2013


ANALYSE

2-

Définitions et classifications

En France, de 1996 à 2003, plusieurs définitions du « handicap rare » se succèdent dans les textes législatifs et réglementaires. Ces définitions ne retiennent que la dimension de la déficience, en dépit d’une part de l’évolution conceptuelle internationale et d’autre part de la définition légale du handicap en général donnée par la loi du 11 février 20051 reconnaissant le handicap comme une réalité multidimensionnelle, dont la déficience n’est qu’une des composantes. Sur la base d’une avancée épistémologique décisive, fondée sur les savoirs issus de l’expérience vécue du handicap, il est admis aujourd’hui que le handicap est une restriction de participation sociale, résultant des interactions entre les déficiences, leurs conséquences en termes de limitations d’activité et les obstacles environnementaux auxquels les personnes handicapées sont confrontées. Cette définition s’applique à tout handicap quelle que soit la sévérité des déficiences.
Pour éclairer la définition du « handicap rare » encore en vigueur en France, on rappellera dans un premier temps, les principaux déterminants sociaux, politiques et scientifiques qui rendent compte de la rupture épistémologique qui s’est opérée au plan international à partir des années 1970, opposant un modèle social au modèle individuel traditionnel du handicap. On examinera les effets de ce changement de paradigme du handicap sur l’évolution des classifications internationales et sur la définition du handicap. Une deuxième partie décrira l’intégration contrôlée du modèle social dans la politique française du handicap et les effets de la tension entre modèle individuel et modèle social depuis une dizaine d’années sur la législation et les instruments d’évaluation du handicap (Guide-barême pour l’évaluation des déficiences et incapacités et Guide d’évaluation multidimensionnelle des besoins de compensation), ainsi que sur le cadre de référence adopté pour le Schéma national de l’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2009-2013. La troisième partie sera consacrée à retracer les définitions législatives et réglementaires du « handicap rare » et leurs limites. Enfin seront suggérés les apports de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) propres à faire évoluer la définition du « handicap rare » et à contribuer au développement d’instruments d’observation et de description.

Évolution internationale dans le champ du handicap

Émergence d’une opposition entre deux modèles du handicap : individuel et social

La tradition de réadaptation des personnes handicapées qui caractérise les politiques du handicap tout au long du 20e siècle dans les pays industrialisés, s’est traduite par la constitution de secteurs dédiés, en marge de la société, emblématisés par l’institution spécialisée. Dans les années 1970, émergent en Amérique du Nord et en Angleterre des mouvements de personnes handicapées contestant radicalement cette forme de traitement. Animés d’une volonté de changer les pratiques et les politiques, ils s’opposent au principe de l’orientation en institution spécialisée qui exclut de la vie sociale les personnes concernées, dénie leur connaissance intime et quotidienne de l’expérience du handicap en ne reconnaissant comme savoirs légitimes sur le handicap que ceux des experts médicaux et paramédicaux. Ils revendiquent leur droit à participer socialement et à décider de leur choix de vie. Ces mouvements, au premier rang desquels l’Independent Living Movement, né aux États-Unis, mettent en œuvre des formes de soutien et de vie alternatives à l’institutionnalisation : les centres de ressource pour une vie autonome (Independent Living ressource centres). Ces centres, autogérés par les usagers, s’organisent sur des principes d’autodétermination, de solidarité, d’entraide entre pairs, et de partage de la définition et de l’expertise des soins dont ils ont besoin avec les professionnels qu’ils emploient, (empowerment). Espace de construction d’une communauté d’expériences et de savoirs partagés sur le handicap, l’Independent Living Movement développe une formalisation de la philosophie et des principes de fonctionnement des centres de ressources pour permettre leur transfert et leur reproduction : le paradigme d’Independent Living (Dejong, 1979renvoi vers). La diffusion de ce modèle innovant de pratiques et de conception du handicap aux États-Unis, puis au Canada, gagne l’Europe, principalement l’Angleterre et les pays du Nord, et progressivement les autres continents. Leur action consiste aussi à faire valoir auprès des pouvoirs publics des pays où ils s’implantent, la légitimité de leurs revendications et de ces pratiques alternatives. Dans les années 1980, en lien avec ces mouvements, des organisations activistes de personnes handicapées (en particulier Disabled Peoples’ International/Organisation mondiale des personnes handicapées, 1981) s’organisent en groupes de pression politiques pour revendiquer leur statut de citoyens à part entière et défendre leurs droits.
L’argumentaire de ces groupes de pression sera progressivement renforcé par les débats menés au sein d’une nouvelle discipline universitaire, les Disability Studies, où s’élabore une nouvelle épistémologie du handicap, fondée sur les savoirs issus de l’expérience vécue du handicap (Albrecht et coll., 2001renvoi vers). C’est au sein de ces cercles universitaires que les différents modèles conceptuels du handicap trouvent leur formalisation théorique. Au modèle individuel qui explique le handicap par les déficiences et les incapacités de la personne est opposé le modèle social, qui conçoit le handicap, non plus à partir des caractéristiques individuelles, mais comme la conséquence des barrières physiques, économiques, sociales et politiques faisant obstacle à la participation sociale et à la pleine citoyenneté des personnes concernées. En 1997, Rioux (anthropologue de la santé) propose une typologie de ces deux modèles (Rioux, 1997renvoi vers). Elle distingue deux variantes au sein du modèle individuel : une approche médicale qui vise au traitement par tous les moyens médicaux et technologiques de l’origine des déficiences, leur prévention et leur dépistage. L’objectif de la société est la guérison ou l’élimination des causes biomédicales du handicap. La seconde approche, fonctionnelle, vise à la rééducation des incapacités et à la réadaptation des personnes.
Le modèle social du handicap comporte également deux variantes : une approche environnementale, qui met l’accent sur l’accessibilité à tout pour tous (« conception universelle »/universal design) et une approche politique, mettant en cause l’organisation sociale génératrice de discriminations et d’inégalités sociales. La question centrale dans cette approche est celle des droits de l’homme. Elle appelle une réponse en termes de réformes politiques, économiques et sociales pour réduire les inégalités dans les droits, lutter contre les discriminations, et permettre l’accès à une pleine citoyenneté des personnes handicapées (Rioux, 1997renvoi vers ; Ravaud, 1999renvoi vers). C’est le sens de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et de chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et de l’engagement de la France à mettre en œuvre la Convention des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées, qu’elle signe en 2008 et ratifie en 2010.
Dans les pays anglo-saxons, la force du modèle social, dans son expression politique, réside dans sa capacité à réunir et mobiliser autour d’une cause commune contre l’exclusion et la discrimination, une grande diversité de personnes atteintes de déficiences différentes, isolées jusque-là dans leurs expériences singulières.
À partir de la décennie 1980, le mouvement international des personnes handicapées reçoit le soutien des Nations Unies qui amorcent dans ces mêmes années, un tournant décisif en matière de droits des personnes handicapées. Prenant leur distance vis-à-vis du modèle individuel du handicap et convaincues de la portée du modèle social, les Nations Unies engagent une série d’actions : Année internationale des personnes handicapées, 1981 ; Programme mondial d’action en faveur des personnes handicapées, 1982 ; Décennie des Nations Unies pour les personnes handicapées 1983-1992 sur le thème de « pleine participation et égalité » ; Règles standard d’égalisation des chances des handicapés, 1993 ; celles-ci aboutissent en 2006 à l’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (Lang, 2009renvoi vers). La représentation politique des organisations de personnes handicapées sur la scène internationale se concrétise également sur le plan européen avec la création en 1996 d’une instance consultative auprès de la Commission européenne, le Forum européen des personnes handicapées (FEPH). Les associations françaises y sont représentées à travers le Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE), qui en 1996 regroupe onze organisations représentatives des associations françaises, dont le Clapeaha (Comité de liaison et d’action des parents d’enfants et d’adultes atteints de handicaps associés).
Cette évolution conceptuelle est décisive car elle rompt avec la représentation et la définition traditionnelle du handicap référée à la déficience. Elle récuse le réductionnisme du modèle individuel et médical. Elle est articulée aux droits de l’homme et portée par un courant scientifique désormais reconnu − Disability Studies − et par des mouvements de personnes handicapées qui acquièrent le statut de partenaire politique des instances internationales. C’est dans ce contexte international que l’OMS entreprend la révision de la « Classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps. Un manuel de classification des conséquences des maladies » dans la fin des années 1990 (Barral, 1999renvoi vers).
Il a été amplement reconnu que cette première classification des handicaps2 a apporté une clarification conceptuelle essentielle du handicap, en le segmentant en trois niveaux d’expérience :
• la déficience, définie comme une altération de fonctions physiologiques ou anatomiques ;
• l’incapacité, comme « toute réduction (résultant d’une déficience), partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité d’une façon normale, ou dans les limites considérées comme normales, pour un être humain » ;
• le handicap comme « désavantage social [résultant] d’une déficience ou d’une incapacité et [limitant ou interdisant] l’accomplissement d’un rôle normal (en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels) » (OMS, 1980renvoi vers).
Si cette classification restera peu utilisée dans les pays membres de l’OMS, la France voit rapidement un intérêt à s’appuyer sur cette référence internationale dont le schéma conceptuel correspond au découpage de la politique nationale relative au handicap : champ de la santé intervenant au niveau du traitement des déficiences ou de leur prévention ; champ médico-social consacré à la réadaptation des incapacités ; et niveau économique traitant de la compensation des désavantages sociaux à travers les dispositifs d’allocations3 . Les concepts de la CIDIH (Classification Internationale des Déficiences (impairments), Incapacités (disabilities) et Handicaps), seront également appliqués pour réformer en 1993 le barème des anciens combattants et victimes de guerre utilisé jusque-là pour l’évaluation des taux d’incapacité des personnes handicapées (y compris des enfants). Le Guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées est adopté en France comme outil réglementaire des commissions d’orientation des personnes handicapées (CDES et Cotorep4 ).
L’apport de cette classification à la connaissance du handicap reste cependant largement insuffisant au regard des attentes du mouvement international des personnes handicapées, principalement parce que la conception du handicap qui sous-tend cette classification, reste ancrée dans le modèle individuel. Ce modèle se caractérise par l’enchaînement causal de la déficience à l’incapacité et au désavantage social, faisant porter à la déficience ou aux incapacités de la personne, la cause du préjudice social qu’elle subit, sans impliquer la responsabilité de la société dans la production de ce préjudice. Dès 1991, Fougeyrollas et le Comité québécois pour la CIDIH5 mettent en forme la première proposition de classification alternative à la CIH (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé), classification systémique du handicap qui intègre le modèle individuel et le modèle social : le Processus de production du handicap (PPH)6 (Fougeyrollas, 1990renvoi vers ; Société canadienne pour la CCIDIH, 1998renvoi vers ; Fougeyrollas et coll., 1998renvoi vers et 1999 renvoi vers). Le handicap est défini en terme de situation résultant de l’interaction entre une personne et les obstacles environnementaux qui s’opposent à la réalisation de ses habitudes de vie. « Les habitudes de vie sont celles qui assurent la survie et l’épanouissement d’une personne dans la société tout au long de son existence. Ce sont les activités quotidiennes et domestiques ainsi que les rôles sociaux valorisés par le contexte socio-culturel pour une personne selon son âge, son sexe et son identité sociale et personnelle ». Les facteurs environnementaux désignent « l’ensemble des dimensions sociales, culturelles, écologiques qui déterminent l’organisation et le contexte d’une société » (Fougeyrollas, 1990renvoi vers).

Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé

En 2001, à l’issue des travaux de révision de la CIH conduits par l’OMS pendant la décennie 1990, l’Assemblée mondiale de la santé adopte la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF). Au côté de la Classification internationale des Maladies (CIM 10), la CIF devient une classification centrale au sein de la famille des classifications internationales de l’OMS.
Intégrant modèle individuel et modèle social, la CIF revendique un modèle biopsychosocial. Elle conçoit le handicap comme une restriction de participation sociale résultant de l’interaction entre les caractéristiques propres à la personne (dont les déficiences et limitations d’activité) et les facteurs environnementaux.
Le schéma conceptuel de la CIF comporte quatre dimensions en interaction les unes avec les autres : fonctions organiques et structures anatomiques, activités, participation et facteurs environnementaux.
Les fonctions organiques désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques (y compris les fonctions psychologiques). Les structures anatomiques désignent les parties anatomiques du corps, telles que les organes, les membres et leurs composantes. Les déficiences désignent des problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique, tels qu’un écart ou une perte importante.
Une activité désigne l’exécution d’une tâche ou d’une action par une personne. Les limitations d’activités désignent les difficultés qu’une personne rencontre dans l’exécution d’activités.
La participation désigne l’implication d’une personne dans une situation de vie réelle. Les restrictions de participation désignent les problèmes qu’une personne peut rencontrer dans son implication dans une situation de vie réelle.
Les facteurs environnementaux désignent l’environnement physique, social et attitudinal dans lequel les gens vivent et mènent leur vie.
Chaque dimension est organisée en domaines et chaque domaine décliné en catégories et sous-catégories de deux à trois niveaux de détail. Chaque item comporte une définition et un code. L’ensemble de la classification compte 1 454 items.
Des codes qualificatifs permettent d’estimer sur une échelle à 5 degrés :
• l’étendue et la gravité des déficiences de fonctions et de structures ;
• la capacité à réaliser une activité (aptitude intrinsèque de la personne sans assistance humaine ou technique à effectuer une activité ou tâche donnée) ;
• la performance (réalisation effective d’une activité dans l’environnement réel, avec les facilitateurs et les obstacles) ;
• la qualité de facilitateur ou d’obstacle des facteurs environnementaux.
Les domaines d’activité et de participation sont répartis en 9 chapitres : apprentissage et application des connaissances ; tâches et exigences générales ; communication ; mobilité ; entretien personnel ; vie domestique ; relations et interactions avec autrui ; grands domaines de la vie ; vie communautaire, sociale et civique.
À la différence de l’élaboration de la première classification à laquelle seuls avaient participé les experts institués (médecins, économistes de la santé, paramédicaux, et un sociologue de la santé), le processus de révision doit s’appuyer sur la collaboration d’un cercle d’experts beaucoup plus large, incluant notamment des associations représentatives de personnes handicapées et des représentants des pouvoirs publics. Dans le cadre de sa contribution à la révision, le Centre collaborateur français de l’OMS s’adjoint ainsi la collaboration de représentants associatifs, de chercheurs de diverses disciplines, d’agents de l’administration des affaires sociales (DGAS à l’époque), de professionnels de la santé et de l’action sociale. Les travaux permettent ainsi de sensibiliser des acteurs du champ du handicap à l’évolution conceptuelle internationale, aux débats sur les modèles du handicap et à la construction de la nouvelle classification elle-même.

Le contexte français : une politique sous tension entre modèle individuel et modèle social du handicap

La déficience, support du secteur médico-social

Au cours des vingt dernières années du 20e siècle, qui voient confirmer le modèle social du handicap dans les instances internationales et européennes (ONU, OMS, Commission européenne, Conseil de l’Europe), dans les milieux universitaires et au sein des mouvements de personnes handicapées, la politique du handicap garde en France le cap qu’elle s’est fixée depuis l’entre-deux guerres, ancré dans le modèle individuel et réadaptatif.
La politique du handicap s’est progressivement constituée au cours du 20e siècle et a été formalisée en 1975 par deux lois, la loi cadre d’orientation en faveur des personnes handicapées (loi n° 75-534) et la loi n° 75-535 régissant les institutions sociales et médico-sociales (voir le chapitre 1 sur la politique du handicap de ce rapport d’expertise).
L’ensemble de ce dispositif institutionnel – législation et établissements spécialisés – se caractérise d’une part, par un traitement catégoriel du handicap, fondé sur la reconnaissance du statut de personne handicapée, et d’autre part, par l’organisation territoriale de l’équipement médico-social par types de déficience. Il se caractérise également par le partenariat entre l’État et les associations de personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés représentatives des différentes déficiences. Le rôle des associations est double : groupes de pression, elles exercent une fonction de revendication pour obtenir de l’État la reconnaissance de droits spécifiques pour les personnes handicapées (discriminations positives) ; groupes de défense des besoins des personnes qu’elles représentent, elles sont à l’origine de la création des établissements spécialisés par déficience, dont elles assurent la gestion par délégation de service public.
Les deux lois de 1975 viennent consacrer ce partenariat entre les associations et les pouvoirs publics, et les principes de réadaptation et de compensation qui structurent la politique française (Stiker, 1982renvoi vers).
Cependant, dans les années 1990-2000, les acteurs politiques et associatifs du champ du handicap, sont également de plus en plus sensibles aux courants et mouvements en faveur des droits des personnes handicapées et de l’intégration (mainstreaming), qui animent les cercles européens (Commission européenne, Forum européen des personnes handicapées). En 2002, sous l’impulsion du ministre de la Famille, Ségolène Royal, le chantier de réforme de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées est engagé, conduit par Vincent Assante. Ce chantier repris par le nouveau gouvernement, aboutit en février 2005 à la Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (2005-102 du 11 février 2005).
L’ancrage de la législation et des réglementations qui organisent la gestion administrative de l’équipement spécialisé et des populations accueillies, dans le modèle individuel, médical et réadaptatif du handicap entre alors en tension avec la référence au modèle social qui a inspiré la loi cadre du 11 février 2005 (n° 2005-102). Les autorités politico-administratives gèrent cette tension sur le mode du twin track (double approche) (Barron et coll., 2007renvoi vers) en ménageant le principe de catégorisation des personnes ayant des déficiences et des limitations d’activité à des fins d’éligibilité à des prestations spécifiques, tout en mettant en place les mesures d’inclusion et de non-discrimination prévues par la loi de 2005. Cette tension recouvre un conflit de représentations du statut de la personne handicapée, objet de droits (selon la loi de 1975), sujet de droit (selon la loi de 2005). Ainsi, la personne qui se trouve en situation de handicap par défaut de soutiens et aménagements nécessaires à sa participation à la vie dans les espaces sociaux ordinaires, est fondée à considérer qu’elle fait l’objet d’un déni de droit.
Cette même tension est au cœur de la définition du handicap donnée par la loi de 2005.

Intégration progressive et contrôlée du modèle social du handicap

Loi de 2005 et définition du handicap

La définition du handicap admise aujourd’hui dans les instances internationales, comme une restriction de participation sociale résultant de l’interaction entre les caractéristiques individuelles (déficiences et limitations d’activité) et les obstacles environnementaux, (portée par le Processus de production du handicap ou PPH qui est la classification québécoise, puis par la CIF), est consacrée en 2006 par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées : « Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres » (Art.1). Cette convention a été signée par la France en 2008 et ratifiée en 2010.
Bien qu’elle se réclame de la CIF et reconnaisse par ailleurs dans certains des instruments d’évaluation du handicap, la multidimensionnalité du handicap et l’interaction entre ses composantes, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées donne du handicap la définition suivante : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». En ignorant d’une part la notion d’interaction individu/environnement et en portant in fine au compte de l’altération de fonction (déficience) la cause du handicap (« en raison d’une altération (…) de fonction… »), la définition française restreint considérablement la portée conceptuelle du paradigme du handicap tel qu’il est entendu dans les textes de référence internationaux. Restriction que relève la Commission nationale consultative des droits de l’homme7 . Cette interprétation du handicap traduit l’intention des pouvoirs publics de réaliser un compromis d’une part entre la législation de 1975 toujours en vigueur, qui fonde la politique catégorielle du handicap et régit les établissements spécialisés en référence à la déficience et d’autre part la mise en conformité de la politique nationale du handicap avec les règles internationales et les principes de participation et de citoyenneté des personnes handicapées de la loi de 2005.
Les conséquences de ce compromis et de cette tension entre les deux modèles du handicap dans la loi et ses applications sont nombreuses. Par exemple, au nombre des mesures de compensation des conséquences du handicap prévues par la loi pour permettre l’inclusion des personnes handicapées dans les espaces ordinaires de vie et le plein exercice de leur citoyenneté et de leur autonomie, figure paradoxalement l’accueil en établissement spécialisé (Loi n° 2005-102, Titre III. Compensation et ressources, Chap.1, Art. 11).
En ce qui concerne le « handicap rare », ce compromis sous-tend la définition du cadre de référence du Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2009-2013renvoi vers. Le cadre de référence adopté pour le Schéma national dit prendre appui sur la définition du handicap donnée par loi de 2005, dont il reconnaît l’ambiguïté : « Le modèle (du handicap selon la loi) est plus fonctionnel que biomédical, avec toutefois une causalité inscrite dans la définition comme directement liée aux altérations de fonctions » (p. 16) ; tout en considérant que cette condition (qui limite le handicap à la déficience, en accord avec la législation de 1975) est nécessaire comme critère d’éligibilité aux prestations de compensation : « Cette nouvelle définition permet la prise en compte des environnements comme obstacles ou facilitateurs de la participation sociale de la personne, mais elle nécessite toujours que l’on désigne la personne comme handicapée afin de pouvoir mobiliser le dispositif de compensation (…) requis par la loi (de 2005) » (p. 16). Il est ensuite estimé qu’ « au terme de l’article D312-194 du CASF la définition réglementaire du handicap rare (qui) repose actuellement sur une double condition, une faible prévalence des personnes concernées et l’appartenance à des catégories définies de combinaisons de déficiences ou troubles graves ou sévères » est insuffisante à rendre compte des conséquences en termes de « recours à des protocoles particuliers de compensation qui ne sont pas la simple addition de techniques et de moyens, et se doublent d’une rareté de l’expertise ». Aussi, sur les recommandations du Conseil scientifique de la CNSA qui « propose une lecture illustrative et évolutive des catégories citées », le cadre de référence pour élaborer le Schéma national est défini de la façon suivante : « Conséquence d’une association rare et simultanée de déficits sensoriels, moteurs, cognitifs, ou de troubles psychiques, le handicap rare est constitué par : une situation complexe (qui n’est pas la simple addition de déficits) ; une expertise requise, caractérisée par la difficulté et la rareté » (p. 17).
Ainsi, bien qu’il revendique une vision multidimensionnelle du handicap (en référence à la loi de 2005), le cadre de référence ainsi défini reste profondément attaché à l’identification des déficiences, à leur complexité et à l’expertise requise pour les détecter, plus qu’à leurs conséquences pour la personne qui en est atteinte et aux dimensions opératoires du handicap telles qu’énoncées dans la définition internationale ou même dans la définition (bien que limitative) de la loi de 2005, c’est-à-dire déficiences, limitations d’activité, restrictions de participation, facteurs environnementaux.

Des instruments d’évaluation pour compenser des besoins ou pour estimer l’incapacité

L’élaboration d’outils d’évaluation du handicap constitue une autre voie de pénétration en France, de certains éléments du cadre conceptuel du handicap défini par les instances internationales.
Ainsi, l’administration des affaires sociales, puis la CNSA, ont rapidement vu l’intérêt de la CIF pour construire l’outil d’évaluation dont ont besoin les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), chargées de l’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées et de l’élaboration des plans personnalisés de compensation, en application de la Loi du 11 février 2005. L’évaluation doit être globale et porter sur les différents aspects de la situation de la personne. Un guide d’évaluation est ainsi élaboré, instrument réglementaire des MDPH par le décret n° 2008-110 du 6 février 2008 : le Guide d’évaluation multidimensionnelle des besoins de compensation de la personne handicapée (Geva). Plus qu’une grille d’évaluation, le Geva est conçu comme un guide méthodologique proposant aux équipes pluridisciplinaires des MDPH un langage commun pour conduire une démarche d’évaluation partagée, dans le cadre d’un dialogue avec la personne concernée ou son représentant (Barreyre et coll., 2011renvoi vers). L’objectif de ce guide est de permettre l’exploration de l’ensemble des facteurs personnels, des activités et de la participation à la vie en société de la personne et l’analyse des informations recueillies pour définir un plan de compensation personnalisé. Il vise aussi à favoriser l’harmonisation des pratiques entre les MDPH et à constituer une source de données pour le système d’information sur le handicap.
Le Geva comporte sept volets8 (tableau 2.Irenvoi vers).

Tableau 2.I Les 7 volets du Geva

Volets du Geva
1. Familial, social et budgétaire
2. Habitat et cadre de vie
3a. Parcours de formation
3b. Parcours professionnel
4. Médical (dont déficiences)
5. Psychologique
6. Activités et capacités fonctionnelles
7. Aides mises en œuvre
Le volet 6 « Activités et capacités fonctionnelles », largement inspiré de la composante Activité et Participation de la CIF, comporte 8 domaines. Chaque domaine est décliné en activités, comportant pour certaines des niveaux de détail complémentaires9 (tableau 2.IIrenvoi vers).

Tableau 2.II Exemples de déclinaisons du volet 6 du Geva

Volet du Geva
Domaines
Activités
6. Activités et capacités fonctionnelles
1. Tâches et exigences générales, relation avec autrui : 12 activités déclinées en 16 questions
2. Mobilité, manipulation : 16 activités, 23 questions
3. Entretien personnel : 6 activités, 12 questions
4.Communication : 7 activités, 14 questions
5. Vie domestique et vie courante : 10 activités, 14 questions
6. Application des connaissances, apprentissage : 5 activités, 5 questions
7.Tâches et exigences en relation avec la scolarité et la formation initiale : 13 activités, 21 questions
8. Tâches et exigences relatives au travail : 8 activités, 31 questions
(Exemple) Domaine 1 : Tâches et exigences générales, relation avec autrui
1.1 S’orienter dans le temps
1.2 S’orienter dans l’espace
1.3 Fixer son attention
1.4 Mémoriser
1.5 Prendre des décisions
1.6 Prendre des initiatives
1.7 Gérer sa sécurité
1.8 Respecter les règles de vie
1.9 Avoir des relations avec autrui conformes aux règles sociales
1.10 Maitriser son comportement dans ses relations avec autrui
1.11 Relations avec ses pairs
1.12 Avoir des relations affectives et sexuelles
L’outil permet de coter et de mettre en relation pour chaque activité :
• la capacité intrinsèque de la personne à réaliser l’activité (sans assistance) cotée de 0 à 4 ;
• la réalisation effective de la personne (cotée A : activité réalisée seule, sans aide humaine et sans difficulté ; B : réalisée partiellement avec l’aide d’un tiers et/ou sur sollicitation et/ou avec une difficulté partielle ; C : réalisée avec l’aide répétée d’un tiers et/ou avec une surveillance continue et/ou avec une difficulté régulière ; D : non réalisée) ;
• les facilitateurs et les obstacles environnementaux (H : environnement humain, T : environnement technique, L : logement ; S : services ; A : environnement animal).
Malgré un très grand nombre d’items afin de tenir compte de la grande hétérogénéité des situations de handicap, le Geva reste insuffisamment détaillé pour évaluer les situations de handicaps complexes (Barreyre et coll., 2011renvoi vers), dont celles de « handicap rare ». Il pourrait être recommandé de le tester auprès de personnes ayant un « handicap rare » et de leur entourage, complété par une évaluation de la qualité de vie.
Le domaine des outils d’évaluation du handicap est également un de ceux où se révèle la tension entre modèle social et modèle individuel et les paradoxes engendrés par la définition du handicap de 2005. Le Geva est clairement inspiré du modèle social et de la CIF, et conçu pour permettre de construire avec la personne handicapée, le plan de compensation de ses besoins pour réaliser son projet de vie. Mais simultanément, pour la reconnaissance du statut de personne handicapée et l’éligibilité aux prestations auxquelles ce statut donne droit, l’autre instrument réglementaire10 utilisé par les CDAPH (Commissions départementales des droits et de l’autonomie des personnes handicapées), comme il l’était avant la loi de 2005 par les CDES et Cotorep, reste le Guide-barême pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées qui, mesure la gravité de la déficience et des incapacités, appuyé sur la Classification internationale des déficiences, incapacités, désavantages (CIH), de 1988. Ce Guide-barême n’estime pas le handicap en fonction de la restriction de participation sociale et des facteurs environnementaux.

