Politiques publiques : réglementation,
programmes et dispositifs
2012
17-
État des lieux sur le détournement
Les sources d’approvisionnement des médicaments psychotropes détournés, dans un objectif de mésusage ou dans un contexte de pharmacodépendance, sont multiples et peuvent intervenir à toutes les étapes de la distribution du médicament dans la population (Fountain et coll., 1997

et 2000

; Forgione et coll., 2001

; McCabe et Boyd, 2005

). Le détournement du médicament peut survenir très en amont, aux étapes précoces de sa fabrication (incluant le problème de la contrefaçon) ou de sa distribution, soit au niveau des consommateurs (patients, population) par le détournement de la prescription et/ou de la délivrance. Par ailleurs, depuis plusieurs années, certains de ces médicaments sont accessibles par Internet, leur provenance pouvant être la contrefaçon ou le détournement de distribution de véritables médicaments (Ghodse, 2010

).
Les sources de détournement potentielles peuvent être analysées selon leur origine : détournement de prescription et/ou de délivrance (nomadisme médical ou «
doctor shopping », nomadisme pharmaceutique ou «
pharmacy hopping », ordonnances falsifiées), cyberpharmacies et approvisionnement par Internet, production et contrefaçon. La première catégorie de sources d’approvisionnement est fortement soumise aux caractéristiques d’accessibilité des médicaments, qui peuvent varier d’un pays à l’autre (Fischer et coll., 2008

et 2010

), rendant parfois les comparaisons difficiles pour juger de l’importance du détournement d’un médicament donné. Ces sources d’approvisionnement seront en effet dépendantes du statut national du médicament (classement ou non sur un tableau ou une liste restrictive), de sa mise à disposition dans le circuit ambulatoire (avec ou sans restriction à des catégories de prescripteurs), et de sa prise en charge par le système d’assurance maladie (niveau de remboursement, ou catégories restrictives d’indication).
Détournement de prescription et/ou de délivrance
En dehors de l’expérience suédoise mise en place à la fin des années 1980 avec une collecte systématique et des échanges d’information entre pharmacies sur les falsifications d’ordonnance
1
Initialement, la vente au détail de médicaments en Suède était sous monopole d’État, assurée par le regroupement de l’ensemble des 900 pharmacies du territoire dans une institution publique nommée Apoteket AB (d’« Apoteksbolaget », société pharmaceutique en français). Ces pharmacies publiques travaillaient en réseau à la fois pour l’approvisionnement en médicaments, et pour les échanges sur leur activité (y compris les échanges d’information sur les problèmes de délivrance à la population, incluant les falsifications de prescription). Depuis le 1er juillet 2009, ce monopole gouvernemental a été levé, en réponse aux directives européennes sur le libre échange et les règles de concurrence. De fait, ce monopole d’État pour la délivrance des médicaments à la population existe encore à Cuba et en Corée du Nord, et également en Suède.
(Bergman et Griffiths, 1986

; Bergman et Dahl-Puustinen, 1989

), il n’existe pas ou peu de données systématisées au niveau international sur la part exacte que représente le détournement des prescriptions médicales comme source d’approvisionnement des médicaments détournés.
Cette question reste également posée en Amérique du Nord (principalement aux États-Unis, mais également au Canada), comme l’atteste la revue récente de Fisher sur les sources de détournement en Amérique du Nord (Fischer et coll., 2010

). Sans conteste, le mésusage, sous-entendu usage non médical, et l’abus de médicaments psychotropes (en particulier d’analgésiques opiacés, mais également de psychostimulants, et semble-t-il dans une moindre mesure qu’en France, d’anxiolytiques et d’hypnotiques) constituent une part importante et significative de l’abus de substances en termes de prévalence
2
Parmi la population américaine âgée de 12 ans ou plus, 12,6 % aurait utilisé un analgésique opiacé de façon détournée au moins une fois dans sa vie, 1,9 % dans le mois précédent et 0,6 % serait abuseur et/ou dépendant dans l’année précédente. Voir l’article : FORD JA, LACERENZA C. The Relationship Between Source of Diversion and Prescription Drug Misuse, Abuse, and Dependence. Subst Use Misuse 2011, 46 : 819-827. Epub 2010 Dec 21
et de conséquences délétères pour la santé publique sur le continent Nord-Américain (Compton et Volkow, 2006

;
Drug Enforcement Administration, 2009

; Popova et coll., 2009

; Hernandez et Nelson, 2010

; Organe International de Contrôle des Stupéfiants, 2010

).
Selon la
Drug Enforcement Administration (DEA)
3
Drug Enforcement Administration (DEA) : organe fédéral chargé du contrôle des stupéfiants et psychotropes aux États-Unis.
, le détournement des médicaments représentait aux États-Unis un marché annuel de plus de 25 milliards de dollars, et ce détournement interviendrait à toutes les étapes du processus de mise à disposition du médicament, du site de fabrication au grossiste répartiteur, au niveau du cabinet médical, des pharmacies de détail, ou du patient lui-même (
Global Safety Network, 2010a

et b

). Le phénomène s’avère particulièrement complexe et d’origine multiple, dans un environnement « écologique » caractérisé par un fort niveau de consommation médicamenteuse, avec une évolution croissante de cette consommation particulièrement marquée au décours des années 1990-2000 (Manchikanti, 2007

