oise, Marne.), ils emeurent, comme par le passé, relativement épargnes. Sud. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 278 Reste maintenant à préciser le second point, relatif, comme nous l’avons vu, à la régression actuelle de la maladie. Cette régression, d’ailleurs, est surtout sensible depuis 1950, l’année 1949 avant encore été marquée par une poussée épidémique violente. Voici à cet égard quelques chiffres qui paraissent Partrculièrement probants : Evohution des indices de morbidité typlo-poaratyphoidiques dans auclques departements au cours de ces dernières années. L’origine de cette évolution a déjà été indiquée dans d’autres chapitres. On sait qu’elle est due avant tout au renforcement des contrôles sanitaires portant sur l’eau et les produits d’alimentation, à la pratique généralisée des vaccinations et aussi à l’emploi de thérapeutiques modernes d’une remarquable efficacité. Nous no reviendrons pas ici sur des données qui ont fait précé¬ demment l’objet de commentaires assez détaillés. Nous les retrouverons d’ail¬ leurs dans un instant. Les causes de contamipation dans le Bassin parisien. En ce qui concerne les causes de contamination, on peut dire que celles¬ ci sont les mêmes dans le Bassin parisien que dans toutes les autrès régions françaises et qu’elles sont essentiellement d’origine; hydrique d’origine coquillière. L’origine hydrique rend compte surtout de ces « poussées » aussi sou¬ daines que passagères que l’on observe volontiers dans les campagnes ou dans les petites villes avec, comme point de départ, la souillure accidentelle d’un puits ou le mauvais état d’une canalisation urbaine. C’est ainsi que s’expliquent certains paroxysmes relevés dans les indices annuels, comme par exemple dans l’Indre en 1925, la Manche en 1927, l’Eure en 1928, l’Indre-et-Loire en 1929, la Seine-et-Marne en 1931. Il en est de même pour la vague épidémique qui a déferlé en 1940 sur un grand nombre de nos départements, entretenue d’ailleurs pendant quelque temps par de fréquents porteurs de germes insuffisamment dépistés et sur¬ veilles. Dans l’ensemble pourtant, les résegux d’adduction d’eau, potahle sont assez bien organisés dans la plupart des secteurs du Bassin parisien et pré sentent même une densité supérieure à celle du Bassin d’Aquitaine, avec cette nuance toutefois qu’on les trouve encore plus abondamment répartis dans les territoires de l’Est, du Nord et du Centre que dans ceux de l’OQuest et du 279 BASSIN PARISIEN Quant aux risques qui résultent de l’ingestion de truits de mer, nous avons déjà assez insisté à leur sujet pour qu’il nous soit nécessaire de les commen. ter à nouveau. De toute facon, c’est aux nombreux cas de contamination coquillière qu’il faut avant tout attribuer la prédilection spéciale des affections typhoidiques pour la région havraise. Au Haure même, la situation a été exactement précisée par Loir et Legan¬ gneux dans toute une série d’articles publiés un peu avant-guerre. D’après ces auteurs, si vers la fin du siècle dernier la grande majorité des cas de Typhoses enregistrés dans cette ville paraissait proyenir de la mau¬ vaise qualité des eaux de boisson ainsi que de la pollution du sous-sol, ces causes semblent avoir beaucoup diminué de nos jours en même temps d’ail¬ leurs que la morbidité générale, grâce surtout à l’application de mesures de prophylaxie visant à la fois à la protection des sources et au perfectionnement da resesu, couts. Ainsi, alors qu entre 1890 et 1900, la mortalité, typhique annuelle dépassait constamment 100, celle-ci s’est trouvée réduite de 1925 à 1931 à II en moyenne, ce chiffre comprenant par surcroit quelques cas externes introduits par les marins de commerce. A l’heure actuelle on peut admettre qu’une part appréciable des respon¬ sabilités revient dans ce domaine aux coquillages. Pour les huîtres. Le Havre ne possédait récemment encore aucun parc nttitré et les bancs naturels ont à peu près disparu de sa rade. Les mollusques importés faisant l’objet d’un sérieux contrôle d’origine puis d’une surveil¬ lance atentive sur les lieux de vente afin d’éviter les pollutions secondaires. il est permis de penser qu’ils ne sont qu’assez rarement en cause, la pratique nocive du « retrempage » n’avant pu cependant être totalement éliminée. Il n’en est pas de même, par contre, pour les moules et les coques. lesquelles tapissent abondamment les sables et les rochers tout le long de l’estuaire de la Seine et plus spécialement sur sa rive Nord. « Des familles nombreuses, y compris les enfants, vont le dimanche et les jours de chômage recueillir les moules à marée basse; sans aucune précaution ils en font la cueillette; beaucoup consomment sur place la moule crue. Quant à la coque ramassée sur les bancs de sable de l’estuaire souillés par les égouts, elle est toujours consommée crue. » Dans ces conditions on concoit que les Typhoses aient pu se répandre largement dans le grand port atlantique où elles choisissent de préférence leurs victimes parmi la population pauvre des quartiers ouvriers. Elles doivent à leur origine fréquemment coquillière la gravité habituelle de leur évolution en même temps due leur prédominance au moment de l’année où il est fait la plus ample consommation de mollusques. En tout cas, c’est à ces derniers, et plus, particulièrement aux coques. que Loir attribue les deux petites épidémies havraises de 1928 et de 1934. lesquelles causèrent respectivement 36 et 110 atteintes (chiffres officiellement déclarés). Au cours de l’enquête effectuée lors du second de ces épisodes, il fut possible d’établir que plus des deux tiers des malades avaient ingéré des coquillages crus pêchés en famille dans les sables voisins de la ville. Si de tels incidents sont assez courants sur le littoral, par contre ils ne ge rencontrent plus guère dès que l’on pénêtre vers la profondeur des terres. En effet, les moules et les coques de l’estuaire normand sont dégustées par ceux-là seuls cui les récoltent et n’ont fait jusqu’ici l’objet d’aucun com¬ merce profitable, lamais, en particulier, on ne les retrouve sur le marché parisien. Si donc les cas de contamination ostréaire sont relativement nom¬ breux dans la Capitale, c’est qu’ils puisent leur source ailleurs et notamment dans les arrivages eminemment suspects provenant des côtes provencales 280 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Quant aux campagnes, on peut dire qu’elles demeurent à peu près à l’abri de ce mode d’infection, malgré le développement actuel des moyens de transport qui permet une large diffusion vers l’intérieur des produits de la mer. Comment dès lors expliquer cet état d’endémie latente qui subsiste encore dans certaines contrées en dépit du contrôle sévère qui s’exerce sur les eaux2 C’est ici sans doute qu’il faut faire intervenir cet autre facteur qu’est la souillure permanente du sol consécutive la plupart du temps à la survi¬ vance locale de coutumes aussi désastreuses qu’anciennes. A cet égard, il est banal d’évoquer le danger que représente pour la. nappe phréatique l’amoncellement à la porte des fermes de fumiers abondants. trop souvent régardés par les paysans comme un témoignage apparent de leur aisance. Mais pour le moins aussi redoutable est la pratique bien connue de l’épandage dans toutes les régions ou celle-ci est encore en usage. Or, nulle part elle ne parait aussi répandue que dans nos départements septentrionaux du Nord (petite épidémie récente de Lille), du Pas-de-Calais, de l’Oise et de l’Aisne ou, selon Dubreuil, « des routes et des champs se dégagent parfois au printemps des odeurs qui précédent beaucoup celles de la floraison ». Pour donner une idée des conséquences auxquelles aboutissent de semblables erreurs, voici les conclusions d’un rapport particulièrement instructif rédigé en 1045 par le Directeur de la Santé de l’Oise sur l’étiologie des affections typhoidiques dans son département : Sur 155 cas déclarés à ses services au cours de l’année 1944, 27 reçon¬ naissaient une origine hydrique et 28 une origine alimentaire, aucun fait d’infection ostréaire n’avant pu être relevé. Par « cas d’origine alimentaire » il faut comprendre bien entendu ceux qui font suite à l’ingestion de légumes ou de fruits crus souillés par l’addi¬ tion d’engrais puis livrés à la consommation après un lavage insuffisant. Le texte de l’auteur est à ce propos extrêmement explicite et nous ne pouvons mieux faire que d’en reproduire ici certains passages particulièrement édifiaprs: « Les contaminatiens provoquées par l’absorption de fruits ou de légumes crus continuent à être fréquemment constatées. Les mesures de rationnement ont entrainé un développement intensif de la culture maraichère notamment à la périphérie des villes où le degré de souillure du sol en rapport étroit avec la densité de la population et la proximité de l’agglomération est souvent important. Pour accroitre leurs res¬ sources alimentaires, les familles cherchent en effet à louer des parcelles de terre qu’elles cultivent elles-mêmes. « Il faut malheureusement ajouter que l’emploi comme engrais de ma¬ tières fécales humaines, pratique particulièrement nocive, n’est pas encore entièrement aboli. « C’est au défaut de précautions dans la préparation de ces aliments consommés crus qu’il convient d’imputer l’origine de ces petites épidémies et de cas isolés qui ont pu être rencontrés dans des villes ou des communes rurales où l’eau d’excellente qualité fournie par les distributions publiques ne peut donner lieu à la moindre suspicion. « Une épidémie a été observée notamment en juillet-aoit dans la com¬ mune de Liancourt (arrondissement de Clermont). Onze personnes au total ont été touchées, qui toutes ont présenté des signes cliniques certains de Fièvre typhoide, les diagnostics avant d’ailleurs été confirmés par des hémocultures positives pratiquées au laboratoire de Creil. BASSIN PARISIEN 281 « La plupart de ces malades reconnurent avoir consommé à l’état cru des salades et des fraises avant poussé dans des terres imprégnées de fumier et même de matières fécales; certains avaient en effet procédé eux-mêmes à la vidange de leur fosse d’aisance et s’étaient débarrassés du contenu en l’épan¬ dant dans les jardins où ils cultivaient leurs légumes, » A peu près au même moment, un autre fover semblable causant une dizaine d’atteintes était signalé à l’Asile de Clermont-de-l’Oise parmi les alié¬ nés employés aux travaux de jardinage, les bacilles infectants provenant sans doute en l’occurrence des porteurs sains de l’Etablissement avant contracté le mal au cours d’épidémies antérieures. Quant aux 27 cas relevant d’une cause hydrique, ils semblent tirer leur origine des forages mal protégés encore trop fréquents dans le pays. « Dans la plupart des habitations rurales, en effet, les puits, dont la maconnerie n’offre pas toujours l’étanchéité désirable, sont situés dans la cour où ils voisinent dangereusement avec les fosses à purin et avec les fosses d’aisance souvent rudimentaires et parfois même réduites à un simple trou dans le sol. » De là des infiltrations multiples, au reste favorisées par la perméabilité habituelle du terrain formé de sédiments calçaires. La nappe souterraine ainsi constamment souillée fournit une eau impropre à la consommation. Le lait lui-même devient un danger lorsqu’il a été « baptisé » ou lorsque les réci¬ pients qui le contiennent ont été rincés avec des eaux impures. Dès lors il devient facile de saisir l’enchainement des faits qui contri¬ buent à donner à toute cette région (Flandres, Artois, Picardie, Beauvaisis). une morbidité typhoidique qui, pour demeurer assez modérée, est néanmoins très supérieure à ce qu’elle devrait être si on parvenait à supprimer le « péril fécal ». A en juger par les chiffres que nous venons de rapporter, l’élimi¬ nation du facteur tellurique devrait en effet logiquement entrainer une dimi¬ nution de plus de moitié du nombre des Typhoides rencontrées dans ces contrées déjà relativement épargnées. En définitive, et pour nous résumer, les affections typho-paratyphoidiques semblent, dans le Bassin parisien, se localiser d’une part autour de l’estuaire de la Seine où persiste diffuse une certaine endémie d’origine coquillière, d’autre part, dans les secteurs Sud-Est où se produisent actuellement de nom¬ breuses contaminations hydriques, enfin, mais à un degré moindre, dans la région de Paris, particulièrement exposée cependant du fait de la densité de sa population. Ailleurs, elles sont beaucoup moins répandues et pourraient même être encore très fortement réduites, surtout dans le secteur Nord, si les Pouvoirs publics parvenaient à metre fin à la facheuse coutume de l’épandage, toujours en honneur dans certains départements. BIBLIOCRAPHIE 1. DUBREUHL. (G.). L’Endémie typhique et paratyphique en France. Rcy, d’hy, mai 1936. 2. Institut d’Hvgiène. Bull, périod, 1946, 1952, 1953, 1954. 3. LOIR (A.). Cinquantenaire de la Fondation du Bureau d’Hygiène du Havre, Impr, du Réveil normand. Le Havre, 1929. 4. LOIR (A.) et LEGANGNEUX (H.). Fièvres typhoides, coquillages et mazout. Arch, méd. chir, de Normandie, n° 132, déc. 1934. 3. LOIR- (A.) et LEGANGNEUX (H.). Coquillages et fièvre typhoide, Bull. Acad,. Nat. Méd. t. 114, ne 30, ler oct, 1935. 8. LOIR (A.) et LECANCNEUX (H.). Coquillages et fièvre typhoide, Paris med, 12 noy, 1838. 282 LA PATHOLOGIE RéGIONALE DE LA FRANCE 111 — LA POLIOMYELITE De même contexture que le Bassin aquitain, doté comme lui d’un riche réseau fluvial, abondamment peuplé, le Bassin parisien était logiquement des¬ tiné à devenir, à l’instar de son homologue méridional, une terre d’élection pour la Poliomvélite. Effectivement, c’est bien ce que l’histoire de la maladie. vieille tout au plus d’un demi-siècle, nous confirme et nous en avons encore la preuve dans les événements récents puisque de 1938 à 1945 par exemple les taux de morbidité poliomvélitique sé sont élevés à 2, 20 en moyenne dans les départements intéressés éontre 1.90 seulement pour l’ensemble de la France. Il est bien évident que du Massif Central à la frontière belge et des Hauts-de-Meuse à la Manche le processus est loin d’avoir présenté toujours et partout la même intensité. Se superposant à des cas sporadiques largement disséminés, des épidémies sont survenues frappant tantôt au hasard, tantôt avec une prédilection marquée certaines zones déterminées. Ainsi ont pu se créer de véritables fovers d’infection aux reviviscences périodiques, Parmi ces foyers, il en est quatre qui méritent aujourd’hui une mention particulière, le dernier étant d’apparition relativement récente. Ce sont ceux : — du Maine et de l’Anjou : — de la Bourgogne; — de l’Ile-de-France; — et de l’Indre. Nous allons donc les décrire tout d’abord, quitte ensuite à indiquer quel¬ ques foyers secondaires dont l’évolution d’ailleurs justifie actuellement que ques inquiétudes. A. — LE FOYER DU MAINE ET DE L’ANIQU. On sait que ces deux anciennes provinces englobent les départements de la Sarthe, de la Mavenhe et du Maine-et-Loire, plus une partie de l’Indre-et¬ Loire. La première épidémie relatée dans cette zone est celle de Marigné dans le Maine-et-Loire, survenue en 1910. Spécialement étudiée par Denechau et Grosgeorges, elle s’est étendue à quelques hameaux, n’occasionnant toutefois au total que 9 atteintes. Sa propagation semble avoir été favorisée par la célébration d’une fête communale qui, rassemblant paysans et commercants. aurait fortement contribué à multiplier les contacts. Simultanément. Netter a pu observer autour des agglomérations urbaines de Laval, Mavenne. Le Mans et Angers d’assez nombreux cas de réactions méningées dont certaines. n’étaient probablement que des Poliomvélites atypiques. De toute facon, il a été établi que le premier malade dépisté à Marigné avait été indirectement. en relation avec un jeune méningitique alors en traitement à l’Hopital Militaire de Laval. Plus tard, en 1928, deux autres épidémies, cette fois encore très circons. crites, font leur apparition dans la province : l’une à Puy-Notre-Dame et l’autre à Liré, celleei ave ses 6 eas repreeniant le ipe parfait de l’epidemie scolaire. 283 BARSIN PARISEN En 1938, c’est au tour d’Angers de faire les frais de la maladie, 30 cas avant été hospitalisés au service des contazieux de la ville dont 25 en pro¬ venance des communes rurales environnantes et plus spécialement de la vallée du Loing. En l’ocurrence l’affection parait avoir été importée de Bhénanie par des soldats permissionnaires et s’est essentiellement localisée à la clien¬ tèle d’un garçon épicier, lequel devait lui-même en être victime. Après quelque temps de calme, un retour offensif du mal se produit de nouveau en 1934 et en 1936, groupant chaque fois 24 cas dont près des deux tiers originaires du Saumurois (Brochen). Par la suite, d’après les statistiques de l’Institut National d’Hygiène, on relève encore, durant les années 1938-1945, 40 cas dans le Maine-et-Loire en 1943 et 43 en 1945, ce département venant alors se classer au 10° rang des départements français pour la morbidité poliomvélitique avec un indice de 3,25 pour 100 000 habitants au cours de la période envisagée. Actuellement enfin, le Maine-et-Loire est passé au 132 rang (période 1949-1953), mais son indice en même temps a presque doublé puisqu’il a atteint 6,12 du fait surtout des 58 cas observés en 1950. La Sarthe et la Mayenne suivent d’assez près avec des taux respectifs de 5,60 (17° rang) et 5, 12 (23° rang). Ainsi, compte tenu de l’aggravation générale récente de l’endémie fran¬ caise, il est permis de dire que le foyer « Maine-Anjou » demeure de nos jours l’un des plus vivaces de notre territoire. B. — LE TOYER BOURCUICNON. Avant essentiellement nour centre le département de la Câte-d’Or i1 déborde quelque peu sur les départements voisins, à savoir la Saône-et-Loire d’une part, l’Aube et l’Yonne d’autre part. Si le premier incident connu le concernant est celui de Saint-Florentin¬ sur-Armance (Yonne) responsable d’une vingtaine d’atteintes en 1910, le plus important fut sans doute celui qui, en 1929, s’abattit sur Dijon et ses environs avec des ramifications sur le Chatillonnais, l’Auxois, la vallée de la Tille et la Côte bourguignonne (Nuits. Beaune, Meursault), la vallée de la Saône avant été par contre épargnée. Dans sa thèse. Gauthey a pu réunir en la circons¬ tance un lot de 26 observations, chiffre qui fut notablement dépassé par Mail¬ lard, de Dijon, au cours d’une prospeétion personnelle effectuée au même moment (74 cas). A l’heure actuelle, la Cête-d’Or continue à tenir la vedeute Aprss s’être classée, entre 1938 et 1945, au lle rang des départements français avec un indice de 3, 14 influencé par les 47 cas de 1938, elle est passée durant la période 1949-1953 au 2° ranx avec un taux de 8,62 essentiellement du aux 54 cas de 1949. Signalons que simultanément on a enregistré en Saône-et-Loire l’indice presque aussi sévère de 6,90 (4°rang). C. — LE FOYER DE L’ILE-DE-ERANCE. Il comporte, outre la Capitale et sa banliene que nous ne saurions dis¬ trairo de cete étude, les departements de Seite-et-Mane et de Semne-f Oise. 284 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Il a eu successivement à son actif : - la grosse flambée épidémique de juin 1909-décembre 1910 à laquelle Mm° Tinel-Ciry a consacré sa thèse et qui frappa, en plus de Paris, diverses localités de sa banlieue. A cette occasion, 102 observations ont été recueillies à Paris même dans la seule circonscription de l’Hôpital Trousseau, cependant qu’alentour trois fovers se constituaient successivement à échéance rapprochée : le premier à Créteil qui groupa 7 cas et fut peut-être à l’origine de l’épidémie parisienne survenue peu après; le second à Alfortville (5 cas), importé au contraire de la Capitale; le troisième à Orgeville (S.-et-O.), plus dispersé (7 cas), et probable¬ ment indépendant du fover parisien. la poussée de 1913, sans aucun doute plus sévère que ne semble l’indi¬ quer la statistique de Guinon et Mme Pouzon qui ne fait état que de 13 cas au totals la poussée de 1930 enfin, rapportée par Cambessèdes avec un bilan 3 portant sur une soixantaine de cas. Depuis lors, il y a lieu de signaler en outre pendant la période 1938. 1945 : 237 cas dans le département de Seine-et-Oise; 483 cas dans le département de la Seine (1): chiffres officiels qui témoignent pour le moins de l’activité persistante du foyer. Il faut, néanmoins remarquer que, durant ces 8 années, les dépar¬ tements en question ne se sont classés qu’aux 33° et 51e rangs des dépar¬ tements français avec des indices de morbidité respectifs de 2, 13 et 1.57, fait que l’on doit attribuer a la très forte densité de leur population et a la grande dilution des cas qui en résulte. Il s’est d’ailleurs agi en la circonstance beaucoup moins d’épidémies pro¬ prement dites que de la multiplication périodique des cas isolés habituelle¬ ment observés dans la région. Nous ferons exaetement les mêmes remarques pour la période 1940-1953. en nous basant toujours sur les renseignements fournis par l’Institut National d’Hygiène. Voici à ce sujet quelques chiffres qui montrent bien toute l’am¬ P5 PE6 HHVI2 HOLYCHIC S LLSHUCL IeS LOUYOIIS DUDIICS : (1) Cette période a été surtout infucucée par la grande épidémie de 1943, laquelle s’est localisée essentiellement en Lorraine, en Auverdne, dans les Bassins parisien et aquitain. A ce propos, il y a lieu de signaler qu’au cours de cette année ont été déclarés 144 cas dans la Seine, 56 en Seine-ct-Oise, 136 dans le Pas-de-Calais et 40 en Maine-et¬ Loire, fait à rapprocher des 13 cas de Meurthe-ct-Moselle, des 164 de l’Allier, des 83 du Puy-de-Domé et des 69 du Rhone. 285 BASSIN PARISIEN D. — LE FOYER DE L’INDRE Il mérite une mention toute spéciale du fait de l’importance qu’il a soudainement prise depuis quelques années. Déjà, durant la période 1938. 1945, la densité des cas y atteignait 3,66 pour 100 000 habitants, assurant ainsi à ce département une 5° place, imputable aux 28 cas de 1938 et aux 20 cas de 1943. Or, depuis, la situation s’est encore nettement aggravée puis¬ que, avec un indice de 11,06, l’Indre vient de se classer, entre 1949 et 1953. au l' rang des départements francais, le maximum des cas avant en 1949 atteint 59 pour une population faible. Cette situation, avons-nous dit, est nouvelle. On se rappellera toutefois de l’existence, dans un passé assez éloigné, de la petite épidémie d’Azay-le¬ Ferron (18 cas) décrite par Vergez et de celle de Pouligny (II cas) étudiée par Veluet, toutes deux survenues en 1913 à une vingtaine de ilomêtres l’une de l’autre. Ajoutons que le département de l’Indre s’articule, par l’intermédiaire du Loir-et-Cher lui-même assez touché dans sa portion non beauceronne (Gre¬ noilleau), avec le Loiret qui a autrefois connu quelques sursauts épidémiques (Bonny 1910. La Ferté-Saint-Aubin 1913) et se classe actuellement (1949-1953) au 5 rang pour la morbidité poliomvélitique avec un indice de 6,60 Tels sont les foyvers les plus stables de Poliomveliue observés de nos jours dans le Bassin parisien. Mais ces foyers sont loin cependant de rassembler la totalité des atteintes officiellement connues. A tout instant, en effet, on voit éclore ici et là, même dans les secteurs réputés les plus épargnés, de brusques paroxysmes dont il est impossible à l’avance de prévoir l’évolution. C’est ainsi qu’en Normandie, dans le groupement « Manche. Calvados, Eure. Seine-Maritime » on a enregistré en 1950 plus de 100 cas et, depuis, la mor¬ bidité y demeure assez élevée. Nos départements les plus septentrionaux eux¬ mêmes connaissent aujourd’hui des vicissitudes semblables en dépit d’indices apparemment modérés qui n’ont d’autre cause que l’extrême densité de la population. Mentionnons à ce propos qu’en 5 ans (période 1949-1953), le département du Nord a compté 847 cas et celui du Pas-de-Calais 215, ce dernier comportant, semble-t-il, un petit fover d’élection le long de la vallée de la Canche (Linquette). Devant tous ces faits, on se trouve tout naturellement amené à penser qu’il existe désormais dans l’ensemble du Bassin parisien, comme d’ailleurs dans le reste de la France, une véritable endémie poliomvélitique à la fois tenace et diffuse, avant sans doute encore des zones préférentielles, mais susceptible néanmoins de donner naissance, n’importe quand et n’importe ou. aux flambées épidémiques les plus imprévisibles. Un point nous reste maintenant à préciser et c’est par lui que nous ter¬ minerons cet exposé. Nous laisserons délibérément de côté tout ce qui peut avoir trait à l’âge des malades, à la saison des épidémies et aux divers modes de contagion, autant de questions déjà envisagées et qui, par surcroit, ne pré¬ sentent ici aucune particularité. Ce point est relatif aux relations existant entre la répartition des cas et la distribution des voies d’eau. Autrement dit, il s’agit une fois de plus de déterminer si le mal se localise électivement autour des fleuves et des rivières comme on l’a souvent prétendu, Inutile de souli¬ ene, linteret que présente du point de vue epidemiologique, la solntion de ce problème. 286 LA PATHOLOGIE RÉGIONAIE DE LA FRANCE Disons tout de suite qu’une première constatation mérite d’être mise en lumière : c’est, topographiquement, la prédominance certaine des cas le long de la Seine et de la Loire, ainsi qu’ l’intérieur du quadrilatère limité au Nord et au Sud par ces deux fleuves, à l’Est par le cours de la Saône, et l’Ouest par la péninsule bretonne. Dans le réseau de la Seine, les fovers s’échelonnent, non seulement le long des rives de ce fleuve, mais encore sur la plupart de ses affluents (Aube, Vonne et Armance. Oise, Eure). Plus bas, sur la Loire, ce sont de même les fovers successifs de l’Orléa¬ nais, de la région de Blois et surtout de l’Anjou. Partout les atteintes se concentrent essentiellement le long des vallées avec une prédilection très marquée pour les confluents. Une disposition analogue s’observe d’ailleurs dans tout l’espace interca¬ laire, véritable zone de partage des eaux. C’est ainsi qu’au cours de l’été 1930 dans la Sarthe, le mal s’est abattu à peu près exclusivement sur le territoire très richement irrigué situé à l’Est du Mans, qui a pour centre l’Huisne et parcouru par les nombreux affluents de cette rivière, à savoir le ruisseau de Beillé, les Parences, le Narais, le Dué et le ruisseau de Gay-Perray. Une remarque du même ordre a pu être faite un peu plus tard, en 1036, dans le Maine-et-Loire ou la plupart des communes contaminées se trouvaient baignées par les segments de la Sarthe, de la Mavenne, du Thouet ou de l’Authion inclus dans ce département (Souvestre). BASSIN PARISIEN 287 En ce qui concerne la Côte-d’Or, le problème est un peu plus complexe. En particulier, au cours de l’épidémie de 1929, la Poliomyelite semble avoir complètement négligé la large vallée de la Saône pourtant toute proche. Elle a fusé, il est vrai, le long de la Tille pour gagner l’Auxois et le Chatillonnais. Or, l’Auxois est encadré par le Serlin d’une part, l’Armançon et le canal de Bourgogne de l’autre, tandis que le Chatillonnais, interposé entre la Seine et l’Aube, est traversé par le Drevon et par l’Ource. Malgré cela, on ne saurait doute pour déterminer la localisation géographique du mal. parler de plaines humides à propos de ces deux régions. ER définitive, s’il est à peu près prouvé de nos jours que le virus polio. myélitique accuse un certain hydrotropisme, ce facteur apparait insuffisant pour tout expliquer, d’autres éléments encore inconnus intervenant sans aucun RIRLIOCRAPHIE J. AMSLER (R.). Considérations cliniques pratiques sur une trentaine de cas de polio¬ invélite aigue. La Pédiatrie prat, 25 fév. 1931. 2. BERNARD (L.). CHASSAGNE (P.) et Mme VIcUIÉ. Situation épidémiologique en France en 1951. Presse muéd. (suppléments), nes des 13, 20 et 27 sept, 1952. 3. CAILLE. Considérations sur la poliomvélite du département de la Sarthe et parti¬ culièrement sur l’épidémie de 1930. Thèse Paris 1935. 4. CHASSAGNE (P.). Statistiques épidémiologiques. Bull. Inst. Nat. Hyg., 1946, 1952. 1953, 1954. . DExECHAU (U.). Arceh, méd. Angers, noy, 1934. 6. DENECHAL (D.) et GhosctoncEs (J.). Epidémie de paralysie intantile en Anjou, Paris méd., 1911, n° 21. 7. GAUTHEY (L.). A propos d’une épidémie de poliomvélite aigué en Côte-d’Or. Thèse Lyon, 1930-1931. 8. GRENOILLEAV, La poliomvélite épidémique en Anjou. Thèse Paris, 1911. 9. GUINON (E.) et Mille PouzIN. Sur une épidémie récente de poliomyélite épidémique. SOc. Méd. Hop, Paris, 20 noy, 1914. 10. JFANNIX. Contribution à l’étude de l’épidémie bourguignonne de la Maladie de Heine¬ Médin. La Bourgogne méd., févr. 1930. II. JEANNIN, Une ́pidémie de poliomyélite en Bourtogne survenue en 1929. Lyon md. 19 juill. 1931. 12. JOUAFERE. A propos de deux épidémies de poliomvélite aigué. Thèse Paris, 1927. 13. LAFFARGE (P.). La poliomvélite épidémique en France. Thèse Lyon, 1934. 14. MARLIER (Mlle C.-M.). La poliomvélite en Eure-et-Loir. Essais concernant les années 1943-1953. Thèse Paris, 1954. 15. NETTER (A.). Apparition sous forme épidet e la paralysie infantile à Paris bique de et sa banlieue en 1909. Bull. Acad, méd., 31 mai 1910 16. NETTER (A.). La poliomvélite en France en 1910. Bull. Acad, méd, 23 mai 1911. 17. SOUYESTIE. Etude de la poliomvélite dans le département de Maine-et-Loire au cours des années 1930-1937. Bull. Acad, méd., séance du 20 juill. 1937. 18. TANON et BESSON. La poliomvélite à Paris. Acad, méd., ler déc, 1936. 19. TINEL-GIRY (Mme). La poliomvélite épidémique. Thèse Paris, 1911. 20. VELLET, A propos de quelques cas de poliomvélite. La Bourgogne méd, juill, 1910. 21. VELUET. Note sur une épidémie de poliomyélite. Arch, méd. chir, de province. jany, 1914. 22. VERGEZ. L’épidémie d’Azay-le-Ferron. Arch, méd. chir, de province, janv, 1914. 288 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE IV — LES MALADIES INEECTIEUSES EPIDEMIQUES vement durant les périodes 1938-1045 et 1949-1953. suivantes). ET CONTACIEUSES COSMOPOLITES LES FIEVRES ERUPTIVES Nous ferons encore appel à notre documentation de base constituée par les statistiques officielles de l’Institut National d’Hygiène envisagées successi¬ Dans chacun des deux tableaux qui suivent, le Bassin parisien est divisé en plusieurs secteurs avec, pour chaque département, le taux de mor¬ bidité moyen pour 100 000 habitants correspondant à la période considérée ainsi que le rang occupé parmi les 90 départements français. Voir page A. — PERIODE 1938 (OU 1939)- 1945. Est-il possible d’extraire de tous ces chiffres des conclusions valables 2 Il est tour d’abord un fait que l’on ne saurair nier : il a trait à l’inci¬ dence générale de la pathologie ilnfectieuse sur le Bassin parisien. Dans l’en semble on peut dire qu’elle est élevée, les départements qui font partie de nos grandes plaines septentrionales avant pour la plupart des taux de morbi¬ dité supérieurs à la moyenne française. Peut-on aller plus loin dans l’interprétation des documents et délimiter notamment pour chaque maladie des régions de plus forte contamination, voire même des fovers d’endémie véritables2 Il faut avouer qu’à cet égard les statistiques de l’Institut National d’Hy¬ giène reproduites ci-dessous frappent surtout par la confusion de leurs résul¬ tats. Cette confusion est sans doute liée pour une bonne part à la complexité des phénomènes étudiés et à leurs variations incessantes dans le temps et dans l’espace. Elle est due aussi, nous le savons déjà à la valeur très inégale des déclarations officielles suivant les régions. Nous en retiendrons cependant quelques notions d’ordre général, lesquelles peuvent être schématisées comme suit : pour la Rougeole et la Scarlatine, fréquence particulièrement grande de ces processus dans tout le Secteur Est du Bassin, le Val de-Loire et la région parisienne, les Secteurs Nord et Quest étant, par contre, relativement épargnés: — existence apparemment d’un Aros foyer d’endémie diphtérique en Nor¬ mandue ainsi que dans les départements circumvoisins (Sarthe et Mayenre surtout): — développement plutôt faible de la Méningite cérébro-spinale un peu partout, sauf toutefois dans les départements de l’Indre et du Cher. 290 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE B. — PERIODE DE 1949-1953. Le second tableau cisanres ne vient certainement pas simplifier le pro. blème. Aussi serons-nous très prudents quant aux déductions à en tirer. En ce qui concerne tout d’abord la Diphtérie, ce qui frappe avant tout c’est l’abaissement général de ses indices de morbidité, imputable sans aucun doute à la politique de prophylaxie fort bien comprise instaurée depuis quelques années. On notera en même temps une régression relative du foyer normand (en dépit des taux encore assez élevés enregistrés dans la Mavenne, l’Orne, la Manche et la Seine-Maritime), fait en opposition avec les sursauts épidémiques, parfois importants, observés dans lAube, la Cotesd Or et la Nièvre. Pour la Scarlatine et la Rougeole, les maximums continuent à se manifester dans le Sud-Est du Bassin, la vallée de la Loire et la région parisienne, cependant que la Normandie et les départements nordiques, eux. mêmes, ne paraissent plus bénéficier des mêmes privilèges que par le passé. — Pour la Méningite cérébro-spinale enfin, le mal s’est aujourd’hui quelque peu déplacé, accusant désormais une prédilection certaine pour les départements normands. On remarquera, en passant, la situation épidémiologique particulièrement défavorable qui règne actuellement dans plusieurs départements tels que l’Aube et le Loiret. Est-il possible de dégracer de toutes ces données une impression d’ensemble sur la fréquence et sur le mode de répartition géographique des affections que nous venons de considérer 2 Compte tenu des variations et même des contradictions contenues dans les précédents documents, il semble bien d’une manière générale que ces affec¬ tions, malgré leur ubiquité, affectent encore des densités très accrues au niveau des zones excentriquzs disposées en demi-couronne vers l’Est. l’Ouest et le Sud du Bassin parisien. Autrement dit, tout se passe en définitive comme si les grandes vagues épidémiques qui ne cessent de déferler sur l’Europe occidentale traversaient nos plaines largement découvertes du Nord sans parvenir à s’y accrocher fermément, réservant leur maximum d’effets pour les régions périphériques de la « cuvette », placées au contact des premiers persants montagneux du Plateau Central, du masif armoricain et dés Vosges, ces régions jouant ainsi le rôle de « butoirs », de « zones de fixation et d’arrêt », vis-à-vis de la plu¬ part de ces processus itinérants. C’est là, crovons-nous, une notion intéressante sur laquelle nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir. Avant de terminer ce paragraphe, nous évoquerons succinctement 1a question du Rhumatisme articulaire aigu avant d’abordes cette autre maladies la Variole qui, brusquement, vient de défraver à nouveau la chronique. A en juger par les statistiques militaires, les seules vraiment exnloitables en la matière, la Maladie de Bouillaud récemment encore (1951-1952) sévissait surtout dans le secteur Nord du Bassin (région de Lille), puis par ordre décrois¬ sant dans le secteur bourguignon (Dijon), le secteur Quest, enfin le secteur 1A PATHOIOGIE BEGIONALE DE LA FRANCE 292 Par comparaison avec les différents climats locaux, ces faits ne sont pas pour nous étonner, non plus que les taux qui les expriment, moindres dans tout le Bassin parisien (5,68 pour 1000 hommes d’effectif dans la 2°e région militaire, la plus fortement touchée) que dans la région du Nord¬ Est (7, 14) et surtout la région lvonnaise (8,64). Ainsi semble se vérifier une fois de plus la vieille opinion classique relative à la météoro-sensibilité de certauines affections, opinion pourtant assez fortement critiquée à l’heure actuelle, précisément en ce qui concerne le Rhu¬ UN « REVENANT »: LA VARIOLE. Dans l’esprit du public — et même du Corps médical — la Variole était volontiers classée il y a quelques années parmi les entités morbides des temps révolus, tant il était admis que la vaccination jennerienne l’avait fait dispa¬ raitre de notre sol. Il a fallu les épidémies sévères de Marseille (1952) et de Vannes (1955) pour montrer qu’it n’en était rien. On s’est apercu alors que de petits foyers varioliques éclosaient fréquemment sur notre terri toire, très rapidement jugulés sans doute, mais témoignant néanmoins de la persistance du danger. Les quelques exemples suivants, spécialement choisis dans le Bassin parisien, en apportent du reste la preuve : Pendant l’hiver 1941,1942, une épidémie est apparue dans la région pari¬ sienne comportant 67 cas et 2 décès, presque tous chez des femmes et des enfants non vaccinés. Un nouvel accident semblable est survenu à Paris en février-mars 1942 responsable, cette fois encore, de 2 morts et de 52 atteintes. A peu près :̀ la même époque 10 cas se sont déclarés à Arras avant pour origine un mili¬ taire nouvellement arrivé d’Algérie par avion. Enfin, plus près de nous, c’est le fameux épisode de Brunebamel dans l’Aisne (mars-avril 1982), dont le point de départ demeure obscur, encore qu’il semble bien s’agir d’une source indochinoise. Dans ce petit village, 19 cas furent homologués, 2 d’entre eux avant abouti à la mort chez des vieillards. Au cours de ces poussées épidémiques, en effet, les décès n’ont guère été observés que chez des personhes agéès ou tarées. Dans l’ensemble l’évolu tion n’a pas été trop grave, les premiers cas de contagion avant été régu¬ lièrement pris pour des varicelles. Nous sommes ainsi amenés à évoquer une affection très voisine de celle que nous avons en vue : l’Alastrim, que les tenants de la théorie uniciste, de plus en plus nombreux, rattachent étroitement à la Variole en dépit de la bénignité habituelle de son pronostic. Assez répandue en Afrique noire et aux Antilles, cette maladie a fait depuis quelques années son entrée en France sous forme de cas isolés, manifestement importés, en provenance pour la plupart de nos possessions américaines (Guadeloupe, Martinique. Guvane). C’est dire sa localisation élective aux ports maritimes du Havre et de Cher bourg, ainsi qu’à Paris (Hepital Claude-Bernard) desservi, comme on a peut¬ être trop tendance à l’oublier, par les grands ports aériens d’Orly er du Bourget. A cet égard, le groupe morbide « Variole-Alastrim » constitue assuré¬ ment un des exemples les plus frappants de ces affections que l’accroisement des transports aériens serait destiné à nous rendre de plus en plus familiers si l’action de nos barrages sanitaires n’était pas renforcée en conséquence. J. CHOSNIER (R.). La Variole. Cours d’épidémiologie du Val-de-Grace, 6e fasc, 1953. BASSN PARISIEN 293 BIBLIOCRAPHIE VARIOTE. ALASTRI. Y LA PATHOLOCIE MINIERE A. — LES PNEUMOCONIOSES DANS LE NORD DE LA FRANCE ET LE BASSIN PARISIEN. Avant déjà eu l’occasion de signaler au chapitre des Généralités les richesses considérables offertes par les sous-sols de la Flandre et du Bassin parisien, nous pourrons nous borner ici à quelques brefs rappels géographiques avant d’en arriver à l’étude des diverses manifestations pathologiques engen¬ drées par l’exploitation de ces ressources locales. A la Flandre se rattache avant tout, ainsi que nous l’avons déjà exposé (voir « Cénéralites»), la portion ocidentale du vaste gisement houiller qui s étend, sur une longueur d’une centaine de Kilomêtres, depuis l’Artois jus¬ qu à la Rhur en côtoyant le massif schisteux rhénan-ardennais. Très profond sous terre, il est entrecoupé de nombreuses failles et de fréquentes poches de grisou. D’un rendement encore considérable il ocupe en permanence ur contingent de près de 200 000 travailleurs. