Vignette (© Plastic_surgery_its_principles_and_practice_[1919], DR).
Med Sci (Paris). 38(6-7): 562–569. doi: 10.1051/medsci/2022082.Principe et applicabilité de la chirurgie de précision aux cancers de la tête et du cou 1UR7516 CHIMERE (Chirurgie, imagerie et régénération tissulaire de l’extrémité céphalique), université de Picardie Jules Verne
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France 2Institut Faire Face, CHU Amiens
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80054Amiens
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France 3Service de biochimie, Centre de biologie humaine, CHU Amiens
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80054Amiens
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France 4Service d’anesthésie réanimation, CHU Amiens
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80054Amiens
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France 5Service d’anatomopathologie, CHU Amiens
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80054Amiens
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France 6Service de radiologie et imagerie médicale, CHU Amiens
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80054Amiens
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France 7Service de chirurgie maxillo-faciale, CHU Amiens
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80054Amiens
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France Corresponding author. | ||
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La chirurgie constitue à ce jour la modalité de traitement la plus fréquemment proposée aux patients atteints de cancer [ 1 ]. Les progrès de l’imagerie et de la biologie devraient encore augmenter le recours à la chirurgie pour les cancers à l’horizon 2030 [ 1 ]. Au cours de la dernière décennie, ces progrès ont permis l’émergence de procédures de moins en moins invasives, dites mini-invasives, et la chirurgie des cancers est aujourd’hui bien intégrée dans la logique de stratification thérapeutique reposant sur des biomarqueurs [ 2 ]. Dans cette synthèse, nous utilisons le terme « chirurgie de précision » pour désigner une chirurgie personnalisée, adossée à l’analyse de la biologie tumorale à la façon de la médecine de précision utilisée pour le traitement des cancers [ 2 ]. Même s’il existe encore peu d’exemples de situations où la biologie tumorale guide les indications, la conduite ou le suivi d’une exérèse tumorale chirurgicale, des progrès récents concourent à créer des conditions propices à l’avènement d’une véritable chirurgie de précision des cancers. Nous nous proposons ici d’aborder ces progrès dans le contexte de la chirurgie des cancers de la tête et du cou. L’étude de systèmes de la biologie tumorale a récemment progressé grâce à la généralisation des approches de génomique, rendues toujours plus puissantes, et dont le champ d’application s’est constamment étendu [ 3 ] ( → ) ( Figure 1 ) . Les données génomiques issues des séquençages d’ADN et d’ARN sont de plus en plus accessibles pour un grand nombre de tumeurs opérables chirurgicalement. L’émergence d’atlas comme le TCGA ( The Cancer Genome Atlas ) permet aujourd’hui un accès libre aux données de génomique et de protéomique, et donc d’envisager une nouvelle taxonomie moléculaire des tumeurs [ 4 , 5 ]. Grâce aux développements des techniques fondées sur l’analyse des acides nucléiques libérés par les cellules tumorales, il devient également envisageable de « sonder » de façon non invasive, par biopsies liquides, le génome tumoral, en particulier en amont de la procédure chirurgicale [ 6 , 7 ]. La montée en puissance des traitements ciblés a par ailleurs constitué une avancée conceptuelle majeure. Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ont, par exemple, été récemment testés comme traitement néoadjuvant, c’est-à-dire en amont de la chirurgie, avec des premiers résultats prometteurs [ 8 , 9 ]. Ces progrès permettent ainsi d’envisager le recours plus systématique aux analyses biologiques tumorales en amont des procédures chirurgicales.