La notion de « handicap rare » : au-delà d’une catégorie politico-administrative française ?

Les définitions réglementaires du « handicap rare » et leurs limites

Depuis l’introduction en 1986 (par la loi n° 86-17) de la notion de « handicap rare » dans la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales, la définition juridique de cette forme de handicap pose un problème récurrent. La diversité des associations de déficiences et la complexité des limitations d’activité que cette notion recouvre, l’expertise requise pour les diagnostiquer, la haute technicité nécessaire pour accompagner les personnes qui en sont atteintes, le nombre limité de ces personnes et leur dispersion géographique sont autant de caractéristiques qui, conjuguées, échappent à la rhétorique administrative qui structure l’organisation territoriale et les missions de l’équipement spécialisé par type de déficience.
Comme l’a montré le chapitre sur la politique du handicap, la définition répond à un impératif administratif et pragmatique : créer une catégorie de handicap qui s’inscrive dans la logique politico-administrative de gestion des populations handicapées. Les agréments des établissements spécialisés reposant sur la déficience principale des personnes qu’ils accueillent, selon la législation de 1975, l’administration est alors amenée à créer de nouvelles catégories de déficience, comme cela a été le cas par exemple du polyhandicap (Arrêté du 29 octobre 1989) ou plus récemment des « Personnes adultes n’ayant pu acquérir un minimum d’autonomie » (Décret n° 2009-322 du 20 mars 2009), et le cas en 1998 du « handicap rare » avec la création des Centres nationaux de ressources.
Depuis 1996, les définitions du « handicap rare » s’efforcent de traduire dans le discours administratif les objectifs qui ont mobilisé les associations (circonscrire un groupe de personnes aux handicaps complexes et dépourvues de tout soutien autre que familial) et les professionnels (définir la spécificité des compétences requises pour accompagner ces personnes) (Annexe 2).
Le « handicap rare » est défini dans les documents suivants :
• 1996 : Circulaire DAS/RVAS n° 96-429 du 5 Juillet 1996 relative au recensement de la situation des besoins dans chaque département et région des personnes susceptibles de relever de la notion de « handicap rare » ;
• 2000 : Arrêté du 2 août 2000 relatif à la définition du handicap rare (JORF n° 186 du 12 août 2000) ;
• 2003 : Décret n° 2003-1217 du 18 décembre 2003 relatif à la liste des établissements ou services accueillant certaines catégories de personnes et relevant du schéma national d’organisation sociale et médico-sociale prévu au 1° de l’article L.312-5 du Code de l’action sociale et des familles ;
• 2005 : Définition du handicap rare introduite dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF) art. D 312-194 par décret n° 2005-1135 du 7 septembre 2005.
Si l’on se réfère aux schémas conceptuels des classifications de l’OMS, la première définition (Circulaire DAS/RVAS de 1996), en associant la notion de troubles ou déficiences à celle d’incapacités qui en découlent et à la nécessité d’interventions techniques spécifiques, montrait une certaine proximité avec l’enchaînement conceptuel de la première classification des handicaps (Classification internationale des déficiences, incapacités, désavantages ou CIH), classification de référence en France à cette époque.
Les définitions qui suivent celle de 1996, ne se réfèrent plus qu’aux déficiences (et/ou conséquences de maladies), abandonnent la notion d’incapacité, ajoutent ou retranchent au fur et à mesure tel type de déficience (déficience intellectuelle, dysphasie…), de combinaisons de déficiences ou de fonction (communication), et enfin tentent de donner un fondement scientifique à la rareté en introduisant un taux de prévalence, invérifiable du fait même d’une définition mouvante et extensive et donc d’une population difficile à dénombrer ; l’impossibilité de constituer des données épidémiologiques allant de pair avec l’absence d’identification et de dénomination précises de ce qu’on cherche à étudier (Jacquard, 1988renvoi vers).
Compte tenu de la complexité des incapacités combinées et des technicités requises, et l’expérience ayant montré qu’il était irréaliste d’envisager la mise en place au niveau local ou même régional d’interventions adaptées, l’objectif pour les associations représentatives du « handicap rare », était de faire valoir la rareté par tous les moyens y compris par un taux de prévalence non vérifié pour mettre en avant la notion de masse critique et obtenir une prise en compte au niveau national des personnes concernées. Ce taux de prévalence n’avait pas d’autre objectif, ni d’autre fondement que celui-ci (entretien avec H. Faivre, 09.05.2012).
Dans les rapports étudiés11 , la justification du recours à la notion de rareté varie d’un texte à l’autre, sans définition précise, invoquée tour à tour ou conjointement, comme rareté des combinaisons complexes de déficiences et du groupe de personnes qui en sont atteintes, rareté des technicités requises, ou rareté des expertises.
Toutes les définitions se heurtent également à la difficulté de définir précisément ces « combinaisons rares », successivement évoquées en termes de :
• « troubles associés de configuration rare » (Rapport Igas relatif aux conditions de l’accueil des multihandicapés, 1994) ;
• « configuration rare de troubles ou déficiences entraînant un ensemble d’incapacités nécessitant une prise en charge particulière » (Circulaire DAS/RVAS n° 96-429 du 5 Juillet 1996) ;
• « troubles associés de configuration rare nécessitant une prise en charge spécifique » (Rapport de la Direction de l’Action Sociale sur les handicaps rares, décembre 1996) ;
• « configuration rare de déficiences ou de troubles associés incluant fréquemment une déficience intellectuelle » (Arrêté du 2 août 2000 relatif à la définition du handicap rare) ;
• « configurations de déficiences ou de troubles associés dont le taux de prévalence n’est pas supérieur à un cas pour 10 000 associées à des listes descriptives de combinaisons de déficiences » (Décret n° 2003-1217 du 18 décembre 2003).
Les limites des définitions du « handicap rare » apparaissent largement liées aux limites terminologiques et conceptuelles de la législation de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et au réductionnisme d’une catégorisation unidimensionnelle12 des personnes handicapées fondée sur la seule déficience et à laquelle échappent les tableaux complexes de « handicaps rares ».
Le Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2009-2013 (2009renvoi vers) et les rapports préparatoires (Anesm, 2008renvoi vers ; Conseil scientifique de la CNSA, 2008renvoi vers) s’emploient à articuler les obligations légales imposées par la loi de 200513 avec les dispositions législatives et réglementaires qui régissent les établissements spécialisés (Loi n° 75-535). L’ensemble de ces rapports s’accorde à reconnaître les problèmes que pose la définition réglementaire du « handicap rare » (CASF, Art. D 312-194). Ils reconnaissent que celle-ci doit répondre à des exigences organisationnelles d’orientation et de structuration territoriale et nationale (CNSArenvoi vers, p. 10-11), ils s’interrogent sur sa pertinence et sa qualité opératoire (CNSArenvoi vers, p. 11), sur sa capacité à constituer un socle opératoire pour une épidémiologie médicale et sociale du « handicap rare » (Anesmrenvoi vers, p. 111), sur son utilité pour les décisions d’orientation que doivent prendre les MDPH (Anesmrenvoi vers, p. 116). Ils conviennent que « la combinaison d’une faible prévalence et de protocoles spécifiques (…) ne suffit pas à positionner de façon absolue [ce] concept qui s’inscrit dans des champs plus vastes » (CNSArenvoi vers, p.11), et appellent « une définition dynamique et évolutive des « handicaps rares » (Schéma national handicaps raresrenvoi vers, p. 16 et 112) ou « une redéfinition avec précision du handicap rare » (Rapport des Centres de ressources nationauxrenvoi vers, p. 48).
Le Conseil scientifique de la CNSA propose de modifier la définition réglementaire du « handicap rare » de manière à dépasser la notion de déficience en prenant en compte ses conséquences en termes de besoins d’expertise et de prise en charge spécifiques d’une part, et élargir le cadre limitatif de la liste fermée des déficiences et de leurs combinaisons, d’autre part (CNSA, 2008renvoi vers, p. 12). Hormis la suggestion d’élargissement de la liste de déficiences, cette proposition invite à revenir peu ou prou à la définition de la circulaire DAS/RVAS de 1996, qui s’appuyait sur la 1re classification des handicaps de 1988.
Dans l’ensemble des documents, le « handicap rare » est décrit d’une part à travers les listes de déficiences et d’autre part par les compétences professionnelles et les expertises requises pour identifier les besoins et développer les technicités nécessaires pour y répondre. Autrement dit, le « handicap rare » est toujours défini en fonction des critères d’agrément de l’équipement médico-social : déficiences et technicité de l’offre de soin, selon le modèle individuel du handicap. La représentation que l’on peut se faire de l’expérience vécue par les personnes et leurs familles reste singulièrement absente de ces documents. Le rapport des Centres de ressources nationaux (2006renvoi vers) est le seul qui ait recours au langage du modèle social et aux concepts de la CIF. Il est le seul également qui permette de se représenter les personnes ayant un « handicap rare », à l’instar des travaux de Zucman (2011renvoi vers) sur le polyhandicap, ou du rapport du Cedias-Creahi sur les situations complexes de handicap (Barreyre et coll., 2011renvoi vers). Le rapport des Centres de ressources nationaux décrit ces personnes dans leur vie : la lutte qu’elles déploient pour communiquer, vivre, apprendre ; la façon dont elles expriment, ou dont sont perçus, leurs besoins, leurs attentes, leurs peurs et angoisses, les rejets ou exclusions qu’elles subissent ; leurs limitations d’activité, les capacités de compensation ou de coping qu’elles mettent en œuvre ; leur façon d’être au monde ; et la confrontation au quotidien des familles aux expressions physiologiques, fonctionnelles, relationnelles de ces handicaps. Le rapport de 2006 des Centres de ressources nationauxrenvoi vers met également en avant l’absolue nécessité de développer des médiations humaines individualisées (14 occurrences dans le texte), ou encore la notion de « situation partagée » entre tous les interlocuteurs de l’entourage. Il revendique pour les personnes présentant ces hauts degrés de « carence sensorielle ou linguistique » ces médiations comme un droit et en montre l’enjeu vital (p. 28). Dans une approche systémique, ce rapport met en lumière un faisceau de facteurs environnementaux qui impactent de façon dramatique la vie de ces personnes, tels que les maltraitances institutionnelles, conséquences de la méconnaissance de ces handicaps, de l’absence ou de l’inadaptation des méthodes d’intervention prodiguées par des institutions non préparées à cette forme d’accueil. Il faut noter aussi les définitions réglementaires des établissements qui conduisent « à opérer pour ces personnes des choix de vie parfois totalement inadaptés et à fixer pour elles des objectifs souvent inatteignables » (p. 21-22).
Cette représentation du « handicap rare » déborde largement la seule question de la déficience pour englober l’ensemble des conséquences sur la vie biologique et psychique des personnes concernées que peuvent engendrer l’absence, l’insuffisance ou l’inadaptation des réponses apportées à leurs besoins fondamentaux.

