Composés perfluorés (PFC)

2011


ANALYSE

52-

Études chez l’animal

Les études toxicologiques se sont intéressées principalement aux effets des composés perfluorés sur la fertilité et le développement fœtal. Des études in vitro et in vivo ont également analysé la production d’androgènes testiculaires et la stéroïdogenèse ovarienne.

Étude sur plusieurs générations

Butenhoff et coll. (2004renvoi vers) et York et coll. (2010renvoi vers) ont étudié les effets du PFOA sur des rats Sprague-Dawley sur deux générations. Des doses de 1, 3, 10 et 30 mg/kg/j d’ammonium perfluorooctanoate ont été administrées à des rats de 6 semaines par voie orale pendant 70 jours. Trente rats sont utilisés pour chaque dose. Les auteurs n’ont observé aucun effet sur la fertilité des animaux en première ou seconde génération. Une baisse du poids corporel a été notée dès la dose de 3 mg/kg et une augmentation du poids du foie à toutes les doses (pour les mâles). Les analyses histologiques pratiquées sur les testicules, épididyme, prostate et vésicules séminales n’ont pas révélé de défaut morphologique. Seule une légère baisse du poids de la prostate a été notée à la dose de 30 mg/kg. Le nombre, la morphologie ou la mobilité des spermatozoïdes ne présentent aucune altération quelle que soit la dose. Un point important à relever est que les auteurs ont mesuré le taux de PFOA sérique ; celui-ci passe de 34 μg/ml chez les rats témoins à 51 500 et 45 300 μg/ml chez les rats mâles traités respectivement avec 10 et 30 mg/kg. Ces études indiquent donc que même à de très fortes doses le PFOA ne modifie pas la fertilité des rats mâles.
Le même groupe (Butenhoff et coll., 2009renvoi vers) a étudié les effets du PFHxS administré à des doses de 0,3, 1, 3 et 10 mg/kg/j à des groupes de 15 rats pendant 40 jours. Les taux sériques et hépatiques ont été mesurés. Le taux de PFHxS sérique passe de 0,4 μg/ml à 18 et 183 μg/ml, respectivement pour les doses de 0,3 et 10 mg/kg chez les rats mâles. Aucun effet du PFHxS n’est observé sur la fertilité, le nombre ou la mobilité des spermatozoïdes quelle que soit la dose. À nouveau, une hypertrophie hépatique est rapportée chez les mâles, ce dès la dose de 3 mg/kg. Notons que dans cette étude la durée du traitement est inférieure à un cycle de spermatogenèse complet. Par ailleurs, les taux sériques et hépatiques des rats témoins sont largement plus élevés que ceux observés chez l’être humain. Cependant, le PFHxS ne semble pas altérer la fertilité des rats mâles même à des doses 30 000 fois plus fortes que les doses mesurées chez l’être humain.

Effets sur le développement fœtal

Le groupe de Butenhoff a étudié les effets du PFOA (Butenhoff et coll., 2004renvoi vers), du PFHxS (Butenhoff et coll., 2009renvoi vers) et du PFOS (Chang et coll., 2009renvoi vers) chez le rat Sprague-Dawley pendant la gestation. En dépit de durée de gavage variable, les auteurs n’observent que très peu d’effets sur la survie fœtale. Seule une augmentation de la mortalité postnatale est notée pour de fortes doses de PFOA (30 mg/kg/j). À cette même dose, une augmentation de l’âge de l’ouverture vaginale et de la séparation du prépuce est également rapportée chez les femelles et les mâles respectivement. Notons à nouveau que le rat femelle n’est peut-être pas le meilleur modèle pour l’étude des PFC du fait de l’élimination rapide de ces composés.
Chez la souris CD1, deux études (Lau et coll., 2006renvoi vers ; Wolf et coll., 2007renvoi vers) ont analysé les effets d’un gavage avec des doses de 1 à 40 mg/kg/j du premier au 17e jour de gestation. L’intérêt majeur de l’étude de Wolf et coll. est de démontrer un effet du traitement pendant la gestation séparable de l’effet dû au transfert pendant la lactation grâce à des expériences d’adoption. Cet effet est une diminution du poids corporel liée au traitement in utero à la dose de 5 mg/kg/j de PFOA. Cette étude rapporte en outre un transfert in utero efficace puisque des taux importants de PFOA sont retrouvés dans le sérum des animaux traités in utero à 22 jours postnatals (de l’ordre de 9 à 22 μg/ml). L’étude de Lau et coll. (2006renvoi vers) rapporte une augmentation de la mortalité postnatale aux fortes doses (à partir de 10 mg/kg/j) et une diminution du nombre de petits par portée (dès 20 mg/kg/j). À ces fortes doses, la maturité sexuelle des femelles traitées in utero est retardée : l’âge de l’ouverture vaginale et celui du premier œstrus sont augmentés. Chez le mâle, les auteurs rapportent au contraire une diminution de l’âge auquel le prépuce se sépare dès la dose de 1 mg/kg/j. La séparation du prépuce est un signe de la maturité sexuelle et sous le contrôle des androgènes.
Les effets des PFC sur le développement fœtal semblent donc peu prononcés. À de fortes doses, quelques effets ont été décrits sur l’âge de la puberté mais de manière très indirecte et de manière parfois contradictoire chez le rat et la souris.

