II. Épidémiologie
2013
13-
Sclérose latérale amyotrophique
La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est la plus fréquente des maladies du motoneurone. Il s’agit d’une affection neurodégénérative progressive responsable d’une faiblesse musculaire associée à une rigidité s’étendant progressivement et responsable du décès en raison de difficultés respiratoires et de troubles de la déglutition. Elle est secondaire à la dégénérescence des neurones moteurs de la moelle épinière (corne antérieure), du tronc cérébral et du cortex cérébral. La médiane de la durée d’évolution après les premiers symptômes est en moyenne de 30 mois et après le diagnostic de 19 mois (Logroscino et coll., 2008

).
Incidence et prévalence
Il s’agit d’une maladie rare dont l’incidence, comprise habituellement entre 1,5 et 2,5 pour 100 000 personnes-années, augmente avec l’âge jusqu’à 80 ans environ puis diminue (Logroscino et coll., 2008

). Elle est environ 1,5 à 2,0 fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes (Logroscino et coll., 2008

), ce qui pourrait suggérer le rôle de facteurs environnementaux plus fréquents chez les hommes. Les études de mortalité correctement conduites permettent d’estimer de manière relativement fiable la fréquence de la maladie (Marin et coll., 2011

) et ont souvent été utilisées pour étudier des facteurs de risque. Des études récentes suggèrent que la mortalité (Seljeseth et coll., 2000

; Noonan et coll., 2005

; Gordon et coll., 2011

) et l’incidence (Murphy et coll., 2008

; Fang et coll., 2009c

) de la SLA ont augmenté dans les dernières décennies mais les raisons qui expliqueraient cette évolution restent mal connues. D’après un modèle âge-période-cohorte développé en France à partir de données de mortalité entre 1968 et 2007, cette augmentation serait plus compatible avec un effet cohorte de naissance qu’avec un effet période de décès et serait donc en faveur du rôle de facteurs de risque environnementaux (Gordon et coll., 2011

). Des registres ont été créés dans plusieurs pays (Beghi et coll., 2006

; Logroscino et coll., 2010

). À partir de différentes sources, ils incluent des patients dont le diagnostic est établi à partir de critères diagnostiques standardisés et ont ainsi l’avantage, par rapport aux études hospitalières, d’inclure des patients qui sont plus représentatifs de l’ensemble des patients. Toutefois, compte tenu de la faible fréquence de la maladie, le nombre de patients inclus reste souvent limité ce qui ne permet pas d’étudier facilement les tendances temporelles.
Étiologie et facteurs de risque
L’étiologie de la SLA n’est pas connue, mais plusieurs facteurs, génétiques et environnementaux, interviennent vraisemblablement dans la majorité des cas. Environ 5 à 10 % des patients ont des antécédents familiaux de SLA et les frères et enfants de patients atteints de SLA ont un risque de développer la maladie 10 fois plus élevé que des personnes de même âge et sexe non apparentées à des patients (Fang et coll., 2009a

). Des mutations du gène codant pour la superoxide dismutase 1 (SOD1) ont été identifiées dans certaines familles et ce gène joue un rôle important en codant une enzyme permettant l’élimination d’espèces réactives de l’oxygène. Parmi les facteurs de risque environnementaux, des études évoquent le rôle du tabagisme (Gallo et coll., 2009

; Wang et coll., 2011

), du plomb (Kamel et coll., 2005

; Fang et coll., 2010

), de l’exercice physique (Beghi et coll., 2010

) et des traumatismes répétés ou sévères (Pupillo et coll., 2012

), mais ces associations restent débattues.
Un petit nombre d’études ont porté sur l’exposition aux pesticides suite aux observations suivantes. En 1983, une étude réalisée aux États-Unis à partir de données de mortalité avait été la première à rapporter une mortalité par SLA plus élevée en zone rurale (Bharucha et coll., 1983

