II. Épidémiologie

2013


ANALYSE

8-

Cancers de la prostate

La très grande majorité des cancers de la prostate sont des adénocarcinomes développés au sein des acini de la glande prostatique. La présence de foyers tumoraux microscopiques au sein de la prostate adulte est extrêmement fréquente, atteignant la majorité des individus à un âge avancé. Cependant, la progression de ces lésions au sein de la prostate et leur extension au-delà de la capsule prostatique ne se produit que chez un nombre plus limité d’individus. C’est ainsi qu’on distingue des formes dites indolentes, à progression nulle ou limitée, et qui n’auront pas d’expression clinique et des formes qui auront tendance à se développer, entraînant dans un premier temps des troubles urinaires et ultérieurement des troubles osseux en lien avec la formation de métastases. La plupart des cancers de la prostate évoluent lentement avec un taux de survie, 5 ans après le diagnostic de l’ordre de 95 %. Cependant, certaines formes plus agressives évoluent et s’étendent plus rapidement.

Incidence et mortalité

Au niveau mondial, les estimations faites pour l’année 2008 font état de 899 102 nouveaux cas de cancer de la prostate (correspondant à un taux annuel standardisé de 28 cas pour 100 000 hommes)1 . Il constitue le 2e cancer le plus fréquent chez l’homme après celui du poumon.
Derrière ces chiffres se cache une très grande hétérogénéité en fonction des zones géographiques. L’incidence du cancer de la prostate varie d’un facteur supérieur à 25 avec des écarts allant de 104 pour la zone couvrant l’Australie et la Nouvelle Zélande jusqu’à 4 en Asie centrale et du sud. D’une manière générale, les pays les plus développés (Europe du Nord et de l’Ouest, Amérique du Nord) présentent les incidences les plus élevées. Cela est la conséquence d’un usage très répandu du diagnostic individuel précoce combinant le dosage de l’antigène prostatique spécifique (prostate specific antigen, PSA) et la biopsie prostatique. Si la plupart des pays les moins développés ont une incidence plus faible, certains d’entre eux situés en Afrique subsaharienne et dans les Caraïbes présentent des taux relativement élevés. Ainsi, certaines populations semblent avoir une susceptibilité accrue à développer la maladie en fonction de leurs origines ethniques. D’après les données provenant des États-Unis, les populations dites afro-américaines ont une incidence supérieure à celles des populations caucasiennes, latines ou asiatiques2 . D’une manière générale, les populations originaires de l’Afrique subsaharienne et qui résident dans des pays développés, présentent les incidences les plus élevées de cancer de la prostate au monde. C’est le cas, outre des populations afro-américaines déjà citées, des populations caribéennes ou africaines résidantes au Royaume-Uni (Ben-Shlomo et coll., 2008renvoi vers) ou des populations antillaises (Mallick et coll., 2005renvoi vers).
En termes de mortalité, avec 258 133 décès, le cancer de la prostate est en 6e position des causes de décès par cancer (correspondant à un taux annuel standardisé de 7,5 décès pour 100 000 hommes). Les variations géographiques de la mortalité, d’un facteur 10, sont moindres que celles constatées pour l’incidence. Cela peut être expliqué par le fait que le recours au dosage du PSA a plus d’influence sur l’incidence que sur la mortalité. Cependant, la mortalité reste relativement élevée chez les populations originaires de l’Afrique subsaharienne suggérant une forme de gravité plus importante de la maladie.
Des projections pour l’année 2011 de l’incidence et de la mortalité par cancer de la prostate en France métropolitaine ont été produites récemment3 . Ces estimations sont issues d’une modélisation des données d’incidence provenant des registres jusqu’en 2006 et des données de mortalité observées sur la France entière jusqu’en 2008. C’est ainsi que 71 220 nouveaux cas, correspondant à une incidence standardisée à l’âge de la population mondiale de 125,7 pour 100 000 hommes, ainsi que 8 685 décès, correspondant à une mortalité standardisée à l’âge de la population mondiale de 10,8 pour 100 000 hommes ont été estimés pour l’année 2011. Le taux annuel moyen d’évolution de l’incidence entre 1980 et 2005, est de +6,3 %, ce qui représente une augmentation importante de l’incidence sur les 25 dernières années. Il est possible que l’incidence continue à croître après 2005 mais le scénario le plus probable pour la période récente (2005-2011) est une stabilisation de l’augmentation de l’incidence voire une inversion de l’évolution.
Des données sont également disponibles pour certains départements d’Outremer4 . L’incidence standardisée à l’âge de la population mondiale pour l’année 2008 a été estimée à 177 (Martinique), 186 (Guadeloupe) et 166 (Guyane) pour 100 000 hommes. Concernant la mortalité, sur la période 2004 à 2008, 108 décès ont été enregistrés en Martinique correspondant à un taux de mortalité de 26,6 pour 100 000 hommes standardisés à l’âge de la population mondiale5 . Sur cette même période, 98 décès ont été imputés au cancer de la prostate en Guadeloupe (taux de mortalité de 26,0) et 58 à la Réunion (taux de mortalité de 15,0).
Si l’on compare des périodes similaires où des données sont disponibles pour l’Outremer et la France métropolitaine (2003–2008), le taux d’incidence standardisé du cancer de la prostate était de 168,5 en Martinique et compris entre 107,7 et 133,1 pour 100 000 hommes pour les 11 registres Francim en métropole. Concernant la mortalité, sur la période 2004-2008, le taux standardisé (pour 100 000 hommes) était de 12,6 pour la France métropolitaine, de 26,0 pour la Guadeloupe et de 26,6 pour la Martinique. Ces données confirment le risque accru de survenue du cancer de la prostate parmi les populations originaires de l’Afrique subsaharienne.

Diagnostic et traitement

Le diagnostic formel du cancer de la prostate est anatomopathologique. Il réside sur l’identification de cellules tumorales au sein de prostate à la suite d’une biopsie de la glande. Le diagnostic peut être fortuit sur des pièces de résection prostatique lors du traitement chirurgical de l’adénome prostatique.
Les biopsies prostatiques sont généralement motivées par un taux sérique élevé de PSA (ou par une vitesse d’évolution importante de celui-ci au cours du temps) et/ou la présence d’une anomalie palpatoire de la prostate au toucher rectal. Le PSA est une protéine normalement sécrétée par les cellules prostatiques, mais une cellule cancéreuse en sécrète généralement plus qu’une cellule normale. Le taux sanguin de PSA peut toutefois être augmenté par de très nombreux autres facteurs (le volume prostatique, les infections et/ou inflammations, les contraintes mécaniques tel que le toucher rectal). Par ailleurs, certains cancers de la prostate, généralement agressifs, peuvent se développer sans s’accompagner d’une augmentation du taux de PSA dans le sang.
Le PSA n’est ni un marqueur spécifique ni un marqueur sensible du cancer de la prostate, mais il est utile car il permet de sélectionner les hommes chez lesquels une biopsie de la prostate est indiquée. Son usage, suivi des biopsies prostatiques dans le cadre du diagnostic précoce individuel, a contribué sans nul doute à l’augmentation de l’incidence du cancer de la prostate au cours des dernières décennies dans de nombreux pays du monde. Le couple PSA-biopsie prostatique a permis de réduire considérablement les formes avancées de la maladie (en particulier métastatiques) à pronostic péjoratif, d’augmenter la proportion des formes curables et de contribuer à la réduction de la mortalité.
Si les avantages du couple PSA-biopsie prostatique sont indéniables lorsqu’il est employé à bon escient, des questions se posent sur son usage étendu de manière trop systématique ou dans le cadre d’un dépistage organisé au sein d’une population. En effet, l’usage du couple PSA-biopsie prostatique peut entraîner également une augmentation de détection de cancers de faible volume et bien différenciés. Ces derniers, dits latents, correspondent parfois aux formes indolentes (à progression nulle ou limitée, et qui n’auront pas d’expression clinique).
Jusqu’à récemment, face à l’identification histologique d’un cancer de la prostate, l’attitude a été de le traiter. Dans le cas des formes localisées à la glande (incluant donc les petits cancers dits latents), le traitement consistait principalement à enlever la prostate chirurgicalement (prostatectomie radicale par chirurgie ouverte, cœlioscopie ou assistée par robot) soit de réaliser une radiothérapie externe, une curiethérapie voire un traitement par ultrasons. Ces traitements sont efficaces mais entraînent des effets secondaires (impuissance, incontinence, troubles digestifs) qui nuisent à la qualité de vie. Les formes avancées de la maladie nécessitent une combinaison de traitements, variables selon le degré d’extension de la tumeur, son agressivité (évaluée par le score de Gleason), l’âge et l’état général de la personne, comprenant la radiothérapie, l’hormonothérapie et la castration chimique ou chirurgicale.
Chez les patients présentant des petits cancers, l’utilisation systématique des traitements curatifs peut conduire à un sur-traitement, eu égard à leur faible évolution et aux effets secondaires potentiels de ces traitements. La surveillance active semble être une option thérapeutique satisfaisante dans cette indication. Fondée sur des critères stricts de sélection, elle consiste en une surveillance étroite des patients afin de proposer, en cas d’évolution, un traitement plus agressif sans compromettre les chances de survie.
Des études de mortalité, encore trop contradictoires quant à leurs conclusions, ont été réalisées pour évaluer les avantages et inconvénients d’un dépistage organisé. Il faut garder à l’esprit que le cancer de la prostate se caractérise généralement par une évolution lente. De ce fait, de nombreuses autres causes peuvent être à l’origine du décès, rendant ainsi peu spécifiques les causes de décès effectivement imputables au cancer lui-même.

