2011
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Facteurs psychosociaux au travail : modèles et concepts en épidémiologie
Au cours des dernières décennies, la notion de stress au travail ainsi que ses déterminants (ou sources ou facteurs de risque) ont gagné en popularité et de nombreux questionnaires, échelles, outils de mesure, et autres instruments d’évaluation, sont apparus. Les instruments qui explorent ces déterminants se sont appuyés sur une théorie ou un concept focalisant sur une ou plusieurs dimensions du stress au travail. Ainsi, la littérature s’est enrichie d’une multitude de concepts et modèles. En se focalisant sur certains aspects de l’environnement psychosocial au travail, ces modèles et concepts donnent une représentation de cet environnement en réduisant sa complexité. La littérature, notamment en épidémiologie, a défini la notion de facteurs psychosociaux au travail, probablement plus représentative de la variété et de la diversité des facteurs de stress rencontrés en milieu de travail. Ces facteurs recouvrent les contraintes psychologiques, sociales et relationnelles dérivées de l’organisation du travail, jusqu’à englober toutes les expositions professionnelles, qui ne relèvent pas d’agents physico-chimiques. Les modèles et concepts ont abouti au développement de questionnaires, pour la plupart validés en termes psychométriques, permettant l’évaluation de certains facteurs psychosociaux au travail via auto-questionnaire ou questionnaire posé par un enquêteur. L’évaluation des facteurs psychosociaux au travail par d’autres méthodes, l’observation notamment, est restée très marginale en épidémiologie. Ce chapitre vise à faire le point des modèles et concepts permettant l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail qui ont fait leur preuve, en termes d’effets prédictifs sur la santé, dans la littérature épidémiologique. Ces facteurs ont ainsi été conceptualisés à un niveau suffisamment général pour s’appliquer à toute population au travail, néanmoins les études ont principalement porté sur des populations salariées, les études sur les indépendants étant rarissimes.
Modèles précurseurs : de Karasek à Siegrist
Modèle de Karasek
La littérature a longtemps été dominée par le modèle conceptuel élaboré par Robert Karasek à la fin des années 1970 (
job strain model) (Karasek, 1979

; Karasek et Theorell, 1990

). La diffusion et la longévité de ce modèle s’expliquent par le fait que très tôt des études étiologiques ont souligné les effets prédictifs sur la santé cardiovasculaire du
job strain de Karasek (Karasek et coll., 1981

). Le modèle était à l’origine composé de deux dimensions, la demande psychologique, définie par la charge psychologique associée à l’exécution des tâches (en termes de quantité et de complexité des tâches, et de contraintes temporelles), et la latitude décisionnelle (combinant à la fois l’autonomie décisionnelle et l’utilisation des compétences). Selon Karasek, la combinaison d’une forte demande psychologique et d’une faible latitude décisionnelle (
job strain) conduit à une situation particulièrement à risque notamment pour la santé cardiovasculaire. Les différentes combinaisons des niveaux de la demande et de la latitude conduisent à quatre situations de travail, celle la plus à risque étant celle décrite précédemment, le
job strain, et celle la moins à risque étant probablement celle combinant une faible demande et une forte latitude (figure 2.1

). À ce modèle à deux dimensions, s’est ajoutée une troisième dimension, le soutien social traduisant l’aide et la reconnaissance des collègues et du supérieur hiérarchique (Johnson et Hall, 1988

; Johnson et coll., 1989

). Cette troisième dimension permet d’identifier une situation de cumul dont les effets seraient marqués pour la santé, l’
iso-strain, qui combine à la fois le
job strain et l’isolement social (ou absence de soutien). Le questionnaire dérivé du modèle de Karasek a été validé dans de nombreuses langues, y compris en français, soulignant des qualités psychométriques satisfaisantes de l’instrument pour les populations salariées (Karasek et coll., 1998

; Niedhammer, 2002

; Niedhammer et coll., 2006a

). Aucune tentative n’a à ce jour été menée afin d’adapter cet instrument à la population des travailleurs indépendants.
Par construction, la définition du
job strain (forte demande et faible latitude définies par la médiane des scores dans les populations étudiées) conduit à une prévalence d’exposition d’environ 25 %. Les études menées dans divers pays ont toutefois montré que cette prévalence était plus élevée pour les femmes et pour les catégories sociales et/ou professionnelles les moins avantagées (de Smet et coll., 2005

). En France, selon les données de l’enquête nationale Sumer menée en 2003, la prévalence d’exposition au
job strain était de 20 et 28 % pour les hommes et les femmes salariés respectivement, et variait de 10 à 36 % selon la profession et la catégorie sociale, les ouvriers et les employés étant les plus exposés (Niedhammer et coll., 2007a

).
La longue antériorité du modèle de Karasek permet aujourd’hui d’avoir un large corpus de connaissances à la fois sur l’évaluation des expositions décrites via ce modèle, et sur leurs effets étiologiques sur la santé, notamment sur la santé cardiovasculaire et mentale (voir le chapitre sur la santé cardiovasculaire et celui sur la santé mentale). Deux méta-analyses récentes (Kivimäki et coll., 2006a

; Stansfeld et Candy, 2006

) basées sur des études prospectives permettent de résumer les augmentations de risque de maladies cardiovasculaires et mentales induites par l’exposition aux différentes dimensions du modèle de Karasek (tableau 2.I

