Politiques publiques : réglementation,
programmes et dispositifs
18-
Politiques publiques et perspectives de prévention
Les politiques publiques mises en œuvre pour limiter le mésusage ou l’abus des substances psychoactives médicamenteuses interviennent à différentes étapes dans le développement du médicament et tout au long de son parcours.
Recommandations pré-AMM : évaluation du potentiel d’abus et stratégies galéniques
La première étape consiste à identifier le plus précocement possible un médicament dont le potentiel d’abus et de dépendance serait suffisamment important pour remettre en question son rapport bénéfice-risque lors de sa diffusion dans la population générale. Les grandes autorités de régulation du médicament, aux États-Unis comme en Europe, ont mis progressivement en place des recommandations afin que l’évaluation pré-AMM d’un médicament psychoactif inclue des études spécifiques permettant de mesurer ce potentiel.
La
Food and Drug Administration (FDA) a publié différentes recommandations entre 1990 et 2003 pour la réalisation d’études précliniques et cliniques spécifiques, évaluant le potentiel de dépendance au cours des étapes de développement pré-AMM (Comer et coll., 2008

; Carter et Griffiths, 2009

). Les études précliniques permettent d’évaluer ce potentiel très tôt (dès l’exposition
in utero), d’utiliser une large gamme de doses, et de suivre les mêmes animaux sur de longues périodes de vie. Plusieurs modèles comportementaux sont actuellement utilisés. Les études cliniques chez l’Homme explorent les comportements d’auto-administration, de discrimination, de
drug-liking, ou intègrent un enregistrement spécifique des cas d’abus et de dépendance dans les essais cliniques de type phase II-III.
En Europe, l’European Medicines Agency (EMA) a proposé en 2006 des recommandations pour la phase préclinique afin d’anticiper les risques d’abus et de mésusage lors de l’utilisation du médicament en population générale. Les informations recueillies à cette étape pré-AMM permettent la mise en place d’une réglementation appropriée, au niveau international ou national, d’éventuelles mises en garde, ou la proposition d’indications restreintes ou de contre-indications.
Dans les phases de développement pré-AMM, sont également prises en compte les caractéristiques pharmacologiques et pharmaceutiques permettant de limiter l’attractivité des substances concernées. Il s’agit par exemple de développer des substances dont les propriétés pharmacocinétiques en limitent les effets intenses et rapides, de proposer des formulations galéniques conférant une cinétique plus lente (formes à libération prolongée ou retardée) et/ou limitant les possibilités d’utilisation par voie d’administration détournée (forme non injectable) (Wright et coll., 2006

). Cependant, notamment à l’intention de patients algiques chroniques présentant des douleurs paroxystiques pour lesquels l’obtention d’un soulagement rapide est indispensable, les laboratoires pharmaceutiques tentent de développer des formulations galéniques de produits anciens, moins contraignantes et permettant l’obtention d’un effet intense et très rapide (dispositifs transcutanés, dispositifs transmuqueux, sprays nasaux...). Ceci conduit à une dualité entre d’une part la nécessité d’une prise en charge optimale pour des patients atteints de pathologies chroniques lourdes et invalidantes et, d’autre part, la prévention du détournement d’usage de ces produits par une faible proportion de sujets, mais avec des conséquences en termes de santé publique potentiellement désastreuses. Une autre approche consiste à développer des formules associant deux substances, l’une étant un antagoniste des effets de l’autre en cas de détournement de la voie d’administration. Il s’agit par exemple de l’association d’un antagoniste opiacé des récepteurs μ comme la naloxone, avec un agoniste tel que l’oxycodone indiqué dans la prise en charge de la douleur, ou avec un agoniste partiel comme la buprénorphine (Comer et coll., 2010

). Lors de l’utilisation normale par voie orale (ou sublinguale pour l’association avec la buprénorphine), la naloxone n’exerce pas d’effet au niveau central (et limiterait les effets indésirables digestifs par une fixation au niveau des récepteurs périphériques) et donc ne neutralise pas l’effet analgésique de l’oxycodone ou l’effet substitutif de la buprénorphine (Raffa et Pergolizzi, 2010

). En cas d’injection par voie intraveineuse du médicament écrasé, le sujet ne ressent pas (au mieux) les effets opiacés recherchés, et (au pire) présente les signes d’un syndrome de sevrage, selon le rapport de dose entre l’agoniste et l’antagoniste. Cette approche s’est développée au début des années 2000 aux États-Unis, principalement en réponse à l’augmentation des cas de détournement d’usage des analgésiques opiacés (Cone, 2006

; Raffa et Pergolizzi, 2010

; Smith, 2011

). Plusieurs formulations de ce type ont obtenu une AMM de la FDA ou de l’EMA au cours des dernières années, sans pour autant que l’efficacité en termes de réduction des pratiques d’injection n’ait été formellement démontrée dans le contexte de la vraie vie (Anonyme, 2007

; Alho et coll., 2007

; Simojoki et coll., 2008

; Johanson et coll., 2011

; Larance et coll., 2011

). La plupart des études montrent que les pratiques de détournement de la voie d’administration persistent quel que soit le produit.
Bien que la littérature nord-américaine sur ce sujet soit abondante, le plus souvent sous forme de revue ou de recommandations théoriques (Manchikanti, 2006

; Sellers et coll., 2006

; Henningfield et Schuster, 2009

; Raffa et Pergolizzi, 2010

; Schneider et coll., 2010

), il manque actuellement un recul suffisant pour estimer l’impact de ces démarches galéniques sur les conséquences, en termes de santé publique, ainsi que leur articulation avec d’autres méthodes de surveillance et de prévention de l’abus orientées sur la prescription.
Cette préoccupation centrée sur la galénique est également présente en France depuis plusieurs années, concrétisée par des incitations à développer des formes galéniques non détournables
1
comme la formulation de la méthadone gélule non injectable. La Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes (CNSP) a évoqué régulièrement le problème du détournement des médicaments, dans le cadre de leur évaluation à la fois pré- et post-AMM. Elle a déjà demandé des modifications galéniques afin de limiter le détournement, et également émis des avis défavorables à la commercialisation de produits en raison d’une galénique pouvant inciter au détournement (par exemple des formes liquides ou très rapidement solubles d’hypnotiques ou de sédatifs). Plusieurs types de détournement pour lesquels les caractéristiques galéniques peuvent jouer un rôle primordial ont ainsi été soulignés :
• le détournement de la voie d’administration pour obtenir des effets plus rapides et/ou plus intenses (« positifs » et/ou de « défonce ») ;
• l’usage détourné à des fins de soumission chimique : administration d’un ou plusieurs produits psychoactifs à des fins criminelles (viol, acte de pédophilie) ou délictuelles (violence volontaire, vol), à l’insu de la victime ou sous la menace ;
• l’usage accidentel observé chez l’enfant et lié à des formes galéniques attractives.
En 2001, la CNSP avait proposé l’application systématique de mesures galéniques à tous les médicaments impliqués dans la soumission chimique, mais cette proposition n’a pas été mise en œuvre ; les mesures prises sont restées sporadiques, au cas par cas, selon le problème identifié (Victorri-Vigneau, 2011

