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Med Sci (Paris). 2002 January; 18(1): 111–120.
Published online 2002 January 15. doi: 10.1051/medsci/2002181111.

LEI / L-DNase II : les implications structurales d’un détournement de fonction

Elisabeth Martin, Marie-France Counis, Paolo Perani, Yves Courtois, and Alicia Torriglia

Inserm U 450, Développement, vieillissement et pathologie de la rétine, 15, rue de l’École de Médecine, 75006 Paris, France
Les serpines

La LEI appartient à la superfamille des inhibiteurs de protéases à sérine (ou serpines, pour serine protease inhibitor). Celle-ci compte actuellement plus de 300 membres, dérivés d’un ancêtre commun remontant sans doute à quelque 500 millions d’années, et identifiés dans de très nombreuses espèces eucaryotes, animales et végétales, ainsi que chez les virus [1, 2]. Ces inhibiteurs de protéases sont surtout impliqués dans le contrôle de la protéolyse et participent ainsi à des processus biologiques extrêmement variés. Leur dysfonctionnement, entraînant une modification de l’équilibre protéase/antiprotéase, est à l’origine de nombreuses maladies [1, 3]. Chez l’homme, la plupart des serpines sont des protéines plasmatiques réglant les phénomènes de coagulation et de fibrinolyse associés à la réaction inflammatoire [4], d’autres interviennent au niveau de la matrice extracellulaire (au cours du développement, par exemple), d’autres enfin sont intracellulaires [5]. La LEI fait partie de cette dernière catégorie : son premier rôle reconnu est le contrôle de la protéolyse intracellulaire.

La séquence des serpines (370 à 400 acides aminés) étant très conservée, leurs structures tridimensionnelles sont également très proches et presque superposables. Cette structure caractéristique est invariablement composée d’un cœur de 2 feuillets ß entourés de 9 hélices α [6]. L’originalité et l’efficacité des serpines sont liées à la présence d’une boucle réactive, exposée en surface dans leur forme native et constituant un véritable piège pour la protéase cible (Figure 1) : la protéase coupe la boucle en un site précis, entraînant alors une modification conformationnelle de la serpine [1, 7]. La moitié amino-terminale de la boucle réactive, très mobile, s’insère, après coupure, dans le feuillet ß principal qui acquiert ainsi un brin supplémentaire. Le résidu situé en amont de la coupure se trouve alors déplacé à l’autre extrémité de la protéine, entraînant avec lui la protéase piégée dans un complexe covalent avec la serpine et donc indissociable sur gel dénaturant. La cristallisation récente de ce complexe [8] a permis de montrer la nature de l’inhibition : l’interaction entre la serpine et la protéase au moment de ce mouvement de bascule entraîne chez cette dernière une inactivation du site actif via une distorsion de la structure locale éloignant les résidus impliqués. Les serpines ne ressortant jamais indemnes de l’interaction inhibitrice avec la protéase, elles ont été appelées “ inhibiteurs suicides ” [1]. Des mutations ponctuelles dans leur séquence peuvent perturber ce mécanisme extrêmement précis et sont à l’origine de maladies héréditaires très diverses, comme l’emphysème pulmonaire, par défaut d’inhibition de l’élastase par l’antitrypsine, la thrombose par dysfonctionnement de l’antithrombine, ou encore certaines maladies neurodégénératives par formation anormale de polymères de neuroserpine.

Le couple LEI/L-DNase 2

La LEI, qui se comporte en tous points comme la majorité des serpines, possède néanmoins une particularité intéressante. En effet, nous avons montré [9, 10] que son interaction avec l’élastase se traduisait par l’apparition d’une nouvelle activité enzymatique : la DNAse II (rappelons que les DNAses II, contrairement aux DNases I, sont des endonucléases indépendantes des cations, actives à pH acide et engendrant des extrémités 3’ phosphate). Comme cette DNAse II est issue de la transformation de la LEI, nous l’avons appelée “ L-DNase II ”. Cette transformation s’accomplissant pendant l’induction de l’apoptose dans certains modèles, nous avons émis l’hypothèse selon laquelle la LEI, protéine cytoplasmique inhibant l’activité protéasique dans la cellule vivante, se transforme, sous l’effet d’un signal apoptotique, en L-DNase II [10, 11]. Cette dernière peut alors dégrader l’ADN tandis que l’inhibition protéasique ayant disparu simultanément, les protéases peuvent dégrader les protéines. La LEI/L-DNase II, selon la conformation adoptée, serait donc tantôt anti-, tantôt pro-apoptotique (Figure 2).