(→) Voir la Chronique génomique de B. Jordan, m/s n° 10, octobre 2017, page 905 Après une brève présentation des cancers de la tête et du cou, nous présentons plusieurs travaux suggérant que la biologie tumorale conditionne l’issue des procédures chirurgicales, ouvrant la voie à une chirurgie de précision de ces cancers. | ||
Le statut HPV, un paramètre biologique influant sur la prise en charge des cancers de la tête et du cou Les tumeurs de la tête et du cou apparaissent aux dépends des épithéliums des voies aéro-digestives supérieures. Ils présentent le plus souvent une histologie épidermoïde 1, [ 5 ]. Ces tumeurs, appelées carcinomes épidermoïdes tête & cou (CETC), apparaissent typiquement dans la cavité orale, au niveau du larynx ou de l’hypopharynx, dans un contexte d’exposition chronique alcoolo-tabagique. L’infection chronique par certaines souches oncogéniques de papillomavirus humains (HPV, pour human papilloma virus ) favorise également l’apparition de ces tumeurs au niveau de l’oropharynx [ 5 ]. Les problèmes cliniques complexes que posent ces CETC sont le sujet d’une récente revue [ 10 ] que nous résumons ici. La chirurgie primaire a classiquement pour but l’exérèse tumorale complète, avec la contrainte de limiter au maximum les conséquences de ces résections afin de préserver la phonation et la déglutition, et les possibilités d’interactions sociales des patients opérés [ 10 ]. Lorsque l’imagerie ou les constatations anatomopathologiques réalisées sur la pièce tumorale réséquée indiquent un risque fort de récidive, des traitements adjuvants sont proposés (radiothérapie, radiochimiothérapie, immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire) [ 10 ]. Au-delà de la complexité inhérente à la réalisation du geste chirurgical, une des difficultés de la chirurgie tient à l’existence de multiples procédures, techniques et approches appliquées. L’utilisation d’une approche mini-invasive, comme l’approche transorale 2, appliquée pour la résection d’un cancer oropharyngé sans atteinte ganglionnaire (cN0), peut se concevoir, mais son application requiert une stratification tumorale initiale optimale, pour éviter des « reprises » chirurgicales, compliquées pour le patient et in fine, potentiellement contre-productives [ 6 ]. Il est donc important d’appréhender en amont de la chirurgie, l’agressivité des CETC et de standardiser les pratiques. La caractérisation génomique des CETC a confirmé la singularité des cancers oropharyngés qui sont associés à une infection chronique par certains papillomavirus [ 4 , 5 ]. En effet, les tumeurs associées à cette infection par HPV présentent un ensemble d’anomalies génomiques particulier. La présentation clinique et le pronostic de ces tumeurs diffèrent également de celui des autres CETC. Ces cancers sont retrouvés chez des individus souvent jeunes et sont plus fréquemment associés à une extension ganglionnaire. Ils sont néanmoins de meilleur pronostic et répondent sans doute mieux aux traitements généraux [ 10 ]. La détermination du statut HPV du patient, réalisée par l’examen histologique des échantillons tumoraux (avec une recherche de la protéine p16 INK4A , marqueur des cellules infectées), est un progrès pour la prise en charge des tumeurs de l’oropharynx. Une nouvelle version du TNM 3, (la 8 e ) prend en compte cette caractéristique infectieuse, comme la profondeur d’invasion de la tumeur [ 10 ]. Le statut HPV ne constitue, à ce jour, qu’un paramètre pronostique, et il n’est pas encore considéré comme utile en tant que paramètre prédictif. Il ne permet ainsi pas de choisir entre une chirurgie ou une radiothérapie de première intention, ou de proposer une désescalade thérapeutique [ 10 ]. Pour autant, le statut HPV qui est utilisé désormais en clinique, illustre l’intérêt croissant que peuvent présenter les analyses de la biologie tumorale pour guider la thérapeutique des CETC. | ||
