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Med Sci (Paris). 38(4): 335–336.
doi: 10.1051/medsci/2022056.

Répondre aux maladies infectieuses : un défi toujours renouvelé

Hervé Raoul1* and Yazdan Yazdanpanah2**

1ANRS-Maladies infectieuses émergentes, Paris, France et Laboratoire P4 Inserm Jean Mérieux , Lyon , France
2ANRS - Maladies infectieuses émergentes , Paris , France
Corresponding author.

MeSH keywords: Maladies transmissibles, Humains, épidémiologie, thérapie

 

Des maladies infectieuses émergent ou ré-émergent de façon périodique depuis des siècles, et une partie d’entre elles est la cause d’épidémies ou de pandémies, qui peuvent décimer les populations et bouleverser les organisations sociales.

Depuis les années 1970, le rythme de ces émergences de maladies à transmission vectorielle ou liées à des zoonoses s’accélère sans cesse, en lien probablement avec l’évolution démographique, l’urbanisation, l’augmentation des voyages et des échanges commerciaux, le changement d’usage des sols et la déforestation, le changement climatique. À titre d’exemple, outre le VIH (virus de l’immunodéficience humaine)/sida (syndrome d’immunodéficience acquise) responsable d’une pandémie mondiale au 20 e  siècle, et les hépatites, nous avons assisté, depuis 2009, à trois épidémies majeures – dues au virus Ebola en Afrique de l’Ouest, Chikungunya et Zika en Amérique centrale et du Sud, et aux Caraïbes – et à deux pandémies, l’une due au virus de la grippe H1N1 et l’autre à un coronavirus, le severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2), responsable de la COVID-19 ( coronavirus disease 2019) .

Au cours de chacun de ces évènements, le constat a été le même : faiblesse dans la capacité de détection précoce, absence de moyens thérapeutiques disponibles ou prêts à entrer en phase d’essais cliniques, difficulté à développer et mettre en place des mesures préventives et des outils de prédiction, tout cela traduisant un manque d’anticipation et de préparation.

Nous sommes là dans l’un des rôles majeurs qui incombe à la communauté scientifique : celui de prévenir et d’anticiper l’arrivée de nouvelles épidémies ou pandémies, pour en limiter l’impact sanitaire, économique et social. Il s’agit de se projeter au-delà de la réponse apportée à la crise lorsque celle-ci survient, en déployant une stratégie «  One Health  » de long terme, qui allie surveillance, compréhension et recherche scientifique, préparation, et mobilisation coordonnée du monde académique, des décideurs publics et du secteur industriel. Cette projection doit, en outre, permettre d’accroitre les capacités nationales dans ces domaines, pour renforcer la possibilité d’une réponse souveraine de la France à une future crise, en articulation forte avec l’Europe et s’inscrivant dans l’effort international de lutte contre les épidémies. Ces enjeux sont le fondement de la mission confiée à l’ANRS.

Et, dans ce contexte, l’enjeu est double : préparer de manière globale la réponse à ces futures émergences ou réémergences, d’une part, comprendre et prévenir de futures émergences ou réémergences, d’autre part. Ces actions doivent être entreprises de manière articulée. Répondre à cette exigence repose sur une recherche engagée dans le développement d’innovations, via la mise au point de nouveaux outils de prédiction, de prévention, de diagnostic et de traitement, donnant naissance à de la propriété industrielle et à la possible création d’entreprises à haute valeur ajoutée pour valoriser sans délai les résultats de cette recherche sur le territoire national.

En France, l’étude des maladies infectieuses émergentes concerne une communauté scientifique issue de très nombreuses disciplines portées par des organismes publics et des structures privées, depuis les plus fondamentales jusqu’aux plus appliquées. Nous avons tous les atouts pour nous positionner parmi les leaders mondiaux, notamment avec une recherche pluridisciplinaire d’excellence, incluant de fortes connexions entre les pays du Nord et ceux à ressources limitées, essentiellement du Sud, en particulier dans le cadre de la lutte contre le sida dans laquelle le patient est au cœur de notre action, avec un système de soin robuste, des formations reconnues, un tissu industriel et un terreau dynamique de jeunes entreprises innovantes, qui peuvent se mobiliser dans ce champ des maladies infectieuses. Pour y parvenir dans une compétition mondiale qui s’accélère, il importe de fluidifier et coordonner les collaborations entre les différents acteurs de ce continuum et de renforcer la structuration des actions collectives à mettre en place.

Rappelons-le, la gestion des maladies émergentes et ré-émergentes transmissibles doit s’appuyer, en amont, sur une recherche interdisciplinaire et multi-institutionnelle. L’articulation avec la société doit être favorisée, en s’appuyant avec force sur les recherches en sciences humaines et sociales et sur les processus de recherche participative.

C’est dans ce cadre et avec ces objectifs que l’ANRS-maladies infectieuses émergentes 1 , agence sous tutelle de l’Inserm, mais possédant ses propres règles d’organisation et de fonctionnement ainsi qu’un budget dédié, a été créée en janvier 2021 par la ministre en charge de la Recherche, avec pour missions de poursuivre les activités dédiées aux VIH, hépatites, infections sexuellement transmissibles (IST) et tuberculose et de coordonner, animer et financer à hauteur équivalente les recherches visant à lutter contre les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes.

L’approche adoptée par l’ANRS-maladies infectieuses émergentes prend en compte l’interdépendance des santés animale, humaine et des écosystèmes, et s’organise en deux temporalités : 1) une réaction en phase de crise aiguë (émergence ou réémergence, épidémie, voire pandémie) ; 2) des travaux de recherches fondamentales et appliquées à moyen et long termes entre différents types d’épidémies, périodes pendant lesquelles il est possible d’analyser les déterminants d’émergence ou de réémergence ainsi que de propagation de pathogènes, pour identifier et développer des contre-mesures qui pourront être utilisées au moment de la survenue d’une épidémie.

Notre programme d’actions développé est articulé autour d’un axe transverse décliné en cinq objectifs : 1) accélérer les connaissances de manière coordonnée et décloisonnée ; 2) former les professionnels de santé et les acteurs industriels, et réviser l’enseignement des étudiants pour que ceux-ci acquièrent des compétences robustes, notamment dans les domaines de la vaccinologie, de la virologie structurale et de l’immunologie fondamentale et appliquée ; 3) renforcer les infrastructures et les réseaux ; 4) mettre en place une stratégie de préparation et de réponse pour limiter les effets des émergences épidémiques, et ce avec l’ensemble des institutions et partenaires de recherche, de manière coordonnée ; 5) dynamiser les innovations technique et thérapeutique.

L’ensemble, avec une approche multi-institutionnelle, impliquant les communautés et les associations de patients, doit contribuer à l’établissement de stratégies allant de la prévention à la gestion des maladies infectieuses qui soient efficaces, durables, acceptables, et adaptatives. Ces stratégies devront être évaluées selon plusieurs critères prédéfinis pour ne retenir que celles qui apporteront une solution efficace. Pour un impact maximal, il conviendra de travailler à l’articulation de ces stratégies avec les politiques publiques mises en œuvre, en particulier en matière de santé, de recherche, d’’éducation, et de soutien à l’économie. Cela devrait constituer un cas d’école de stratégie intersectorielle à l’échelle de l’État.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes