2011


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Cet ouvrage présente les travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d’expertise collective (annexe 1), pour répondre à la demande du ministère de la Santé concernant les substances chimiques accessibles au grand public et leurs effets sur la reproduction.
Ce travail s’appuie sur les données scientifiques disponibles en date du second semestre 2010. Près de 1 700 articles ont constitué la base documentaire de cette expertise.
Le Centre d’expertise collective de l’Inserm, rattaché à l’Institut thématique multi-organismes Santé publique, a assuré la coordination de cette expertise collective.

Groupe d’experts et auteurs

Carlo adamo, École nationale supérieure de chimie de Paris (ENSCP), Chimie ParisTech, Paris

Jean-Philippe antignac, Laboratoire d’étude des résidus et contaminants dans les aliments (Laberca), USC Inra 2013, École Nationale Vétérinaire, Agroalimentaire et de l’Alimentation Nantes Atlantique (ONIRIS), Nantes

Jacques auger, Service d’Histologie-Embryologie, Biologie de la Reproduction, CECOS, Hôpital Cochin, Université Paris V, Paris

Patrick balaguer, Équipe Signalisation hormonale, environnement et cancer, Inserm U 896, Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, Montpellier

Deborah bourc’his, Équipe Décisions épigénétiques et reproduction chez les mammifères, Unité de génétique et biologie du développement CNRS UMR 3215-Inserm U 934, Institut Curie, Paris

Louis bujan, Groupe de recherche en fertilité humaine, Équipe d’accueil 3694, Université Paul Sabatier Toulouse III et CECOS, Hôpital Paule de Viguier, CHU Toulouse

Cécile chevrier, Groupe d’étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères, Inserm U 625, Université Rennes 1

Corinne cotinot, Différenciation gonadique et ses perturbations, Unité de biologie du développement et reproduction Inra/ENVA, UMR 1198, Jouy-en-Josas

Jean-Pierre cravedi, Toxicologie alimentaire, UMR 1331 Inra/INP/UPS ToxAlim, Inra, Toulouse

Vincent laudet, Équipe de zoologie moléculaire, Institut de génomique fonctionnelle de Lyon, UMR 5242 CNRS, École Normale Supérieure de Lyon, Inra, Université Claude Bernard, Lyon 1

Gabriel livera, Unité mixte de recherche sur cellules souches et radiations, Inserm U 967, CEA, Université Paris VII, Fontenay-aux-Roses

Rémy slama, Épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et la santé respiratoire, Inserm U 823, Institut Albert Bonniot, Université Joseph Fourier, Grenoble

Ont présenté une communication

Claire beausoleil, Unité Toxicologie / Direction Santé Environnement Travail, Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), Maisons-Alfort

Jean-Pierre bourguignon, Laboratoire de Neuroendocrinologie développementale, Département de Pédiatrie et Centre de Recherche en Neurobiologie Cellulaire et Moléculaire, CHU Sart Tilman, Liège, Belgique

Coordination scientifique, éditoriale, bibliographique et logistique

Fabienne bonnin, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Catherine chenu, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Jeanne etiemble, directrice de recherche émérite, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Cécile gomis, secrétaire, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Marie-Thérèse labro, chargée d’expertise, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Marie-Christine lecomte, directrice, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Anne-Laure pellier, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Chantal rondet-grellier, documentaliste, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Iconographie