Étiologie et facteurs de risque

L’étiologie du cancer de la prostate reste encore mal comprise. Cependant, il ne fait aucun doute que la survenue de la maladie est la résultante complexe d’interactions entre des facteurs génétiques de susceptibilité, hormonaux et environnementaux (Grönberg, 2003renvoi vers ; Bostwick et coll., 2004renvoi vers). Un âge avancé, des antécédents familiaux au premier degré de cancer de la prostate et des origines africaines subsahariennes constituent à ce jour les seuls facteurs de risque établis. La connaissance des facteurs de risque modifiables de survenue de la maladie est encore imprécise. De nombreuses études ont porté sur les facteurs environnementaux en particulier nutritionnels. Bien que des hypothèses aient été émises quant aux risques d’une alimentation riche en graisses ou en produits lactés ou pauvre en antioxydants par exemple, l’utilité de recommandations nutritionnelles spécifiques pour prévenir ce type de cancer n’a pas encore été établie.
L’une des questions fortement débattue à propos de la survenue des cancers en général et de celui de la prostate en particulier est celle de la part contributive de l’environnement chimique généré par l’activité humaine. Celle-ci s’est fortement développée tant sur le plan industriel qu’agricole au cours du 20e siècle, coïncidant avec une amélioration de l’état sanitaire des populations mais également avec l’augmentation de l’incidence des pathologies tumorales et en particulier du cancer de la prostate. Mais corrélation ne veut pas dire causalité. L’augmentation de la fréquence du cancer de la prostate au cours des dernières décennies, observée principalement dans les pays développés, est expliquée en grande partie, mais pas totalement, par l’allongement de l’espérance de vie et par la diffusion, comme précédemment évoqué, du diagnostic précoce individuel à l’aide du dosage sanguin du PSA. C’est ainsi que l’influence des comportements alimentaires tout comme celle des expositions à la myriade de substances chimiques générées par l’activité humaine et dispersées dans l’environnement ne peut être exclue.
Parmi les substances chimiques incriminées, les pesticides tiennent une place particulière du fait de leur emploi universel dans des milieux non confinés tel que le secteur agricole, leur diversité d’utilisation tant dans un contexte professionnel que domestique. À cela s’ajoutent pour certains d’entre eux, des propriétés hormonales qui les font classer parmi les perturbateurs endocriniens, ce qui pour le cancer de la prostate pourrait avoir du sens du fait de la dépendance hormonale de la glande prostatique, qu’elle soit saine ou tumorale.

Exposition aux pesticides et cancer de la prostate

Premières observations

Les premières études menées dès la fin des années 1960 aux États-Unis consistaient en des analyses géographiques de statistiques de décès et montraient des taux de décès pour certains cancers significativement plus élevés dans les zones rurales du centre des États-Unis alors que les taux de l’ensemble des cancers étaient plus faibles. En 1992 puis en 1998, ont été publiées deux méta-analyses synthétisant la littérature épidémiologique concernant les risques de cancers (mortalité ou incidence) chez des populations de sexe masculin résidants dans des régions rurales caractérisées par une forte activité agricole (Acquavella et coll., 1998renvoi vers ; Blair et coll., 1992renvoi vers) (tableau 8.Irenvoi vers). Ces deux méta-analyses, réalisées l’une par des chercheurs du National Cancer Institute aux États-Unis (Blair et coll., 1992renvoi vers) et l’autre au nom de l’industrie de production des pesticides (Acquavella et coll., 1998renvoi vers), convergent, à quelques exceptions près, dans leurs conclusions. Une plus faible incidence de l’ensemble des cancers (toutes localisations) est observée chez les agriculteurs, comparée à la population générale correspondant à une diminution du risque de 11 % (Blair et coll., 1992renvoi vers) et de 16 % (Acquavella et coll., 1998renvoi vers) selon les auteurs. Cette diminution du risque est expliquée par une sous-représentation de certaines localisations des cancers, en particulier poumon, œsophage, et vessie. Une diminution du risque est également observée pour des localisations telles que le foie, le colon ou le rein. À l’opposé, les deux méta-analyses soulignent de manière concordante l’excès de risque pour certaines localisations de cancers tels que celui des lèvres, estomac, cerveau, hématologiques (leucémies et myélomes) ainsi que de la prostate. Seule l’estimation du risque concernant le mélanome malin diverge selon les auteurs des deux méta-analyses.

Tableau 8.I Méta-analyses réalisées sur le risque de cancer de la prostate en milieu rural et chez les populations exposées professionnellement aux pesticides

Références
Populations d’étude
Nombre d’études
Années de publications des études
Risque relatif de cancer de la prostatea
 
Blair et coll., 1992renvoi vers
Agriculteurs
22
1949-1990
Ensemble
1,08 [1,06–1,11]
Acquavella et coll., 1998renvoi vers
Agriculteurs
37
1949-1994
Ensemble
1,07 [1,02–1,13]
Keller-Byrne et coll., 1997renvoi vers
Agriculteurs
24
1983-1994
Ensemble
1,12 [1,01–1,24]
van Maele-Fabry et coll., 2003renvoi vers
Exposées professionnellement
aux pesticides
22
1995-2001
Ensemble
Amérique du Nord
Europe
Exploitants agricoles
Applicateurs de pesticides
1,13 [1,04-1,22]
1,50 [1,08-2,07]
0,98 [0,93-1,02]
0,97 [0,92-1,03]
1,64 [1,13-2,38]
van Maele-Fabry et coll., 2004renvoi vers
Applicateurs de pesticides
22
1986-2003
Ensemble
Europe
Amérique du Nord
1,12 [1,03-1,22]
1,24 [1,06-1,45]
1,40 [1,09-1,80]
van Maele-Fabry et coll., 2006renvoi vers
Employés d’usines de production des pesticides
18
1984-2004
Ensemble
Chlorophénoxy non contaminés aux dioxines
Chlorophenoxy contaminés accidentellement
Chlorophénoxy contaminés non accidentellement
Triazines
Dibromochloropropane
1,28 [1,05-1,58]
1,18 [0,83-1,67]
1,80 [1,03-3,13]
1,50 [1,06-2,11]
1,76 [0,95-3,28]
1,81 [0,42-7,90]

a incidence (survenue) ou mortalité

Divers facteurs ont été avancés pour expliquer l’augmentation de certains cancers dans les populations agricoles ou rurales. Il s’agit principalement de l’exposition accrue au soleil, de certaines caractéristiques liées à l’alimentation, du contact avec des agents infectieux propres au bétail, des poussières et des fumées provenant des machines agricoles et bien évidemment l’emploi de pesticides.
Les deux méta-analyses précédemment citées soulignent un excès de risque significatif de survenue du cancer de la prostate dans les populations agricoles de 7 % (Blair et coll., 1992renvoi vers) et 8 % (Acquavella et coll., 1998renvoi vers) par rapport à la population générale. Ces résultats ont été confortés par une troisième méta-analyse portant exclusivement sur le cancer de la prostate et montrant un excès de risque significatif de 12 % dans les populations agricoles comparé à la population générale (Keller-Byrne, 1997renvoi vers) (tableau 8.Irenvoi vers). Mais le fait de résider dans des régions rurales n’est pas synonyme d’utilisation de pesticides. De nombreuses études se sont penchées sur les populations utilisant effectivement des pesticides, la plupart dans un contexte professionnel.