). Ultérieurement, quelques études ont observé une association entre la SLA et le métier d’agriculteur (Gunnarsson et coll., 1991

; Park et coll., 2005

), mais ces résultats n’ont pas toujours été confirmés (Strickland et coll., 1996

); Weisskopf et coll., 2005a

; Fang et coll., 2009b

). Suite à la guerre du Golfe (1990-1991), une augmentation de la fréquence de la SLA a été rapportée chez les militaires américains déployés (Horner et coll., 2003

; Haley, 2003

). L’un des mécanismes potentiels évoqués pour expliquer cette association était l’utilisation d’insecticides organophosphorés. Ultérieurement, une étude de cohorte a montré qu’en fait il existait possiblement une surmortalité par SLA chez les militaires américains avant la guerre du Golfe et d’autres mécanismes ont été évoqués (exposition au N,N-diethyl-m-toluamide ou au plomb, activité physique, infections, vaccins), sans qu’une explication précise n’ait pour l’instant été retenue (Weisskopf et coll., 2005b

). À la même période, l’hypothèse du rôle des organophosphorés et le rôle du stress oxydant dans la SLA ont motivé des études d’association génétique sur les gènes codant pour les paraoxonases (
PON1, 2 ou 3) car PON1 est impliquée dans la détoxification de certains organophosphorés et ces enzymes ont par ailleurs, des propriétés anti-oxydantes. Ces études n’ont pas identifié des interactions fortes entre les pesticides et les génotypes de PON1 mais elles étaient généralement de taille insuffisante (Morahan et coll., 2007

). Une méta-analyse des études d’association publiée en 2009 concluait à l’absence d’association entre la SLA et des polymorphismes fréquents des gènes codant pour les paraoxonases (Wills et coll., 2009

). Plus récemment, une étude a identifié une association entre la SLA et des mutations rares des gènes PON qui perturberaient la fonction de la protéine, mais ces résultats restent à confirmer (Ticozzi et coll., 2010

). Enfin, la SLA serait plus fréquente chez les joueurs de football italiens que dans la population générale (Chio et coll., 2005

; Chio et coll., 2009

). Différents mécanismes ont été évoqués pour expliquer cette association : exercice physique, traumatismes crâniens, suppléments nutritifs, substances dopantes, cyanobactéries du gazon, mais aussi l’exposition aux herbicides utilisés pour traiter le gazon des terrains. Toutefois, aucune de ces hypothèses n’a été démontrée à ce jour.
Exposition aux pesticides et sclérose latérale amyotrophique
Études cas-témoins
Dix études cas-témoins ont porté sur la relation entre l’exposition aux pesticides et la SLA (tableau 13.I