Analyser la biologie tumorale pour aider à définir certaines indications chirurgicales et le choix des procédures L’existence au niveau de la cavité orale d’états potentiellement malins pose des problèmes diagnostiques et thérapeutiques aigus [ 11 ]. Ces états sont en effet détectés avec une fréquence non négligeable dans la population générale, et sont associés à un risque faible, mais non négligeable de transformation maligne [ 11 ]. En raison de l’étendue des lésions, les réséquer ou en réaliser l’analyse histologique détaillée n’est pas envisageable systématiquement. Actuellement, une surveillance clinique régulière est ainsi recommandée [ 11 ]. La mise au point d’un diagnostic biologique objectif de malignité serait donc un avantage majeur pour cibler les patients candidats à une exérèse. Différentes stratégies peuvent être appliquées selon le type d’anomalie détectée : mutations ou altérations du nombre de copies de gènes, profils transcriptomiques, ou marques épigénétiques [ 7 ]. Une analyse transcriptomique pourrait, par exemple, aider à caractériser l’infiltrat inflammatoire, spécifique lors du développement malin de la tumeur [ 12 ]. L’analyse épigénétique est également très prometteuse. L’épigénétique est sans doute en effet très étroitement associée au phénotype de malignité : une analyse non invasive des marques de méthylation de l’ADN est possible en utilisant des approches fondées sur le séquençage haut-débit après modification de l’ADN par le méthylbisulfite, ou sur l’amplification de séquences par PCR ( polymerase chain reaction ) [ 13 ]. Récemment, l’analyse de la taille des fragments d’ADN libre circulant, que l’on nomme fragmentomique, a permis d’évaluer la compaction de la chromatine, qui est une modalité de contrôle épigénétique de l’expression des gènes [ 14 ]. Ces analyses, possibles à partir d’un prélèvement sanguin ou salivaire, non invasif, pourraient aider à définir le risque de malignité et ainsi orienter les indications de résection chirurgicale. L’analyse de la biologie tumorale pourrait également aider à anticiper certains échecs « prévisibles » de la chirurgie, évitant ainsi des résections inutiles. Un bilan de résécabilité réalisé en amont de la chirurgie permet de prédire les chances de la chirurgie pour aboutir à une résection de la tumeur avec des marges de tissus sains (R0). Nous avons utilisé les données du TCGA afin d’estimer l’existence possible d’un lien entre la mise en évidence de marges chirurgicales envahies, et l’analyse biologique des CETC selon leurs localisations [ 15 ]. Dans une localisation tumorale primaire (les cancers de la langue), un profil d’expression de trois gènes ( CCDC66 [coiled-coil domain-containing 66], ZRANB2 [zinc finger RANBP2-type containing 2], VCPKMT [valosin-containing protein lysine methyltransferase] ) codant des protéines encore peu étudiées et dont les fonctions sont essentiellement prédites in silico , est ainsi apparu très significativement associé au statut de « marges envahies ». Ce profil d’expression de gènes a pu être relié à l’envahissement des marges, avec une bonne performance, indépendamment du score TNM [ 15 ]. À l’examen anatomopathologique, les cancers de la langue portant cette signature présentaient des niveaux de prolifération importante, un stroma relativement pauvre et une croissance avec infiltrations [ 15 ]. Cette première étude, qui nécessite d’être confirmée, suggère que l’analyse biologique tumorale pourrait être une aide à la définition de la résécabilité pour certaines tumeurs linguales. Prédire cet échec de l’exérèse permettrait alors, peut-être, d’éviter des résections délétères pour le patient et de privilégier des traitements plus généraux et moins destructeurs. Au-delà de la stricte décision, positive ou négative, d’indications de résections chirurgicales, l’analyse de la biologie tumorale pourrait être une aide dans le choix de la procédure chirurgicale envisagée, par exemple, pour de petites tumeurs sans extension lymphatique apparente [ 6 ]. Dans ces situations, il est possible de proposer une chirurgie mini-invasive et de remplacer un curage ganglionnaire par une simple surveillance. En l’absence d’extension ganglionnaire apparente, les tumeurs oropharyngées sont candidates pour une résection transorale. L’approche mini-invasive impose néanmoins de consolider la stratification des tumeurs cN0 car elle est associée au risque de devoir « reprendre » la chirurgie mini-invasive avec une chirurgie classique, par cervicotomie, éventuellement suivie d’une radiochimiothérapie