Méta-analyses en milieu professionnel

Plusieurs méta-analyses ont été réalisées ces dernières années à partir des études portant sur le risque de cancer de la prostate chez des populations exposées professionnellement aux pesticides (tableau 8.Irenvoi vers). Une première (Van Maele-Fabry et Willems, 2003renvoi vers) a porté sur les groupes professionnels utilisateurs de pesticides quel que soit le secteur professionnel, agricole (exploitants ou salariés agricoles, préparateurs ou applicateurs de pesticides en plein champ…) et non agricole (employés de pépinières et de serres, agents d’entretien des pelouses, de golfs, de parcs et jardins…), et à l’exception de ceux travaillant dans des usines de production de pesticides. Globalement, les auteurs ont constaté un excès de risque significatif de cancer de la prostate de 13 %. Cependant, cet excès de risque qui subsistait, de manière significative, dans la sous-catégorie des applicateurs de pesticides, n’était plus observé parmi les exploitants agricoles. Une différence de résultats a été également observée selon les régions du monde où les études ont été réalisées, avec un risque augmenté uniquement pour celles provenant d’Amérique du Nord.
Partant des constats précédents, une méta-analyse s’est focalisée sur les études concernant le sous-groupe d’applicateurs de pesticides, ces derniers étant considérés assez logiquement comme les plus exposés parmi les professions susceptibles d’être en contact avec des pesticides (Van Maele-Fabry et Willems, 2004renvoi vers). Sous la dénomination d’applicateurs, les auteurs ont regroupé ceux qui appliquaient des pesticides de façon régulière : salariés agricoles, exploitants agricoles ou employés de pépinières et de serres autorisés à utiliser des pesticides ou stipulant leur utilisation ainsi que les employés des entreprises d’application de pesticides. Sur l’ensemble des études prises en considération, les auteurs montrent une association statistiquement significative entre le fait d’appliquer des pesticides et la survenue de cancer de la prostate se traduisant par un excès de risque de 12 %. En stratifiant sur la localisation géographique des études, cet excès de risque subsistait autant pour les études réalisées en Europe qu’en Amérique du Nord.
Les méta-analyses précédentes n’étaient pas suffisamment informatives pour attribuer les associations observées à un pesticide ou même à une famille de pesticides. C’est la raison pour laquelle une nouvelle méta-analyse s’est cette fois-ci focalisée sur des employés travaillant dans des usines de production de pesticides (Van Maele-Fabry et coll., 2006renvoi vers). Considérant l’ensemble des études retenues, les auteurs ont montré un excès de risque significatif de cancer de la prostate estimé à 28 %. Tenant compte des familles chimiques de pesticides fabriqués, un risque significativement augmenté de cancer de la prostate a été constaté chez ceux qui avaient été en contact avec des herbicides de type chlorophénoxy, connus pour être contaminés avec des dioxines et des furanes (comme sous-produits de fabrication indésirables apparaissant en cours de production des chlorophénoxy ou résultant d’un accident survenu au sein de l’usine). L’exposition aux autres familles chimiques ou matières actives étudiées (chlorophénoxy non contaminés, triazines, dibromochloropropane, chloroacétanilides ou organochlorés comme l’aldrine ou la dieldrine) ne montraient pas d’association significative en dépit de risques relatifs supérieurs à 1. Les associations ont été également étudiées en regroupant les études selon la méthode d’évaluation des expositions (questionnaire, matrices emploi-exposition, mesures biologiques). Seule la combinaison des 6 études disposant de mesures biologiques d’exposition (sang, urines ou graisses) montrait un méta-risque augmenté de cancer de la prostate de 59 %. Parmi ces études, 3 portaient sur des chlorophénoxy contaminés avec des dioxines, 2 sur des triazines et 1 sur des organochlorés (dieldrine). Ceci semble confirmer l’implication des chlorophénoxy contaminés dans l’augmentation du risque de cancer de la prostate (risque relatif significativement augmenté). Il n’est pas exclu que les triazines puissent également être impliquées (risque relatif supérieur à 1 mais non significatif) mais le faible nombre de données disponibles (2 études) requiert la plus grande prudence dans l’interprétation de ces résultats.
En résumé, les trois méta-analyses ont montré un excès de risque significatif de survenue de cancer de la prostate chez les agriculteurs (censés être des utilisateurs de pesticides) de l’ordre de 7 à 12 %. Trois méta-analyses portant sur le risque de cancer de la prostate dans des populations effectivement exposées aux pesticides dans un contexte professionnel ont montré des excès de risque significatif compris entre 12 et 28 %. Ce risque est plus important pour les applicateurs de pesticides et diffère selon les régions géographiques, le risque étant plus élevé en Amérique du Nord qu’en Europe. En milieu industriel, le risque est significativement augmenté pour une exposition aux herbicides de type chlorophénoxy quand ils sont contaminés par des dioxines.

Études de cohortes

Cohorte AHS

En 1993, a été initiée aux États-Unis une importante cohorte prospective intitulée Agricultural Health Study (AHS) dans les États de l’Iowa et de la Caroline du Nord (Alavanja et coll., 1996renvoi vers). Constituée de 89 658 personnes, elle comprend une majorité d’exploitants agricoles disposant d’une licence les autorisant à appliquer des pesticides, des applicateurs professionnels de pesticides travaillant pour des entreprises spécialisées dans l’épandage de ces produits et les conjoints ou conjointes des exploitants.
En 2006 et après un suivi moyen de 10,8 années, les exploitants agricoles applicateurs de pesticides présentaient un excès de risque significatif de survenue du cancer de la prostate estimé à 19 %. Chez les applicateurs professionnels, dont les effectifs étaient moins nombreux, l’excès de risque de survenue du cancer de la prostate était de 28 % mais à la limite du seuil de significativité (Koutros et coll., 2010renvoi vers).
Une étude récente a fait le point sur les causes de décès au cours de la période 1997-2003 au sein de la cohorte AHS (Waggoner et coll., 2011renvoi vers). Parmi l’ensemble des applicateurs de pesticides (exploitants agricoles et applicateurs professionnels), le rapport standardisé de mortalité par cancer de la prostate (SMR), en utilisant comme groupe de référence la population générale, a été retrouvé significativement inférieur à 1 (SMR=0,81, IC95 % [0,70-0,95]). Cependant, si le groupe de référence était constitué de l’ensemble des autres causes de décès au sein de la cohorte AHS (excluant les causes accidentelles), les applicateurs de pesticides présentaient un SMR relatif significativement supérieur à 1 (SMR=1,53, IC95 % [1,31-1,78]).
La cohorte AHS s’est attelée à recueillir des informations détaillées sur les pesticides effectivement employés par chaque participant. Une cinquantaine de matières actives différentes ont été ainsi étudiées (Alavanja et coll., 2003renvoi vers). Des index d’exposition ont été déterminés sur la base d’informations concernant la durée, la fréquence et l’intensité d’emploi de chaque pesticide (Dosemeci et coll., 2002renvoi vers). Pour certains pesticides, seule l’information relative à un usage était disponible. Dans un premier temps, portant sur un suivi entre 1993 et 1999, des analyses factorielles ont permis d’identifier un facteur regroupant l’usage d’un pesticide chloré et un âge de plus de 50 ans comme étant significativement associé à un excès de risque de cancer de la prostate (p de tendance=0,005 en tenant compte de l’index d’exposition) (Alavanja et coll., 2003renvoi vers). Au cours de cette première publication, et lorsque chaque pesticide a été étudié de manière indépendante, seule l’utilisation du bromure de méthyle a été retrouvée significativement associée et de manière dose-dépendante à un risque accru de survenue de cancer de la prostate. Cependant, une étude récente portant sur un plus long suivi (de 1993 à 2007) n’a pas confirmé cet excès de risque (Barry et coll., 2012arenvoi vers).
Par la suite, de nombreuses études des données issues de la cohorte AHS se sont centrées sur l’étude individuelle de pesticides. Les résultats sont présentés dans le tableau 8.IIrenvoi vers et classés selon leur catégorie d’utilisation (herbicides, insecticides, fongicides et fumigants). L’exposition à certaines matières actives est apparue associée à des variations de risque de survenue de cancer de la prostate. L’exposition au butylate, un herbicide de la famille des thiocarbamates (Lynch et coll., 2009renvoi vers) est associée, quelque soit l’indicateur d’exposition ou le groupe de référence, à un risque significativement augmenté de survenue du cancer de la prostate pour les catégories d’expositions les plus élevées (Lynch et coll., 2009renvoi vers). L’exposition au terbufos, un insecticide organophosphoré est apparue associée à un risque augmenté, mais à la limite du seuil de significativité statistique (RR=1,53, IC 95 % [0,99–1,47]) de survenue de cancer de la prostate pour la catégorie la plus élevée d’exposition (Bonner et coll., 2010renvoi vers). À noter qu’une diminution du risque de survenue du cancer de la prostate a été observée pour les catégories les plus élevées d’exposition pour l’herbicide métolachlor (Rusiecki et coll., 2006renvoi vers).