Jean-Pierre laigneau, Inserm


Préface

La remarquable expertise collective réalisée sur les perturbateurs endocriniens (PE), sous l’égide de l’Inserm, apparaît comme la synthèse actuelle la plus exhaustive de connaissances dans le domaine. Elle dresse un état des lieux analytique et critique qui, sans nul doute, alimentera le débat et aidera à la prise de décisions dans un domaine très sensible comme l’actualité le rappelle régulièrement.
Les cinq substances ou familles de substances chimiques (bisphénol A, phtalates, retardateurs de flamme, composés perfluorés, parabènes) analysées dans cette expertise collective sont présentes dans l’environnement des populations occidentales depuis déjà plusieurs décennies. On les retrouve dans les liquides biologiques (sang, urine, liquide amniotique, lait maternel…) et les tissus chez l’homme, la femme, l’enfant et même le fœtus. En tant que perturbateurs endocriniens, leurs effets potentiels sur les organes et la fonction de la reproduction humaine sont une préoccupation légitimement soulevée par les pouvoirs publics. Les effets rapportés parfois chez l’homme, le plus souvent dans les études expérimentales chez l’animal, sont difficilement reliés aux mécanismes d’action actuellement connus. Le constat s’impose donc : les perturbateurs endocriniens mettent en jeu les mécanismes de signalisation, de régulation et d’action physiologiques plutôt que les mécanismes classiques de la toxicité conduisant au dysfonctionnement ou à la mort cellulaire. Leur étude nécessite de se pencher sur la complexité des régulations endocriniennes et des mécanismes du développement, en particulier lors de phases critiques du développement, durant la vie embryonnaire et fœtale.
L’un des enseignements important de l’expertise collective est que l’émergence de la problématique de la perturbation endocrinienne consacre le retour à une vision intégrative du vivant, c’est-à-dire la prise en compte de la complexité physiologique et environnementale. La toxicologie renoue ainsi avec ses origines puisque certains des scientifiques qui ont bâti la biologie moderne et la toxicologie expérimentale au XIXe siècle étaient aussi d’éminents physiologistes tels Claude Bernard et François Magendie. Depuis, l’anatomo-pathologie, diverses méthodes analytiques, l’étude de la génotoxicité, plus récemment la biologie moléculaire et cellulaire, et les approches multivariées ont considérablement enrichi le domaine de la toxicologie expérimentale et de l’épidémiologie.
La préface de cet ouvrage nous permet d’aborder les prémices d’une nouvelle démarche scientifique pour l’étude des perturbateurs endocriniens qui tiendrait compte de la situation réelle d’exposition des populations à un ensemble de substances chimiques ayant potentiellement les mêmes cibles.
Traditionnellement, l’approche toxicologique vise à évaluer des effets potentiels d’une molécule donnée sur différents systèmes biologiques in vivo, ex vivo ou in vitro. Outre la complexité intrinsèque du concept de perturbation endocrinienne, un degré supplémentaire dans cette complexité apparaît avec la notion de mélanges, c’est-à-dire de cocktails de substances toxiques pouvant avoir, tant au niveau de la cellule qu’au niveau de l’organisme, voire des populations et des écosystèmes, des effets additifs ou synergiques selon Hass et coll. (2007) et Christiansen et coll. (2009), ou encore des effets décrits comme « something from nothing » par Kortenkamp (2007, 2008).
Cette situation invite la toxicologie à approfondir ses approches, l’« expologie » (chimie analytique) à développer ses technologies et l’épidémiologie à prendre en compte les expositions concomitantes multiples dans les modèles de causalité, en les considérant de façon combinée et non pas isolée comme ceci est habituel dans les études de chaînes de causalité. Les concepts de « multicausalité » et de réseaux de causes doivent dorénavant être mobilisés.
Les organismes vivants sont toujours exposés à une multitude de composés de l’environnement présentant un caractère toxique. Ces composés interagissent entre eux ; leurs effets sont également sous la dépendance de caractéristiques des individus (leur génotype par exemple) et d’autres expositions comportementales et environnementales. Le grand défi des décennies à venir est de pouvoir décrypter la composition et les actions de ces mélanges et d’identifier les molécules les plus toxiques ainsi que les différents types d’interactions de leurs effets. Il s’agit bien là d’un véritable problème de santé publique visant à rapprocher du monde réel toxicologues, biologistes, épidémiologistes et à fournir des outils d’intervention.