). Il n’existe ni réglementation ni recommandation quant aux spécifications des formes pharmaceutiques potentiellement sujettes au détournement, alors que les autorités sanitaires peuvent retarder ou refuser la mise sur le marché de spécialités pharmaceutiques lors de la demande d’AMM, en raison d’un risque suspecté de détournement d’usage. Afin de pallier les inconvénients liés à cette absence de cadre réglementaire, l’Afssaps a créé fin 2007 un groupe de travail « Recommandations galéniques et prévention du détournement des médicaments » rattaché à la commission d’AMM. Celui-ci est chargé de deux missions principales : d’une part, l’élaboration de recommandations galéniques, en concertation avec les laboratoires pharmaceutiques, afin de développer des médicaments susceptibles d’être moins détournés, selon trois axes de travail
2
Les recommandations sont actuellement en cours d’élaboration (selon 3 axes : soumission chimique, intoxications accidentelles, détournement de la voie d’administration), avec comme objectif d’être simples et générales, pour faciliter leur mise en œuvre. Elles ne doivent modifier ni la pharmacocinétique et la pharmacodynamie de la substance chez le patient, ni l’observance du patient, et elles ne doivent pas induire un changement majeur dans le procédé de fabrication des médicaments existants.
; d’autre part, l’évaluation au cas par cas du rapport bénéfice/risque sur le plan galénique des médicaments identifiés comme « sensibles », en développement ou déjà commercialisés.
Il n’est donc pas possible de mesurer aujourd’hui l’impact de ces stratégies galéniques sur la limitation du détournement d’usage des médicaments en France. En revanche, l’exemple de la mise sur le marché
3
Commission d’AMM. Évaluation de la demande d’autorisation de mise sur le marché pour une nouvelle forme pharmaceutique, gélule, de méthadone. 18 septembre 2007 http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/77e3c80da7627e5abdc9a3c386604b7b.pdf
de la méthadone gélule en France (forme galénique rendant le détournement de la voie d’administration difficile) est plutôt un signal positif de cette démarche. En effet, les données recueillies dans le cadre du programme de gestion des risques décidé lors de l’avis d’autorisation de mise sur le marché pour la forme sèche de méthadone, n’ont pas permis d’identifier de signal de détournement de la voie d’administration, au moins pour les deux premières années de commercialisation. Par ailleurs, ce suivi de vigilance intensif à partir des réseaux de pharmacovigilance, d’addictovigilance et de toxicovigilance, a permis d’identifier des situations de prescriptions simultanées, inappropriées, vraisemblablement par méconnaissance des propriétés pharmacologiques de base
4
Plusieurs cas de syndrome de sevrage ont été rapportés chez des patients traités par méthadone (quelle que soit la forme) et recevant également de la naltrexone dans le cadre de la prise en charge d’une dépendance à l’alcool. La naltrexone est un antagoniste des récepteurs μ, qui va donc antagoniser l’effet substitutif de la méthadone. Un délai d’au moins 10 jours doit être respecté entre les deux traitements pour éviter tout syndrome de sevrage. (Afssaps : Point d’information sur les dossiers discutés en commission d’AMM. Séance du jeudi 21 juillet 2011. Communiqué :
http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Communiques-Points-presse)
, exposant les patients à un risque d’interaction médicamenteuse avec des conséquences néfastes sur le maintien du traitement de substitution. Cet exemple souligne l’intérêt et la nécessité d’avoir des méthodes de surveillance indépendantes, notamment pour identifier précocement tout signal d’abus ou de détournement.
Programme de surveillance et de contrôle de la prescription
La mise en place de programmes de surveillance et de contrôle de la prescription («
Prescription Monitoring Programs », PMP), très développés aux États-Unis depuis la fin des années 1990, en réponse aux abus d’analgésiques opiacés, est une approche plus en aval, dont l’objectif est simultanément de surveiller les signes éventuels d’abus et de mésusage des médicaments psychoactifs (ces programmes peuvent également être mis en place pour des médicaments non psychoactifs) et d’apporter une réponse rapide. Par ailleurs, l’impact de mesures de minimisation du risque, éventuellement mises en place, peut être évalué rapidement en raison de la pérennité du système de surveillance. Les programmes de gestion des risques (PGR) accompagnant la mise sur le marché des nouveaux médicaments depuis 2005 correspondent à cet objectif (Johanson et coll., 2009

).
Programmes de gestion des risques
La coordination entre l’évaluation du potentiel d’abus et de détournement en amont de l’AMM, la prise de mesures réglementaires pour limiter au maximum le risque d’abus identifié et les systèmes de surveillance et de génération de signal post-AMM constituent un ensemble nommé
Risk Evaluation and Mitigation Strategies (REMS), ou Plans de minimisation du risque (
Risk Minimization Action Plans) (Wright et coll., 2008

). Ainsi, la mise sur le marché du gamma-hydroxybutyrate de sodium (GHB) dans la narcolepsie (Fuller et coll., 2004

; Zvosec et coll., 2009

et 2011

) ou du fentanyl pour les douleurs paroxystiques s’est accompagnée d’un programme de minimisation du risque de détournement et de surveillance intensive des cas d’abus ou de dépendance à l’échelle internationale, ou avec une déclinaison nationale
5
. Ces programmes de gestion des risques sont également demandés par les autorités de régulation à l’échelle nationale pour répondre à une préoccupation de santé publique spécifique : PGR de la buprénorphine et de ses génériques et de la méthadone en France (Anonyme, 2009

), oxycodone aux États-Unis (Cicero et coll., 2007

; Hughes et coll., 2007

; McCormick et coll., 2009

; Brownstein et coll., 2010

; Katz et coll., 2010

). Pour la méthadone gélule, le plan de minimisation des risques mis en place dès la commercialisation de cette forme en avril 2008, donne pour l’instant une évaluation favorable de l’utilisation encadrée du médicament, sans signal d’abus ou de mésusage (Anonyme, 2009

