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Med Sci (Paris). 39(4): 325–327.
doi: 10.1051/medsci/2023040.

La forme répressive de GLI3 produite dans le cil primaire des cellules souches musculaires contrôle leur état de quiescence

Marie-Claude Sincennes1 and Caroline E. Brun2*

1Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), unité de recherche mixte INRS-UQAC en santé durable , Laval , Canada
2Institut NeuroMyoGène – Physiopathologie et génétique du neurone et du muscle (INMG-PGNM), CNRS UMR5261, Inserm U1315, université Claude Bernard Lyon 1 , Lyon , France
Corresponding author.

MeSH keywords: Humains, Cils vibratiles, Facteurs de transcription Krüppel-like, Transduction du signal, Muscles, Cellules souches, Protéines Hedgehog, Protéine à doigts de zinc Gli3, Protéines de tissu nerveux, physiologie, métabolisme

 

Les cellules satellites sont les cellules souches musculaires matures qui permettent la régénération du muscle squelettique après une lésion tissulaire [ 1 ]. Alors que les cellules satellites du muscle sain sont dans un état de dormance réversible ou quiescence, une blessure musculaire conduit à leur activation, c’est-à-dire à leur entrée dans le cycle cellulaire. Une fois activées, les cellules satellites prolifèrent rapidement. La grande majorité de ces cellules se différencient en progéniteurs myogéniques, ou myoblastes, qui fusionneront ensuite pour reformer des fibres musculaires. En parallèle, une petite proportion des cellules satellites activées s’auto-renouvellent et redeviennent quiescentes, ce qui maintient le stock des cellules souches ( Figure 1A ) . Lorsque les propriétés de quiescence, de prolifération, d’auto-renouvellement ou de différenciation des cellules satellites sont compromises, la régénération musculaire est altérée.

Il existe deux phases de quiescence, appelées G 0 et G Alert , qui se distinguent par l’activation du complexe protéique mTORC1 ( mechanistic target of rapamycin complex 1 ) [ 2 ]. Les cellules satellites en phase G Alert ont une taille supérieure à celle des cellules en phase G 0 , ainsi qu’une légère augmentation de leur masse mitochondriale et de la synthèse d’ARN. Ces caractéristiques leur confèrent une meilleure capacité d’activation et permettent d’accélérer la régénération d’un muscle endommagé. Les cellules satellites quiescentes en phase G Alert sont observées à distance d’une lésion tissulaire à la suite de la libération de facteurs circulants par cette dernière. À ce jour, seuls quelques facteurs tels que HGFA ( hepatocyte growth factor activator ) [ 3 ] ou HMGB1 ( high mobility group box protein 1 ) [ 4 ], et certains polluants tels que la TCDD (2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine) [ 5 ] ont démontré leur capacité à promouvoir la transition des cellules satellites vers l’état G Alert .

Les cellules satellites quiescentes possèdent un cil primaire, dont la présence est contrôlée de façon dynamique : après une lésion musculaire, le cil primaire est résorbé lors de l’activation de la cellule satellite, et il se reforme dans les cellules satellites vouées à l’auto-renouvellement ( Figure 1B ) [ 6 ]. La formation et la résorption du cil primaire, qui est présent à la surface de la plupart des cellules des vertébrés en phase G 0 , sont synchronisées avec le cycle cellulaire [ 7 ] ( ).

(→) Voir la Synthèse de N. Delgehyr et N. Spassky, m/s n° 11, novembre 2014, page 976

Ce cil agit comme une antenne cellulaire permettant la transmission de signaux activant de nombreuses voies de signalisation contrôlant le destin cellulaire. En particulier, le cil primaire est le site privilégié de la transduction de la voie de signalisation impliquant Hedgehog (Hh), puisqu’il contrôle notamment l’activité transcriptionnelle du facteur GLI3 [ 8 ]. En effet, en l’absence de signal Hh extrinsèque, la protéine GLI3 subit des modifications post-traductionnelles dans le cil primaire, ce qui la transforme en un répresseur transcriptionnel de la voie Hh. Lorsque le cil primaire n’est plus présent, les modifications post-traductionnelles de GLI3 ne se produisent plus, et l’expression de la forme répressive de cette protéine diminue fortement.

Nous avons découvert que la régulation du facteur de transcription GLI3 par le cil primaire joue un rôle majeur dans le contrôle de la quiescence et de la prolifération des cellules souches musculaires [ 9 ]. Nous avons d’abord montré que la forme répressive de GLI3 (GLI3R) est abondante dans les cellules satellites quiescentes, qui possèdent un cil primaire, tandis que les progéniteurs myogéniques en train de proliférer, qui n’en possèdent que rarement, ne contiennent que de faibles quantités de GLI3R. Quant aux myofibres (cellules musculaires différenciées et fusionnées), elles ne contiennent pas de GLI3R. Nous avons alors fait l’hypothèse que GLI3R, dont la présence dépend de celle du cil primaire, pourrait contrôler la quiescence des cellules satellites.