; Manchikanti et coll., 2010

). Selon Fischer et coll. (2010

), les mécanismes entrant en jeu sont multiples et complexes, incluant des sources très hétérogènes. De nombreuses études rapportent que la famille ou les pairs sont la principale source d’approvisionnement, notamment dans la population scolaire ou étudiante pour les psychostimulants (McCabe et Boyd, 2005

; Sussman et coll., 2006

). Ce phénomène s’inscrit en parallèle avec un quasi doublement entre 1994 et 2007 de la prescription de produits classés comme stupéfiants ou psychotropes par la DEA (analgésiques opiacés, stimulants, hypnotiques et sédatifs) chez les adolescents de 15 à 19 ans et les jeunes adultes de 20 à 29 ans (Fortuna et coll., 2010

). L’analyse de la
National Survey on Drug Use and Health (NSDUH) réalisée en 2008 (Ford et Lacerenza, 2011

) montre que la famille ou les amis constituent la source la plus constante et la plus importante pour le mésusage médicamenteux (54 % pour le mésusage des anxiolytiques, 51 % pour les analgésiques opiacés, 49 % pour les stimulants) (tableau 17.I

). Cependant, il convient d’être prudent dans l’interprétation de ces données (notamment en termes de prévalence), le « mésusage » étant défini par une réponse positive aux questions suivantes : « ce médicament ne vous a pas été prescrit », ou bien « vous avez pris ce médicament uniquement pour l’expérience ou l’effet qu’il procure ». Ainsi, un sujet ayant consommé un antalgique qui ne lui avait pas été prescrit pour une douleur aiguë due à une migraine ou suite à un traumatisme est défini comme un mésuseur dans le NSDUH.
Tableau 17.I Sources de détournement des médicaments rapportées dans l’étude NSDUH 2008 auprès d’un échantillon de 68 736 personnes de 12 ans et plus (d’après Ford et Lacerenza, 2011
)
|
Analgésiques
|
Stimulants
|
Anxiolytiques
|
Nombre de sujets « mésuseurs »a
|
3 871
|
774
|
1 534
|
Nombre moyen de jours de mésusageb
|
44,17
|
47,99
|
34,09
|
Abuseurs (%)
|
4,19
|
3,33
|
3,21
|
Dépendants (%)
|
10,40
|
9,59
|
4,28
|
Source de détournement (%)
| | | |
Obtenu d’un médecin
|
16,33
|
7,75
|
7,43
|
Obtenu illicitement d’un professionnel de santé
|
2,79
|
1,81
|
1,63
|
Obtenu gratuitement d’un parent ou ami
|
51,36
|
49,35
|
54,50
|
Acheté auprès d’un parent ou ami
|
11,13
|
19,51
|
16,17
|
Donné par un parent ou ami
|
7,52
|
6,59
|
6,39
|
Acheté à un dealer ou un étranger
|
6,48
|
9,56
|
10,10
|
Autre
|
4,39
|
5,43
|
3,78
|
a Répondants ayant rapporté un mésusage de médicaments de prescription au cours des 12 derniers mois. La question de la source de détournement a été uniquement posée à ces répondants ; b Nombre moyen de jours de mésusage chez les répondants ayant rapporté un mésusage de médicaments de prescription au cours des 12 derniers mois.
En France, les données recueillies dans le cadre du système national d’évaluation de la pharmacodépendance, mis en place en 1990 (Baumevieille et coll., 2001

), permettent d’avoir une estimation indirecte du détournement des médicaments par l’intermédiaire des enquêtes annuelles Oppidum (Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation Médicamenteuse), Osiap (Ordonnances Suspectes, Indicateur d’Abus Possible) ou Asos (Antalgiques, Stupéfiants et Ordonnances Sécurisées). Ces études réalisées auprès de personnes visitant les centres de soins pour Oppidum (Barrau et coll., 2001

; Thirion et coll., 2002

; Frauger et coll., 2008

; Pauly et coll., 2010

et 2011

) ou concernant des sujets présentant des ordonnances à l’officine (Boeuf et Lapeyre-Mestre, 2007

; Afssaps, 2010

; Afssaps et CEIP, 2010

; Canarelli et Coquelin, 2010

) constituent une approche non exhaustive mais complémentaire pour identifier les médicaments soumis à ces détournements et retrouvent les professionnels de santé comme principale source d’approvisionnement.
Nomadisme médical ou « doctor shopping »
Le nomadisme médical ou «
doctor shopping » constitue une source d’approvisionnement universelle, qui a pour objectif d’obtenir une plus grande quantité de médicament par l’intermédiaire de la multiplication des prescriptions concomitantes sur une période de temps déterminée. Dans ce chapitre, les termes « polyprescription » ou «
doctor shopping » sont utilisés pour faire référence à ce phénomène, plutôt que nomadisme médical. En effet, ce dernier comportement peut correspondre à des patients particuliers ayant recours à plusieurs prescripteurs en raison de leur profil psychopathologique, mais sans pour autant être dans un comportement de mésusage ou d’abus (Wilsey et coll., 2011