Dans les réflexions internationales, la prise en compte de la notion de mélange a conduit à développer récemment le concept « d’exposome ». Ainsi à l’avenir, chaque individu pourra accéder à sa « carte d’identité d’exposition » de sa naissance à l’âge adulte grâce aux technologies de l’« expo somique », tout comme il pourra disposer de sa « carte d’identité génétique » grâce à celles de la génomique.
En pratique, la question des mélanges s’adresse autant aux décideurs publics qu’aux chercheurs. Prenons un exemple très simple : considérons qu’un aliment est contaminé par une dizaine de PE aux cibles identiques et aux modes d’action semblables. Admettons également que l’exposition à chacun de ces PE soit juste en dessous de la valeur limite tolérable. Rappelons que ces valeurs limites sont calculées pour chacun des composés. Si la mesure de l’exposition pour ce composé est en dessous du seuil déterminé, l’exposition est admise comme « sans danger » et l’aliment peut être consommé sans crainte apparente. Si les dix PE sont chacun en dessous des seuils, chacun d’entre eux est considéré sans effet et l’ensemble sans danger (dix fois rien, c’est toujours rien !). Cependant, il existe une toute autre approche. En supposant que le mode d’action des dix PE est semblable, il est possible de calculer une dose équivalente tenant compte de la dose réelle de chaque PE et de son « efficacité » à provoquer l’effet toxique. En faisant la somme des doses équivalentes des PE du mélange initial, les valeurs seuils seront largement dépassées et l’aliment ne pourra plus être considéré comme réellement sain. Dans cette approche, c’est l’additivité des doses équivalentes qui est prise en compte. Plusieurs travaux récents sur divers PE soulignent la pertinence de ce type de raisonnement (Kortenkamp, 2007, 2008). En outre, la manifestation éventuelle de ces effets dépendra des caractéristiques des individus exposés, de leur propre sensibilité aux substances considérées et de leurs autres facteurs de risque.
Nous sommes bel et bien entrés de façon irréversible dans des démarches intégratives qui sont les seules à même de garantir les progrès importants attendus par la société au niveau de l’interface Santé-Environnement.
Il existe un précédent fameux pour la notion de dose équivalente, puisqu’il s’agit des dioxines et des composés « dioxine-like » comme les furanes et certains PCB. Dans ce cas, on savait qu’il fallait additionner les doses équivalentes (Teq) , d’où la mise en place d’une réglementation. Il semble logique pour les PE ayant les mêmes mécanismes, que l’on soit conduit à raisonner en termes de doses équivalentes. Toutefois, des travaux plus fondamentaux montrent que pour les dioxines, ces notions doivent être encore modulées, la nature du toxique ne dictant pas seulement son efficacité, mais pouvant également modifier qualitativement le type d’effet final, même lorsque ces toxiques affectent un récepteur identique.
Les effets combinés les plus difficiles à explorer ne sont pas ceux qui concernent les mélanges de produits ayant un même mécanisme d’action, mais bien ceux de produits mettant en jeu des mécanismes différents. Dans ce cas, les effets peuvent théoriquement être simplement additifs, synergiques, voire antagonistes. Certains PE ont vis-à-vis des récepteurs de l’œstradiol des activités de type agoniste, alors que d’autres sont des antagonistes assez efficaces. La résultante n’est pas évidente à déterminer en cas de mélange très complexe. A contrario, certains agonistes de l’œstradiol peuvent être associés à des antagonistes des récepteurs des androgènes et dans ce cas, il est possible qu’une potentialisation des effets finaux soit observée. Les mélanges peuvent également avoir des effets plus subtils, par exemple lorsque l’un des toxiques interfère avec le métabolisme ou la cinétique d’un des composés présents ou perturbe les systèmes adaptatifs déclenchés par un autre composé. Les exemples de ce type abondent dans le domaine du médicament, mais s’observent aussi pour les contaminants (Ambolet-Camoit et coll., 2010). Dans ces situations, les habituels critères de causalité de Bradford Hill (force de l’association, relation dose-effet, spécificité…) sont insuffisants. Il faut les reconsidérer dans une perspective de multicausalité ou de réseaux de causes. Ainsi, prise isolément, chacune des substances ne pourra pas être tenue pour responsable de la survenue d’effets indésirables, alors que leur mélange le sera. Ces questions de recherche auront des retombées importantes en analyse de risque.