Effets sur la stéroïdogenèse mâle

Durant les dernières années, plusieurs travaux ont montré que les PFC tels que le PFOA ou l’acide perfluorododecanoïque (PFDoA) pourraient altérer la synthèse d’androgènes chez les animaux. Biegel et coll. (1995renvoi vers) ont traité des cellules de Leydig isolées de rat adulte avec de l’ammonium perfluorooctanoate. À la dose de 250 μM, ce sel de PFOA inhibe la synthèse de testostérone induite par l’hCG dans des cultures de cellules de Leydig et ce en quelques heures (3 h). Ce composé semble donc agir directement sur les cellules de Leydig in vitro. À plus long terme (48 h), les auteurs rapportent également une augmentation de la synthèse d’œstradiol. Plus récemment, Zhao et coll. (2010arenvoi vers) ont étudié les effets du PFOA sur l’activité de deux enzymes déshydrogénases de la voie de biosynthèse de la testostérone, la 3bHSD et la 17bHSD. L’activité de ces enzymes a été analysée à partir de la fraction microsomiale de testicules de rat et dans des cellules de Leydig purifiées à partir de rats adultes (Sprague-Dawley). Le PFOA inhibe l’activité de la 3bHSD et la 17bHSD dans ces deux systèmes. Les IC50 calculées se situent entre 18 et 195 μM. Les auteurs ont également dosé la sécrétion de testostérone à partir de cellules de Leydig de rat en culture et décrivent une inhibition, presque complète, de la sécrétion de testostérone en conditions basale ou stimulée par la LH avec des doses de 10 et 100 μM de PFOA. Notons ici que ces doses excèdent largement les taux plasmatiques mesurés chez l’être humain (10 μM=4,1 mg/l).
Shi et coll. (2007renvoi vers) ont gavé par voie orale des rats adultes pendant deux semaines avec 1, 5 ou 10 mg/kg/j d’acide perfluorododecanoïque (PFDoA) et analysé les effets de ce traitement sur le testicule. Les auteurs rapportent une diminution de la production de testostérone aux doses de 5 et 10 mg. Dans ces travaux, l’expression des ARNm codant pour les enzymes de biosynthèse de la testostérone (STAR, P450scc, 3bHSD, 17bHSD et CYP17a) mesurée par PCR quantitative est également fortement réduite. L’expression du récepteur à la LH ou celle de l’aromatase n’est pas modifiée et les taux sériques de LH ou d’œstrogène sont peu affectés. Une augmentation de l’apoptose dans les différents types cellulaires est rapportée mais uniquement sur des critères morphologiques.
Les mêmes auteurs (Shi et coll., 2009renvoi vers) ont évalué les effets d’une exposition chronique de 110 jours à des doses plus faibles 0,2 ou 0,5 mg/kg/j de PFDoA sur la production de testostérone chez le rat (tableau 52.Irenvoi vers). Ces traitements diminuent également la synthèse de testostérone. Cet effet s’accompagne d’une diminution des taux de STAR et de P450scc mais pas de l’ARNm de la 3βHSD. Enfin, la même équipe (Shi et coll., 2010renvoi vers) rapporte une baisse des taux sériques de progestérone dans les mêmes conditions, traitement chronique de 110 jours aux doses de 0,2 ou 0,5 mg/kg et une absence d’effet de la dose de 0,02 mg/kg/j sur ce paramètre. Par analyse en spectrométrie de masse, les auteurs ont identifié 40 protéines dont l’expression est modifiée dans les testicules des rats traités de manière chronique au PFDoA. Ces protéines sont essentiellement impliquées dans la chaîne respiratoire mitochondriale et le stress oxydatif.
En résumé, il semble donc prouvé que les composés perfluorés peuvent inhiber la production d’androgènes testiculaires ; les mécanismes proposés, une inhibition directe de l’activité des enzymes de biosynthèse des stéroïdes et/ou une diminution de la production de ces enzymes, sont cohérents mais nécessitent encore une démonstration au niveau moléculaire. Compte tenu du rôle important des androgènes pour la spermatogenèse, une association avec le nombre ou la qualité des spermatozoïdes est à rechercher mais il n’a pas été rapporté d’effet néfaste des PFC sur la production de sperme des rongeurs (York et coll., 2010renvoi vers). Ceci peut être dû notamment à la structure chimique des PFC utilisés. Le PFOA ne semble efficace qu’à de très fortes doses alors que le PFDoA semble avoir un effet similaire mais à des doses plus faibles. Les effets du PFDoA sur la fertilité n’ont pas été étudiés en détail.