Les contraintes structurales

Nous nous retrouvions donc en présence d’une protéine possédant deux activités mutuellement exclusives : une activité anti-protéase d’une part et une activité endonucléase d’autre part. En outre, les substrats de ces deux activités avaient une localisation subcellulaire différente : l’élastase, substrat de la LEI, est une enzyme cytoplasmique tandis que l’ADN, substrat de la LDNase II, est localisé dans le noyau. Cela impliquait des contraintes structurales que l’on peut résumer ainsi :

  • si la LEI acquiert une fonction DNase, elle doit posséder dans sa séquence des acides aminés susceptibles d’appartenir à un site actif DNase ;
  • sur la configuration 3D de la forme clivée, ces acides aminés doivent se situer dans une position compatible avec une interaction ADN/protéine ;
  • si la LEI, protéine cytoplasmique, se transforme au cours de l’apoptose en DNase, elle doit posséder des séquences capables de l’adresser au noyau ;
  • sur la configuration 3D de la forme clivée, ces séquences doivent se trouver exposées à l’extérieur de la molécule, afin d’être reconnues par les protéines impliquées dans la nucléarisation.

Nous nous sommes donc proposés de vérifier que ces contraintes étaient compatibles avec l’analyse structurale de la molécule. Cette analyse a été effectuée sur la forme clivée de la LEI de cheval [12]. La forme native, c’est-à-dire celle qui expose sa boucle réactive, n’a pu être cristallisée en raison de son instabilité (qui favorise la modification conformationnelle au cours du mécanisme inhibiteur). Pour cette étude, nous avons utilisé le programme RASMOL .

A la recherche d’un site actif DNase

Il semble que l’histidine soit un acide aminé essentiel à toute activité DNase. Plusieurs travaux ont montré que, parmi les mutations ponctuelles entraînant la perte de l’activité DNase, le remplacement d’une histidine par un autre acide aminé était souvent retrouvé [1318]. A l’inverse, la substitution d’un acide aminé par une histidine peut faire apparaître une activité endonucléase [19]. L’histidine, qui a la particularité d’osciller facilement entre l’état “protonné” et “déprotonné” est d’ailleurs retrouvée dans les sites actifs de nombreuses enzymes fonctionnant grâce à un échange de protons. La LEI /L-DNase II de cheval qui nous a servi de modèle possède en tout 7 histidines. La comparaison avec les LEI de deux autres mammifères (Figure 3A) montre que seules 4 de ces histidines sont conservées et donc susceptibles d’être des résidus candidats du site actif. Afin de mettre en évidence d’éventuelles séquences consensus parmi les DNases, nous avons comparé les séquences de plusieurs DNases, toutes catégories confondues (Figure 3B). Il s’avère qu’une séquence Asp-His se retrouve dans la plupart d’entre elles, plus précisément dans la partie carboxy-terminale. Plusieurs auteurs signalent d’ailleurs ce couple de résidus comme déterminant pour l’activité de certaines DNases [2024]. Nous avons retrouvé cette paire de résidus dans la séquence de la LEI, en position 356-357 c’est-à-dire à 23 résidus de l’extrémité carboxy-terminale. Elle est conservée dans les trois espèces étudiées. Nous avons alors recherché sa position dans la structure 3D de la molécule. La figure 4A montre qu’elle est située au sein d’une petite dépression ménagée sur l’une de ses faces. Cette même figure, qui présente la molécule colorée suivant sa charge, montre qu’un halo de charges positives encadre cette région candidate du site actif. Cela est en faveur de cette localisation, la fixation de la DNase à ’ADN requérant l’interaction entre les charges positives portées par la protéine et les charges négatives portées par les phosphates de l’acide nucléique.

Il est intéressant de noter que, dans plusieurs travaux sur le site actif DNase, une seconde histidine est retrouvée parmi les acides aminés déterminants du site actif, soit grâce à des expériences de cristallographie d’un complexe DNase / ligand [25] soit par mutagenèse dirigée [26, 18] et que son existence a été suggérée sur une DNase II [23]. Un tel couple d’histidines est également responsable de l’activité nucléasique de la ribonucléase pancréatique dont le mécanisme catalytique est parfaitement connu [27] : la liaison phosphodiester est scindée grâce à un transfert de protons faisant intervenir 2 histidines. Sur la L-DNase II, une seule histidine, l’histidine 272, est suffisamment proche de l’histidine 357 pour faire partie du site actif présumé (Figure 4B). Or, elle n’est pas parmi les résidus conservés entre les 3 LEI de mammifères étudiés (elle est remplacée par une sérine sur la LEI humaine ; Figure 3A). On peut donc penser que si l’histidine 357 participe au site actif, le mécanisme catalytique ne fait pas intervenir de seconde histidine.