Les apports possibles de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé

Au niveau de la définition des « handicaps rares »

La CIF n’a pas pour objectif de définir de façon générique un handicap quel qu’il soit, chaque handicap étant singulier. Mais elle présente l’intérêt de constituer un outil d’observation et de description de situations de handicap. Sa capacité à décrire et mettre en rapport, dans une conception interactive, les composantes d’une situation de handicap mériterait d’être testée dans le cas de « handicaps rares ». La description de situations avec la CIF permettrait :
• de caractériser la nature et la gravité des déficiences sur la base des fonctions physiologiques atteintes ;
• d’identifier les activités de la vie quotidienne (des plus élémentaires aux plus complexes) que la personne peut réaliser seule ou ne peut effectuer qu’avec une aide, en précisant la nature des aides nécessaires (techniques et/ou humaines) pour chaque activité ;
• d’identifier les obstacles et les facilitateurs environnementaux, tels que par exemple, les modalités de médiation, de soutien et d’accompagnement disponibles ou qui font défaut, les compétences de l’entourage (J. Souriau nous rappelle avec justesse que ce sont ces compétences qui permettent de révéler et reconnaître celles de la personne handicapée) ;
• de décrire les évolutions ou à l’inverse les régressions de participation sociale qui en résultent.
L’utilisation de la CIF pourrait être utilement complétée par la « Mesure des habitudes de vie » (MHAVIE) et la « Mesure de la qualité de l’environnement » (MQE), outils d’évaluation développés à partir de la classification québécoise « Processus de production du handicap » (PPH).
Dans le prolongement du cadre de référence du Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2009-2013 et sur la base de ces descriptions de situations dans les termes de la CIF, une définition du « handicap rare » pourrait être élaborée, en concertation avec les professionnels des Centres de ressources.
D’un point de vue éthique, et en cohérence avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, la notion d’interaction individu/environnement humain devrait être placée au cœur d’une définition du « handicap rare », propre à restaurer la personne, et non la déficience, en position centrale de sujet. Il conviendrait également de substituer la notion de participation à celle de prise en charge et de dépossession de soi qu’elle implique.
Une telle proposition de définition s’appuierait sur la définition du handicap comme restriction de participation résultant de l’interaction entre les caractéristiques individuelles (déficiences et limitations d’activité) et les caractéristiques environnementales (facilitatrices et obstacles) et sur les nomenclatures de la CIF. Ainsi, à la liste fermée des combinaisons de déficiences qui figure dans la définition réglementaire actuelle du « handicap rare » pourrait être substituée une liste évolutive des fonctions physiologiques atteintes ; les besoins des personnes seraient déclinés en termes de domaines d’activité pour lesquels les personnes requièrent médiation, rééducation ou soutien ; les expertises, protocoles et aides techniques nécessaires figureraient au registre de l’environnement humain et matériel requis. L’intégration de ces différentes dimensions pourrait être formulée de la façon suivante : « Sont reconnues avoir un « handicap rare » les personnes présentant des déficiences associées des fonctions (liste des fonctions), des besoins vitaux dans les domaines (liste des domaines d’activité affectés) et qui nécessitent un environnement humain et matériel spécifique (dont les champs et modalités seraient définis par les professionnels) pour pouvoir exercer leur droit à la participation à la vie en société à égalité des chances avec les autres ».
La définition réglementaire de situations complexes de handicap (articles D344-5-1 et D344-5-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles, créés par le Décret n° 2009-322 du 20 mars 2009 relatif aux obligations des établissements et services accueillant ou accompagnant des personnes adultes n’ayant pas pu acquérir un minimum d’autonomie) constitue un précédent dont pourrait s’inspirer la définition du « handicap rare ». Aux combinaisons de déficiences est associée une estimation du degré d’autonomie et les besoins de soutien sont déclinés en une série de huit domaines tirés de la nomenclature des domaines d’activité et de participation de la CIF (entretien personnel, mobilité, communication, tâches et exigences générales, relation avec autrui, développement et maintien des acquisitions cognitives) (voir Annexe 3).
Cet essai de définition du « handicap rare » à partir de ses composantes : déficiences et limitations d’activité en interaction avec l’environnement humain dont ces personnes ont un besoin vital, permettrait de faire droit à la notion de participation, au lieu de figer l’individu dans la caractéristique unidimensionnelle de la déficience. Les notions de complexité et de rareté attachées à cette forme de handicap seraient rendues par le nombre de fonctions atteintes simultanément et l’ampleur des domaines d’activité pour lesquels les personnes requièrent soutien, rééducation et accompagnement.
Cette proposition a un objectif principalement pragmatique, consistant à utiliser un langage commun pour décrire une réalité singulière et complexe à partir de diverses observations dans les situations de vie quotidienne. Elle a aussi pour but de montrer que la définition actuelle du « handicap rare » limitée aux seules déficiences peut être dépassée et enrichie des autres composantes qui définissent une situation de restriction de participation sociale.