). L’exposition au
job strain augmenterait le risque de pathologies cardiovasculaires et de troubles de la santé mentale d’environ 40 % et 80 % respectivement. Il est notable de constater qu’un ajustement plus complexe que celui basé sur l’âge et le sexe conduit à réduire l’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires associé au
job strain de 1,45 à 1,16, mais que les covariables prises en compte sont susceptibles d’être au moins en partie des variables intermédiaires dans l’association causale menant du
job strain aux maladies cardiovasculaires. C’est le cas notamment pour les facteurs de risque cardiovasculaires, tels que : l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le surpoids et le tabagisme, souvent pris en compte dans les études. Des associations entre les dimensions du modèle de Karasek et d’autres aspects de santé que les maladies cardiovasculaires et les troubles mentaux ont également été observées, mais les études prospectives restent rares. Ces associations concernent des indicateurs de santé générale tels la santé perçue (Niedhammer et Chea, 2003

), l’absentéisme pour raison de santé (Head et coll., 2006

), la qualité de vie (Cheng et coll., 2000

). Des liens existent également avec d’autres problèmes de santé spécifiques tels les pathologies musculosquelettiques (Rugulies et Krause, 2005

), le diabète de type 2 (Heraclides et coll., 2009

), les troubles du sommeil (Ota et coll., 2009

), ou la prise/perte de poids (Kivimäki et coll., 2006b

). Notons que quelques études étiologiques (pas toutes prospectives) ont été menées à l’aide du questionnaire de Karasek auprès des salariés en France, dans des échantillons nationaux, notamment dans l’enquête Sumer (Niedhammer et coll., 2008a

et b

), ou sectoriels (Niedhammer et coll., 1998a

, b

et c

; Niedhammer et Chea, 2003

). Une étude française et prospective sur la santé mentale (Niedhammer et coll., 1998a

) a d’ailleurs été intégrée dans la méta-analyse sur la santé mentale citée précédemment (Stansfeld et Candy, 2006

).
Certaines limites du modèle de Karasek sont parfois évoquées. Entre autres, la demande psychologique peut ne pas couvrir toutes les dimensions de la demande, notamment la demande émotionnelle, ou encore la notion d’utilisation des compétences incluse dans la latitude décisionnelle, de par les exigences induites par les processus d’apprentissage, peut relever de la demande psychologique. Les limites de ce modèle, largement répandu et utilisé, sont également mieux connues, et le modèle de Karasek a ouvert la voie à d’autres concepts, venus les combler.
Tableau 2.I Résultats issus de méta-analyses sur les associations entre les facteurs psychosociaux au travail et les maladies cardiovasculaires et mentales
|
RR/OR
|
IC à 95 %
|
Maladies cardiovasculairesa
| | |
Job strain (avec ajustement sur âge et sexe)
|
1,45e
|
1,15-1,84
|
Job strain (avec multiple ajustement)
|
1,16
|
0,94-1,43
|
Déséquilibre efforts-récompenses (avec ajustement sur âge et sexe)b
|
1,58
|
0,84-2,97
|
Déséquilibre efforts-récompenses (avec ajustement sur âge et sexe)b
|
2,52
|
1,63-3,90
|
Déséquilibre efforts-récompenses (avec ajustements multiples)b
|
2,05
|
0,97-4,32
|
Déséquilibre efforts-récompenses (avec ajustements multiples)b
|
2,51
|
1,58-3,98
|
Injustice organisationnelle (avec ajustement sur âge et sexe)
|
1,62
|
1,24-2,13
|
Injustice organisationnelle (avec ajustements multiples)
|
1,47
|
1,12-1,95
|
Troubles de la santé mentale
| | |
Faible latitudec
|
1,23
|
1,08-1,39
|
Forte demandec
|
1,39
|
1,15-1,69
|
Job strainc
|
1,81
|
1,06-3,10
|
Faible soutienc
|
1,32
|
1,21-1,44
|
Déséquilibre efforts-récompensesc
|
1,84
|
1,45-2,34
|
Insécurité de l’emploic
|
1,33
|
1,06-1,67
|
Emploi temporaired
|
1,25
|
1,14-1,38
|
a Kivimäki et coll., 2006a ; b Deux estimations liées à des sélections d’études différentes (2 études doublons sur population identique) ; c Stansfeld et Candy, 2006 ; d Virtanen et coll., 2005 (cette méta-analyse n’inclut pas que des études prospectives) ; e Risque relatif ou odds ratio ; Valeurs en gras : risque significatif à 5 %
Modèle de Siegrist
Le modèle du déséquilibre efforts-récompenses (
effort-reward imbalance – ERI) de Johannes Siegrist, plus récent (Siegrist, 1996