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 294 Dans le Bassin parisien proprement dit, les ressources sont à la fois plus diverses et plus dispersées. Ici, la houille n’entre plus guère en ligne de compte, mises à part ces quelques vagues exploitations anthracifères (Faymo¬ reau, la Bezouge..), d’ailleurs d’un médiocre intérêt, réparties entre le Coten¬ tin et la Vendée. Le fer, par contre, est plus abondant. On le trouve d’une part en Anjou dans la région de Segré, d’autre part et surtout au sud de Caen autour de May-sur-Orne, Soumont, la Ferrière et Mortain, dans toute une série de petits bassins isolés d’un faible débit sans doute (4 %% de la production totâle française) mais fournisant un minerai d’une excellente qua¬ lité (55 2% de métal). Citons encore dans les régions angevine et mancelle les gisements ardoi¬ siers de Trélazé, les plus importants de notre pays, exploités aujourd’hui en profondeur jusqu’à 300 mêtres du sol et les petites mines d’or de Saint¬ Pierre-Montlimart dans le Maine-et-Loire et de la Lucette dans la Mayenne. cette dernière localité avant en outre le privilège de posséder quelques filons d’antimoine d’un rendement annuel de 4 000 tonnes environ. Plus loin, dans le Berry, les habitants retirent de leur sous-sol de la chaux alimentant de nos jours de puissantes usines de ciment, lesquelles ont remplacé les antiques fours disséminés le long du canal latéral de la Loire. Utilisant en outre le Kaolin de la région de Montluçon, ils ont installé, à Vierzon notamment, des faienceries modernes produisant, à l’inverse des por¬ celaineries de Limoges, des articles grossiers destinés à l’usage courant. Ceci nous amène à dire un mot des multiples industries de transformation qui se sont établies depuis les Vosges jusqu’à la mer, apportant à la Silicose un tribut appréciable encore que trop souvent méconnu. En tête, il faut men¬ tionner bien entendu les grandes industries métallurgiques groupées surtout dans le Nord (Lille. Denain, Maubeuge), la Normandie (environs de Rouen et de Caen), le Berry et le Nivernais (Vierzon, Fourchambault), la Bourgogne (dépression du Creusot), les Ardennes (Charleville) et la région parisienne (Creil, Montataire et Paris même). Mais à côté de celles-ci il faut bien se garder d’oublier toute la gamme des industries spécialisées telles que les fon¬ deries de Montbard et de Saint-Dizier, les coutelleries de Langres et de Nogent, les verreries de Valenciennes et de Vierzon (ces dernières utilisant les sables de Sologne), lesquelles, pour être de moindre envergure, n’en sont pas moins capables de provoquer chez l’homme des atteintes pulmonaires durables. Ce sont ces atteintes que nous allons maintenant passer en revue. Certes. il y aurait lieu de les envisager successivement pour chacune des branches d’activité que nous venons d’énumérer. Afin d’éviter les redites, nous nous limiterons aux cind rubriques suivantes : 1) la silico-anthraçose des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais. 2) la schistose des ardoisiers du Maine-et-Loire 3) la silicose des mines d’or de l’Anjou; 4) la maladie des faienciers du Berry: 5) les nosoconioses des cimentiers solognots. 1. - La Silico-anthraçose des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais. Un article assez récent publié par P. Foubert dans la Revue médicale mi¬ nière (1948) avant donné de fort intéressantes précisions sur la fréquence et les aspects particuliers de l’affection parmi ce corps d’ouvriers, nous nous nous contenterons de reproduire ici, avec quelques commentaires, les conclusions essentielles de ce travail. BASSIN PARISIEN 293 L’auteur a fait connaitre les résultats de l’examen systématique de 3 431 sujets représentant l’effectif de quatre fosses, groupées dans, un même secteur. Or, le pourcentage des images radiologiques anormales ressortissant à la Silicose s’est chiffré en l’occurrence à 18,81 pour tout l’ensemble, variant suivant la fosse considérée de 14 à 21 en fonction probablement de la nature des travaux effectués, du mode de sélection des contingents et des conditions mêmes de l’enquête. Le taux bas de 14 % trouvé dans un des puits étant très sujet, à caution, on peut, semble-t-il, estimer finalement à 20 pour 100 en moyenne le taux global réel des atteintes. 8i dès lors on se rapporte à l’évaluation habituelle fixant à près de 200 000 le nombre des mineurs embauchés dans la région du Nord, où on arrive tout naturellement à penser qu’il existe un minimum de 30 000 à 35 000 silicotiques, connus ou ignorés, infirmes ou encore valides, étant donné qu’en dehors du milieu minier la maladie se manifeste également parmi les quelque 150 000 ouvriers emplovés dans les usines métallurgiques voisines. On concoit qu’un tel bilan justifie une mention toute spéciale dans un para¬ graphe consacré à la pathologie de la contrée. Du point de vue radio-clinique, les cas ont été répartis suivant les caté¬ gories ciaprès : 1) la forme réticulo-nodulaire caractérisée par un semis plus ou moins dense de taches fines sur une trame densifiée; 2) la forme nodulaire où les nodules plus volumineux et plus étendus sont susceptibles de réaliser l’aspect dit « en tempête de neige »: 3) la forme pseudo-tumorale engendrant des zones de condensation très denses, souvent importantes, aux contours nets, se détachant sur des champs pulmonaires plus ou moins infarcis de nodules: 4) la silico-tuberculose enfin. Ces différentes images ont pu être observées dans les proportions suivantes : 15,91 % Forme réticulo-nodulaire 78,20 6 Forme nodulaire........ 5,10 67 Forme pseudo-tumorale...... Silico-tuberculose......... 0,77 % C’est donc la forme nodulaire qui s’est révélée de beaucoup la plus fré¬ quente. Quant à la forme pseudo-tumorale, elle s’est montrée par contre assez rare. Il faut noter toutefois à ce propos qu’étant avant tout l’apanage des vieux travailleurs parvenus au stade ultime de leur affection et avant di sou vent abandonner la mine, nombre de ces cas ont très probablement échappé à l’enquête. Celle-ci a d’autre part négligé complètement les aspects réticulés purs. jugés par Foubert comme trop beu symptomatiques des Silicoses, étant suscep¬ tibles d’être rencontrés dans une multitude d’affections cardio-pulmonaires diverses. La plupart des faits pathologiques ont été constatés par ailleurs chez des individus ages de 40 à 50 ans. Comme la grande majorité des ouvriers commence à travailler entre 18 et 20 ans, on peut en déduire que c’est seule¬ ment apres une dizaine d’années d’exposition aux pousìres que doit se placer le début tout au moins apparent, c’est-à-dire radiologique, du mal. 296 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Commue dans toutes les études du même geure, il parait également démon¬ tré que les « bowetteurs » sont infiniment plus touchés que les sujets unique¬ ment emplovés au charbon. Ainsi, dans les foses B et C. la Silicose a été dépistée en moyenne chez 64,4 des premiers et seulement chez 22,5 % des seconds. Reste la question si fortement débattue de la Silico-tuberculose. D’après Foubert, elle parait assez peu répandue parmi les mineurs puisqu’elle ne progés réalisés dans le double domaine de la propreté individuelle et de concernerait qu’une proportion de 0),77 pour 100 des cas reconnus patholo¬ giques. A vrai dire, l’auteur fait à ce sujet les mêmes réserves qu’à propos des tormes pscudo-tumorales, faisant observer qu’il s’agit là d’une association morbide essentiellement sévère, ordinairement incompatible avec la continua¬ tion du métier. Cette estimation est à rapprocher de celle antérieure de Leclerca (1932) pour qui la Tuberculose ne frapperait que 2 pour 100 des mineurs, ce taux considéré par lui comme faible étant attribuable à la sélection médicale effectuée dès l’embauche, à la ventilation efficace des puits et surtout aux l’hygiène de l’habitation. Signalons enfin que, peu après Foubert. Nadiras et ses collaborateurs se sont penchés sur cet important problème, avant de leur côté entrepris une vaste prospection intéressant d’une part un lot dépendant du Bassin et d’autre part un contingent de 4400 ouvriers du jour ou emploves d’une Concession dépendant du Bassin. Or, après cette enquête, la Tuberculose ouverte leur est apparue comme deux fois plus fréquente dans le premier groupe que dans le setond (2,85 % contre 1.31 9%). Avant ensuite essavé de déterminer l’inci¬ dence de la Tuberculose du mineur en fonction de l’atteinte silicotique, ils sont arrivés à cette impression que le mineur non silicotique n’est guère plus touché par le B.K, que l’ouvrier du jour, le bacille attaquant par contre électivement les mineurs silicotiques et plus spécialement ceux qui sont déjà porteurs de lésions avancées. Peut-on maintenant, avrès avoir versé tous ces éléments au débat, tenter d’établir un parallèle entre le bassin du Nord et celui de Saint-Etienne en ce qui concerne l’aspect des pneumoconioses localesz A priori, il est bien évident que cette confrontation risque d’être fort hasardeuse les conditions d’investigation avant vraisemblablemeni été très differentes dans l’un ei l’autre de ces deux secteurs. Néanmoins, à en juger par les chiffres publiés, il semble bien qu’en définitive les données soient assez comparables de part et d’autre tant au point de vue de la fréquence générale de la maladie que de la place prise par chacune des formes anatomo-cliniques (forme pseudo-tumorale notamment). On est ainsi en droit de penser que la réputation de salubrité dont bénéficient habituellement les exploitations du Nord a été, pour ce qui est des pneu¬ moconjoses tout au moins, quelque peu exagérée. 2. - Les Schistoses des ardoisiers du Maine-et-Loire. Depuis les articles publiés il y a une cinquantaine d’années par Ripert de Fumay et Séjournet de Bevin sur les Schistoses du massif ardennais, la plupart des travaux relatifs à la question ont porté sur les aspects présentés par ces affections dans les ardoisières de l’Anjou, ardoisières exploitées désor¬ 297 BASSIN PARISEN mais, non blus à ciel ouvert, mais dans des galeries de mine profondes deve¬ nues aujourd’hui les plus productives de France. A cet égard nous retiendrons tout d’abord, après le travail de lavot (1920), celui plus récent de A. Feil (1935), lequel possède l’avantage de com¬ porter les premières statistiques radiologiques parues. Or, il ressort de celles¬ ci que la maladie augevinc, plus fréquente ainsi qu’on pouvait s’y attendre chez les mineurs du fond que chez ceux du jour, n’a donné lieu à des cons¬ tatations anormales que 6 fois chez 44 mineurs-fonceurs, ouvriers pourtant exposés plus que tout autres, du fait du maniement du marteau-pneumatique à l’inhalation incessante de poussières. Ces anomalies qui, toutes, concernaient des sujets avant plus de 15 ans de séjour à l’ardoiserie, consistaient essen¬ tiellement en des aspects piquetés ou tachetés des champs pulmonaires prédo¬ minant au niveau des hiles et plus rarement aux bases. Quant aux images infiniment plus banales de densifications hilaires, de tramites diffuses ou d’em¬ physême, elles se sont montrées beaucoup plus nombreuses. Par contre, la Tuberculose est apparue ici comme absolument exceptionnelle. Ainsi donc, le schiste ardoisier semblerait avoir sur le parenchyne du poumon une action nettement moins nocive et moins tuberculisène que la houille ou le minerai de fer, cette différence pouvant être expliquée par ce fait qu’en la circonstance ce n’est plus la silice elle-même qui entre en jeu mais des silicates alumineux, sans doute d’unc agressivté moindre pour l’or ganisme humain. L’unanimité paraissait s’être faite autour de cette opinion forsqu’en 1943 une autre publication est venue tout remettre en cause, relatant le bilan d’une nouvelle enquête effectuée, également à Trelazé, par R. Amsler, pro¬ fesseur à l’Ecole de Médecine d’Angers. La conclusion principale que l’on peut tirer de ce travail est que la Schistose se rapproche beaucoup plus de la Silicose ordinaire que ne le pensait Feil, partageant son évolution grave en trois phases, comportant la même disparité étrange entre les signes fonction¬ nels bientôt intenses et les signes stethacoustiques toujours discrets, s’asso¬ ciant assez souvent comme elle à la Tuberculose. Elle s’en distingue néan¬ moins, suivant l’auteur, par la taille plus forte de ses nodules radiologiques. la fréquence moins grande du pneumothorax spontané au titre des compli¬ cations, une dilatation cardiaque moins importante à la période ultime. En fin de compte, on voit que ces deux affections ne sauraient être qu’ar¬ tificiellement séparées, leurs diffrences cliniques ou évolutives ne reposan somme toute, que sur des nuances. 3. - La Siticose des mines d’or de l’Anjou. Comparant la Schistose des ardoisiers angevins à la Silicose des mineurs du quartz aurifère employes dans les exploitations voisines, A. Feil a insisté au cours de l’article précédemment cité, sur l’opposition qui existe entre la bénignité relative de la première et la gravité de la seconde, celle-ci parais sant occasionner des lésions plus évolutives et plus tuberculisantes que celle¬ la. Il y a quelques années à peine (1930) Amsler et Cady ont confirmé, à l’occasion d’une prospection effectuée parmi les ouvriers des mines de la Blliere, la sévérité des lésions observees dans ces exploitations, mais il ne Semble plus aujourd’hui, ainsi que nous venons de le dire, que la Schistose mérite un pronostic à part, l’avenir des silicotiques paraissant en dernière analyse dépendre moins de la nature même de l’agent agressif que des réac tions propres à chaque orcanisme ainsi que des conditions particulières dans lesquelles le travail a du être exécuté. 28 LA PATLIOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 4. - La Maladie des faienciers du Berry. Nous relaterons en ce qui la concerne un mémoire de Me Bouchard. P. Fortat et M. Marguet de Vierzon qui fournit les renseignements suivants : Sur 1 876 ouvriers porcelainiers exposés aux pousières de silice, 78 ont été trouvés par les auteurs porteurs de lésions caractérisées, soit une propor¬ tion taible de 4, 15 2% indiquant un risque réduit. Sur cet ensemble, très peu de formes dites fibreuses ou réticulées ont été observées. En général, il s’agit d’ouvriers agés, avant en moyenne de 50 à 70 ans et occupés dans leur métier depuis 20 à 65 ans. La recherche d’une Tuberculose associée avant été faite chez 35 d’entre eux, 6 fois on a constaté des hacilles de Koch dans l’expectoration, 20 fois des réactions de Vernes-Résorcine et des vitesses de sédimentation élevées en faveur d’une atteinte bacillaire, 15 fois des résultats négatifs. Par contre, 21 sujets porteurs d’importantes séquelles de Tuberculose ancienne ou crachant des B.K., se sont révélés non silicotiques, malgré un séjour prolongé dans une atmosphère chargée de poussières siliceuses. Ainsi se vérifie une fois de plus cette notion que la Tuberculose, si elle se rencontre avec une réelle fréquence chez les silicotiques, ne suffit pas à elle seule à engendrer les lésions qui caractérisent cette fibrose spéciale des poumons. 2. -— Les Nosoconioses des cimentiers solognots. C’est lors de leur fabrication que la chaux et le ciment sont surtout nocifs pour les buvriers qui les manipulent. A ce titre, les opérations de défournement, de brovage, de blutage, de tamisage et de mise en sac mé¬ ritent d’être considérées comme les plus dangereuses Etant donné la faible teneur en silice du ciment, les pneumoconioses sont ici très rares et, encore plus, les silicoses. Quant à la Tuberculose, elle ne semble guère plus répandue chez les cimentiers que dans le reste de la population, puisqu’on a même été jusqu’à envisager une action favorable du calcjum sur les poumons. Ce qui parait par contre plus particulier à cette branche d’activité, ce sont les dermites professionnelles habituellement localisées, soit aux extrémités des membres, soit à la nuque et au dos chez les porteurs de sacs, Parfois on observe même au niveau des espaces digitaux ce que l’on a désigné sous le nom de « gale des cimentiers » par analogie avec la gale parasitaire. Dautre part, chez les individus atteints, on a décrit des lésions portant sur les mu¬ queuses conjonctivales et buccales. Bien entendu, si ces divers processus se rencontrent fréquemment chez les cimentiers solognots en raison de leur nombre, ils sont susceptibles d’appa¬ raitre partout, chez tous les membres de la corporation, qu’ils appartiennent au Boulonnais, aux Flandres ou à n’importe quelle autre région favorable à l’exercice de leur spécialité. B. — APERCU D’ENSEMRLE SUR LA PATHOLOCIE MINIERE DANS LE NORD ET LE PAS-DE-CALAIS. S’il est vrai que la Silico-anthracose dominc toute la pathologie minière par la multiplicité de ses aspects comme par la fréquence de ses atteintes, elle est loin cependant de représenter le seul élément de cette pathologie, aussi BASSIN PARISIEN 299 parmi lesquelles nous citerons pour commencer : en un an à l’ancienne concession de Courrières) : bien dans le Bassin du Nord de la France que dans les autres bassins houil¬ lers. Il faut, en effet, compter ici avec toute une gamme d’affections spéciales — le Nystagnus des mineurs, sans doute imputable au mauvais éclairage des galeries mais en réalité assez rare et curable (dix cas seulement déclarés — et surtout les Parasitoses intestinales. Celles-ci amènent tout de suite à évoquer l’AnEylostomose, dont on a pu craindre récemment une reprise évolutive dans le Nord. L’alerte a été donnée à l’occasion d’une prospection effectuée en 1951 par le Professeur Coutelen de Lille dans le groupe des mines de Lens. L’enquête a alors révélé que des Italiens envovés en France sans examen préalable par les Services d’Immigration et des Français anciens militaires rapatriés d’Indochine avaient été introduits dans les mines, porteurs d’Ankylostomes et parfois même atteints d’anémie parasitaire. Sept cas d’in festation ont pu ainsi être dépistés chez les 779 travailleurs du fond soumis aux investigations et dix autres parmi un lot de 753 sujets, candidats à l’em¬ bauche. Le danger créé par cette situation se trouvait d’ailleurs encore acru du fait de l’utilisation depuis la guerre de procédés d’exploitation nouveaux entrainant une humidification des galeries favorable au développement du ver Heureusement, des mesures de prophylaxie énergiques sont immédiatemen intervenues, comportant avant tout des visites de dépistage très sévères avant toute admission aux Houillères. A l’heure actuelle, il semble bien que la menace ait été définitivement écartée. Quant aux autres parasitoses digestives, leur étude dans ces mêmes grou¬ pements miniers de Lens - Oignies - Dourges a fait apparaitre des taux sensi¬ blement comparables à ceux enregistrés chez les habitants du pays, soit, tou¬ jours pour les travailleurs du fond, 17,97 % de porteurs de Trichocéphales. 5,64 2% de porteurs d’Ascaris et 8, 21 2% de porteurs de Lamblias, pour n’envi¬ sager que les espèces pathogènes banales. Nous signalerons au surplus 8 ca curieux d’infestation par l’Hymenolepis nana et surtout la présence de 5 % de porteurs d’Amibes dysentériques, constatation qui pose un problème de pro¬ Phylaxie analogue à celui de l’Ankylostome, mais toutefois moins grave. Ces faits établis, et la Silicose mise à part, c’est la pathologie traumatique des mineurs qui doit retenir notre attention. Grâce au Docteur Amoudru, nous avons pu avoir à son sujet les renseignements ci-après, les uns d’ordre sta¬ tistique et les autres d’ordre clinique. D’apres cet auteur, ce qui frappe d’emblée le visiteur qui descend dans les puits c’est l’atmosphère de risque permanent qui y règne : pierres qui se détachent continuellement des voîtes, vagonnets qui circulent sans cesse dans l’obscurité et dans le bruit. Malgré leur habitude et leur entrainement les mineurs pe peuvent pas toujours échapper au danger qui les entoure. De là l’extrême fréquence des accidents. Dans le bassin du Nord, l’indice des traumatismes du travail atteint jusqu’à 125 pour 100, ce qui veut dire que pour 100 mineurs on enregistre chaque année jusqu’à 125 blessures de toutes natures allant des plus bénignes jusqu’aux plus graves. Les premières constituent évidemment la grande majorité : ce sont par exemple des contusions des extrémités ou des plaies superficielles de toutes SNss, gttrant toutes cette particularité d’être très exposées à l’infection. Mais les grands traumatismes sont écalement nombreux, sinon propor¬ tionnellement, du moins en valeur absolue et du reste en auxmentation pro¬ csesrie, dut ftit de lacroisepont continu en poils ct cn pusance du pate riel de fond. 300 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE Rachis, crâne, bassin, membres sont souvent atteints de fractures, géné¬ ralement comminutives et multiples. Ces dégâts osseux s’accompagnent fréquemment de brojements muscu¬ laires ou de gros délabrements, à quoi il faut ajouter de menus traumatismes par écrasement. Aussi observe-t-on de nombreux chocs secondaires, voire même des syndromes de Byicaters absolument typiques. Ce bilan serait incomplet s’il ne faisait état des grands brulés : il s’en trouve chaque fois au cours des catastrophes minières de quelque importance. Dès lors, l’accidenté de la mine se présente sous des aspects particuliers. C’est, en somme, un polytraumatisé. Qutre ses blessures, c’est souvent un brulé, parfois un asphyxié, presque toujours un choqué, et plus tard, un infecté. Familiarisé avec de telles lésions, rompu à toutes les techniques modernes de la réanimation et de la transfusion, habitué à effectuer des sauvetages dans des conditions ordinairement difficiles, le médecin des Mines se forme donc à rude école. Mais il acquiert du même coup une expérience des plus complêtes qui fait de lui un praticien de haute qualité. BIRLIOCRAPHIE J. — LA SLICO-ANTHRACOSE DES MINELRS DU NOID EI DU PAS-DE-CALAIS. 1. FOUREnT (Ch.). Ŕsultats de l’examen systématique des ouvriers de quclques fosses du bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Rey, méd. minière, janv., fév., mars 1948. n° 1, p. 4-41. 3. LECLERCO (J.) et RHEHON (P.). Etat pulmonaire des ouvriers mineurs de la fosse ne 2 des mincs de Béthunc. Ann, de ined. lég. 1935, p. 72. houillères du Nord et du Pas-de-Calais. Acad, méd., 4 oct, 1932. 6. SAHLT. Contribution à l’étude de la silicose pulmonaire. Thèse Lille, 1939. HI. — LA SCHISTOSE DES ARDOISLERS DL MAINE-ET-LOIRE. 7. AMSLER (R.). La pathologie pulmonaire professionnelle des carrières d’ardoise. Rey. Tuberc, juillet, sept, 1943, t. VIII: n°s 7, 8, p. 131-133. 8. DUYOIR (M.). La prévention et la réparation des pncumoconioses : Silice-ardoise¬ amiante-talc. Un vol. de 550 p. Imprim. Nat. Paris, 1941. 9. FEL (A.). La schitose, maladie des ardoisiers. Enquête dans les carrières d’ardoise. Presse méd, n° 19,6 mars 1935, p. 363-366. Arch, méd, d’Angers, 1920. 11. RIPERT. D’une espèce de chalicose dite maladie des ardoisiers,. Thèse Lille 1897. 12. SÉIOLHNET. La maladie des ardoisiers : la schistose. Bull. Inspect, méd. du Travail. 1907, p. 632. II. — LA SLICOSE DES MLINEURS DOR DE L’ANIQU. 13. ANSLER (R.) et CADY (J.). Remarques sur la silicose des mineurs des mines d’or de la Bellière, en Maine-et-Loirc. Rey. Tub, mai 1939, p. 580-588. 14. CN L2E (L). La silicose pulmonaire dans les mines d’or de l’Aniou. Thèse Paris 1938 Jouve édit, et Méd. d’usine, mai 1939. IV. — LA MALADIE DES FAIENCIERS DU BERRY. 15. BON BASSIN PARISIEN 301 V. — LES NOSOCONIOSES DES CIMENTIERS. 16. FEIL (A.). Le role des poussières de ciment. Monde méd., ler mai 1932. 17. HADENGUE (A.). Chaux et ciments. Encyclop, méd. chir. Mal, par agents physiques. 16 520 C, lre édit., déc. 1945. VI. — L’ANRYLOSTOMOSE DANS LE BASSIN MINIER DU NORD 18. COUTELEN. Réapparition de porteurs d’ankylostomes dans les houillères du Nord et du Pas-de-Calais. Acad, nat, méd, 30 japy. 1951. 19. COUTILES, BIGLET. DESSAIST et CARLIER. Contrib, à l’étude du parasitisme intestina chcz les mineurs. Soc, gastro-entérol. du Nord, 23 nars 1952 29. NhcuoT (R.). Le parasitisme intestinal dans le Groupe de Béthunc. Rey, méd, minière n° 5;, 1949. p. 30. VHI. — LA PATHOLOGIE TRAUMATIQUE DU MINEUI 21. ANOUDILU. Corresp, personnelle, 1952. VI — DE QUELQUES AFFECTIONS DIVERSES DUES A DES MICROORCANISMES TICURES OU A DES VIRUS A. — LE TÉTANOS. Comme la Lorraine, le Bassin parisien est une terre de tradition pour le Tétanos. Qu’on se rappelle à ce sujet la triste réputation des anciens champ catalauniques. Plus près de nous, des zones tétanigènes ont été décrites en Normandie, près de Caen notamment, dans le Vermandois (Ingelrans), la Beauce, la Touraine autour de Saint-Pierre-des-Corps (Bazy), ainsi que dans diverses autres contrées. En fait, toutes ces observations de détail se trouvent aujourd’hui confir¬ mées par les statistiques officielles ainsi que le démontre le tableau suivant : La Mortalité tétanique dans le Bassin parisien durant la période 1948-1951 (d’après l’I.N.H.). 392 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE Ainsi, en accord avec l’opinion clasique, les chiffres les plus élevés conti¬ nuent à être enregistrés en Normandie et dans les départements limitrophes. dans l’Indre-et-Loire, l’Yonne, l’Aube, l’Aisne et la Somme. A l’opposé, les taux les plus faibles sont constamment rencontrés dans la région parisienne, l’Artois et la Flandre. Pour ces deux dernières provinces on a parfois invoqué la présence sur leur territoire d’un vaste bassin houiller, remarquablement épargné par l’affection en dépit des causes multiples de souillure que, normalement, il devrait comporter, tant à la surface du sol que dans la profondeur des galeries souterraines. Mais sans doute faut-il tenir compte surtout, pour expliquer le phéno¬ mène, du caractère essentiellement urbain des zones considérées (le Tétanos est avant tout une maladie rurale) et de l’énorme densité de la population qui y vit, facteur qui a pour effet d’abaisser fortement les taux, par dilution des atteintes. C’est ce qui ressort en particulier de bilans comme celui-ci basés non plus sur la valeur des indices mais sur le nombre même des cas : Nombre des décès par Tétanos enregistrés au cours de deux périodes récentes Ceci prouve bien que les trois départements envisagés (Seine Nord et Pas-de-Calais) ne sont guère à l’abri du mal puisqu’en dépit de taux appa¬ remment modiques ils ont réussi à totaliser près de 500 décès par Tétanos en moins de 10 années. D’une manière générale, les régions les plus frappées par la maladie humgine sont aussi celles ou la maladie animale sévit avec le plus d’inten¬ sité ainsi qu’en témoignent les rapports émanant des organismes départemen¬ taux. Une tendance très nette à la régression est toutefois observée de nos jours dans un domaine comme dans l’autre, grâce surtout aux efforts conju¬ gués des vétérinaires et des médecins et à la lutte qu’ils mènent de concert dans le domaine de la prophylaxie. BIBLIOCRAPHIE L. CHAYANNAZ (J.). Les zoucs tétanigènes en France. Acad, chir, 7 jany, 1983. 2. Recucil des Tray, de l’Inst. Nat, d’HYg, 1945, L. I, vol. 1, p. 56. 2. BuIl. Inst. Nat, d’HIyg, t. 8, n° 1, janv.-mars 1953, p. 220-221 et t, 12, ne 4, oct-déc. 1957, p. 858-859. NN12VINLSIEL 303 8 — LE CHARRON. Les « champs maudits » de ta Beauce. Du au bactéridium anthracis de Davaine, le Charbon est une maladie infectieuse, contagieuse et inoculable, commune à l’homme et aux animaux (1). Son mode de transmision ne semble pas ze conformer aux mêmes règles que pour les autres affections microbiennes sévissant dans un troupeau : on ne voit pas le charbon passer d’un animal à l’autre. Dans une bergerie, une bête peut succomber sans que ses voisines présentent les moindres troubles. La propagation du germe se fait avant tout par la terre souillée par les urines et les excréments des sujets malades : d’ou la pollution bien connue de certains lieux tels que les « champs maudits » de la Beauce et de la Lorraine éminem¬ ment dangereux pour les paysans et pour leur bétail. D’ordinaire, les cadavres contaminés demeurent exposés sur le sol avant d’être enfouis; les liquides organiques qui s’en écoulent ont alors le temps d’imprégner la terre; les bacilles qu’ils contiennent peuvent, sous l’influence de la chaleur, se multiplier et sporuler; on enterre ainsi des corps déjà char¬ gés de spores, lesquelles par la suite seront ramenées à la surface par les vers et les limaces (souillant les herbes broutées par le bétail) puis dispersées par les tiques et les mouches. Les animauz sensibles à la maladie sont avant tout les moutons (excep¬ tion faite pour la race algérienne) et les boy idés, accessoirement les porcs. Ches l’hommte, la contamination s’effectue normalement par voie trans¬ cutanée, respiratoire ou digestive. Dans le premier cas, elle se trouve réalisée à l’occasion d’une piqure par écharde, épine de haie, couteau de dépecage ou dard d’insecte. Dans le gecond, elle est due à l’inhalation de substances supportant des spores (débris de laine principalement). Dans le troisième enfin, elle est consécutive à l’in¬ gestion de viande avariée mais suppose une muqueuse gastro-intestinale altérée. C’est dire qu’elle revêt généralement un caractère professionnel, s’obser¬ vant essentiellement chez les bouchers, les tanneurs, les matelassiers, etc. Cliniquement, elle se présente sous diverses formes, posant chacune des problème particuliers. Le type de beaucoup le plus fréquent est la pustule maligne qui fait suite à une inoculation transcutanée de virulence modérée, à laquelle tente de s’opposer la résistance relative des téguments à l’infection. Elle se traduit par l’apparition au bout de quelques heures au point d’impact (le plus souvent au niveau d’une région découverte) d’une escarre noirâtre sertie d’une couronue de vésicules au centre d’une zone inflamma¬ toire surélevée mais peu douloureuse A ce stade, le diagnostic pourra se discuter avec un antbra ou un furoncle hanal. Puis un œedème mou, plus ou moins envahissant surviendra vers le 4° jour, au milieu de symptêmes pou¬ vant évoluer soit vers la guérison, soit vers l’infection généralisée et le collapsus. 34 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE L’odeme melin constitue une autre forme localisée où l’absence de pus¬ tule exprime une résistance moindre des téguments et une plus grande noci¬ vité du germe. Le processus siège habituellement à la face. Un œdème mou et tremblotant parsemé de vésicules se constitue alors, atteignant en 2 ou 3 jours des proportions considérables, déformant les paupières, le nez et les lèvres, vonflant le cou et fusant bientôt vers le thorax, voire même l’abdomen. simulant au début une plaque érysipélateuse. La guérison peut survenir en 5 ou 6 jours, mais ordinairement les signes généraux apparaissent, rapidement inquiétants, l’aflection évoluant alors vers la mort à brève échéance. A côté de ces Charbons eaxtornes, il existe des variétés intornes dues à des portes d’entrée respiratoire ou digestive du germe et conditionnant les formes pulmonaire allure broncho-pneumonique ou gastro-intesfinale cholériforme, En l’absence de précisions anamnestiques on devine à quel point le diagnostic pourra errer, de même que dans la forme septicémique d’emblée. Et l’on concoit aussi de quel secours sera le laboratoire dans le doute : recherche de la bactéridie charbonnouse dans les vésicules pustuleuses, les crachats ou les selles suivant les cas — et toujours dans le sang. Du point de rue géographiquc, nous avous déjà signalé que de petits foyers de Charbon bactéridien subsistaient toujours dans le Languedoc, les Charentes, l’Auverype, le Dauphiné ainsi qu’en Lorraine. Mais c’est peut¬ être encare dans le Bassin parisien que la maladie a occasionné le plus de ravages. De tout temps, la Benuce a été considérée comme la terre élective du Charbon, avec il y a un siècle à peine, une mortalité s’élevant à 20 9% et même parfois jusqu’à 50 % de l’effectif des troupeaux. A cet égard. l’arrondissement de Chartres, vers 1860, perdait par an à lui seul près de 200 000) moutons, cependant que plus loin, en Brie, l’arrondissement de Pro¬ vins apparaissait également comme très fortement touché. A cette époque, les cas de contamination humaine s’observaient avec une grande fréquence. Aujourd’hui, la situation s’est sensiblement amélioree. Mais quelques « champs maudits » persistent encore dans le Centre du Bassin et dans le Val de Loire, infectant le cheptel et déterminant chez l’homme l’éclosion de cas sporadiques plus ou moins disséminés (Eure-et-Loir. Seine-et-Marne, Aube. Vonnle. Chey, Indre etc., sans compter la Seine à laquelle nous réserverons une mnention spéciale). Il est à espérer toutefois que l’utilisation très large de la vuccination pré¬ ventive chez l’animal parviendra à mettre fin à cette dangereuse maladie, si justement redoutée dafs certaines professions et dans les milieux ruraux. BIBLIOCRAPHIE J. ARLOING (F.) ct THÉNISNOT (L.). Le Charbon. Encsclopédic mcd. chir. Mal, infect,. 1935, n°s 8034 et 8035. C. — LES LEPTOSPIROSES DES VALLEES. Il est remarquable — mais il n’est nullement étonnant — de constater que la Spirochétosz ictérigène se localise électivement dans le Bassin parisien le lon des deux grandes voies naturelles que représentent la Seine et la Loire. Parsemés d’importantes agglomérations urbaines dont les cuartiers insa¬ lubres favorisent la pullulation des rats, attirant par ailleurs l’été de nom¬ BASSIN PARISIEN 308 breux baigneurs qui viennent se contaminer au contact de leurs eaux polluées. ces deux fleuves sont continuellement le point de départ d’accidents infectieux dont une faible partie seulement se trouve relatée dans les publications médi¬ cales. Seuls les faits originaux y figurent en effet et les statistiques, ici plus encore qu’ailleurs, sont impuissantes à nous donner une image exacte de la réalité. Pour la Seine, hormis les observations relatives à la région parisienne que nous rapporterons dans un paragraphe spécial, il convient de citer avant tout les cas qui sont périodiquement signalés, d’une part dans la vallée du Loing et les environs de Meaux, d’autre part à proximité de l’embouchure du fleuve, aux abords immédiats de Rouen (Dévé). Le long de la Loire, on voit semblablement s’échelonner toute une série de petits fovers épisodiques depuis la boucle d’Orléans jusqu’à la région nan¬ taise (Boquien, Sebileau) (1) en passant par Tours et Angers (Denechau), sans oublier latéralement le foyer berrichon décrit par Esbach en 1935. Rappelons que parmi les quatre cas relatés à cette époque par ce dernier auteur, deux concernaient des ouvriers employés au curage des ruisseaux aux environs mêmes de Bourges, un autre un vannier d’Aubigny-sur-Nère qui avait pour coutume de mettre ses joncs à tremper dans une eau particulièrement souillée. le dernier un sujet avant pris des bains dans l’Armon, non loin d’abattoirs où abondaient les rats. Fait curieux, encore que très fortement irriguée grâce à ses canaux, la région du Nord ne parait pas se prêter volontiers au développement de la Spirochétose ictérigène. C’est du moins ce qu’affirment Langeron et Michaux en nous rapportant en 1947 le premier cas de cette affection observé à la Clinique médicale de la Charité à Lille et concernant un sujet qui s’était contaminé au cours d’une partie de pêche dans les marais de la Somme. Men¬ tionnons encore, la même année, un cas de Roulin relatif à un militaire avant pris un bain dans le canal de Lens. Si la Spirochétose ictérigène a ainsi pris pied dans les zones humides du vaste bassin, il n’y a pas lieu d’être surpris que sa proche parente, la Leptospirose grippo-typhosa, en ait fait autant et ait adopté des localisations géographiques semblables. Maladie des terres basses et des contrées fréquem¬ ment submergées, on l’a vu survenir, non seulement à Nantes (Boquien et Kerneis), mais encore auprès de Tours où Decourt, en 1943, a pu en étudier six cas chez des enfants d’une colonie de vacances avant pris des bains dans la Choisille. Il est du reste évident que la Loire avec son cours lent, ses ilots ensablés, ses rives parsemées de trous d’eau et de lagunes, offre l’été des conditions éminemment favorables au développement de cette affection. Pourtant, c’est le long d’un petit affluent déjà cité de la Seine, le Loing. que s’est manifestée en 1949 la plus importante épidémie de Leptospirose grippo-typhosique parvenue à notre connaissance. Cette épidémie, qui a com¬ porté 77 atteintes, est survenue dans une collectivité militaire au cours de circonstances qui méritent d’être évoquées. L'’été, les eaux du Loing coulent très basses, sur un fond de vase très épais sans cesse enrichi par l’apport des produits de curage du canal de Briare. C’est dans ce milieu fortement polué que les sujets se sont infestés en pratiquant des exercices de plongée en pro¬ fondeur, au contact de nappes de vase riches en leptospsires surtout en cette période chaude de l’année (juillet-aout). Soixante-trois d’entre eux durent (1) Pour la région nantaisc, voir Pathol, bretonnc. t. 1 29 306 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE ainsi être hospitalisés à Montargis pour des formes pseudo-grippales ou ménin¬ gées de la maladie dont l’évolution, fort heureusement, s’est révélée bénigne. Enfin, nous ne pouvons terminer ce paragraphe sans faire une allusion à la Leptospirose à L. pomona, ou « Fièvre des porchers », qui, en dehors de ses foyers parisien et nantais, est responsable de quelques cas épars dont les premiers en date ont été identifiés en Anjou (département du Maine-et¬ Loire) par Dénéchau et Ménard (1941) et d’autres plus tard dans le Bassin de la Loire par Plauchu (1950). RIRLIOCRAPHIE L. BASSE. La Spirochetose jctérigène dans l’Eure-et-Loir, corresp, pers. 1946 (3 cas en 1943-1944). 