Tableau 52.I Paramètres phénotypiques affectés chez l’animal mâle

Paramètres phénotypiques
Espèces/Lignée
Voies/Doses (mg/kg/j)
Références
Altérations des taux hormonaux
Rat Sprague-Dawley
PFDoA ; Gavage : 1-10
Shi et coll., 2007renvoi vers
Testostérone
 
PFDoA : Gavage : 0,2-0,5
Shi et coll., 2009renvoi vers
LH
 
Adulte
Shi et coll., 2010renvoi vers

Effets sur l’ovaire adulte et la stéroïdogenèse femelle

Butenhoff et coll. ont étudié les effets du PFOA (2004renvoi vers) et du PFHxS (2009renvoi vers) chez le rat femelle, études précédemment décrites. Jusqu’à des doses de 10 mg/kg/j, aucun effet n’a été observé par ces auteurs sur la fertilité des animaux. Les critères étudiés (durée du cycle, durée de la gestation, nombre de petits par portée, nombre de follicules primordiaux) apparaissent tous normaux. Notons cependant qu’aucun effet hépatique n’est observé chez les femelles, ceci probablement du fait d’une différence de taux sérique des PFC liée au sexe chez le rat. Ainsi, les taux sériques de PFHxS sont 6 à 8 fois plus faibles chez les femelles traitées par rapport aux mâles recevant les mêmes doses et les taux hépatiques 30 à 50 fois plus faibles. On peut donc questionner la validité du modèle rat femelle pour étudier les effets des PFC.
Austin et coll. (2003renvoi vers) ont administré par voie intrapéritonéale du PFOS (1 et 10 mg/kg/j) à des rates pendant deux semaines. Les auteurs rapportent alors une baisse de la régularité des cycles œstriens avec notamment la survenue de di-œstrus persistant.
Shi et coll. (2009renvoi vers) ont administré pendant 28 jours du PFDoA à des rates Sprague-Dawley. Des doses de 0,5, 1,5 ou 3 mg/kg/j ont été administrées par voie orale à partir de 24 jours postnatals. Dans ces conditions, les auteurs n’observent pas d’effets sur le nombre et la partition des follicules ovariens, pas de modification des cycles œstraux, pas de changement de la maturité sexuelle (âge au premier œstrus et ouverture vaginale) ni du poids de l’utérus. Cependant, une baisse du taux d’œstrogène circulant est observée à la dose de 3 mg/kg. Celui-ci s’accompagne d’une diminution de l’expression d’enzymes de biosynthèse des stéroïdes (STAR et P450 scc). Cette diminution pourrait être la cause de la baisse du taux d’œstrogène circulant puisque les taux de LH et FSH ne sont pas affectés. L’expression des récepteurs à la LH (LHR) et aux œstrogènes (ERa et ERb) est également diminuée dans l’ovaire à cette dose. Enfin, l’expression de la 17bHSD ovarienne est augmentée à toutes les doses. Dans cette étude, les taux de PFDoA sériques n’ont pas été mesurés.
Lau et coll. (2006renvoi vers) ont montré que les souris CD1 ne présentaient pas de différence liée au sexe dans les taux sériques de PFOA mesurés après gavage. Les taux des souris mâles et femelles ayant reçu 20 mg/kg de PFOA sont voisins des taux retrouvés chez le rat mâle. De plus, chez les souris femelles, on retrouve une augmentation du poids du foie dès la dose de 1 mg/kg/j. De manière surprenante, chez la souris femelle, le PFOA semble augmenter la production de stéroïdes. Zhao et coll. (2010brenvoi vers) ont administré du PFOA sous la forme de sels d’ammonium à la dose de 5 mg/kg par voie orale à des souris C57Bl/6, 5 jours sur 7, pendant 4 semaines à partir de 21 jours postnatal (sevrage). Chez ces souris femelles, le PFOA augmente le taux de progestérone sérique sans affecter les taux d’œstradiol. Les auteurs démontrent également par Western blot une augmentation des enzymes 3bHSD et 17bHSD dans les ovaires des souris traitées, ce qui pourrait expliquer l’augmentation de la production de ce stéroïde.
En résumé, les PFC ne semblent pas modifier la fertilité femelle ou la morphologie ovarienne mais peuvent altérer la stéroïdogenèse ovarienne (tableau 52.IIrenvoi vers). Ces effets semblent variables en fonction de l’espèce (rat ou souris) ou de la nature chimique des PFC.