Au niveau des outils d’évaluation fonctionnelle des « handicaps rares »

Différentes utilisations de la CIF pour la mise au point d’outils d’évaluation fonctionnelle pourraient être suggérées et testées.
Ainsi, les déclinaisons des fonctions physiologiques, des domaines d’activité et de participation et des facteurs environnementaux qu’offre la CIF pourraient être utilisées pour la mise en œuvre de certains des objectifs et actions envisagés dans le Schéma national pour les handicaps raresrenvoi vers, tels que l’évaluation fonctionnelle pluridisciplinaire (p. 77), la typologisation des populations suivies (p. 63). Cela constituerait un langage commun à la mutualisation des savoirs constitués par les centres de ressources en matière de méthodes et protocoles d’observation, de diagnostic et de bilans fonctionnels, pour une mise en commun et une systématisation des protocoles d’intervention afin d’en favoriser le transfert (Recommandations de l’Anesm, p. 113-115).

Les ICF core sets

Un exemple de l’utilisation de la CIF concerne la construction d’« ICF Core sets » à partir d’une méthodologie mise au point et validée depuis 2006 par l’unité de recherche du Centre collaborateur allemand de l’OMS pour la CIF14 (Bickenbach et coll., 2012renvoi vers). Cette méthodologie d’évaluation fonctionnelle pluridisciplinaire consiste à sélectionner, à partir de la littérature existante et de l’expérience clinique des différents professionnels spécialistes d’un handicap (ou problème de santé) donné (médecins, psychothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs spécialisés, assistants sociaux, infirmiers, instituteurs…) réunis en conférence de consensus, les catégories de la CIF nécessaires et suffisantes, pour décrire le handicap en termes de déficiences, de limitations d’activité, de restrictions de participation ainsi que les facteurs environnementaux entrant en jeu comme facilitateurs ou obstacles. La sélection d’items est ensuite testée, puis validée par la méthode Delphi. Cette méthodologie permet d’établir deux types de Core set pour chaque handicap (ou problème de santé), l’un compréhensif pour la recherche et l’évaluation clinique, un second, condensé, pour les enquêtes épidémiologiques. À partir du Core set compréhensif, trois autres outils sont développés :
• une fiche d’évaluation du niveau de fonctionnement de la personne (en utilisant l’échelle de capacité et performance), comportant deux parties : l’une réservée au professionnel, l’autre à la personne concernée (qui s’exprime dans ses propres termes, traduits ensuite en codes CIF pour permettre la comparaison des deux évaluations) ;
• une fiche du profil du fonctionnement de la personne établie lors d’une 1re évaluation permettant de suivre l’évolution de la personne au fur et à mesure des évaluations successives ;
• sur la base de la fiche d’évaluation et du profil de fonctionnement, un tableau de programmation des interventions consigne les objectifs des interventions, les différents professionnels qui en sont chargés et l’évaluation des interventions.
Cette méthodologie a démontré sa validité et son utilité pour l’évaluation de nombreuses situations de handicap ou de problèmes de santé à des fins cliniques et pour documenter des systèmes d’information (tels que neurological conditions, hearing loss, for persons following an amputation, for traumatic brain injury, Generic Set…)15 .
L’expérimentation de cette méthodologie sur des situations de « handicap rare » mériterait d’être examinée avec des professionnels du champ, comme outil complémentaire possible du Geva, à l’usage des MDPH.
L’unité de recherche du centre collaborateur OMS allemand offre des formations à la constitution de ces Core sets et des outils afférents.

Le Guide d’évaluation multidimensionnelle des besoins de compensation des personnes en situation de handicap

Cet outil réglementaire à l’usage des équipes pluridisciplinaires des MDPH constitue un instrument fondamental et sophistiqué pour l’évaluation des situations de handicap et l’élaboration des plans de compensation individualisés, mais également comme socle local du système d’information national sur le handicap. Une proposition d’évolution de cet outil qui permette d’évaluer les situations de « handicap rare » est à faire à la CNSA, elle-même promoteur du Geva et du Schéma national pour les handicaps rares. Il pourrait être complété de catégories descriptives spécifiquement adaptées, ainsi que le proposent JY. Barreyre et l’équipe de recherche du Cedias-Creahi en introduisant dans le volet 6 (Activités et capacités fonctionnelles) l’indicateur « perception du monde et de la réalité sociale » susceptible de capter comment des personnes souffrant de troubles de l’intégration des données sensorielles (notamment hyper- ou hypo-sensibilité d’un sens) se représentent le monde qui les entoure (Barreyre et coll., 2011renvoi vers, p. 106-107).
Au Geva devraient être également adjoints des instruments complémentaires d’évaluation de la qualité de vie des personnes concernées et de leur entourage familial. Il conviendrait aussi d’examiner, avec les professionnels impliqués, les adaptations humaines et techniques qui seraient nécessaires pour que ces instruments puissent être soumis aux personnes privées de sensorialité et parfois de parole.