2. DECQURT (J.). BRAULT (A.) et Mme ROLOCHINE-ERRER. Epidémie française de Leptospi¬ rose à L. Grippo-typhosa. Bull. et Mém. Soc. Hop, Paris, 1943, 5 févr., p. 65-70. 3. DENECHAu (M.). La Spirochetose ictéro-hémorragique à l’occasion des faits récemment signalés en Anjou. Arch, méd. d’Angers, déc, 1937, p. 246. 1929, p. 403. mai 1934, p. 135. H1. nAN D. — LA TULARÉMIE. Le fover bourguignon. Au cours d’une précédente étude, nous avons vu que la Tularémie avait fait de la région lorraine son fover principal en France après avoir choisi la Bourgogne comme berceau d’origine. En 1948, le département de la Côte-d’Or apparaissait en effet comme le plus fortement touché de notre territoire, réunis¬ sant à lui seul, comme le tableau suivant l’indique, plus de la moitié des cas connus : Côte d’Or 27 cas Nièvre 11 » Indre-et-Loire 4 » Aube: 2 » Cher 5 Gironde 2 Meunheet-Moslle 3 » Ille-et-Vilaine 1 » BASSIN PARISIEN 307 Depuis, dépossédé du premier rang qu’il occupait à l’époque, ce dépar¬ tement compte néanmoins toujours parmi les plus éprouvés, avec la Nièvre. son voisin. A partir de ce fover initial, le mal s’est aujourd’hui propage en tout sens, non seulement vers l’Est où nous avons décrit ses effets mais encore vers l’Ouest et le Nord où il a gagné successivement, en plus des zones indiquées plus haut, les départements de la Hauue-Marne, de l’Orne, de l’Oise, de la Seine-et-Marne et, tout récemment, de la Somme (4 cas en 1952). Si l’on tient compte du fait que des atteintes animales devancant la maladie humaine viennent d’être signalées notamment dans l’Eure et l’Eure-et-Loir, on voit que l’on peut s’attendre dans un proche ave¬ nir à de nouveaux développements du processus, appelé sans doute à se géné¬ raliser à tout notre pays après avoir envahi le Bassin parisien tout entier. De toute façon, la situation en France au début de 1953 pouvait se définir comme suit : En dehors des cas dispersés (Ille-et-Vilaine. Card), il existait alors sur notre territoire national deux fovers de Tularémie humaine, situés tous deux au-dessus d’une diagonale allant de la Gironde au Doubs : — d’une part le foyer de l’Est, centré sur la Meurthe-et-Moselle, la Côte-d’Or et la Nièvre et englobant 29 de nos départements; et d’autre part celui beaucoup plus restreint du Sud-Quest, compre¬ nant 5 départements groupés autour de la Gironde. Ces deux foyers tendant à se rapprocher, il est à craindre que d’ici peu ils ne réalisent leur jonction. Rappelons que, dans la Tularémie, l’animal contaminateur est presque toujours le lièvre, souvent découvert malade ou mort. L’affection se contracte par contact au cours du dépouillage ou des préparations culinaires. Après une période d’incubation de 2 à 7, jours se développe alors une pyrexie d’allure grippale. A la période d’état plusieurs formes cliniques peuvent s’observer : forme brachiale (7 % des cas), forme pharyngée (8 7). forme conionctivale (8 6), formes septicémique, pneumonique, etc. La pre¬ mière se traduit par des adénopathies énitrochléennes et axillaires en rapport avec des lésions érythémato-vésiculeuses des mains de nature allergique (de Lavergne). En l’absence de traitement précoce et correct par les antibiotiques les ganglions supnurent pendant de longs mois. Le diagnostic se base sur l’étiologie et la clinique et se confirme par des réactions biologiques. L’une, très précoce, la tularino-réaction (iniection in¬ tradermique d’endotoxine) est constamment positive (lésions phlycténulaires) et rigoureusement spécifique. L’autre, la séro-agglutination, ne permet de faire le diagnostic que plus tardivement (se méfier de coaglutinines pour les Brucellosest BIRLIOCRAPuIE 308 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE 6. MARTIN (R.). MERCIER (P.) et PERET (R.). Un nouveau cas de Tularémie par morsurc. Animal vecteur : le sanglier. Soc, mnéd. hôp, Paris, 6 juin 1947. 7. PLANSON (E.). BERTHIOT et DESAUGE (Dijon). Un cas d’angine tularémique, Soc, pdiatrie. 28 fév. 1950. 8. TROISIER (J.). Tularémic. Encyclop, méd. chir. Mal, infect, édit, 1938, n° 8039. E. — LA « MALADIE PAR CRITEURES pU CHAT » Non spéciale à la Capitale dans le Bassin parisien, des cas en ont été cigna¬ lés dans la région du Nord en 1950 et dans l’Anjou en 1952. L’originalité du cas nordique tenait à sa localisation inguinale. Quant au cas angevin, il a incité le chirurgien à exciser le foyer et les ganglions infectés, intervention qui a abouti à une guérison spectaculaire. Il est vraisemblable que ces observa¬ tions ne marquent qu’un début, les cas étant sans doute appelés à se mul. tiplier rapidement. BIBLIOCRAPHIE 1. DENECHAU (D.). Un nouvel exemple de « Maladie des griffes du chat ». Soc, mnéd. hOp. Paris, 7 mars 1952. E — L’ERYSIPELOIDE DE ROSENRACH. En dehors des cas strictement parisiens que nous retrouverons bientêt, on ne rencontre guère dans l’histoire de notre grande plaine septentrionale que quelques faits d’Erysipéloide isolés tels celui relatif à un porcher de l’Yonne qui s’était accidentellement contaminé en faisant l’autopsie d’une de ses bêtes morte du Rouget (Renseignement communiqué var le Directeur départemental des Services vétérinaires — 1046) et plus récemment ceux publiés par Cor¬ donnier et ses Elèves concernant deux bouchers de la région lilloise dont la guérison fut rapidement obtenue grâce à la pénicilline. BIRLIOCRAPHIE C. — LA FIEVRE APHTEUSE. On sait que la Fièvre aphteuse par sa contagion subtile, imprévisible, soudaine, demeure une menace permanente pour tout le cheptel, le cheval excepté. Elle a occasionné notamment des épizooties de 1937 à 1941 dont le tableau ci-dessous, emprunté aux statistiques du département de la Haute¬ Marne, permet déjà de mesurer toute l’étendue : Morbidité animale par fiètre aphteuse en Haute-Marne BASSIN PARISIEN 302 Or, ces bilans viennent d’être largement dépasés au cours de l’épizotie plus grave encore de 1950,-1952. Heureusement que, grâce à sa résistance naturelle, l’homme échappe le plus souvent aux atteintes de ce mal qui n’a pour le moment entrainé dans le Bassin parisien que de très rares cas de contamination. D’ailleurs, même en période d’épizootie, la simple présence d’aphtes dans la cavité buccale d’un sujet ne doit pas conduire automatiquement au diag¬ nosic de stomatite aphteuse, celui-ci ne devant être posé en toutes circons¬ tances qu’avec la plus grande circonspection. H. — LA SUETTE PICARDE Importée d’Angletere vers le debut du XVIle siècle, la suete miliaire a donné rapidement naissance sur notre sol à de fréquentes poussées épi¬ démiques, pour la plupart localisées il est vrai à des secteurs bien déterminés. Parmi les régions ainsi touchées, la Picardie vient se classer en tête de liste, non seulement en raicon de la date de son atteinte initiale (1718), mais encore du fait de l’importance et de la gravité des épidémies qui s’y sont succédé, lesquelles ont bientôt mérité l’appellation de « suette picarde » au¬ jourd’hui consacrée par l’usage. La première relation officielle de la maladie se rapporte aux années 1718-1733 et est due à Bellot alors « Docteur-Bégent » de la Faculté de Méde¬ cine de Paris. Cet auteur nous décrit notamment comment l’affection, née à Saint-Valéry-sur-Somme, gagna en peu de temps Abbeville pour se répandre ensuite sur toute la province, semant partout la désolation et la mort. Un peu plus tard, un mémoire de M. Pinard édité en 1734 nous apprend que la « Fièvre des Picards » enleva un grand nombre d’habitants dans la ville de Rouen en 1741. L’année suivante (1742), c’est autour de Fécamp que le mal s’abat, ainsi qu’en témoigne une chronique de M. Le Boucher publiée en 1778. Propage jusqu’à Caudebec, il y occasionne plus de 100 décès en moins de trois mois. En 1759, une récidive se produit, faisant encore davantage de victimes. Vers 170, l’Académie de Sciences et Belles-Lettres d’Amiens, avant pro¬ posé comme sujet à un concours la « Fièvre miliaire », recut deux opuscules signés l’un de Baraillon et l’autre de Planchon. Tous deux insistent sur la fréquence du processus dans le pays, surtout en milieu rural, et sur sa pré¬ dominance dans les lieux bas, humides et marécageux, les hauteurs étant par contre relativement épargnées. Puis survient en 1776 la fameuse épidémie de Louviers resnonsable au cours du seul mois de septembre de plus d’une centaine de décès. A son Sujet. Lepeça de la Cloture, un contemporain, s’exprime en 1875 en ces termes : « La contagion se propageait alors avec tant de célérité que quelques étrangers avaient contracté la maladie pour avoir séjourné 24 heures dans la ville et le bruit de cette épidémie se répandit avant tant de terreur et d’effroi que des citovens alarmés s’enfuirent de leurs murs, que les vovageurs ne voulurent plus passer dans Louviers, ni les voisins en approcher; que son commerce en fut altéré et suspendu; que le ministère enfin y donna ses soins et que la désolation de cette ville attira sur ces infortunes mercenaires les. Fégards et la bientaisance de Louis XIY le Bien-Aimé. » 310 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Au cours du XIXe siècle, la situation ne devait guère s’amender. C'est ainsi notamment qu’une épidémie extrémement sévère éclata entre 1849 et 1854 dans toute la partie Est du département de la Somme. Voici, en ce qui la concerne, quelques chiffres particulièrement éloguents empruntés aux Ar¬ chives locales : dans l’arrondissement de Péronne il y eut alors, pour les seuls mois de mai et juin 1849, 693 cas identifiés parmi lesquels 7(0 à Voingt. plus de 200 à Saint-Christ, plus de 150 à Berny et une centaine à Misery; au même moment l’arrondissement de Montdidier en comptait 1363 (avec une vingtaine de décès) presque tous localisés dans le canton de Rosières, et l’arrondissement d’Amiens 215 dont 53 à Vseux, petit village de 350 habitants à peine. On peut évidemment s’étonner de pareils bilans devant la rareté actuelle de la maladie. Telle est d’ailleurs l’opinion formulée par G. Rozé à qui nous devons la presque totalité de la documentation que nous utilisons. Si, en effet. diverses atteintes se sont produites en France au cours de ces dernières années. notamment dans le Poitou (épidémie de 1926), à Lyon (un cas en 1934 et un autre en 1937) et à Dijon (trois cas en milieu hospitalier signalés en 1038 par leannin), il faut bien avouer qu’aucun des faits récents ne se rapporte à la région picarde. A quoi donc attribuer cette surprenante évolution" Il est certain que les travaux d’assainissement et d’assèchement entrepris dans la vallée marécageuse de la Somme sont pour beaucoup dans ce résultat; mais ils ne sauraient suffire à tout expliquer. Faut-il admettre, comme le suggère Rozé, que l’affection évolue vers une forme de plus en plus bénigne, aux manifestations atténuées et, comme telle. susceptible de ne plus être toujours ratache à sa véritable originez C’est bien possible. En tout cas, il serait peut-être prématuré de penser que la vieille suette classique a définitivement abandonné le sol picard. Déjà nous avons montré comment elle se maintenait dans le Poitou sous l’aspect de cas sporadiques et isolés dont le dernier, à notre connaissance, remonte à dix ans à peine. Il est fort probable que dans la Somme il en est de même. D’ailleurs, en consultant les archives d’un département voisin, l’Oise, nous avons constaté que l’affection continuait encore à y sévir au début de ce siècle. L’hypothèse de retours offensifs du mal n’est donc pas entièrement à exclure pour l’avenir, cette perspective justifiant le maintien d’une attitude vigilante à l’égard des cas suspects. BIBLLOCRAPHIE 312 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE BIBLIOCRAPHIE VIL — DE QUELQUES AFFECTIONS PARASITAIRES A — LE PALUDISME, SURTQUT DANS LES FLANDRES. Autrefois le Pahudisme sévissait avec une certaine intensité dans différents secteurs du Bassin parisien et, en particulier, dans les marais du Cotentin, en Sologne, entre l’Indre et la Creuse dans la Brenne, en Argonne, et surtout dans la région des F’landres. Depuis la fin du siècle dernier, on peut dire que le mal a régressé au point même de disparaitre, les quelques incidents signalés au cours des deux guerres mondiales étant demeurés isolés et sans len¬ demain. Ainsi donc, de nos jours, le Paludisme de nos grandes plaines septen¬ trionales n’est plus guère pour nous qu’un mauvais souvenir. Nous allons toutefois en rappeler très brièvement l’histoire en la limitant d’ailleurs au fover principal des Flandres, nos références étant puisées essentiellement dans l’excellent article qui vient d’être publié à Lille par le Professeur Coutelen et ses collaborateurs. C’est à une date probablement très lointaine que le Paludisme s’est im¬ planté dans le nord de la France. Nous ne possédons toutefois aucun docu¬ ment précis à ce sujet. Tout ce que nous savons, grâce aux chroniqueurs civils et militaires de l’époque, c’est qu’au XVIle et au XVIIle siècles la morbidité et la mortalité malariques étaient très élevées dans cette région et qu’on y observait couramment des tièvres « tierces » et « quartes » clinique¬ ment typiques. Malgré une régression déjà très sensible, de petites épidémies comportant certainement de nombreux cas autochtones apparaissent encore durant le XIXe siècle et le début du Xxe le long des rives marécageuses de la Scarpe, de la Lys, de l’Escaut et de la Liane, autour des hortillonnages et des tourbières de la Somme jusqu’à Péronne, en bordure de l’Aisne et de l’Ailette (Anizy-le-Château), plus loin sur la Bar, affluent de la Meuse. enfin dans le vallon boisé de Sécheval dans les Ardennes. Fait intéressant, la « capitale des Flandres » elle-même n’échappe pas à ces atteintes, ainsi qu’en témoigne un article de Motty paru en 1911. BASSIN PARISIEN 313 Pourtant la situation apparaissait comme tout à fait apaisée quand la guerre de 1914-1918 survint, faisant naître aussitôt des inquiétudes nouvelles. Sur les 300 cas environ de Paludisme alors relatés en France, une centaine en effet gont constatés dans le Nord. Les observations les plus nombreuses émanent ici encore de la plaine des Flandres. Mais on en signale également une quinzaine dans l’Aisne (région de Berry-au-Bac, rives du canal de l’Aisne à la Marne), une dans l’Artois et six dans l’Oise. Des diagnostics parasito¬ logiques précis sont à ce moment posés, metant en cause Plasmodium vivaz, beaucoup plus exceptionnellement Plasmodium falciparum (2 cas). D’une manière générale il parait s’agir de contaminations locales liées au voisinage immédiat de troupes exotiques impaludées, dans des contrées par ailleurs très riches en Anophèles. Cette poussée, avons-nous dit, devait être éphémère. Effectivement, entre les deux guerres (période 1919-1939) les cas d’infestation se montrent extrè¬ mement rares. Comme précédemment, on les rencontre avant tout dans les Flandres (une cinquantaine au maximum), accessoirement et sous la forme sporadique dans les départements voisins, Parmi toutes ces localisations éparses nous citerons, dans le Nord. Deulémont. Comines et Houplines dans la vallée de la Lys ainsi que la région de Denain, la Couture (près de Béthune) et Camiers dans le Pas-de-Calais, Beauvais dans l’Oise et Dieppe dans la Seine. Inférieure. En 1939, les hostilités se rallumant, on redoute légitimement une reprise du processus et un réveil des foyers latents sous l’influence d’apports nou¬ veaux de germes. En réalité les circonstances épidémiologiques se révèlent vite bien différentes de celles de 1914-1918. Les effectifs, moins élevés, sont devenus très mobiles du fait de la « guerre de mouvement » et, surtout, des traitements antipaludiques modernes sont immédiatement institués dès la moindre alerte. Le résultat est que, non seulement on n’observe plus d’épi¬ démies, mais encore que les cas authentiques peuvent véritablement se compter. A notre connaissance, 4 obserpations seulement ont été publiées de 1939 1950 : elles portent les signatures de Doumer et Coutelen. Henninot et Lau¬ geron, et concernent toute la région lilloise. On en trouvera plus loin l’indi¬ cation à la bibliographie. Ainsi donc, le Paludismne s’est pratiquement éteint dans le Nord comme d’ailleurs sur toute l’étendue de notre territoire national. Sur les causes de cette extinction « spontanée », nous avons déjà eu du reste l’occasion de nous expliquer en étudiant les manifestations de la maladie dans le Nord-est de la France. Avant de terminer ce chapitre, nous voudrions toutefois faire allusion à deux faits récents qui nous paraissent dignes d’intérêt; il s’agit, non plus de la reviviscence accidentelle de foyers anciens, mais de l’apparition de gites nou¬ veaux consécutifs à des apports extérieurs de germes. Ceci s’est produit à Louverne dans la Mavenne parmi les ouvriers des fours à chaux et, plus récemment en Normandie, lors du débarquement allié. A ce propos, il nous faut évoquer la curieuse histoire rapportée par Macnaught de ces huit soldats Pbritanniques coptaminés en aoît et septembre 1944 dans un secteur jus¬ qu’alors indemne de toute atteinte, mais possédant de nombreux Anophèles. dont l’infestation ne peut s’expliquer que par la présence concomitante en ce point du front de contingents anglais et allemands récemment rappeles d’Afrique. Dans toutes ces circonstances il est d’ailleurs bien évident que des causes secondes ont joué : encombrement, fatigues, voire sous-alimentation. Ces fac¬ teurs, n’avant eu qu’une influence très momentanée, on concoit que le mal n’ait pas réusei à eimplanter définitivement er que, là aussi, il se soit efface ot Sterilises les quelques réservoirs de virus. 314 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE BIBLIOCRAPHIE B. — LE PARASITISME INTESTINAL DANS LA RÉCION DU NORD. Dans le Bassin parisien, hormis Paris, c’est dans la région du Nord que les Parasitoses intestinales ont suscité le plus de travaux ceux-ci étant dus à l’Ecole lilloise et notamment au Professeur Coutelen, au Professeur agrégé Biguet et à leurs collaborateurs. Ce qui fait l’originalité de ces travaux, c’est qu’ils ont été entrepris tout récemment suivant les" méthodes de recherches les plus modernes, celles-ci laissant loin derrière elles pour la précision des résultats les méthodes anté¬ rieurement emplovées. Les techniques utilisées sont exposées en détail par le Professeur Coutelen dans un article de synthèse publié à l’issue du Congrès international de Châtel-Cuvon de septembre 1950, article auquel nous ren vovons le lecteur. Il est bien entendu que les statistiques qui y figurent et dont nous allons reproduire ici l’essentiel ne sauraient être comparées aux sta¬ tistiques plus anciennes reposant sur des techniques aujourd’hui dépassées. 1. — Recherches de coprologie parasitaire effectuées de 1936 a 1946 ches des entants de 2 6 ans fréquentant les Ecoles maternelles de la région du Nord (agglomération de Lille-Roubaix-Tourçoing). Grace aux procédés mis en guvre, les résultats globaux obtenus ont ete les suivants : — nombre d’enfants examinés : 1 586 (4 384 selles étudiées) : — nombre d’entants parasites : 1075, soit 68,64 %%. BASSIN PABISIEN 318 Voici d’ailleurs les indices enregistrés pour les principaux parasites a) Protosaires : Entomoeba dysenteriae Entamoeba hartmanni. Entamoeba coli.... Endolimax nana rencontrés : Giardia intestinalis. Chilomastix mesnili b) Helminthes: Trichuris trichiura (trichocephale). Enterobius vermicularis (oxvure). Ascaris lumbricoides.......... Taenia saginata (anneaux: contrôle familial).... 9,00 9% 1,5 27,77 1.17% 28,806 2,18 21,83 9% 7,15 16,60 1,32 Il est à remarquer que les taux globaux ohservés ont été nettement plus élevés à Lille (69,69) et à Boubaix (6947) qu'’à Tourcoin (49,20), fait qui parait attribuable aux mesures d’hygiène préventive adoptées par cette der¬ nière ville qui est actuellement à l’avant-garde dans le domaine des réalisations sociales. On doit noter d’autre part que le nomhre d’enfants héberceant plusieurs espèces parasitaires à la fois est très appréciable, qu’il s’agisse de Protozoaires ou d’Helminthes, voire des deux simultanément. Enfin l’absence d’amibes dysentériques n’a que très peu de valeur à l’âge considéré, cette parasitose sévissant à peu près exclusivement chez l’adulte. 2. — Recherche directe de l’Orvurose par la prérhodle de Craham la cellophane adhésive jointe a l’examen coprologique complet des selles dans un groupe de sent écoles maternelles lilloises dessérvant un quartier surpeuplé de la ville (1948). Cette asociation des techniques, beaucoup plus efficace que l’examen coprologique isolé dont les résultats ont été indiqués ci-dessus, a permis d’éta¬ blir le bilan ci-après : — nombre d’enfants examinés : 3325. — nombre d’enfants parasités : 320, soit 96,38 2%. Cette enquête a été completée par des visites domiciliaires dans 46 familles d’enfants parasités. Elle a abouti à la constatation d’une contamination géné¬ ralisée et familiale dans 36 d’entre elles, soit 82,0 %. Et l’auteur de conclure : « Les résultats statistiques de ce groupe sco¬ laire, joints à ceux qui précedent, font monter à 73,25 pour 100 l’indice parasitaire global des enfants agés de 2 ̀ 6 ans qui fréquentent les Ecoles maternelles de la région du Nord », ce pourcentage étant encore vraisembla blement au-dessous de la réalite. 3. — Poursuivant plus loin ses investigations, le Professeur Coutelen à brocedé ensuite, de 1948 à 1950, à des esais de dépistage systématique des 1 Dopdlation infantile du Nord. Pratiquant alors des 316 recherches moins poussées en profondeur que précédemment mais plus éten¬ dues en surface, il a été amené à examiner ainsi 3 440 enfants, toujours âgés de 2 à 6 ans. Or, le calcul a démontré que 73 % au moins d’entre eux sont porteurs d’espèces pathogènes, le plus souvent d’ailleurs sans aucune mani¬ festation clinique. Malgré les grandes variations observées de ville à ville et. dans une même localité, d’école à école, c’est l’ozvurose qui fournit les taux d’infestation les plus élevés, puis la lambliase, tandis que l’ascaridiose et la trichocéphalose, contrairement à ce qui se passe chez les enfants plus âgés. apparaissent comme nettement moins répandues LA PATHIOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE 4. — Enfin, a partir d’octobre 1948, sur une échelle moins vaste sans doute, mais en utilisant toujours les mêmes techniques en vue d’obtenir des chiffres comparables, le même auteur s’est orienté vers la prospection systé¬ matique du parasitisme intestinal chez des enfants d’un age scolaire plus avancé (jusqu’à 15 et 19 ans), vivant dans des collectivités telles qu’hopitaux. préventoriums, centres de rééducation, etc. Les résultats recueillis portant au total sur 844 sujets ont permis de décelen 720 cas de contamination, soit une proportion de 85 2%. Ils montrent en outre en faisant le détail des espèces rencontrées, que les enfants en progressant en âge hébergent un pourcentage plus élevé d’ascaris et de trichocéphales, cepen¬ dant que l’oxvurose constitue encore chez eux, comme chez les tout-petits, la parasitose la plus fréquente, au moins dans les communautés. A cet égard il y a lieu d’insister tout particulièrement sur l’extrème banalité chez les files d’une ozvurose vutvuire associée. Ajoutons que cette enquête a de nouveau attiré l’attention sur les infes¬ tations à Hymenolepis nana. Récemment encore, le Professeur Coutelen en connaissait six aas dans le Nord, tous d’origine autochtone, 3 provenant d’une communauté d’enfants de Lille, 2 d’une famille de Liévin, le dernier étant isolé. Ces cas venant s’adioindre aux deux autres déjà signalés par Buttiaux et Kesteloot chez des adultes du Pas-de-Calais laissent supposer l’adaptation actuelle de ce Cestode à nos climats tempérés. Ainsi le haut degré d’intestation parasitaire de nos départements du Nord ne saurait qujourd’hui faire de doute, compte tenu de l’extrême sensi¬ bilité des méthodes de dépistage nouvellement emplovées. Fait intéressant, le mal est loin d’épargnex, comme nous l’avons vu, le secteur minier où d’ailleurs on le voit s’accroître progressivement au moins autant parmi la population qu’à la mine elle-même. Pour Buttiaux et Kesteloot déjà cités, cette augmen¬ tation serait attribuabie en grande partie à la pratique sans cesse élargie de l’épandage ainsi qu’à la consommation d’eaux trop souvent impures. Enfin, pour terminer ce paragraphe, nous mentionnerons une curiosité nosologique : elle concerne la découverte récente dans un village de la Somme d’un petit fover autochtone de Disfomafose humaine. Celui-ci a pu éclore grâce probablement à la présence aux alentours de quelques marais, favo rables à l’accomplissement du cycle évolutif de Fasciola hepatica. Ce fait sou¬ lève des problèmes épidémiologiques tout à fait nouveaux dans la région et fort intéressants à élucider. BIBLIOCRAPHIE BASSIN PARISIEN C. — LES TEIGNES DU CUIR CHEVELU DANS LE NORD ET LE PAS¬ DE-CALAIS. Les teignes sont des maladies mycosiques relativement répandues dans les régions du Nord de la France. A la suite d’une étude effectuée en 1948 et portant sur 120 malades jeunes de l’Hopital Général de Lille, les Professeurs Coutelen et Huriez ont obtenu pour chaque catégorie des mycoses identifiées les proportions suivantes : Teignes faviques (Achorion Schonleini 61 2% Teignes microsporiques (microsporum canis) 31 2% Teignes tondantes trichophytiques (Trichophyton tonsurans et Tr. sabouraudi)....................................... 8 2 En réalité, les enfants ainsi examinés ne représentent certainement qu’une fraction très faible de l’ensemble des sujets atteints par ces dermatophyties. Nombre de celles-ci, en effet, sont traitées dans les services hospitaliers locaux ou en clientèle privée (surtout pour les teignes microsporiques): beaucour d’autres encore doivent rester ignorées des médecins et, par suite, non soignées. Ces teignes se rencontrent disséminées un peu partout dans les dépar¬ tements du Nord et du Pas-de-Calais. Cependant, deux régions semblent plus paerticulièrement touchées dans l’état actuel des choses : La première s’étend tout le long de la côte depuis Berck jusqu’à Crand¬ Fort-Philippe avec un maximum dans les villes sinistrées placées dans de mau¬ vaises conditions d’hygiène (présence d’un foyer favique à Grand-Fort-Phi¬ lippe notamment). Quant à la seconde, elle est constituée par la ville même de Lille et par sa grande banlieue (Loos en particulier). Cette situation justifie des mesures de dépistage systématique avec mise en œuvre des thérapeutiques appropriées. A ce propos il y a lieu de remarquer que la teigne tondante microsporique affecte dans le Nord une origine à peu près exclusivement animale, étant habituellement transmise par les chiens et les chats, hôtes familiers des logis et des écoles. Du point de vue prophy¬ lactique, il est certain que cette notion revêt une importance pratique toute 317 péciale. BIRLIOCRAPHIE 1. COUTELEN (F) Hunusz (CI) Cocur (G) RucuET (L.) et MUILLET (S.). Recherches récentes sur la fréquencc" l’étiologie et l’épidémiologie des teignes du cuir chevelu chez les enfants et les adalescents de la récion du Nord. Echo méd. Nord, 1948 These Lille, 192. 318 D. — L’ECHINOCOCCOSE COMMUNE EN NORMANDIE Ftudiant en 1922 les incidences de l’Echinococcose en Normandie, Mail¬ lard, dans une thèse inspirée par Dévé, était arrivé à cette conclusion que « la Normandie est une des régions de France où la maladie se montre la plus fréquente chez l’homme ». L’auteur spécifiait en outre à l’époque que le processus n’était pas également rénarti dans toute l’ancienne province puis¬ que, très rare en Basse-Normandie, il était surtout rencontré dans la région Haute — c’est-à-dire sur la rive droite de la Seine, dans le « pays de Caux » sans d’ailleurs que les raisons de cette distribution puissent être nettement établies. En réalité, depuis lors, la maladie hydatique a très largement rétrocédé dans toute cette contrée, au point même d’avoir pratiquement disparu. Depuis 1039. Dévé lui-même n’en a plus guère observé qu’un seul cas. Effet de la raréfaction du mouton, de l’abatage plus précoce ou de l’amélioration de l’hygiène des abattoirs2 : cela est en vérité bien difficile à préciser. Quoi qu’il en soit, le phénomène n’a rien de spécial à la Normandie puisque nous avons déjà eu l’occasion d’en faire état en étudiant les autres pays à hydatisme, à savoir le Languedoc et les Landes, puis la Proyence et la Corse ou la maladie est manifestement en régression depuis la dernière guerre. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE RIRLIOCRAPHIE 2. DEVÉ (F.). Corresp, pers, sept, 1946. 3. MALARD. L’Echinococcose en Normandic. Thêsc Paris, 1922. E — L’ECHINOCOCCOSE ALVTOLAIPE DANS L’APTOIS ET LA BOURGOCNE. Nous n’avons eu en vue précédemment que l’Echinococcose clasique. due au Tgnia échinocoque, responsable de l’hydatisme humain. Nous devons mettre à part dans ce paragraphe une autre variété de parasitose, l’Echinococ¬ cose alvéolaire, maladie très particulière en France à la région franc-comtoise ou elle constitue néanmoins une véritable curiosité. C’est dire à quel point elle est exceptionnelle partout aileurs, le Bassin parisien n’avant donné le jour jusqu’à une date encore récente qu’à 4 cas : nous faisons allusion en l’espèce aux deux observations artésiennes de Desoil (1924) et de Leper et Carcin (1927) ainsi qu’aux deux observations bourguignonnes de Wilmoth (1933) et de Gricouroff dont on trouvera les références à la bibliographie. BIBLIOGRAPHIE 1. DEsout. Société de biol. (Lille, séance du 7 juill, 1924). 2 GRICoUnorr (6.) et ACROR (Ed.). Mem. Acad, chir, 1, 64, n° 21, p. 902308 3. WILNOTH (P.). Journ. de chir., n° 4, avril 1933. VuIL — LES CRANDS FLEAUX SOCIAUX A. — LA TUBERCULOSE. Vingt-neuf départements, soit le tiers de la France, telle est admi¬ nistrativement l’étendue du Bassin parisien. On concoit que de semblables espaces, en dépit de conditions géographiques communes, Comportent, en ce A° BASSIN PARISIEN 319 qui concerne le développement d’une affection comme la Tuberculose, des variations locales importantes. Ces variations, nous allons essaver d’en déter¬ miner les caractéristiques essentielles dans les deux tableaux qui vont suivre : 21 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE A vrai dire, devant les fluctuations observées de 1938 à 1943 que maté¬ rialisent les documents ci-dessus, il est impossible de formuler un avis de quelque valeur quant au mode de répartition de la Tuberculose entre les dépar¬ tements envisagés. Sans doute, à première vue, ce sont les régions de haute densité démographique qui paraissent les plus touchées. Toutefois le phéno¬ mène n’a rien de général puisqu’on voit des départements aussi fortement peuplés que le Nord n’occuper dans le classement qu’une position moyenne. Vovons donc si les statistiques récentes dé la période 1953, 1955 basées, comme nous le savons, non plus sur le lieu de décès des malades, mais sur leur résidence d’origine, sont susceptibles d’apporter dans le domaine considéré des éléments nouveaux : La Mortalité tuberculeuse dons le Bassin parisien durant la période 1953-1955 (J.N. H.) Ce tableau, qui a toutes chances d’être plus sincère que les précédents. nous amène aux conclusions suivantes : l° Ezistence actuelle d’un très gros fover d’endémicité mberculeuse dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais ou la mortalité bacillaire a atteint, au cours des trois années 1953-1955 une moyenne de 45,0 pour 100 000 habitants contre 32 pour l’ensemble du Bassin parisien et 33,3 pour la France entière. Ce taux — véritablement inquiétant — se ranproche de très près de celui des départements bretons qui est au même moment de 50,3 si on exclut l’annexe vendéenne. Il fait donc aujourd’hui de la Flandre et de l’Artois l’un des grou¬ pements régionaux les plus tuberculisés de notre pays. BASSIN PARISIEN 321 2° Présence de zones d’endémicité tuberculeuse également élenée en Nor. mandie sur le territoire englobant la Manche, le Calvados, la Seine-Maritime et l’Eure (L.M. : 35,7, voire 36,2 avec la Mavenne) et dans la région pari. sienne réunissant la Seine, la Seine-et-Oise et la Seine-et-Marne (L.M. : 32,2). 3° Constatation au contraire d’une zone de moindre contamination dans l’Est du Bassin ainsi que le long de la vallée de lu Loire où l’indice de mor¬ talité envisagé s’abaisse notamment à 29,4 pour l’ensemble des départements de Maine-et-Loire, Indre-et-Loire. Loir-et-Cher. Loiret et Nièvre. Ces faits sont évidemment en rapport avec des facteurs bien connus tels que la surpopulation, l’encombrement des logis, parfois l’hypoalimentation et la misère auxquels s’associent trop fréquemment les méfaits de l’Alcoolisme. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce dernier point. Signalons toutefois que la confrontation des précédentes données témoigne d’un fléchissement très sensible des taux de mortalité tuberculeuse au cours de ces dernières années, phénomène en accord d’ailleurs avec ce que l’on observe un peu partout de nos jours grâce à l’augmentation du bien-être et à l’action efficace des Pouvoirs publics. B. — LES MALADIES VENERIENNES, Voici tout d’abord, extrait des statistiques précieuses de l’Armée établies avant-guerre, le bilan vénéréologique détaillé des régions appartenant au Bas¬ sin parisien. L’intérêt de ce bilan repose comme nous le savons déjà, sur la fragilité spéciale du soldat à l’égard des maladies vénériennes, fragilité qui permet de baser sur la fréquence de ses atteintes une carte épidémiolo¬ gique assez fidèle de ces affections. Le Bassin parisien, tel que nous l’avons défini, comprenait avant 1939. sept régions militaires, plus le gouvernement militaire autonome de Paris (G. M P.). Nous allons indiquer ci-dessous, pour chacune des maladies véné¬ riennes en cause, l’indice de morbidité observé pour 1 000 hommes d’effec¬ tif, ainsi que la place occupée par chaque région dans le classement général francais durant le laps de temps considéré. Morbidité vénérienne dans l’Armée : années 1930-1936 322 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCT De ces tableaux on pouvait alors tirer les conclusions suivantes : 1) Le Bassin uarisien paraissait, dans son ensemble, nettement moins contaminé que la France du Midi et même la région lyonnaises 2) Les régions à gfande densité humaine qui ont pour centre Lille et surtout Paris se révélaient d’une manière générale moins touchées qu’on pouvait l’imaginer à prioris 3) Parmi les régions les plus atteintes se plaçaient celles d’Amiens et de Tours, cependant que celles du Mans et d’Orléans bénéficiaient d’une situation relativement privilégiée. Bien entendu, depuis la publication de ces chiffres est survenue ici comme partout, la poussée d’affections vénériennes contemporaine de la guerre 1939. 