). L’étude de Wilsey et coll. sur une base de données californienne mise en place pour le suivi de prescription des médicaments contrôlés montre que les sujets ayant recours à plusieurs prescripteurs (2 à 5 sur 1 année) présentent, en comparaison aux patients n’ayant recours qu’à un seul prescripteur, des caractéristiques socio-démographiques différentes (plus âgés, plus souvent de sexe féminin et moins souvent dans des zones urbaines), mais ne présentent pas de caractéristiques d’abus de médicaments (ces patients ont plutôt recours à des opiacés de longue durée d’action qu’à libération immédiate, par exemple). La polyprescription concerne aussi bien les sujets nécessitant de grandes quantités de médicaments pour leur propre consommation, que ceux dont l’objectif est de les revendre au marché noir, ou de les échanger contre d’autres substances. La part de la polyprescription s’avère variable en fonction des médicaments, du contexte réglementaire national, et de la population ou du sous-groupe de population dans lesquels cette source d’approvisionnement est étudiée (Forgione et coll., 2001

; Haydon et coll., 2005

; Inciardi et coll., 2007

et 2009a

; Davis et Johnson, 2008

). Ainsi, les données du NSDUH en 2008 montrent une proportion comprise entre 1,6 et 2,8 % d’obtention par polyprescription pour les sujets mésuseurs de médicaments (tableau 17.I

), sachant que l’obtention par un prescripteur unique concernait 7 à 16 % des sujets selon les médicaments (Ford et Lacerenza, 2011

).
En France, les enquêtes en population générale n’abordent pas ou peu le mésusage et l’abus. En revanche, les sources de détournement, et en particulier la polyprescription, ont été particulièrement étudiées pour la buprénorphine à partir des années 2000, en s’appuyant sur les bases de données de l’Assurance maladie (Vignau et coll., 2001

; Thirion et coll., 2002

; Lapeyre-Mestre et coll., 2003

; Cadet-Taïrou et Cholley, 2004

; Micallef et coll., 2004

; Feroni et coll., 2005

; Canarelli et Coquelin, 2010

). Ces études montrent des proportions variables de polyprescription selon le seuil de « nomadisme » retenu (3 à 4 prescripteurs différents) et les périodes d’observation, mais elles analysent rarement le chevauchement des prescriptions. Dans une étude menée en 1999 dans le département des Bouches du Rhône, sur une période de 3 mois, 12 % des sujets consommateurs de buprénorphine avaient eu recours à plus de 2 prescripteurs (Thirion et coll., 2002

). Dans la même région en 2001-2002, une autre étude a reposé sur une approche transversale avec analyse des remboursements sur une période de 12 mois. Les sujets suivis en médecine générale pour un traitement de substitution par buprénorphine ont eu en moyenne 3 prescripteurs différents de buprénorphine sur l’année (3,1±1,9), et pour certains jusqu’à 13 prescripteurs différents ; ce nombre moyen par patient était supérieur à 5 pour 10 % des généralistes participants (Feroni et coll., 2005

). Les auteurs suggèrent que le «
doctor shopping » concernerait plus souvent les médecins produisant un nombre moins élevé de prescriptions dans l’année, conduisant les patients à recourir à des prescripteurs multiples, non pas de façon concomitante, mais successive. À peu près à la même période, en Haute-Garonne, le nombre médian de prescripteurs sollicités en 6 mois était de 2 (extrêmes de 1 à 23) pour des sujets initiant un traitement par buprénorphine (Lapeyre-Mestre et coll., 2003

). Dans l’étude de Canarelli et Coquelin réalisée en 2006 et 2007 à partir des bases de données de l’Assurance maladie (Canarelli et Coquelin, 2010

), les patients bénéficiant de BHD s’adressent en moyenne à deux médecins en 2007 (et jusqu’à 33 médecins pour un patient). Ce même phénomène de nomadisme médical a été observé dans une étude américaine sur les analgésiques opiacés (Wilsey et coll., 2011

).
À partir des bases de l’Assurance maladie, Pradel et coll. (2004

) ont développé une méthode quantitative et reproductible permettant d’évaluer la part de la polyprescription : elle consiste à rapporter à la quantité totale de médicament obtenue par un sujet sur une période de temps donnée (un an généralement) la quantité obtenue de façon excessive, c’est-à-dire à travers le chevauchement de périodes de prescription par des médecins différents. La polyprescription ne correspond pas directement au nomadisme médical (qui est en général défini par un nombre de médecins différents vus dans une période de temps déterminée supérieur à une valeur seuil, qui peut varier selon les études). Dans l’approche de polyprescription, les prescriptions successives de médecins différents ne sont pas prises en compte, seules interviennent les prescriptions correspondant à des périodes de chevauchement. Cette méthode, appliquée initialement à la buprénorphine, a montré pour l’année 2000 que 18,6 % de la quantité du médicament délivrée dans le département des Bouches du Rhône l’avait été par polyprescription, et que ce comportement était concentré sur 3,6 % des patients ayant eu au moins 2 délivrances de buprénorphine (Pradel et coll., 2004

). Cette méthode (qui peut sous-estimer le phénomène de détournement puisqu’elle ne tient pas compte de la possibilité de prescriptions abusives) permet d’obtenir une estimation fiable et reproductible de l’amplitude du phénomène, notamment en comparant des médicaments entre eux (ou même des dosages et des formes galéniques d’un même produit), ou bien un même médicament au cours du temps (Pradel et coll., 2009

), sous réserve qu’il ait été soumis au remboursement. Elle a été appliquée par la suite aux benzodiazépines (Frauger et coll., 2010