; Siegrist et coll., 2004

), élargit l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail pour couvrir des aspects relevant de la personne et de sa personnalité et des dimensions plus larges du contexte socio-économique de travail. Le modèle postule que les efforts réalisés en milieu de travail s’inscrivent dans un contrat de réciprocité sociale dans lequel des récompenses sont obtenues en retour en termes de salaire, d’estime, de perspectives de carrière et de sécurité de l’emploi. Il suppose que nombre de contrats échouent dans cet équilibre entre efforts consentis et récompenses obtenues en retour. Différentes situations sont envisagées qui expliqueraient que des personnes puissent se trouver dans une situation de déséquilibre : de faibles possibilités de retrouver un emploi, des stratégies à long terme pour obtenir des promotions internes et/ou un meilleur emploi ailleurs... Ce déséquilibre serait plus fréquent dans les économies mondialisées du fait de l’insécurité de l’emploi grandissante, des contrats de plus en plus précaires, de la concurrence accroissant les exigences en termes de flexibilité, rentabilité, productivité... Ce déséquilibre prévaudrait également en période de récession, et en cas de chômage endémique. Le modèle propose donc de focaliser sur le déséquilibre entre deux composantes de l’environnement psychosocial de travail : les efforts (liés aux contraintes de temps, interruptions, responsabilités...) et les récompenses obtenues en retour en termes d’estime, de perspectives de promotion et de salaire, et de stabilité de la situation de travail. Selon Siegrist, l’exposition à un déséquilibre entre des efforts élevés et des récompenses faibles constitue un facteur de risque pour la santé, notamment cardiovasculaire. À ces deux dimensions s’ajoute le surinvestissement, ou la propension à se surinvestir dans le travail, caractéristique de la personnalité, susceptible également d’être un facteur de risque pour la santé. Ce profil de personnalité est susceptible d’exacerber le risque lié au déséquilibre entre efforts et récompenses ; en effet, les personnes ayant un fort surinvestissement dans le travail seraient plus enclines à déployer plus d’efforts que nécessaire et seraient donc plus exposées au déséquilibre efforts-récompenses. Il est toutefois difficile de déterminer si cette caractéristique de personnalité est stable dans le temps ou peut être influencée par les conditions mêmes de travail. Selon Siegrist, le surinvestissement serait en lui-même un facteur de risque pour la santé et l’exposition combinée au déséquilibre et au surinvestissement constituerait la situation la plus à risque, le surinvestissement augmentant les effets du déséquilibre sur la santé.
Le questionnaire dérivé de ce modèle a été développé et validé en plusieurs langues, dont le français, et des études ont souligné des propriétés psychométriques satisfaisantes dans les populations salariées (Niedhammer et coll., 2000

; Siegrist et coll., 2004

). Plusieurs versions successives de l’instrument se sont succédées en 1996 (Siegrist et Peter, 1996

), 2004 (Siegrist et coll., 2004

) et 2009 (Siegrist et coll., 2009

), tendant à accroître les qualités psychométriques de l’instrument, mais aussi à améliorer et standardiser son utilisation. La dernière version (Siegrist et coll., 2009

) présente l’intérêt, par rapport aux versions antérieures, de ne plus interroger les personnes sur le degré de perturbation qu’elles ressentent par rapport aux différentes situations proposées (qui tendait à mélanger évaluation des conditions de travail et impact de celles-ci), mais sur leur degré d’accord avec ces affirmations (échelle de type Likert similaire à celle utilisée dans le questionnaire de Karasek, de « pas du tout d’accord » à « tout-à-fait d’accord »). Notons que cette dernière version devrait être de nouveau validée en langue française afin de vérifier la stabilité de ses qualités psychométriques. Une tentative d’adapter l’instrument à la population des indépendants a été réalisée en France pour la population des exploitants agricoles de la MSA (Bernard et coll., 2009

), toutefois l’évaluation psychométrique de cette adaptation n’a à ce jour pas été réalisée mais pourrait apporter des informations pertinentes sur la population des indépendants.
Des études étiologiques ont mis en évidence les effets prédictifs du déséquilibre efforts-récompenses sur les maladies cardiovasculaires et les troubles de la santé mentale. Deux méta-analyses (Kivimäki et coll., 2006a

; Stansfeld et Candy, 2006

) montrent des effets du déséquilibre sur ces deux types de pathologies sur la base d’une sélection d’études prospectives, deux études pour la santé mentale et trois pour les maladies cardiovasculaires (tableau 2.I

). Toutefois, les associations ne sont pas toutes significatives pour les maladies cardiovasculaires, du fait notamment du faible nombre d’études concernées. Des études prospectives mettent également en évidence des associations entre des dimensions du modèle ERI et d’autres aspects de santé : absentéisme pour raison de santé (Ala-Mursula et coll., 2005

), santé perçue (Niedhammer et coll., 2004

), troubles du sommeil (Ota et coll., 2009

), dépendance alcoolique (Head et coll., 2004

), migraine (Maki et coll., 2008

), et diabète de type 2 (Kumari et coll., 2004

), mais les études prospectives sont encore extrêmement parcellaires. Enfin, il est à noter que dans les études publiées les auteurs ne suivent pas tous les recommandations, ni sur le questionnaire à utiliser, ni sur les méthodes pour l’exploiter, soulevant ainsi des questions à la fois sur la validité du questionnaire utilisé et sur la comparabilité entre études. Par ailleurs, des critiques ont été soulevées pour le modèle ERI portant sur le manque de précision des dimensions des efforts et des récompenses et l’absence d’évaluation de certains aspects de ces deux dimensions : surcharge de travail, intensification, réorganisation, augmentation de la concurrence, primes, changements souhaités versus imposés dans le travail... L’impossibilité de distinguer dans la mesure du surinvestissement la pression informelle de l’environnement de travail et la motivation intrinsèque de la personne de se surinvestir dans son travail a également été évoquée. Enfin, le mode d’évaluation du déséquilibre, qui s’appuie sur un ratio des efforts et des récompenses, conduit dans de nombreux échantillons à une prévalence d’exposition très faible : par exemple, il a été observé une prévalence d’exposition de 6 et 7 % pour les hommes et les femmes de la cohorte Gazel, composé d’agents d’EDF-GDF (Niedhammer et coll., 2004

). Cette limite conduit certains auteurs à explorer ce déséquilibre par d’autres méthodes de construction, telles un ratio continu, en quartiles, ou encore log-transformé (Pikhart et coll., 2001