). Toutes ces études, sauf deux (McGuire et coll., 1997

; Fang et coll., 2009b

), ont évalué l’exposition aux pesticides de manière générique et n’ont pas étudié le rôle de catégories, de familles ou de substances actives de pesticides. L’évaluation de l’exposition aux pesticides était généralement sommaire et la fréquence de l’exposition faible.
Tableau 13.I Sclérose latérale amyotrophique et exposition aux pesticides
Références Pays
|
Population étudiées N cas (% exposés) N témoins (% exposés)
|
Exposition
|
Appariement ou ajustement
|
OR/HR [IC 95 %]
|
Études cas-témoins
| | | | |
Deapen et Henderson, 1986 a
États-Unis
|
518 (3) 518 (2)
|
Exposition professionnelle « prolongée » jusqu’à 3 ans avant le diagnostic
|
Âge, sexe
|
2,0 [0,8-5,4]
|
Granieri et coll., 1988
Italie
|
72 (29) 216 (29)
|
Exposition « continue » à des « substances agricoles toxiques »
|
Âge, sexe, résidence dans la zone d’étude, période d’admission à l’hôpital
|
1,0 [0,5-1,9]
|
Savettieri et coll., 1991 a
Italie
|
46 (11) 92 (4)
|
Exposition professionnelle
|
Âge, sexe, habitat rural/urbain, niveau socio-économique
|
3,0 [0,4-20,0]
|
Gunnarson et coll., 1992 ab
Suède
|
58 (5) 189 (?) Hommes
|
Exposition professionnelle
|
--
|
1,1 [0,2-5,3]
|
Chancellor et coll.,1993 ab
Écosse
|
103 (27) 103 (22)
|
Exposition professionnelle pendant au mois 12 mois
|
Âge, sexe, médecin traitant
|
Tous 1,4 [0,6-3,1] Hommes 1,3 [0,6-3,0]
|
McGuire et coll., 1997 abc
États-Unis
|
173 (14) 348 (8)
|
Evaluation par un hygiéniste industriel de l’exposition professionnelle vie entière
|
Âge
|
Tous 2,0 [1,1-3,5]
Hommes 2,4 [1,2-4,8]
Femmes 0,9 [0,2-3,9]
|
Morahan et Pamphlett, 2006 abc
Australie
|
179 (2) 179 (2)
|
Exposition professionnelle (agriculture) > 6 mois
|
Âge, sexe, origine ethnique
|
Tous 1,8 [0,4-7,4] Hommes 1,9 [0,4-8,0] Femmes : non calculable
|
Fang et coll., 2009b
États-Unis
|
109 (1-14) 253 (4-12)
|
Exposition professionnelle plus de 10 fois
|
Âge, sexe, région de résidence, éducation
|
Insecticides 1,1 [0,5-2,2] Herbicides 1,1 [0,3-4,1] Fongicides 0,2 [0,0-1,6]
|
Bonvicini et coll., 2010 abc
Italie
|
41 (32) 82 (13)
|
Exposition professionnelle pendant au mois 6 mois
|
Âge, sexe
|
Tous 3,6 [1,2-11,0] (NA) Hommes 4,4 [1,2-16,7]
Femmes 2,4 [0,4-15,0]
|
Furby et coll., 2010
France
|
108 (16) 122 (6)
|
Exposition professionnelle
|
--
|
3,0 [1,2-7,8]
|
Étudesde cohorte
| | | | |
Burns et coll., 2000 b
États-Unis
|
3 (100) 40 600 (?)
|
Matrice emploi-exposition parmi des employés (hommes) d’une usine produisant du 2,4-D
|
Âge, année, statut professionnel (salarié versus intérimaire)
|
2,4-D 3,5 [1,1-11,1]
|
Weisskopf et coll., 2009 a
États-Unis
|
1 097 (5) 12 917 000 (5) personnes-années
|
Exposition actuelle ou passée « régulière »
|
Âge, sexe, tabac, service militaire, éducation, alcool, métier, vitamine E, et onze autres expositions chimiques.
|
1,1 [0,8-1,4]
|
Kamel et coll., 2012  (AHS) a
États-Unis
|
41 (83) 84 698 (83)
|
Préparation ou application de pesticides vie entière
|
Âge, sexe
|
1,1 [0,4-3,0]
|
a Études prises en compte dans la méta-analyse de Kamel et coll. (2012
) ; b Études prises en compte dans la méta-analyse de Malek et coll. (2012
) chez les hommes. L’odds ratio extrait de l’étude de Morahan et Pamphlett (2006
) correspond à l’exposition aux pesticides quelle que soit la source (1,7 [1,0-2,8]) ; c Études prises en compte dans la méta-analyse de Malek et coll. (2012
) chez les femmes. L’odds ratio extrait de l’étude de Morahan et Pamphlett (2006
) correspond à l’exposition aux pesticides quelle que soit la source (1,3 [0,6-2,8]) ; NA : non ajusté
Une seule étude cas-témoin en population générale (174 cas, 348 témoins) a utilisé une méthode d’évaluation de l’exposition plus précise dans trois comtés Californiens (McGuire et coll., 1997