; Pradel et coll., 2010

), au méthylphénidate (Frauger et coll., 2011a

), à la tianeptine (Stablon®, un antidépresseur) (Rouby et coll., 2011

). De façon assez constante quel que soit le produit ou le groupe de produits, la proportion de sujets à l’origine du détournement de médicaments par la polyprescription reste faible, entre 2 et 5 % des sujets (Pradel et coll., 2004

et 2009

; Frauger et coll., 2010

et 2011


; Rouby et coll., 2011

). La quantité obtenue par cette minorité d’individus peut atteindre des niveaux très élevés comme par exemple pour le flunitrazépam, dont la quantité polyprescrite a pu atteindre près de 43 % des délivrances de ce médicament dans une étude réalisée en Haute-Garonne en 2003 (Pradel et coll., 2010

).
Parallèlement, des estimations nationales ont été réalisées concernant le détournement de buprénorphine. De 1999 à 2002, les estimations réalisées à travers les données de 13 CPAM ont permis de montrer d’importantes disparités régionales en termes de situation et d’évolution. Notamment, un indicateur de détournement construit à partir des doses moyennes reçues par chaque consommateur avait permis d’estimer sur chaque unité géographique, la part de BHD détournée vers le marché parallèle en 2002. Celle-ci s’étendait de 40 % à Paris
4
Dont le marché alimente des filières vers l’étranger (OFDT).
(concernant 12 % des assurés) qui constituait une situation extrême à 7 % pour le groupe « Lille, Rennes, Metz et Dijon
5
Issus d’une typologie réalisée par la méthode des « nuées dynamiques »
» (1 % des assurés) (Cadet-Taïrou et Cholley, 2004

). En 2006 puis en 2007, l’estimation réalisée à partir de deux échantillons au 1/20
e tirés au sort en 2006 et 2007 dans la population des sujets ayant reçu au moins un remboursement de MSO et identifiés dans la base nationale du SNIIR-AM
6
Système National d’Information Inter Régime de l’Assurance maladie
(Canarelli et Coquelin, 2010

) a retrouvé que 42 % des doses reçues en Île-de-France pouvaient ainsi être considérées comme détournées
7
L’OFDT estime le niveau de détournement de buprénorphine dans les bases de données de l’Assurance maladie en créant un indicateur de détournement potentiel. La différence, à l’échelle régionale, entre la dose médiane des patients traités en continu et la dose reçue par les patients bénéficiant d’une dose quotidienne moyenne supérieure ou égale à 32 mg, permet d’approcher de façon indirecte les doses reçues en excès, considérées comme potentiellement détournées.
tout comme respectivement 13 % et 11 % de celles délivrées en Alsace et en région PACA. L’année suivante, en 2007, les parts potentiellement détournées en Île-de-France diminuent de près de la moitié du fait du plan de contrôle de l’Assurance maladie relatif aux consommations de MSO suspectés de mésusage.
Les observations et investigations qualitatives réalisées à l’occasion des actions menées par différentes CPAM à partir de 2004 pour endiguer le détournement de buprénorphine ont montré à la fois leur efficacité, mais également leurs limites. En effet, alors que les usagers de drogues les moins « détourneurs » qui revendaient à la marge une partie de leur traitement se sont généralement « rangés » dans un premier temps, certains ont repris un détournement de faible ampleur. Surtout, le trafic a eu tendance à se concentrer autour de véritables trafiquants. Ceux-ci ont cherché à adapter leurs méthodes de manière à ne pas être repérés sur les bases des CPAM : trafics de cartes vitales ou d’attestation de CMU, recrutement de « mules », fréquemment non consommatrices, allant se faire prescrire de la BHD, approvisionnement dans des départements où les médecins sont moins réticents à délivrer des ordonnances de psychotropes du fait d’un moindre contrôle de la CPAM... Sur les sites, après de fortes perturbations du marché, il semble que le produit soit redevenu systématiquement « très disponible » sur les marchés parallèles (Cadet-Taïrou et coll., 2010

; Toufik et coll., 2010

).
Nomadisme pharmaceutique ou « pharmacy hopping »
Le «
pharmacy hopping » (ou
pharmacy shopping), correspondant trivialement à la « tournée » des pharmacies, est plus difficile à identifier en l’absence de base de données de délivrance établies à partir de pharmacies d’officine. Ce phénomène a été étudié aux Pays-Bas (Buurma et coll., 2008

) en définissant comme «
pharmacy shoppers » les personnes ayant eu recours à au moins 2 pharmacies différentes dans l’année
8
La densité d’officines pharmaceutiques aux Pays-Bas est une des plus faibles en Europe, et chaque sujet est généralement « affilié » à une pharmacie. Dans ce travail, les auteurs ont considéré comme problématique pour la bonne qualité et la continuité des soins, le recours à au moins deux pharmacies différentes dans l’année, les sujets étant alors qualifiés de « pharmacy shoppers ».
. Environ 10 % des sujets de la zone géographique analysée entraient dans cette définition, mais seulement 2,4 % d’entre eux avaient visité plus de 3 pharmacies différentes. Les «
heavy shoppers » (définis comme ayant visité plus de 5 pharmacies différentes et obtenu plus de 10 % de leurs prescriptions en dehors de leur pharmacie d’affiliation) ne représentaient que 0,2 % des
pharmacy shoppers. Ce comportement était associé au sexe féminin, à un âge inférieur à 40 ans, et concernait principalement la prescription de médicaments psychoactifs
9
Hypnotiques, anxiolytiques, antidépresseurs, antipsychotiques et opiacés, sans distinction des produits entre eux en raison de très faibles effectifs de « shoppers ».
(avec un rapport de cotes égal à : 16,7 IC 95 % [9,1-30,5]) pour les
heavy shoppers en comparaison avec les «
non-shoppers » (sujets ayant visité une seule pharmacie).
En France, à l’occasion d’une étude auprès d’un échantillon non représentatif de pharmacies d’officine (Allaert, 2009