).
Programmes de protection de la prescription
Parallèlement à ces programmes de gestion des risques, incluant pour certains une restriction ou un contrôle strict de la prescription et de la délivrance du médicament, on trouve dans la littérature plusieurs expériences plus ou moins anciennes de programmes de limitation des prescriptions frauduleuses ciblés sur un médicament donné (ou une classe) ou bien généralisés à l’ensemble des médicaments prescrits. Les stratégies de protection de la prescription se déclinent à travers le monde selon des supports technologiques plus ou moins sophistiqués : support papier sécurisé (carnets à souche pour la prescription des stupéfiants en France, remplacés par le support d’ordonnances sécurisées filigranées en 1999) (Baumevieille et coll., 2009

) ; ordonnances à plusieurs feuillets comme les ordonnances tripliquées dans les années 1990 dans l’État de New York pour les benzodiazépines (Weintraub et coll., 1991

) ; enfin, plus récemment, support électronique de prescription, reliant directement le prescripteur à l’exécutant pour la délivrance du médicament, généralisé en Suède (Rahimi et Timpka, 2011

) ou dans quelques États nord-américains (Butler et coll., 2008

; Passik et coll., 2010

). Les résultats de ces mesures sont mitigés ou non encore disponibles, notamment pour la généralisation de la prescription électronique sécurisée. En revanche, la mise en place des ordonnances tripliquées dans l’État de New York pour maîtriser la consommation et l’abus des benzodiazépines a fait l’objet de nombreuses publications dans la littérature internationale et constitue un cas d’école, avec des évaluations à court et long terme. Dans une revue récente, Fisher et coll. (2011

) ont fait le point des données existantes sur l’impact des PMP visant à améliorer l’usage des benzodiazépines en diminuant le risque d’abus et de dépendance. Malgré une recherche bibliographique relativement exhaustive, les auteurs ont constaté que les 32 publications finalement retenues ne concernaient que le programme des ordonnances tripliquées de l’État de New York. Ce programme, mis en œuvre en 1989 en réponse à une forte utilisation de benzodiazépines avec un détournement vers le marché de rue, comportait la nécessité de réaliser toute prescription de benzodiazépines sur un support papier en 3 volets. Le prescripteur et le pharmacien conservaient chacun 1 volet, le 3
e devant être envoyé au Département Santé de l’État par le pharmacien. La prescription était limitée pour une durée de 30 jours, non renouvelable, le prescripteur devant évaluer le patient lors de la prescription initiale. Dans quelques situations très ciblées (patients épileptiques, atteints de troubles paniques ou de troubles de l’attention, ainsi que les sujets âgés en fin de vie ou souffrant de douleurs chroniques), le pharmacien pouvait délivrer pour un maximum de 90 jours de traitement par benzodiazépines. Dix-huit des 32 publications, se rapportant à 15 études spécifiques, concernaient des études d’utilisation de médicaments ou des séries de cas, 12 publications correspondaient à des commentaires sur les études précédentes ou des lettres à l’éditeur (principalement des lettres ouvertes de prescripteurs rapportant leur ressenti négatif de la mise en place de ce PMP) et enfin 2 rapports gouvernementaux comportaient des données d’évolution de consommation des benzodiazépines au travers des bases de données médico-administratives (bases de données de remboursement des soins médicaux pour les sujets affiliés à des systèmes d’assurance maladie spécifiques).
Le tableau 18.I

présente les études identifiées par Fisher et collaborateurs ayant analysé l’impact du programme sur la prévalence d’usage des benzodiazépines à travers différentes études d’utilisation en population générale ou sur des sous-groupes.
Dans le tableau 18.II

, qui recense les études dont les résultats abordent d’autres indicateurs que la prévalence d’utilisation des benzodiazépines, seules ont été retenues les études dont la méthodologie permettait une analyse suffisamment robuste de l’impact du programme. Ainsi, les séries de patients psychiatriques évalués quant à leur consommation de benzodiazépines, mais sans élément objectif de comparaison à une situation sans PMP, n’ont pas été retenues.
Dans la plupart des études en population générale ou en population ciblée, la mise en place des ordonnances tripliquées a conduit à une diminution globale, à court terme, de la consommation des benzodiazépines, mais avec un transfert de prescription vers d’autres substances psychoactives comme les carbamates, des antihistaminiques H1 comme la diphenhydramine, ou bien l’hydrate de chloral (sédatif). En parallèle, des études observationnelles avant-après PMP montrent un impact sur les conséquences de surdosage (diminution du nombre de surdosages aux benzodiazépines et de recours aux urgences), mais on ne peut pas exclure un transfert vers d’autres produits, potentiellement plus dangereux (Hoffman et coll., 1991

). Les auteurs rapportent une augmentation de la létalité dans les surdosages impliquant les médicaments de substitution aux benzodiazépines, mais les travaux réalisés manquent de recul pour affirmer une telle évolution. Le transfert vers d’autres médicaments présentant des effets aussi délétères que les benzodiazépines a été particulièrement observé dans la population des sujets âgés (avec une augmentation de 25 % de l’usage de neuroleptiques comme sédatifs dans les maisons de retraite). Cependant, l’analyse de l’utilisation des benzodiazépines à distance de la mise en place des ordonnances tripliquées reste limitée à une période d’observation de 24 mois pour la plus longue. Malgré cette limite temporelle, la plupart des études montrent une diminution significative des utilisations non problématiques des benzodiazépines, avec notamment l’absence de stratégie de substitution et une diminution de la prise en charge médicale des patients psychiatriques (tableau 18.I