). L’historique professionnel des participants a été reconstitué de manière détaillée et ils ont été interrogés pour chaque métier quant à l’exposition à 28 substances chimiques dont les pesticides. Ces informations ont été expertisées par des hygiénistes industriels qui ont estimé des probabilités d’exposition à ces 28 substances. Il existait une association entre la SLA et l’exposition aux pesticides rapportée par les participants chez les hommes (
odds ratio=2,1 IC 95 % [1,1-3,8]) mais pas chez les femmes (
odds ratio=0,8 IC 95 % [0,3-2,4]) ; chez les hommes, cette association était caractérisée par une relation dose-effet. Cette relation était confirmée chez les hommes après évaluation de l’exposition par les hygiénistes industriels (
odds ratio=2,4 IC 95 % [1,2-4,8]). Très peu d’hommes étaient exposés aux fongicides ce qui n’a pas permis aux auteurs de calculer un
odds ratio. L’association était du même ordre de grandeur pour les insecticides (
odds ratio=2,5 IC 95 % [1,2-5,3]) et les herbicides (
odds ratio=2,7 IC 95 % [0,7-10,7]). Enfin l’utilisation de pesticides pour des activités de loisir, rapportée par les participants et confirmée par les hygiénistes était également associée à la SLA (
odds ratio=2,5 IC 95 % [1,1-5,7]).
En résumé, une relation est mise en évidence dans une étude en Californie chez les hommes après expertise de l’exposition par des hygiénistes industriels (odds ratio=2,4 IC 95 % [1,2-4,8]). Cette association est caractérisée par une relation dose-effet. L’association était du même ordre de grandeur pour les insecticides, les herbicides et pour les pesticides utilisés dans le cadre d’activités de loisir.
Études de cohorte
Compte tenu du caractère très rare de la pathologie, seules deux études de cohorte ont pu étudier cette question (Burns et coll., 2001

; Weisskopf et coll., 2009

)(tableau 13.I

).
L’une d’entre elles est une cohorte historique de travailleurs d’une usine qui produisait du 2,4-D (acide 2,4-dichlorophénoxyacétique) entre 1945 et 1994 aux États-Unis ; le principal objectif de cette étude portait sur la relation entre l’exposition au 2,4-D et la mortalité par lymphome non-hodgkinien. Il n’existait pas dans cette étude d’élévation de la mortalité pour aucune des causes étudiées (en particulier les lymphomes non-hodgkiniens) sauf pour la SLA : parmi 330 décès survenus chez 1 517 employés, trois étaient attribués à la SLA et les travailleurs exposés au 2,4-D avaient un risque relatif de développer une SLA de 3,45 (IC 95 % [1,10-11,11]) par rapport aux employés non exposés ; les auteurs insistaient sur le fait qu’à cette époque il n’existait pas d’arguments toxicologiques en faveur d’une telle association et que l’interprétation de cette association était incertaine (Burns et coll., 2001

).
Également aux États-Unis, 1 156 cas de SLA ont été identifiés parmi 987 229 participants suivis pendant 15 ans dans le cadre de l’étude de cohorte
American Cancer Society’s Cancer Prevention Study II. Il n’existait pas d’association entre la SLA et l’exposition aux pesticides dans l’ensemble (risque relatif=1,07 IC 95 % [0,79-1,43]). Par rapport aux personnes non exposées, les personnes exposées pendant 4 à 10 ans avaient un risque relatif de 1,92 (IC 95 % [0,71-5,19]) et celles exposées pendant plus de 10 ans de 1,48 (IC 95 % [0,82-2 ,67]) (Weisskopf et coll., 2009

).
Agricultural Health Study (AHS)
L’AHS est la seule étude à avoir analysé le rôle de produits spécifiques, bien que le nombre de cas de SLA identifiés soit relativement faible (Kamel et coll., 2012

