Pharmacodépendances et mésusages

2012


Introduction

La partie II est consacrée à la dépendance aux médicaments psychotropes et aux conséquences possibles d’une exposition précoce à de tels médicaments pendant la vie intra-utérine ou pendant l’enfance, en particulier en termes de vulnérabilité à une dépendance ultérieure.
Les risques inhérents à l’exposition aux médicaments psychotropes de manière chronique ou précoce ne constituent pas en soi une contre-indication pour un traitement. Ils sont à mettre en regard des bénéfices apportés, y compris dans les groupes particulièrement à risque de développer une dépendance.
De nombreuses disciplines (psychiatrie, psychologie, neurobiologie, pharmacologie, addictologie, santé publique...) s’intéressent à la dépendance aux médicaments psychotropes sans qu’apparaisse une définition consensuelle. En psychiatrie, les critères de définition ont évolué au gré des différents DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). Dans la dernière version (DSM-V) à paraître, la dépendance aux médicaments psychotropes est reconnue si un seul critère existe sur un ensemble de symptômes habituellement décrits. Ces variations dans les définitions ne facilitent pas l’étude de la prévalence de la dépendance. D’après les définitions antérieures, différentes études internationales ont estimé la prévalence de la pharmacodépendance autour de 1 à 2 % en population générale. En France, une consommation chronique qui peut s’étendre sur plusieurs années chez des personnes adultes ou âgées dans différentes situations de souffrances psychiques concerne essentiellement les benzodiazépines. Les études américaines soulignent la fréquente association d’une pharmacodépendance avec l’existence de symptômes ou troubles psychiatriques ou encore de dépendance à l’alcool. En France, on estime qu’un patient sur deux, suivis en soins généraux pour trouble psychiatrique, pourrait être dépendant aux benzodiazépines.
Chez les usagers de drogues, la dépendance aux substances psychoactives s’associe souvent à des mésusages de médicaments psychotropes dont de nombreux travaux socio-anthropologiques rendent compte. Ces mésusages concernent les modes d’administration, les doses, la fréquence des prises, les modes d’acquisition, les motivations et contextes de l’usage. La dépendance aux médicaments psychotropes vient donc s’ajouter à d’autres dépendances aux substances psychoactives. Plusieurs études signalent un risque accru de suicide en cas de dépendance ou de mésusage de médicaments psychotropes associé à l’usage de substances illicites.
Les risques liés à une exposition précoce (in utero et durant l’enfance) aux médicaments psychotropes ont été insuffisamment explorés jusqu’à ce jour. Les travaux se sont le plus souvent intéressés aux effets à court terme, comme le syndrome de sevrage à la naissance, plutôt qu’aux conséquences à long terme. La question d’une sensibilisation à une dépendance ultérieure aux substances psychoactives a été cependant plus souvent étudiée dans les travaux américains. Sur cette question, les modèles animaux sont particulièrement précieux et permettent d’examiner les effets à l’âge adulte d’une exposition pendant la période fÅ“tale ou juvénile.
Les avancées en neurobiologie depuis quelques années ont permis de comprendre les propriétés renforçantes d’une substance psychoactive qui sont à l’origine du maintien, voire d’une augmentation de sa consommation. Les circuits de neurotransmetteurs impliqués sont maintenant bien connus et le potentiel d’abus et de dépendance d’un médicament psychotrope peut être évalué avant sa mise sur le marché. Cependant, des facteurs de vulnérabilité individuels sont également à prendre en compte dans le risque de survenue d’une dépendance. Ces facteurs ne sont pas seulement de nature génétique mais peuvent être associés à un effet de sensibilisation obtenu par une exposition antérieure aux substances psychoactives licites ou illicites.

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