Parabènes
2011
ANALYSE |
59-
Mécanismes d’action
Plusieurs études in vivo ont mis en évidence des effets œstrogéniques des parabènes (Darbre et coll., 2002
et 2003
; Vo et Jeung, 2009
). L’étude des mécanismes d’action a été centrée sur la liaison aux récepteurs aux hormones stéroïdes (ER et AR).



Récepteurs nucléaires : activité œstrogénique
Dès 1998, des études ont mis en évidence la capacité des parabènes à se lier au récepteur œstrogénique. Les parabènes ont cependant une capacité de liaison au récepteur des œstrogènes de 10 000, 30 000, 150 000 et 2 500 000 fois plus faible (respectivement pour le butyl, le propyl, l’éthyl et le méthyl parabène) que le ligand naturel, le 17β-œstradiol (Routledge et coll., 1998
).

Dans un test d’inhibition compétitive, Blair et coll. (2000
) ont testé sept parabènes pour leur capacité à déplacer l’œstradiol tritié du récepteur aux œstrogènes isolé de l’utérus de rate ovariectomisée : l’éthyl hexyl parabène était le plus puissant (RBA – relative binding affinity – 0,018 %) suivi par l’heptyl (0,008 %), le benzyl (0,003 %), le butyl (0,0009 %), le propyl (0,0006 %), l’éthyl (0,0006 %), et le méthyl parabène (0,0004 %). Pour comparaison dans cet essai, le bisphénol A avait un RBA de 0,008 %. Des résultats similaires ont été rapportés par Nishihara et coll. (2000
), dans un test de levure recombinante transfectée avec le gène ERa et utilisant la β-galactosidase comme gène rapporteur. Dans le test de levure recombinante, l’intensité de l’activité œstrogénique mesurée augmente avec la longueur de la chaîne (méthyl<éthyl<propyl<butyl parabène) (Routledge et coll., 1998
). Le PABA, métabolite principal, n’a aucune affinité pour ce récepteur.



De nombreuses études ont étudié l’affinité des parabènes pour le récepteur aux œstrogènes dans le test de prolifération des cellules issues de la lignée tumorale mammaire MCF-7 (Darbre et coll., 2002
et 2003
; Pugazhendhi et coll., 2005
et 2007
; Van Meeuwen et coll., 2008
; Sadler et coll., 2009
). La capacité de stimulation est 105 à 107 fois inférieure à celle du 17β-œstradiol (Okubo et coll., 2001
; Byford et coll., 2002
). L’activité œstrogénique augmente dans l’ordre méthyl, éthyl, propyl, butyl, isopropyl et isobutyl parabènes ; les RBA sont similaires pour les récepteurs alpha et beta (Okubo et coll., 2001
). Ces résultats sont confirmés par Byford et coll. (2002
) qui rapportent également qu’à 10-6 M, les parabènes augmentent l’expression des gènes régulés dans les cellules MCF-7. Darbre et coll. (2002
et 2003
) ont confirmé l’activité œstrogénique de l’isobutyl et du benzyl parabène dans les cellules MCF-7. Ces parabènes augmentent l’expression des gènes régulés par les œstrogènes à des concentrations de 10-5 M.












Pugazhendhi et coll. (2007
) ont analysé l’expression de 19 881 gènes dans les cellules MCF-7 après 7 jours d’exposition à 5×10-4 M de méthyl parabène, 10-5 M de n-butyl parabène et 10-8 M de 17β-œstradiol. L’étude a identifié des gènes sur- ou sous- régulés à la même intensité par les parabènes et le 17β-œstradiol. Cependant, la majorité des gènes était régulée différemment par les trois traitements et des différences existaient entre les parabènes eux-mêmes. De telles différences sont également rapportées par Sadler et coll. (2009
). Ainsi, parmi les gènes régulés par les œstrogènes, seuls 39 % le sont par le méthyl parabène et 27 % par le butyl parabène. Certains gènes sont régulés de la même façon par l’œstradiol et les deux parabènes comme le récepteur B de l’IL17. Certains gènes ne sont régulés que par l’œstradiol (syndecan 2), le méthyl parabène (connexine 37) ou le butyl parabène (HSPC157).


Pour Terasaka et coll. (2006
), la longueur des chaînes alkyles des parabènes est importante pour l’effet œstrogénique dans les cellules MCF-7. Il existe une corrélation forte entre l’expression des gènes dépendants des œstrogènes et ceux induits par le propyl parabène, comparativement au méthyl parabène ou à l’éthyl parabène. Cet effet a également été rapporté par d’autres groupes (Gomez et coll., 2005
).


Le tableau 59.I
présente les relations entre un œstrogène et les parabènes par différentes méthodes.

Tableau 59.I Résumé des corrélations entre le 17β-œstradiol et les parabènes (Terasaka et coll., 2006)
Composé
|
Corrélation avec Gènes œstrogène dépendant (coefficient R)
|
Liaison à ER (RBA %)a
|
Test de double hybride en levure (REC10, M)b
|
---|---|---|---|
Œstrogène (17β-œstradiol)
|
0,91c
|
100
|
3 × 10−10
|
Méthyl parabène
|
-0,21
|
0,0004
|
4 × 10−4
|
Éthyl parabène
|
0,19
|
0,0006
|
1 × 10−4
|
Propyl parabène
|
0,74
|
0,0006
|
1 × 10−5
|
Butyl parabène
|
0,60
|
0,0009
|
3 × 10−6
|
a Données Blair et coll. (2000). RBA est l’affinité de liaison relative par rapport à celle du 17β-œstradiol de 10 % ; b Données Nishihara et coll. (2000
). REC10 indique la concentration (M) des parabènes donnant 10 % de l’activité de 10 nM de 17β-œstradiol, quantifiée par l’activité de la β-galactosidase dans un système de gènes rapporteurs ; c Moyenne de 9 essais pour 120 gènes (S.D. = 0.024)
Rajapakse et coll. (2002
) ont observé que les combinaisons de xéno-œstrogènes qui incluent le benzyl parabène, peuvent produire un effet même si les concentrations de chaque composé sont inférieures à celle requise lorsqu’ils sont testés isolément.

Une hypothèse concernant l’activité œstrogénique des parabènes a été proposée par Prusakiewicz et coll. (2007
). Les auteurs ont rapporté que les parabènes inhibent les sulfotransférases de la peau et des kératinocytes. Ces enzymes participent au métabolisme des œstrogènes et leur inhibition pourrait conduire à une augmentation du taux des œstrogènes endogènes. Dans cette étude, le butyl parabène possédait la plus forte activité inhibitrice.

Récepteur nucléaires : activité anti-androgénique
Une très faible activité anti-androgénique a également été observée in vitro avec le méthyl, propyl et butyl parabène (Chen et coll., 2007
; Kim et coll., 2010
).


En conclusion, un certain nombre d’études ont mis en évidence la capacité des parabènes à se lier au récepteur des œstrogènes avec cependant une affinité 10 000 à 2 500 000 fois plus faible que le ligand naturel. Dans plusieurs tests, l’intensité de l’activité œstrogénique augmente avec la longueur de la chaîne (méthyl<éthyl<propyl<butyl parabène).
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