Composés perfluorés (PFC)

2011


ANALYSE

54-

Mécanismes d’action

Les mécanismes d’action des PFC ne sont pas clairement identifiés. Plusieurs études ont analysé les récepteurs nucléaires impliqués chez les mammifères et les poissons.

Récepteurs nucléaires

Vanden Heuvel et coll. (2006renvoi vers) ont utilisé un système chimérique de récepteur nucléaire possédant un site de liaison au ligand et un site de liaison à l’ADN « Gal4 » pour étudier l’activation, chez l’homme, la souris et le rat, de différents récepteurs nucléaires humains (récepteurs PPARα, PPARβ et PPARγ, LXRα, LXRβ et RXRα) par le PFOS et le PFOA. Leurs résultats ont montré que le récepteur PPARα est la cible principale de ces deux PFC, bien que le récepteur PPARγ soit également activé dans une plus faible mesure. Ces travaux ont été confirmés par d’autres équipes (Shipley et coll., 2004renvoi vers ; Takacs et Abbott, 2007renvoi vers ; Rosen et coll., 2008renvoi vers ; Wolf et coll., 2008renvoi vers ; Bjork et Wallace, 2009renvoi vers ; Foreman et coll., 2009renvoi vers).
Cependant, des expériences réalisées sur des souris déficientes en PPARα indiquent qu’une partie des gènes (5-10 %) dont l’expression est modulée par les PFC serait sous le contrôle du récepteur nucléaire CAR (Constitutive activated receptor) (Cheng et Klaassen, 2008renvoi vers ; Rosen et coll., 2008renvoi vers). Il est à noter qu’une étude récente a montré un effet de PFOA sur l’ovaire et sur la glande mammaire chez des souris mutantes pour PPARα, effet qui serait également indépendant de PPARα (Zhao et coll., 2010renvoi vers).