). Parmi l’ensemble des participants (n=84 739), 41 cas de SLA ont été identifiés à partir de certificats de décès jusqu’en février 2010. Les dossiers médicaux de 7 d’entre eux étaient disponibles : après avis d’un expert, 5 cas ont été considérés comme ayant une SLA, 1 cas a été considéré comme ayant une autre forme plus rare de maladie du motoneurone et 1 cas n’a pu être classé.
Le profil d’exposition aux pesticides de ces 41 cas a été comparé à celui du reste de la cohorte (n=84 698) : 83 % des cas de SLA et 83 % des autres membres de la cohorte ont déclaré avoir préparé ou épandu des pesticides (odds ratio=1,1 IC 95 % [0,4-3,0]). La fréquence de l’exposition à 29 produits auxquels plus de 5 cas de SLA avaient été exposés (parmi une liste de 50 produits) a été comparée entre les cas de SLA et les autres membres de la cohorte. Après ajustement sur l’âge et le sexe, l’odds ratio était de 1,3 (IC 95 % [0,6-2,9]) pour les insecticides, de 1,6 (IC 95 % [0,7-3,7]) pour les herbicides, de 1,0 (IC 95 % [0,4-2,2]) pour les fongicides et de 1,8 (IC 95 % [0,8-3,9]) pour les fumigants. Parmi les insecticides, l’odds ratio était supérieur à 1,0 pour les organochlorés (odds ratio=1,6 IC 95 % [0,8-3,5]) et les pyréthrinoïdes (odds ratio = 1,4 IC 95 % [0,6-3,4]) et inférieur à 1,0 pour les organophosphorés (odds ratio=0,8 IC 95 % [0,4-1,7]) et les carbamates (odds ratio=0,8 IC 95 % [0,4-1,5]). Aucun de ces résultats n’est statistiquement significatif.
En résumé, une étude de cohorte historique conduite parmi des travailleurs d’une usine produisant l’herbicide 2,4-D, a retrouvé une association significative à partir de trois cas de SLA. Les deux autres études de cohortes n’ont pas montré une association significative entre la SLA et l’exposition aux pesticides. À partir des données de l’AHS, aucun résultat significatif n’a été obtenu pour les insecticides (organochlorés, organophosphorés, carbamates), herbicides, fongicides ou fumigants mais le nombre de patients avec une SLA était limité.
Méta-analyses et revue systématique
Une revue de la littérature sur la relation entre la SLA et l’exposition aux métaux et aux produits chimiques a été publiée en 2009 à partir des études disponibles jusqu’en mars 2007 (Sutedja et coll., 2009

). Cette revue a retenu uniquement les études vérifiant des critères de qualité définis à partir du
design et des méthodes d’évaluation de l’exposition. Elle a essentiellement retenu l’étude réalisée en Californie (McGuire et coll., 1997

) et l’étude de cohorte parmi les travailleurs d’une usine produisant du 2,4-D (Burns et coll., 2001

). Les auteurs concluent à un rôle potentiel de l’exposition aux pesticides mais soulignent le manque de données de qualité à l’époque de la réalisation de ce travail et la nécessité d’études complémentaires.
Les auteurs de l’étude issue de l’AHS ont également réalisé une méta-analyse à partir d’une partie des études cas-témoin (n=7) et de cohorte (n=1) sur la relation entre SLA et exposition aux pesticides publiées jusqu’à la fin de l’année 2011 (tableau 13.I

). Les auteurs ont uniquement retenu les études présentant des données pour l’exposition aux pesticides dans l’ensemble : l’étude réalisée parmi les travailleurs d’une usine produisant du 2,4-D (Burns et coll., 2001

) et une étude rapportant des résultats séparés pour les insecticides, fongicides et herbicides (Fang et coll., 2009b

) n’ont pas été prises en compte. De plus, il semble qu’une étude française n’ait pas été identifiée (Furby et coll., 2010

). L’
odds ratio après combinaison des études cas-témoin était de 2,2 (IC 95 % [1,5-3,3]) et il n’y avait pas d’arguments en faveur d’une hétérogénéité marquée (p>0,8). Après inclusion de l’étude de cohorte (Weisskopf et coll., 2009