Tableau 8.II Risque de survenue du cancer de la prostate selon les pesticides employés dans la cohorte AHS

Utilisation
Références
Matière active
Ensemble
Sans antécédents familiaux de cancer de la prostatea
Avec antécédents familiaux
de cancer de la prostateb
Herbicides
     
 
Lee et coll., 2004brenvoi vers
Alachlore
1,0 †
  
 
Rusiecki et coll., 2004renvoi vers
Beane Freeman et coll.,2011renvoi vers
Atrazine
1,0 †
  
 
Lynch et coll., 2009renvoi vers
Butylate
1,44 [1,04-2,00]c
2,09 [1,27-3,44]d
1,33 [0,90-1,73] e
1,47 [0,96-2,26] f
0,93 [0,66-1,30] c
1,10 [0,81-1,48] d
1,12 [0,77-1,64] e
1,52 [1,06-2,19]f
1,65 [1,01-2,77]c
1,67 [1,01-2,78]dg
1,94 [1,05-3,60]e
2,00 [1,07-3,74]f
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Chlorimuron ethyl
1,0 †
  
 
Lynch et coll., 2006renvoi vers
Cyanazine
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
2-4 D
1,0 †
  
 
Samanic et coll., 2006renvoi vers
Dicamba
1,0 †
  
 
Van Bemmel et coll., 2008renvoi vers
EPTC
1,0 †
  
 
De Roos et coll., 2005renvoi vers
Glyphosate
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Huiles de pétroles
1,0 †
  
 
Koutros et coll., 2009renvoi vers
Imazethapyr
1,0 †
  
 
Rusiecki et coll., 2006renvoi vers
Metolachlor
0,59 [0,39-0,89]c
0,66 [0,45-0,97]d
  
 
Delancey et coll., 2009renvoi vers
Metribuzine
1,0 †
  
 
Park et coll., 2009renvoi vers
Paraquat
1,0 † h
  
 
Hou et coll., 2006renvoi vers
Pendimethaline
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
2,4,5,-T
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
2,4,5-TP
1,0 †
  
 
Kang et coll., 2008renvoi vers
Trifluralin
1,0 †
  
Insecticides
     
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Aldicarbe
1,0 †
  
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
Aldrine
1,0 †
  
 
Mahajan et coll., 2007renvoi vers
Carbaryl
1,0 †
  
 
Bonner et coll., 2005renvoi vers
Carbofuran
1,0 †
1,14 [0,92-1,42] i
1,81 [1,18-2,77]ij
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
Chlordane
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers Lee et coll., 2004arenvoi vers
Chlorpyrifos
1,0 †
0,82 [0,66-1,02]
1,29 [0,84-1,98] ik
 
Christensen et coll., 2010renvoi vers
Coumaphos
1,0 †
0,78 [0,52-1,17] k
0,93 [0,69-1,23] m
0,87 [0,68-1,10] n
2,07 [1,19-3,62] lg
1,46 [0,89-2,40] m
1,65 [1,13-2,38] ng
 
Beane Freeman et coll., 2005renvoi vers
Diazinon
1,0 †
  
 
Koutros et coll., 2008renvoi vers
Dichlorvos
1,0 †
  
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
Dieldrine
1,0 †
  
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
DDT
1,0 †
  
 
Mahajan et coll., 2006arenvoi vers
Fonofos
1,0 †
0,86 [0,60-1,24] c
0,96 [0,70-1,31] e
1,77 [1,03-3,05]co
1,83 [1,12-3,00]ep
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
Heptachlore
1,0 †
  
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
Lindane
1,0 †
  
 
Bonner et coll., 2007renvoi vers
Malathion
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Parathion
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers Rusiecki et coll., 2009renvoi vers
Permethrine
1,0 †
1,13 [0,77-1,66] i
0,88 [0,72-1,07] i
2,38 [1,34-4,25]i g
1,19 [0,82-1,30] i g
 
Mahajan et coll., 2006brenvoi vers
Phorate
1,0 †
0,91 [0,64-1,30] c
0,92 [0,59-1,43] d
1,48 [0,85-2,58] cq
1,91 [0,86-4,24] dr
 
Bonner et coll., 2010renvoi vers
Terbufos
1,0 † (p)
  
 
Purdue et coll., 2007renvoi vers
Toxaphène
1,0 †
  
Fongicides
     
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Bénomyl
1,0 †
  
 
Greenburg et coll., 2008renvoi vers
Captane
1,0 †
  
 
Mozzachio et coll., 2008renvoi vers
Chlorotalonil
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Maneb/mancozebe
1,0 †
  
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Metalaxyl
1,0 †
  
Fumigants
     
 
Alavanja et coll., 2003renvoi vers
Bromure de méthyle
3,5 [1,4-8,8]t
  

Risque non différent de 1
a Groupe de référence : témoins sans antécédents familiaux de cancer de la prostate
b Groupe de référence : témoins avec antécédents familiaux de cancer de la prostate
c Pour la catégorie d’exposition la plus élevée (vie entière) et avec comme groupe de référence les non exposés
d Pour la catégorie d’exposition la plus élevée (vie entière) et avec comme groupe de référence les plus faiblement exposés
e Pour la catégorie d’exposition la plus élevée (vie entière modulée par l’intensité) et avec comme groupe de référence les non exposés
f Pour la catégorie d’exposition la plus élevée (vie entière modulée par l’intensité) et avec comme groupe de référence les plus faiblement exposés
g p d’interaction significatif
h Relation dose-effet décroissante avec comme groupe de référence les plus faiblement exposées (exposition vie entière, p de tendance : 0,07 et exposition vie entière modulée par l’intensité, p de tendance : 0,11)
i pour les exposés avec comme groupe de référence les non exposés.

j p d’interaction : 0,06
k p d’interaction : 0,04
l pour les exposés avec comme groupe de référence les non exposés sur la période 1993 à 1999
m pour les exposés avec comme groupe de référence les non exposés sur la période 2000 à 2005
n pour les exposés avec comme groupe de référence les non exposés sur la période 1993 à 2005
o relation dose-effet croissante, p de tendance : 0,02
p relation dose-effet croissante, p de tendance : <0,01
q RR de l’interaction : 1,18 (0,96 – 1,44)
r RR de l’interaction : 1,53 (0,99 – 2,37)
s RR de 1,21 (0,99 – 1,47) pour la catégorie d’exposition la plus élevée (exposition vie entière modulé par l’intensité avec comme groupe de référence les non exposés)
t pour le groupe d’exposition cumulée le plus élevé avec comme groupe de référence les non exposés. Relation dose-effet croissante, p de tendance : 0,004

Les analyses statistiques ont pris également en considération la présence d’antécédents familiaux au premier degré de cancer de la prostate comme facteur d’interaction. Pour certains pesticides, seuls les hommes exposés déclarant des antécédents familiaux de cancer de la prostate et comparés aux non exposés déclarant également des antécédents familiaux de cancer de la prostate présentaient un excès de risque significatif (tableau 8.IIrenvoi vers). Il s’agit de l’herbicide butylate (Lynch et coll., 2009renvoi vers) et des insecticides carbofuran (Bonner et coll., 2005renvoi vers), coumaphos (Christensen et coll., 2010renvoi vers), fonofos (Mahajan et coll., 2006arenvoi vers), perméthrine (Rusiecki et coll., 2009renvoi vers). Pour le phorate, l’interaction observée est à la limite du seuil de significativité statistique (Mahajan et coll., 2006brenvoi vers).
Les données relatives aux expositions aux pesticides au sein de la cohorte AHS ont été recueillies par questionnaire. Cela risque d’entraîner des biais dans l’estimation réelle des expositions. Une étude a été menée chez 84 sujets inclus dans la cohorte AHS afin d’estimer le degré de corrélation entre la mesure biologique interne à des pesticides (dosage urinaires) – suite à une période d’épandage – et plusieurs indicateurs indirects d’exposition (Blair et coll., 2011renvoi vers). Des corrélations comprises entre 0,4 à 0,8 ont été retrouvées avec des algorithmes évaluant l’intensité d’exposition ou la durée d’exposition modulée par l’intensité. Ces algorithmes, développés par des experts, sont fondés sur les réponses des participants au questionnaire détaillé qui leur avait été soumis. Ces corrélations étaient bien moins élevées lorsque l’indicateur d’exposition ne concernait que certaines réponses individuelles telles que les quantités de matières actives épandues, la durée d’épandage ou la surface traitée.