Autres outils d’évaluation

Le rapport du Cedias-Creahi (Barreyre et coll., 2011renvoi vers) présente également trois autres outils d’évaluation « spécifiquement adaptés à la description des situations de « personnes lourdement handicapées » élaborés par des équipes d’établissements spécialisés (p. 109). Ces outils peuvent être de nature à s’appliquer au « handicap rare ».
La grille Evasion (Évaluation et analyse des situations individuelles) comporte des indicateurs destinés à décrire les ressources fonctionnelles au niveau somatique et psychique des personnes accueillies en Foyers d’accueil médicalisés (FAM), et en Maison d’accueil spécialisées (MAS). Le fonctionnement psychique recouvre le fonctionnement intellectuel, qui inclut les indicateurs suivants : fixer son attention, mémoriser, se repérer dans le temps et dans l’espace, comprendre des messages oraux, réaliser des apprentissages… et le fonctionnement relationnel et de socialisation saisi à travers les items suivants : exprimer ses désirs, avoir conscience de ses besoins, faire des choix, utiliser des codes sociaux… Tous ces items sont issus de la CIF et une partie d’entre eux est comprise dans le volet 6 du Geva.
L’Observatoire départemental du polyhandicap (ODP) de la Sarthe a conçu une grille d’évaluation des situations de vie et de prise en charge des personnes polyhandicapées et en situation de grande dépendance, et il a développé un logiciel adapté à l’exploitation des données. Cette grille d’évaluation comporte notamment de nombreuses questions sur la santé somatique et les soins, sur les fonctions et comportements relatifs à l’alimentation, ainsi qu’une échelle de la douleur.
Le Handi Ecapsa (Handicap Evaluation des capacités et des troubles de santé) est un outil d’évaluation commun aux MAS, FAM et Samsah de Champagne-Ardenne. L’évaluation annuelle des usagers de ces établissements à l’aide de ce logiciel comprend une évaluation des capacités motrices, sensorielles, fonctionnelles, sociales, de communication et de relation, ainsi qu’une évaluation des troubles de la santé, prêtant une attention particulière à l’inconfort, au repli, à l’isolement, l’agressivité, aux troubles du comportement alimentaire.
En conclusion, la définition juridique du « handicap rare » caractérise cette forme de handicap complexe par les déficiences ou combinaisons de déficiences. L’identification de ce handicap à travers une seule de ses dimensions pose un problème important aujourd’hui, au regard de la définition internationale du handicap et de celle donnée par la loi du 11 février 2005, qui affirment la nature multidimensionnelle et systémique du handicap, quelle que soit la gravité des déficiences. La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF, OMS, 2001renvoi vers) définit en effet, le handicap comme une restriction de participation sociale résultant de l’interaction entre les caractéristiques individuelles (déficiences et limitations d’activité) et les obstacles environnementaux. Cette définition est consacrée par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006renvoi vers), dans son article premier, convention signée par la France en 2008 et ratifiée en 2010.
Nous avons retracé dans un premier temps les conditions historiques qui ont porté l’évolution conceptuelle internationale du handicap, permis la formalisation des modèles individuel et social du handicap et conduit à l’élaboration de la classification de l’OMS et à l’adoption de la définition internationale en vigueur. Nous avons ensuite examiné les conditions de l’intégration du changement de paradigme du handicap en France. Bien que contrôlée, cette intégration génère une tension, au sein de la politique du handicap, entre le modèle individuel traditionnel qui sous-tend la législation relative à l’organisation de l’équipement spécialisé et la gestion des populations qui y sont accueillies, par type de déficience et le modèle social qui a inspiré la loi du 11 février 2005, cadre de la politique publique pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées. La définition du « handicap rare » qui réduit sa complexité aux seules déficiences, est dictée par la rhétorique administrative qui réglemente les établissements spécialisés et l’accès aux prestations de compensation. Tous les rapports préparatoires au Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares, et le Schéma lui-même, conviennent qu’elle est insatisfaisante, qu’elle ne rend pas compte de la réalité et qu’elle ne peut constituer le cadre opératoire dont les objectifs et les actions définis par le Schéma ont besoin.
Il pourrait être recommandé de modifier la définition réglementaire (CASF Art. D312-194) et celle du cadre de référence du Schéma national pour les handicaps rares, en cohérence avec la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique16 qui, en l’occurrence pose de façon très claire la nature multidimensionnelle d’un problème de santé (ou handicap)17  : « L’OMS propose d’utiliser simultanément la CIM pour caractériser un problème de santé en termes médicaux et la CIF pour ce qui concerne l’ensemble des composantes de la santé et les interactions avec le milieu. Il s’agit de décrire les domaines de la santé et ceux qui y sont liés selon une approche multidimensionnelle fondée sur les interactions entre :
• un problème de santé (maladie ou accident) ;
• l’altération d’un organe ou d’une fonction (notion de déficience) ;
• la capacité de réaliser une action dans un environnement standard (non corrigé) ;
• la personne dans son milieu habituel (réalisation effective d’une action) ;
• et le rôle plus ou moins favorable de l’environnement proche et des dispositifs collectifs. »
La dernière section de ce chapitre aborde la question des outils d’observation et de description qui pourraient être élaborés en collaboration avec les professionnels des Centres de ressources nationaux et les aidants familiaux à partir de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, à l’instar de ceux mis en œuvre pour d’autres formes complexes de handicap, tel que le polyhandicap.
Il pourrait être recommandé une évolution du Guide d’évaluation multidimensionnelle des besoins de compensation des personnes handicapées (Geva) qui s’impose aux maisons départementales des personnes handicapées, en complétant notamment le Volet 6 (Activités et capacités fonctionnelles) de catégories descriptives adaptées au « handicap rare », en concertation avec les personnes concernées et leurs médiateurs, les professionnels impliqués dans ce champ et les aidants familiaux. Un instrument d’évaluation de la qualité de vie des personnes concernées pourrait être adjoint au Geva, ainsi que les adaptations humaines et techniques nécessaires pour pouvoir recueillir l’expression des personnes atteintes de « handicap rare ». Une telle évolution du Geva aurait une incidence sur :
• l’évaluation fonctionnelle contextualisée du « handicap rare » ;
• le système d’information relatif au « handicap rare » ;
• le périmètre du « handicap rare », en prenant en compte des populations susceptibles d’être reconnues atteintes de ce handicap quel que soit leur âge, dans la perspective de la suppression de la barrière d’âge, conformément à la loi du 11 février 2005 qui prévoyait de supprimer les différences de traitement et de prise en charge pour les personnes âgées, stipulant que « dans les cinq ans, toutes les dispositions de la loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge seront supprimées. ».
Il pourrait également être recommandé d’expérimenter en France avec la contribution des personnes atteintes d’un « handicap rare », leurs médiateurs, les professionnels impliqués et les aidants familiaux, un outil qui a démontré sa pertinence et sa validité dans d’autres pays, appliqué à d’autres formes de handicap ou de problèmes de santé : la méthodologie des ICF Core sets.

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