). À plus long terme encore, des auteurs ont rapporté l’absence totale d’effets de cette diminution de la consommation de benzodiazépines sur l’incidence des fractures du col du fémur chez le sujet âgé (Wagner et coll., 2003

et 2007

). De façon globale, les conclusions sur l’impact des ordonnances tripliquées mises en place dans l’État de New York en 1989, restent mitigées. D’une part, ce programme de restriction de la prescription s’est accompagné d’une diminution globale de la prévalence d’usage des benzodiazépines, mais cette diminution ne s’est pas avérée homogène en fonction de sous-groupes de la population. En particulier, les populations les plus marginalisées ou les plus vulnérables ont été affectées de façon plus marquée. D’autre part, les données disponibles ne permettent pas de mettre en évidence que ce type de programme a le moindre impact sur l’utilisation non rationnelle des benzodiazépines. En effet, même si ce PMP s’est accompagné d’une diminution du nomadisme pharmaceutique ou médical, ou d’une diminution du détournement des benzodiazépines vers le marché de rue, les résultats des études convergent pour montrer que le programme a eu un impact plus marqué sur l’usage médical justifié que sur l’usage non médical justifié. Enfin, aucune étude n’a envisagé les effets potentiellement délétères de l’arrêt des benzodiazépines après la mise en place du programme, en dehors de la description de quelques séries de cas dont on ne peut tirer aucune conclusion.
Tableau 18.I Caractéristiques des études évaluant l’impact du programme de surveillance des prescriptions (ordonnances tripliquées) dans l’État de New York, sur la prévalence d’utilisation de benzodiazépines (BZD) en population générale ou dans des sous-groupes définis
Population étudiée
Source de données
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Référence
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Type d’étude
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Principaux résultats
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Comparaison avant-après
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Séries temporelles
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Groupe témoin
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Résidants de l’État de New York (population générale)
IMS : American National Prescription Audit (Données de vente)
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Weintraub et coll., 1991
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1er janvier 1988 au 1er trimestre 1990
12 mois avant, 15 mois après
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Non
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Californie,New Jersey, Caroline du Nord
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Diminution du nombre de prescriptions de BZD de 5,3 millions (1988) à 2,96 millions (1989) et 603 000 au 1er trimestre 1990
Augmentation du % de prescriptions des hypnotiques non BZD dans l’État de New York, en comparaison avec diminution nationale (méprobamate +125 % versus -9 % ; hydrate de chloral +136 % versus -0,4 %)
|
Bénéficiaires Blue Cross-Blue Shield
(Données de remboursement Rochester, New York)
| | |
Non
|
Non
|
Tendance à la diminution avant le PMP, -30 % après le PMP
Augmentation des prescriptions des hypnotiques non BZD
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Bénéficaires Medicaid en ambulatoire
Medicaid Management Information System (données de remboursement)
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Ross-Degnan et coll., 2004
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12 mois avant, 24 mois après Quasi-expérimental
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Oui
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New Jersey
|
Diminution de BZD de 54,8 % dans l’État de New York (IC 95 % [51,4-58,3]), pas d’évolution dans le New Jersey
% de réduction différent selon le type de bénéficiaires, le niveau de revenu, le sexe, la zone géographique, et les caractéristiques raciales (diminution plus importante pour les faibles revenus, les sujets de race noire, les femmes, le milieu urbain)
Risque relatif ajusté avant-après PMP pour « usage problématique » : usage à long terme (>120 jours) 0,8 (IC 95 % [0,8-0,9]) ; usage continu (>330 jours) 0,7 (IC 95 % [0,6-0,7]) ; nomadisme pharmaceutique 0,5 (IC 95 % [0,4-0,7]) ; BZD ½ vie longue chez les sujets âgés 1,4 (IC 95 % [1,2-1,5]) ; usage problématique (au moins un) 0,8 (IC 95 % [0,8-0,9])
Substitution vers d’autres médicaments modérée
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Medicaid Management Information System
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Pearson et coll., 2006
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12 mois avant, 24 mois après Suivi en 1995 (7 ans après PMP)
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Oui
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Pas d’état comme comparateur
Comparaison entre patients et zones ethniques
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Diminution des BZD dans tous les groupes
Quartiers Noirs comparés aux Blancs, aux Hispaniques, aux 2 : niveau de consommation de base des BZD plus faible ; diminution plus marquée post PMP (persistance à 7 ans) ; plus de diminution de l’usage non problématique (OR ajusté : 1,78 (IC 95 % [1,47-2,17]) et de l’usage non problématique (OR ajusté 1,77 (IC 95 % [1,45-2,17])
Nomadisme pharmaceutique presque complètement éradiqué dans tous les quartiers
Plus grande diminution observée chez les patients schizophrènes des quartiers Noirs
|
Medicaid
|
Weintraub et coll., 1991
|
1er janvier 1988 au 1er trimestre 1990
|
Non
|
Non
|
Diminution de prescription des BZD : de 1,5 million (1988) à 0,6 million (1989) et 0,218 million (1990), diminution en parallèle des dépenses en BZD (21,7 millions $ en 1988 versus 10,4 millions $ en 1989)
Augmentation de prescription des hypnotiques non BZD (+115 % de dépenses) (3,9 millions $ versus 8,4 millions $)
Dépenses totales psychotropes constantes (46,7 millions $ versus 45,6 millions $)
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Sujets avec des troubles psychiatriques ou neurologiques chroniques identifiés dans le Medicaid Management Information System
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Simoni-Wastila et coll., 2004
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12 mois avant, 24 mois après
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Oui
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New Jersey
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Diminution de l’utilisation des BZD de -48,1 % (IC 95 % [-50,0 -46,2]) 6 mois après le PMP dans l’État de New York, pas de changement dans le New Jersey
Diminution plus marquée chez les patients épileptiques (-59,9 % (IC 95 % [-63,9 -55,9])
Augmentation discrète de médicaments de substitution dans l’État de New York, mais ne compensant pas la diminution des BZD
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Patients hospitalisés identifiés dans le Medicaid Management Information System
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Wagner et coll., 2003
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1er janvier 1988 au 30 novembre 1990
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Oui
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New Jersey
|
Diminution de l’utilisation des BZD post PMP dans l’État de New York uniquement, en moyenne de 45/1 000 sorties à 17/1 000 sorties. Diminution globale de 63,5 % (IC 95 % [-58,6 -68,3]) variable selon le diagnostic de sortie : accident ischémique cardiaque -72,5 % (IC 95 % [-55,5 -89,4]) ; cancers -69,4 (IC 95 % [-36,7 -100])