Autres cohortes

Une cohorte prospective réalisée en population générale aux Pays-Bas, la NetherlandCohort Study s’est également intéressée aux facteurs de risques associés au cancer de la prostate (Boers et coll., 2005renvoi vers). Comprenant 58 279 hommes âgés entre 55 et 69 ans et après un suivi de 9,3 années, 1 386 cas incidents de cancers de la prostate ont été comparés à 2 235 témoins. L’exposition aux pesticides a été évaluée par un questionnaire auto-administré à l’inclusion. Il en ressort une diminution statistiquement significative du risque de survenue du cancer de la prostate chez les sujets exposés professionnellement à des pesticides (tous pesticides confondus), cette diminution atteignant 40 % pour la classe d’exposition la plus élevée.
Une cohorte rétrospective reconstituée à partir de 4 552 hommes impliqués dans les campagnes antipaludiques en Sardaigne entre 1946 et 1950 n’a montré aucun excès de risque de décès par cancer de la prostate parmi les applicateurs de DDT et de chlordane et ce quelle que soit l’intensité de l’exposition, comparés à ceux qui n’avaient jamais employé ces produits (Cocco et coll., 2005renvoi vers).
Deux cohortes rétrospectives réalisées parmi des employés travaillant dans des usines de production de pesticides se sont intéressées à la survenue du cancer de la prostate. L’une a porté sur 185 hommes ayant travaillé pendant au moins 3 mois dans une usine de production de l’herbicide benzothiadazine au cours de la période 1974 - 1984 (Nasterlack et coll., 2007renvoi vers). Au cours de la période de suivi (1975 - 2002), 2 cas de cancers de la prostate ont été observés pour 0,71 attendus (SIR=2,8 ; IC95 % [0,3-10,2]). L’autre a porté sur 1 316 hommes ayant travaillé dans une usine de production de l’herbicide 2,4-D entre 1945 et 1994 et vivant au 1er janvier 1985 (Burns et coll., 2011renvoi vers). Sur la période de suivi (1985-2007), 62 cas incidents de cancer de la prostate ont été observés pour 84 attendus (SIR=0,74 ; IC95 % [0,57-0,94]).
En résumé, l’étude AHS a montré que les applicateurs de pesticides, exploitants agricoles ou professionnels, présentent un excès de risque significatif de survenue du cancer de la prostate respectivement de 19 % et de 28 %. De même, les applicateurs de pesticides présentent un excès de risque de mortalité. Parmi les pesticides significativement associés au cancer de la prostate on trouve le bromure de méthyle, le terbufos (limite) et en cas d’antécédents familiaux au premier degré de cancer de la prostate : butylate, carbofuran, coumaphos, fonofos, perméthrine, phorate.

Études cas-témoins

Plusieurs études cas témoins non nichées au sein de cohortes ont été publiées postérieurement aux différentes méta-analyses mentionnées plus haut. Une étude réalisée en Caroline du Sud (États-Unis) a comparé 405 cas incidents de cancers de la prostate à 392 témoins issus de la population générale, et comprenant 464 individus classés comme « caucasiens » et 333 comme « afro-américains » (Meyer et coll., 2007renvoi vers). Un excès de risque significatif de survenue de cancer de la prostate, estimé à 40 %, a été mis en évidence chez l’ensemble des agriculteurs. Cependant, cet excès de risque n’a été confirmé que chez ceux :
• qui ont été agriculteurs pendant moins de 5 ans ;
• qui ont eu une activité agricole avant 1960 ;
• qui ont appliqué des pesticides ou ;
• classés comme « caucasiens ».
Les auteurs avancent plusieurs explications pour ce qui concerne l’excès de risque chez les agriculteurs ayant exercé pendant une courte période. Ces agriculteurs seraient plus fréquemment des ouvriers agricoles en contact avec des pesticides, alors que ceux qui auraient exercé plus longtemps seraient plus fréquemment des exploitant agricoles et propriétaires, moins enclins à un contact direct avec ces produits. La différence de risque constatée entre « caucasiens » et « afro-américains » est difficile à expliquer étant donné l’absence d’informations sur les pesticides employés. Elle confirme néanmoins l’hypothèse, précédemment évoquée d’une interaction entre facteurs génétiques de susceptibilité en relation avec le métabolisme des xénobiotiques et l’exposition aux pesticides, qui serait plus importantes chez certaines populations en fonction de leurs origines ethniques.
Toujours aux États-Unis, une étude réalisée parmi la population de travailleurs agricoles hispaniques de Californie syndiqués à la United Farm Workers of America a comparé 222 cas de cancer de la prostate à 1 110 témoins (Mills et Yang, 2003renvoi vers). Des associations significatives ont été retrouvées pour les classes d’expositions les plus élevées à certains pesticides comme la simazine, l’heptachlor, le lindane et la propyzamide. Si pour les trois premiers les associations allaient dans le sens d’une augmentation du risque, pour la propyzamide l’association retrouvée montrait une diminution du risque. Également en Californie, une étude a comparé 173 cas de cancer de la prostate à 162 témoins (Cockburn et coll., 2011renvoi vers). Les expositions aux pesticides ont été estimées à partir de l’histoire résidentielle des sujets et des données d’emploi des pesticides selon un système géographique d’information. Les hommes exposés au méthyl bromure ainsi qu’à des organochlorés (sans autres précisions) présentaient un risque élevé de survenue de cancer de la prostate (respectivement OR=1,62 ; IC 95 % [1,02-2,59] et 1,64 ; IC 95 % [1,02-2,63]).
Une étude réalisée en Australie et comparant 606 cas de cancer de la prostate et 471 témoins issus de la population générale, n’a pas montré de modification de risque chez ceux ayant utilisé professionnellement diverses familles chimiques de pesticides si ce n’est une tendance non significative à un risque diminué chez ceux ayant employé des pesticides de type organophosphorés (Fritschi et coll., 2007renvoi vers).
Au Québec, une étude a porté sur des hommes ayant exercés une activité dans le secteur agricole (Parent et coll., 2009renvoi vers). Quarante-neuf cas de cancers de la prostate ont été comparés à 183 témoins constitués par 127 hommes porteurs d’un autre type de cancer et 56 hommes sans cancer. Les hommes furent interrogés sur leurs activités professionnelles et, partant de ces informations, des experts ont inférés leur exposition potentielle à 294 agents chimiques différents. Le fait d’avoir utilisé des pesticides de manière « considérable » (sans autre précision) est apparu associé à un risque accru de survenue de cancer de la prostate (OR=2,3 ; IC95 % [1,1-5,1]). Toujours au Canada mais en Colombie Britannique, une étude cas-témoins a comparé 1 516 cas de cancer de la prostate à 4 994 hommes porteurs d’un autre type de cancer (à l’exclusion du cancer du poumon et de cancers d’origine primaire inconnu) (Band et coll, 2011renvoi vers). Un questionnaire couplé à une matrice emploi-exposition a permis d’estimer leur exposition à 180 matières actives et de les classer en non exposés et exposés et, si le nombre de cas le permettait, en non exposé, faiblement exposé et fortement exposé. Des excès de risque significatif de cancer de la prostate ont été observés chez les individus fortement exposés à certains fongicides (didilone, ferbam, manèbe), herbicides (2,4-DB, MCPA, simazine) et insecticides (azimphos-méthyl, carbaryl, DDT, malathion). Ces deux études canadiennes présentent des limites qui compliquent l’interprétation des résultats. Il s’agit du choix des groupes témoins (sujets atteints de cancers), des mesures d’expositions imprécises et des faibles effectifs exposés à une matière active donnée.
Une étude italienne a comparé 124 cas de cancer de la prostate à 659 témoins porteurs d’un cancer hors prostate (Settimi et coll., 2003renvoi vers). Les auteurs de ce travail ont rapporté un excès de risque significatif chez les hommes ayant déclaré avoir employé du DDT (OR=2,1 ; IC95 % [1,2-3,8]) et de dicofol (OR=2,8 ; IC95 % [1,5-5,0]).
En résumé, plusieurs études cas témoins récentes soutiennent la présence d’un excès de risque de cancer de la prostate chez les applicateurs de pesticides sous certaines conditions d’utilisation. Des associations significatives ont été mises en évidence avec certaines familles (organochlorés) ou substances actives.

Études couplées à des mesures biologiques des expositions

Hormis quelques études déjà anciennes et réalisées auprès d’un faible nombre d’ouvriers travaillant dans des usines de production de dieldrine, de triazines ou d’herbicides chlorophénoxy contaminés aux dioxines (références dans Van Maele-Fabry et coll., 2006renvoi vers), peu d’études ont été publiées à ce jour en utilisant des évaluations biologiques des expositions. Ces études, de type cas témoins ou cas témoins nichées au sein de cohortes, réalisées au cours de ces dernières années, sont résumées dans le tableau 8.IIIrenvoi vers et concernent exclusivement des pesticides organochlorés réputés être persistants dans l’organisme.