Tableau 52.II Paramètres phénotypiques affectés dans les études chez les animaux femelles

Paramètres phénotypiques
Espèces/Lignée
Voie/Doses (mg/kg/j)/Périodes
Références
Modifications des paramètres morphologiques
Poids utérus
Souris C57Bl/6
Souris Balb/c
PFOA ; Orale : 1
Postnatal (sevrage)
Zhao et coll., 2010brenvoi vers
Modification de la cyclicité
Rat
PFOS IP : 1 et 10
Adulte
Austin et coll., 2003renvoi vers
Développement glande mammaire
Souris C57Bl/6
Souris Balb/c
Souris CD1
PFOA Orale : 5
Gestation /lactation
White et coll., 2007renvoi vers
White et coll., 2009renvoi vers
Zhao et coll., 2010brenvoi vers
Altérations des taux hormonaux
Œstradiol, progestérone
Rates Sprague-Dawley
Souris C57Bl/6
PFDoA ; Gavage : 3 ;
Adultes
PFOA ; Orale : 5
Postnatal (sevrage)
Shi et coll., 2009renvoi vers
Zhao et coll., 2010brenvoi vers

IP : voie intrapéritonéale

Effet sur la glande mammaire

Dans la même étude décrivant l’augmentation du taux de progestérone chez la souris femelle en réponse à l’administration de PFOA (Zhao et coll., 2010brenvoi vers), les auteurs ont étudié le développement de la glande mammaire et ont observé que le PFOA stimulait le développement de la glande mammaire. L’administration de PFOA augmente le nombre de bourgeons et de canaux terminaux. Des données similaires avaient déjà été rapportées par les travaux de Yang et coll. (2009renvoi vers) avec un protocole similaire. La nouveauté apportée par l’étude de Zhao et coll. (2010brenvoi vers) est la démonstration que cet effet du PFOA n’est pas retrouvé chez des souris ovariectomisées. Il semble donc que ce soit l’augmentation de la synthèse des stéroïdes ovariens qui soit responsable de la stimulation du développement de la glande mammaire. La sensibilité de la glande mammaire à un traitement par la progestérone ou/et l’œstradiol des souris traitées au PFOA est également augmentée. En effet, Zhao et coll. (2010brenvoi vers) ont démontré que celles-ci formaient plus de canaux terminaux en réponse à ces stéroïdes que les souris non traitées au PFOA. Les auteurs montrent que cette augmentation de sensibilité s’accompagne d’une augmentation de l’expression de ERα, un récepteur de l’œstradiol, et de l’amphiréguline, un gène induit par l’œstradiol dans la glande mammaire. Cette augmentation du développement de la glande mammaire, et notamment du nombre des bourgeons terminaux, en réponse au PFOA pourrait donc provenir en partie d’un effet indirect du PFOA via l’augmentation de la production de progestérone ovarienne. Un dernier point étudié par les auteurs est l’occurrence des effets observés du PFOA chez des souris mutantes pour PPARα, une cible connue du PFOA dans le foie et pour la tumorigenèse hépatique chez la souris. Les auteurs retrouvent les effets du PFOA sur la glande mammaire chez ces souris indiquant de ce fait que ces effets sont indépendants de PPARα. Ce point est important car il aborde un possible effet du métabolisme hépatique sur les taux des hormones stéroïdes. Ce métabolisme n’étant pas modifié chez les animaux PPARα mutants traités au PFOA, celui-ci n’est probablement pas impliqué directement dans les effets du PFOA sur la glande mammaire. Ce travail soulève deux questions. La première considérée par les auteurs est une éventuelle augmentation de la susceptibilité des glandes mammaires des animaux traités au PFOA à des agents carcinogènes, suggérant une implication favorable des PFOA dans la survenue des cancers du sein. En effet, les bourgeons terminaux sont la principale cible des agents carcinogènes dans la glande mammaire. La seconde question, non considérée, est l’impact des PFOA sur le développement des follicules et la production d’ovocytes par l’ovaire. Aucune étude n’a encore abordé ces deux questions chez la souris.