Différences selon les zones géographiques et le statut socio-économique : bas revenus -69 % versus hauts revenus -58 % ; zones urbaines -67 % versus zones rurales -51 %
Augmentation de l’utilisation de médicaments de substitution (buspirone, hypnotiques non BZD) ne compensant pas la diminution des BZD
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Sujets de plus de 65 ans affiliés Medicaid (bases de remboursement)
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Wagner et coll., 2007
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12 mois avant et 21 mois après PMP
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Oui
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New Jersey
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Diminution des BZD dans l’État de New York, de 40 % par mois avant le PMP, à 15 % par mois après, sans modification dans le New Jersey. Chez les femmes -60,3 % (IC 95 % [-66,3 -54,3]) ; chez les hommes -58,5 % (IC 95 % [-64,3 -52,8])
Pas de diminution significative du risque de fracture de la hanche avant et après le PMP, dans l’État de New York et du New Jersey
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EPIC (base de données des délivrances en pharmacies)
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McNutt et coll., 1994
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12 mois avant et 12 mois après
|
Non
|
Non
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Diminution des prescriptions de BZD de 11 123 (avril-juin 1988) à 6 113 (octobre-décembre 1989) ; du nombre moyen de prescriptions par utilisateur de 2,4 à 2,0 ; de la proportion d’utilisateurs à long terme de 48 %, à court terme de 56 % ; diminution quel que soit le groupe d’âge, sexe, statut marital ; diminution plus importante chez les sujets Noirs
Augmentation des autres psychotropes de 59 %
Augmentation globale de 26 % des dépenses pour les psychotropes (diminution de 22 % pour les BZD)
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Résidents de maisons de retraite (programme SAGE)
Tous les résidents dans les institutions couvertes par Medicaid et Medicare
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VanHaaren et coll., 2001
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Analyse rétrospective transversale répétée (1994-1995)
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Non
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Kansas, Maine, Mississipi, Dakota du Sud
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Résidents dans l’État de New York moins fréquemment sous BZD (13 % versus 49 %)
Pas d’augmentation des médicaments de substitution dans l’État de New York par rapport aux autres États sans PMP
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Dossiers médicaux de 809 résidents (8 institutions privées et 2 publiques)
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Zullich et coll., 1992
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6 mois avant et 6 mois après le PMP
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Non
|
Non
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Diminution de la proportion relative des BZD parmi les psychotropes (25 % à 10 %)
70 % des utilisateurs ont arrêté au moins une BZD après le PMP (syndrome de sevrage dans 14 %)
Augmentation de médicaments de substitution : halopéridol 21 %, buspirone 8 %, hydrate de chloral 26 % ; diphenhydramine 14 %, phenobarbital 12 %
Pas de modification significative du risque de chutes (RR=1,63 (IC 95 % : 0,37-1,06)) ; d’hospitalisations (RR=1,38 (IC 95 % : 0,65-2,91))
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BZD : Benzodiazépines ; PMP : Prescription Monitoring Program ; SAGE : Systematic Assessment of Geriatric Drug Use via Epidemiology
Tableau 18.II Caractéristiques des études évaluant l’impact du programme de surveillance des prescriptions (ordonnances tripliquées) dans l’État de New York, sur d’autres indicateurs que la prévalence d’utilisation de benzodiazépines (BZD), en fonction de populations cibles
Population étudiéeSource de données
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Référence
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Type d’étude et objectif principal
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Principaux résultats
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Résidents de l’État de New York (population générale)
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Centre Anti Poison de New York City
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Hoffman et coll., 1991
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Étude rétrospective observationnelle
Comparaison pré- et post- PMP du nombre de surdosages liés aux BZD et aux hypnotiques non BZD
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Diminution du nombre de surdosages aux BZD (1 294 en 1988 versus 1 265 en 1989), mais augmentation des surdosages dus aux hypnotiques non BZD (111 versus 144)
Plus grande létalité des surdosages aux hypnotiques non BZD (22 % versus 6 %)
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NHDSA et DAWN
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Fisher et coll., 2011
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Comparaison des recours aux urgences avant (janvier 1987-décembre 1988) et après (janvier 1989-décembre 1990), incluant les tentatives de suicide
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Diminution du nombre de recours : dépendance (1 145 avant ; 418 après) ; suicide (1 363 avant ; 632 après)
Augmentation de la proportion des recours liés à un médicament sur prescription : dépendance (28 % avant ; 34 % après) ; suicide (43 % versus 35 %), mais peu de modification sur l’achat dans la rue (11 % pour dépendance)
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Population adulte
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Bénéficaires Medicaid et Medicare âgés de plus de 65 ans (données de remboursement)
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Wagner et coll., 2007
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Étude longitudinale (1988-1989) comparative (État de New York et du New Jersey), quasi-expérimentale
Évaluation de l’impact du PMP sur les fractures du col du fémur
Calcul d’un risque relatif ajusté sur âge, la catégorie d’éligibilité au système d’assurance maladie
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Pas de modification du RR pour l’avant-après PMP, et pour les 2 États
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Bénéficiaires âgés de plus de 55 ansRapports de sortie et données médico-administratives des Hôpitaux de l’État de New York
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Étude observationnelle rétrospective
Comparaison des taux de fractures dans le 1er trimestre avant et les 10 trimestres après le PMP
Régression logistique ajustée sur age et sexe
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Pas de diminution significative du risque de fracture du col du fémur quel que soit le sexe
Analyse de tendance (trimestre-intervention) non significative
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Bénéficiaires EPIC (base de données des délivrances en pharmacies)
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1er janvier 1988 au 1er trimestre 1990
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Diminution des dépenses EPIC pour les BZD de 2 millionsde $ (entre 1988 et 1989)
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NHDSA : National Household Survey on Drug Abuse ; DAWN : Drug Abuse Warning Network ; PMP : Prescription Monitoring Programs ; BZD : Benzodiazépines
Contrôle de l’accessibilité aux médicaments
La limitation de l’accessibilité à certains médicaments psychoactifs constitue une méthode largement utilisée dans de nombreux pays (Breen et coll., 2004