L’importation nucléaire

Les mécanismes de l’importation nucléaire sont des découvertes relativement récentes mais le très grand nombre de travaux engagés sur le sujet pendant cette dernière décennie a permis une rapide avancée des connaissances dans ce domaine. On sait maintenant qu’une protéine est généralement adressée au noyau grâce à une séquence consensus de nucléarisation (NLS pour nuclear localisation signal) destinée à être reconnue par une protéine transporteur (karyophérine, encore appelée “ importine ”). Celle-ci, active sous forme d’un hétérodimère α/ß, reconnaît à son tour le complexe du pore nucléaire (→) [2830]. Les séquences consensus de nucléarisation sont formées d’une succession d’acides aminés basiques. Classiquement, on en distingue deux types (Figure 3Ca) : les signaux monopartites, formés d’une succession non interrompue de 3 à 5 résidus basiques (lysine et arginine) et les signaux bipartites, équivalant à un signal monopartite auquel s’ajoute une paire de résidus basiques situés 10 résidus en amont [31]. Des travaux récents de co-cristallisation d’une importine α avec un peptide NLS [3234] ont permis de préciser les résidus de l’importine impliqués dans cette reconnaissance : l’importine fixe les lysines composant la séquence NLS grâce à l’action synergique de résidus polaires acides liant leurs groupements NH3+ terminaux et de résidus apolaires liant leur longue chaîne latérale carbonée.

(→) m/s 2002, n°1, p. 41

Après examen de la séquence de la LEI, nous avons trouvé qu’elle contenait un signal de nucléarisation bipartite classique (Figures 3A et 3C). Il est composé respectivement de deux groupes de 2 et 3 lysines, séparés par 10 acides aminés non basiques. La comparaison avec d’autres séquences de serpines montre que ce signal n’est pas retrouvé sur la plupart d’entres elles (Figure 3Cb).

Nous avons recherché l’emplacement de ce signal dans la structure 3D de la LEI clivée. La figure 5 montre que ce signal se situe, comme attendu, à l’extérieur de la molécule. Il est contenu dans le halo de charges positives entourant la région candidate du site actif DNAse. Les deux groupes de lysines constituant le signal sont particulièrement bien exposés et nous avons vérifié que leur écartement rendait possible une interaction avec l’importine α (Figure 6) censée reconnaître ce signal.

Régulation de l’importation nucléaire

Nous nous sommes ensuite demandés sous quelle forme, native ou clivée, la LEI était adressée au noyau. L’examen structural pouvait-il apporter la réponse ? Nous étions limités par le fait que seule la forme clivée de la LEI avait pu être cristallisée. Nous avons pu contourner la difficulté grâce à l’examen d’une autre serpine, l’antithrombine, qui, contrairement à la LEI, a pu être cristallisée sous sa forme native, dans un complexe forme clivée/forme native stabilisant cette dernière (code d’accès PDB : 1ATH). Les structures de la plupart des serpines étant presque superposables, cela permet, en se servant de l’antithrombine, de situer le signal de nucléarisation de la LEI par rapport à la boucle réactive de sa forme native (Figure 7A). Il s’avère alors que cette boucle masque en grande partie ce signal, entravant sa liaison avec l’importine et rendant donc très improbable la nucléarisation de la molécule sous sa forme native. Cela est en accord avec nos résultats indiquant que c’est la forme clivée, donc possédant une activité DNase, qui pénètre dans le noyau [9]. On peut alors se demander si cette molécule clivée pénètre dans le noyau sous forme complexée à la protéase responsable de cette coupure ou bien si elle pénètre après dissociation du complexe. Nous avons montré que dans l’apoptose induite par la staurosporine sur des cellules L1210 en culture, un complexe de 70 kDa, doublement immunoréactif (anti LDNaseII / anti-élastase) était transloqué dans le noyau [35]. Ces résultats penchent en faveur de la première hypothèse. Ils ne sont pas contredits par les données structurales puisque la protéase, après la modification conformationnelle induite par la coupure de la boucle, se retrouve à l’autre extrémité de la serpine, et donc ne risque en aucun cas d’interagir avec les signaux d’importation nucléaire (Figure 1).