1945, puis une accalmie, laquelle se prolonge encore de nos jours, grâce en partie à l’action efficace des thérapeutiques modernes. A cet égard, il eût été intéressant de pouvoir dresser, à l’aide des sta tistiques récentes de l’Armée, un bilan vénéréologique d’actualité confrontable avec les précédents. Malheureusement cette entreprise se révèle assez illusoire. le tracé des nouvelles régions militaires ne tenant aucun compte des données géographiques les plus élémentaires. C’est ainsi que la Touraine se trouve dépendre curieusement de Bordeaux, cependant que la Champagne se voit rattachée à l’Alsace-Lorraine, le Maine, l’Anjou et la plus grande partie de la Normandie à la Bretagne, le Berry et la Bourgogne à la Franche-Comté. Seules la l'e région de Paris et la 2° région de Lille appartiennent en tota¬ BASSIN PARISIEN 323 lité au Bassin parisien. Nous allons donc nous borner à examiner les quelques documents qui s’y rapportent : Idices de morbidité por 1 0 honmes et chsement des récions envisacées Morbidité vénérienne dans l’Armée : années 1951-1952. pmrmi les 9 régions militaires actuelles. Qutre un fléchissement de la morhidité vénérienne, ce tableau met en évi¬ dence avant tout un haut degré de contamination de la région parisienne. celle-ci entrant de nos jours en vive concurrence avec la région marseillaise dans le domaine envisagé. C. — LE CANCER. On peut affirmer sans crainte d’être contredit que le Bassin parisien est de toutes les grandes régions françaises celle où le Cancer sévit avec la plus inquiétante intensité. Au reste, toutes les statistiques sont là pour l’attes¬ ter et nous n’en voulons pour preuve que celles que nous reproduisons ci¬ dessous, empruntées à la documentation de l’Institut National d’Hygiène, source habituelle de nos informations. Indices de mortalité pour 100,000 habitants calculés sur l’I.N.H. durant la double période quinquennale 1927-1931 et 1932-1936 (Bilan établi en foncfion du lieu du décès). BASSIN PARISIEN 325 (Indices établis cete fois d’après le lieu de rsidence du décete) La Mortalité cancéreuse duranr la période de 1948,1955. Quelle peut donc être la cause de cer état de choses2 Sans doute tou¬ chons-nous là à un problème irritant et décevant entre tous : celui de l’ori¬ gine même du Cancer. Déjà nous avons précédemment essavé (voir Rassin aquitain) de déter¬ miner les rapports qui peuvent exister dans une région donnée entre la fré¬ quence du Cancer et certains facteurs géographiques locaux tels que la nature géologique du sol, l’importance du réseau hydrographique, la densité démo¬ graphique, les habitudes alimentaires de la population, etc. Or, chaque fois. nous avons abouti à des conclusions négatives. Celles ci semblent encore se confirmer en ce qui concerne le Bassin parisien. Et pourtant, si l’on considère que ce Bassin est formé de terrains sédi¬ pentaires secondo-tertiaires pauvres en certains sels, qu’il est fortement irrigué et qu’il renferme par ailleurs des agglomérations urbaines importantes, sources de pollutions telluriques multiples, on est tout naturellement tenté de voir la un ensemble de conditions susceptibles de favoriser la genèse du Cancer, tout au moins si l’on s’en rapporte à certaines opinions récemment emises. On sait en effet qu’étudiant la répartition du Cancer parmi la popu¬ lation havraise, Loir et Legangneux ont établi notamment la fréquence parti¬ cuhière de ce processus au niveau des parois ruisselantes d’eau de la « Côte » 3 32 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE qui surplombe la ville, les atteintes étant par contre beaucoup moins nom¬ breuses dans les bas-fonds alluvionnaires voisins du port où l’eau disparait rapidement dans le sol. Semblablement. Delbet et ses collaborateurs ont insisté dernièrement (1951) sur l’augmentation considérable des taux de morta¬ lité cancéreuse dans toutes les régions ou le terrain s’appauvrit continuellement en sels magnésiens du fait de l’abondance des récoltes. Toutes ces remarques sont certainement dignes d’intérêt et méritent d’être retenues. Mais, en contre¬ partie, il convient également d’observer qu’il est loin d’exister un parallé¬ lisme étroit entre les différents facteurs évoqués. En outre, il est frappant de constater que le Bassin aquitain, malgré toutes les ressemblances qu’il pré¬ sente avec le Bassin parisien, bénéficie d’un sort bien meilleur ne présentant qu’une mortalité concéreuse assez faible. On voit donc qu’en définitive la dis¬ cussion demeure toujours pendante, exigeant la plus prudente réserve. Quant à la localisation plus ou moins fréquente des lésions néoplasiques de spécial à la région envisagée. à tel ou tel organe, son étude nous a conduit à des réflexions identiques. Sans doute rencontre-t-on dans le Bassin parisien une proportion relative¬ ment très forte de tumeurs des voies respiratoires supérieures et du tuhe diges¬ tif. Mais c’est là un fait aujourd’hui bien connu et qui parait n’avoir rien. D — L’ALCOQLISME. L’appréciation du degré d’imprégnation alcoolique d’une population est nous l’avons déjà souvent dit, chose hien malaisée Bien de plus variable, en effet, que l’opinion publique ezi la matière, celle-ci se laissant surtout influen¬ cer par les manifestations spectaculaires de la rue Pour se faire une idée de la situation, le mieux est encore de s’adresser aux Statistiques officielles en dépit de leurs imperfections. Nous allons donc les interroger comme de cou¬ tume, quitte ensuite à essaver d’en dégager quelques conclusions utiles. Voici à cet écard les tableaux publiés en 1945 par le Professeur Dérobert dans le Recueil des travaux de l’Instinut National d’Hygiène Nous en extravons ci-dessous les chiffres se rapportant aux départements du Bassin parisien, ces chiffres devant être comparés à ceux émanant des autres régions françaises. Bappelons que ces documents ont trait 1° à la consommation en vin, cidre et alcool de chaque département éta¬ blie en fonction des droits de circulation acquittés par les commercants détail¬ lants. Nous x ajouterons un tableau semhlable en ce qui concerne la bière. boisson très appréciée dans nos provinces du Nord et de l’Est. 22 à la répartition des « bouilleurs de cru » considérés comme respon¬ sables d’une production illicite d’alcool très importante; 3° à la distribution des « débits de boisson » dont le nombre même cons¬ titue une indication précieuse quant au degré d’imprégnation éthylique d’un pays. BASSIN PARISIEN 327 328 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE BASSIN PARISIEN 329 330 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE BASSIN PARISIEN 331 332 LA PATLIOLOGIE ŔCIONALE DE LA TBANCE exportée que le vin encombre toutes les caves normandes. Pour utiliser toutes ces réserves, le paysan n’a que deux ressources : faire lui-même honneur à sa production et, en outre, transformer la plus grande partie possible de ses stocks « en eau-de-vie ». De là le nombre impressionnant de « bouilleurs de crus » signalés dans ce secteur, les chiffres publiés officiellement étant d’ail¬ leurs certainement très inférieurs à la réalité. Comme il y a également mévente pour les alcools, on peut imaginer tout de suite les quantités énormes de boissons qui sont consommées sur place, le cultivateur étant en quelque sorte amené à tenir constamment « table ouverte » et de son cidre et de son « calvados ». On ne s’étonnera dès lors plus des résultaus inquiétants fournis par les statistiques hospitalières quelle que soit la région du Bassin parisien consi¬ dérée. Le document suivant en fait foi : Morbidité glcoolique dans les hopitaux (nnée 1938. d’après l’Institut Nationatl d’Hygiène Ces constatations viennent rejoindre celles faites par le Professeur Déve dans son service de médecine générale de Rouen, toujours en 1938 Durant 5 mois de cette même année, sur 267 enfants, l’auteur a noté en effet 20 cas d’éthylisme aigu et subaigu (I1 pour 100) dont 6 ont rapidement abouti au délirium tremens (2,3 pour 100): dans le service des isolés le nombre des cas de délirium a simultanément presque doublé en 2 ans: à la clinique chirur¬ gicale, on avait observé, en 1935, 6 cas de délire alcoolique chez les opérés cependant que dans les deux premiers mois de 1938 on en comntait éga¬ lement 6. Dévé ajoute que bon nombre de buveurs sont des chemeurs dont presque toutes les allocations vont chez les débitants auxquels il faudrait bien aussi imposer quelques « loisirs ». La situation lui parait assez grave poul mériter un examen attentif de la part de l’Académie de Médecine et surtout des mesures répressives appropriées. Et encore ne s’agit-il la que de quelques services non snécialises de méde¬ cine générale, les chiffres avant été déjà donnés en ce qui concerne les Eta¬ blissements de spécialités que sont notamment les Hopitaux psychiatriques (voir à ce sujet là pathologie bretonne, tome 1. pp, 439-440). BASSIN PARISIEN 333 Il ressort en définitive de tous les faits exposes que si le Basin parisien parait moins touché dans son ensemble que d’autres régions françaises telles que le Midi, la Franche-Comté et la Bretagne, il paie néanmoins un lourd tribut aux intoxications par l’alcool, en particulier dans deux provinces, la Flandre et la Normandie. A noter que dans ces deux provinces, aux troubles engendres par les boissons alcoolisées s’ajoutent fréquemment ceux qu’occasionne l’abns du café. l’association des deux toxiques produisant, ici comme dans la péninsule bre¬ tonne, des états d’excitation psycho-motrice avec amaigrissement particuliè¬ 111IPP2 E — LE DIARETE. Dans le chapitre consacré au Bassin aquitain nous avons précédemment fait état d’ure statistique du Professeur Sendrail relative à la répartition du Diabête maigre dans la région toulousaine durant la période de crise marquée par l’Occupation allemande. Nous avons à cette occasion cru remarquer une fréquence toute particulière du processus dans la plupari des centres urbains ainsi que le long du cours supérieur de la Caronne, sans toutefois pouvoir établir sur ce point une règle absolue ni fournir aux faits enregistrés une explication satisfaisante. En ce qui concerne le Bassin parisien, nous possédons une statistique analogue due au Docteur Uhry, directeur en 1944 du Centre Régional de dis¬ tribution de l’insuline à Paris. Cette statistique avait pour objectif une répar¬ tition équitable des faibles stocks encore disponibles entre les diabétiques rele¬ vant de la thérapeutique insulinique. C’est dire qu’elle reposait sur des pros¬ pections minutieuses et des recensements dument contrôlés. Voici pour les 15 départements desservis par ce Centre les renseignements qui purent être alors recueillis : 337 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE géographiques de son développement. F. — RACHITISME, COITRE, MALADIES MENTALES. 1. -— Le Rachitisme. rive gauche. On voit qu’il est difficile de tirer de cette documentation des conclusions valables. S’il semble encore ici que la maladie soit proportionnellement plus répandue dans les départements fortement peuplés que dans les départements ruraux et aux alentours de Paris qu’en Normandie par exemple, on s’apercoit toutefois qu’il n’y a là rien d’absolument constant et qui soit de nature à jeter une lueur sur les problèmes que posent l’origine du Diabète ou les condr Nous avons vu précédemment que le Rachitisme aftectait particulièrement en France la Bretagne et les régiops montagneuses du Centre. En consé¬ quence, rien d’étonnant à ce que dans le Bassin parisien les malformations qu’il entraine soient surtout observées aux confins même de la péninsule bre¬ tonne et du Massif Central, c’est-à-dire dans le secteur Sud-Quest de ce Bassin ainsi que dans les départements bordant le cours moyen de la Loire sur sa. Cette notiou ressort des jableaux fimurant à la uage 43% du tome 1 de cet ouvrage, lesquels indiquent la proportion des ajournements prononcés dans notre pays pour « insuffisance de développement physique » ou pour « malformations diverses » chez les jeunes recrues de la classe 1950 examinées à l’occasion des Conseils de Révision. On y voit, en effet, grevées d’une lourde morbidité, les 3° et 4e régions militaires englobant sur leur territoire, la première (chef-l'eu Rennes), les départements du Maine-et-Loire, de la Sarthe et de la Mavenne, la seconde (chef-lieu Bordeaux), lss départements de l’Indre et de l’Indre-et-Loire, Par contre, on s’apercoit que dans les mêmes condi¬ tions la 2° région de Lille et la 7e région de Diion bénéficient d’une situa¬ tion relativement privilégiée, la l’e région de Paris venant occuper une posi¬ tion sensiblement intermédiaire. Ces données trouvent leur confirmation dans le protocole publié sur la même question en 1935 par les Assises de l’Assemblée française de Médecine. générale. Nous allons en rappeler ici les conclusions essentielles : 1) Le Bachitisme existe encore dans le Bassin parisien, mais il parait nette¬ ment en décroissance, se manifestant par des formes atténuées beaucoup plus souvent que par des formes graves. Voici quelques constatations faites à ce sujet par différents auteurs : Pour Charley d’Orléans (Loiret), on ne rencontre plus quère de crosses déformations, les « retardataires » par contre demeurant assez nombreux en dépit d’une diminution appréciable de leur nombre. Avant examiné avec soin durant 15 ans (période 1920-1935) 2 500 enfants de l’Ecole de plein air d’Orléans, il a pu déceler parmi eux un total de 475 rachitiques se décompo¬ sant comme suit : Crand rachitisme. Rachitisme atténué des membres Bachitisme atténué du thorax et de la colonne Retardataires simples... NE S 2 218 152 Mais ce praticien insiste avant tout sur la régression progressive de ces taux d’année en année. Alors que son bilan mentionnait 40 atteintes en 1923. er conportait plus que 14 en 1935. en observation à cette dernière date; quée du processus. BASSIN PARISIEN De son cte. Mauger de Verailles pous livre les chifres ciaprès: 335 A l’hpital: 67 rachitiques décelés de 1925 à 1935; 2 seulement sont Au dispensaire et à la « goutte de lait » : 1 seul cas (coxa vara double). sur 180 enfants. Semblablement. Gauthier d’Amboise (Indre-et-Loire) fixe la proportion des rachitiques à 4 pour 1 000 dans les Conseils de Révision et à 10 pour 1 000 dans les Ecoles, tout en notant encore une raréfaction de plus en plus mar¬ Dans le Cher, sur 330 observations de Delamarre, on dénomhre 2,5 2% de Rachitisme vrai et 20,3 %% de petit Rachitisme. mais beaucoup de Rachitismes frustes. Dans l’Eure, Viviers d’Evreux voit deux grands Rachitismes en II ans. Mêmes remarques encore pour la Sarthe (Langevin et Barbé), le Niver¬ nais (Breton), l’Eure-et-Loir (Baudin), le Nord et le Pas-de-Calais. 2) Dans les villes, le Rachitisme se rencontre davantage dans les quartiers pauvres que dans les quartiers plus aisés. Les exemples les plus frappants sont fournis à cet égard par les agglomérations de Bourges (Gauchery) et du Mans (Langevin et Barbé). — BOURCES : quartier populeux du Centre : 52 % d’atteintes; quartier aisé de l’Ouest : 19 2 d’atteintes. LE MANS : dans le « Vieux Mans », véritable « nid de Rachitieme », les deux tiers des cas proviennent de maisons insalubres. 3) Parmi les causes invoquées à l’origine du Rachirisme, il y a donc les logements obscurs et malsains. Il y a aussi la carence calcique du sol (c’est ainsi que la Beauce orléanaise aux eaux fortement calcaires a moins à souffrir que les régions voisines de la Bretagne aux eaux plus faiblement calciques). Il Y a enfin et surtout les fautes d’hygiène et notamment la suppression de l’allai¬ tement maternel remplacé par l’allaitement artificiel, celui-ci utilisant encore trop souvent des laits pollués. 2. - Le Goitre endémique. On sait qu’enure 1900 et 1908 Mavet a eu le mérite de dresser la carte complête du goitre en France en se basant à cet effet sur les renseignements statistiques fournis par les Conseils de Révision. Il est arrivé ainsi à délimiter tout un ensemble de zones d’endémicité couvrant au total la superficie de 35 départements et, pour la plupart, situées dans les portions montagneuses de notre pays. Les régions de plaine, cependant, ne se trouvaient pas exclues de ce lot puisque, dans le Bassin parisien lui-même, l’endémie thyréogène pouvait être rencontrée dans 3 départements, à savoir le Nord, l’Aisne et l’Orne. Seul, d’après Freys, ce dernier demeurerait encore quelque peu touché de nos jours, cette persistance paraissant attribuable selon l’auteur à la cons¬ titution géologique du sol. En réalité, cet avis n’est pas entièrement partagé par les praticiens qui ont siégé aux Assises Nationales de Médecine générale francaise de 1934, ceux-ci déclarant en effet avoir observé de petits foyer 334 de goitre, non seulement dans l’Aisne, mais aussi dans la Sarthe, l’Eure et l’Eure-et-Loir. De toute façon, il s’acit là de manifestations sporadiques et larvées ne présentant pour le moment aucun caractère inquiétant. Les mêmes facteurs que d’habitude sont invoqués à leur origine (influence de l’hérédité. rôle de l’alimentation et surtout des eaux de boisson). LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 3. - Les Matadies mentates. Leur fréquence est trop variable d’un secteur à l’autre pour qu’on puisse tirer des tableaux statistiques tels que celui que nous avons déjà reproduit précédemment (voir t. I. p. 439) des conclusions d’ensemble. On remarquera simplement — ce qui n’est pas fait pour nous étonner — la fréquence rela¬ tive de l’arriération mentale d’une part, dans les régions pauvres situées près des « marches » de l’Est et en bordure du Massif Central, des psychoses ma¬ niaço-dépressives et des psychoses syphilitiques d’autre part, sur tous les terri¬ toires avant pour centre de vastes agglomérations urbaines. Naturellement, la région parisienne figure en bonne place dans toutes les rubriques, avec sa grande Cité, trépidante par excellence et favorable au déve¬ loppement des psychopathies de toutes natures. On pourra se reporter, en plus des références habituelles, aux documents ci-après : BIBLIOCRAPHIE Ix — LA MORTALITE IMFANTLE DANS LES DEPARTEMENTS DU NORD ET DU PAS-DE-CALAIS La mortalité infantile affecte en France des taux tels qu’elle mériue de figurer au rang de nos grands fléaux sociaux. Dangereusement répandue sur toute l’étendue de notre territoire, elle accuse cependant une prédilection marquée pour certaines de nos contrées. Parmi celles-ci nous citerons la Nor¬ mandie et ses dépendances, la Bretagpe, la Corse, ainsi que divers secteurs appartenant à nos régions de l’Est et du Centre (Moselle et Ardennes d’une part. Loire et Cantal d’autre part). Mais la priorité dans ce dopunine reviont sans queun doute à nos départements soptentrionaux du Nord et du Pas-de¬ Calais. C’est cette situation toute spéciale qui nous a amené à consacrer à la mortalité infantile dans ces deux départements une place à part et à en déta¬ cher l’étude de celle des autres fléaux sociaux qui viennent d’être envisagés. Précisons que l'’expression de « mortalité intantile », désigne la mortalité survenant chez les nourrissons au cours de la première année d’âge. En réalité. ces termes visent surtout les décès observés du 2° au 12° mois de la vie. Mais ils englobent aussi ceux qui se produisent durant le l'° mois, encore que ceux-ci relèvent le plus souvent de causes très particulières. Quant à l’expression de « mortalité foto-intantile », on sait qu’elle désigpe la totalité des pèrtes survenues parmi les produits de la conceotion, soit nés vivants, mais décédés avant le permier anniversaire de cette naissance, soit nés sans vie après une gestation d’une durée d’au moins six mois. Ceci dit, et pour en revenir à notre sujet, nous allons tout d’abord essaver de fixer la position exacte des deux départements considérés par rapport d l’ensemble du Bassin parssien auquel nous les avons rattachés : BASSIN PARISIEN 337 La mortalité toeto-intantile dans le Bassin parisien durant la période 1948-1950. 3 338 LA PAIHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Après cet apercu général, qui met relief la gravité de la situation actuelle dans les Flandres et l’Artois, nous allons maintenant procéder pour ces deux régions à des études plus précises en recourant à des statistiques officielles fournies par les organismes locaux. En ce qui concerne le département du Nord nous disposons à cet efet des documents tres instructifs publies chaque anne par la Drection de la Santé. Or, que nous apprennent-ils2 Ils nous font savoir que de 1948 à 1952 les taux de mortalie infatile dans le Nord ont été de 63,5 pour 1 000 naissances vivantes, chiffre nette ment supérieur à la moyenne fancaise située au-dessous de 50 pour 1 (): la même époque. 65 BASSIN PARISIEN 341 que celui figurant au précédent tableau. culture et de population stable. souvent 75 96). Mentionnons en passant qu’il sagit là de la mortalité infantite propre¬ ment dite et par ailleurs d’un bilan qui, se prolongeant jusqu’en 1952, com¬ porte par conséquent le reflet des provrès réalisés au cours de ces dernières années : c’est ce qui explique que le taux ci-dessus est sensiblement plus bas Les résultats enregistrés dans chaque arrondissement montrent que la zone la moins atteinte se trouve être celle de Cambrai, région rurale, de grande L’arrondissement par contre le plus défavorisé est celui de Douai, corres. pondant à une région essentiellement industrielle et minière (indice dépassant La région de Valenciennes, de caractéristiques analoques, accuse des taux de mortalité infantile de même ordre, taux que l’on retrouve en outre, assez paradoxalement du reste, dans l’arrondissement de Dunkerque, doté pourtant en majorité d’une population rurale dispersée, exception faite de la côte. Quant à la vaste agglomération « Lille : Roubaix . Tourcoing », elle accuse des taux assez inégaux suivant les secteurs, les zones populeuses du Sud-Est de Lille étant nettement plus touchées que les autres. La carte ci-jointe rend compte, pour l’ensemble du département du Nord. des variations que nous venons d’indiquer. Pour le département du Pas-de¬ Calais nous utiliserons une carte semblable, en la limitant toutefois au seul arrondissoment de Béthune, particulièrement intéressant à considérer en la matière. Une enquête effectuée en 1952 dans, cet arrondissement par l’Institut National d’Etudes démographiques a permis en effet d’y déceler un taux moyen de mortalité très élevé, atteignant 82 p. 1 000 contre 47 p. 1 000 la même année pour la France entière. Du point de vue topographique il met bien en lumière les faits suivants : Les secteurs de beaucoup les plus touchés sont ceux de Carvin. Cambrin. Loos-en-Cohelle. Vendin-le-Vieil. Courrières et Courcelles ou les indices dépassent 100 pour 1000, s’élevant jusqu’à 150 pour 1000 dans la pre¬ mière de ces localités. Viennent ensuite les rézions de Bruav-en-Artois. Liévin, Bully-les-Mines et Mazingarbe où les taux se situent entre 90 et 99 pour 1 (90). Si on ajoute à ces secteurs ceux de Noeux-les-Mines, Houdain et Wingles ou la mortalité, quoique moins élevée, atteint cependant des chiffres impor¬ tants, on voit le tribut particulièrement lourd que paie le bassin houiller aux maladies de la première enfance. A l’opposé, les cantons à prédominance agricole de Laventie. Lillers Norrent-Fontes et Béthune se montrent beaucoup moins fortement affectés. Ainsi, on voit que dans l’ensemble des départements du iNord et du Pas-de¬ Calais sur 1 000) enfants en bas-âge plus de 50 succombent avant d’avoir atteint l’âge d’un an, le taux de cette mortalité dépassant même 100 dans bien des endroits. Devant ces faits locaux qui, à quelques exceptions près. surclassent manifestement ceux que l’on observe dans le reste de la France, on a parfois parlé de véritables « hécatombes de nourrissons » : la fornule ne nous parait en rien excessive. Avant de tirer des conclusions de toutes ces données, il nous a paru inté¬ resent, esayer de Deciser à luele Eome octous elles corcsbondlont en réalité. 342 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Parmi les nombreux processus morbides responsables de la mortalité infan¬ tile, il faut tout d’abord signaler ceux qui, comme nous l’avons déjà dit, entrent spécialement en jeu au cours du premier mois de la vie. Ce sont avant tout la débilité congénitale, les malformations, les séquelles de trau¬ matismes obstétricaux et les infections natales. Plus tard, du 2° au 12° mois, ce sont d’autres facteurs qui interviennent. surtout — les méningites et la tuberculose. défipies : Débilité congénitale Affections de l’appareil respiratoire Affections du tube digestif.. Affections des méninges: Parmi eux nous citerons : la toxicose du nourrisson, la broncho-bneumonie. les maladies épidémiques diverses — grippe, rougeole, diphtérie et coqueluche Une statistique remontant à quelques années pous renseigne sur la fré¬ quence relative de ces causes principales, étant bien entendu qu’il en existe beaucoup d’autres dont certaines restent non diagnostiquées ou demeurent mal Maladies épidémiques Tuberculose. 17,87 9 16,36 12,74 4,55 3,70 1.34 Ces causes étiologiques étant reconnues, il s’agit maintenant de déterminer. comme il est de coutume en épidémiologie, les « causes secondes » qui, loca¬ lemtoent, interviennent pour permettre leur éclosion ou favorisent leur développement au point de provoquer dans certaines régions les situations véritablement alatmantes que nous venons de dénoncer. On a parfois tenté de simplifier la question en disant notamment que la mortalité du premier mois relevait surtout de causes endogènes, alors que par la suite elle provenait de causes exogènes telles que la mauvaise hygiène ali¬ mentaire pour les affections digestives et l’hygiène défectueuse de l’habitat pour les affections de l’arbre respiratoire. Mais c'est là sans doute schématiser quelque peu le problème. Le mieux est donc de considérer tour à tour les différents facteurs incriminés en essavant de préciser pour chacun d’eux la part de responsabilités qui lui revient dans le bilan nosologique ci-dessus établi. Nous passerons très rapidement sur les facteurs endogenes (malformations. traumatismes obstétricaux, etc.) fréquemment invoqués à l’origine de la mor¬ falité néqnatale. Qutre qu’ils ne paraissent pas relever de causes spécifi¬ quement régionales, leur importance dans les départements du Nord n’est pas plus marquée que dans le reste de notre pays. C’est donc vers l’examen des facteurs dits exogènes que nous orienterons plus spécialement notre étude. On a quelquefois attribué en la matière un rôle déterminant à l’action du climtat particulièrement rude dans le nord de la France et, par conséquent, éminemment favorable à la multiplication des affections hivernales des voies respiratoires et de la broncho-pneumonie surtout. Si ce rôle n’est pas douteux. il ne doit pas non plus être exagéré. Des pays très froids commé la Norvège accusent en effet des taux de mortalité infantile moindres que les nôtres cepen¬ dant que d’autres, comme l’Italie, pourtant chauds et ensoleillés, se montrent beaucoup plus sévèrement touchés. taires et surtout de l’hygiène de l’habitation. BASSIN PARISIEN 343 L’influence favorable exercée par l’allaitement au sein sur la vie et la croissance des nourrissons est devenue aujourd’hui une vérité première, de même que les dangers que comporte l’allaitement artificiet, très répandu dans le Nord pour des raisons diverses, dont la principale semble être l’absorption par l’usine ou l’atelier d’une quantité de mères de famille, contraintes ainsi à abandonner leur foyer pendant de nombreuses heures de la journée. Ces faits, sont, sans aucun doute, pour une bonne part à l’origine des gastro¬ entérites intantites observées si souvent durant les mois d’été. Mais, en contre¬ partie, n est-il pas depuis longtemps admis qu’il existe des laits de vache. frais ou conservès, qui font des enfants sains. Tout dépend, en réalité. de la manière dont ces laits sont administrés et, plus encore, des soins appor tés a leur maniputation. Or, nous touchons ici à un point particulièrement sensible qui rentre dans le cadre beaucoup plus général des habitudes alimen¬ Les départements du Nord et du Pas-de-Calais sont asurément de ceux où la densité de la population est la plus élevée du fait d’une surnatalité permanente. La crise du logement y sévit avec une intensité rarement égalée. En outre, malgré le caractère laborieux des habitants, les « économiquement taibles » y sont extrémement nombreux aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Ainsi, dans bien des logements, règne l’encom¬ brement et bien souvent la misère, celle-ci étant encore accrue par les méfaits d’un a'coolismc dont nous avons déjà signalé l’importance et la gravité. Dans ces taudis malpropres et surpeuplés que l’on rencontre un peu partout, les causes de souillures sont multiples et les jeunes enfants sont fatalement les pre¬ miers à en subir les conséquences. Dès lors s’explique la fréquence des infec¬ tions de toutes sortes — diarrhée, pneumonie, diphtérie, coqueluche, pyoder¬ mites, tuberculose, etc. — et leur propagation rapide largement favorisée par une promiscuité extrême, Par là s’explique aussi la participation aux taux élevés de mortalité de régions comme celle du littorial où, si la concentration de la population est moindre, l’hvgiène laisse tout autant à désirer. Ains s’expliquent enfin les meilleures conditions de vie dans certains ménages polo nais où, par tradition, les règles de propreté restent relativement en honneur sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir en l’occurrence un facteur racial. De toute évidence, cette ambijance déplorable fréquemment rencontrée dans les logements du Nord est pour beaucoup dans la genèse des accidents mor¬ tels qui se produisent au cours de la première enfance. Mais sur ce terrain encore quelques réserves sont à faire : En ce qui concerne d’abord le surpeuplement, celuis-ci est tout aussi accusé dans d’autres régions, telles que la région parisienne, sans pour cela que la mortalité infantile y atteigne le même niveau. Quant à l’hvgiène de l’habitat, c’est encore en secteur mimier que sa pro¬ tection est la mieux assurée, l’Administration des Houillères avant fait de gros efforts pour fournir à son personnel stable des logements confortables. C’est là néanmoins, si l’on en juge par les statistiques, que les décès de nourrissons sont les plus nombreux. Il’ est vrai que ces statistiques englobent toute une population d’artisans, de netits commércants et d’ouvriers qui, sans appartenir à la mine, en vivent, dans des conditions matérielles parfois assez précaires. On voit par ce rapide apercu que le probleme est loin d’être simple. la mortaliré intantile tirant manifestement son origine de la « sommation d’une multitude de causes très diverses, le rôle de chacune d’elles n’étant pas toujours facile à élucider et demandant, en tout cas, à être interprété avec beaucoup de prudence¬ 34 tous les documents récents. 65 en 1948 et 51 en 1953. heureuse évolution. LA PATHOLOGIE REGONALE DE LA TRANCE De toute façon, la situation qui en résulte est sérieuse. Elle est loin cepen¬ dant d’être désespérée. On assiste en effet de nos jours, grâce à une réaction énergique des Pouvoirs publics, à une régression nette du fléau que confirment C’est ainsi que dans le département du Nord, la mortalité infantile a vu son taux baisser progressivement de 112 pour 1 000 en 1940 à 104 en 1945. Il en est de même pour le département du Pas-de-Calais. Or, si le fait est aujourd’hui général et s’observe à peu près dans toute la France, on peut dire qu’il est loin d’atteindre partout un degré aussi accentué. Il reste maintenant à définir les facteurs qui ont le plus contribué à cette Tout d’abord, il faut tenir compte de l’amélioration assez génératisée des niveaux de vie, en particulier en milieu ouvrier, où l’apparition d’un certain bien-être entraine une meilleure observation des règles d’hygiène. Ensuite, il y a lieu d’évoquer le perfectionnement sans cesse croissant de l’équipemtent médico-social aboutissant à la multiplication des maternités, crèches, dispensaires, centres de prématurés, consultations de nourrissons ou toutes autres organisations du même ordre où l’enfant dès sa naissance peut bénéficier des soins les mieux appropriés et oi la mère peut en outre recevoir l’éducation sanitaire qui, bien souvent, lui fait complêtement défaut. A ce sujet, deux remarques nous paraissent particulièrement intéressantes à faire : C’est ainsi qu’il est facile de constater que l’équipement sanitaire est nettement plus développé dans le secteur de Béthune que dans celui de Carvin par exemple. Et l’on ne peut manquer de faire aussitôt un rapprochement entre ce fait et les taux respectifs de mortalité qui sont de 71 pour 1 000 dans le premier et de 159 dans le second (1952). En outre, les statistiques ont démontré que dans le Pas-de-Calais la mortalité infantile était, surtout répandue dans les communes groupant entre 10 000 et 20 000 habitants. Or, ce sont là précisément des communes « mi¬ urbaines » et « mi-rurales » qui ne participent guère plus aux avantages de la ville qu’à ceux de la campagne, la modicité de leur budget ne leur permettant pas de s’offrir notamment l’équipement hospitalier des grandes cités. Quoi qu’il en soit, depuis quelques années de réels progrès se sont manilestés. Il faut surtout voir la une raison de plus pour continuer la lutte et même pour l’intensifier au maximum au cours des périodes à venir. En effet. d’importants perfectionnements sont encore à apporter dans bien des domaines : augmentation du contingent des lits hospitaliers spécialisés, mul¬ tiplication des consultations, recrutement au bénéfice des zones les plus éprou¬ vées de médecins et d’assistantes sociales qualifiées en nomhre suffisant, pro¬ pagande effective en faveur de l’allaitement maternel, etc. Comme nous l’avons vu, cette lutte s’impose dans notre région du Nord plus qu’ailleurs encore. étant donné l’importance du courant à remonter. C’est à ce prix seulement qu’on peut espérer finalement triompher d’un fléau dont la persistance cons¬ titue comme une « tache déshonorante » à l’époque oì nous vivons. 346 1A PATHOLOGIE RéGIONALE DE LA TRANCE Appendice RESSQURCES THERMALES Reposant sur un socle formé de terrains sédimentaires, le Bassin parisien est plutôt pauvre en stations hydro-minérales. Mises à part Bagnotes-de-l’Orne. Bourbon-Lancy. Bourbonne-les-Bains et peut-être Pougues, celles-ci sont pour la plupart d’intérét secondaire. En voici d’ailleurs la liste classée par départements : côte d’or. lci une station peu connue, celle de Santhenay, dont les eaux chlorurées et lithinées, laxatives ou purgatives suivant la dose, sont indiquées dans les atonies gastro-intestinales, la goutte et les affections vésiculaires. Marne. Nous ne pouvons guère citer dans ce département que la petite station de Sermaise favorable, avec ses eaux bicarbonatées et sulfatées, aux malades du tube digestif et des voies urinaire Haute-Marne. Très réputées par contre, les sources chlorurées sodiques faibles et ther¬ males (45° à 652) de Bourbonne-les-Bains, utilisées surtout par voie externe (bains, douches), ont pour effet d’augmenter les échanges, d’accroître l’élimi¬ nation de l’urée et de stimuler les réactions vaso-motrices locales. C’est dire leur indication dans toutes les affections diathésiques de même que dans les séquelles de traumatismes (formation de cals imparfaits, pseudarthoses, atro¬ phies musculaires, etc.) Mièvre. Ce département possède à lui seul deux stations très fréquentées Pougues et Saint-Honoré et deux stations de second ordre. Saint, Parize du-Chatel et Decize Pougues, avec ses eaux bicarbonatées calciques froides à usages interne et externe, convient aux dyspepsies hyposthéniques, aux phosphaturies et oxalu¬ ries, ainsi qu’aux déficiences organiques des convalescents. BASSIN PARISIEN 347 Saint-Honoré-de-la-Nièvre, avec ses eaux sulfurées sodiques et arsenicales comme dans certaines dermatoses. taibles vers 30, trouve son indication dans les diverses formes d’asthme Saint-Parise-du-Chatel possède une source carbonalée sodique et magné. sienne (Fonts-Bouillants) active dans l’uricémie et une source sulfhydrique et ferugineuse (Gelin) recommandable dans les anémies hypochromes. C9U SUIIdLCCS H dVCTOP Decise eufin, sur les bords de la Loire, voit jaillir sur son territoire des Nord. Une unique station ici, fermée durant la guerre mais qui rouvre ses portes : celle de Saint-Amand-les-Eaux, près de Valenciennes. Avee ses boues sulfureuses tièdes surtout, elle trouve ses indications maieures dans les phlé¬ bo-scléroses, les périmétrites et les pérityphlites cbroniques. Son action est en outre actuellement à l’étude dans les silicoses, affections particulièrement fréquentes dans le pays (contre-indications : hypertension et brightisme). Oise. A Picrretonds, près de Compiègne, une source sulfurée calcique tiède donne des résultats satisfaisants, sous forme d’inhalations et de bains, dans le affections des voies respiratoires supérieures et les dermatoses. Orne. C’est dans ce département que se trouve la fameuse station de Bagnoles¬ de-l’Orne, située dans le cadre agréable de la Suisse normande. Tiède et de composition chimique à peu près indifférente, la Grande Source est emplovée surtout, en usage externe, dans les séquelles phlébitiques, les varices dou¬ loureuses et les hémorroides. Sagde-et-Loire. Avec Bourbon-Lancy, nous approchons déjà des grandes zones de cure du Massif Central. Les caux chaudes (46 à 56°), faiblement minéralisées et radioactives de cette station sont essentiellement indiquées, en usage externe et interne, dans les séquelles d’endocardite, de cinq à six mois après le rhu¬ matisme causal. Seine-et-Oise. Enghien, située à 12 Km de Paris, est une petite cité sans doute plus celèbre par son Casino et ses Courses que par ses Sources. Celles-ci, avec leurs eaux sulfurées calciques, donnent pourtant d’excellents résultats dans le traitement des pharyngites et laryngites chroniques. Ainsi la ville à pu devenir en plus d’un Centre d’atractions pour les turfistes et les joueurs, la station de eure favorite des orateurs et des chanteurs de notre Capitale. Seine-Maritime. Esentiellement ferugineuses, les sources de Forges-les-Faux que nous citerons en dernier lieu, ont une action salutaire dans tous les cas d’anémie hypochrome (contre-indications, bien entendu : l’hypertension, les cardiopa¬ thies et la tuberculose). 