) ayant inclus plus de 3 700 sujets traités par buprénorphine, la majorité des patients (soit 64,7 %) avait présenté une ordonnance pour la délivrance du médicament qui comportait le nom du pharmacien sur la prescription (conformément aux recommandations nationales
10
Arrêté du 1er avril 2008 relatif à l’article L162-4-2 du Code de la sécurité sociale (Loi 2006-1640 de financement de la sécurité sociale). Cet arrêté précise la liste de soins ou traitements susceptibles de faire l’objet de mésusage, d’usage détourné ou abusif (soit la buprénorphine, la méthadone, le méthylphénidate et le flunitrazépam). L’article L162-4-2 stipule que la prise en charge par l’Assurance maladie est conditionnée par l’obligation faite au patient d’indiquer au prescripteur, à chaque prescription, le nom du pharmacien qui sera chargé de la délivrance, et l’obligation faite au prescripteur de mentionner ce nom sur la prescription qui devra alors être exécutée par ce pharmacien.
de prescription et rendant ainsi plus difficile le
pharmacy shopping). Pour les 35,3 % de sujets restants, il n’est pas possible d’exclure le recours à plusieurs pharmacies. Les analyses des bases de données de l’Assurance maladie permettent également d’identifier ce phénomène, même si des données spécifiques aux pharmacies ne sont pas publiées en France, l’attention étant principalement portée sur les prescripteurs et la polyprescription. Dans une étude réalisée en 2000 en Haute Garonne ciblant les patients initiant la buprénorphine, le nombre de pharmacies différentes ayant délivré ce médicament à un patient donné variait de 1 à 18 dans une période de 6 mois avec une moyenne de 4 (Lapeyre-Mestre et coll., 2003

). Le même schéma d’étude reproduit 5 ans plus tard retrouvait toujours une moyenne de 4 pharmacies par patient pour l’obtention de buprénorphine (avec les mêmes extrêmes qu’en 2000) (Biboulet, 2010

). Dans le rapport de Canarelli et Coquelin (2010

), le nombre moyen de pharmacies auxquelles les bénéficiaires s’étaient adressés en 2007 était de 2,1 (nombre maximal de 42 pharmacies retrouvé pour un patient).
Le «
pharmacy hopping » concerne également la délivrance de médicaments à prescription médicale facultative, mais contenant des substances psychoactives comme la codéine ou des hypnotiques-sédatifs de type anti-histaminiques H1. Une étude réalisée dans la région Midi-Pyrénées en 2007, auprès de patients invités à répondre à un auto-questionnaire anonyme, a montré que certains patients ayant acheté en pharmacie des médicaments à prescription facultative dans le cadre d’une automédication rapportaient des comportements d’abus et/ou de mésusage ; pour les sujets ayant consommé au cours du mois précédent la spécialité à base de codéine, 15 % rapportaient un mésusage du médicament et/ou le consommaient pour une raison non médicale (Orriols et coll., 2009

). Le développement du dossier pharmaceutique devrait être un outil efficace pour les pharmaciens afin de repérer ce type de mésusage et d’abus, sous réserve qu’ils soient sensibilisés à ce problème et qu’ils puissent proposer une prise en charge adaptée (MacFadyen et coll., 2001

; Wazaify et coll., 2006

; Matheson et coll., 2007

).
Falsification d’ordonnance
L’autre moyen de détournement de la prescription médicale consiste au recours à la falsification d’ordonnance, soit en modifiant une prescription déjà établie (le sujet modifie la posologie et/ou la durée de la prescription, ou rajoute une ou plusieurs lignes correspondant à des médicaments non prescrits par le médecin), soit en réalisant lui-même la prescription sur une ordonnance volée ou sur un support fabriqué par ses soins. Les études Osiap (Afssaps et CEIP, 2010

) et Asos (Afssaps, 2010

) ont évalué ce phénomène tout au moins pour les médicaments à prescription obligatoire et ceux soumis à la réglementation des stupéfiants nécessitant une prescription médicale sur une ordonnance sécurisée. La proportion d’ordonnances suspectes identifiées dans l’étude Asos entre 2001 et 2009 s’avère très faible (jusqu’à 1,2 % au maximum de l’ensemble des ordonnances recueillies en 2003) voire nulle, puisque l’étude porte spécifiquement sur l’utilisation des ordonnances sécurisées, et que celles-ci sont par nature plus difficiles à falsifier. Cette faible proportion est également retrouvée dans une étude réalisée sur 2 030 sujets affiliés au régime général des Pays de Loire, pour lesquels les ordonnances que ces sujets avaient transmises au remboursement ont été examinées par le contrôle médical de l’Assurance maladie (Victorri-Vigneau et coll., 2009

). Cependant, les données quantitatives dans cette dernière étude restent difficiles à interpréter : en effet, de nombreux pharmaciens n’ont peut-être pas honoré une prescription considérée comme suspecte qui, par voie de conséquence, n’a pu être transmise à la caisse primaire d’Assurance maladie pour remboursement.
Cyberpharmacies et autres sources d’approvisionnement par Internet
La question de la diffusion et du détournement d’usage des médicaments à potentiel d’abus par le biais d’Internet est évoquée dans la littérature depuis le début des années 2000, notamment aux États-Unis (Larson, 2002