Tableau 8.III Pesticides organochlorés et cancer de la prostate : études utilisant des marqueurs biologiques pour mesurer les expositions

Références
Population d’étude
Nombre de cas/témoins
Matrice de mesure
Pesticides étudiés
Niveaux d’exposition
OR [IC à 95 %]
     
% de détection
Valeurs détectées
(min–max)
 
Ritchie et coll., 2003renvoi vers
Population hospitalière
58/99
Sang
p,p’-DDE
Dieldrine
Heptachlore epoxide
trans-nonachlore
Oxychlordane
100
> 29
> 24
> 88
> 82
0,046–2,00 µg/g lipides
Non précisé
Non précise
0,006–0,21 µg/g lipides
0,007–0,10 µg/g lipides
1,0 †
0,28 [0,09-0,88] (a)
1,0 †
1,0 †
1,0 † (b)
Hardell et coll., 2006renvoi vers
Population hospitalière
31 à 45/10
Graisse abdominale
p,p’-DDE
β-HCH
cis- Heptachlorepoxide
trans-chlordane
Oxychlordane
MC6
trans-nonachlordane
cis-nonachlordane
100
100
NP
100
100
100
100
100
0,006–3,16 µg/g lipides
0,012–0,70 µg/g lipides
0,0005–0,01 µg/g lipides
<0,0001–0,001 µg/g lipides
0,006–0,07 µg/g lipides
0,0008–0, 02 µg/g lipides
0,005–0,131 µg/g lipides
0,0006–0,014 µg/g lipides
1,0 † (c)
1,0 † (c)
1,0 †
3,49 [1,08-11,12] (a)
1,0
1,0 † (c)
1,0 †
1,0 †
Aronson et coll., 2010renvoi vers
Population hospitalière
79/329
Sang
Hexachlorobenzene
p,p’-DDE
p,p’-DDT
trans- nonachlore
Oxychlordane
Mirex
β-HCH
>70
>70
>70
>70
>70
>70
>70
<0,02–0,07 µg/g lipides
<0,27–2,36 µg/g lipides
<0,005–0,05 µg/g lipides
<0,02–0,11 µg/g lipides
<0,02–0,06 µg/g lipides
<0,006–0,08 µg/g lipides
0,01–0,23 µg/g lipides
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
Xu et coll., 2010renvoi vers
Cohorte NHANES
(National Health and Nutrition Examination Survey)
65/1920
Sang
β-HCH
p,p’-DDE
Oxychlordane
trans-nonachlore
Heptachlor epoxide
Dieldrine
> 73
100
> 82
> 89
> 53
> 65
0,0009–3,50 µg/g lipides
0,0016–27,90 µg/g lipides
0,0010–0,289 µg/g lipides
0,0017–0,834 µg/g lipides
0,0014–0,912 µg/g lipides
0,0012–0,670 µg/g lipides
3,36 [1,24-9,10] (a, d)
1,0 † (e)
1,0 † (f)
14,1 [2,55-77,9] (a, g)
1,0 †
2,74 [1,01-7,49] (a, h)
Sawada et coll., 2010renvoi vers
Cohorte JPHC
(Japan Public Health Center-based Prospective)
201/402
Sang
o,p’-DDT
p,p’-DDT
p,p’-DDE
trans- nonachlore
cis-Nonachlordane
Oxychlordane
Hexachlorobenzene
Mirex
β-HCH
100
100
100
100
100
100
100
100
100
0,002–0,008 µg/g lipides (k)
0,024–0,064 µg/g lipides (k)
0,56–1,60 µg/g lipides (k)
0,05–0,12 µg/g lipides (k)
0,009–0,02 µg/g lipides (k)
0,017–0,037 µg/g lipides (k)
0,034–0,085 µg/g lipides (k)
0,003–0,006 µg/g lipides (k)
0,20–0,52 µg/g lipides (k)
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 †
1,0 † (i)
1,0 †
1,0 † (j)
Multigner et coll., 2011renvoi vers
Population générale
623/671
Sang
Chlordécone
>67
<0,25–49 µg/L
~ < 0,04–7 µg/g lipides
1,77 [1,21–2,58] (l)

† Risque non différent de 1
a) Troisième tercile
b) Association significative avec le deuxième tercile dans un modèle non ajusté (OR=3,11 ; IC95 % [1,27–7,63] et ajusté à l’âge, présence de prostatite, indice de masse corporelle et PCB 180 (OR=2,76 ; IC95 % [1,10–6,95].
c) OR > 2 non significatif pour les concentrations supérieure à la médiane de la distribution chez les témoins
d) p de tendance 0,02 avec terciles croissants
e) OR > 2 non significatif pour le troisième tercile, p de tendance 0,07 avec terciles croissants
f) OR > 3 non significatif pour le troisième tercile, p de tendance 0,06 avec terciles croissants
g) p de tendance 0,002 avec terciles croissants
h) p de tendance 0,04 avec terciles croissants
i) OR 0,52 non significatif pour le troisième tercile, p de tendance 0,11 avec terciles décroissants
j) OR 0,56 non significatif pour le troisième tercile, p de tendance 0,05 avec terciles décroissants
k) interquartiles
l) troisième quartile ; p de tendance 0,002 avec quartiles croissants

Une étude réalisée aux États-Unis a porté sur la comparaison des concentrations plasmatiques en 5 pesticides ou métabolites organochlorés chez 58 sujets porteurs d’un cancer de la prostate et 99 témoins hospitaliers (Ritchie et coll., 2003renvoi vers). Les auteurs ont rapportés une association significative mais inversée entre le risque de survenue de cancer de la prostate et les concentrations plasmatiques en dieldrine ainsi qu’une association positive avec les concentrations en oxychlordane mais limitée aux sujets présentant un niveau intermédiaire d’exposition (second tercile). Une étude suédoise s’est intéressée aux concentrations en 8 pesticides ou métabolites organochlorés présents dans la graisse abdominale (Hardell et coll., 2006renvoi vers). Les conclusions montrant un excès de risque de survenue de cancer de la prostate en lien avec l’exposition au trans-chlordane sont de portées limitées tenant compte des faibles effectifs étudiées (46 cas et 10 témoins hospitaliers). Une étude plus conséquente en termes d’effectifs (79 cas et 329 témoins) n’a pas montré d’associations significatives en lien avec les concentrations plasmatiques en 7 pesticides ou métabolites organochlorés (Aronson et coll., 2010renvoi vers).
Deux études cas témoins nichées au sein de cohortes ont été récemment publiées. La première, réalisée aux États-Unis, a porté sur un nombre limité de cas (65 cas) mais un nombre important de témoins (1 920) issus de la population générale au sein de la cohorte Nhanes (Xu et coll., 2010renvoi vers). Parmi 6 pesticides ou métabolites organochlorés dosés dans le sang, trois étaient associés positivement et de manière dose-dépendante aux concentrations plasmatiques de l’isomère β du hexachlorocyclohexane, du trans-nonachlore et de la dieldrine. La seconde, réalisée au Japon a porté sur 201 cas de cancer de la prostate et 402 témoins issus de la cohorte JPHC - Japan public health center-based prospective study on cancer and cardiovascular diseases (Sawada et coll., 2010renvoi vers). Cette étude qui s’est intéressée à 9 pesticides ou métabolites organochlorés n’a pas mis en évidence d’associations avec le risque de survenue du cancer de la prostate. Tout au plus, c’est une relation dose-effet inverse à la limite du seuil de significativité qui a été retrouvée avec les concentrations plasmatiques en isomère β du héxachlorocyclohexane (HCH). Cette cohorte japonaise n’a pas pu confirmer, à partir d’un plus grand nombre de cas et pour des niveaux d’exposition équivalents, les associations positives constatées par la cohorte américaine Nhanes en rapport avec les expositions à l’isomère β du HCH et du trans-nonachlore.
Dans un contexte de pollution environnementale au chlordécone aux Antilles françaises, une étude cas-témoin a montré que les concentrations plasmatiques de cette molécule étaient associées positivement et de manière dose-dépendante à un risque augmenté de survenue du cancer de la prostate (Multigner et coll., 2010renvoi vers). Cette association est modulée (interaction) par la présence de variants (polymorphismes) du gène codant pour la chlordécone réductase. Cette enzyme hépatique réduit la fonction cétone du chlordécone en fonction alcool, permettant la glucuroconjugaison de la molécule et son élimination par les voies biliaires dans la lumière intestinale (Molowa et coll., 1986renvoi vers). Les sujets exposés au chlordécone et porteurs de polymorphismes (rs3829125 et rs17134592 du gène AKR1C4) associés à une enzyme moins fonctionnelle présentent un risque plus élevé (OR=5,23 ; IC95 % [0,82-33,3]) que les porteurs de variants associés à une enzyme pleinement fonctionnelle (OR=1,30 ; IC95 % [0,91-1,85]) (Multigner et coll., 2010renvoi vers). Cette observation, bien que limitée par la faible fréquence allélique (4 %) du variant associée à une faible activité enzymatique de la chlordécone réductase, est néanmoins cohérente avec le rôle de cette enzyme. Une interaction significative (p< 0,01) a également été observée chez les sujets ayant déclaré des antécédents familiaux de cancer de la prostate au premier degré. Le risque de survenue de cancer de la prostate était plus élevé chez les sujets exposés porteurs d’antécédents familiaux (OR=3,00 ; IC95 % [1,12–8,07] pour le 4e quartile d’exposition) que chez les sujets exposés non porteurs d’antécédents familiaux (OR=1,27 ; IC95 % [0,76-2,13] pour le 4e quartile d’exposition) (Multigner et coll., 2010renvoi vers).
En résumé, les mesures biologiques des expositions concernent exclusivement des pesticides organochlorés en raison de leur persistance dans l’organisme. Les concentrations plasmatiques de chlordécone aux Antilles sont associées positivement et de manière dose-dépendante à un risque augmenté de survenue du cancer de la prostate. Cette association est modulée (interaction) par la présence de variants (polymorphismes) du gène codant pour la chlordécone réductase.