Le groupe de Zhao et coll. (2010brenvoi vers) a retrouvé les mêmes effets du PFOA chez des souris sauvages avec un protocole semblable de gavage pendant la période péripurbertaire. Une donnée intéressante apportée par les auteurs est que ceux-ci observent des effets opposés du PFOA (5 mg/kg/j) sur le nombre de bourgeons terminaux dans la glande mammaire dans deux lignées différentes de souris. Dans la lignée C57Bl/6, Zhao et coll. retrouvent une stimulation de ce nombre alors qu’ils observent une diminution dans la lignée Balb/c. Des effets opposés sont décrits sur le poids de l’utérus dans ces deux lignées de souris en réponse au PFOA (1 mg/kg/j) : une augmentation dans le fond C57Bl/6 et une diminution dans le fond Balb/c. Les mécanismes en cause dans cette différence de sensibilité entre ces deux lignées de souris sont encore inconnus mais cela pose la question des effets du PFOA dans la population humaine, qui est certainement très diverse génétiquement. En effet, comment mettre en évidence une corrélation entre des taux de PFOA et une altération de la différenciation d’un tissu sur une population si sur certains individus les effets du PFOA sont stimulants et inhibiteurs chez d’autres. Il conviendrait donc d’identifier les déterminants génétiques ou métaboliques en cause avant de pouvoir réaliser d’éventuelles études épidémiologiques fiables.
Les effets d’un traitement au PFOA ont également été étudiés sur le développement de la glande mammaire pendant la gestation. White et coll. (2007renvoi vers) ont gavé des souris CD1 avec 5 mg/kg/j de PFOA pendant la gestation (jours 1 à 17) et étudié l’histologie de la glande mammaire pendant la période de lactation à 10 et 20 jours postnatals. Les auteurs décrivent un retard de différenciation de la glande mammaire lors de la lactation en réponse au PFOA. Celui-ci s’illustre par un défaut des alvéoles contenant du lait et une altération de l’expression des gènes codants pour les protéines du lait. L’involution de la glande mammaire correspondant au sevrage est également retardée. La même équipe (White et coll., 2007renvoi vers) démontre que le développement de la glande mammaire des souriceaux exposés in utero est également perturbé. La croissance et la ramification des structures épithéliales sont réduites. Les auteurs ont estimé les taux sériques de PFOA chez les mères allaitantes et les souriceaux et rapportent des taux entre 30 et 50 μg/ml aux jours 10 et 20. Enfin, dans une seconde publication (White et coll., 2009renvoi vers), les auteurs démontrent qu’une courte exposition au PFOA en fin de vie fœtale (jours 15 à 17) ou uniquement à travers la lactation pendant la vie postnatale produit des altérations durables du développement de la glande mammaire observables à 63 jours. À cet âge, les taux de PFOA sériques ont considérablement diminué (<0,4 μg/ml). Les auteurs décrivent une altération de l’arborisation épithéliale dans le coussin adipeux de la glande mammaire des animaux exposés en période postnatale à 18 mois d’âge. Ces observations sont remarquables, car en dépit de la forte persistance du PFOA dans l’organisme, ces travaux suggèrent que l’altération de la glande mammaire induite par une brève exposition au PFOA au cours du développement puisse persister à très long terme. Dans cette étude très détaillée, les auteurs rapportent que le transfert de PFOA par la lactation, étudié par des expériences d’adoption à la naissance, est efficace, et que des taux circulants de l’ordre de 2 μg/ml sont suffisants pour inhiber le développement et la différenciation de la glande mammaire.
En résumé, plusieurs travaux démontrent des effets du PFOA sur le développement ou la différenciation de la glande mammaire chez la souris. Des différences liées aux lignées de souris sont rapportées. Les effets chez la femelle adulte pourraient être dépendants d’une action primaire sur la production de stéroïdes ovariens. Cependant, un tel mécanisme ne peut expliquer les effets dépendant d’un traitement in utero et observés avant la puberté.
En conclusion, la structure chimique des PFC semble être une variable importante dans la prise en compte des effets de ces substances. Un autre paramètre majeur est l’espèce (rat) ou la lignée de souris utilisée. Les effets potentiels des PFC sur la stéroïdogenèse mâle et femelle n’apparaissent pas modifier la fertilité des animaux à des doses compatibles avec celles pouvant être observées chez l’être humain. Plus préoccupante, la modification de la sensibilité aux hormones stéroïdes décrite chez la femelle pourrait altérer le développement de la glande mammaire.

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