; Lineberry et Bostwick, 2004

). Ces premières publications rapportent principalement des séries de cas, dans lesquelles des patients ont pu obtenir, le plus souvent sans prescription médicale, des médicaments psychotropes dans le cadre d’un mésusage, et d’origine parfois douteuse, avec des médicaments de contrefaçon.
En 2002, la Commission européenne (DG Sanco) a financé un projet intitulé PsychoNaut 2002, dont l’objectif était de recenser et de mettre à jour les différentes substances psychoactives disponibles via Internet
11
. La première étape du projet a consisté à identifier les différentes sources de substances d’abus, y compris les médicaments psychotropes détournés de leur usage (Schifano et coll., 2006

). À partir d’une recherche par des moteurs de recherche Google
TM et AltaVista
TM, avec comme mots clés des descripteurs de différentes substances ou catégories de substances (tableau 17.II

), les chercheurs de PsychoNaut 2002 ont analysé le contenu et la disponibilité des substances identifiées. Le nombre de résultats pour les médicaments soumis à prescription apparaît à l’époque de l’étude (2003-2004) supérieur à celui des autres substances (à l’exception du tabac).
Tableau 17.II Nombre de sites identifiés via GoogleTM et AltaVistaTM pour la recherche de différentes substances ou groupes de substances psychoactives (d’après Schifano et coll., 2006
)
Substances/Groupes de substances
|
Mots-clés
|
Résultats de GoogleTM
|
Résultats de AltaVistaTM
|
Nombre de sites web évalués
|
Ecstasy
|
MDMA
|
71 400
|
(810*)
|
48 747
| |
280
|
Herbes, plantes
|
Psychoactive plants
|
20 200
|
(497*)
|
21 397
| |
265
|
Précurseurs de drogues illicites
|
Manufacturing drugs
|
661 000
| |
269 660
| |
290
|
Héroïne et autres opiacés
|
Opiates
|
83 400
| |
61 208
| |
290
|
Autres stimulants,inhalants, solvants
|
Inhalants
|
88 700
|
(612*)
|
32 273
|
(990*)
|
270
|
Médicaments surprescription
|
Prescription drugs
|
985 000
| |
468 354
| |
290
|
Tabac
|
Tobacco
|
2 710 000
| |
1 997 028
| |
290
|
Cannabis
|
Cannabis
|
359 000
| |
229 873
| |
290
|
Amphétamines
|
Amphetamines
|
68 700
|
(577*)
|
87 575
| |
269
|
Drogues à usage récréatif
|
Ketamine, LSD, GHB
|
9 580
| |
3 983
| |
290
|
Cocaïne, cocaïne crack
|
Cocaine
|
626 000
|
(808*)
|
517 503
| |
280
|
| | | | |
3 104
|
Les résultats présentés ont été obtenus via une recherche menée à partir du 23 juin 2003, avec des mots-clés en anglais. Dans la plupart des cas, seulement 1 000 résultats étaient réellement accessibles. Pour les cas identifiés par un astérisque (*), le nombre réel de sites web disponibles était plus faible, comme rapporté ici.
Pour les médicaments soumis à prescription, certains sites proposaient une acquisition libre, sans prescription, avec seulement une validation d’une inscription et d’un abonnement payant au site préalable.
En 2005, ce programme publiait une liste des 4 grands types de « Cyberpharmacies » identifiées par cette exploration de la toile (Littlejohn et coll., 2005

) : des pharmacies « légitimes » délivrant uniquement sur prescription médicale valide authentifiée (reconnues par la
Food and Drug Administration aux États-Unis), des pharmacies délivrant sans prescription et moyennant un « abonnement » payant, des pharmacies spécialisées dans les «
smart drugs », avec une liste limitée de produits, et des pharmacies proposant sans prescription des substances dont l’accès est contrôlé (stupéfiants et psychotropes). L’étude de Littlejohn soulignait en 2003-2004 que l’accès à ce type d’approvisionnement de médicaments dans l’ensemble des pays suivis par PsychoNaut était relativement limité, et restreint à une population socio-économiquement très favorisée. Selon les auteurs, et d’après les résultats d’une autre étude britannique de 2001, seulement 30 % des foyers britanniques avaient accès à Internet, avec des variations entre 12 et 53 % selon le niveau de revenus.
Aux États-Unis, où étaient hébergés plus de 40 % des sites d’accès aux psychotropes identifiés sur Internet au début des années 2000 (Littlejohn et coll., 2005

; Wilford et coll., 2005

; Schifano et coll., 2006

; Weiss, 2006

), la mise en vente de médicaments sur Internet a conduit les autorités américaines, soit au niveau fédéral (
Drug Enforcement Administration, DEA) soit au niveau de chaque État, à des contrôles, des poursuites ou des interdictions de cyberpharmacies, parfois en raison de la vente au public de médicaments de contrefaçon (
National Center on Addiction and Substance Abuse at Columbia University, 2005

et 2008

; Forman et coll., 2006

). Par ailleurs, le développement du mésusage et de l’abus des médicaments soumis à prescription aux États-Unis s’est également accompagné d’un développement des sites Internet donnant des informations sur les méthodes de détournement des médicaments (modalités de dissolution de comprimés non injectables, extraction de principes actifs de formulation à libération prolongée...) (Cone, 2006