À examiner le degré de complexité que représente l’étude de mélanges de contaminants, on peut ressentir un certain découragement. Comment modéliser l’interaction de cent, de mille polluants ? Une réponse possible est apportée par un programme américain appelé Tox21 qui fait suite au rapport de la National Academy of Sciences intitulé « Toxicity testing in the twenty-first century : a vision and a strategy » . En résumé, ce programme propose d’identifier des tests simples pour les quelques dizaines de voies de toxicité les plus représentées et, de raisonner sur la ou les voies de toxicité plutôt que sur un produit donné. L’avantage de cette approche est de réduire l’étude de l’ensemble des produits chimiques (plus de cent mille produits) à celle de l’ensemble des voies activées (une vingtaine). Le projet Tox21 vise dans un premier temps, à tester quelques milliers de contaminants et à déterminer les principales voies qui sont activées par ces substances. Après ce travail systématique, il faudra trouver les moyens de modéliser les interactions entre les voies identifiées à partir des connaissances mécanistiques et de l’apport de la biologie systémique, puis tester ces résultats en situation réelle.
La compréhension fine des mécanismes mis en jeu et l’obtention de preuves de causalité formelles chez l’homme représentent un travail considérable, qui ne pourra pas aboutir prochainement. Néanmoins, si ces objectifs demeurent essentiels et prioritaires, cela n’empêche pas d’envisager d’emblée des pistes d’action. En effet, le type de modélisation décrit ci-dessus permet d’identifier des possibilités de blocage potentiel des chaînes de causalité et des interactions, sans la nécessité d’en comprendre l’agencement précis. L’application du principe de précaution devrait être possible à partir du moment où la suspicion fondée sur des données scientifiques impose d’agir pour supprimer ou réduire des effets graves ou irréversibles sur la santé, du fait d’expositions non obligatoires. Même si la complexité scientifique, le degré d’incertitude ou l’ignorance ne permettent pas de comprendre tous les mécanismes d’action, il ne faut pas attendre la preuve de la causalité et la compréhension de ces mécanismes pour protéger la santé des populations et mettre en place la production de substances de substitution. Les décisions à prendre sont difficiles et lourdes de conséquences ; elles doivent être revues en fonction des avancées scientifiques. Une concertation formelle associant toutes les parties prenantes (comparable par exemple au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC) pourrait être entreprise sur ces sujets, pour proposer des décisions collectives, sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et/ou de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Robert Barouki, Inserm UMR-S 747, Université Paris Descartes, IMTCE, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris
Bernard Jégou, Inserm U 625, Université Rennes I, Campus de Beaulieu, IFR-140, GERHM, Rennes
Alfred Spira, Inserm U 1018, Faculté de médecine, Université Paris Sud / Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP), Paris
Bibliographie
[1] AMBOLET-CAMOIT A, BUI LC, PIERRE S, CHEVALLIER A, MARCHAND A, et coll. 2,3,7,8-tetrachlorodibenzo-p-dioxin counteracts the p53 response to a genotoxicant by upregulating expression of the metastasis marker agr2 in the hepatocarcinoma cell line HepG2. Toxicol Sci. 2010; 115:501-512Retour vers
[2] CHRISTIANSEN S, SCHOLZE M, DALGAARD M, VINGGAARD AM, AXELSTAD M, et coll. Synergistic disruption of external male sex organ development by a mixture of four antiandrogens. Environmental Health Perspectives. 2009; 117:1839-1846Retour vers
[3] HASS U, SCHOLZE M, CHRISTIANSEN S, DALGAARD M, VINGGAARD AM, et coll. Combined exposure to ant-androgens exacerbates disruption of sexual differentiation in the rat. Environmental Health Perspectives. 2007; 115:122-128Retour vers
[4] KORTENKAMP A. Ten years of mixing cocktails: a review of combination effects of endocrine-disrupting chemicals. Environmental Health Perspectives. 2007; 115, (suppl 1):98-105Retour vers
[5] KORTENKAMP A. Low dose mixture effects of endocrine disrupters: implications for risk assessment and epidemiology. International Journal of Andrology. 2008; 31:233-240Retour vers