Le clivage de la boucle réactive de la LEI aboutirait donc non seulement à sa transformation en DNase mais aussi à son passage dans le noyau. Le masquage/démasquage des signaux d’importation nucléaire est une des voies de contrôle de la nucléarisation. Alors que ce masquage est souvent dû à l’association avec une protéine “ de séquestration ”, il serait assuré ici par la proéminence d’un domaine intrinsèque, comme c’est aussi le cas pour le suppresseur de tumeur p53 [36]. Dans cette hypothèse, et sachant qu’une serpine inhibe généralement plusieurs protéases, il resterait bien sûr à déterminer lequel démasque le signal en coupant la boucle. Nous avons montré que, dans la rétine embryonnaire qui connaît une importante vague d’apoptose, cette protéase, active à pH 4, est différente de l’élastase [37].

Une autre piste a été envisagée pour la régulation de l’importation nucléaire : Dubin et al. [38] ayant décrit une co-purification de la LEI avec la ß-thymosine, on peut se demander si cette petite protéine, dont on connaît le rôle dans le contrôle de la polymérisation des microfilaments via la séquestration de l’actine, n’est pas aussi capable d’interagir avec la LEI, à l’occasion d’un autre processus de régulation. Nous avons vérifié que la séquence pressentie par ces auteurs pour la fixation de la thymosine sur la LEI, est située tout contre la première partie du signal de nucléarisation (Figure 7B). La fixation de la thymosine au niveau de cette séquence interdirait donc toute translocation nucléaire. On peut alors se demander par quel processus, et après quelle cascade de transduction, un signal apoptotique aboutirait, dans le cadre de cette hypothèse, à la libération de la thymosine et au démasquage du signal.

D’autres voies ont été décrites pour la régulation de la translocation nucléaire. La phosphorylation est peutêtre la plus commune [39]. Nous avons recherché sur la LEI des séquences potentielles de phosphorylation. L’une d’entre elles (séquence consensus de phosphorylation par la kinase dépendante de l’AMPc et du GMP) contient 2 des lysines (189 et 190) appartenant au signal de nucléarisation.

Quoi qu’il en soit, on peut donc penser que, dans ce modèle l’affrontement entre les facteurs pro- et antiapoptotiques pourrait entre autre se jouer au niveau de la translocation nucléaire, comme c’est le cas pour de nombreux phénomènes cellulaires.

Conclusions, perspectives

En conclusion, cette analyse structurale montre que la LEI, inhibiteur de protéase, possède en elle les éléments nécessaires à son activité endonucléase :

  • un signal capable de l’adresser au noyau, masqué dans sa forme native;
  • une région de surface riche en charges positives susceptibles de lier l’ADN, entourant une paire de résidus retrouvée dans le site actif de plusieurs DNAses.

Néanmoins, ces observations ne constituent pas des preuves et des expériences de mutagenèse dirigée, actuellement en cours, sont nécessaires pour étayer notre propos. Concernant le site actif DNase, un grand pas sera fait quand une cristallisation du complexe ADN/LDNase II aura pu être réalisée. Il sera nécessaire pour cela d’obtenir un mutant capable de se lier à l’ADN sans le dégrader. Cela nous permettra de vérifier si l’histidine 357 participe bien au site actif. Le remplacement des alanines de la région charnière (Figure 3A) de la boucle par des résidus polaires, plus encombrants, devrait entraver l’insertion de cette boucle et transformer la LEI en un substrat “inoffensif” de la protéase. Des mutants du signal d’importation nucléaire permettront de vérifier l’efficacité du signal et de dégager les résidus critiques. Nous nous proposons également d’étudier la formation du complexe LEI / importine α avec les formes native ou clivée de la LEI, afin de vérifier que le complexe se forme avec la forme clivée tandis que la boucle présente sur la forme native empêche sa formation.