348 LA PATHIOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE tères communs à toute son étendue. tranchés. CONCLUSIONS Une immense plaine d’une seule venue, située sur les emplacements d’un ancien golfe, entre les deux branches en « V » des massifs archéens, voilà de quoi conférer à la pathologie du Bassin parisien un certain nombre de carac¬ Une multitude de terroirs avant leur configuration, leur climat, leur irri¬ gation, leurs ressources et jusqu’à leur type ethnique propres, voilà aussi de quoi nuancer dans le détail cette pathologie d’ensemble et superposer à la trame générale qui la compose des aspocts régionaux variés et parfois assez Le Bassin parisien se présente partout sous les traits de vastes étendues découvertes, aux horizons bien dégagés. A priori donc, il parait susceptible d’offrir un champ d’expérience particulièrement tentant pour toutes les formes d’agressions étrangères, agressions par les agents infectieux comprises. En réalité l’observation prouve t qu’il n’en est pas tout à fait ainsi. Si les épidémies actuelles se manifestent ordinairement sur son territoire avec une intensité un peu supérieure à la moyenne francaise, elles sont loin toutefois d’y atteindre la fréquence et la gravité que l’on serait en droit de redouter, compte tenu de certaines causes favorisantes locales, telles que la fraicheur du climat, son humidité et surtout la forte densité humaine, propice au développement de toutes les contagions. L’explication de ce phénomène est difficile à donner. Apparemment, tout se passe comme si les épidémies pouvaient déferler sur nos plaines septentrionales sans trop s’Y accrocher, : ne mettant véri¬ tablement en danger quelles grosses agglomérations urbaines au demeurant bien défendues par leurs services d’hygiène. Ceci est particulièrement frappant en ce qui concerne les Fièvres érubfives et la Diphtérie, lesquelles ne sémblent bas avoir tendance à constituer des fovers d’endémicité bien définis. A un mo ment donné, la Normandie a paru en constituer up, au moins pour la Diphtérie mais cette situation n’a guère persisé. Tout au plus peut-on parler aujour¬ d’hui de « zones préférentielles », localisées surtout aux abords des Vosges du Massif armoricain et du Plateau Central, c’est-à-dire là précisément où se dressent les premières butées importantes, en mesure d’arrêter le mat et de le fixer. Si ces notions jouent avant tout pour les maladies infectieuses dites « cos¬ mopolites », elles méritent également d’être mises en cause pour les affections assez spéciales que sont les Brucelloses. D’apparition encore récente dans le pays, elles n’y donnent habituellement naissance qu’à des cas isolés ou faible¬ ment groupés. Pourtant les « zones de fization et d’arrêt » auxquelles nous venons de faire allusion ne manquent pas ici, étant représentées par les régions d’élevage hébergeant un abondant cheptel capable de disséminer les germes, à savoir les « terres À bovins » (Avesnois, Pays d’Auge, Bessin Cotentin, Maine, Anjou..) d’une part, les « terres moutons » (Champagne Berry. Beauce, Picardie) d’autre part. Effectivement c’est dans ces régions que prédominent encore les processus envisagés en dépit de leur extension actuelle à tout le Bassin. Quant à la variété microbienne reponsable, on conçoit. des vallées de l’Indre, de la Canche et de la Basse-Seine. BAOSIN T 2 NTSTE 340 d’après ce qui vient d’être dit, qu’il s’agise surtout de Brucela melitensis sur les plateaux desséchés de l’Est et du Sud-Est et, au contraire, de Brucella abortus bovis dans les vallées humides de t’Ouest et les plaines du Nord. Peu accidenté, favorable à l'’élevage, le Bassin parisien est, par surcroit. une région de très forte irrigation, rendez-vous propice aux affections d’ori¬ gine hydrique, Parmi celles-ci, les Fièvres typhoides occupent, comme toujours une place essentielle avec cette fois comme « zones d’élection », en rapport avec les modalités étiologiques habituelles, la bande tittorale et ses grands ports (Le Havre), les vallées marécageuses (celle de la Somme notamment) les grandes agglomérations urbaines enfin (Paris, Amiens. Lille..) avec les terres d’épandage de leurs banlieues ouvrières. Là seulement la morbidité typhoidique apparait comme anormalement élevée par rapport à l’ensemble du pays. Citons encore sous cette rubrique la Poliomyélite qui, depuis quelques années, sévit à l’état endémique dans les « régions de conftuent » que sont le Maine, l’Anjou, la Côte-d’Or et les alentours de Paris, ainsi que le long Pays de grande production pour toutes les boissons alcoolisées, qu’il s’agisse de la bière (Nord), du cidre (Normandie) ou du vin (Champagne Bourgogne. Val-de-Loire), le Bassin parisien est également un endroit où l’Alcoolisme est très répandu, surtout si l’on tient compte par surcroit de la fabrication sans cesse âccrue des eaux-de-vie, types « genièvre » ou « calva¬ dos » par exemple. A cet égard, les Flandres et la Normandie comptent cer tainement parmi nos provinces les plus touchées. Même remarque en ce qui concerne ce satellite habituel de l’Alcoolisme qu’est la Tuberculose dont les ravages se trouvent encore favorisés par le surpeuplement et parfois la misère Mais, de tous les fléaux sociaux, celui qui à l’heure actuelle sévit le plus dan¬ gereusement est assurément le Cancer qui, nulle part ailleurs en France, n’at¬ feint des taux aussi impressionnants. On sait que cette fréquence anormale à été attribuée par divers auteurs à la nature même du sol, les terrains d’origine secondo-tertiaire étant dotés, selon eux, de propriétés cancérigènes spéciales. A vrai dire, aucun facteur spécifique n’est venu jusqu’à présent conférer à cette pathologie de nos vastes plaihes septentrionales une marque d’ori¬ ginalité. Avec des puances en plus ou en moins, qui ne sont du reste pas sans intérêt pratique, ce sont en effet les éléments ordinaires de la pathologie des pays tempérés que nous venons de passer en revue. A première vue donc rien ici de nettement individualisé comme dans la pathologie proyencale, déja subafricaine, la pathologie corse à la fois méditerranéenne et insulaire, ou encore la pathologie de nos hautes montagnes dont la dominante est essen¬ tiellement pastorale. Cette observation parait d’autant plus fondée que les quelques entités morbides un peu particulières de l’ancien « folklore » ont aujourd’hui disparu ou sont en voie de régression : la Suete picarde tend à n’être plus qu’un souvenir, le Paludisme autochtone (des Flandres notam¬ ment) s’est fait très rare, le Tétanos et le Charbon enfin ont à peu près deserté les fameux « champs maudits » de la Champagne et de la Beauce qui autrefois étaient leur domaine. Ainsi, le Bassin parisien fournirait un exemple des mieux choisis de l’uni¬ formisation des pathologies dans nos contrées, si ces pathologies n’étaient elles-mêmes soumises, comme nous l’avons déjà dit, à de perpétuels rema¬ niements. Alors que certaines maladies s’efacent, usées par le temps, d’autres au contraire naissent et les remblacent, choisisant pour leur développement les lieux et les climats les mieux adaptés à leur tempérament. C’est dans ces conditions que, récemment, la région parisienne a vu se développer les Leptos¬ piroses et que la Bourgogne, à l’instar de la Lorraine, à acueilli la Tularémie. 390 LA PATLIOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE guer les effets. BASSIN PARISIEN 351 Mais si ces affections, peu extensives par nature, ne semblent guère vouées à un bien grand destin, il en est tout autrement d’un autre processus, la Silicose, installé depuis plusieurs lustres dans notre Bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais. Menacant en permanence une armée de plus de 150 000 mineurs, parmi lesquels 30 000 environ ont déjà subi ses atteintes. cette Silicose constitue aujourd’hui, bien plus qu’une simple maladie profes¬ sionnelle, un féat régionat indiscutable dont il importerait au plus tôt d’endi¬ Ce n’est d’ailleurs pas uniquement vers la lutte contre la Silicose que doivent s’orienter les efforts des hygiénistes dans les Flandres. Ceux-ci, en effet, ont à faire face de nos jours à bien d’autres problèmes pour le moins aussi urgents. Nous avons déjà signalé précédemment le triple danger crée par l’Alcoolisme, le Cancer et la Tuberculose, dont les progrès vont sans cesse grandissants, surtout en secteur minier. A cet égard, il n’est pas sans intérêt de souligner qu’avec les départements bretons ceux du Nord et du Pas-de-Calais se révèlent comme les plus fortement tubecculisés de France leur indice de mortalité de 60 pour 100 000 habitants (1952) étant bien supé¬ rieur à celui de toutes les autres régions francaises, y compris le Bassin parisien tout proche (indice 41). Notons encore que, depuis de nom¬ breuses années, dans ce même département du Pas-de-Calais, la mortalite infantile a pris une extension telle qu’à certains moments on a pu parler de véritables « hécatombes de nourrissons », la proportion des décès atteignant et dépassant même parfois le dixième des naissances vivantes. Et nous pourrions encore ajouter à la série de ces fléaux la menace que représente l’afflux incesant d’éléments étrangers — Polonais, Eespagnols. Italiens,. Nord-Afri¬ cains — à tout instant susceptibles d’introduire dans le pays des germes puisés au-dehors (hématozoaires, amibes, richettsies, tréponêmes, etc.). N’a-t-on pas tout récemment évité de justesse la contamination du Bassin houiller par des Italiens porteurs d’Ankylostomes2 Ainsi tend de plus en plus se consrituer nne pathologie flamande aur traits nettemant caractérisés, née de la confluence d’activités professionnelles nocives, d’une forte concentration humaine et d’une immigration abusive, pa thologie dont l’autonomie semble du reste trouver dans la géographie même une sorte de justification, le Bassin parisien s’arrétant aux collines de l’Artois pour, la, livrer la place aux immenses plaines qui parcourent tout le nord de l’Europe. Malgré les variantes importantes que nous venons d’indiquer, on peut néanmoins conclure de ce rapide bilan que la pathologie du Bassin parisien reste en pratique celle de toutes les grandes plaines humides s’étendant sous nos climats Déjà nous avons vu celle du Bossin aquitain, cet autre golfe de l’Atlantique comblé par des dépôts sédimentaires. Or, en les confrontant, on s’aperçoit qu’il existe entre elles, non seulement des similitudes édifiantes. mais encore une symétrie étroite qui se poursuit jusque dans le mode même de distribution des foyers. C’est ainsi qu’en ce qui concerne le Fièvre typhoide on observe, à l’image des fovers bordelais et toulousain, situés l’un sur la côte et l’autre vers l’inte¬ rieur, les foyers havrais et parisien de même disposition et d’au moins égale importance. A la Suette charentaise et poitevine a correspondu une Suette picarde à vrai dire plus atténuée. La Poliomyelite que nous avons vu sévir sur les bords de la Garonne et de l’Adour se retrouve, avec cette fois une intensité accrue, le long de la Seine et de la Loire. Et il en est de même pour les Leptospiroses. 352 LA PATLOLOGIE REGSIONALE DE LA ERANCT Quant aux affections méditerranéennes, nous les vovons emprunter la grande voie d’accès du Rhône et de la Saône dans les mêmes conditions qu’elles utilisent l’étroit passage du seuil de Naurouze. Des lors, il est facile de comprendre que la Fièvre boutonneuse et la Leishmaniose viscérale aient pu atteindre Paris au même titre que Toulouse. Il n'’est pas jusque dans le domaine de la Fièvre ondulante où la compa¬ raison ne puisse être soutenue. Actuellement, à peu près totalement envahies par la Brucellose à Abortus partie de Scandinavie, les deux grandes plaines conservent encore des zones assujetties au Mélitocoque maltais. Or, celles-ci affectent des dispositions sensiblement symétriques de part et d’autre du Pla¬ teau Central, se concentrant essentiellement vers la profondeur des Bassins. la ou les terres caillouteuses conviennent le mieux au mouton, mais là aussi où viennent déboucher les grandes voies issues de la côte proyençale. De toute évidence, de telles ressemblances ne peuvent pas être l’effet du pur hasard; elles doivent être rapportées à tout un ensemble de facteurs géo¬ graphiques communs, aussi bien climatiques qu’hydrogéologiques et même démographiques, facteurs dont il était intéressant d’essaver d’analyser les aspects. PARIS ET SEG ENVIBONIS 6 CENERALITES secrets de leurs misères et de leur grandeur. » Faisant allusion dans un ouvrage récent à Paris, orcane essentiel de l’Unité française. Ernest Granger s’est exprimé en ces termes : « Nulle autre Cité ne symbolise davantage l’appui mutuel que se prétent la géographie et l’histoire dans la naissance et le développement d’une capitale. Nulle autre n’offre un plus éloquent témoignage de la nécessité qui pousse l’historien à scruter le milieu physique où les hommes évoluent s’il veut surprendre les Si Lutèce, minuscule bourgade bâtie sur une ile de la Seine, a connu le merveilleux destin que l’on sait, c’est bien en effet à une heureuse conjonc¬ tion de la géographie et de l’histoire qu’elle le doit, les rois Capétiens avant su de bonne heure mettre à profit les avantages précieux d’un site particulie¬ remtent bien choisi. Paris ocupe non seulement le centre, mais encore le point le plus bas d’une cuvette vers laquelle converge tout le réseau de voies navigables que constituent à cet endroit les divers affluents de la Seine : Yonne. Loing. Marne et Oise surtout, Yères, Essonne. Orge, Yvette et Bièvre accessoirement. Autour de cette cuvette ou confluent les eaux s’élève une couronne large et épaisse de plateaux calcaires — Picardie, Soissonnais et Valois au nord. Brie à l’est. Vexin à l’ouest. Hurepoix et Beauce au sud — qui dominent d’une centaine de mêtres environ le fond de la dépression. Mais ce fond lui-même n’est pas absolument plat Les ulateaux s’y pro¬ longent en effet par quelques avancées. Ils se terminent notamment au sud par la montagne Sainte-Ceneviève et à l’est par les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant, tandis que vers le nord Montmartre et Chaillot dressent au¬ dessus du fleuve leurs buttes isolées. Le cours tranquille de la Seine et de ses affluents devaient très rapide¬ ment favoriser l’esor de la navigation fluviale et ce n’est pas sans raison que Paris comporte un vaisseau dans ses arntes. Mais les facilités de franchissement. du fleuve liées à la présence de l’ile de la Cité et de l’ile Saint-Louis allaient en même temps permettre l’épanouissement, à partir de ce lieu de passage et au travers des vastes étendues planes des plateaux environnants, d’un éventail routier d’une étonnante activité C'est ainsi que la route du Nord, glissant entre Montmartre et les Buttes- Chaumont, s’étance vers les Flandres après avoir franchi les esnaces découverts du Valois De même, sur son prolon¬ gement, la route du Midi, escaladant la montagne Sainle-Geneviève, acède par l’intermédiaire du plateau beauceron aux pays de la Loire et, plus loin, au Poitou, aux Charentes et à l’Aquitaine. De bart et d’autre de ce grand axe central se détachent enfin, en croix, les routes qui se dirigent à l’ouest vers nos provinces maritimes de la Manche, à l’est et au sud-est vers la Lorraine et t orsosne, scte demire oie scachueniman, vers, le coulai du Rlan et 15 srediterranee. 336 Paris, toutefois, ne serait guère parvenue à son rans si dans con édifi. cation n’étaient intervenus que des facteurs purement géographiques. Devenue capitale capétienne, la ville, en effet, a grandi grâce à la protection d’une dynastie dont elle symbolisait la puissance. Siège d’un couvernement forte¬ ment centralisé d’eniblée, elle s’est assurée la domination de toutes les pro¬ vinces successivement annexées à la couronne, élargissant sans cesse ses enceintes à mesure que s’accroissaient les dimensions du Royaume. Dans le même temps, délibérément ouverte à toutes les influences artistiques ou intel. lectuelles, elle est devenue dans le monde une reine incontestée de la pensée et du gout, jouant ainsi un rôle considérable, non seulement dans la naissance de la Nation, mais encore dans l’évolution même de l’Humanité. Environ 5 500 000) habitants composent aujourd’hui l’agclomération pari¬ sienne qui, débordant bien au-delà de la Ville proprement dite, s’étend désor¬ LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE ARRONDISSEMENTS DE PARIS mais à la totalité du département de la Seine. Quoique de plus en plus étroi¬ tement associées entre elles, les deux parties qui constituent cette énorme masse humaine, Paris et sa bantioue, présentent encore des aspects assez nette ment différenciés. Le premier trait qui frapbe dans Paris est l’originatité que lui contere (% Soine. Douze Kitomêtres durant, la ville se moule en effet intimement su la voie d’eau qui la traverse. Mais celle-ci a du s’urbaniser, Elle ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était autrefois, ni par son lit, ni par ses berges, n dans son cours. Au début des temps quaternaires, la Seine parisienne décrivar un are acentué vers le Nordl pour suivre à peu près le trajet de nos grand boulevards. En période de crue, elle déposait ses alusions sur la rive convexe de son méandre, formant ainsi une plaine correspondant à l’emplacemen actuel des bas-quartiers qui vont de Saint-Lazare à la Basille. Puis, un tenp arriva ou elle fit ce que font bien des fleuves sinucux : elle se creusa un R rectiligne, coupant par la corde l'’ancienne boucle depuis Bercy jusqu’à Cre nele. Son lit primitif demeura pourtant pendant longtemps oceupé par faux bras, d́terminant une zone marécageuse dont une brime conc le nom significatif de « Marais». LE SITE 386 et se développent toujours les infiltrations. 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Cette zone est aujourd’hui asséchée et les rives du fleuve ont été doter de puissants quais entre lesquels s’écoule un flot lent et ma jestueux, éminem¬ ment propice à la navigation. Il n’en reste pas moins vrai qu’il subsiste, au centre même de notre Capitale, une région déprimée, encore bien souvent humide et plus facilement submergée en cas de crue que les bords mêmes du fleuve. L’examen d’une carte de Paris au moment des inondations de 1910 permet aisément de délimiter cette région et de définir deux points faibles l’un vers la Bastille, l’autre vers le pont de l’Alma, points par où s’amorcent Le second trait qui caractérise Paris est l’entassoment extrême de sa ponu¬ lation sur un espace très restreint. La ville, avec ses 78 Km2, est en effet relativement peu étendue; elle contient très peu d’espaces libres, beaucoup moins de dégagements que la plupart des autres capitales européennes. La densité de la population atteint le taux moyen de 36 500 habitants au Km2. Dans certains quartiers, comme le dit Ricommard, sévit un véritable état de « congestion humaine »; dans le quartier Rochechouart la densité s’élève à 90 000 habitants par Km2, contre 101 000 à Bonne-Nouvelle et jusqu’à 106 000 à Saint-Gervais. Ce degré de surpeuplement, pratiquement inégalé. tient sans doute à des raisons historiques, la ville avant dù longtemps vivre à l’intérieur d’enceintes rigides. Fort heureusement la situation tend aujour¬ d’hui à s’améliorer, un exode assez sensible de la population s’effectuant vers les périphéries moins encombrées. Enfin, le troisième trait particulier à Paris est le polymorphisme très poussé des aspects et des activités en rapport avec une grande diversité des quartiers. On peut dire, en effet, que chaque quartier a conservé dans notre capitale sou visagé et son originalité propres,. Tandis que les quartiers du Centre groupent les services officiels et que le Quartier latin reste le fover de notre vie intellectuelle, les quartiers de la rive droite sont avant tout le siège de l’activité commerciale, celle-ci revétant d’ailleurs un caractère d’élégance et de luxe universellement renommé. Quant à l’activité industrielle, elle tend à se réfugier dans les quartiers excentriques, qui prennent ainsi une allure de plus en plus populeuse comme les banlieues qui les avoisinent, auprès des bar¬ rières du Nord et de l’Est tout spécialement. La banlieue parisienne, avec ses deux millions d’habitants au total, diffère de la Capitale par son tassemant moindre et ses plus vrandes possibilités d’extension. Déjà elle atteint en maints endroits une trentaine de Kilomêtres de ravon. De vastes espaces découverts et des bois séparent encore les localités dont certaines sont très importantes puisqu’elles réunissent de 50 000 à 100 000 habitants, se classant ainsi parmi les principales villes de France (Bou¬ logne-Billancourt. Colombes. Asnières. Saint-Denis. Aubervilliers, etc.), A l’origine cette banlieue avait une physionomie à peu près exclusivement agri¬ cole. Il a fallu la violente poussée industrielle de ce siècle pour transformel complêtement le paysage, les entrepêts et les usines chassant un peu partout les champs, les jardins et les cultures. Il en résulte, suivant le degré de cette évolution, des aspects très divers, rappelant par certains côtés le polymor¬ phisme même de la Capitale. C’est ainsi que la banliene Sud conserve encore un air champêtre et aéré que l’on s’efforce de maintenir, même dans les lotissements. L’abon dance des forêts, des jardins et des parcs lui confère un charme que l’on ne rencontre plus guère que très rarement ailleurs. Seules, ici, les localités de la vallée de la Seine comprises entre Iyry et Choisy-le-Roi et quelques com¬ munes ouvrières contigués aux anciennes fortifications comme Malakoff ou Montrouge ont pris figure de cités industrielles. PARIS ET SES ENVRONS PARIS ET SA BANLIEUE 360 50 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE En comparaison, la banliete Quest semble déjà plus remaniée, compre¬ nant, auprès de centres aristocratiques comme Neuilly et de secteurs résiden¬ tiels comme Asnières et Bois-Colombes, de vastes quartiers usiniers tels que Boulogne et Puteaux. Rueil et Levallois. Fontenay-sous-Bois de l’autre. Quen et Aubervilliers. Même remarque en ce qui concerne la banlieue Est, avec toutefois un aspect plus tassé du à des horizons moins ouverts. On y observe, en effet, le long dé la vallée de la Marne et près du confluent de la Seine, des centres industriels comme Pantin, voisinant avec des lieux de petite ou grande rési¬ dence parmi lesquels on peut citer Saint-Mandé et le Raincy d’une part Reste la banlieue Nord. Elle mérite en réalité une place à part dans cette descriptiou, étant celle qui a été la plus fortement transformée par la main de l’homme. Prolongeant directement les quartiers parisiens de la Chapelle et de la Villette, elle n’est plus guère de nos jours qu’une immense agglomé¬ ration industrielle de plus de 200 000 âmes, couvrant à peu près completement Clichy-Gennevilliers. La Plaine Saint-Denis de Saint-Denis à Pierrefitte, SainE Ainsi le développement gigantesque de l’agglomération parisienne a abouti sur de larges espacès à la disparition à peu près totale du faciès géographique primitif. Dans Paris même, les quelques squares aménagés à grand frais ne représentent plus que de minuscules lambeaux d’une nature apprêtée. Aux portes de la Ville, il existe bien encore les bois de Boulogne et de Vincennes. mais ceux-ci doivent être continuellement défendus contre les assauts des lotis¬ seurs. Et dans la banlieue on pourrait multiplier les remarques du même ordre. Cet asservissement de la nature s’ohserve du reste dans tous les domaines. La Bièvre, qui à louy-en-losas est vne rivière aux eaux limpides, termine son cours en un conduit souterrain. Plus loin, de nombreux ruisseaux ont été transformés en émonctoires noirâtres. Et tandis que les étendues sablonneuses de Gennevilliers, fécondées par l’épandage des égouts parisiens, sont devenues des champs fertiles propices aux cultures maraichères, à quelques pas de là le territoire situé entre Saint-Denis. Stains et Dugny a eu son sol entièrement renouvelé par une accumulation énorme d’ordures ménagères. Telle est l’étrange métamorphose subie par ce beau coin de France, aujour¬ d’hui nové sous le flot chaque jour plus envahissant des entreprises humaines. Nous avons vu que c’est un concours excentionnel de roules et de voies navigables qui, à l’origine, a fixé la position de Paris, Par la suite, des cir¬ constances diverses ont assuré à la ville son ravonnemént et sa puissance. mais, à mesure qu’augmentaient ses besoins, celle-ci a dì en même temps mettre à profit la totalité de ses ressources et accélérer le rythme de ses échanges. Sa fonction commerciale, prenant de plus en plus un caractère de nécessité absolue, n’a dès lors cessé de croitre en importance. Le commerce fluuial, le premier apparu, est resté extrémement développé. Grâce au cours de la Seine régularisé êt anprofondi, grâce aussi à un réseau de canaux s’épanouissant dans tous les sens. Paris est depenue le plus grand port de France, dépassant même par le tonnage des marchandises débarquées nos ports de mer les plus avantagés. Cependant, malgré l’extension des quai qui aujourd’hui s’allongent du confuent de la Marne à Nanterre, annexant au surplus les canaux de l’Ourca et de Saint-Martin, le port de Paris n’arrive plus à suffire aux besoins qu’il doit satisfaire. C’est pour parer à cette diffi¬ culté que d’immenses installations portuaires, concues suivant les techniques les plus modernes, sont actuellement en cours d’élaboration dans la pres¬ par aR. et plus de 300 millions de vovageurs. PARIS ET SES ENVIRONS 361 qu’ile de Gennevilliers, les 12 Kilomêtres dle berges prévues devant être capables de recevoir jusqu’à 3 et même 4 millions de tonnes de marchandises Le trafic fluvial est complété par celui des routes et des chemins de fer dont le double réseau a pour centre Paris. Annuellement débarquent dans les différentes gares de la cité plus de 20 millions de tonnes de produits Enfin le trafic aérien, réservé aux passagers, aux marchandises de luxe et au courrier postal, prend un esor de blus en plus impressionnant, favorisé qu’il est par l’existence autour de la capitale de hautes plates-formes horizon¬ tales se prétant admirablement à l’établissement d’aéroports. De nombreuses lignes aériennes partent aujourd’hui de Paris, se dirigeant, comme en témoigne le tableau ci-après Page 367), vers toutes les parties du monde. Dès 1932. le Bourger assurait le transit de plus de 60 000 passagers var an. Mais son aéro¬ port, devenu trop exisu, a du être renforcé par celui d’Orly, terminé tout récemment et en partie souterrain, aménagé pour recevoir 313 arrivées et départs d’appareils par heure avec un trafic atteignant 30 000 voyageurs par jour. Directement issue de l’activité commerciale et comme elle dépendant des énormes besoins de la population, l’activité industrielle s’est surtout concentrée le long des voies d’eau capables d’acheminer sur place à moindres frais les lourdes matières premières qui, dans la région, manquent totalement. La Seine est en effet bordée d’usines tout le long de son cours, ainsi que les canaux de l’Ourca et de Saint-Denis, voire même maintenant les rives de la Marne. A peu près toutes les branches d’industries sont représentées dans la région parisienne, Parmi celles-ci nous citerons : toutes les industriès de l’ali¬ mentation, du vêtement et du meuble; les industries de luxe de réputation mondiale; les industries chimiques; enfin les industries dites de transformation qui groupent notamment le quart des métallurgistes de France et jusqu’aux quatre cinquièmes des ouvriers de l’automobile. Enfin, nous nous en voudrions de pe pas rappeler que Paris est un des foyers principaux du tourisme, attirant chaque année, grâce à l’élégance de ses perspectives et à la beauté de ses monuments, une foule de visiteurs venus. non seulement de province, mais de tous les points du globe. La concentration de plusieurs millions d’hommes sur un espace aussi res¬ treint que celui dont dispose notre Capitale pose sans cesse des problèmes d’une acuité extrême. Comme ces problèmes intéressent l’hygiéniste et le médecin au même titre que l’urbaniste, nous devons leur prêter ici une attentior toute particulière. Ils concernent avant tout : — l’alimentation. — l’adduction d’eau potable. — l'évacuation des matieres usées — la circulation. — le logement. — l’immigration enfin. Très brièvement, nous allons examiner l’une après l’autre ces diff́rentes questions. 362 1. - Le problème de l’alimentation¬ à satisfaire. LA PATHOIOGIE BÉCIONALE DE LA FRANCE « Il faut nourrir le monstre » dit volontièrs le paysan normand, faisant allusion à Paris, foyer de consommation formidable de plus en plus difficile Les Halles centrales, les Abatoirs de la Villette, les Entrepôts de vin de Bercy, les grands Docks, les Minoteries de banlieue, pièces gigantesques d’un organisme dévorant, sont en effet, malgré leur énorme activité, perpé¬ tuellement en danger d’être débordés par des exigences nouvelles. En ce qui concerne la viande notamment Paris a recu en 1931 (Bicou. mard) 307 000 têtes de gros bétail, 190 000 veaux, 980 000 moutons et 281 000 porcs. Ces chiffres ont depuis beaucoup augmenté. La même remarque s’applique au gibier, à la volaille, au poisson, au fromage, aux légumes et aux fruits importés chaque année par centaines de milliers de tonnes. Sans doute ces importations proviennent-elles pour une très grande part des provinces françaises. Celles-ci ne parviennent pourtant plus à assurer le ravitaillement complet de la Capitale qui, de plus en plus, est obligée de faire appel à l’étranger, même pour des produits d’usage courant. C’est ainsi, par exemple, que de gros contingents de viande doivent lui être régulièrement expé¬ diés d’Australie ou des Etats de la Plata. Tous ces arrivages nécessitent évidemment des contrôles sanitaires minu¬ tieux, ceci afin d’éviter la livraison au consommateur de denrées nocives. On sait à ce propos qu’une surveillance étroite est exercée aussi bien sur le bétail sur pied que sur, les viandes en vue d’éliminer les risques d’infection (Bru¬ celloses) commé les contaminations parasitaires. Mais un autre problème, tout aussi grave celui-la, se pose écalement de nos jours aux Pouvoirs publics, Paris, pour son alimentation, est, nous l’avons vu, à peu près entièrement tributaire de l’extérieur. Que ses relations avec l’étranger soient coupées et ses communications avec la province interrom¬ pues, aussitôt c’est la disette qui s’installe dans ses murs avec toutes ses consé¬ quences. Les événements de 1940-1045 sont là pour en témoigner, laissant dux Parisiens, comme d’ailleurs aux habitants de toutes les grandes villes, un souvenir qui n’est pas près de s’effacer. 2. - Le probtème de l’eau. Nous envisagerons surtout ici le problème de l’adduction d’eau potable. lusque vers le muilieu du XIXe siècle, Paris trouva facilement dans son voisinage immédiat, sources, puits et même dans la Seine l’eau qui lui étai indispensable. Mais l’expansion progressive de la Ville obligea par la suite à faire appel à des réserves plus abondantes et en même temps plus éloignées qui, captées aux sources, durent être amenées sur place au moyen d’aqueducs ou de conduites souterraines. Depuis 1865, les eaux de la Dhuys, affluent du Surmelin et sous-affluent de la Marne, parviennent au réservoir de Ménilmontant après 114 Km de trajet celles de la Vanne, affluent de l’Yonne, arrivent au réservoir de Montsouris par un autre aqueduc de 172 Kms celles du Loing, du Lunain et de la Voulzie alimentent également ce dernier réservoir; celles de l’Avre enfin affluent de l’Eure, sont déversées dans le réservoir de Montretout à Saint¬ Cloud après 120 km de parcours. Mais la consommation en eau s’accroissant continuellement au point d’atteindre 450 litres par jour et par habitant, ces sources actuellement ne suffisent plus. Aussi la Ville de Paris projiette-t-elle d’en capter d’autres, plus lointaines encore, dans la vallée de l’Eure, dans les vallées de la Seine et de l’Yonne au-delà de Montereau et jusque dans le « Val de Loire », entre Briare et Nevers. En attendant, on utilise tant bien que mal en complément les eaux de la Seine et de la Marne après les avoir filtrées et stérilisées dans les Usines de Saint-Maur et d’IyrY. Telle est la provenance de l’eau potable à Paris et tel est aussi son mode de distribution par quartiers (voir la figure ci-dessous). Mais, si l’eau est néces¬ saire pour l’alimentation, elle l’est également pour les soins corporels. A cet PARIS ET SES ENVIRONS 365 égard, plusieurs piscines confortables, javellisées et bien surveillées ont été ins¬ tallées dans Paris et sa banlieue. Mais beaucoup de Parisiens préfèrent encore les baignades en rivières, dans la Seine, la Marne et le Loing notamment accusées pourtant de favoriser la propagation de certaines maladies : Fiêvres tybhoides. Leptospiroses et Poliomvélite surtout. 3. - Le problème de l’évacuation des matières usées. Il est connexe de celui de l’eau et son importance éoidémiologique n’est pas moindre, en particulier dans la prévention des Fièvres typhoides et de ections transmises par les muridés. Pendant longtemns, l’évacuation des matières usées à Paris s’est effectuée à ciel ouvert, directement dans la Seine. Depuis le Seçond Empire, elle se fait grâce au système d’égouts imaginé par l’ingénieur Belgrand et très perfec tionné par la suite. Primitivement, en effet, les eaux polluées arrivaient par des conduites souterraines dans des égouts qui se déversaient dans trois énormes collecteurs avant d’aboutir à la Seine entre Asnières et Saint-Denis. Plus tard, on à 3%4 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE cherché à éloigner le plus possible le débouché de ces collecteurs dans le fleuve. Aujourd’hui, les eaux d’égouts sont débarrassées de leurs matières qu’elles irriguent et fertilisent. 4. -— Le ptoblème de la circulation. solides dans des usines situées à Clichy et à Colombes; la plus grande partie est ensuite refoulée dans un canal souterrain qui, sur plus de 22 Kilomêtres. longe la Seine jusqu’à Triel, au-delà du confluent de l’Oise; des conduites souterraines enfin, branchées sur l’aqueduc central, amènent les caux dans les vastes « champs d’épandage » de Gennevilliers, Achères, Pierrelave et Carrières Ce dispositif se montre excellent du point de vue sanitaire. Il est compléte par quatre usines dont la mission est de bruler les 800 000 tonnes d’ordures ménagères ramassées chaque année dans les rues de la Capitale Il est au moins aussi complexe que les précédents, Immense fourmilière humaine, Paris doit nécessairement disposer sur toute l’étendue de son terri¬ toire de moyens de communication denses, rapides et, autant que possible bon marché. A cet égard, le réseau du Métropolitain constitue sans aucun doute le mode de transport le plus pratique. Récemment prolongé jusqu’en banlieue, son trafic est sur le point d’atteindre annuellement un milliard de vovageurs. Malgré cette dérivation souterraine intense, la circulation en surface demeure toujours extrémement encombrée du fait du nombre sans cesse crois¬ sant des véhicules de toutes sortes : autohus, taxis, voitures particulières sur¬ tout. La situation, est même devenue telle qu’aux heures de pointe il est actuellement presque impossible de se déplacer à l’intérieur d’une zone limitée par le boulevard Sébastopol, le début du boulevard Saint-Michel, le boulevard Saint-Germain, la Chambre des Députés, la place de la Concorde. De pareils embouteillages favorisent fatalement les accidents. Ceux-ci pour¬ tant sont beaucoup moins nombreux à Paris même qu’on pourrait l’imaginel a priori. Au contraire le maximum de fréquence sièce aux abords de la Ville et dans la grande banlieue : moins surveillé et déjà moins vigilant, souvent enivré de vitesse à la vue des routes droites le conducteur a alors tron ten dance à oublier qu’ilea encore bien des agglomérations populeuses à traverser et des carrefours dangereux à franchir. Le résultat 2 C’est qu’au cours de l’année 1981 par evemple dans le département de la Seine-et-Oise, il y a eu au total 223 morts sur la routez 796 blessés graves et 3 401 blessés légers, ces chiffres étant les plus forts enre¬ gistrés dans tous les départements français. Signalons, à cette occasion que c’est la rouce Nacionale 7 Paris: F’on¬ tainebleau, la « route bleue », qui est la plus meurtrière Viennent ensuite la N. 13, l’ancienne « route des quarante-sous » er la N. 10 Paris: Bordeaux. Ainsi se trouve aujourd’hui démontrée l’evistence dans la région pari¬ sienne plus encore que partout ailleurs d’une véritable patholocie traumatique de la route, assez comparable par sa fréquence aux pâthologies traumatiques de la mine et de la montagne. Comment remédier à cet état de choses2 Il faudrait certainement ren¬ forcer la police routière et aggraver les sanctions. Mais il serait sans doute nécessaire aussi d’élargir les chaussées, celles-ci ne correspondant plus du tout aux besoins modernes. Il est vrai que c’est là une question qui sort du cadre de ce travail, encore qu’elle présente, comme nous venons de le voir; des répercussions d’ordre médical. 5. - Le problème du logement. parfois davantage; PARIS ET SES ENVIBONS 365 D’une actualité brulante, ce problème est en réalité double, comprenant : a) d’une part la question de l’insutfisance quannitatipe des locaux d’habi¬ tarion : il existe en effet à Paris, comme d’ailleurs dans toutes les villes de France, une multitude de familles qui vivent entassées dans des appartements trop restreints, partageant souvent 2 à 4 pièces entre 6 ou 8 personnes et b) d’autre part la question des ilêts insalubres, de nombreux immeubles de la Bastille et de la place de la Nation. sordides et croulants restant encore occupés. Les zones de surpeuplement sont surtout représentées par les quartiers déjà cités de Saint-Cérvais, Bonne-Nouvelle er Rochechouart. Leur fonogra¬ phie, toutefois, ne se superpose pas nécessairement à celle des ilots insalubres. ceux-ci étant situés pour la plupart à l’est de l’axe « route d’Orléans - route des Flandres », marqué essentiellement par les boulevards Saint Michel et Sébas¬ topol. C’est dire qu’on les trouve principalement autour de la porte d’Itslie. On connait les conséquences sociales de cette déplorable situation : sur¬ peuplement, promiscuités fâcheuses, manque d’hygiène. De telles conditions engendrent fatalement toute une série de maux : elles favorisent la propagation des épidémies et des affections parasitaires, l’extension de la Tuberculose, le développement même de l’Alcoolisme. Ne trouvant aucun attrait à un logis malsain, l’homme va au café : it y a actuellement plus de 50 000 débits de boisson dans le département de la Seine. Toute la politique du logement est aujourd’hui à reconsidérer. Elle exige des autorités compétentes des mesures urgentes. 