adjuvante. Pour éviter des approches chirurgicales mini-invasives qui aboutiraient à des parcours patients complexes, voire potentiellement dangereux, le diagnostic de non-extension ganglionnaire nécessite d’être fiable [ 6 ]. Certaines analyses moléculaires des tumeurs, possédant une valeur prédictive négative, pourraient ainsi être utiles. Afin de consolider les conclusions obtenues par imagerie, il pourrait être intéressant d’évaluer les variations du nombre de copies de gènes dans l’ADN circulant, l’invasion ganglionnaire étant très liée à l’instabilité génomique [ 16 ]. Idéalement, une confirmation biologique du statut cN0 permettrait alors peut-être de limiter l’intervention chirurgicale à la localisation primaire, en remplaçant le curage ganglionnaire par une surveillance clinique. | ||
La période péri-opératoire recouvre les jours, voire les semaines, qui entourent la réalisation de l’acte chirurgical [ 17 , 18 ]. Biologiquement, cette période est rendue complexe par les différentes interventions médicales réalisées chez le patient plus ou moins simultanément : exposition à des agents anesthésiques, à un traitement antibiotique ou à des anticoagulants. L’acte chirurgical, en lui-même, a des effets sur la réponse inflammatoire, sur la cicatrisation, ou sur l’activation du processus de coagulation, qui s’ajoutent à la mobilisation de la tumeur et des tissus environnants, et aux éventuelles comorbidités (fragilité des patients, éventuelle obésité, etc.) ( Figure 2 ) . Sans ignorer ces multiples paramètres, la prise en charge chirurgicale actuelle des CETC méconnait leur impact sur les cellules cancéreuses et le microenvironnement tumoral. Cette absence de prise en compte pourrait pourtant expliquer pourquoi même une résection tumorale parfaitement réalisée techniquement n’empêche pas totalement les récidives. Partant du constat que la multitude des mécanismes biologiques compliquait la prédiction de l’issue de la chirurgie, et notamment les récidives tumorales, la période péri-opératoire a ainsi été comparée à une « roulette russe » [ 17 ].
L’étude du coagulome tumoral (le terme coagulome refléte l’étude des gènes codant les acteurs de la coagulation et de la fibrinolyse) révèle la complexité de cette période, mais illustre aussi les opportunités offertes par l’étude de la biologie de système des tumeurs humaines [ 19 , 20 ] ( Figure 3 ) .
La coagulation consiste en une cascade biochimique essentielle à l’hémostase, avec l’activation de la thrombine, une protéase qui clive le fibrinogène en fibrine et assure sa polymérisation [ 19 ]. La formation d’un caillot de fibrine suite à un saignement aigu est une étape précoce importante de la réparation tissulaire. La fibrinolyse, essentiellement assurée par la plasmine, permet ensuite le remodelage tissulaire et les étapes finales de la réparation. L’existence quasi-constante d’états hypercoagulants associés aux tumeurs, de même que la fréquence élevée des complications thromboemboliques systémiques pour certains types de tumeurs, ont été très tôt décrites [ 21 ]. En provoquant inévitablement des saignements, la chirurgie active le processus de coagulation. La prévention des complications thromboemboliques impose d’ailleurs chez les patients opérés une thromboprophylaxie (par traitement par HBPM, ou héparines de bas poids moléculaire) [ 21 ]. L’analyse des coagulomes de différents types de tumeurs humaines a révélé leur extrême variabilité ( Figure 3 ) . Les tumeurs épidermoïdes de la cavité orale sont les tumeurs qui expriment (en moyenne) les plus hauts niveaux du gène F3 codant le facteur tissulaire ( tissue factor ), le principal activateur de la coagulation [ 19 ]. L’activation locale de la coagulation confère au tissu plusieurs propriétés physiques qui sont retrouvées dans le microenvironnement tumoral (hypoxie, fibrose, pression interstitielle élevée, formation d’une barrière contre l’attaque des cellules immunitaires) [ 20 ]. La coagulation pourrait ainsi moduler le comportement des cellules tumorales, surtout après l’intervention chirurgicale ( Figure 3 ) . Les protéases participant à la coagulation, comme la thrombine, interagissent avec des récepteurs spécifiques, tels que les PAR ( protease-activated