; Niedhammer et coll., 2004

). Néanmoins, aucune de ces mesures ne permet d’évaluer la prévalence d’exposition au déséquilibre efforts-récompenses dans les populations au travail de manière consensuelle.
Concepts émergents
Depuis l’apparition des modèles de Karasek, puis de Siegrist, d’autres concepts ont vu le jour permettant ainsi d’élargir l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail à des aspects jusqu’alors négligés par ces modèles. Ces concepts, qui pour la plupart sont apparus au cours de la décennie 2000, permettent d’aborder la justice organisationnelle, la qualité du leadership, les violences au travail, l’insécurité et la précarité au travail, ou encore le temps de travail prolongé.
Justice organisationnelle
La justice organisationnelle, et son corollaire, l’injustice, est un concept ancien qui initialement ne concernait pas uniquement le milieu de travail et qui a évolué au fil du temps. Apparu récemment dans la littérature épidémiologique sur les risques psychosociaux au travail, trois composantes de la justice peuvent être distinguées. La justice distributive a longtemps constitué la principale forme de la justice étudiée dans la littérature (Miller, 2001

), et relève de la justice dans la distribution des ressources (des résultats). La justice procédurale est maintenant considérée comme encore plus importante que la justice distributive ; elle porte sur la justice dans les procédures, les méthodes et les mécanismes utilisés pour obtenir les résultats (et non l’équité des résultats eux-mêmes) et en particulier dans les procédures de prise de décision (prise en compte des positions de l’ensemble des parties, cohérence dans la prise de décision...). Plus récemment, l’intérêt s’est porté sur la justice relationnelle, qui se définit par l’équité et la justice par lesquelles les personnes sont traitées sur le lieu de travail en termes de relations sociales (considération, politesse, respect, dignité...), cette dernière composante étant jugée également cruciale. Certains auteurs évoquent enfin une dernière composante de la justice, la justice informationnelle qui focalise sur les modalités de communication de la hiérarchie notamment en termes d’information sur les procédures et les résultats. Cette thématique de recherche n’est apparue que depuis le tout début des années 2000 dans la littérature épidémiologique en santé au travail (Elovainio et coll., 2002

). Différents instruments ont été développés pour mesurer ces notions relatives à l’injustice, notamment le questionnaire d’Elovainio et coll. (2002)

, le plus utilisé dans la littérature épidémiologique pour évaluer les deux composantes procédurale et relationnelle de la justice, et lui-même dérivé d’un questionnaire élaboré par Moorman (Moorman, 1991

). Bien qu’utilisé dans plusieurs pays, notamment en Finlande, cet instrument n’a fait l’objet que de très peu d’analyses afin d’évaluer ses propriétés psychométriques. À ce jour, il n’existe pas de version française de l’instrument, ni d’étude étiologique française sur ce concept. Les données sur la prévalence d’exposition aux différentes dimensions de l’injustice restent extrêmement parcellaires, et inexistantes en France.
Les études restent encore éparses mais suggèrent que l’injustice au travail constituerait un facteur de risque pour la santé, notamment pour la santé cardiovasculaire et mentale, et pour des indicateurs globaux de morbidité (santé perçue, absentéisme...) (Ferrie et coll., 2006

; Head et coll., 2007

; Kouvonen et coll., 2008

; Elovainio et coll., 2009

; Gimeno et coll., 2010

; Ybema et van Den, 2010

). La méta-analyse de Kivimäki et coll. (2006a)

, basée sur deux études prospectives, souligne le lien significatif entre l’injustice et les maladies cardiovasculaires (tableau 2.I

), toutefois, la rareté des études étiologiques prospectives conduit à conclure à la nécessaire poursuite des travaux sur ce concept afin de conforter les études déjà réalisées, dont la grande majorité sur la même population, celle des fonctionnaires londoniens de la cohorte Whitehall. Des études dans la population française semblent également nécessaires.
Qualité du leadership
La qualité du leadership est un autre concept, qui présente quelques similitudes avec ceux de la justice relationnelle et de la justice informationnelle, puisqu’il a trait aux méthodes de management et de communication de la hiérarchie. Ce concept peut également être rapproché du soutien social de la hiérarchie et des récompenses du modèle d’ERI. Toutefois, la qualité du leadership repose sur des comportements managériaux plus concrets que les notions abordées dans les concepts de justice, soutien ou récompenses, permettant ainsi plus facilement la mise en place éventuelle d’actions de prévention. En effet, le concept de qualité du leadership se focalise sur les comportements managériaux en termes d’intégrité (manager honnête, juste, fiable, sincère), de motivation (positif/optimiste, encourageant, mobilisateur, enthousiaste), d’intégration (intégrateur, informant, communicant, stimulant le travail en équipe), d’autocratisme (autocratique, autoritaire, élitiste, dictatorial), et d’auto-centrage (égoïste, asocial, solitaire, non-participatif). L’introduction de ce concept dans la littérature épidémiologique est très récente, et il existe à ce jour encore peu d’études. Un questionnaire permet de mesurer la qualité de leadership avec les 5 sous-dimensions décrites précédemment (Nyberg et coll., 2008

), ce questionnaire étant lui-même dérivé de 21 échelles élaborées dans le cadre du projet Globe (
Global Leadership and Organizational Behaviour Effectiveness programme), projet international centré sur les relations entre culture et leadership. Cet instrument n’a toutefois fait l’objet que de peu d’études de validation, et il n’existe pas de version française de cet instrument. Les données de prévalence d’exposition sont inexistantes pour la plupart des pays à l’exception peut-être de la Suède où des travaux ont été menés (Nyberg et coll., 2008

et 2009

). De plus, une seule étude étiologique prospective est disponible. Elle montre les effets protecteurs d’une bonne qualité du leadership sur l’incidence de maladies cardiovasculaires dans un échantillon de salariés de la région de Stockholm (Nyberg et coll., 2009