6. - Le problème de l’immigration. De 2 270 000 habitants, en 1889, Paris est passé à 2 891 000 habitants en 1931. Il serait vain, comme le dit Maurette, d’essaver d’expliquer cette pro¬ gression par des conditions géographiques exceptionnellement favorables. Ce sont, initialement, les facteurs politiques et surtout la centralisation adminis trative qui l’ont déterminée. Là masse populeuse, créant pour subvenir à ses besoins commerce et industrie, a ensuite trouvé en elle-même des causes nou¬ velles d’accroissement. Or, c’est a l’immigration sans cesse renouvelée d’éléments jeunes, venus de partout, que la population parisienne doit avant tout sa croisance ultra rapide. Immigration A partir des propinces françaises tout d’abord. Les provin¬ ciaux installés à Paris sont extremement nombreux, habituellement groupés autour des gares qui desservent leurs pays d’origine (gare Montparnasse pour les Bretons, gares dé l’Est et du Nord pour les Lorrains et les Flamands, gare de Lyon pour les Provencaux, les Lyonnais et les Bourguignons) ou encore rasemblés dans les quartiers du Centre (Auvergnats, Savovards, Corses). Si cer¬ tains d’entre, eux regagnent le pays natal quand vient l’heure de la retraite. la plupart se fixent définitivement à Paris et y font souche. 366 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE LE GBQUPEMENT DAS PROYINCIAUX DANS PARIS (d'arss Maurelte). Quant auxz étrangers, ils sont environ 550 000 dans Paris et sa banlieue. ce qui représente le dixième de la population. Leur proyenance est extré¬ mement variée. On peut toutefois y noter comme éléments dominants, surtout parmi les travailleurs, les Belges, les Polonais, les Tchéco-Slovaques, les Espa¬ gnols et les Italiens. Mais on y rencontre aussi de nombreux Roumains. Scan¬ dinaves, Egyptiens. Svriens. Américains du Nord et du Sud. Annamites. Chi¬ nois et laponais. Nous ne comptons pas parmi eux les immigrants de notre Afrique du Nord. Ainsi Paris est une véritable « cosmopolis ». Cette population étrangère est très inégalement répartie à l’intérieur de l’agglomérâtion Relativement peu fréquente dans les riches arrondissements de l’Ouest et dans la banlieue de plaisance qui l’avoisine plus serrée et en voie de diminution dans les arrondissements du Centre orientés de plus en plus vers les « affaires », moyennement dense dans les quartiers intellectuels ou « hourgeois » de la rive gauche, elle s’agglomère par contre à l’excès dans les arrondissements industriels du Nord et de l’Est, de même que dans la cein¬ ture de villes ouvrières qui les entoure. Du point de vue nosologique, ce contingent supplémentaire contribue cer¬ tainement, par sa participation même au surpeuplement de la Capitale, à la dissémination des germes et à la diffusion des épidémies Mais il est également dangereux par les apports morbides nouvequx qu’il peut effectuer. Ceci est particulièrement vrai pour les Nord-africains, localisés surtout dans les quar¬ tiers de la Basille, de la Chapelle et de Clichy ainsi que dans les banlieues de Pantin et de Gennevilliers (1). Souvent porteurs d’hématozoaires et d’amibes. hébergeant parfois de nombreux parasites, ils sont en effet susceptibles d’intro¬ duire à tout moment sur notre sol les affections qu’ils ont contractées au-dehors (Paludisme, Amibjase, Peste, Rickettsioses diverses, etc.). Ce danger ne concerne du reste pas exclusivement l’indigène fixé 6 Paris, Il concerne également le vovageur, l’hôte accidentel de notre Capitale. qui, amené soudainement par avion des pays méditerranéens en pleine incu¬ bation de maladie contagieuse, risquera ultérieurement de répandre celle-ci dans son entourage. A cet égard, on peut dire que l’intensification actuelle du trafic est venue singuhièrement compliquer les problêmes de police santtaire. Tels sont les quelques faits d’ordre géographique que nous voulions déga¬ ger avant d’entreprendre l’étude de la pathologie parisienne. Déjà nous avons montré combien le rôle de « point d’appel » et de « carrefour » joué depuis des siècles par la « Ville-Lumière » l’exposait à des agressions de toutes sortes mettant continuellement à l’épreuve ses réactions de défense, Parmi ces agres. sions, celles que mènent en permanence les agents infectieux et les fléaux dits « sociaux : nous intéressent tout particulièrement. Nous allons essaver dans les chapitres qui vont suivre d’en dresser un rapide bilan. Celui-ci nous permettra. pour terminer, d’émettre un avis au sujet de la valeur et de l'’efficacité des moyens de protection actuellement mis en œuvre. PARIS ET SES ENMIRONS 1. COLIN (E.). Le port de Paris, Dunod édit, 1929. 2. DAUZAT (A.) et BOURNON (F.), Paris et ses environs. Larousse édit, 1925. 3. DEMANGEON (A.), Paris, la ville et sa banlieue. Bourrelier, édit, 1933. 4. ESCHOLIER (R.), Paris. Alpina édit, 1920. 5. MAUCO (G.). Les étrangers en France. A. Colin édit, 1932. direction de M. L. Lamorlette. Paris, 1948. 7. TRÉNOLIERES. L’alimentation en eaux de Paris et de sa banlieue. Acad, nat, méd. Séance du 26 février 1952. Voir au surplus la bibliogcraphie se rapportant au « Bassin parisien ». BIRLIOCRAPHIE 567 Tabteau complémentaire n° 1 L’ACTIVITÉ DES AEROPORTS PARISIENS CONSEQUENCES DU POINT DE VUE SANITAIRE Ces tableaux comportent la liste des pays qui sont en relation permanente avec les aéroports parisiens. Ils indiquent ensuite les diff́rentes maladies sus¬ ceptibles d’être introduites en France à l’occasion des vovages aériens. (1) Pour donner une idée de l’importance numérique de cette immigration, nous signalérons simplement qu’à eux seuls les Musulmans a'aériens atteignaient, en 1954, le chigre de 32, 80 duns toute la Capitale, dont, 1229 dans le 15 arontissement, 307 dans le 20, 3,854 dans le 19e, 3, 135 dans le 15 et 3,084 dans le 13. 368 1A PATHIOIOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 1. AR 9 P FEMPTE ATOT 2E Y DO HIM ZTLTLCOE (IN TN A ATLINTLZL (N A — Aérodrome du Bourget a) Europe continentale: Belgique,. Espagne. Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne. b) Grande-Bretagne, Irlande: Portugal, Suisse, Tchéco-Slovaquie; c) Scandinavie : Danemark. Suède. Norvège; d) Proche-Orient : Turquie, Palestine; c) Afrique du Nord : Algérie (via Nice. Marseille ou Lyon), Tunisie. N.B. Il n’est fait mention ici que des pays reliés avec le Bourget par une ligne directe. Il est bien évident que par un système, de corres¬ (ce qui nécessite un contrôle sanitaire). pondances cet aérodrome accueille des vovageurs de toute provenance Exemples : Vougoslavie. Hongrie. Roumanie via Tchéco-Slovaquie. Pakistan via Grande-Bretagne. B — Aérodrome d’Orly a) Amérique : Etats-Unis via Terre-Neuve et Islande; Argentine et Brésil via A.-O.-F., Portugal, Espagnes b) Afrique : Afrique du Nord : Algérie, Tunisie (direct), Maroca A.-0.-F.: A.-E.-F.5 c) Madagascar, la Réunion: d) Proche et Moven-Orient : Egypte, Irak, Iran. Liban, Svries e) Extrême-Orient : Pakistan, Indes, Indochine. N.B. Voir note du paragraphe A. Exemples : Chine via Indochine. Canada via Etats-Unis. II. — MALADIES SUSCEPTIBLES D’ETRE IMPORTEES EN FRANCE A PARTIR DE CES PAYS (Il ne saurait être question ici que des maladies conventionnelles à carac¬ tère endémique.). A — A partir des pays reliés au Bourget a) Europe continentale : aucune en général, mais des épidemies de maladies « pestilentielles » peuvent survenir (variole surtout): b) Grande-Bretagne, Irlandes e) Scandinavie. d) Proche-Orient; idem idem idem PARIS ET SES ENVIRONS 369 e) Afrique du Nord : variole et typhus, parfois peste; cependant, les apna. reils faisant une première escale à Marseille, Nice ou Lyon ont leurs passagers controlés à ce premier aérodrome en territoire français. B — A partir des pays reliés à Orly a) Amérique : aucune (la fièvre jaune qui existe à l’état endémique en Amé. riques centrale et du Sud ne trouve pas en France des conditions qui lui permettent de s’implanter et ne peut donc pas présenter de dangers sérieux) » b) Afrique : Afrique du Nord: Algerie et Tunisie : variole et typhus, parfois peste : Maroc : typhus, parfois peste : A.-O.-F. et A.-E. -F.; fover endémique de fièvre jaune, variole et quel¬ quefois peste : e) Madagascar et Réunion (parfois peste et variole);. d) Proche-Orient (parfois peste et variole): e) Extrême-Orient : Pakistan, Indes, Indochine (choléra, variole, peste). La nécessité d’un contrôle sanitaire aérien s’impose pour prévenir la pro¬ pagation en France de ces maladies et également pour parer à toute contami¬ nation de nos compatriotes au cours d’un séjour à l’étranger. D’ailleurs, des épidémies meurtrières sont survenues récemment dans divers pays, justifiant les mesures prophylactiques prises et les vaccinations exigées. Parmi ces épidémies signalons notamment : Cholera : Egypte 1947,19485. Syrie 1948. Indes ex-françaises (Pondichery) 1948. Variole : Siam 1948. Liban. Svrie 1948-1949. Tableau complémentaire n° 2 «CARTE DE RICHESSE » DES ARRONDISSEMENTS DE PARIS ET DES COMMUNES DE BANLIEUE Les services de l’Institut National de la Statistique viennent d’établir à la suite d’une cérie de sondages et de recoupements minutieux un tableau de la « répartition spatiale des revenus » dans le département de la Seine. C’est. en plus clair, un classement hiérarchique des arrondissements et des quartierg en fonction de la richesse moyenne de leurs habitants. Ce niveau de richesse avant des ranports étroits avec tous les fac¬ teurs que nous venons d’évoquer —- problèmes de l’alimentation, du logement. 2 370 LA PATHIOLOGIE REGIONALE DE LA TRANCE giéniste les documents que nous rapportons ci-dessous : L. - A Paris. Arrondissements standing de vie, etc — lesquels conditionnent eux-mêmes en grande partie l’état sanitaire, on devine facilement de quel intérêt peuvent être pour l’hy REVENU MOYEN ANCOPE E AC TaDTTATT (29 a) Classement par arrondissement : riches Arrondissement d’aisance moyenne XVT..., 841 000 fr. VIIE 747 000 fr. VIE 640 000 fr Ix° 463 000 fr. .. b) Classement par quartier : Porte Dauphine 1007000 fr. Muette............... Champs-Elysées...... Roule.............. Plaine Monceau.... Europe............. 2. - Dans la bantieue. 458 000 fr. XI° 450000 fr. Quartiers avantagés 940 000 894000 782 000 733 000 711 000 Cantons riches (relativement). Vanves 492 000 fr. Vincennes............ 446 000 Saint-Maur ......... 443 000 Nogent-sur-Marne .... 433 000 Colombes .......... 415 000 3. - Dans les communes de la Seine. Communes les plus riches Neuilly-sur-Seine... 723 000 fr. Sceaux.............. 527000. Saint-Mandé....... 506 000 Bourg-la-Reine....... 472000 Saint-Maur........... 463 000 Le Perreux........... 436 000 Bois-Colombes......., 435 000 Asnières............ Charenton........... 429 000 422 000 Arrondissements déshérités XIII.., 300 000 fr. Ieet XX, 392 000 fr. X1... 391 000 fr. XVIT, 388 000 fr. Quartiers désavantagés Bonne-Nouvelle....., 366 000 fr.. Saint-Gervais......... 365 000 La Goutte d’Or ...... 353000 La Chapelle........, 352 000 Cantons les plus déshérités Saint-Quen....... 374 000 fr. Aubervillers....... 366000 Saint-Denis......... 361 000 Communes les plus modestes Orly........... 55000 fr. Stains....... 356000 Gennevilliers........ 350 000 Villetaneuse. ......... 342 000 PARIS ET SES ENVIRONS moins touchés de notre pays. 1 — LES RRUCELLOSES 37 Pendant longtemps la Fièvre ondulante a été considérée comme absente de la région parisienne. Ce n’est qu’à partir de 1927 environ que son appa rition a été signalée dans la capitale, mais en réalité sous la forme sporadique et sans aucune tendance à l’endémicité : c’est ainsi qu’en consultant la litté¬ rature médicale d’avant-guerre nous n’avons réussi à en rassembler qu’une trentaine de cas. Et les statistiques officielles établies pendant la période 1941. 1945 ne mentionnent de leur côté qu’une douzaine de déclarations à Paris et ses environs, contre 35, il est vrai, au cours de la période quinquennale ulté¬ rieure de 1949-1953. La fiètre de Malte existe donc dans la Seine; néanmoins on peut affirmer qu’qujourd’hui encore ce département compte parmi les Cette rareté relative des Brucelloses parisiennes ne doit pas nous étonper De tout temps, la Mélitoçoccie s’est comportée en effet comme une affection essentiellement rurale. Or, la contamination indirecte, si fréquente dans nos campagnes, n’a qu’assez peu de chances de se rencontrer en ville ò les habi¬ tants ont désormais pris la sage habitude de faire bouillir le lait et ne consomment guère de fromages frais. Seule la contamination directe, par contact immédiat avec les animaux malades, y est véritablement à craindre. C’est précisément ce que l’on constate à Paris où la grande majorité des atteintes s’observe parmi les emplovés des abattoirs de la Villette et notam¬ ment parmi les tueurs et les ramasseurs de suif. On note aussi parfois quelques cas isolés chez les bouchers et chez les jardiniers appelés à manipuler des fumiers infectés. De toute façon, la maladie, retét ict un caractère profes sionnel évident que confirment par exemple les deux statistiques suivantes : Sur les 10 cas autochtones réunis par Daversin dans sa thèse, 7 concernent des emplovés des abattoirs, avec par ailleurs 1 boucher, 1 jardinier et l égoutier. Sur 3 cas observes par Garnier. Chabrun et Fasquelle à l’Hepital Lari¬ boisière, on compte de même un conducteur de bestiaux (chèvres et mou¬ tons), un manœeuvre chargé du transport des viandes, un nettoveur de ber¬ geriés et un ouvrier occupé à dépouiller les bœufs. Le 5° malade était un boucher travaillant aux Halles. Autrement dit, en additionnant ces deux bilans, on s’apercoit que 1I cas sur 15 — soit plus des deux tiers — se rapportent à des sujets appartenant au personnel de la Villette. L’origine opine ou caprine de la maladie était au début la seule connue Elle a fait l’objet notamment des publications de MM. Sergent. Mignot et Kourilsky;. Couttois-Sufit. Garnier et Liège; Debré, J. Marie et Ciroud Lemierre. Marchal et Caubert; Lemierre et Mahoudeau-Campoyer; Garnier Chabrun et Fasquelle. Plus récemment la contamination d’origine bovine a fait son apparition¬ Avant 1939 on n’en connaissait que quelques cas : ceux de Garnier. Chabrun et Gorse; J. Decourt; J. Decourt et Katz; E. May et Kipfer; R. et S. Kou¬ rilsky, Albeaux-Fernet et Tiffeneau. Mais, depuis la cessation des hostilités. leur nombre s’est aceru et risque maintenant de devenir prédominant. 322 L’identification du germe par hémoculture n’a été que rarement pra¬ tiquée Elle figure néanmoins dans 8 observations de Daversin ou elle s’est révélée positive 5 fois pour le melitensis et 3 fois pour l’abortus. Tout laisse prévoir d’ailleurs que la fréquence de cette dernière variété ira dans l’ave¬ nir en augmentant en même temps que l’extension des formes boyines. Rappe¬ lons cependant au passage que la correspondance entre ces deux phénomènes n’a absolument rien d’obligatoire, les bovidés s’étant révélés susceptibles d’hé¬ berger et au besoin de transmettre le micrococcus melitensis, au même titre que IC5 PVIHIS C ICS CADIIHS (1) e LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Ces faits n’étant valables que pour le département de la Seine seul. il nous faut envisager maintenant la s'tuation dans les deux départements limi¬ trophes de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise. A cet égard, voici le résul¬ tat des enquêtes effectuées par l’Institut National d’Hygiène au cours des deux périodes déjà choisies comme base à notre documentation : Nombre de cas de Brucelloses enregistrés dans la récion parisienne Bapportés au nombre des habitants, ces chiffres conduisent à des taux de morbidité manifestement plus élevés en Seine-et-Oise et surtout en Seine-et¬ Marne qu’à Paris même, ainsi que nous l’avons déjà signalé en examinant l’ensemble du Bassin parisien. La raison en est d’ailleurs facile à déterminer : nous avons ici affaire à des départements partiellement agricoles où aux causes de contamination observées en ville viennent s’ajouter toutes celles que l’on rencontre couramment en milieu rural. L’étude clinique detla Fièvre ondulante à Paris ne nous a guère apporté d’éléments particuliers. Tout au plus convient-il de mentionner la fréquence. d’après Lemierre, des exulcérations bucco-pharyngées survenant généralement au cours de la deuxième onde thermique et ressemblant à ce que Duguet a décrit dans la Fièvre typhoide. A part ce détail, on se trouve ici en présence (1) Toutes ces constatations ont été de nouvcau confirmées par les conclusions d’un article de J. Boyer et ses collaborateurs, récemment parlt dans la Presse médicale (3 juillet 1957). D’après ces auteurs, sur 74 cas de Brucelose identifés dans le département de la Seine entre les aunées 1945 et 1956, 52 apparaissent comme nette ment autochtones, les 21 autres avant été contractés en province, au cours des vacances le plus souvent. Or, en ce qui concerne leur point de départ, les 32 contaminations locales qui nous intéressent particulièrement semblent réconnaitre une origine professionnelle dans 39 observations (il s’agit ordinairement d’émployes des Abattoirs de la villette et une origine digestive par ingestion de lait ou fromages frais dans 8 autres obser vations, les » derniers cas étant d’origine indéterminée. Ces faits montrent une fois de plus l’affnité des Brucelloses pour certaine corporations de travailleurs en milieu urbain et surtout la rareté de l’inféction humaine par rapport au nombre des sujets exposés à la contagion, les Abattoirs de la Villette ocupant notamment un effectif d’environ 2,500 salariés. comme, partout d’états fébriles prolongés avec sueurs profuses, splénomégalie discrête et arthralgies diffuses de nature à faire penser au début à une angine à une grippe ou à du paludisme, plus tard à une typhose ou à une atteinte tuberculeuse. Une déduction intéresante est cependant à tirer des remarques d’ordre épidémiologique que nous venons de formuler : la nécessité de toujours penser aux Brucelloses en face d’une fièvre qui dure, lorsque celle-ci survient chez un sujet particulièrement exposé à la contagion du fait de son métier. Et nous avons surtout en vue en la circonstance le personnel des abattoirs, accessoire¬ ment celui des boucheries. Au moindre doute, on devra recourir aux examens de laboratoire : intradermoréaction à la mélitine, séro-diagnostic et hémoculture, on ne per¬ dant pas de vue que seule cette dernière investigation est capable de permettre une identification précise du germe en cause. PARIS ET SES ENMRONS BIRLIOCRAPHIE 373 11 — LES KIEVRES TVDHOIDES Il est bien évident qu’une région de densité démographique aussi consi¬ dérable que la région parisienne ne peut manquer de poser sans cesse, en matière de maladies épidémiques, les plus gravès problèmes. Il ne faut pas oublier, en effet, que la Seine groupait en 1936 plus de 5 millions d’habi¬ tants et l’ensemble des trois départements de la Seine, de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne, 7 millions et demi. Or, il est depuis longtemps étapir due l6 374 grandes agglomérations urbaines favorisent sous bien des rapports le déve¬ loppement des affections typhoidiques par la multiplication des risques de contamination qu’elles entrainent. Il est vrai qu’en contrepartie ce sont elles aussi qui disposent contre la propagation du fléau des moyens de protection les plus perfectionnés et les mieux organisés. Entre l’agression et la défense s’installe ainsi un état de conflit permanent, aux aspects tantôt aigus, tantôt latents, dont il devient fort instructif d’étudier les péripéties successives en même temps que les facteurs qui les conditionnent. Nous avons eu déjà l’occasion, lors du chapitre consacré aux typhoses dans le Bassin parisien, de préciser la position occupée par la région pari¬ sienne elle-même quant à la fréquence de ces maladies infectieuses. Rappelons simplement à ce sujet les quelques chiffres ci-après : LA PATHOLOGIE RÉCIONALE DE LA FRANCE Morhidité por affctions fyphoidiqutes durant la période 1949-1953 (LN. H.) De ces données il est permis de conclure : que la région parisienne se range en France parmi celles qui ne sont que moyennement touchées: et que là, comme ailleurs, la situation va sans cesse en s’améliorant en ce qui concerne le nombre des atteintes, à en juger par la compa¬ raison des bilans établis régulièrement d’année en année par les auto¬ rités compétentes. Bien entendu, ces éonstatations sembleraient prouver l’efficacité des mesu¬ res de prophylaxie auxquelles nous venons de faire allusion. Ceci dit, il est un certain nombre de notions bien mises en lumière par MM. Joannon,. Bover et leurs collaborateurs et sur lesquelles nous voudrions maintenant revenir. Elles ont trait spécialement aux trois points suivants : A. — VARIATIONS, AUL COURS DE CES VIMCT DERMIERES ANNEES, DE L’ENDEMOEPIDEMIE TYPHO-PARATYPHOIDIQUE DANS LE DEPARTEMENT DE LA SEINE. Nous venons d’indiquer le sens général de cette évoluuion En réalité celle-ci, loin d’être continue, a subi récemment toute une série de variations qu’avec Nizard nous allons essaver de schématiser. C’est ainsi qu’avant-guerre la dothiénenterie était déjà en voie de régres¬ sion dans la Seine avec 628 cas en 1935 contre 310 seulement en 1940, ce phepomsne, dtant lie probablement aux progces de l’Iygene et à la difteion des vaccinations. PARIS ET SES ENMBONS 375 Mais l’Occupation devait alors survenir, avec ses rigueurs et aussi ses relâchements, amenant bientôt une élévation sensible de la morbidité que l’on voit atteindre 1 315 cas en 1942 et jusqu’à 1 580 cas en 1944. Enfin c’est la Libération er à pouveau la détente, le retour à des conditions hygiéniques et alimentaires meilleures, la reprise des vaccinations guerre. se poursuivra au cours des années à venir. un moment délaissées, et l’avènement surtout de la thérapeutique par le chlo¬ ramphénicol qui, correctement instituée, possède, outre une activité curative, la propriêté de faire disparaitre les germes de l’organisme, voire même de sté¬ riliser les excrétas contaminateurs. Simultanément, on observe de nouveau une chute de la morbidité qui, après les 1 264 cas encore enregistrés en 1950, con¬ duit aux 276 cas de 1953, lesquels témoignent d’une amélioration manifeste par rapport aux chiffres les plus favorables enregistrés antérieurement à la Cette constatation apparait comme d’autant plus rassurante que bien des symptômes laissent prévoir que cette évolution régressive n’est pas terminée et B. — CAUSES HARITUELLES DE CONTAMINATION DE LA POPULA¬ TION PARISLENNE. En regard de la contamination interhumaine qui, somme toute, demeure plutôt rare, la contamination indirecte mérite d’être mise habituellement en cause, qu’elle reconnaisse une origine hydrique ou une origine alimentaire. En rétlité, de ces deux étiologies, la première ne saurait être à Paris trop fréquemment invoquée, la surveillance bactériologique des eaux s’y effec¬ tuant d’une manière parfaitement stricte et régulière. La plupart des cas obser¬ vés appartenant à cette catégorie proviennent en effet de la banlieue ou le malade a pu absorber l’eau d’un puits souillé. Quant aux baignades, surtout en piscine, elles ne semblent pas, pour les mêmes raisons, devoir être tenues pour aussi souvent responsables que certains auteurs ont bien voulu l’affirmer. Reste l’origine alimentaire et c’est assurément sur elle qu’il convient d’insister. La transmission de la Fièvre typhoide est susceptible alors de se faire soit par des légumes infectés, cultivés notamment sur des terrains d’épandage. soit par le lait et le beurre, soit encore par les fruits de mer. Le lait et les laitages ont provoqué autrefois de très graves épidémies. Il n’en est plus de même actuellement, depuis que la pasteurisation est devenue courante. Mais des cas de contamination aecidenfelle demeurent toujours possibles, consécutifs aux manipulations secondaires dont ces produits font l’objet. Plus dangereux parait être le beurre, soumis à des causes de souillure multiples, lors de la traite ou des opérations successives de manutention et de transport : témoin, cette épidémie de 1944 qui fit plus de 400 victimes. Quant à la propagation de la Fièvre (typhoide par les huitres et les coquil. laces divers, elle a’suscité au cours de ce travail trop de commentaires poul que nous y revenions. Bornons-nous simplement à rappeler que le Midi méditerranéen continue à souffrir d’une endémie typhoidique sévère d’origine coquillière et qu’il est en même temps grand exportateur vers Paris de toutes les variétés de fruits de mer. Sans doute l’Office des Pêches surveille-t-il atten tivement les Ftablissements ostréicoles, procède à des analyses bactériologiques minutieuses et appose sur les paniers à expédier des étiquettes de salubrité. 3% LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE les frais. TYPHOIDE DES VACCINES. Mais nous avons vu que les mollusques autres que les huitres ne comportent par contre aucun contrôle et que, d’autre part, les huitres elles-mêmes peuvent être polluées après vérification bactériologique à l’occasion particulièrement de manœeuvres ultérieures aussi intempestives que celle du retrempage. Il y a donc là une cause indéniable de contamination à distance des populations dont la capitale se trouve tout naturellement appelée à faire spécjalement C. — FREQUENCE CROISSANTE A PARIS DES PARATYPHOIDES R. A ce sujet, une remarque fort intéressante est à faire : alors qu’au len¬ demain de la Première Guerre mondiale la Fièvre parathyphoide B n’entrait parmi l’ensemble des typhoses que dans une proportion d’environ 10 pour 100. ce taux s’est largement accru depuis, au point de représenter aujourd’hui près de la moitié des cas. à cet égard : Typhoides à Eberth Le bilan suivant, correspondant à l’année 1953, se montre très explicite Paratyphoides A Paratyphoides B 46,42 9 5,98 % 47,60 26 Mentionnons en outre, en ce qui concerne la répartition de ces processus suivant l’âge, que l’affection éberthienne se rencontre surtout chez l’adoles¬ cent et chez l’adulte, jeune cependant que la paratyphoide B touche électi¬ vement l’adolescent et l’enfant. Si l’on envisage maintenant le sexe, on observe que les typhoses deviennent. après la vingtième année, plus fréquentes chez la femme que chez l’homme. sans doute en raison de la pratique plus répandue des vaccinations dans le sexe masculin. Toujours dans ce même domaine de la fréquence de la maladie, notons enfin la multiplication sans cesse accrue de ce que l’on appelle la Typhoide des ccinés dont les taux sont passés d’après Boyver de 9 66 en 1945 à 27,5 26 en 1953. A quoi peut-on attribuer ce, phénomène dont la portée ne saurait échapper " Les auteurs précités signalent précisément, parmi les interprétations gusceptibles d’être retenues, cette augmentation de fréquence des paratyphoides B, ces affections appartenant du point de vue antigénique à un groupement beaucoup moins homogène que l’Eberth lui-même. En manière de conclusions on peut dire : 1) Que, quantitativement, les affections typhoidiques n’ont guère daus la région parisienne l’extiension à laquelleon pourtaits’atendre à priori, compte tenu de l’extrême densité de la pobulation, ceci en raison surtout de la cam¬ pagne énergique de prophylaxie menée par les Pouvoirs publics. 2) Que, parmi les causes indirectes de contamination qui dominent — et de loin — le problème, l’origine hydrique apparait, du fait de la surveillance attentive des eaux de consommation, comme pratiquement négligeable en com¬ paraison de Lorigine a'imentaire quis elle, représente aujourd hui le danger véritable. La Fièvre typhoide oftre, en etfet, à Paris les aspects d’une maladie d’apport qui, sans cesse entretenue par la province ou la grande banlieue puise sa source principale dans l’absorption d’aliments souillés de toutes natures, légumes verts en provenance des terrains d’épandage, laitages et beurres contaminés, fruits de mer récoltés dans le Midi surtout et dont la salubrité se trouve encore insuffisamment protégée par la réglementation en vigueur. 3) -Qu’actuellement la fréquence des affections typhoidiques va continuel¬ lement en régressant avec toutefois auxmentation relative de la proportion des paratyphoides B, phénomènes qui ne sont d’ailleurs pas particuliers à la région considérée et sont susceptibles d’expliquer, au moins le dernier, certaines cons¬ tatations apparemment surprenantes, comme la multiplication des cas d’infec¬ CICE I TN2 PARIS ET SES ENVIRONS BIRLIOCRAPHIE 377 1I1 — LES MALADIES INFECTIEUSES, EPIDEMIQUES ET CONTACIEUSES COSMOPOLITES LA POLIOMYELITE Nous ne reviendrons pas sur les retentissements des maladies infectieuses cosmopolites sur les départements de la Seine, de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise dont l’étude a été englobée dans le schéma d’ensemble relatif au Bassin parisien. Nous nous bornerons, au sujet des principales d’entre elles aux quelques remarques suivantes : A — BOUCEOLE ET SCARLATINE. D’une manière générale, ces aftections sont très fréquentes dans la région parisienne ou elles donnent lieu parfois à des épidémies très étendues. Un Ssopble : dans la Seine en 1932 9n « put dnombrer 6 490 es de Bouaceoe 2 300 de Scarlatine. 378 8. — DIPHTERIE. LA PATHOLOGIE RÉCIONALE DE LA FRANCE L’agglomération parisienne ne compte pas parmi les fovers diphtériques importants de notre pays. D’autre part, la régression de la morbidité et de la mortalité pour cette maladie, générale dans toute la France au cours de ces dernières années, s’y est fait particulièrement sentir. Deux témoignages à cet égard : à 157 en 1953 (LN. H.). C. — VARIOLE. 3 décès) et de l’hiver 1947 (52 cas : 2 décès). Dans la Seine, le nombre des ateintes est passé de 3 457 en 1943 Dans ce même département, le nombre des décès n’a été que de 4 en 1950, encore ne concernaient-ils que des sujets non vaccinés (Besson). Elle ne se manifeste dans Paris et sa banlieue que d’une manière fort intermittente, sous forme de petites poussées rapidement éteintes grâce aux mesures immédiatement prises : épidémies de l’hiver 1941-1942 (67 cas: D. — LA POLIOMYELITE. D’après les statistiques précédemment évoquées relatives au Bassin pari¬ sien dans son entier il a pu être établi que la région parisienne elle-même constituait au sein de nos plaines septentrionales un fover poliomyvélitique non négligeable, au même titre que le Maine et l’Anjou, l’Indre et la Bourgogne. Si, délaissant l’aspect topographique du problème on examine plus spécia¬ lement l’évolution du processus au cours de ces dernières années, on aboutit, pour le département de la Seine tout au moins, aux constatations suivantes : Aucune poussée importante de la maladie n’a été enregistrée durant les périodes de crises 1939-1940 et 1944-1945 (65 cas en 1945), malgré les mouve¬ ments intenses de population. Par contre, des clochers épidémiques sont apparus en 1937 et en 1943 (144 cas), cependant qu’à partir de 1949 une exa¬ cerbation très franche était observée avec un maximum en 1953 (202 cas). En ce qui concerne maintenant les sources de contagion, il y a lieu de mentionner l’opinion de Boyer pour qui les épidémies parisiennes revétiraient plutôt l’aspect d’épidémies d’origine digestive que d’origine rhino-pharyngée. ne serait-ce qu’en raison de l’époque oi elles se développent de préférence (été-automne). L’eau de boisson fournie à la population ne parait d’ailleurs pas devoir être incriminée en l’occurrence, en dépit de certaines recher¬ ches récentes qui prouvent que les eaux de rivières souvent souillées par les effluents d’égouts et ensuite insuffisamment épurées peuvent copstituer un excellent vecteur pour le virus. Qutre qu’à Paris l’eau distribuée est sévèrement contrôlée, on n’a jamais noté de corrélation certaine entre les divers secteurs d’approvisionnement de cette eau et la répartition des fovers infectieux. Bien plus, on observe souvent qu’une épidémie empiête en même temps sur plusieurs secteurs d’adduction. Si l’eau doit cebendant être tenue pour responsable, il semble bien que ce soit plutêt celle des rivières, non soumise au traitement chloré, soit au cours de baignades, soit à l’occasion de tout autre contact. C’est ce qui Pss la Seine et à proximité du cours souterrain de la Bièvre. En outre, toujours d’après le même auteur, on ne saurait nier qujour¬ d’hui le rêle joué dans la contaminanion des Parisiens par l’ingestion d’ali¬ ments souillés, légumes verts, fruits et beurre en particulier, surtout depuis la guerre où la pratique de l’épandage a pris beaucoup d’extension. Ainsi — et hien que cet avis air donné lieu à bien des exagérations on peut dire qu’il arrive aux habitants de la Capitale d’avoir à paver lour¬ dement les fautes d’hygiène parfois commises dans les campagnes dont ils sont obligatoirement les tributaires. Un gros effort de propagande s’impose donc si l’on veut mettre rapidement un terme à ces influences fâcheuses. PARIS ET SES ENMRONS a) DIPRTERIE. BIBLIOCRAPHIE presse, méd, 19 juillet 1952. 370 IV — LES LEPTOSPIROSES Les Leptospiroses de nos régions offrent à considérer : — d’une part une Leptospirose majeure qui mérite cette appellation à la fois par son ancienneté sur notre sol, sa fréquence mondiale et sa gravité : il s’agit de la Leptospirose ictéro-hémorragique; — d’autre part les Leptospiroses mineures, plus récentes, moins répan¬ dues et plus bénignes, à savoir : la Leptospirose ̀ leptospira grippo-typhosa. la Leptospirose à leptospira canicola. la Leptospirose à leptospira pomona. A. — LA LEPTOSPIROSE MAIEURE LCTERO-HEMORRACIQUE. Il est très difficile de se faire une idée exacle sur la fréquence dans la région parisienne de la spirochétose ictérigène, la plus ancienne (près de trois quarts de siècle) et la mieux connue des Leptospiroses françaises. A cela il y a sans doute plusieurs raisons : tout d’abord la carence des statistiques offi¬ cielles en la matière;, ensuite les variations d’une affection en perpétuelle transformation clinique; enfin le grand nombre des cas frustes dont la plu¬ part demeurent ignorés. 