) ou encore permettant de véhiculer plus aisément dans des populations ciblées (en particulier les adolescents de 16-17 ans) des informations sur le potentiel psychoactif de certains médicaments (Boyer et coll., 2007

; Schepis et coll., 2008

). Le développement des réseaux sociaux Facebook, Twitter ou autres devrait encore davantage favoriser cette circulation d’information et cette sensibilisation d’une frange particulière de la population.
D’après les recommandations de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) de 2009 invitant les États à prendre des mesures efficaces pour prévenir la vente illégale via Internet de substances classées, le volume des ventes illicites de stupéfiants et de psychotropes aurait considérablement augmenté au cours des dernières années, « faisant de ce moyen une source importante d’approvisionnement pour les toxicomanes » (Organe International de Contrôle des Stupéfiants, 2009

). Cependant, lorsque les médicaments soumis à prescription sont relativement accessibles et faciles à obtenir auprès de professionnels de santé, Internet n’apparaît pas comme un moyen d’obtention prioritaire (Nielsen et Barratt, 2009

; Zee, 2009

).
Aux États-Unis, selon les agences de régulation ou les services répressifs (Inciardi et coll., 2007

), la part respective des différentes sources d’approvisionnement des médicaments détournés correspond principalement au «
doctor shopping » et aux falsifications de prescription, environ 3 % correspondant à Internet (figure 17.1

).
La plupart des études nord-américaines utilisant les données du système Radars ou les études en population générale soulignent l’écart entre cette estimation et les données obtenues auprès de la population générale ou dans des sous-groupes ciblés (Inciardi et coll., 2007

, 2009a

et b

, et 2010

). En effet, quelle que soit la population interrogée (population générale,
clubbers, sujets vivant dans la rue, abuseurs d’opiacés...), l’obtention illicite de médicaments par Internet ne concerne qu’une partie très marginale de consommateurs : 1 % pour les patients traités par méthadone (Inciardi et coll., 2009a

) ; 1 % pour l’obtention d’analgésiques opiacés en population générale. Selon les résultats de certaines études qualitatives, les raisons pour lesquelles les consommateurs auraient peu recours à Internet seraient le coût élevé (et la nécessité d’avoir une carte de paiement électronique), la disponibilité du médicament par une autre voie, et enfin la crainte d’être identifié par un achat en ligne.
Les données de l’étude Oppidum, menée parmi les patients suivis en centres de soins spécialisés en France, retrouvent des proportions plus faibles d’obtention par Internet, représentant seulement 0,7 % des modalités d’obtention illicites en 2008 (Frauger et coll., 2011b

).
Production et contrefaçon
Ces sources de détournement situées très en amont des consommateurs constituent une source d’approvisionnement dont l’importance est difficile à quantifier (Fischer et coll., 2010

). Elles ne dépendent pas ou peu de l’organisation du système de santé, ni de l’accessibilité pour le patient, ni des pratiques des professionnels de santé. Le médicament de contrefaçon est, selon l’OMS (1992), « un produit étiqueté frauduleusement de manière délibérée pour en dissimuler la nature et/ou la source ». Les médicaments psychotropes présentant un potentiel d’abus et de dépendance peuvent être concernés à double titre, d’une part en alimentant le trafic de substances psychoactives contrôlées (comme les drogues illicites), d’autre part en proposant des médicaments de qualité douteuse dans des pays, des zones géographiques ou des populations défavorisées pour lesquels l’accès à ces produits est limité. L’Europe est concernée par les médicaments de contrefaçon depuis le début des années 2000. Des coopérations internationales se sont mises en place, avec des opérations coordonnées entre Interpol et l’OMS. L’opération Pangea II en 2009 (impliquant 24 pays dont la France) a permis des saisies importantes de médicaments contrefaits (notamment des psychotropes, mais aussi des anabolisants stéroïdiens), plusieurs interpellations en France et l’identification de plus de 150 sites illégaux dont 20 rattachés à la France. En 2009, aucune contrefaçon n’a été identifiée dans le circuit d’approvisionnement officiel de la distribution pharmaceutique. En octobre 2010, dans le cadre de Pangea III, l’Afssaps a publié la liste des substances médicamenteuses analysées après achat sur Internet
12
. Parmi les 5 compléments alimentaires et les 12 médicaments achetés, 6 contenaient des substances psychoactives (sibutramine, caféine, synéphrine, sulbutiamine, olanzapine) ou à potentiel d’abus. Le détournement des médicaments peut s’opérer également tout au long de la chaîne de distribution (sites de fabrication, grossistes, centres de distribution, entrepôts, pharmacies (à usage intérieur pour les établissements de soins ou communautaires). Cette source est évoquée dans la littérature nord-américaine, sans connaître exactement son importance (Fischer et coll., 2010