). Cette étude suggère aussi que plus la durée d’exposition à une bonne qualité de leadership est longue, plus le risque de survenue de ces pathologies diminuerait, une telle relation dose-effet étant un élément épidémiologique particulièrement important. Néanmoins, des études prospectives de qualité sont encore nécessaires pour asseoir les effets prédictifs de la qualité du leadership sur la santé, et de surcroît en France, où aucune étude n’a encore été menée sur ce sujet.
Violences au travail
Les violences au travail constituent une autre facette des relations sociales au travail. Ce concept se distingue des précédents car constituant des aspects extrêmes des relations sociales. Jusqu’à récemment, cette problématique en épidémiologie était restée très localisée dans les pays scandinaves et semblait centrée sur les aspects de violence à la fois les plus durs mais aussi les moins prévalents : agression physique (y compris homicide) essentiellement de la part du public, et harcèlement sexuel. Plus récemment, le thème de la violence psychologique a émergé et a fait ressortir la partie immergée de l’iceberg des violences.
La violence psychologique engloberait les formes de violences les plus largement répandues en milieu de travail. Malgré un manque de consensus sur la définition de ces violences psychologiques, qui explique la pléthore de termes employés dans la littérature internationale pour qualifier le phénomène (
bullying,
mobbing,
psychological terror,
harassment,
interpersonal conflict...), il semble que les auteurs s’accordent sur le fait que ces agissements doivent se caractériser par leur répétitivité et leur durée. Ils recouvrent une multitude de situations dans lesquelles la personne victime peut être mise à l’écart, exclue, attaquée sur des aspects personnels et sur sa vie privée, agressée verbalement et insultée, critiquée et/ou sanctionnée dans son travail par une ou plusieurs personnes de son environnement de travail. Selon Heinz Leymann (Leymann, 1996a

), un des précurseurs sur ce thème, la violence psychologique au travail peut se définir par « l’enchaînement, sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles, exprimés ou manifestés par une ou plusieurs personnes envers une tierce personne ». La mesure du phénomène reste toutefois très hétérogène selon les études. Selon les études, la prévalence varie de moins de 5 % à plus de 20 % de personnes exposées. Il semble cependant difficile de comparer les résultats, tant la définition, l’instrument d’évaluation, la période de temps et l’échantillon étudié fluctuent d’un auteur à l’autre (Einarsen, 2000

). Plusieurs instruments ont été développés pour mesurer l’exposition à la violence psychologique au travail. Le plus ancien et le plus complet est celui élaboré par Leymann : le
Leymann Inventory of Psychological Terror (LIPT), dont une version française a été élaborée et validée montrant des propriétés psychométriques satisfaisantes et une bonne adaptation au contexte français (Niedhammer et coll., 2006b

). Cet instrument repose sur une liste de 45 situations de violence. Selon Leymann, l’exposition à la violence psychologique se définit par l’exposition à au moins une de ces situations, au moins une fois par semaine et pendant une période d’au moins 6 mois (Leymann, 1996b

). En France, une prévalence d’exposition d’environ 10 % a été observée dans la population salariée (Niedhammer et coll., 2006b

et 2007b

), plaçant la France bien loin devant les pays scandinaves, notamment la Suède (Leymann, 1996b

). Notons que les situations les plus fréquentes relevaient de comportements tels qu’être constamment interrompu quand on s’exprime, être l’objet de critique permanente à propos de son travail, et entendre dire du mal sur soi-même derrière son dos. Des différences dans la prévalence d’exposition à la violence ont été observées en fonction des secteurs d’activité et des professions dans la population salariée française, soulignant que chez les hommes, la prévalence d’exposition la plus forte était observée dans le secteur des services, et la plus faible chez les cadres/ingénieurs (Niedhammer et coll., 2006 et 2007). L’étude des facteurs de risque de la violence psychologique semble montrer une étiologie multifactorielle ; l’environnement organisationnel et psychosocial au travail jouerait un rôle crucial (Leymann, 1996a

; Hauge et coll., 2007

).
La violence psychologique au travail, enfin, apparaît comme un axe de recherche incontournable étant donné les effets sur la santé qu’elle peut générer. Même si à l’heure actuelle les études étiologiques prospectives sont relativement rares, elles suggèrent que la violence psychologique au travail aurait des répercutions majeures sur la santé et surtout sur la santé mentale (Appelberg et coll., 1996

; Romanov et coll., 1996

; Kivimäki et coll., 2000

; Kivimäki et coll., 2003a

; Eriksen et coll., 2008

). En France, des études transversales en population salariée confirment les associations de la violence psychologique au travail avec le syndrome anxio-dépressif, les troubles du sommeil et la prise de psychotropes (Niedhammer et coll., 2006c

et 2009

; Niedhammer et coll., 2011

). Cependant, les études prospectives manquent encore, notamment en France, sur la thématique des violences au travail.
Insécurité au travail
L’insécurité au travail a fait l’objet de travaux au cours des dernières années et est considérée comme un facteur psychosocial important en milieu de travail. Cette problématique est étroitement liée aux changements intervenus dans le marché du travail et notamment ceux liés aux effets de la conjoncture économique et de la mondialisation des économies. En effet, les entreprises, situées dans une logique de rentabilité économique sans cesse plus contraignante, s’adaptent via des changements organisationnels qui les conduisent à mener des plans de restructuration (acquisition, fusion...) et/ou des plans sociaux. Ces changements organisationnels se traduisent chez les salariés par un sentiment d’insécurité lié à la perte éventuelle de leur emploi, mais aussi à leur perception plus générale du futur. Dans ce contexte, l’insécurité de l’emploi reflète l’anticipation d’un événement capital et non souhaité (Sverke et coll., 2002