380 répétés avec les rongeurs dans des demeures insalubres. alimentée par ce dernier cours d’eau. LA PATTIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Tout porte à croire cependant que la maladie est très répandue dans la Capitale ainsi que dans ses environs immédiats. Le fait s’explique certainement par le degré de pollution élevé qu’y atteignent partout les eaux de surface : rivières, canaux, étangs et piscines dont trop souvent les abords sont littéra¬ lement envahis par les rats. C’est ordinairement à l’occasion de baignades dans la Seine, la Marne, le canal de l’Ourça et le Loing que la contamination se produit en effet, reconnaissant alors une origine indirecte, hydrique. Quant à l’origine murine directe, elle est beaucoup plus rare et ne s’observe guère que dans certaines professions ou chez les riverains exposés à des contacts Quoi qu’il en soit, l’affection survient presque toujours à la belle saison et présente son maximum vers les mois de juillet et d’aout. Elle provoque parfois de petites épidémies locales comme notamment celle de l’été 1947 au cours de laquelle les Pouvoirs publics durent interdire les bains dans les zones les plus éprouvées, c’est-à-diré : la Seine entre le pont Bineau et celui de Levallois, la Marne près du pont de Charenton et la piscine du Perreux Afin de faire le point sur la situation actuelle, le Profeseur Boyer et ses collaborateurs ont publié assez récemment une étude portant sut 164 cas de Spirochétose ictérigène échelonnés sur 9 ans (1943 à 1951 inclus observés dans le département de la Seine. Ils rappellent à ce sujet la petite épidémie par baignades mentionnée ci-dessus (22 cas), ainsi qu’une autre pous¬ sée nette survenue en 1948 chez les bouchers de la Villette. Leurs constata¬ tions les ont amenés à établir comme suit le bilan des facteurs étiologiques responsables : Contaminations de rivières Infections professionnelles Causes diverses (coptacts infectants avec les rats, mor¬ sures de rats, infections de laboratoire) 34,9 % des cas 30,5 %6 14,6 2 En ce qui concerne les contaminations de rivières, 46,9 %% d’entre elles résultent de baignades, les 8 % restants survenant chez des pécheurs ou cam¬ peurs avant séjourné sur des terrains envasés et avant souvent laissé leur aliments s infecter au contact des muridés. A ce propos signalons qu’à Paris tout au moins la contamination en pis¬ cine est devenue exceptionnelle, l’eau étant claire, souvent renouvelée et lar¬ gement chlorée. Sur les 30,5 % de cas professionnels, la moitié environ se rencontre chez des employés des abattoirs et des halles, des bouchers, tripiers et charcutiers l’autre moitié se partageant entre les égoutiers, les chiffonniers, les plongeurs et les employés de l’alimentation. La maladie s’est en outre montrée fréquente surtout chez l’adulte entre 20 e; 45 ans. Elle parait au contraire très rare chez l’enfant pourtant très exposé aux contaminations telluriques, soit que celui-ci soit moins réceptif soit plutôt que chez lui les formes inapparentes soient la règle. Elle est de même assez peu répandue chez la femme pour des raisons encore obscures mais qui semblent également intervenir pour d’autres affections telles que la Ménin¬ gite cérébro-spinale et la Poliomvélite. Du point de vue clinique, il ne saurait être évidemment question de relater ici toutes les observations qui ont pu être publiées. Signalons simple ment le polymorphisme extrême de cette maladie dont seules les formes icté riques et hépato-rénales étaient autrefois connues et qui maintenant peut se presenter sous les aspects les plus divers, allant du syndrome méningé pur PARIS ET SES ENVIRONS 38 type Troisier et Boquien, jusqu’aux états fébriles simples d’allure grippale décrits il y a quelques années par Kourilsky. De toute façon, on se méfiera au plus haut point des prétendues grippes survenant isolément, en l’absence sans le moindre catarrhe rhino-pharyngé. CCNL B. — LES LEPTOSPIROSES MINEURES, de toute contagion aérienne, à une époque inhabituelle aux disséminations sep¬ tiques des voies respiratoires. Et on tiendra également pour suspect tout pro cessus méningé, même fruste, s’accompagnant de conjonctivite et apparaissant Finalement, le diagnostic positif reposera, outre sur les notions d’anamnèse sur le séro-diagnostic complété au besoin par les inoculations à l’anima (inoculation au cobave du sang à la phase septicémique initiale et plus tard A côté de la Spirochétose ictérigène classique, il convient aujourd’hui de réserver une place spéciale à d’autres Leptospiroses d’identification récente et tout d’abord à la Leptospirose grippo-typhosa encore appelée « Fièvre de vases » ou « Fièvre des champs ». Caractérisée par un syndrome infectieux doublé d’un syndrome neuro-méningé à dominance algique, elle comporte une évolution bénigne. Ses réservoirs de virus sont représentés bar le campagnol et le mulot dont les urines sont virulentes. Comme précédemment, la contagion peut être directe, au contact des rongeurs, ou indirecte par l’eau, la boue ou les aliments. Vraisemblablement importée d’Allemagne en 1940 à la faveur de l’Occupation, sa transmissien semble surtout se produire à l’occasion de bai gnades dont le rôle a été bien mis en lumière. Nous avons déjà retracé l’his¬ toire de la pénétration de cette affection dans notre pays en traitant de la pathologie charentaise. Qu’il nous suffise maintenant de rappeler que son existence dans la région parisienne a été pour la première fois signalée en 1943 par Lemierre. Laporte et Vernemouze à propos d’un malade qui avait pris peu de temps auparavant des bains dans le Petit-Morin. Cette relation devait être bientôt suivie d’une autre, celle de Brunnel et de Me Kolochine¬ Erber, concernant un habitant du département de la Seine-et-Oise. Enfin, plus récemment, il nous faut encore mentionner l’épidémie de 77 cas survenue au cours de l’été 1949 en milieu militaire, à la suite d’exercices de natatior sur les bords du Loing, épidémie à laquelle Lefebvre des Noettes, M°° Kolo chine-Erber et Seigneuric ont consacré une fort intéressante étude déjà indiquée Décrite dans la région parisienne successivement par Bolgert et Sigvald (1945). Lereboullet et Castel (1949). Coumel. Molinier et Duchesne (1951). la Leptospirose canicolaire mérite également une mention particulière. Se ma¬ nifestant à la fois par un syndrome infectieux et méningé, la maladie est transmise à l’homme par le chien, soit directement par morsure ou léchage soit indirectement par l’eau ou les aliments souillés par les urines de l’animal. Reste enfin la Leptospirose à « leptospira pomona », affection bénigne malgré ses manifestations méningées généralement très accusées. Rençontrée surtout dans les régions de production laitière, autour des porcheries d’éle vage (d’où sa dénomination de « maladie des jeunes porchers »), elle est trans mise du porc malade à l’homme, tantêt directement par porte d’entrée cuta néo-muqueuse, tantôt par l’intermédiaire des eaux ou des boues contaminées Depuis les trois cas parisiens publiés par Coste, Morin et Hlardel en 1941 d’autres, rares il est vrai, ont été signalés, dont on trouvera mention dans la thèse inaugurale de Mme Abdoucheli où figure une observation personnelle de l’auteur (1952). brassages humains qui en résultent. PARIS ET SES ENVRONS 363 caractéristiques tant biolociques que cliniques : nous ne reviendrons pas sur leur description et nous nous borherons à faire ci-dessous un rapide bilan de leurs intrusions dans la Capitale, intrusions fort heureusement stoppées d’em¬ blée grâce à d’énergiques mesures de prophylaxie. Ainsi de dangereuses épi¬ démies ont pu être évitées, tout au moins en ce qui concerne le Typhus histo¬ rique dont le développement, jadis contemporain de la famine et des guerres. se trouve aujourd’hui favorisé par la facilité des communications et les larges Cette influence manifeste des périodes de crise sur l’apparition du Typhus exanthématique, si souvent vérifiée au cours de l’Histoire (Retraite de Russie sous l’Empire, guerre de Crimée, guerre russo-turque de 1878, campagne des Balkans de 1914-1919.), vient de recevoir une nouvelle illustration à l’occa¬ sion des événements de 1945. Déja, en 1942, la grande épidémie d’Afrique du Nord, qui devait comporter 33 000 cas déclarés correspondant probablemen à près de 200 000 cas réels, avait eu en France quelques répercussions, notam¬ ment à Marseille (voir pathologie provencale) et même jusqu’à Paris où plu¬ sieurs atteintes furent relatées. Mais, trois ans après, l’alerte devait être encore plus sérieuse, provoquée cette fois par le retour massif des prisonniers rapa¬ triés, en provenance des camps de déportation ou d’internement ou sévissait la maladie (Buchenvald,. Mathausen. Ravensbricle. Neuengamme. Dachau¬ etc.) (1). Du 22 avril 1945, date de la constatation des premiers cas, jusqu’au mois de juillet, époque où le processus allait prendre fin, 118 malades atteints de Typhus ont dù être admis dans les hôpitaux parisiens. Parmi les 94 cas soignés à Claude-Bernard, 85 concernaient des sujets contaminés en Alle¬ pagne même, les 9 autres avant été contractés en France, à Paris pour la plu part, au contaet des déportés. Sur ces 94 cas, 12 devaient évoluer vers la mort, l’appartenance à la race juive paraissant avoir constitué en l’occurrence un élément de très facheux pronostic. Malgré ces décès, l’épidémie ne semble pas avoir revétu une gravite particulière (la léthalité est ordinairement, plus élevée), encore que la convalescence ait été parfois troublée par l’éclosion d’une Tuberculose pulmonaire. Depuis cet épisode, qui, aux dires de Giroud, aurait occasionné au total 205 atteintes, des cas isolés de Typhus historique ont été observés à Paris. évalués par Worms à près d’une vingtaine dans l’intervalle de quelques années. C’est ainsi qu’en 1951 par exemple, trois cas ont été signalés dans le dépar¬ tement de la Seine, l’un d’eux probablement consécutif à une contamination oculaire autochtone par l’intermédiaire de poussières virulentes, les deux autres se rapportant à des sujets d’origine polonaise n’avant subi, par contre. aucun cantact suspect. A ce propos, l’hypothèse a été formulée d’une revi viscence lointaine, sous l’influence de facteurs inconnus, d’une primo-intec. tion antérieure contractée jadis en Europe orientale et n’avant laissé qu’une immunité imparfaite. De là une reprise, généralement atténuée, témoignant néanmoins d’un partage de germes prolongé susceptible d’entrainer à distanct les plus funestes conséquences dans un milieu atteint de pédiculose. Distinct du Typhus classique à R. Provazecki, dans ses formes épidé¬ miques ou sporadiques, est le Typhus murin, di, comme Hous l avons ve (1) L’Allemagne à cette époque était en effet le siège d’une épidémie de typhus importante, responsable de 2,800 cas en 1912, 3,300 en 1943 et enfin 16,000 durant l’hivel 1944-1945 daps le secteur occuné nar les uissances occideptales. La morbidité de cer tains camps de déportés fut énorule : c’est ainsi que 5.000 cas se sont produits en avril 1943 au seul camp de Belsen. 384 à R. Moseri. Une observation vient d’en être publiée à Paris par Benoist et ses collaborateurs. Elle concerne un jeune Nord-Africain qui aurait fait deux ans auparavant des accidents semblables dans son pays d’origine, notion qui permet de suspecter, ici aussi, l’existence de formes récurrentes à échéance tardive. La Fièvre boutonneuse, identifiée vers 1920 (et peut-être avant) sur le litoral de la Méditerranée, à sans doute donné lieu depuis lors à quelques cas d’importation dans la région parisienne (Boudin et Rambert, Lièvre et Moury, etc.). Mais beaucoup plus intéressants à considérer sont les cas autoch¬ tones, tels celui de Fouquet et Morin relatif à un sujet n’avant jamais quitté l’Ile-de-France et infecté selon toute vraisemblance au cours d’une partie de chasse aux environs de Paris et cet autre de Martin et Maroger, plus parisien encore, puisque le chien de la malade parait avoir contracté les tiques infectantes au bois de Boulogne. De pareils faits tendent à prouver que désormais la Fièvre boutonneuse peut se contracter un peu partout en France. loin parfois du foyer d’endémicité méditerranéen Enfin la Fièvre du Quensland elle-même n’est pas inconnue dans notre Capitale. Nous avons eu l’ocasion de mentionner les épidémies sur¬ venues sur notre territoire, en Corse (1945), à Strashourg (1948) ou à Lyon (1951), ainsi qu’un certain nombre d’incidents isolés relevés dans divers secteurs du Midi. A Paris, une observation de la maladie a été publiée dès 1949 par M°e Bertrand-Fontaine, mais elle correspondait en réalité à une contamination extérieure liée à un séjour récent dans le Roussillon. Le pre¬ mier cas authentiquément parisien semble être celui de Decourt (1951) chez un chet animalier appartenant à un laboratoire de la banlieue, bientêt suivi d’un autre de Baylon (1952) rencontré celui-ci en milieu militaire. Il est pro¬ bable qu’auprès de ces cas clairement identifies et biologiquement confirmés d’autres sont apparus qui sont restés ignorés. Nous ne voudrions pas clore ce paragraphe sans faire au moins allusion au Trachome, habituellement rangé, lui aussi, parmi les Rickettsioses. Tous les ophtalmologistes sont d’accord pour dire que sa constatation est de nos jours assez banale dans certains quartiers africains. Eventuellement, il faudra donc savoir songer à son inexistence en dépit des statistiques officielles qui ne sont du un très médiocre reflet de sa fréquence véritable. On voit en définitive qu’il existe à Paris une fréquence non négligeable des Rickettsioses, qui crée un problème du Typhus, bien connu du reste des auto¬ rités sanitairos. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE TVPHUS HISTORIQUE BIRLIOCRAPHIE TYPHUS MURIN. FIEVRE BOUTONNEUSE. PARIS ET SES ENVIRONS FIEVRE DU QUEENSLAND B. — LES LEISHMANIOSES. L’extension prise par le Kala-azar intantile dans le Sud-est de la France laissait prévoir qu’un jour la maladie gagnerait d’autres régions et notamment l’agglomération parisienne. C’est ce qui s’est rapidement produit. En décembre 1922, soit quâtre ans après la pénétration de l’affection dans nos départements du Midi, Jules Renault. Monier-Vinard et Gendron publiaient en effet à la Société médicale des Hopitaux de Paris le cas d’un tout jeune enfant offrant une symptomatologie de Leishmaniose tout à fait typique (1), Par la suite, d’autres relations semblables furent faites par Lere¬ boullet en 1931. Marquezy la même année. Lévy et Lesné en 1934, puis Nobé court en 1945. En réalité, aucun de ces cas n’était véritablement parisien. Tous les sujets avaient fait un séjour plus ou moins prolongé sur la Côte d’Azur ou dans le Bassin méditerranéen et c’est là qu’ils s’étaient conta¬ minés. Ainsi Lereboullet pouvait-il écrire : « le passage antérieur du petit malade dans une région où la Leishmaniose parait connue est obligatoire pour qu’on puisse, à Paris, discuter l’hypothèse du Kala-azar ». Ce qui vient d’être dit pour la forme infantile était également vrai pour la forme de l’adutte qui est pour le moins aussi fréquente, et dont l’appari¬ tion a été même un peu plus précoce puisqu’elle date de 1921. Citons à ce propos les observations successivement publiées entre 1921 et 1929 par Carnot. Klippel. Lemierre, Burnet,. Abrami, Bénard. Clément, Rathery, Nicaud et leurs collaborateurs, dont nous indiquons ci-dessous les références. 385 25 336 Or, depuis la guerre, la question semble avoir changé d’aspect. En 1952. en effet, J. Touraine dans sa thèse inaugurale fait état de 4 cas de Kala-azar autochtone rençontrés dans les hôpitaux parisiens. Et, plus récemment encore (1954). P. Chevallier et ses élèves signalent le cas d’un homme de 35 ans n’avant jamais quitté le Nord de la France, dont la Leishmanjose, découverte à l’occasion d’une rupture traumatique de la rate et confirmée par ponction sternale, ne peut s’expliquer par aucune contamination extérieure. Il est évi¬ dent que, du point de vue épidémiologique, ces constatations posent aujour¬ d’hui des problèmes nouveaux. Ainsi, en l’espace d’une trentaine d’années, on arrive approximativement à un total d’une vingtaine de cas. Malgré sa modicité, ce chifre doit suffire à alerter l’opinion médicale dans la capitale et doit attirer l’attention sur cette curieuse affection dont le diagnostic est très simple pour peu qu’on y pense et qui, de plus, possède une rhérapeutique spécifique d’une remarquable efficacité. Enfin, signalons que les dermatologues de Saint-Louis observent parfois dans leurs consultations une autre variété de Leishmanjose absolument diffé¬ rente de la précédente en dépit de la similitude des germes : il s’agit du Bouton d’Orient, ou Clou de Biskra, lésion strictement cutanée que l’on ne voit guère en pratique que chez des individus avant vécu dans le bassin oriental de la Méditerranée. Rappelons que son incubation peut être très prolongée, le mal débutant parfois près de deux ans après le retour à la Métropole : de là des erreurs de diagnostic possibles de la part de praticiens nor avertis ou insurrisamment renscIgnés sur les antécédents de leur malade. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE LE RALA-AZAR BIBLIOGRAPHIE PARIS ET SES ENVRONS VI — DE QUELQUES AFEECTIONS D’ORIGINE EXOYIQUE OBSERVEES DANS LA RECION PARISIENNE L’accroissement continu de nos relations avec l’étranger et plus spécia¬ lement avec notre Empire colonial a fini par amener, comme nous l’avons déjà indiqué à propos d’autres régions, l’installation en France d’un nombre important de Nord-Africains et d’Orientaux dont beaucoup se sont fixés à Paris, apportant avec eux les maux dont ils étaient atteints. Mais la gravité du problème épidémiologique ainsi créé serait certaine¬ ment moindre si, à côté de la multitude de ces cas d’importation, il ne fallait déplorer de temps à autre l’apparition de cas dits « autochtones », voire même parfois la constitution de véritables foyers secondaires d’endémie tocale. Ce sont ces derniers surtout qui vont nous préoccuper au cours de cette rapide esquisse de pathologie régionale 367 A. — L’AMIBLASE. En ce qui concerne l’Amibiase, nous serons assez brefs. Nous avons d’ail¬ leurs signalé précédemment à plusieurs reprises sa fréquence dans notre pays. 4 Parts, 1 Apuibiase autochtone était connue dès avant 1914, époque à laquelle Landouzy et Debré parvenaient déjà à en rassembler 14 cas. Mais l’introduc¬ tion sur notre territoire métropolitain de nombreux contingents nord-africains durant la Grande Guerre devait bientôt intensifier la contagion (Ravaut Kronulitzky: 1918). Dans la période qui suit 1918, plusieurs observations de la maladie sont publiées notamment par Dopter. Caussade et loltrain, cependant que Bensaude. Cain et Terrial relevaient 32 cas autochtones sur 68 cas d’Amibiase traités dans les hôpitaux parisiens. 388 locale. nés dans l’agglomération elle-même et dans sa banlieue. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE A la veille du second conflit mondial. Chiray. Chène, Hillemand et Bru insistent de nouveau sur les dangers de dissémination de l’Amibjase sur notre territoire. En 1942, 31 cas sont signalés par Roubaud. La même année Pas¬ teur-Vallery-Badot rapporte deux autres cas consécutifs à une infestation Récemment enfin, le retour des rapatriés sanitaires d’Extrême-Orient exalte encore l’Amibjase autochtone que l’on rencontre désormais un peu par¬ tout sur notre sol, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux et à Paris même (Moli¬ nier, Bensaude, Tabusse, Hillemand. Crosnier): ces observations se surajoutent du reste à celles provenant des milieux nord-africains de la Capitale, station¬ L’Amibiase hépatique autochtone, de son cêté, est loin d’être l’exception (Mme Bertrand-Fontaine, Fauvert. Siguier - 1948. Simon - 1950). A l’issue de ce rapide bilan, forcément urès incomplet du fait de la mul¬ titude des cas non identifiés, notre ami, le Professeur Crosnier du Val-de¬ Grâce, auquel nous faisons ici quelques emprunts, tient à mettre l’accent sur le polymorphisme clinique extrême de la maladie sous nos climats. En prin¬ cipe, selon lui, tous les syndromes gastriques, intestinaux, hépato-vésiculaires, cœcaux, toutes les atteintes de l’état général (anorexie, anémie, amaigris; sement), tous les déséquilibres neuro-végétatifs et les états caractériels qu’on ne peut rattacher à une étiologie précise et qui sont rebelles aux thérapeu¬ tiques les mieux conduites et les plus adaptées légitiment la recherche réi¬ térée des parasites et, le cas échéant, un traitement d’épreuve. Classiquement, c’ost Entamoeba histolvtica qui est responsable des formes aigués incipientes ou réchauffées de la maladie, comme les Kystes des formes chroniques. Mais Ensamoeba tetragena et Entamoeba minuta, dépourvues d’inclusions hématiques, sont reversibles cependant en variété histolytique et ne sont donc pas inoffensives : elles peuvent être à l’origine, en particulier, de formes subaigués souvent rebelles. Quant à Entamoeba coli. Hartmanni. Butschli, Fragilis, Nana et à Entamocha dispar (Brumpt), considérées comme non pathogènes, leur asso¬ ciation à l’Amibe dysentérique est susceptible d’exalter la virulence de celle-ci. Chez tout colonial, la coAstatation de l’une quelconque de ces amibes, en par¬ ticulier de l’Amibe du colon, doit immédiatement faire soupconner une Ami¬ biase camouflée. En poussée aigué de la maladie, ces diverses amibes disparaissent momen¬ tanément des selles ou des glaires pour laisser le champ libre à l’Amibe dysen¬ térique. Ces parasites peuvent être à nouveau détectés lors des périodes de « calme clinique ». On s’est demandé récemment (Hillemand, 1953) s’il pouvait exister une Amibiase française stricte, sans relation initiale avec un fover d’importation extramétropolitaine. Certains auteurs répondent par l’affirmative à cette ques¬ tion en donnant pour caractéristiques de cette forme un potentiel réduit de l’amibe incriminée, un pouvoir d’extension géographique moindre, et en conséquence, des aspects cliniques aussi imprécis que variés. Bien que non résolu, le problème mérite d’être mis à l’étude en raison des conséquences qu’il peut avoir et de la vigilance spéciale que de toute facon il implique dans r détection des cas. 390 novembre. En tout, il y eut officiellement 19 atteintes, officieusement une cinquantaine environ. Tandis que les malades légers étaient traités directe¬ ment au Stade même, les plus graves furent évacués suivant leur origine. tantôt sur l’hôpital militaire le plus proche, tantôt sur les hôpitaux parisiens dans les services de MM. Lereboullet. Rathery et Harvier. C’est chez ce der¬ nier que furent identifiés deux cas relevant de Plasmodium falciparum. Tous les autres étaient dus à Plasmodium uivax. Du point de vue topographique, il est à noter que cette bouffée mala¬ rienne n’a pas dépassé le camp au-delà d’un ravon de 300 mêtres, atteignant à peine la périphérie de l’agglomération attenante, respectant totalement les localités pourtant peu éloignées de Fresnes. Bourg-la-Reine et l’Hay-les-Roses. IA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Ainsi se vérifient une fois de plus les lois concernant la propagation du Palu¬ disme, lois suivant lesquelles l’affectiou respecte génératement le centre des agglomérations et ne cherche pas à s’étendre au loin chaque fois que l’Anophèle trouve sur place des victimes en nombre suffisant. Maintenant, avec le recul du temps, on peut donc dire que ce. petit foyer paludéen autochtone de la Croix-de-Berny, survenu en 1940, a été tout à fait épisodique et s’est caractérisé par un nombre de cas très réduit, une extension limitée, une allure clinique bénigne et une extinction rapide. sans récidive au cours du printemps suivant. Depuis cet incident maieur, d’autres faits ont été observés, mais à l’état isolé, tels ceux signalés notamment en 1948 par Cenevrier. Israel et Robert Clément. Ce dernier signale notamment parmi les nourrissons de la région parisienae au moins 2 cas de contaminations autochtones. Tous démontrent par leur persistance les dangers auxquels pourrait se trouver exposée de nouveau la population de la banlieue parisienne si un ensemble de circons¬ tances semblables à celles de 1940, venait à se reproduire. 32 LA PATOIOGIE ŔGIONALE DE LA FRANCE pendant ua séjour au sein d’une colonie chinoise, dans un autre à l’occasion d’une hospitalisation au milieu d’infirmiers annamites, dans d’autres enfin chez des sujets jeunes, à la suite de relations intimes avec des partenaires por¬ teurs de lépromes. Ce dernier mode de contagion est à retenir. Si dans le public la Lèpre apparait en effet comme une affection vovyante, effravante même, de toute façon peu engageante, il faut savoir que très fréquemment au contraire elle peut pendant longtemps se camoufler sous des dehors extrêmement discrets. particuliers. Pour peu que ces malades continuent à mener une existence sociale normale. on concoit aisément à quel danger ils peuvent exposer leur entourage. Il faut donc désormais considérer la Lèpre comme une maladie avant acquis droit de cité en France et susceptible en outre de se propager par cohabitation intime de quelques mois ou par un séjour prolongé en milieu infecté. Ceci dit, il serait néanmoins excessif de s’alarmer outre mesure à son sujet, les accidents de contamination étant, somme toute, devenus exception¬ nels et exigeant pour se produire des concours de circonstances vraiment 911 1. FLANDIN (Ch.) et RAGU (J.). La lèpre dans la région parisienne. Acad, de méd, séance du 16 mars 1937. 2. JEANSELME. Un cas de lèpre autochtone en France. Acad, de Méd., séance du 26 juin 1928. 3. LÉGER (P.J.). Etat actuel de la lèpre en France. Thèse Paris, 1927. D. — LES AUTRES AFFECTIONS EXOTIQUES. LA TRYPANOSOMIASE. En dehors des affections précédemment citées, nous devons encore siona¬ ler la présence possible à Paris, du fait surtout du développement actuel des communications, de cas accidentels de Peste bubonique, de Fièvre récurrente 6 poux (cas récent de Ravina contracté au contact d’un jeune Grec chassé de son pays par la guerre civile) ou de Trypanosomiase, observés dans les hopitaux civils et plus encore dans les hôpitaux militaires. En ce qui concerne notamment la Trypanosomiase, il arrive parfois en effet que cette affection d’origine strictement exotique et importée en France d’Afrique équatoriale continue chez nous le cours de son évolution. C’est ce que l’on constate dans la plupart de nos grands ports et en particulier à Mar¬ seille et ce qu’on relève à Paris. Après Guillain et de Sèze en 1934,. Pinard et ses collaborateurs nous en ont rapporté en 1030 un cas absolument typique. Nous¬ mêmes avons eu l’occasion d’en observer un autre cas au Val-de-Grace il y a quelques années. Enfin, tout récemment (1952). Cathala a relaté l’histoire extrémement curieuse d’un nourrisson de l5 mois atteint de symptômes qui firent suspecter la maladie, laquelle fit sa preuve chez la mère, permettant dès lors de penser à une origine congénitale. Ainsi, la découverte chez un sujet avant séjourné en Afrique noire d’un complexe symptomatique constitué, en plus d’un état fébrile, par des adénopa¬ thies, une hépato-splénomégalie et des accidents neuro-psychiques (troubles du sommeil et du caractère) devrait toujours éveiller les soupcons et conduire à pratiquer une ponction lombaire, laquelle permettra de constater, en plus d’une hyperleucocytose énorme, la présence des trypanosomes caractéristiques décelables aussi dans les ganglions. Un tel exemple montre bien, en tout cas, la difficulté des problêmes diagnostiques qui peuvent se poser à Paris, comme dans tous les grands ports internationaux, au médecin-praticien, surtout lorsque celui-ci, non pré¬ venu, ignore certains détails de l’anamnèse (voir pathologie provencale, para¬ graphe des Conclusions). THYPANOSOMIASE. PARIS ET SES ENVIRONS BIBLIOCRAPHIE PESTE ET TYPHUS RECURRENT. 5 bournx La Pecte ) Paris. Acudt de pedl- M 4. RAVINA (A.). PECHER (Y.) et AVRIL. (J.). Typhus recurrent contracté à Paris,. Soc, méd hop. Paris, 31 mars 1950. VII - AFFECTIONS DIVERSES Dans ce chapitre ont été rassemblées des affections très diverses, n’entrant dans aucune des catégories précédentes mais auxquelles il nous fallait néan¬ moins faire allusion ici, leur présence avant été signalée à Paris, sous forme d’échantillons plus ou moins nombreux, au cours de ces dernières années. 33 A. — LA « MALADIE DES CRIEEES DU CHAT » QU « LYMPHO¬ RETICULOSE BRENICNE D’INOCULATION ». Identifiée pour la première fois par Debré en janvier 1950 puis étudiée sous tous ses aspects par Mollaret et Reilly, cette maladie nouvelle cons¬ titue certainement une des plus intéressantes découvertes récentes de notre Ecole parisienne. A ce titre, c’est bien dans cette partie du travail consacrée à la pathologie de Paris et de ses environs que sa description trouve sa place la plus logique. Cliniquement, elle se caractérise avant tout par une Adénopathie peu dou¬ loureuse à évolution subaigué, accusant une tendance spontanée à la suppu¬ ration. Cette Adénonathie, peut s’accompagner de signés généraux et d’une éruption cutanée ordinairement fugace. Après une période d’incubation variant entre 4 et 6 semaines apparait La lésion initiale, celle-ci passant d’ailleurs souvent inapercue. Localisée au niveau de la petite érosion cutanée qui a servi de porte d’entrée au germe. elle se présente sous la torme d’une macule rouge, légèrement surélévée, pra¬ tiquement indolore, qui se transformera ensuite en une vésiculo-pustule bien¬ tot recouverte d’une croûtelle. 391 profonds, médiastinaux en particulier. durée. rapeutiques modernes (auréomycine et terramycine). LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE C’est dans le territoire correspondant à cette lésion primaire que survient l’adénopathie, élément esentiel du tableau clinique Cénéralement avillaire avec relais épitrochléen, elle peut être également sous-maxillaire ou inguinale suivant le siège de l’inoculation. Jamais cependant on n’observera de ganglions De volume habituellement modéré, le ou les vanglions intéressés, d’abord fermes et mobiles sous la peau, s’entourent de périadénite et adhèrent alori aux téguments qui deviennent violacés et infiltrés. En même temps une légère fièvre s’installe, associée parfois à un rash masculo-papuleux de courte Il peut arriver que l’adénopathie se résorbe spontanément en quelques semaines ou quelques mois. Plus souvent la peau s’ulcère, laissant s’écouler un pus rougeâtre amicrobien. Dans tous les cas la cicatrisation est rapide et complête, témoignant d’une évolution bénigne encore améliorée par les thé On a signalé des formes cliniques spéciales liées à des localisations atv¬ piques du processus : forme oculaire (inoculation conjonctivale), forme pha¬ Tyngée, forme pseudo-vénérienne enfin. Elles sont toutes exceptionnelles. La biopsie ganglionnaire met en évidence dans cette affection l’existence autour d’une zone de nécrose centrale de granulo-corpuscules très semblables à ceux de la psittaçose. Cette parenté des virus a du reste été confirmée par l’étude de la réaction de déviation du complément (résultats positifs à partir de 10 %%). Malgré sa haute valeur théorique, cette réaction ne peut toutefois être utilisée pour le diagnostic en raison de son apparition trop tardive, de son caractère éphémère et surtout de son manque de spécificité (réaction de groupe). En pratiqué, on a recours aujourd’hui à l’intradermoréaction à par¬ tir d’un pus tyndallisé, additionné de pénicilline. Ses réponses sont fidèles et aisément interprétables, lisibles dès le 2e ou 3; jour. La persistance d’une longue allergie cutanée permet en outre un diagnostic rétrospectif de la maladie. A l’origine, la griffure du chat a été considérée comme le seul mode d’inoculation possible, cet animal se comportant d’ailleurs en la circonstance à la manière d’un porteur sain, d’un simble vecteur de virus. Depuis on s’est apercu que le mal pouvait être transmis tout aussi bien par une simple piqure d’insecte (moustique, guèpe), ou par la piqure d’un objet inerte (ronce. esquille d’os, etc.). Il s’agit donc, en définitive, d’un virus très répandu dans la nature, susceptible de pénétrer dans l’organisme humain à la faveur d’une érosion quelconque se produisant au niveau des téguments voire même des muqueuses (forme pharyngée). Le diagnostic différentiet de la « lymphoréticulose d’inoculation » est facile dans bien des cas, notamment avec une adénite à pyogènes banale, une adénite tuberculeuse ordinairement plus prolongée, une maladie de Nicolas-Favre (réac¬ tion de Frei positive) et même upe mononucléose infectieuse (adénopathies plus diffuses, formule sanguine caractéristique, réaction de Paul et Bunnel positive). Il sera déjà plus malaisé avec la maladie de Hodzkin, en particulier quand la « maladie par griffure » se complique de fièvre et d’asthénie. Il sera souvent bien difficile enfin avec le Sodotu et surtout la Tularémie. Sans doute existe-t-il dans les cas typiques de la première affection une évo lution par accès fébriles répétés s’associant à une reviviscence des signes locaux et dans les formes habituelles de la seconde, outre la notion d’un contact infectant avec un léporidé, une lésion primaire plus importante, des adéno¬ pathies d’apparition plus rapide et des signes généraux plus accentués. Maid tous ces éléments de discrimination pourront parfois se trouver en défaut. Seuls les examens de laboratoire seront alors capables de trancher le débat notamment la tularino-réaction qui, à la moindre hésitation, devra être sys¬ tématiquement pratiquée. Si, à l’heure actuelle, la « lymphoréticulose d’inocutation » est encore peu fréquente, elle est néanmoins susceptible de prendre dans l’avenir une exten sion beaucoup plus importante. En 1952, 250 cas de cette affection étaient déjià connus, originaires pour une part de nos provinces françaises, avant été signa¬ lés comme nous l’avons vu à Bordeaux, Montpellier. Cannes, Angers, Nancy et Lille. Il n’en reste pas moins vrai que c’est Paris et sa banlieue qui en ont fourni le plus grand nombre d’observations jusqu’à ce jour, ainsi qu’en fait d’ailleurs foi la bibliographie ci-dessous. Il y a certainement là motif à réflexion en même temps qu’à des recherches nouvelles. PARIS ET SES ENVIRONS 1. DEHE (R.). LANIY (M.). JANNI des griffes du chat. Sem. hop. Paris, 30 mai 1950, 26, n° 40, 1895-1904 ET (Mlle M. L.). COSTEL. (L.) et MOZZICONACCI (D). La maladie 2. DUIPERILAT (B.). Forme pseudo-vénérienne de la maladie des grifes du chat,. B. M. BIRLIOCRAPHIE 395 36 B — LA RACE. Sa fréquence est très difficile à apprécier dans la région de Paris comme ailleurs. Signalons simplement, d’après un document publié par Couturat, qu’en 1930 exactement 1 122 personnes se sont présentées à la consultation du service des vaccinations antirabiques de l’Institut Pasteur. Chez 411 d’entre elles, dont 207 appartenant au seul département de la Seine, le traitement a été jugé nécessaire, Plus des trois quarts des gens ainsi traités avaient été mordus par des chiens, les morsures avant occasionné des plaies profondes d la plupart des cas. LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE RIRLIOCRAPHIE C. — LA PSITTACOSE ET L’ORNITHOSE. Transmises, la première par les perroquets, la seconde par d’autres oiseaux ces affections, dues à des ultravirus très voisins, déterminent chez l’homme des Pneumonies atypiques associées à un syndrome infectieux d’allure typhoidique. Très sévère dans la Psittacose, plus bénin dans l’Ornithose, le pro¬ nostic s’est trouvé très amélioré depuis l’emploi de l’auréomycine. La Psittaçose a été obeervée à plusieurs reprises à Paris. Quant à l’Orni¬ those, elle vient de voir son premier cas parisien publié par Debré (1954). lequel attribue en l’occurrence la contamination aux pigeons, vecteurs habituer du virus, actuellement très nombreux dans la Capitale. BIRLIOCRAPHIE D. — L’ERYSIPELOIDE DE ROSENRACH. Un certain nombre de cas d’Erysipéloide ont été rapportés par divers auteurs parisiens depuis 1913, date de la première publication française de Mauclaire. Mentionnons entre autres les observations de Louste et Rivallier, Chevallier et Colin, Milan. Lemierre, Fiessinger et Brouet. Veissenbach et Fermet, etc. Chacune d’entre elles se singularise le plus souvent, soit par un détail clinique particulier, soit surtout par le mode spécial de contamination intervenu. C’est ainsi par exemple qu’en 1937 Sezary et Tiffeneau ont eu à soigner pour cette affection quatre personnes : l’une était occupée aux Halles à remplir des caisses de poissons, la seconde était un garçon boucher, la troi¬ sième un tripier, et enfin la dernière une femme qui s’était blessée en décou¬ pant du mou pour son chat. Et ces dermatologues d’ajouter qu’un confrère de leur connaissance, chargé du dispensaire d’une compagnie d’assurances. leur aurait déclaré avoir dans sa clientèle l’occasion d’en détecter de 10 à 15 cas par an, tous d’ailleurs absolument méconnus jusqu’alors. C’est dire tout l’inté¬ rêt qui s’attache au dépistage de cette lésion trop souvent prise pour un érysipèle ou un panaris banal et qu’un traitement par le sérum spécifique antirouget vient immédiatement juguler. PARIS ET SES ENVIRONS BIRLIOCRAPHLE E. — LE TETANOS Encore assez répandu en milieu rural où il frappe électivement certaips corps de métier (iardiniers, palofreniers, etc.), le Tétanos est plus rare en milieu urbain. Dans le département de la Seine toutefois, une trentaine de cas environ sont déclarés chaque année auz Pouvoirs publics ainsi que l’établit une étude récente du Professeur Boyer et de ses collaborateurs. Avant recherché minutieusement les causes de contamination dans les 271 cas identifiés dans ce département au cours des 9 années 1944-1952, les précédents auteurs sont arrivés à les déterminer dans 222 cas, soit une pro¬ portion de 80 %. Cette statistique leur a permis la classification suivante : 1) Contamination par plaie : 146 cas, soit 52,5 % du total et, en moyenne. 16 cas par an. Ce mode de contamination, habituel en milieu rural, est également le plus fréquent en ville. En règle générale, il s’agit à l’origine de plaies légères, voire même d’exco riations minimes, provoquées par des échardes de bois, des pointes rouillées, des clous de chaussures, des ablations de cors aux pieds, etc., les grands trau¬ matismes de la voie publique ou de l’atelier entrainant généralement l’appli¬ cation de mesures de prophylaxie immédiates. 2) Tétanos post-abortum : 40 cas, soit 14,2 %. Cette forme étiologique, qui correspond à 28 % des Tétanos féminins et doit être certainement plus répandue qu’on ne l’imagine, beaucoup d’avor¬ tements restant inavoués, se caractérise à la fois par sa gravité extrême (92 % de deces) et son incubation souvent écourtée. 397 C. — LE SODORU. A l’instar de la région méditerranéenne, le Sodolu peut parfois s’obser¬ ver à Paris et dans sa banlieue. En consultant la littérature médicale nous en avons dénombré une quinzaine de cas depuis 1917, dont les références figurent pour la plupart dans l’article de Costedoat paru en 1932 et dans la thèse de Le Brun soutenue en 1935. Nous ne reviendrons pas sur les caractères cliniques et biologiques de cette affection. Nous nous bornerons seulement à indiquer que le Sodoku, classique¬ ment considéré comme exelusivement consécutif à une morsure de rat, peut être transmis à l’homme autrement que par cet animal (rôle du chien, du chat et même du furet) et autrement que par morsure (coup de griffe surtout) ainsi qu’en témoignent notamment quelques documents récents. PABIS ET SES ENVIRONS 1. COSTEDOAT (M.). Les formes cliniques du Sodoku, Paris méd, 4 juin 1932, p. 505. 2. FOURNIOL (M.). Fièvre, par morsure de furet. Soc, méd, hop, Paris, séance du 8 février 1946. 3. LAIGNEL-LAVASTINE, BOUTET, PERRAULT et ARREIT. Un cas parisien de Sodoku. Soc. méd. hop. Paris, 25 janvier 1924. 4. LE BRUN (L. G.). Contribution à l’étude du Sodoku en France. Thèse Paris, 1935. n° 718. BIBLIOCRAPHIE H — LES TEICNES DU CUIR CHEVELU A PARIS. La situation actuelle dans ce domaine nous est bien précisée par un article récent du Professeur Degos et ses collaborateurs. Durant la période 1950-1953, les auteurs ont pu dépister en effet à l’Ecole Laillier (Hôpitat Saint¬ Louis) en moyenne 180 cas de contamination par an. Les microspories repré¬ sentaient à peu près la moitié du total. Parmi celles-ci, le Sabouraudites canis tient une place de plus en plus grande (83 %). Les endotriches donnent un chiffre un peu plus élevé que pendant la période 1947-1949, sans doute en raison d’un apport africain (40 %) de Trichophyton violaceum et soudanensis. Il n’a pas été noté de grosses modifications en ce qui concerne les teignes suppurées par microides et mégaspores. Le pourcentage des teignes faviques, qui reste en progression constante depuis Sabouraud, atteint 23 %, une moitié environ d’entre elles étant fournie par les Nord-Africains. Le contingent élevé de teignes importées par ces derniers pose donc avec urgence, d’après les auteurs, la question de la création d’un Centre d’accueil. lequel permettrait l’application de soins réguliers sans immobilisation des malades dans un service hospitalier. 