), l’
odds ratio diminuait un peu (1,9 IC 95 % [1,1-3,1]) et l’hétérogénéité devenait un peu plus importante (p=0,17). L’inclusion de l’étude de l’AHS conduisait à un
odds ratio de 1,8 (IC 95 % [1,1-2,8]), statistiquement significatif.
Une autre méta-analyse a été publiée en 2012 à partir d’études publiées jusqu’en mai 2011 (Malek et coll., 2012

). Deux études publiées avant cette date n’ont pas été identifiées (Fang et coll., 2009b

; Furby et coll., 2010

). Les auteurs de cette méta-analyse ont d’abord réalisé une analyse combinée des 10 études qu’ils ont identifiées. En raison d’une hétérogénéité des résultats entre ces études (quantification non présentée dans l’article), ils ont fait le choix de limiter la méta-analyse aux études ayant rapporté des résultats séparés chez les hommes (6 études) et les femmes (3 études) car, d’après eux, une analyse globale n’était pas possible en raison de l’hétérogénéité. Chez les hommes, les auteurs ont combiné l’étude de Burns et coll. (2000) portant uniquement sur l’exposition au 2,4-D avec les autres études portant sur les pesticides dans leur ensemble. Ces choix sont discutables et rendent difficiles l’interprétation des résultats de cette méta-analyse. Parmi les hommes, les auteurs rapportent un
odds ratio de 1,88 (IC 95 % [1,36-2,61]) tandis que l’association était plus faible chez les femmes (
odds ratio=1,31 (IC 95 % [0,69-2,47]). Les auteurs précisent qu’il n’existait pas d’hétérogénéité dans les strates définies en fonction du sexe ni d’arguments en faveur d’un biais de publication à partir de graphiques en entonnoir ; toutefois il semble difficile de conclure sur ces deux points à partir d’un nombre d’études aussi faible.
En résumé, deux méta-analyses récentes rapportent une association entre l’exposition aux pesticides et la SLA ; l’une estime un odds ratio significatif de 1,8 (hommes et femmes) et l’autre un odds ratio de 1,88 significatif chez les hommes et de 1,31, non significatif chez les femmes. Toutefois, le petit nombre d’études disponibles ne permet pas d’explorer correctement les sources d’hétérogénéité ou un biais de publication.
En conclusion, à ce jour, une dizaine d’études ont porté sur la relation entre la SLA et l’exposition professionnelle aux pesticides. Il s’agit essentiellement d’études cas-témoins, mais trois études de cohorte sont disponibles. L’une d’entre elles, de nature rétrospective et conduite parmi des travailleurs d’une usine produisant du 2,4-D afin d’étudier la relation entre l’exposition à cette substance et la mortalité par lymphome non-hodgkinien a retrouvé une association significative à partir de trois cas de SLA (Burns et coll., 2001

). Les deux autres études n’ont pas montré une association significative entre la SLA et l’exposition aux pesticides dans l’ensemble, mais retrouvent néanmoins une élévation du risque, quoique non significative, pour des expositions prolongées ou pour certains produits ; les résultats de cette dernière étude impliquent cependant des tests multiples et reposent sur un petit nombre de cas de SLA. Deux méta-analyses récentes sont en faveur d’une association. Les études qu’elles ont prises en compte sont hétérogènes, notamment quant aux méthodes d’évaluation de l’exposition, et reposent généralement sur une exposition auto-déclarée par les participants, validée par des hygiénistes industriels dans une seule d’entre elles. De plus, il est difficile d’évaluer l’existence d’un biais de publication compte tenu du petit nombre d’études disponibles. Des études de grande taille et comportant une évaluation de l’exposition plus précise (type de produits, durée d’exposition) restent donc nécessaires afin de mieux caractériser la relation entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la SLA.
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