). Ce concept d’insécurité doit toutefois être différencié de la perte réelle d’emploi, dans le sens où la perte d’emploi est immédiate, alors que l’insécurité de l’emploi est une expérience quotidienne impliquant une incertitude prolongée par rapport au futur. La mesure de l’insécurité de l’emploi repose sur des instruments très variés allant de l’item isolé (crainte de perdre son emploi dans les 6 prochains mois par exemple) à l’échelle à plus de 50 items (Sverke et coll., 2002

; Sverke et coll., 2006

) rendant la comparaison entre études difficile. Notons que les instruments les plus sophistiqués sont aussi les plus performants en termes d’évaluation, mais qu’il n’existe pas de consensus sur l’instrument à recommander (Sverke et coll., 2002

). Ces instruments sophistiqués permettent d’évaluer différentes dimensions de l’insécurité, et des auteurs (Sverke et coll., 2006

) insistent sur l’intérêt de distinguer a minima l’insécurité quantitative (proche du concept global, à savoir la crainte de perdre son emploi) de l’insécurité qualitative (crainte de perdre la qualité de son emploi, en termes de conditions de travail, de salaire, de perspectives professionnelles...). Par ailleurs, deux types de mesures tendent à cohabiter dans la littérature, l’une évaluant la perception individuelle d’insécurité et l’autre l’insécurité objective dont fait l’objet une entreprise ou un groupe de salariés menacés d’un changement organisationnel majeur, cette dernière approche permettant de mesurer les effets d’une insécurité réelle sans le filtre de la perception, la mesure ne reposant pas sur l’exposition au niveau de l’individu, mais de l’exposition collective d’un groupe, d’un service ou d’une entreprise (Ferrie et coll., 1995

). En termes étiologiques, la méta-analyse de Stansfeld et Candy (2006)

souligne des effets prédictifs significatifs de l’insécurité de l’emploi sur les troubles de la santé mentale sur la base de deux études prospectives (tableau 2.I

). Des études prospectives ont aussi montré les associations entre l’insécurité de l’emploi et des variables de santé telles que l’infarctus du myocarde ou la santé perçue (Ferrie et coll., 2002

; Lee et coll., 2004

; Rugulies et coll., 2008

). Toutefois, alors que les études transversales sont relativement nombreuses, les études étiologiques prospectives font encore défaut. Des travaux doivent aussi se poursuivre en vue d’aboutir à un consensus et à une standardisation de la mesure de l’insécurité et à un plus grand raffinement de la mesure, qui ne devrait pas seulement intégrer la crainte de perdre son emploi. L’évolution actuelle allant vers une flexibilité du marché du travail toujours plus grande, il est probable que cette thématique prendra une grande importance dans les années futures.
Précarité de l’emploi
La précarité de l’emploi est une thématique connexe de l’insécurité de l’emploi. En effet, l’insécurité de l’emploi est particulièrement présente dans les emplois où le contrat de travail est précaire/temporaire : CDD, intérim, contrats aidés, ou toute autre forme de contrat de travail temporaire. La proportion de salariés concernés par ces contrats précaires est en augmentation dans les pays industrialisés. Ces contrats, qui exposent les salariés en général à un risque accru de chômage, les soumettraient également à de nombreux désavantages par rapport aux salariés en contrat à durée indéterminée ; moins d’avantages sociaux et professionnels et plus d’expositions à des situations professionnelles à risque. Ce cumul de désavantages pourrait au moins en partie expliquer les résultats de la littérature qui soulignent des effets des contrats précaires sur la santé, notamment sur la mortalité (Kivimäki et coll., 2003b

), sur la santé mentale (Virtanen et coll., 2008

) et sur les accidents du travail (Benavides et coll., 2006

). Une méta-analyse de Virtanen et coll. (2005)

met l’accent sur les effets de la précarité de l’emploi sur les troubles de la santé mentale (tableau 2.I

). Notons que cette méta-analyse ne s’appuie pas uniquement sur des études prospectives. Les mécanismes par lesquels les contrats précaires pourraient agir sur la santé, les effets de sélection (la population recrutée sur certains contrats précaires pourrait dans certains cas constituer une population sélectionnée, notamment en meilleure santé), mais aussi le contexte dans lequel s’inscrivent les pays étudiés (taux de chômage, évolution de la sous-traitance, part des contrats précaires, temps partiel non choisi, système de protection sociale...) nécessitent des approfondissements.
La mesure de la précarité, comme celle de l’insécurité, nécessiterait plus de développement pour parvenir à des instruments validés et précis dans leur évaluation. Par ailleurs, le lien entre précarité et insécurité de l’emploi mériterait d’être éclairci ; il serait notamment éclairant de déterminer si l’insécurité est susceptible d’expliquer au moins en partie l’association observée entre précarité et santé.
Temps de travail prolongé
Le temps de travail prolongé est un concept apparu initialement au Japon à la fin des années 1970 avec les phénomènes du Karoshi (décès ou incapacité permanente par excès de travail) (Iwasaki et coll., 2006