; Hoiseth et coll., 2009

; Anderson et coll., 2010

). Il peut s’agir soit d’une prohibition stricte d’une classe de médicaments ou de quelques produits spécifiques, assortie dans toutes les expériences réalisées dans différents pays, d’un transfert vers d’autres substances (autres médicaments moins contraints, ou bien substances illicites), soit d’une limitation avec un accompagnement sanitaire approprié.
Accessibilité contrôlée pour les médicaments de substitution aux opiacés
Des auteurs suédois ont récemment analysé l’impact des modifications de la politique de substitution survenues en Suède entre 2000 et 2006 sur la morbidité et la mortalité liées aux opiacés (Romelsjo et coll., 2010

). En Suède, la substitution par méthadone a été mise en place dès le milieu des années 1960, avec un encadrement et des critères stricts exigés des patients pour entrer dans ce cadre thérapeutique (au moins 4 ans de consommation par voie intraveineuse, patient de plus de 20 ans, pas de polytoxicomanie...). Avant la mise sur le marché de la buprénorphine en Suède en 1999, on estimait que moins de 10 % de la population dépendante aux opiacés avaient accès au traitement par méthadone. Contrairement à la méthadone, la substitution par buprénorphine n’a pas été accompagnée en Suède de mesures de restriction aussi sévères, en dehors de la recommandation de prescription par un médecin spécialisé en addictologie. En 2005, de nouvelles recommandations nationales ont harmonisé le niveau d’exigences pour les deux médicaments : 2 ans de dépendance pour la méthadone, 1 an pour la buprénorphine ; prise en charge dans des unités de soins spécialisées labellisées par le Ministère de la Santé, dirigées par un psychiatre ; contrat de soins individuel obligatoire.
L’évaluation de ces recommandations a été réalisée à partir de plusieurs sources : enquêtes dans les structures de soins en 2003 et 2005, analyse de tendances par modèle de régression linéaire pour les données de vente des médicaments, statistiques de décès nationales (par identification de codes de la Classification internationale des maladies – CIM-10 – en relation avec l’abus de drogues, codes F11.1, F11.2, T40.1 à T40.3), données des laboratoires de médecine légale, et enfin données de morbidité hospitalière, en comparant les périodes 2000-2002 et 2004-2006. Les résultats des enquêtes auprès des centres ont montré une augmentation du nombre de «
take-away doses »
6
Doses emportées pour être consommées à l’extérieur du centre, en opposition à une administration supervisée, qui était la règle
et une diminution des sorties de traitement pour défaut d’abstinence. Le taux de maintien sous traitement dans les centres, initialement élevé (80 %) est resté à ce niveau. Dans la période 2000-2006, l’utilisation de buprénorphine et de méthadone a été multipliée par 3 (estimation de 16,4 DDJ
7
DDJ : Dose définie journalière
/1 000 habitants/an en 2000 à 71,5 DDJ/1 000 habitants/an en 2006). Il a été observé une diminution significative de 20 à 30 % du nombre de décès et d’hospitalisations liés aux drogues opiacées entre 2000-2002 et 2004-2006. En parallèle, pour les mêmes périodes, le nombre de décès liés à la méthadone ou à la buprénorphine a augmenté de 118 %, soit 49 décès en 2006 pour 33 en 2002 (à mettre en perspective avec 140 décès liés aux opiacés, à l’exception de la buprénorphine et de la méthadone en 2006, contre 147 en 2002). L’analyse de corrélation par régression linéaire montre des corrélations statistiquement significatives entre l’évolution des données de vente et des indicateurs disponibles dans l’étude, à l’exception des décès pour lesquels un dosage positif à l’héroïne a été obtenu lors de l’autopsie. Les auteurs concluent à une évaluation globalement positive de l’assouplissement de la politique de substitution en Suède, même s’il ne s’agit que de corrélations d’ordre écologique et que d’autres facteurs non pris en compte peuvent avoir eu un impact dans cette évolution (Romelsjo et coll., 2010

).
Le maintien d’une accessibilité contrôlée associée à une prise en charge plus médicalisée et un suivi renforcé des patients a été évalué en Grande-Bretagne. Comme dans de nombreux pays ayant adopté largement la méthadone comme traitement de substitution de la dépendance aux opiacés, le Royaume-Uni a été confronté dans les années 1990 à une augmentation du nombre de décès impliquant ce médicament (Strang et coll., 2010

). En réponse à cette épidémie de décès, les autorités sanitaires ont choisi de mieux encadrer les traitements par méthadone en recommandant fortement une administration de méthadone journalière et supervisée. Cette supervision s’est progressivement mise en place en Écosse à partir de 1992-93 puis en Angleterre à partir de 1995.
Pour évaluer l’impact de ces mesures, Strang et collaborateurs ont estimé un indicateur composite nommé OD4 (Strang et coll., 2010

). Cet indicateur était défini comme le nombre de décès impliquant la méthadone rapporté à la quantité de méthadone prescrite annuellement, exprimé en nombre de décès par million de DDJ
8
Dans l’article de Strang et coll. (2010

), la dose journalière a été fixée à 60 mg.
de méthadone par an. À partir des données disponibles dans les rapports toxicologiques de décès, les auteurs ont analysé cet indicateur OD4 pour les décès impliquant seulement la méthadone, ou bien plus largement tous les décès mentionnant au moins la méthadone. L’analyse de cet indicateur entre 1993 et 2008, en Écosse et en Angleterre séparément (en raison du délai de mise en place en Angleterre), montre une diminution importante, décalée dans le temps pour l’Angleterre (figure 18.1

), et correspondant à une diminution du nombre de décès sans aucune restriction du nombre de patients traités (le nombre de patients traités estimés passant de 11 215 en 1993-1996 à 25 530 en 1997-2000 puis 90 781 en 2005-2008 en Écosse). Cette étude, malgré les limites inhérentes à l’analyse écologique des données, suggère un impact très positif de la généralisation de la supervision de méthadone sur la mortalité liée au produit, sans limitation de l’accès aux soins pour les patients relevant d’un traitement de substitution aux opiacés.
Restriction du remboursement
La restriction du remboursement par les systèmes d’assurance maladie de certains médicaments est un moyen utilisé pour limiter l’accessibilité, et par voie de conséquence la prévalence de l’abus. En Europe, certaines catégories de médicaments psychotropes ne sont pas remboursées depuis plusieurs années (benzodiazépines non remboursées en Allemagne, Belgique, Italie, Danemark...), ou bien sont exclues du remboursement après constat d’une consommation suffisamment importante pour avoir des conséquences délétères en termes de santé publique. Lorsqu’intervient le déremboursement, on observe en général une diminution importante (mais pas toujours) de la consommation, ce qui peut suggérer une diminution en valeur absolue de l’abus et du mésusage, même s’il n’y a pas de diminution relative significative. Cependant, il existe peu ou pas d’études ciblées sur les populations de sujets abuseurs, ni sur le transfert vers d’autres substances (en particulier illicites), car l’évaluation de l’impact de ces mesures repose le plus souvent sur les données de remboursement uniquement (les mesures de déremboursement étant le plus souvent décidées par les organismes d’assurance maladie avec une justification économique autant que de santé publique). Une évaluation globale de l’impact du déremboursement a été effectuée dans quelques rares exemples : en 2002, le Conseil Pharmaceutique Australien (
Australian Pharmaceutical Advisory Council) a recommandé de ne plus rembourser le témazépam sous forme gélule, en raison d’un usage problématique de cette forme, plus facilement injectable que la forme comprimé, et donc également pourvoyeuse d’un risque infectieux et thrombotique accru chez les usagers de drogues « injecteurs ». Avant cette recommandation, les comprimés ainsi que les gélules de témazépam de 10 mg étaient pris en charge par le système d’assurance maladie (Breen et coll., 2004