Cependant, le cas de la LEI s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large qui reste à explorer. Ce changement de fonction par modification conformationnelle n’est pas rare dans le monde des protéines et, dans plusieurs travaux récents, on commence à analyser les bases structurales de cette pluripotentialité [40]. La famille des serpines est particulièrement concernée puisque la modification conformationnelle fait partie intégrante du fonctionnement de ces inhibiteurs de protéases. Il n’est pas étonnant de trouver parmi elles des protéines qui, à la suite de cette modification, acquièrent une fonction qui n’a plus rien à voir avec leur fonction première qui est de régler la protéolyse dans divers processus physiologiques. C’est ainsi que la forme clivée de l’antithrombine se révèle être un inhibiteur de tumeur [41], tandis que la PAI1 (plasminogen activator inhibitor 1), sous cette forme, favoriserait au contraire les métastases en entrant en compétition avec les intégrines de la matrice extracellulaire [42].

Au cours de l’évolution, certaines serpines ont même détourné cette capacité naturelle à changer de forme pour accomplir une fonction à part entière, abandonnant définitivement leur fonction d’inhibiteur. C’est le cas de la CBG (cortisol binding protein) et de la TBG (thyroxine binding protein) qui mettent à profit leur changement de conformation pour délivrer les hormones qu’elles transportent sur les sites d’inflammation [43, 44]. La conformation qu’elles adoptent après coupure par l’élastase des neutrophiles, abondante sur les sites d’inflammation, les détachent en effet de leur ligand respectif. Bien d’autres serpines sont impliquées dans des processus qui ne semblent plus liés à une quelconque fonction inhibitrice et qui parfois n’impliquent même plus de modification conformationnelle. L’ovalbumine en est l’archétype [45].

D’autres serpines seraient-elles comme la LEI capables d’activité DNase ? On peut se poser la question car le couple DH pressenti pour l’activité DNase de la LEI se retrouve dans un certain nombre d’entre elles, ce doublet faisant partie de la “signature” des serpines (Figure 3C). Cependant, une seulement parmi celles dont nous avons analysé les séquences possède en même temps un signal d’importation nucléaire (Figure 3C). Il s’agit de la bomapine, serpine intracellulaire comme la LEI, qui possède un triplet de 3 lysines correspondant à la moitié de la séquence NLS de cette dernière. L’antichymotrypsine, elle, ne possède pas de couple DH, mais possède un triplet de lysines correspondant à l’autre moitié (augmentée d’une lysine) du signal NLS de la LEI. Deux lysines supplémentaires en position carboxy-terminale ont été considérées comme le complément d’un signal qu’on peut qualifier d’atypique puisque ses deux composantes sont éloignées de près de 200 résidus sur la structure primaire. La structure tertiaire les rapproche et le signal ainsi formé semble efficace puisque la nucléarisation de la protéine ainsi que sa liaison à l’ADN ont été clairement démontrées [46]. Cela laisse entrevoir qu’une protéine peut être adressée au noyau via un signal non détectable sur sa structure primaire et rend donc très utile l’analyse structurale. Comme nous avons vérifié que l’antichymotrypsine ne possédait pas d’activité DNase et comme, par ailleurs, elle ne présente aucune séquence consensus susceptibe de se fixer à des séquences régulatrices sur l’ADN [46], on peut se demander quelle mission cette serpine est susceptible d’accomplir dans le noyau. Par ailleurs, il est intéressant de noter que, contrairement à la LEI, la boucle réactive ne masque pas de façon évidente les lysines nécessaires à sa fixation à l’ADN. Cela explique que l’affinité pour l’ADN soit la même pour les formes native et clivée [46]. Comme ces lysines sont aussi des signaux présumés de nucléarisation, l’antichymotrypsine, contrairement à la LEI, pourrait donc passer dans le noyau sous sa forme native.

L’intérêt paraît évident de passer ainsi d’autres serpines au crible de l’analyse structurale. Cela permettrait peut-être de mettre à jour d’autres couples fonctionnant sur le mode de la LEI/L-DNase II. La modification conformationelle étant à la base du processus inhibiteur caractérisant cette famille, il y a fort à parier que bien d’autres de ses membres aient acquis par cette voie une seconde activité qui reste encore à découvrir.

 
Acknowledgments

Ce travail a été possible grâce au soutien des associations Retina France et ARC (Association pour la Recherche contre le Cancer).

Nous remercions les autres membres de notre équipe, Séverine Altairac, Jean-Yves Brossas, Elisabeth Chaudun, Jacques Tréton et Samia Zeggai, pour leur participation fructueuse au développement du sujet.

 
Footnotes
1les importines ont des séquences suffisamment conservées pour qu’une reconnaissance interspécifique soit possible
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