369 BIBLIOCRAPHIE A — LE CAMCER Nous avons déjà vu, à l’occasion de notre étude d’ensemble sur le Bassin parisien, que les départements de la « Seine, de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise » comptent en matière de Cancer parmi les moins épargnés de ce Bassin, celui-ci représentant lui-même une des régions les plus éprouvées de notre pays. Vraie pour la période 1927,1936 plus spécialement considérée. cette observation l’est constamment demeurée depuis, ainsi qu’en font foi toutes les statistiques y compris les plus récentes (voir bilan des années 1948¬ 1955). Seuls varient les taux enregistrés, lesquels indiquent, ici comme ailleurs une augmentation actuelle de fréquence du processus en même temps qu’une multiplication inquiétante de certaines localisations tumorales, pulmonaires surtout. Il peut être intéressant d’essaver maintenant de déterminer quels sont dans la Capitale même les secteurs les plus touchés. Au cours d’un article paru en 1949. Montagnon s’est efforcé de répondre à cette question. Confrontant les renseignements recueillis durant la période 1940-1944 avec d’autres documents antérieurs, il est arrivé à cette conclusion que le Cancer à Paris se répartit d’une manière sensiblement uniforme sans qu’on puisse mettre en évidence depuis 40 ans un ilot ou une rue plus particulièrement frappés. Encore moins a-t-il été possible d’identifier de véritables « maisons à Cancer ». Malgré cette uniformité apparente, il semble bien toutefois que la zone Nord-Est, avant pour centre le quartier populeux de Belleville, accuse générale ment des indices plus élevés que la moyenne, la zone du Centre-Quest, consti¬ tuée par les quartiers riches entourant les Champs-Elysées, se signalant au contraire par des taux relativement bas. Essavant ensuite, comme on l’a fait ailleurs, d’établir une corréletion entre la fréquence des néoplasies d’une part et la constitution géologique du terrain ou l’origine des eaux de boisson consommées d’autre part l’auteur n’a pu aboutir à aucune conclusion probante. Il faut dire qu’à Paris l’habi¬ tant est loin de vivre au contact du sol comme à la campagne, les eaux qui lui sont distribuées subissant en outre d’importants mélanges avant d’être livrées au public. On s’aperçoit que de toutes ces données assez imprécises il est difficile de tirer des arguments valables en ce qui concerne la genèse des néoplasies et les conditions de leur développement en milieu urbain. VIIL — LES FLEAUX SOCIAUX PARIS ET SES ENVBONS 401 BIBLIOCRAPHIE 3 402 B — LA TURERCULOSE. En ce qui concerne la fréquence de la Tuberculose dans la région pari¬ sienne (départements de la Seine, de la Seine-et-Marne et de, la Seine-et¬ Oise), nous ne pouvons mieux faire également que de rappeler les documents que nous avons déjà utilisés en étudiant le Bassin parisien, documents où se trouvent consignés les indices de mortalité relevés par l’Institut National d’Hygiène au cours des années 1938 et 1943, puis de la période 1953,1955 prises comme témoins. Les données qu’ils comportent nous amènent à formuler les commentaires suivanr 1A PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA ERANCE 1) La mortalité bacillaire a été en augmentant durant les années de disete contemporaines de l’occupation allemande (avec maximum en 1940-1941) puis a été ensuite en décroissant nettement grâce sans doute aux heureux effets d’une lutte antituberculeuse particulièrement renforcée. 2) Les mêmes indices de mortalité se sont montrés plus élevés en 1938 et 1943 dans la Seine-et-Oise que dans la Seine, phénomène qui parait curieux si l’on considère que le premier de ces départements possède une population semi-rurale. En réalité, les taux étaient à l’époque calculés en fonction du lieu de décès, ce qui avantageait singulièrement la Seine dont les grands sanatorjums (Champrosay. Champcueil et Brévannes) ont été bâtis extérieu¬ rement et précisément sur le territoire de la Seine-et-Oise qui pavait ainsi un tribut immérité a la maladie. En 1952, les indices avant été établis en tenant compte cette fois du domicile du décédé, ce qui est infiniment plus logique, cette anomalie a été supprimée et, du même coup, les chiffres obtenus se sont révélés plus forts dans la Capitale-même que dans ses environs. Même remarque en ce qui concerne la période 1953-1955 dont les bilans ont été PTPCTS CE CCIS H CITaDILC SUL la LUDCICUIOS (aIS 1 DASSIH DATISIH. 3) La région parisienne, tout en comptant parmi les régions les plus tuber. culisées de France, n’apparait cependant pas comme la plus sévèrement tou¬ chée. Voici notamment, en se basant sur les tables de mortalité de 1952, le classement interrégional auquel on aboutit : les autres régions accusant des taux inférieurs à la moyenne générale française de l’année, soit 38,7. sont les secteurs parisiens les plus fortement imprégnés, on s’aperçoit que ce Si l’on cherche maintenant à déterminer, comme pour le Cancer, quels sont avant tout les quartiers suivants : — Saint Avoie Saint Merri, lardin des Plantes. Val-de-Crâce. Saint-Vic¬ tor Sorbonne. La Care, les Epinettes. La Roquette. Sainte-Marguerite Les Quinze-Vingts. Combat, Belleville. PARIS ET SES ENVIRONS 403 Des lors, en consultant une carte, on s’aperçoit que ces différents ilots, presque tous situés dans le Centre-Est ou l’Est de l’agglomération, corres¬ pondent typiquement aux secteurs les plus vétustes et les plus populeux de la Capitale. En outre, comme les taux de morbidité qu’on y enregistre sont heau¬ coup plus fixes que pour les néoplasmes et surtout beaucoup plus fortement décalés par rapport à ceux des autres quartiers, on trouve dans ce fait la preuve une fois de plus de l’influence exercée par les mauvaises conditions de l’habi¬ tat, le surpeuplement et le paupérisme sur le développement de la Tuberculose. sur le développement de la Tuberculose. BIRLIOCRAPHIE 36° 404 C. — LA MORTALITE INFANTILE L’étude de la mortalité infantile dans le Bassin parisien nous a déjà per¬ mis de préciser la position, dans ce domaine, de Paris et de ses environs. non seulement par comparaison avec l’ensemble de ce Bassin, mais aussi par rapport à tout le reste de la France. Nous avons vu en particulier que dans le classement général des départements français les trois départements de la Seine, de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne avaient bénéficié de taux plutôt moyens, au moins durant la période de 1948-1950 spécialement choisie. Rappelons d’ailleurs brièvement ces quelques données : LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA ERANCE Mortalité fœto-infantile durant la période 1948-1950. Vovons comment la situtation a évolué depuis lors en interrogeant des sta¬ tistiques plus récentes : Mortalité foto-infantite depuis 1950. Si ces chiffres montrent que la position respective occupée par ces trois départements s’est inversée, on remarque en outre que ces derniers se main¬ tiennent toujours dans un rang moyen et surtout qu’ils accusent des taux dont la régression a été absolument continue depuis une dizaine d’années. Examinons maintenant certains des asnects particuliers du problème et notamment ceux qui se rapportent à la répartition du processus entre Paris¬ même et sa banlieue. Précisons tout de suite que les statistiques utilisées seront basées désormais, non plus sur la mortalité foto-infantile, mais sur la mortalité infantile proprement dite, ces deux expressions avant déjà été précédemment définies (voir Bassin parisien). Le tableau suivant va permettre tout d’abord une comparaison entre les deux zones considérées : Mortalité intantile Paris et dans sa banlieue (taux pour 1 000 naissances vivantes). PARIS ET SES ENVIRONS Ce document montre nettement, outre la régression déjà signalée du mal. la prédilection légère qu’affecte celui-ci pour le secteur « banlieue ». Il s’agit maintenant d’établir la façon dont s’effectue à Paris même la dis. tribution des décès par arrondissement et par quartier : Répartition par arrondissement de la mortalité intantile à Paris (taux correspondants la période 1954-1956) Ainsi il apparait que les arrondissements les plus touchés sont, dans l’ordre, le cinquième, le onzième, le quatrième et le vingtième, les moins atteints étant au contraire le seizième, le dix-septième, et surtout le second. En ce qui concerne plus spécialement les quartiers, on peut également établir, pour le même laps de temps, une opposition entre : a) ceux qui comportent une mortalité particulièrement élevée, à savoir : l° arrondissement : Saint-Germain l’Auxerrois.......... 26,4 Les Halles......................... 26,5 3° arrondissement : Arts-et-Métiers.................. 31,2 Saint-Avoye....................... 26,6 4e° arrondissement : Saint-Gervais................... 29,6 Arsenal................. 30,2 Notre-Dame.............. 20,4 5° arrondissement : Saint-Victor........... 33,2 Val-de-Grâce........... 27,6 Sorbonne.............. 31,% Monnaie.............. 31,% Saint-Germain-des-Près.. 30,5 403 0° arrondissement : 7° arrondissement : 8° arrondissement : 9° arrondissement : LA PATHOLOGIE RÉGIONALIE DE LA FRANCE Invalides..... Madeleine 406 Chaussée d’Antin 10° arrondissement : 12° arrondissement : 13° arrondissement : Ile arrondissement : Hopital Saint-Louis.... Folie-Méricourt..... Roquette...... Bercy. Quinze-Vingt Gare. 14° arrondissement : 18° arrondissement : 33 ..: Croulebarbe Pare Montsouris Grandes Carrières 19° arrondissement : 20° arrondissement : Goutte d’Or.. Chapelle. 3 Pont-de-Flandre. Saint-Fargeau : Père-Lachaise 27,5 32,4 39,0 26,8 28,6 32,2 27,6 26,2 27,3 27,3 20,3 26.1 31,7 33,0 26,3 27,5 636 quels nous citerons : b) et ceux qui comportent une mortatité retativement taible, parmi les¬ ler arrondissement : 2° arrondissement : 7° arrondissement : 8° arrondissement : 12° arrondissement 13° arrondissement : 17° arrondissement : Place Vendôme Grillon....... Mail 71 Saint-Thomas-d’Aquin Ecole Militaire..... Champs-Elysées Bel Air........... Salpêtrière........... 1 16,6 14,7 16,8 16,4 14,5 11.8 16,6 15,7 16,9 Les mêmes contrastes existent, bien entendu, entre les locatités de banlieue. mais ici, nous nous bornerons à indiquer, vu leur grand nombre, celles d’entre elles qui sont venues occuper les positions les plus extrêmes durant la période 1954-1956 prise pour test : a) Communes de bnlieue les plus éprouuées : Villeneuve ligeue, P. Gennevilliers.... Epinay-sur-Seine.. Saint-Maurice....... Ile-Saint-Denis..... Stains.............. Chatillon.......... 52,8 39,7 36,5 37,3 37,0 36,5 35,3 34,4 Hay-les-Roses Romainville. Kremlin-Bicêtre. Arcueil..... Fontenayaux-Roses......... Drancy............... Saint-Denis.......... Pré-Saint-CGervais. b) Communes de banlieue relativement épargnées : Le Perreux..... Champigny.......... Bobigny.................. Créteil............... Bagneux................ Neuilly.............. Bois-Colombes........... 19,0 19,7 19,7 19,5 19,3 19,1 18,1 Cachan..... Colombes... loinville-le-Pont. Rosny-sous-Bois. Noisy-le-Sec.... 32 Saint-Mandé....... Suresnes...... 34,3 34,3 34,2 34,0 33,9 31,5 30,9 30,0 18,7 18,5 18,3 18,1 17,7 12,9 113 Restent à envisager, pour terminer, les causes les plus fréquentes de cette mortalité infantile. A cet égard, nous dirons simplement que parmi les causes principales de décès, il faut mentionner avant tout la prématurité, ensuite les lésions obstétricales, les malformations congénitales (dont celles de l’appareil circulatoire), la toxicose et enfin les infections respiratoires aigués (pneumonie. broncho-pneumonie.) particulièrement à redouter au cours des hivers rigoureux. PARIS ET SES ENVIRONS De tout cet ensemble de documents et de faits on peut tirer schémati¬ quement les conclusions suivantes : La mortalité infantile accuse dans la région parisienne un niveau moyen par rapport à l’ensemble de notre pays, ses taux avant considérablement baissé. comme partout d’ailleurs, durant ces dernières années. 4 Paris même, ses atteintes se localisent surtout aux quartiers pauvres. insalubres et encombrés de l’Est et du Centre, comme pour la Tuberculose. Ce sont de même les communes populeuses et industrielles de l’Est et du Nord qui se révèlent les plus touchées dans la banlieue, celle-ci accusant d’une manière générale des indices légèrement plus élevés que la Capitale. On voit qu’en dépit des énormes progrès déjà réalisés la tâche des Pou¬ voirs publics reste encore très lourde dans la lutte entreprise contre le fléau. cette lutte devant viser surtout à supprimer les taudis et à améliorer les condi¬ tions de vie dans les centres ouvriers où se manifeste constamment le plus grand nombre de cas. Conclusions 407 BIBLIOCRAPHIE 1x — FEFETS DES RESTRICTIONS AUIMENTAIRES DES ANNEES 1940-1945 SUR LA REGION PARISIENNE Avant-guerre, la ration normale du Parisien moyen était de l’ordre de 3 000 calories par jour (vin et alcool non compris), chiffre en somme très voisin de l’optimun théorique et comportant une marge de sécurité largement suffisante puisque l’organisme peut se contenter d’un apport de 2 500 calories. à condition toutefois de n’être astreint à aucun travail pénible. Dès septembre 1940, sous l’influence de la raréfaction des produits, les restrictions se sont très rapidement installées dans la Capitale, avant aussitôt sur la santé de la population les plus funestes conséquences. Voici, en particulier, d’après les travaux de Ch, et G. Richet, quelle était la situation alimentaire vers mai 1942. c’est-à-dire en pleine période de disette, pour les sujets titulaires de la carte A. choisis comme terme de comparaison. 408 de 4 sources différentes : les denrées rationnées. les aliments du marché libre. le rationnement D). le marché noir. quantité individuellement consommée¬ aient pu être honorés, ce qui n’était pas toujours le cas. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Si l’on considère qu’à l’époque l’approvisionnement journalier provenait on en arrive aux conclusions suivantes concernant la valeur énergique de la Les denrées appartenant à la première catégorie n’apportaient guère en tout et pour tout que 1 050 calories, en admettant encore que tous les tickets Les aliments de complément fournis par le marché libre intervenaient évidemment de manière très variable suivant les lieux et les saisons, plus abondants par exemple en été qu’en hiver, en fin de semaine qu’au début. à Paris même que dans les grandes villes de banlieue. Certains très nourris. sants comme le poisson, le gibier, les crustacés, étaient pratiquement introu¬ vables. Force était donc de se rabattre sur d’autres produits tels que les choux, les carottes, les navets, les topinambours et les rutabagas, d’une valeur nutritive beaucoup moindre et distribués eux-mêmes en quantité limitée. En moyenne, on estime à 200 environ le nombre des calories résultant de cet. apport. Le ravitaillement « D» — ainsi que le dénomment très explicitement les auteurs — constitué surtout par les colis, familiaux et par les récoltes tirées des petits jardins improvisés, n’intéressait quère qu’une partie assez restreinte de la population à laquelle il fournissait également un appoint d’à peu près 200 calories par personné. Quant au marché noir, il nous semble inutile d’insister sur les multiples ressources qu’il offrait à une minorité d’ailleurs infime de privilégiés. En éliminant cette dernière catégorie, on arrive à une ration moyenne globale de 1400 à 1500 calories au maximum, restant bien entendu que plus d’un Parisien (employé, petit rentier, retraité etc.) devait se contenter de 1000 calories et moins encore. C’est ainsi qu’on a pu observer des gens qui ne percevaient exclusivement que les quelques 600 calories octrovées par les soupes populaires. De quoi, en vérité, mourir de faim si l’on songe qu’une ration de 1600 calories est déjà une ration de demi-famine et qu’un minimum de 1800 calories est mêmé nécessaire pour répondre aux seules exigences des métabolismes de base. Grave pour l’adulte, la situation n’était guère meilleure pour le travailleur de force, le vieillard et l’enfant. Le travailleur de force, dont la ration doit normalement dépasser de 1000 calories au moins celle de l’emplové de bureau, n’obtenait au total que de 600 à 700 calories de supplément, d’où un déficit considérable préjudi¬ ciable à la fois à la santé de l’individu et à son rendement professionnel. Le vieillard, lui, se vovait à peu près entièrement abandonné par les Pouvoirs publics. Ne pouvant faire de longues stations aux portes des maga¬ sins, ne recevant la plupart du temps aucun secours de l’extérieur, il lui fallait dès lors se limiter aux seules denrées contingentées et vivre avec les 1000 et 1 200 calories allouées par le « Ravitaillement ». Le sort des enfants, enfin, n’était pas beaucoup plus favorable. A l’âge particulierement critique de l’adolescence, les jeunes ne recevaient guère en de la croissance. PARIS ET SES ENMRONS 409 effet qu’une ration de 1500 à 1 600 calories avec laguelle ils devaient pour¬ voir, non seulement à leurs besoins énergétiques, mais encore aux nécessités Très insuffisante du point de vue énergétique, la ration était par surcroit foncièrement déséquilibrée dans ses principes constitutifs, le second inconvé¬ nient n’étant pas moindre que le premier. C’est ainsi que les apports en protides et en lipides n’atteignaient respectivement que les 30 et les 35 pour 100 de l’apport normal, ce taux s’abaissant même à 20 % pour les protides animaux. A cela il convient d’ajouter un déficit notable en calcium perturbant fortement le rapport Ca/P, et une carence manifeste en vitasté rines, faits sur lesquels de nombreuses publications ont à l’époque insisté. Tel est le bilan enregistré au cours d’une période sans doute particu¬ lièrement dure, mais qui devait être suivie de bien d’autres moments pénibles. Son intérêt est de montrer clairement à quels dangers sont exposées les grands agglomérations urbaines en cas de disette, surtout lorsque celles-ci se trouvent à peu près coupées des campagnes voisines, obli¬ gées même à vivre en circuit fermé sur leur propre substance. Nous ne nous appesantirons pas ici sur les facteurs multiples qui furent à l’origine du drame : fléchissement de la production agricole, défaut de livraison des pro¬ duits par les cultivateurs, pénurie de transports, erreurs commises dans la répartition des denrées. Il n’est pas dans nos intentions d’entreprendre le procès des conceptions et des méthodes qui furent alors en honneur. Au surplus chacun sait que le problème débordait largement le cadre de Paris et de ses environs pour se poser avec une acuité toute sem¬ blable dans bien d’autres régions et notamment dans le Midi de la France où le déséquilibre des éléments de la ration était même encore plus accentué. Aussi passons-nous sans plus tarder au rappel des troubles morbides engendrés, là comme ailleurs, par l’état de dénutrition et par les carences. A ce propos, on peut dire que très rapidement le régime de sous-ali¬ mentation auquel a été soumis l’ensemble de la population de la Capitale a provoqué chez bon nombre de sujets quelques accidents, assez typiques du reste, que les auteurs sont d’accord à décrire comme suit : amaigrissement mar¬ qué avec asthénie physique et psychique, polvurie avec décharges abondantes de chlorures, diarrhée, bradycardie, hypotension, le tout ave conservation entière de l’appétit et quelquetois même boulimie. Ce n’est que plus tard et dans une proportion plus limitée de cas, qu’on a vu apparaitre ces fameux oedèmes généralisés, compliqués parfois d’anasarque, brusquement constitués et aussi vite disparus sous l’effet du repos, ainsi que ces non moins célèbres ostéopathies de famine caractérisées avant tout par de la décalcification osseuse souvent génératrice de tractures spontanées. A ces stades on observait alors fréquemment dans le sang de l’hypoprotidémie avec inversion du rapport sérine-globuline, modifications auxquelles on a cherché à rattacher les graves perturbations rencontrées dans le métabolisme de l’eau. De toute facon, on a pu établir à l’aide de statistiques qu’en l’esnace de 2 ans (1940-1942) le Parisien moyen avait ordinairement maigri de 6 à 8 Kilos, cependant que sa diurèse se maintenait aux environs de 3 à 4 litres par jour. Dans les Ecoles on a enregistré pareillement et d’une manière habi¬ tuelle des pertes de poids de l’ordre de 5 à 10 26, taux d’autant plus impor¬ tants qu’aux âges considérés on assiste normalement à un accroissement sensi¬ blement continu du chiffre des pesées. Mais si ce sont là les constatations qui furent généralement faites, on a malheureusement observé d’autre part des phénomènes autrement impres¬ sionnants, voire même dramatiques : témoin cet enfant de 10 ans habitant le 410 13° arrondissement (1) qui en était arrivé à un déficit pondéral de près de 20 pour 100, le rendant absolument squelettique, ou encore-cette femme dont le poids s’était efondré de 56 à 24 Kilos, chiffre atteint au moment de sa mort. De tels faits se sont avant tout rencontrés dans certaines collectivités particulièrement mal partagées comme les asiles et les prisons’où de véritables hécatombes se sont alors produites. Mais à côté de tragédies aujourd’hui bien connues, combien d’autres se sont déroulées solitaires, sous l’œeil d’une administration souvent trop indulgente à l’égard des trafiquants de toutes sortes. Ceci sans parler de la foule des jeunes qui, mal nourris, sont devenus rapidement une proie facile pour la Tuberculose et peuplent aujourd’hui en grand nombre les sanatoria aussi bien autour de Paris que dans les stations LA PATHOLOGIE B́GIONALE DE LA PBANLE des Alpes et de la Méditerranée. Nous nous bornerons ici aux quelques références que nous avons surtout utilisées : 1. AUBERTIN (Ch.) et FAURE-BEAULIEU (M.). Sur l’amaigrissement des écoliers parisiens. Presse méd., n° 31, 21 août 1943. 2. GOUNELLE (H.) et MANDE (R.). Précision sur la ration alimentaire d’un groupe de familles parisiennes de mai à juillet 1941. Acad, de méd., 18 novembre 1941. 3. JUSTIN-BESANCON (L.). L’ostéopathie de famine, Paris méd., 20 août 1942, p. 259-263. 4. LESNÉ (E.) et RICHET (Ch.). Le déficit alimentaire dans la région parisienne. Journ. de méd. de Paris 1946, p. 85 (et Acad. de Méd, 30 avril 1946). 5. LOEPEIL (M.). VAROY (A.) et MAXDE (R.), A propos des cdèmes de carence, Paris méd. 20 aout 1942, p. 257-259. BIBLIOCRAPHIE CONCLDSTOINS Déjà précédemment nous avons esquissé un apercu de nos « Metropolis » modernes en étudiant les pathologies de Marseille et de Lyon. Celle de Paris revêt les mêmes caractères, mais multipliés par un coefficient considérable. celui d’une capitale internationale doublée d’une des agglomérations urbaines les plus puissantes du monde. Considérée du point de vue géographique, la « Ville-lumière » est ainsi à la fois : 1° en tant que Capitale internationale, un énorme carrefour humain et. par suite, un point d’appel électif vis-à-vis de tous les apports extérieurs éma¬ nant de province ou de l’étranger; 2° en tant que grande agglomération urbaine une véritable « fourmi¬ lière » où sévit, au moins dans certains quartiers, le surpeuplement, et parfois la misère. (1) Il est évident que cet arrondissement, l’un des plus pauvres de la Capitale, ses conséquences. PARIS ET SES ENVIRONS 411 Du point de vue nosologique, chacun de ces facteurs doit avoir lui-même 1° C’est ainsi qu’à côté des vieux fovers endémiques bien circonscrits d’au¬ trefois (Paludisme des environs de Brévannes, Tétanos de Nanterre. Charbon des tanneurs de la vallée de la Bièvre, etc.) on voit apparaitre sans cesse venant des quatre coins du monde et favorisées par le développement actuet des transports par avions, les affections d’importation les plus diverses : cas de Paludisme, de Lèpre, de Spirochétoses (Seine, canal de l’Ourca, Marne. Loing), de Poliomvélite, de Trypanosomiase, d’Amibjase, sans oublier toute la gamme des Rickettsioses qui semblent présenter pour notre Capitale les affi¬ nités les plus marquées. Et nous pourrions encore ajouter la toute récente Tularémie et cette curieuse maladie dite « par griffure du chat » identifiée depuis peu par Debré et par Mollaret. 2° Mais Parie est aussi une sorte de « uuse clos » dans leguel peuvent se développer à leur aise tous les fléaux sociaux et, en particulier, les maux engendrés par les mauvaises conditions d’hygiène et le surpeuplement. A cet égard, les statistiques montrent notamment que la Tuberculose, le Rachitisme et le Cancer sévissent avec une prédilection marquée dans certains quartiers populeux de la zone Nord et surtout de la zone Est de la ville ainsi que dans leurs banlieues immédiates. D’ailleurs, l’encombrement ne concerne pas seulement les logcis. Depuis quelques années plus spécialement, il s’observe également dans la ruc. De là l’avènement d’une pathologie traumatique nouuelle, plus meurtrière encore que celle de la mine et de la montagne, et qui trouve aujourd’hui son expression maieure à la sortie de la Capitale, le long surtout des grandes routes qui conduisent vers le Sud-Est ou vers les riches stations balnéaires de la Normandie. Devant tous les faite que nous venons d’évoquer, les Pouvoirs publics se sont émus et ont décidé de réagir. Contre la pathologie d’importation, ils ont dressé des barrières sanitaires, cependant que contre les progrès des fléaux sociaux ils mènent des campagnes d’assainissement avec, du reste, l’aide des services de l’Urbanisme. Les résultats obtenus ne sont peut-être pas complets. mais ils sont d’ores et déjà fort appréciables. Ainsi, Paris, malgré tous les dangers qui constamment la menacent parvient de nos jours à éviter les grandes épidémies et lutte avec succès contre l’extension des maux que nous venons de dénoncer. C’est là un fait éminemment réconfortant que nous avions le devoir de souligner pour terminer. 412 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA TRANCE observer, un réel intérêt. CONCLLISIONS GÉNÉRALES Nous voici parvenus au terme d’un travail dont l’objectif était de démon¬ trer la persistance en France de complexes pathologiques propres à chaque région, complexes dont l’étude offre, pour le médecin-praticien appelé à les Notre but, semble-t-il, a été atteint puisqu’il nous a été possible d’iden¬ tifier tour à tour une pathologie languedocienne et provencale aux tonalités subafricaines, une pathologie corse à la fois méditerranéenne et insulaire, des pathologies alpestre, quvergnate et franc-comtoise à prédominance pastorale. bretonne ensuite, basée avant tout sur les tares héréditaires, flamande, engen¬ drée par les hautes densités démographiques, a'sacionne et lorraine, annon¬ cant déjà dans leurs grandes lignes les aptitudes morbides spéciales à l’Alle¬ magne. Semblablement, nous avons isolé une pathologie des deux grands bas¬ sins de Paris et d’Aquitaine qui est celle des vastes plaines fortement irri¬ guées et fréquemment submergées, enfin une pathologie parisienne propre¬ ment dite qui tire sa source d’une énorme agglomération urbaine saturée de population et située à l’un des carrefours les plus importants de l’activité humaine. En abordant la tâche que nous nous étions assignée, tâche qui ent certai¬ nement justifié le concours de représentants qualifiés de maintes disciplines : géologues, géographes, naturalistes, ethnologues, etc., nous ne nous étions pas dissimulé les difficultés multiples que nous étions appelé à rencontrer en che¬ min, difficultés que nous évoquions d’ailleurs dès « l’Avant-propos » de cet ouvrage. Tout d’abord il nous fallait tenir compte, comme nous l’avons vu, des migrations incessantes que subissent les processus morbides à travers le monde du fait des énormes brassages humains qu’occasionnent les guerres et de l’inten¬ sification toujours acrue des échanges commerciaux entre peuples. Qu’ils soient brutaux ou au contraire insidieux, ces mouvements tendent en effet à effacer. en même temps que les barrières régionales qui les enserrent, toutes ces patho¬ logies locales aux aspects si divers, spécifiques d’un territoire donné et suscep¬ tibles d’être considérées comme l’un des éléments les plus dynamiques du folk¬ lore. Nous n’en voulons d’autre exemple que celui que nous fournit la Bre¬ tagne, dont les caractéristiques médicales, autrefois bien tranchées, paraissent aujourd’hui se rapprocher de plus en plus de celles de l’ensemble de la France. En second lieu il nous fallait également envisager les complications résul¬ tant, pour notre étude, des variations continuelles accusées, dans le temps cete fois, par la pathotogie elle-même, chaque maladie avant sa courbe évo¬ « maladies d’avenir ». PARIS ET SES ENVIRONS 413 lutive propre et chaque époque étant, marquée par ses affections prédomi¬ nantes particulières. C’est ainsi qu’à l’instant même où nous entreprenions ce travail, on pouvait assister, après la disparition des grandes pandémies des siècles passés, à la régression manifeste des Fièvres typhoides et de la Tuberculose, cependant que l’on vovait éclore et se développer sur notre sol des entités jusqu’alors inconnues telles que la Tularémie et surtout les Bru¬ celloses, qualifiées à ce moment — et un peu prématurément sans doute — de Si ces objections n’étaient pas à priori dépourvues de valeur et d’intérêt, une expérience de quelques années devait toutefois nous permettre d’en mesu¬ rer toute la relativité. Il nous est apparu, en effet, que si des vagues mor¬ bides nouvelles balavent sans cesse l’espace, modifiant chaque fois le contexte épidémiologique sur son passage, et que si le destin des maladies lui¬ même évolue, il n’en est pas moins vrai qu’il subsiste dans chaque contrée un certain nombre de constantes absolues et indélébiles, liées à l’altitude, à la latitude, au climat et à bien d’autres facteurs encore, constantes qui condi¬ tionnent étroitement, avec les possibilités d’implantation des germes, leurs chances plus ou moins grandes d’expansion et de développement local. Ainsi, tandis que « la roue tourne » et que les circonstances changent, l’homme demeure toujours soumis aux lois du milieu qui l’entoure. De ce milieu, il ne peut guère s’affranchir totalement, quelle que soit sa volonté de résistance, et la lutte qu’il mène contre les maux qui l’assaillent, en dépit d’indéniables succès (amélioration des conditions de vie, accroissement de la longévité, etc), ne peut en définitive arriver à desserrer l’étau qui le tient enfermé. N’a-t-on pas vu récemment une grande guerre mondiale engendrer d’extraordinaires progrès techniques, générateurs à leur tour d’autres menaces de conflit2 Aipsi, entrainé dans de véritables « cercles vicieux », le monde semble perpétuellement a la recherche d’équilibres nouveaux, comme s’il était avant tout régi par la dure loi des compensations et comme si tout événement, quel qu’il soit, contenait en puissance le germe de ses contraires et le ferment de sa propre destruction. Déjà vraie pour l’individu, cette règle impitovable parait l’être davantage encore pour toutes les collectivités humaines à quelqus niveau qu’elles appartiennent. Et dans le domaine de la pathologie qui nous occupe, on pourrait en trouver de multiples confirmations. Ainsi tandis que certains fléaux s’éteignent, souvent anéantis ou amoindris par la main même de l’homme, d’autres naissent pour les remplacer, comme s’il fal¬ lait toujours sur cette terre la même somme de souffrances. Aujourd’hui, alors que les affections microbiennes régressent dans leur ensemble sous l’influence des antibiotiques, on assiste en contrepartie — et ce n’est peut-être pas l’effet d’un pur hasard — à une efflorescence singulière des maladies a virus, les¬ quelles semblent vouloir constituer désormais, avec le Cancer et les processus cardio-vasculaires dont on note par ailleurs l’accroissement énorme, les fac¬ teurs essentiels de mortalité. Reste à savoir si ces entités nouvelles présentent des incidences régionales particulières. Sans doute un certain recul est-il nécessaire pour pouvoir en la matière porter un jugement. Nous laiserons à nos successeurs dans ces recherches le soin d’examiner le problème et de le trancher. Formation géologique des Alpes (2 croquis Les Alpes (vue d’ensemble)...... Le Massif Central (vue d’ensemble) TARLE DES FIGURES La dépression du larez et le bassin minier de Saint-Etienne. La zone d’influence industrielle de Lyon Les voies de transhumance dans le Dauphiné La maladie des Porchers en Haute-Savoie Les basins houillers du Massif Central. Les stations de ski et de tourisme hivernal dans les régions du Centre de la France (4 croquis : le Jura et la Savoie - la Provence : le Dauphiné - l’Auvergne.............................. 6 8-9 14-15 19 22 26 34 59 66-67 Etangs et gites à Anophèles dans la plaine du Forez............... : 81 Jura et vallée de la Saône (vue d’ensemble)....................., 122-123 Repartition des premiers cas de fièvre ondulante dans l’Ain...... Repartition en France de l’Echinococcose alvéolaire — Le foyer franc¬ ComtOis ............................................. Mode de contaminaton des eaux dans la zone montagneuse du Jura. Distribution des affections typhoidiques dans l’Ain de 1927 à 1936. Répartition de l’Acrodynie infantile en Saône-et-Loire........ 133 141 146 149 156 Les régions du Nord-Est (vue d’ensenble)..............., 174175 Répartition en surface des terrains dans la plaine d’Alsace.... Les stations de ski dans les Vosges Les Brucelloses dans la Meuse...... La transhumance dans le Nord-Est de la France 178 182 188 189 416 Les gisements de fer et de houille en Lorraine 192 La Poliomvélite dans le Nord-Est de la France (4 croquis). 204 Le Tétanos en Meurthe-et-Moselle........ 212 Les anciens foters de Paludisme en Lorraine 217 Bassin parisieillet Nord (vue d’ensemble).. 244-245 La fièvre ondulante dans le Nord de la France 264 La fièvre ondulante en Normandie.............. 1 265-26 Les Brucelloses en France en fonction de la variété du germe..... Répartition de la Poliomvélite dans la Sarthe en 1930.. Le bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais......... La mortalité infantile dans le Nord (movenne de 1948 à 1932)...... La mortalité infantile dans le Pas-de-Calais (arrondisement de Béthune)........ Variations relatives des taux de 1951,1932, 1953 à 1956.............. Similitudes existant entre les Bassins parisien et aquitain du point de vue des localisations morbides ....... Arrondissements de Paris..... Le site de Paris....... Paris et sa banlieue (vue d’ensemble). Distribution de l’eau d’alimentation à Paris Le groupement des provinciaux dans Paris Lieu où s’est développé le petit fover palustre de la Croix-de-Berny en 1940........ Les quartiers de Paris les plus touchés par la Tuberculose..... 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 267 286 293 330 349 345 350 356 357 359 363 366 390 12 TARLE DES MATIERES VI. — LES RÉCIONS DU CENTRE AIpes de Savoie et du Dauphiné. Massit Central: Couloir rhodanien Généralités: 3 L. La fièvre ondulante 24 II. La maladie des porchers 34 IHI. Les affections typhoidiques 39 IV. Les parasitoses intestinales........ 42 V. Les Pneumoçonioses dans le Massif Central... 54 VL. La Pathologie montagnarde (dans les Alpes surtout)... 64 VIL. Le syndrome du Vent du Midi dans le couloir rhodanien........ 74 VI. Les maladies d’apport méditerranéen à Ivon et dans le couloir rhodanien (Rickettsioses et Leishmanioses)................. 77 IX. Le Paludisme dans la plaine du Forez........................ 80 X. Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopolites¬ Les fièvres éruptives.......... 93 XL. La Poliomvélite................. 93 XI. Autres affections................ 80 XI. Les grands fléaux sociaux........ 98 Appendice : Ressources thermo-minérales 113 116 Conclusions..... VI. — LE TURA ET LES PAYS DE LA SAONE Généralités 121 1 ta fiayne onqulainte en Fandlue Conté 129 II. La maladie des Porchers.......... 136 II. L’Echinococose alvéolaire du foie. 140 418 IV. Les affections typhoidiques..... 144 V. Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopolites¬ 152 154 VIL. Les grands fléaux sociaux... 160 Appendice : Ressources thermales....... 168 02 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Les fièvres éruptives........ VI. De quelques autres affections diverses........... Conclusions......... VUIL TES BÉCTONS DT NORD-EST Généralités 173 L. Les Brucelloses ..... 188 II. La Pathologie minière en Lorraipe..... 192 II. Les affections typhoidiques......... 196 IV. Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopolites¬ Les fièvres éruptives..................................... 198 V. Les affections à virus neurotropes — La Poliomvélite........... 201 VI. Le Tétanos et le Charbon en Lorraine..................... 206 VII. De quelques affection diverses — Le Tularémie — Le Paludisme., 214 VI. Les grands fléatux sociaux.................................... 222 IX. Le goitre en Alsace........................................... 231 Appendice: Resources thermales........... .234 Conclusions.............. 235 Alsace-Lorraine et Massit vosgien IX. — LE RASSIN PARISTEN Généralités... 241 J. La fièvre ondulante............ 262 H. Les affections typhoidiques.... 274 II. La Poliomvélite.......... 262 IV. Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopolites¬ Les fièvres éruptives................ 283 V. La Pathologie minière en particulier dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais................................ 293 VL. De quelques affections diverses dues à des micro-orgcanismes figurés Ou à des VirMS ..................................... 301 VII. De quelques maladies parasitaires.............................. 312 VII. Les grands fléaux sociaux.................................... 318 IX. La mortalité infantile dans les départements du Nord et du Pas-de¬ Calais............... 33 Appendice : Ressources thermales .. 346 Conclusions..... 348 Généralités... .......... 353 Tableaux complémentaires n°s 1 et 2 (activités des aéroports français. « Carte de richesse » des arrondissements de Paris et des communes de banlieue)................ .367, 360 J. Les Brucelloses...... 371 I. Les fièvres typhoidiques.. 373 III. Les maladies infectieuses cosmopolites — La Poliomvélite 377 IV. Les Leptospiroses..................... .:».:: 379 V. Les Rickettsioses et les Leishmanioses................... 382 VI. De quelques affections d’origine exotique observes dans la région parisienne..................... 387 VI, Affections diverses.............. 393 VIII. Les fléaux sociaux............... .......... 401 IX. Incidences des restrictions alimentaires des années 1940-1945 sur la région parisienne...........................: 402 Conclusions.......................... 410 CONCLUSIONS CENERALES. 412 X. PABTS ET SES ENVIRONS TABLE DES MATLÈRES Table des figures 419 415 ACHEVÉ D’IMPRIMER LE 20 DÉCEMRRE 1938 SUR LES PRESSES DE J. 6 R. SENNAC 34. Fbx Montmartre, 24 PARIS (9) N° d'loprimear 6303. INSTITUT NATIONAL DHYCIENE 3. RUE LéON BONNAT, 3 A81 S. X Y1