Pour valider cette hypothèse, nous avons produit des souris mutantes chez lesquelles le gène Gli3 est inactivé spécifiquement dans les cellules satellites par une injection de tamoxifène. En absence de lésion musculaire et donc de facteurs extrinsèques, cette inactivation ciblée du gène Gli3 conduit à la transition des cellules satellites quiescentes de la phase G 0 vers la phase G Alert  : les cellules satellites de ces souris sont de plus grande taille, synthétisent plus d’ARN et ont une masse mitochondriale plus grande que celles des cellules satellites de souris témoins. Cependant, elles demeurent quiescentes et conservent leur cil primaire. Enfin, en cas de lésion tissulaire, les cellules satellites mutées ( Gli3 Δ / Δ) entrent dans le cycle cellulaire plus rapidement que les cellules en phase G 0 . Bien que GLI3R soit faiblement exprimé dans les progéniteurs myogéniques, l’inactivation ciblée du gène Gli3 suffit à augmenter leur capacité de proliférer. Ainsi, la régénération du muscle squelettique induite par l’injection d’un agent myonécrotique, la cardiotoxine, est nettement améliorée chez les souris mutantes par rapport aux souris témoins : les cellules satellites Gli3 Δ / Δ s’activent plus rapidement et prolifèrent davantage, ce qui aboutit à la régénération d’un muscle squelettique dont le calibre des myofibres et le stock de cellules souches sont augmentés.

Nous avons ensuite analysé le transcriptome des cellules satellites Gli3 Δ / Δ quiescentes et activées, et avons montré que les gènes surexprimés en l’absence de GLI3 sont principalement associés à la réponse cellulaire au glucose, à la signalisation par l’insuline et à la phosphorylation oxydante, tous ces processus étant liés à l’activité du complexe protéique mTORC1, dont l’implication dans la transition des cellules satellites quiescentes vers l’état G Alert et dans la prolifération des cellules satellites activées était déjà connue [ 2 , 10 ]. En accord avec les résultats de cette analyse transcriptomique, les cellules satellites Gli3 Δ / Δ présentent une forte augmentation du taux de phosphorylation de la protéine ribosomique S6, qui reflète l’activité du complexe mTORC1. Ainsi, nous avons suggéré que, dans la cellule satellite quiescente, l’activation du répresseur transcriptionnel GLI3 par le cil primaire prévient l’activation de la voie mTORC1 et maintient la cellule en phase G 0 .

Pour tenter de valider cette hypothèse, nous avons traité les cellules satellites Gli3 Δ / Δ avec la rapamycine, un puissant inhibiteur de la voie mTORC1, et avons montré que ce traitement « réverse » le phénotype de type G Alert des cellules Gli3 Δ / Δ : la quantité d’ARN et la masse mitochondriale reviennent au niveau basal observé dans des cellules témoins en phase G 0 . Le traitement des cellules satellites Gli3 Δ / Δ par la rapamycine prévient l’entrée précoce dans la phase G 1 du cycle cellulaire et diminue leur capacité de proliférer. Ce résultat montre que la signalisation mTORC1 est liée au contrôle de l’activité du facteur GLI3R par le cil primaire et est nécessaire au maintien de la quiescence et à la prévention de la prolifération excessive des cellules souches musculaires ( Figure 2 ) .

L’ensemble de ces résultats indiquent que l’activité répressive de GLI3 dépendante de la présence du cil primaire contrôle la transition entre les phases de quiescence G 0 et G Alert des cellules satellites [ 9 ]. Puisque l’état G Alert a aussi été observé dans d’autres types de cellules souches matures [ 2 ], Gli3 pourrait contrôler également les phases de quiescence de ces cellules. Enfin, la capacité accrue des cellules satellites dépourvues de GLI3 à réparer le muscle squelettique fait de ce répresseur transcriptionnel une cible de choix pour le développement de stratégies thérapeutiques ciblant les cellules souches musculaires en médecine régénérative.

Liens d’intérêt

Les auteures déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Dumont NA , Bentzinger CF , Sincennes MC , Rudnicki MA . Satellite cells and skeletal muscle regeneration. . Compr Physiol. 2015; ; 5 : :1027. – 1059 .
2.
Rodgers JT , King KY , Brett JO , et al. mTORC1 controls the adaptive transition of quiescent stem cells from G 0 to G Alert . . Nature. 2014; ; 510 : :393. – 396 .
3.
Rodgers JT , Schroeder MD , Ma C , Rando TA . HGFA is an injury-regulated systemic factor that induces the transition of stem cells into G Alert . . Cell Reports. 2017; ; 19 : :479. – 486 .
4.
Lee G , Espirito Santo AI , Zwingenberger S , et al. Fully reduced HMGB1 accelerates the regeneration of multiple tissues by transitioning stem cells to G Alert . . Proc Natl Acad Sci USA. 2018; ; 115 : :E4463. – E4472 .
5.
Der Vartanian A , Quetin M , Michineau S , et al. PAX3 confers functional heterogeneity in skeletal muscle stem cell responses to environmental stress. . Cell Stem Cell. 2019; ; 24 : (958–73) :e9. .
6.
Jaafar Marican NH , Cruz-Migoni SB , Borycki AG . Asymmetric distribution of primary cilia allocates satellite cells for self-renewal. . Stem Cell Reports. 2016; ; 6 : :789. – 805 .
7.
Delgehyr N , Spassky N . Cil primaire, cycle cellulaire et prolifération. . Med Sci (Paris). 2014; ; 30 : :976. – 979 .
8.
Bangs F , Anderson KV . Primary cilia and mammalian Hedgehog signaling. . Cold Spring Harb Perspect Biol. 2017; ; 9 : :a028175. .
9.
Brun CE , Sincennes MC , Lin AYT , et al . GLI3 regulates muscle stem cell entry into G Alert and self-renewal . . Nat Commun. 2022; ; 13 : :3961. .
10.
Rion N , Castets P , Lin S , et al. mTOR controls embryonic and adult myogenesis via mTORC1. . Development. 2019; ; 146 .