) et du Karojisatsu (suicide par excès de travail) (Amagasa et coll., 2005

). Il se définit par des heures de travail excessives, sans pour autant que la littérature s’accorde pour déterminer le seuil au-delà duquel cet excès de travail devient une situation à risque, certains auteurs proposant des seuils de 45 ou 50 heures par semaine, d’autres, japonais notamment, des seuils encore plus élevés. Ce temps prolongé peut aussi se caractériser par des heures supplémentaires, payées ou non, réalisées en plus des 8 heures journalières souvent considérées comme la norme en Europe (même si l’hétérogénéité entre les pays européens est grande). Il semble toutefois nécessaire dans l’étude du temps de travail prolongé de pouvoir faire la part entre la pratique d’horaires atypiques, et l’excès de travail. Ainsi, les connaissances nombreuses accumulées sur le travail posté ne sont pas strictement applicables aux heures de travail excessives, même si un certain recoupement peut s’opérer, dans les cas notamment où les heures excessives sont réalisées lors d’horaires atypiques (soirée, nuit, week-end...). En effet, les heures excessives ne conduisent pas systématiquement comme dans le cas du travail posté à une désynchronisation des rythmes circadiens.
Une revue de la littérature (van der Hulst, 2003

) tente de recenser les études (quel que soit leur protocole – transversal ou prospectif – à l’exception des études cas-témoins) et suggère des effets éventuels d’un temps de travail prolongé sur la santé, en particulier sur les maladies cardiovasculaires, le diabète, et des indicateurs spécifiques de santé perçue et de fatigue. Les auteurs concluent toutefois à la nécessité de poursuivre les travaux, notamment prospectifs, avant que des conclusions plus solides puissent être établies. Plus récemment, quelques études prospectives ont souligné le rôle d’un temps de travail prolongé sur les troubles du sommeil, la fonction cognitive et les cardiopathies ischémiques (Virtanen et coll., 2009a

et b

, 2010

). Outre que les études prospectives soient encore nécessaires pour confirmer le rôle étiologique d’un temps de travail prolongé, plusieurs questions méthodologiques se posent : quel est le recoupement entre ce concept et celui de la demande psychologique, et quel est le rôle de chacun ? L’étude de Virtanen et coll. (2009b)

suggère par exemple que la demande psychologique est susceptible d’expliquer une partie de l’association entre temps de travail prolongé et troubles du sommeil. Quel est le seuil à partir duquel le temps de travail devient pathogène, ou encore quel est le nombre d’heures de travail supplémentaires au-delà duquel la situation devient à risque ? Les différences sont en effet importantes d’une étude à l’autre, les auteurs définissant le temps de travail prolongé de manière hétérogène, le groupe de référence n’étant donc plus vraiment comparable entre les études.
Quelques questions méthodologiques de l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail
Les concepts et modèles développés précédemment soulèvent un certain nombre de questions sur la qualité et la pertinence de la mesure. Ces concepts capturent-ils bien les aspects cruciaux de l’environnement psychosocial de travail ? Leur introduction dans la littérature épidémiologique souligne-t-elle l’importance de ces aspects, ou n’est-elle liée qu’à des hasards ou des opportunités de la recherche ? Pourquoi ces concepts plutôt que d’autres, nombreux, ont-ils abouti à des recherches épidémiologiques de type étiologique ? Comme souligné par Kasl (1998)

, très peu d’auteurs ont tenté de dresser une classification ou une taxonomie des facteurs psychosociaux au travail, qui aurait l’avantage de souligner les lacunes et les manques en matières d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail et de recherche étiologique. Une question connexe est aussi le degré de recoupement entre les concepts. Autrement dit, quelles sont les associations entre ces différents concepts et dimensions ainsi évalués ? Quels sont leurs recoupements mais aussi leurs complémentarités ? Des recoupements peuvent exister par exemple entre l’injustice et certains aspects de la latitude décisionnelle, du soutien et des récompenses. Des réponses à ces questions auraient sans aucun doute l’intérêt de pouvoir mieux évaluer les effets prédictifs respectifs des différents facteurs sur la santé. De plus, l’exploration des effets conjoints ou combinés des facteurs mérite attention. Des tentatives ont été menées pour analyser les effets respectifs de différents concepts pris en compte simultanément dans les études, mais celles-ci restent encore rares et trop souvent limitées à l’exploration de deux modèles ou concepts notamment les modèles du
job strain et de l’ERI (Bosma et coll., 1998

; Peter et coll., 2002

; Niedhammer et coll., 2006d

). Ces études soulignent l’apport respectif que peuvent avoir les différents concepts et leur complémentarité. Une autre question porte aussi sur la comparabilité inter-culturelle de ces concepts. Les concepts ont-ils les mêmes qualités et pertinence d’une culture à une autre, au sens large, et aussi en termes géographiques ? Peu d’études à ce jour se sont aventurées à explorer les différences inter-culturelles dans l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail (Tsutsumi et coll., 2009

). Par ailleurs, l’essentiel des instruments d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail porte sur la présence ou non de l’exposition, mais en général aucune information n’est disponible sur la fréquence et la durée des expositions, ces précisions pouvant pourtant avoir un rôle important dans l’évaluation de ces facteurs et leur rôle étiologique. Enfin, un autre problème souvent soulevé au regard de certains de ces concepts est la difficulté d’en dégager des pistes aisées en matière de prévention.
Une question importante, largement débattue dans l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail, et volontairement isolée du reste dans ce chapitre, est celle relative à la différenciation opérée entre évaluation subjective et évaluation objective des facteurs psychosociaux au travail. Cette question est dans la littérature souvent ramenée à la différence entre des mesures fondées sur la déclaration des personnes et des mesures non déclarées, ceci étant une simplification du problème sans doute abusive, les problèmes liés à l’évaluation subjective n’étant pas strictement transposables à ceux posés par la déclaration de données. Les réfractaires de l’évaluation objective (issus pour l’essentiel de l’approche psychologique du stress) s’appuient sur l’argumentation que seule la perception est pertinente, et que sans elle aucune exposition dite objective relative aux conditions de travail ne pourrait avoir d’effets sur la santé. D’autres arguments plus modérés et plus pragmatiques évoqués pour laisser de côté l’évaluation objective sont que ce type d’évaluation est coûteuse, longue et compliquée à mettre en place. Il est vrai que pour des études en population générale au travail, l’évaluation objective peut s’avérer un véritable challenge. Pour des échantillons plus restreints, centrés notamment sur une ou quelques professions, des mesures objectives peuvent être tout à fait envisageables. Des tentatives d’évaluation par observateur ont d’ailleurs été menées dans quelques études (Roelen et coll., 2008

