Retardateurs de flamme polybromés (RFB)

2011


ANALYSE

49-

Conclusions et perspectives de recherche

Il existe aujourd’hui de nombreux types de retardateurs de flamme, ceux-ci étant incorporés dans les produits et matériaux concernés (textiles, rideaux, vêtements, sièges, plastiques, mousses, capitonnages, résines, circuits imprimés, câbles, téléviseurs, ordinateurs...) à des teneurs allant en général de 5 à 20 %. Les retardateurs de flamme bromés (RFB) représentent 30 % des retardateurs de flamme utilisés au niveau européen. Trois groupes chimiques dominent les usages courants : les polybromo-diphényléthers (PBDE), le 1,2,5,6,9,10 hexabromocyclododécane (HBCD) et le tétrabromobisphénol A (TBBPA). La réglementation européenne interdit depuis août 2004 deux mélanges « techniques » de PBDE historiquement utilisés industriellement, à savoir l’octa-BDE et le penta-BDE (ou mélange DE-71), mais autorise encore le mélange déca-BDE (BDE 209). Les PBDE ne sont pas liés aux matériaux par des liaisons chimiques, mais par un phénomène physique, et peuvent par conséquent faire l’objet d’un relargage depuis les matériaux dans certaines conditions. Le TBBPA a une structure chimique proche de celle du BPA, avec deux cycles aromatiques liés par un pont carbone. Contrairement aux PBDE, le TBBPA est un composé utilisé en tant que réactif dans les matériaux, donc avec une liaison forte. Le HBCD « technique » est un mélange principalement constitué de trois diastéréoisomères qui se répartissent dans la proportion d’environ 70 à 95 % de γ-HBCD pour 5 à 30 % d’α- et de β-HBCD. Ces composés se caractérisent globalement par des propriétés physico-chimiques qui les rendent lipophiles et bioaccumulables, au même titre que certains autres polluants organiques persistants (POP) halogénés (dioxines, polybromo biphényls).
La génération de données précises et fiables d’exposition et d’imprégnation concernant les retardateurs de flamme bromés représente un challenge sur le plan analytique tant pour la préparation des échantillons biologiques (procédures d’extraction et de purification lourdes) que pour la mesure de ces molécules (la méthode de choix reste le couplage chromatographie gazeuse – spectrométrie de masse haute résolution). Il faut souligner la difficulté de gestion des contaminations environnementales pour ces contaminants ubiquistes ce qui pourrait être à l’origine de disparités s’agissant de la distribution des niveaux de concentration mesurés sur un même jeu d’échantillons mais sur la base de méthodologies différentes. Les différentes études disponibles n’ayant pas toutes recherché les mêmes congénères PBDE, ceci rend délicate la comparaison des valeurs médianes d’exposition et d’imprégnation rapportées. De façon très générale, les valeurs d’exposition aux PBDE estimées sont de l’ordre de 50 à 150 ng/j. Pour l’adulte en population générale, ces valeurs apparaissent assez largement en deçà des valeurs NOAEL estimées par rapport à des effets neurodéveloppementaux ou sur la spermatogenèse, mais restent préoccupantes pour des sous-populations particulièrement exposées (par exemple les forts consommateurs de poissons) et/ou à risque (fœtus, nourrisson...). La présence de plusieurs représentants de cette classe de polluants chimiques dans certains fluides et tissus biologiques humains est avérée. Dans le sérum ou le lait maternel, les teneurs observées sont de façon générale de l’ordre de quelques ng/g de lipide. Une tendance à une diminution des niveaux d’imprégnation a été rapportée pour les principaux congénères de type PBDE depuis le début des années 2000, correspondant à un arrêt de la production et de l’utilisation des deux mélanges industriels penta- et octa-BDE. En revanche, cette observation ne concerne pas le BDE 209, le HBCD ou encore le TBBPA, les données disponibles concernant ces deux dernières substances sont extrêmement limitées voire inexistantes.
Les études épidémiologiques sont encore trop peu nombreuses pour conclure à un rôle possible des PBDE sur la santé reproductive de l’homme et la femme. Alors que certaines études reposent sur des échantillonnages cliniques et peu détaillés et ayant des effectifs souvent faibles, d’autres études d’effectif plus élevé suggèrent des résultats préoccupants (augmentation du délai pour concevoir, perturbation des taux d’hormones LH, cryptorchidie...) qui doivent être confirmés ou infirmés par de nouvelles études. Les mécanismes sous-jacents doivent de plus être élucidés. Dans les études disponibles, il est difficile de distinguer le rôle des PBDE des autres polluants organiques persistants, tels que les PCB, ayant des structures et des mécanismes d’action similaires aux PBDE, ainsi que des sources potentielles d’exposition communes. Une limite importante des études est ainsi l’absence de la prise en compte de ces co-expositions. La liste des composés bromés analysés dans les études existantes est constituée des PBDE uniquement. Dans ces études, les 4 congénères BDE 47, 153, 99, 100 sont le plus souvent retrouvés.
Dans les études animales, des effets reprotoxiques tels qu’une modification de la distance anogénitale chez le mâle, un retard pubertaire dans les deux sexes, une diminution de la production spermatique et des taux de testostérone, une modification de certains paramètres fonctionnels spermatiques ou encore une diminution du nombre de follicules ovariens ont été observés après exposition gestationnelle ponctuelle ou exposition pubertaire et adulte avec les composés BDE 99 et 209. Cependant, les doses utilisées semblent très supérieures aux expositions estimées chez l’homme. Les effets délétères sur la fonction thyroïdienne peuvent alerter sur le possible impact indirect sur la fonction de reproduction compte tenu des interrelations entre ces deux fonctions.
Si les quelques congénères PBDE les plus abondants ont fait l’objet de plusieurs études, il est à noter un manque très net de données concernant les composés qui par ailleurs restent ceux autorisés aujourd’hui en tant que retardateurs de flamme, incluant le déca-BDE, le HBCD et le TBBPA, ceci tant en termes d’exposition, d’imprégnation, de métabolisme, pharmacocinétique, que de lien avec certains paramètres cliniques.

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2011 Inserm