). Les gélules de 20 mg étaient seulement disponibles dans le secteur privé (prescrites par n’importe quel prescripteur, sans prise en charge par le système d’assurance maladie). À partir de mai 2002, pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge, la prescription de gélule de témazépam a été soumise à une autorisation préalable de la Commission de l’Assurance maladie, l’ensemble des formes disponibles (comprimés et gélules de 10 mg, gélules de 20 mg) restant accessibles à la prescription dans le secteur privé, sans prise en charge par l’assurance maladie. En analysant l’évolution des prescriptions par une modélisation en séries temporelles auto-corrélées (modèle ARIMA), Breen et collaborateurs ont montré une modification des pratiques de prescription des médecins généralistes juste après la mise en place de la restriction, avec un transfert de la prescription des gélules vers les comprimés, se traduisant finalement par une discrète augmentation du taux de prescription de témazépam de 62 prescriptions/1 000 patients en mai 2002 à 70/1 000 en janvier 2003 (figure 18.2

).
Dans le même temps, une enquête ciblée auprès des usagers a montré que la diminution attendue de la prescription de témazépam gélule, a été compensée par un transfert équivalent vers la forme comprimé, sans effet apparent sur les pratiques d’injection. Ce résultat souligne la faible efficacité des mesures de restriction isolées, sans accompagnement d’autres stratégies, par exemple de formation des professionnels de santé, d’information et de sensibilisation des patients (Breen et coll., 2004

).
Impact des mesures réglementaires et des recommandations
Le bilan de l’impact des politiques fondées sur des mesures réglementaires strictes peut apparaître mitigé. La plupart des études identifiées convergent vers une conclusion commune, soulignant que ces mesures pourraient être optimisées par une implication et une sensibilisation plus importantes des différents acteurs, professionnels de santé et patients. Aux États-Unis, de très nombreuses expériences ont été proposées pour tenter d’apporter une réponse efficace à l’augmentation constante de l’abus d’analgésiques opiacés. Dans le domaine de l’algologie, les recommandations américaines préconisent, avant la mise sous traitement de patients douloureux chroniques non cancéreux et relevant d’un traitement par un opiacé, le recueil d’un consentement écrit du patient et la réalisation de tests urinaires pour dépister les mésusages (Manchikanti et coll., 2008

; Chou et coll., 2009a

et b

). Ces recommandations ne sont pas limitées aux États-Unis et sont appliquées dans toute l’Amérique du Nord (Gourlay et coll., 2005

). Une revue systématique récente de la littérature a identifié 102 études potentiellement éligibles, et retenu finalement 11 études (6 dans des centres de prise en charge de la douleur ; 5 dans le cadre de soins primaires) (Starrels et coll., 2010

). Cette revue systématique conclut à un lien modeste entre contrat d’observance et/ou utilisation des tests urinaires pour le suivi des traitements aux opiacés et réduction des mésusages de ces mêmes produits dans le cadre de douleurs chroniques non cancéreuses. Cependant, cette conclusion est surtout limitée par le faible niveau méthodologique des études, et par le peu de données en médecine ambulatoire (alors que c’est dans ce contexte que se fait principalement la prise en charge de ces patients). Malgré les données limitées concernant l’intérêt clinique objectif de ces pratiques sur la prévention ou la diminution de l’abus et sur le respect de l’observance, d’autres motivations expliquent la diffusion du dépistage urinaire au cabinet du médecin : satisfaction des médecins utilisateurs qui ont l’impression de mieux maîtriser la gestion des patients algiques sous opiacés (Touchet et coll., 2005

; Fagan et coll., 2008

), diminution des recours aux urgences, amélioration de l’observance à long terme, maintien prolongé dans la prise en charge médicale dans certaines études observationnelles (Wiedemer et coll., 2007

; Becker et coll., 2009

; Barth et coll., 2010

).
Actions de formation et de prévention
Les actions de formation et de prévention auprès des professionnels ou de la population constituent une approche qui devrait être complémentaire des précédentes pour limiter l’abus ou le mésusage de médicaments psychotropes. Il existe de nombreuses publications rapportant principalement l’évaluation d’expériences de formation et de sensibilisation des pharmaciens d’officine en Amérique du Nord, Australie, Europe (Royaume-Uni) (Lafferty et coll., 2006

; Hale et coll., 2009

). Ces études soulignent le rôle clé de ces professionnels pour les médicaments d’automédication et les médicaments de substitution aux opiacés (MacFadyen et coll., 2001

; Wazaify et coll., 2006

; Boothby et Doering, 2007

; Winstock et coll., 2007

). Toutefois, quel que soit le contexte géographique ou les médicaments concernés, la plupart des études disponibles montrent la nécessité d’élargir la population de professionnels impliqués dans l’identification et la prise en charge de l’abus ou du mésusage des médicaments psychoactifs. Enfin, les programmes de prévention en population générale abordant le problème spécifique de l’abus et du mésusage des médicaments sont rares et toujours intégrés dans une approche générale de l’usage problématique de substances psychoactives, qu’elles soient médicamenteuses ou non. Ainsi, dans la synthèse et recommandations du NICE (
National Institute for Health and Clinical Excellence) pour la mise en place d’interventions visant à réduire l’abus dans les populations vulnérables, notamment enfants et adolescents, on ne retrouve aucune expérience ayant abordé spécifiquement le mésusage de médicaments, mais principalement le tabac, l’alcool et le cannabis (NICE, 2007

).
Deux publications américaines récentes rapportent des résultats encourageants de programmes éducationnels en milieu scolaire à court terme (Gruenewald et coll., 2009

), et à long terme (Spoth et coll., 2008

). L’étude de Gruenewald et coll. (2009

) a porté sur un programme mis en place dans trois communautés rurales d’Alaska auprès d’adolescents de 5
e (10-11 ans) et 6
e « grades » (11-12 ans)
9
Soit l’équivalent du CM2 et de la 6e en France
. Ce programme combinait des actions « environnementales » (restrictions de vente aux mineurs et affiches d’information sur les produits légaux à risque dont la prévalence d’usage est de l’ordre de 20 % chez les jeunes en Alaska : solvants tels que colles, hydrocarbures... ; et médicaments tels que antitussifs, médicaments en vente libre), et un programme de prévention (curriculum
ThinkSmart) en milieu scolaire, sous la forme de 15 sessions hebdomadaires de 1 heure, abordant les connaissances et les croyances des adolescents sur les différents produits (alcool, tabac, drogues illicites et produits légaux à risque). À court terme (c’est-à-dire l’année suivante), Gruenewald et coll. (2009