; Waldenstrom et coll., 2008

). Indépendamment du temps et du coût inhérents à la méthode, des difficultés ont également été soulevées telles la nécessaire formation et expérience des observateurs, et l’adaptation parfois incontournable des instruments selon la profession étudiée. De plus, la subjectivité de l’observateur peut aussi être une source supplémentaire d’erreur. Par ailleurs, des matrices emplois-expositions, visant à fournir des estimations d’expositions pour des professions/secteurs donnés, et non pas des évaluations pour un individu donné, ont fait l’objet de plusieurs tentatives au niveau national dans divers pays (Schwartz et coll., 1988

; Johnson et Stewart, 1993

; Cohidon et coll., 2004

; Niedhammer et coll., 2008a

et b

). Les résultats sont tout de même mitigés du fait des limites inhérentes à la méthode (erreurs de classement, absence de variance intra-groupe...). De plus, l’usage de telles matrices s’avère encore plus difficile pour l’évaluation de certaines dimensions psychosociales dont la demande psychologique. L’évaluation objective présente des avantages qui sont autant d’arguments pour poursuivre les efforts de recherche dans ce sens : l’évaluation objective porte sur des conditions de travail réelles, et est susceptible de fournir des informations sur ce qui pourrait être modifié, elle permet de produire des résultats étiologiques plus satisfaisants, et permet de dresser un schéma causal plus clair car l’exposition ainsi définie n’est pas sur la trajectoire des réactions et impacts. Dans ce sens, des auteurs (Kasl, 1998

; Pearce, 1998

; Bussing, 1999

), en-dehors des champs disciplinaires liés à la psychologie, insistent sur l’intérêt d’explorer les conditions de travail objectives qui ont sans aucun doute des effets sur la santé indépendamment de la perception. D’un point de vue préventif, de tels travaux soulignent l’importance d’agir sur les expositions elles-mêmes, en prévention primaire. Toutefois, les deux approches, évaluation objective et évaluation subjective, ayant toutes deux des avantages et des inconvénients, il convient de poursuivre les travaux à l’aide des deux approches, des études ayant de surcroît montré une concordance satisfaisante entre leurs résultats (Theorell et Hasselhorn, 2005

).
En conclusion, l’ensemble des concepts présentés dans ce chapitre ont montré des effets prédictifs sur la santé, en particulier sur les maladies cardiovasculaires et les troubles de la santé mentale. L’état d’avancement des connaissances est toutefois très variable d’un concept à un autre, notamment du fait des différences d’antériorité. Ce chapitre n’est toutefois probablement pas entièrement exhaustif sur les concepts/modèles d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail dont on peut attendre des effets sur la santé. Il se veut représentatif des dernières avancées réalisées en épidémiologie des risques professionnels en tentant de prendre en compte les facteurs psychosociaux au travail qui par des études prospectives de qualité ont montré des effets étiologiques sur la santé. Depuis l’introduction du modèle de Karasek, élaboré dans un contexte d’industrialisation, la tendance de cette littérature va vers une ouverture plus large et plus variée de ces facteurs. En effet, depuis l’élaboration du modèle de Karasek, le monde du travail a poursuivi sa mutation tendant vers une tertiarisation de plus en plus massive, où les contraintes psychosociales tendent à changer et de nouvelles à apparaître. Il est probable notamment que la latitude décisionnelle (dans ses deux dimensions, autonomie et compétences) se soit accrue au cours des années, même si des différences d’exposition persistent au sein des populations au travail. Pour la demande psychologique, des études, notamment en France, suggèrent que cette demande s’est accrue conduisant à une intensification du travail. Pour certains auteurs néanmoins, ce concept global de la demande ne permet pas de faire la différence entre l’intensification du travail (cadences, rythmes... probablement plus propres aux ouvriers) et l’« extensification » (temps de travail prolongé, contraintes de temps... plus propres aux cadres) (Kristensen et coll., 2004

). Par ailleurs, les concepts passés en revue ne sont pas tous indépendants les uns des autres, et certains recoupements peuvent exister entre eux. Ces concepts, pour certains anciens, restent pertinents, mais ils nécessitent probablement des mesures plus fines et élaborées pour prendre en compte les évolutions récentes du monde du travail. Enfin, certains auteurs en épidémiologie, Kasl en tête (Kasl, 1998

), prêchent depuis longtemps pour que la thématique des risques psychosociaux au travail ne soit plus associée au concept du stress postulant que le principal bénéfice serait de faciliter l’identification des facteurs de risque, objectifs, de l’environnement de travail pour la santé.
Au vu de cette littérature, il apparaît que les travailleurs indépendants pourraient être particulièrement concernés par certains facteurs, notamment une forte demande psychologique, un faible soutien social, certaines formes de violences et d’insécurité, et un temps de travail excessif. Les études étant rares sur cette population spécifique de travailleurs, de plus amples travaux sont nécessaires pour confirmer ces hypothèses et améliorer la connaissance des expositions aux facteurs psychosociaux au travail dans cette population.
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