). En Europe et plus particulièrement en France, il n’existe pas de données publiées sur cette question. Les médicaments à usage vétérinaire peuvent également être impliqués en raison d’un détournement au niveau de la chaîne de distribution (exemple des vols de kétamine et de tilétamine dans les cliniques vétérinaires, malgré le classement de la kétamine sur la liste des stupéfiants en 1997)
13
. En 2002, suite à la persistance de l’utilisation détournée de ces deux médicaments normalement utilisés comme anesthésiques généraux, la Commission Nationale des Stupéfiants et des Psychotropes avait proposé des mesures visant à sensibiliser les professionnels à la nécessité de surveiller ces médicaments et d’essayer d’en limiter l’usage détourné. Ces mesures impliquaient l’obligation du stockage sécurisé de ces médicaments dans des armoires ou des locaux fermés à clé, le classement de la tilétamine matière première comme stupéfiant et la déclaration obligatoire des vols et détournements des médicaments à base de tilétamine (la déclaration des vols de médicaments à base de kétamine étant déjà obligatoire depuis 2001).
Différentes sources d’approvisionnement d’après l’enquête Oppidum
En ciblant la population des sujets inclus dans l’enquête annuelle française Oppidum (sujets recrutés par les centres de soins spécialisés dans la prise en charge des sujets pharmaco-dépendants dans les départements français), Frauger et coll. (2011

)

ont étudié les différentes sources d’approvisionnement de médicaments obtenus en dehors de la prescription et/ou de la délivrance pharmaceutique en 2008.
En 2008, les 5 542 sujets ont déclaré la consommation de 11 027 substances psychoactives dont 63 % de médicaments psychotropes. Parmi les médicaments, 11 % étaient obtenus de manière illégale. Comme dans les études nord-américaines (Inciardi et coll., 2007

), la principale source de médicaments obtenus illégalement repose sur le marché de rue (77,6 %), puis le don (16,6 %), le vol (2,3 %), les falsifications d’ordonnances (2,3 %) et enfin Internet (0,7 %) (Frauger et coll., 2011b

). Les cinq principaux médicaments concernés par les deux voies principales d’acquisition (marché de rue et don) sont présentés dans le tableau 17.III

.
Tableau 17.III Principaux médicaments psychotropes obtenus illégalement d’après l’enquête Oppidum en 2008 (d’après Frauger et coll., 2011b
)
Sources d’approvisionnement
|
Médicaments psychotropes concernés (%)
|
Marché de rue
|
BHD (35,1)
Méthadone (19,8)
Clonazépam (7,1)
Flunitrazépam (5,9)
Morphine (5,4)
|
Don
|
Méthadone (21,3)
Bromazépam (15)
BHD (15)
Oxazépam (8,7)
Diazépam (7,1)
|
Parmi les médicaments peu consommés, certains sont très largement obtenus illégalement : kétamine (100 %)
14
Dont la majorité de celle présente sur le territoire français est importée et ne provient pas de détournements locaux (Cadet-Taïrou et coll., 2010

).
, flunitrazépam (61 %), morphine (56 %), trihexyphénidyle (50 %) ou méthyphénidate (47 %).
De même, parmi les usagers de drogues actifs fréquemment précaires rencontrés dans les structures de réduction des risques, la part d’approvisionnement sur le marché parallèle par rapport à l’acquisition par prescription peut être très élevée. Par exemple, en 2006, 67 % des usagers de morphine rencontrés dans ce cadre s’approvisionnaient uniquement sur le marché illégal alors que 22 % seulement la recevaient uniquement par prescription (Cadet-Taïrou et coll., 2008

).
Si pour cette catégorie de population, la source principale de médicaments détournés est constituée par les pairs et le marché de rue comme les substances illicites elles-mêmes, cette source est elle-même alimentée par la polyprescription, le
pharmacy shopping, les falsifications d’ordonnances et les prescriptions et/ou délivrances mal encadrées, sans qu’il soit possible de connaître exactement la part de chacun. La sécurisation de la prescription (ordonnances sécurisées ou même prescription électronique directe protégée) et la généralisation et l’acceptation du dossier pharmaceutique pourraient largement contribuer à contrôler cette source d’approvisionnement. D’ailleurs, le prix de vente des médicaments sur le marché de rue dans différentes villes françaises, suivi par le dispositif Trend, est un indicateur indirect du contrôle local par les professionnels de santé (sensibilisés, formés en réseaux communiquant...) de la prescription et de la délivrance raisonnée de certains médicaments à fort potentiel d’abus (Cadet-Taïrou et coll., 2010

).
En conclusion, si on peut affirmer que les sources d’approvisionnement des médicaments détournés sont nombreuses et diversifiées, la part la plus importante est constituée par l’obtention de médicaments directement auprès des professionnels de santé, prescripteurs et pharmaciens. À l’échelle de l’individu et dans le cadre d’une initiation ou d’une utilisation récente, c’est le plus souvent par l’intermédiaire de la famille ou des pairs que les médicaments utilisés en dehors d’une prescription médicale sont obtenus. Pour le patient abuseur ou dépendant, la plupart des médicaments consommés de façon détournée ou abusive sera obtenue directement d’un professionnel de santé (prescription ou délivrance sans restriction), ou par le recours à un comportement déviant tel que la polyprescription, le nomadisme pharmaceutique, ou la falsification d’ordonnance. Une partie non négligeable des médicaments obtenus par ce moyen alimente également le marché de rue, qui représente la première source d’approvisionnement pour certains sujets. Des moyens susceptibles de limiter ces derniers modes de détournement sont l’extension des supports de prescription sécurisés (soit ordonnances sécurisées étendues à des produits non stupéfiants, soit e-prescription ou par téléphone directement à l’officine, à l’exemple nord-américain), le « dossier pharmaceutique » ou encore un « contrat de prescription » (comme par exemple pour la prescription de buprénorphine avec accord de l’Assurance maladie depuis 2004, le non-respect du protocole de soins avec le patient conduisant à l’arrêt de la prise en charge des délivrances non conformes).
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