receptor ), PAR1-4, qui sont présents à la surface des cellules cancéreuses et de certains types cellulaires du microenvironnement tumoral (les plaquettes, les fibroblastes et les cellules monocytaires/macrophagiques). Les mécanismes par lesquels l’activation de la coagulation module le microenvironnement tumoral, et les conséquences sur la tumeur, ont fait l’objet d’une revue détaillée [ 20 ]. L’hétérogénéité des coagulomes tumoraux, en fonction des types de tumeurs mais aussi selon chaque tumeur prise individuellement, suggère que chaque cancer pourrait répondre de façon différente à l’activation de la coagulation induite par la chirurgie. Apprécier de façon précise, pour chaque patient, les conséquences de la chirurgie sur le tissu tumoral permettrait donc de proposer une prise en charge péri-opératoire optimisée, conçue pour être plus efficacement anti-tumorale [ 20 ]. Les biomarqueurs de la coagulation pourraient ainsi trouver un intérêt pour apprécier le risque de récidive post-chirurgicale des cancers de la tête et du cou, comme cela est suggéré par des études récentes [ 22 , 23 ]. | ||
Actuellement, l’évaluation de l’agressivité des tumeurs de la tête et du cou, utile à la détermination du risque de récidive, repose sur l’imagerie, puis, après la chirurgie, sur l’examen anatomopathologique de la pièce réséquée [ 24 ]. L’invasion angiolymphatique et la rupture capsulaire ganglionnaire sont des critères d’agressivité tumorale reconnus, auxquels sont adjoints la recherche de l’invasion périneurale (une présentation anatomopathologique agressive de la tumeur qui engaine certaines fibres nerveuses [ 25 ]) ou la mesure de la profondeur d’invasion de la tumeur. Des études ont révélé une corrélation entre les analyses transcriptomiques du tissu tumoral et les paramètres histologiques de gravité, montrant l’applicabilité de ces méthodes pour l’évaluation de l’invasion angiolymphatique, pour l’examen de la rupture capsulaire ganglionnaire, ou pour l’estimation du pronostic et du risque de récidive après un traitement combiné (chirurgie associée à une radio(chimio) thérapie adjuvante) [ 26 – 29 ]. L’étude de l’invasion périneurale (IPN) illustre le potentiel des analyses moléculaires pour standardiser les pratiques chirurgicales, et éventuellement aider à prédire les récidives post-chirurgicales des tumeurs [ 30 ]. Sur la base des données du TCGA, nous avons proposé pour les CETC une signature d’expression de gènes associée à l’IPN et adaptée à l’examen standardisé de cette présentation histologique agressive [ 30 ]. L’analyse de cette signature a permis de montrer sa spécificité : les profils de gènes associés à l’IPN sont distincts de ceux associés à l’invasion angiolymphatique. Surtout, les profils liés à l’IPN sont détectés dans 15 % des tumeurs opérées sans évidence de critères de risque de récidive « forts » (rupture capsulaire ganglionnaire ou marges chirurgicales envahies). Pourtant, les patients porteurs de tumeurs présentant le « profil IPN » sont plus susceptibles aux récidives et présentent une mortalité globale plus importante, suggérant l’intérêt d’évaluer cette signature pour anticiper les récurrences tumorales post-chirurgicales [ 30 ]. Au-delà de l’IPN, les études de génomique permettent d’aborder une grande variété de facettes de la biologie tumorale. Les études de systèmes offrent un champ large pour aborder la contribution des différentes composantes du microenvironnement tumoral et recouper ces connaissances avec celles issues de la période péri-opératoire. En plus de leur intérêt fondamental pour comprendre la récidive, ces études permettent d’identifier de potentiels biomarqueurs [ 6 ]. L’analyse moléculaire des marges chirurgicales et la recherche d’une maladie résiduelle constituent une perspective prometteuse [ 31 , 32 ]. Du fait des difficultés de l’échantillonnage et de la réalisation non standardisée de l’examen anatomopathologique, l’étude des marges chirurgicales est un exercice compliqué. Nous n’aborderons pas ici les multiples stratégies qui pourraient permettre de réaliser une chirurgie « augmentée », fondée par exemple sur la mesure de la fluorescence tissulaire, sur la recherche des anomalies vasculaires ou sur les