Mécanismes d’action chez les poissons

Chez les poissons, trois voies de signalisation dépendant de la famille des récepteurs nucléaires ont été associées aux effets de PFC : la voie des œstrogènes, les PPAR et la voie de réponse aux hormones thyroïdiennes. Il est difficile pour l’instant de déterminer si ces trois voies sont altérées par les mêmes molécules, si elles le sont ensemble et quelles sont les cibles directes des PFC.
En ce qui concerne la voie de réponse des œstrogènes, Ishibashi et coll. (2008renvoi vers) ont observé que deux fluorotélomères (6:2 FTOH et 8:2 FTOH) et du NFDH sont capables d’activer transcriptionnellement le ERα mais pas le ERβ de medaka. D’autres PFC comme le PFOS et le PFOA ne montrent pas ces effets. De façon cohérente, 6:2 FTOH, 8:2 FTOH et NFDH induisent l’expression de la vitellogénine et de ERα chez les mâles, les effets de PFOS et PFOA dans ce test n’ayant malheureusement pas été étudiés chez la même espèce. Cependant chez le tilapia, une induction de la vitellogénine par le PFOS et le PFOA a bien été démontrée et cet effet est ER dépendant car il est bloqué par une co-exposition au tamoxifène (Liu et coll., 2007renvoi vers). Ces données suggèrent que tous les PFC n’ont sans doute pas le même mécanisme d’action : certains agiraient via ERα (FTOH) et d’autres via PPARα. En lien avec une perturbation de la signalisation œstrogénique, une diminution de l’expression de l’aromatase (CYP19a et CYP19b) a été observée sur des embryons de zebrafish traités à des doses de 0,1 à 5 mg/l de PFOS (Shi et coll., 2008renvoi vers). Des traitements de zebrafish adultes à des doses de 0,3 à 30 mg/l de 6 :2 FTOH montrent une altération de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique à de nombreux niveaux chez les mâles et les femelles : augmentation de E2 et de la testostérone, induction de ERα et des vitellogénines. Chez les mâles, en cohérence avec l’augmentation de la testostérone, on note une augmentation de l’expression de la C17-stéroïde hydroxylase CYP17 et une diminution de l’aromatase (Liu et coll., 2009arenvoi vers). Une étude a montré en outre que le PFOS avait, à des doses de 160 mg/l, la capacité de déplacer les hormones stéroïdes de leurs protéines de transport sériques (Jones et coll., 2003renvoi vers). C’est particulièrement le cas, de façon étonnante, pour la cortisone et dans une moindre mesure pour les œstrogènes et la testostérone. En outre, le PFOS se fixe fortement à la BSA et sur d’autres albumines avec des concentrations saturantes de 50-100 mg/l. En conclusion, si l’étude de Ishibashi et coll. (2008renvoi vers) suggère un effet direct de certains PFC sur un ERα de poisson, ceci reste à confirmer avec d’autres méthodes et sur d’autres espèces.
De nombreuses études suggèrent, en cohérence avec ce qui a été montré chez les rongeurs, un effet via les PPAR, notamment PPARα. Dans une étude récente sur le medaka, Yang (2010renvoi vers) a montré que le PFOA n’induisait pas d’effet sur la taille de la gonade mâle mais induisait une augmentation de l’activité de l’acyl-CoA oxydase peroxysomale et de la catalase ainsi qu’une augmentation de l’expression de PPARα. Des effets sur l’expression des cytokines inflammatoires (IL6, IL1β, TNFα), compatibles avec un effet via PPARα, ont également été observés. Chez le saumon, une induction de l’expression des PPARs α, β et γ et de l’acyl-CoA oxydase par des doses de 6 mg/l de PFOS a été mise en évidence, ce qui renforce l’idée d’une modulation de ces récepteurs (Vatland et coll., 2008renvoi vers). Des effets similaires ont été observés chez plusieurs espèces de poissons (Oakes et coll., 2005renvoi vers) et notamment chez Gobiocypris rarus où il semble que ce soit PPARγ dont l’expression soit le plus induite par le PFOA (Liu et coll., 2009brenvoi vers ; Fang et coll., 2010renvoi vers). Plusieurs PPAR de poissons ont été clonés, notamment ceux de la plie (Pleuronectes platessa) et de la daurade (Sparus auratus). La caractérisation de ces PPAR montre que PPARγ a un patron d’expression plus étendu que ce qui est connu chez les mammifères et surtout que sa pharmacologie est différente de celle des mammifères : de fait, aucun des ligands PPARγ sélectif connu n’active les PPAR de poissons (Leaver et coll., 2005renvoi vers). Ceci suggère que la transposition aux poissons des résultats concernant les effets des PFC chez les mammifères doit se faire avec précaution.
L’équipe de Bingsheng Zhou a publié plusieurs études établissant un lien entre le traitement au PFOS et la voie de signalisation des hormones thyroïdiennes. En observant toute une gamme d’effets phénotypiques après traitement d’embryons de zebrafish à des doses de 0,1 à 1 mg/l, ces auteurs ont observé une augmentation de l’expression de pax8 et hhex, deux gènes cruciaux pour le développement de la glande thyroïde (Shi et coll., 2008renvoi vers). Curieusement pour pax8, ces effets n’ont pas été observés à des doses plus fortes. Ceci suggère que le PFOS induit une différenciation de la glande thyroïde à des stades précoces chez l’embryon de zebrafish. Une étude plus récente a mis en évidence des effets complexes de PFOS (100 ou 200 μg/l) sur l’ensemble de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien (Shi et coll., 2009renvoi vers). Une diminution de l’expression de certains gènes comme TSH, thyroglobuline, TTR ou TRα a été observée alors que d’autres gènes comme le CRF, les deiodinases 1, le transporteur NIS ou TRβ voient leur expression augmenter. Le taux de T4 n’est pas modifié chez ces poissons mais celui de T3 est augmenté, ce qui est compatible avec une activation de cette voie. Il reste à déterminer plus précisément si ces effets sont liés à une modulation directe d’un des acteurs de la voie thyroïdienne par les PFC.

Relation structure-fonction, études in silico

Au cours de ces dernières années, des articles sont apparus dans la littérature concernant l’étude de la toxicité des composés perfluorés par des méthodes SAR et QSAR. Les méthodes QSAR ont été en particulier appliquées à la modélisation de la toxicité sur deux espèces de rongeur, utilisant comme « endpoints » des données d’inhalation (LC50, Bhhatarai et Grammatica, 2010renvoi vers), et à la modélisation des effets biologiques des PFC sur les cellules du carcinome du côlon (Kleszczynski et coll., 2007renvoi vers).
Il ne semble pas exister dans la littérature d’études dédiées aux relations entre la structure des PFC et leurs interactions avec les récepteurs endocriniens. Cette absence d’études pourrait être attribuée à la difficulté de trouver des bases de données expérimentales fiables sur les effets neurotoxiques et reprotoxiques.
En conclusion, si chez les poissons, trois voies de signalisation dépendant de la famille des récepteurs nucléaires des œstrogènes, des hormones thyroïdiennes et des PPAR ont été associées aux effets de PFC, chez l’Homme, les cibles principales semblent être les PPAR et parmi eux, PPARα et PPARγ. Il est encore trop tôt pour préciser les relations structure-activité de ces molécules.

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