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Med Sci (Paris). 38: 44–45. doi: 10.1051/medsci/2022180.Myopathies inflammatoires et anoctaminopathies Les points-clés pour éviter les erreurs diagnostiques 1Centre de référence des maladies neuromusculaires et de la SLA, CHU La Timone
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France Corresponding author. MeSH keywords: Humains, Myosite, Erreurs de diagnostic, Maladies musculaires, diagnostic, génétique | ||
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Les myopathies inflammatoires constituent un sous-groupe de maladies musculaires très hétérogènes par leur présentation clinique, leur profil histologique et sérologique, leur association ou non à des manifestations extra-musculaires, et par leur réponse au traitement. À ce jour, la stratégie thérapeutique dans ces myopathies repose davantage sur des recommandations d’experts plutôt que sur des conclusions d’essais de phase 3. Un certain nombre de ces affections sont, de plus, résistantes à une ou plusieurs lignes thérapeutiques. Cependant, l’absence de réponse aux traitements immunosuppresseurs classiques constitue un drapeau rouge devant amener le clinicien à remettre en question le diagnostic initial de myopathie inflammatoire. La dystrophie musculaire des ceintures de type R12 liée à l’anoctamine-5 (ex-LGMD 2L ou anoctaminopathie) est une affection autosomique récessive causée par des variants pathologiques du gène ANO5 . Les présentations cliniques associées à cette dystrophie musculaires sont variées, allant d’une hyperCKémie chronique asymptomatique jusqu’à des myalgies d’effort combinées ou non à une faiblesse musculaire proximale et/ou distale. Le début est habituellement tardif, avec un pic autour de 35 ans chez l’adulte. Dans l’article cité en référence [ 1 ], Marago et al . présentent quatre observations de patients ayant une LGMDR12 prouvée chez qui un diagnostic erroné de myopathie inflammatoire avait été initialement porté. Il s’agissait de trois hommes et d’une femme, sans antécédents familiaux de maladie musculaire, âgés en moyenne de 51 ans (37-72) ; un patient présentait une intolérance à l’effort, deux patients avaient des myalgies permanentes, et un patient présentait une faiblesse à nette prédominance distale. Les taux de CPK variaient de 1 345 jusqu’à 6 375 UI/L. La prise de corticoïdes a permis de diminuer le taux de CPK chez certains. Les auto-anticorps spécifiques des myosites étaient absents à l’exception d’un patient chez qui la présence d’anti-Mi2 s’est avérée être un faux positif. L’IRM musculaire mettait en évidence des signes variables d’infiltration fibro-adipeuse, d’atrophie et d’œdème musculaire, prédominant sur la face postérieure des cuisses et des jambes. Les biopsies musculaires mettaient en évidence des signes aspécifiques d’atteinte myopathique, sans infiltrat inflammatoire. Cependant, chez deux patients, on retrouvait une surexpression focale de l’HLA de classe I faisant évoquer une myopathie nécrosante auto immune. Tous les patients ont reçu plusieurs lignes de traitements immunosuppresseurs sans efficacité aboutissant à un retard diagnostique important, allant jusqu’à 15 ans pour l’un d’entre eux. Commentaire
Certaines maladies musculaires génétiquement déterminées constituent des diagnostics différentiels importants des myopathies inflammatoires. Parmi celles-ci, on peut citer plus particulièrement certaines dystrophies musculaires comme les dysferlinopathies, les calpainopathies, ou les dystrophies musculaires facio-scapulo-humérales (FSHD1 et FSHD2), et des myopathies métaboliques comme la maladie de McArdle ou la maladie de Pompe [
2
]. Les observations de Marago
et al.
rappellent que l’anoctaminopathie (LGMDR12) peut également mimer une myopathie inflammatoire. Ces travaux ont aussi le mérite de relever quelques pièges diagnostiques ayant contribué à un diagnostic erroné.
Les anoctaminopathies sont des affections lentement progressives, volontiers asymétriques, touchant de manière prédominante les membres inférieurs. Tout comme les dysferlinopathies dont le phénotype est assez proche, avec toutefois un âge de début plus précoce, cette forme de dystrophie musculaire autosomique récessive s’accompagne fréquemment d’une atteinte distale parfois au premier plan. Dans les cas d’anoctaminopathie inclus dans l’étude, le caractère distal et/ou sélectif et/ou asymétrique de l’atteinte musculaire clinique et à l’IRM musculaire aurait pu/dû orienter d’emblée vers ce diagnostic. Dans le même ordre d’idée, un article de Hauw et al. signalait en 2021 que 3,2 % de patients atteints de neuropathie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) avaient été diagnostiqués et traités initialement comme une polyradiculoneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique (CIDP) au sein d’une cohorte de 1 104 patients français diagnostiqués [ 3 ]. Le surcoût de ces patients traités à tort avait été évalué à 4,6 millions d’euros alors que le coût de l’analyse génétique, si celle-ci avait été réalisée plus systématiquement, était estimé à 2,7 millions. Sans faire d’analogie directe entre ces deux cadres diagnostiques, il serait probablement intéressant de proposer plus précocement l’avis d’un centre de référence expert en pathologie neuromusculaire et d’analyser un panel de gènes de dystrophies musculaires devant toute myopathie inflammatoire résistant au traitement. | ||
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article. | ||
1.
Marago
I
,
Roberts
M
,
Roncaroli
F
,
et al.
Limb girdle muscular dystrophy R12 (LGMD 2L, anoctaminopathy) mimicking idiopathic inflammatory myopathy: key points to prevent misdiagnosis.
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Rheumatology.
2022;
;
61
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:1645.
–
1650
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