) ont constaté une amélioration significative des connaissances uniquement sur les produits légaux à risque, ainsi que les attitudes de refus et de maîtrise de soi. Par ailleurs, les auteurs ont également noté une modification de la perception de l’accessibilité de ces produits par les adolescents. Cependant, comme souligné dans la conclusion par les auteurs, le faible recul et l’absence de groupe témoin rendent difficile l’évaluation de l’intérêt de ce type d’action.
Spoth et coll. (2008

) rapportent les résultats à long terme (10 ans) de deux études : une ayant débuté en 1993 et ayant suivi 667 enfants de 6
e grade (10-11 ans), l’autre ayant débuté en 1998 et inclus 2 127 enfants de 7
e grade (11-12 ans)
10
Soit l’équivalent de la 6e et de la 5e en France
. Les deux études étaient des essais d’intervention randomisés par clusters, les interventions consistant en des programmes de prévention « universels » faisant participer enfants, parents et système scolaire. Dans la première étude, deux groupes étaient constitués : un groupe recevait le programme
Preparing the Drug Free Years (PDFY), un groupe recevait le
Iowa Strengthening Families Program (ISFP), le troisième groupe servant de témoin avec un simple suivi. Les écoles et les familles des enfants participant effectuaient un pré-test initial sans connaître leur groupe de randomisation. Le PDFY se déroulait en 5 sessions (1 avec l’adolescent, les 4 autres avec les parents) de 2 heures et abordait les risques et les facteurs protecteurs de l’abus de substances. L’ISFP se déroulait en 7 sessions associant parents et enfants, impliquant la gestion de conflit, l’amélioration de la communication et d’autres aspects des relations avec la famille et les pairs. La deuxième étude comparait également trois groupes : le 1
er groupe recevait une version actualisée du PDFY combinée avec le programme
Life Skills Training (LST) (15 sessions incluant des approches cognitives et sociales), le 2
e groupe recevait le programme
Life Skills Training seulement, et le 3
e groupe servait de témoin. La figure 18.3

présente l’impact des interventions en fin d’étude et montre un impact positif sur l’utilisation détournée d’opiacés et de barbituriques (1
re étude de 1993) ou sur l’utilisation détournée de médicaments de prescription (2
e étude de 1998), même si l’effet significatif n’était plus maintenu pour les adolescents évalués en terminale, probablement en raison d’un manque de puissance. Cette deuxième étude apparaît très intéressante et encourageante, dans la mesure où la méthodologie utilisée est plus rigoureuse (essais comparatifs randomisés avec suivi à long terme), et où les résultats nettement favorables se maintiennent sur le long terme. Cependant, le niveau d’attrition observé (environ 50 %) et le faible taux de mésusage initial rendent difficiles l’extrapolation de ces résultats à d’autres contextes géographiques ou socio-économiques.
En conclusion, les politiques publiques mises en œuvre pour limiter le mésusage ou l’abus des substances psychoactives médicamenteuses interviennent à différentes étapes dans le développement et tout au long du parcours du médicament. Depuis 2005, tout nouveau médicament mis sur le marché est accompagné d’un plan de gestion des risques (international le plus souvent, avec la possibilité de déclinaison nationale). Pour un médicament psychoactif, l’évaluation de son potentiel d’abus et de dépendance entre de fait dans ce plan de gestion des risques, et des propositions d’action de minimisation des risques (y compris du risque d’abus ou de dépendance) sont exigées pour l’obtention de l’AMM.
En dehors de ces programmes déclinés généralement pour un médicament unique, on retrouve des programmes de limitation des prescriptions frauduleuses ciblés sur un médicament donné (ou une classe) ou encore généralisés à l’ensemble des médicaments prescrits. De nombreuses déclinaisons de stratégies de protection de la prescription ont vu le jour à travers le monde. Elles reposent sur une protection du support de prescription, allant d’un support papier sécurisé (ordonnances sécurisées, ordonnances à plusieurs feuillets...) à un support électronique de prescription, reliant directement le prescripteur à l’exécutant pour la délivrance du médicament, système généralisé en Suède ou dans quelques États nord-américains. Cependant, les résultats de ces mesures d’ordre réglementaire sont mitigés. Des analyses récentes évaluant l’impact à long terme de cette mesure concernant les benzodiazépines montrent surtout une diminution importante de l’utilisation non problématique des benzodiazépines (diminution qui reste moindre pour les populations les plus marginalisées ou vulnérables) avec notamment l’absence de stratégie de substitution et une diminution de la prise en charge médicale des patients psychiatriques. Ce type de mesure fondée sur le cadre réglementaire semble avoir un impact plus significatif sur l’usage médical justifié que sur l’usage non médical des benzodiazépines.
La limitation de l’accessibilité de certains médicaments psychoactifs, mesure réglementaire assez largement répandue, s’inscrit souvent dans les programmes de surveillance et de contrôle. Les résultats restent variables et parfois totalement négatifs (transferts de consommation vers des substances, licites ou non, beaucoup plus dangereuses), selon que ces mesures aient été accompagnées d’interventions éducatives ou intégrées dans une approche globale.
L’accessibilité au médicament à risque peut également être modifiée par des restrictions du remboursement par les systèmes d’assurance maladie. À la suite d’un déremboursement, on observe en général une diminution de la consommation, mais la diminution parallèle de l’abus et du mésusage de ces médicaments n’est pas toujours mesurée. Très peu d’études sont ciblées sur les populations de sujets abuseurs, ou sur le transfert vers d’autres substances (en particulier illicites). Dans quelques rares exemples, une évaluation globale de l’impact du déremboursement a été effectuée. Elle souligne la faible efficacité des mesures de restriction isolées, sans accompagnement d’autres stratégies, par exemple de formation des professionnels de santé, et d’information et de sensibilisation des patients.
Les actions de formation et de prévention auprès des professionnels ou de la population sont développées pour limiter l’abus ou le mésusage de médicaments psychotropes. Des études soulignent le rôle clé des pharmaciens d’officine pour les médicaments d’automédication et les médicaments de substitution aux opiacés. Quel que soit le contexte géographique ou les médicaments concernés, la plupart des études disponibles montrent la nécessité d’élargir la population de professionnels impliqués dans l’identification et la prise en charge de l’abus ou du mésusage des médicaments psychoactifs. Les programmes de prévention en population générale abordant le problème spécifique de l’abus et du mésusage des médicaments sont le plus souvent intégrés dans une approche générale de l’usage problématique de substances psychoactives. Il n’y a actuellement aucun programme de prévention en direction en propre des médicaments psychotropes.
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