profils biomoléculaires analysés par spectrométrie de masse [ 33 ]. Une étude moléculaire des marges pourrait permettre de détecter plus efficacement les cellules cancéreuses résiduelles. Comme pour le diagnostic des états potentiellement malins, la nature des anomalies génomiques qui sont susceptibles d’être recherchées (génome viral pour les cancers HPV, altérations génomiques ou épigénétiques) est le sujet de discussions [ 32 ]. Le temps et la lourdeur des analyses moléculaires constituent un obstacle à la réalisation extemporanée de l’analyse moléculaire des marges. Ce type d’analyses pourrait par contre avoir un intérêt comme outil pour l’évaluation carcinologique objective des procédures chirurgicales et péri-opératoires. Les techniques de détection d’ADN libre peuvent être appliquées dans le cas de l’ADN de tumeur, celui-ci pouvant circuler dans le sang, ou être présent dans la salive ou d’autres fluides biologiques [ 34 , 35 ]. L’application de ces techniques de biopsies liquides permet d’envisager l’extension du concept de maladie résiduelle de l’oncohématologie à la carcinologie cervico-faciale [ 36 – 38 ]. En offrant la possibilité d’identifier rapidement les récidives cancéreuses après une chirurgie, ce type d’analyses pourrait avoir un impact thérapeutique important pour les patients opérés [ 7 ]. Il reste néanmoins à réaliser des progrès pour uniformiser les pratiques et dégager un consensus concernant les types d’altérations génomiques susceptibles de produire un résultat prédictif qui soit fiable dans le contexte chirurgical. | ||
Les études que nous avons présentées montrent la variété des situations au cours desquelles la prise en compte de la biologie tumorale pourrait améliorer la résection chirurgicale des CETC ( Figure 4 ) . Ces études sont, pour la plupart, encore préliminaires, apportant plus une preuve de principe que l’identification de biomarqueurs cliniquement transposables. Des efforts importants de validation et de standardisation des analyses moléculaires restent à réaliser, surtout à l’heure où les concepts de biopsie liquide et d’explorations mini-invasives tendent à se généraliser [ 7 ]. Une meilleure connaissance fondamentale des évènements moléculaires et des trajectoires empruntées par la transformation maligne aidera à définir les modalités optimales de détection des cellules cancéreuses.
L’interaction entre biologie tumorale et issue du geste chirurgical reste un domaine de recherche peu exploré, en particulier par rapport aux efforts de recherche réalisés en ce qui concerne les traitements médicaux des tumeurs avancées et métastatiques [ 1 ]. Les résultats prometteurs des traitements médicaux néoadjuvants, et notamment l’utilisation des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire [ 39 , 40 ] dans le contexte de la chirurgie, offrent des raisons d’espérer un regain d’intérêt. D’un point de vue clinique, l’apport de ces inhibiteurs administrés comme traitements néoadjuvants reste cependant à démontrer. Ils pourraient aider à limiter l’effet pro-disséminant tumoral de la chirurgie [ 8 , 9 ]. Notons que l’utilisation de ces traitements néoadjuvants apporte un nouvel éclairage sur la période péri-opératoire en questionnant le dogme de la résection tumorale aussi rapide que possible. Ils devraient finalement aider les recherches sur les CETC en facilitant la réalisation d’études moléculaires sur les pièces chirurgicales réséquées [ 41 ]. | ||
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article. | ||
Nous remercions Floriane Racine pour sa relecture critique du manuscrit. Les auteurs tiennent par ailleurs à remercier le CHU Amiens Picardie et la Ligue contre le cancer, comité de la Somme, pour leur soutien à nos recherches. | ||
3
Classification internationale qui permet de rendre compte du stade d’un cancer. La lettre T est l’initiale de tumeur et correspond à la taille de la tumeur ; la lettre N est l’initiale de
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qui signifie ganglion en anglais et indique si des ganglions lymphatiques ont été ou non envahis ; la lettre M est l’initiale de métastase et signale la présence ou l’absence de métastases.
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