Exposition à des matières actives et cancer de la prostate

Matières actives retenues

Face à la complexité que représente la très grande variété de matières actives et leur diversité en termes de familles chimiques et de mécanismes d’actions, seules les études portant sur des effectifs importants couplées à des mesures relativement fiables des expositions peuvent être retenues au moment de faire une évaluation critique globale. C’est le cas des études cas-témoins nichées au sein des cohortes AHS (pour les références voir le tableau 8.IIrenvoi vers), Nhanes (Xu et coll., 2010renvoi vers) et JPHC (Sawada et coll., 2010renvoi vers) ainsi que celle réalisée au sein de la population Antillaise et concernée par un contexte d’exposition particulière au chlordécone (Multigner et coll., 2010renvoi vers). Ces études retiennent, comme matières actives associées à un risque accru de survenue de cancer de la prostate, le butylate (Lynch et coll., 2009renvoi vers), le bromure de méthyle (Alavanja et coll., 2003renvoi vers), la dieldrine (Xu et coll., 2010renvoi vers) et le chlordécone (Multigner et coll., 2010renvoi vers). Pour d’autres matières actives : chlorpyrifos (Lee et coll., 2004arenvoi vers), carbofuran (Bonner et coll., 2005renvoi vers), coumaphos (Christensen et coll., 2010renvoi vers), fonofos (Mahajan et coll., 2006arenvoi vers), perméthrine (Rusiecki et coll., 2009renvoi vers) et phorate (Mahajan et coll., 2006brenvoi vers), un risque augmenté a été observé en présence (interaction) d’antécédents familiaux de cancer de la prostate. À cette liste, on peut ajouter l’isomère β de l’héxachlorocyclohexane et le trans-nonachlore pour lesquels des associations à un risque augmenté de survenue de cancer de la prostate ont été retrouvées présentes dans la cohorte Nhanes (Xu et coll., 2010renvoi vers) mais absentes dans la cohorte JPHC (Sawada et coll., 2010renvoi vers).
En résumé, les matières actives retenues comme étant associées à un excès de risque à partir des études cas témoins : butylate, dieldrine, chlordécone ; et uniquement en présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate : carbofuran, coumaphos, fonofos, perméthrine, phorate.

Mesure des expositions

La cohorte AHS utilise des indicateurs d’exposition basés sur les pesticides employés, leur durée d’utilisation et l’intensité d’utilisation selon des algorithmes détaillés (Dosemeci et coll., 2002renvoi vers). Cette cohorte s’adressant, en grande majorité, à des matières actives de faible demi-vie dans l’organisme, l’estimation de l’exposition vie entière ou vie professionnelle par des marqueurs biologiques d’exposition s’avère être de portée limitée. De ce fait, les algorithmes employés, validés par ailleurs pour quelques matières actives à demi-vie courte par des mesurages biologiques ponctuels (Cocco et coll., 2005renvoi vers), constituent un outil relativement fiable pour estimer les expositions. Les autres études retenues (Multigner et coll., 2010renvoi vers ; Sawada et coll., 2010renvoi vers ; Xu et coll., 2010renvoi vers) et qui ont porté exclusivement sur des pesticides organochlorés, ont utilisé comme indicateur d’exposition la mesure de la concentration plasmatique à un instant t, correspondant au moment du diagnostic des cas et à l’inclusion des témoins. Une telle procédure est communément employée pour des substances à demi-vie prolongée et réputées persistantes dans l’organisme. Cette mesure ponctuelle peut être néanmoins biaisée par de nombreux événements intervenus dans les années précédentes en rapport avec la mobilisation du compartiment graisseux censé stocker en grande partie ces substances dans l’organisme. Toutefois l’homme n’étant pas concerné par des grands processus mobilisateurs des graisses périphériques, tel que la grossesse ou l’allaitement, il apparaît moins sensible que la femme à des biais de classement des expositions aux polluants organochlorés persistants.

Interactions

La plupart des études visant à explorer des associations entre l’exposition aux pesticides et des effets sanitaires testent l’hypothèse d’un lien direct de causalité exposition-effet. Dans la réalité, de nombreux facteurs d’interactions, en particulier en lien avec la susceptibilité génétique, peuvent moduler les associations recherchées et l’absence de la prise en compte de ces facteurs peut masquer ou amoindrir les associations. Cependant, pour des raisons de puissance statistique, seules les études disposant de grands effectifs peuvent aborder cet aspect.
La cohorte AHS s’est particulièrement intéressée à la recherche d’interactions en lien avec la présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate (tableau 8.IIrenvoi vers). Dans le cas du butylate, où une association est observée avec le risque de survenue de la maladie, le risque apparaît plus élevé chez les sujets exposés porteurs d’antécédents que chez les sujets exposés sans antécédents (Lynch et coll., 2009renvoi vers). Pour d’autres molécules (chlorpyrifos, carbofuran, coumaphos, fonofos, permethrine et phorate) où aucune association significative n’a été observée en lien avec le risque de survenue du cancer de la prostate, des interactions significatives, ou à la limite de la significativité, ont été constatées en présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate (Alavanja et coll., 2003renvoi vers ; Lee et coll., 2004arenvoi vers ; Bonner et coll., 2005renvoi vers ; Mahajan et coll., 2006a et brenvoi versrenvoi vers ; Rusiecki et coll., 2009renvoi vers ; Christensen et coll., 2010renvoi vers). L’étude cas-témoins consacrée à l’exposition au chlordécone aux Antilles a également montré une interaction significative en présence d’antécédents familiaux (Multigner et coll., 2010renvoi vers). Ces observations peuvent témoigner d’un trait génétique héréditaire (polymorphismes) associé simultanément au métabolisme de certains xénobiotiques et aux processus impliqués dans la cancérogenèse prostatique. Mais elles peuvent être également expliquées par des facteurs de risque environnementaux de la maladie (comportements alimentaires) partagés par les membres d’une même famille.
Plusieurs études cas-témoins nichées au sein de la cohorte AHS ont exploré les interactions entre l’exposition à plusieurs pesticides et des variant (polymorphismes de type SNP) de gènes associées à un risque accrue de cancer la prostate ou à des processus de réparation de l’ADN. Ces études ont porté sur la comparaison de 776 cas de cancer de la prostate et 1 444 témoins. Koutros et coll (2010renvoi vers) ont étudié les interactions potentielles entre 211 variants génétiques situés sur la région 8q24 connue pour contenir de nombreux loci à risque pour le cancer de la prostate (Platz et coll., 2007renvoi vers) et l’exposition à 49 matières actives. Des interactions, se traduisant par une augmentation de risque de cancer de la prostate, ont été observées entre certains variants (rs4242382, rs7837328) et l’exposition au fonofos, terbufos, coumaphos et perméthrine. Ces interactions sont également notées lorsque les analyses ont été restreintes aux hommes n’ayant pas déclaré d’antécédents familiaux de cancer de la prostate. En conséquence, les interactions préalablement mentionnées avec l’histoire familiale d’antécédents de cancer de la prostate ne semblent pas expliquées par les variants de la région 8q24. Par ailleurs, on ignore si des variations dans la région 8q24 peuvent influencer le métabolisme des xénobiotiques. Barry et coll. (2011renvoi vers, 2012brenvoi vers) ont exploré les interactions avec des variants de gènes impliqués dans des processus de réparation de l’ADN tels que l’excision de bases (gènes BER pour Base excision repair) et de nucléotides (gènes NER pour nucleotide excision repair). Un risque significativement augmenté de cancer de la prostate a été observé chez les sujets exposés au fonofos et porteurs d’un variant (rs1983132) de l’endonucléase NEIL3 (gène BER). Des interactions significatives ont été également constatées chez les porteurs de variants de gènes NER et exposés au fonofos (rs2298881 de ERCC1) ou au carbofuran (de rs1744596 et rs2932778 de CDK7). Ces observations suggèrent des mécanismes d’actions de certains pesticides (fonofos et carbofuran) dans la survenue du cancer de la prostate impliquant des lésions de l’ADN induits par un stress oxydatif, des adduits volumineux ou des cross-linking.
En résumé, différents facteurs d’interactions on été explorés et identifiés en lien avec le risque de cancer de la prostate : la présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate (traduisant une susceptibilité génétique où la présence d’autres facteurs de risque environnementaux partagés par la famille) ; la présence de variants de gènes, dans certaines régions chromosomiques, connus pour leurs associations avec un risque accru de survenue de la pathhologie (8q24) ou impliqués dans des processus de réparation de l’ADN pour d’autres substances actives.