Avant-propos

De nombreux facteurs génétiques, comportementaux et environnementaux sont susceptibles d’agir sur la fertilité ou sur le développement de l’appareil reproducteur1 . L’exposition aux substances chimiques, en particulier aux perturbateurs endocriniens largement présents dans l’environnement, constitue un type de risque qu’il est important d’explorer puisqu’il pourrait être maîtrisé.
La réglementation européenne impose des interdictions et des restrictions de mise sur le marché et d’usage pour le grand public de substances chimiques ayant été reconnues comme reprotoxiques de catégorie 12 ou 23 . Un certain nombre de substances chimiques qui ne sont ni cancérogènes ni mutagènes sont classées à ce jour comme reprotoxiques de catégorie 34 . Pour ces derniers, des effets sur la fonction de reproduction sont possibles mais les preuves sont insuffisantes pour un classement en catégorie 2.
Ces dernières années, des publications issues de différents laboratoires de recherche indépendants ont attiré l’attention sur des effets possibles sur les organes ou la fonction de reproduction, de substances chimiques présentes dans des produits de grande consommation. Des travaux le plus souvent réalisés in vitro ou dans différentes espèces animales, parfois des études épidémiologiques, ont constitué des signaux d’alerte pour les pouvoirs publics et les agences sanitaires.
Face aux interrogations de la société sur une possible dangerosité de substances chimiques accessibles au grand public, le ministère de la Santé a sollicité l’Inserm pour une analyse des données disponibles sur les effets de certaines de ces substances sur la reproduction.
Pour répondre à la demande du ministère de la Santé, un groupe pluridisciplinaire d’experts constitué d’épidémiologistes, de chimistes, d’endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement, de génétique moléculaire, a fait le point dans un premier temps sur les connaissances actuelles en épidémiologie, physiologie et biologie de la reproduction ainsi que sur les méthodes d’études de l’impact sanitaire de contaminants de l’environnement. Pour chacune des familles de substances chimiques d’intérêt, l’analyse de la littérature a été structurée, dans un deuxième temps, autour des questions suivantes :
• Quelles sont les principales sources et voies d’exposition de la population générale à la substance d’intérêt ?
• Quelles sont les données sur l’imprégnation des populations selon le sexe, l’âge et d’autres critères ? Peut-on identifier des populations plus exposées ?
• Quelle est la toxicocinétique du composé et de ses métabolites dans l’organisme ?
• Qu’indiquent les études épidémiologiques ayant mis en relation une exposition à la substance d’intérêt et la survenue de troubles de la fonction de reproduction ?
• Quels sont les effets observés dans les études expérimentales réalisées chez les rongeurs, d’autres espèces de mammifères ou encore des espèces réputées sensibles telles que les vertébrés aquatiques, aux doses compatibles avec les niveaux d’exposition chez l’Homme ?
• Quels sont les effets observés chez l’animal selon les périodes d’exposition (période prénatale, néonatale, prépubertaire, post-pubertaire) ? Peut-on définir des périodes critiques d’exposition ?
• Quels sont les effets spécifiquement observés au niveau des tissus de l’appareil reproducteur mâle et femelle dans les études in vivo et à partir de culture de cellules (éventuellement humaines) ?
• Quels mécanismes peuvent être évoqués pour expliquer les effets ? L’expression de certains gènes est-elle modifiée ? Ces modifications sont-elles transmises aux générations suivantes ?
• Les données disponibles sur les relations structure-fonction peuvent-elles éclairer la toxicité de substances d’une même famille ?
• Quels sont les principaux axes de recherche à privilégier pour approfondir l’étude des dangers potentiellement liés à une multi-exposition chronique ?
Cinq substances ou familles de substances ont été choisies parce qu’elles sont largement représentées dans les produits de grande consommation : bisphénol A, phtalates, composés polybromés ou retardateurs de flamme, composés perfluorés, parabènes. Les événements de santé considérés en relation avec l’exposition à ces substances sont les caractéristiques quantitatives et qualitatives des spermatozoïdes ainsi que celles de la fertilité (aptitude biologique à obtenir une grossesse), toutes les anomalies des organes impliqués dans la fonction de reproduction (gonades, glande mammaire, système endocrinien), le cancer du testicule et certains cancers dits hormono-dépendants. Les troubles du développement d’autres organes et diverses pathologies, bien que pouvant, dans certains cas, être induits par des expositions durant la vie intra-utérine, n’entrent pas dans le champ de cette expertise.
Un tableau présenté en annexe 2 rassemble les principales données sur chacune des 5 substances ou familles de substances. La difficulté à caractériser le danger associé à l’exposition humaine à chacune de ces substances chimiques est encore plus grande lorsque l’on considère que la majorité de la population (y compris les femmes enceintes et les fœtus) est exposée à un ensemble de substances susceptibles d’avoir des modes d’action très différents. L’étude des effets d’expositions combinées et permanentes aux substances présentes de façon ubiquiste dans l’environnement humain constitue un enjeu crucial de recherche dans l’objectif d’une meilleure gestion du risque.

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