Plausibilité biologique

Parmi les matières actives présentant une association avec un risque accru de cancer de la prostate, ou en interaction avec des antécédents familiaux de cancer de la prostate, seuls la dieldrine et le chlordécone ont été classés comme cancérogènes par des agences tels que l’EPA6 et/ou l’IARC7 sur la base de données de cancérogenèse chez l’animal de laboratoire (rongeurs). La dieldrine a été classée comme « cancérogène probable pour l’Homme » par l’EPA mais « inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’Homme » par l’IARC. En revanche, le chlordécone ainsi que l’isomère bêta (β) du héxachlorocyclohexane ont été classés comme « susceptibles d’être cancérogènes pour l’Homme » par l’EPA et « cancérogènes possibles pour l’Homme » par l’IARC. Les pesticides chlorpyrifos, phorate, fonofos, coumaphos, butylate et carbofuran ont été classés comme « peu probable d’être cancérogène pour l’Homme » par l’EPA. Le trans-nonachlor n’a pas fait l’objet d’évaluation ni par l’EPA ni par l’IARC. Le bromure de méthyle est considéré comme « inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’Homme » par l’IARC. Finalement, selon la classification Cancérogène-Mutagène-Reprotoxiques (CMR) de l’Union européenne, la dieldrine, le chlordécone et le bromure de méthyle ont été classés en catégorie 2 (substances et préparations préoccupantes pour l’homme en raison d’effets cancérogènes possibles mais pour lesquelles les informations disponibles sont insuffisantes)8 .
Le cancer de la prostate étant une pathologie tumorale hormono-dépendante localisée sur un organe dont le développement est également sous la dépendance d’hormones stéroïdiennes (principalement la testostérone et l’œstradiol), le rôle des xénobiotiques ayant des propriétés hormonales (perturbateurs endocriniens) a également été évoqué dans la genèse de la maladie. Parmi la liste de matières actives évoquées ci-dessus, une faible activité œstrogénique a été attribuée à la dieldrine sur la base de sa capacité à stimuler la prolifération in vitro de cellules dérivées d’un cancer du sein hormono-sensible (Soto et coll., 1994renvoi vers). Cependant, la dieldrine est dépourvue d’activité utérotrophique (Gellert, 2004renvoi vers). L’isomère β du héxachlorocyclohexane favorise, chez la souris ovariectomisée, le développement de l’épithélium utérin et vaginal (Ulrich et coll., 2000renvoi vers), reproduisant ainsi l’action de l’œstradiol. Pour le chlordécone, de nombreux arguments soutiennent une activité hormonale œstrogénique in vitro et in vivo (Hammond et coll., 1979renvoi vers ; Eroschenko, 1981renvoi vers ; Williams et coll., 1989renvoi vers ; Soto et coll., 1994renvoi vers ; Kuiper et coll., 1998renvoi vers ; Gellert, 2004renvoi vers ; Scippo et coll., 2004renvoi vers ; Lemaire et coll., 2006renvoi vers). Le chlordécone agit comme agoniste du récepteur α et comme antagoniste des récepteurs β des œstrogènes. Leur stimulation favorise la prolifération cellulaire (récepteur α) ou l’inhibe (récepteur β). La liaison du chlordécone avec ces deux récepteurs exprimés dans la prostate humaine pourrait résulter en une balance globale favorisant la prolifération cellulaire, laquelle, couplée aux propriétés de la molécule en tant que promoteur tumoral, favoriserait le développement d’une tumeur.
En résumé, la dieldrine et le chlordécone sont classés comme cancérogènes possibles en catégorie 2 de la classification CMR de l’Union européenne (substances préoccupantes). L’activité hormonale œstrogénique in vitro et in vivo du chlordécone peut rendre compte de son mécanisme d’action dans le développement du cancer.
En conclusion, l’observation répétée d’une plus grande fréquence de survenue d’un cancer de la prostate parmi les populations agricoles, confortée par des constatations similaires chez les utilisateurs/applicateurs de pesticides, est à l’origine de l’hypothèse d’un rôle des pesticides dans la genèse de la maladie. La fréquence élevée de survenue du cancer de la prostate a grandement facilité les études épidémiologiques sur cette pathologie et a permis d’explorer plus en détail certaines matières actives tout en prenant en compte des facteurs d’interactions.
Trois méta-analyses couvrant les études épidémiologiques d’incidence ou de mortalité de cancer de la prostate disponibles entre 1949 et 1994 ont montré un excès de risque significatif de survenue de cancer de la prostate, estimé entre 7 et 12 % dans les populations rurales ou agricoles par rapport à la population générale. D’autres études se sont penchées sur les populations utilisant effectivement des pesticides, la plupart dans un contexte professionnel. Trois autres méta-analyses portant sur le risque de cancer de la prostate dans des populations effectivement exposées aux pesticides dans un contexte professionnel (des applicateurs de pesticides et des employés travaillant dans des usines de production de pesticides) ont montré des excès de risque significatifs compris entre 12 et 28 %. Ce risque est plus important pour les applicateurs de pesticides et diffère selon les régions géographiques, le risque étant plus élevé en Amérique du Nord qu’en Europe. La cohorte prospective Agricultural Health Study (AHS) aux États-Unis, menée auprès d’exploitants agricoles et d’applicateurs de pesticides, a confirmé le risque accru de survenue de cancer de la prostate chez les exploitants agricoles applicateurs de pesticides (de l’ordre de 19 %) ainsi que chez les applicateurs professionnels de pesticides (de l’ordre de 28 %).
Parmi les matières actives associées à un risque accru significatif, figurent le butylate (herbicide de la famille des carbamates) ainsi que le terbufos (insecticide organophosphoré) mais à la limite du seuil de significativité statistique. Pour certaines matières actives, des associations n’ont été retrouvées qu’en présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate. Il s’agit du butylate et des insecticides carbofuran, coumaphos, fonofos, perméthrine et à la limite du seuil de significativité, le phorate. Ces observations suggèrent que des facteurs de susceptibilité génétique liés à la maladie ou des facteurs environnementaux à risque partagés par les membres d’une même famille, pourraient moduler le risque de survenue de cancer de la prostate en présence d’une exposition à un pesticide. Des études récentes montrant des interactions entre des variants génétiques situés sur la région 8q24 (connue pour contenir de nombreux loci à risque pour le cancer de la prostate) et l’exposition à certains pesticides (coumaphos, fonofos et perméthrine) soutiennent cette hypothèse.
Des études de type cas-témoins ont été réalisées ces dernières années en utilisant des évaluations biologiques des expositions aux organochlorés (réputés être persistants dans l’organisme). Ces études suggèrent des associations positives avec le chlordécone, la dieldrine, l’isomère β de l’hexachlorocyclohexane et le trans-nonachlore. Dans le cas du chlordécone, l’association retrouvée est modulée par certains polymorphismes du gène codant la chlordécone réductase, une enzyme qui métabolise la chlordécone, ainsi que par la présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate.
Jusqu’à ce jour, la plupart des études se sont intéressées à l’exposition au cours de la vie adulte – essentiellement dans un contexte professionnel – ou bien ont estimé des expositions ponctuelles, par la mesure de marqueurs biologiques d’exposition, à l’âge adulte. Plusieurs auteurs ont soulevé l’hypothèse d’une origine prénatale, ou tout au moins d’une influence de facteurs prénatals, y compris l’exposition à des pesticides, dans la genèse de la maladie. Cet aspect n’a pas fait à ce jour l’objet d’études épidémiologiques et une telle approche est particulièrement complexe à mettre en œuvre tenant compte de l’âge avancé de survenue du cancer de la prostate.
Peu d’études expérimentales in vitro ou in vivo confortent la plausibilité biologique d’une association entre l’exposition à un pesticide donné ou à une famille chimique de pesticides et la survenue du cancer de la prostate. Néanmoins, plusieurs mécanismes généraux peuvent être évoqués. D’une part, certains pesticides pourraient agir comme initiateur de la cancérogenèse en tant qu’agent mutagène ou bien comme promoteur. Force est de constater que peu de pesticides ont été correctement évalués de ce point de vue. D’autre part, certains pesticides et/ou leurs métabolites présentent des propriétés œstrogéniques ou androgéniques susceptibles d’interférer avec l’homéostasie du système hormonal stéroïdien. L’hypothèse que des expositions à des « perturbateurs endocriniens » puissent influencer le développement de la prostate à différentes étapes critiques de la vie fœtale ou périnatale, de la puberté ou du climatère, et ainsi favoriser le processus de cancérisation, fait actuellement l’objet de nombreuses investigations mais cette hypothèse se trouve confrontée aux difficultés évoquées ci-dessus.

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