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Med Sci (Paris). 2002 October; 18(10): 1017–1026.
Published online 2002 October 15. doi: 10.1051/medsci/200218101017.

Réorganisation des compartiments intracellulaires membranaires pendant la mitose

Jean-Claude Courvalin1 and Catherine Rabouille2,3*

1Institut Jacques Monod, Cnrs, Universités Paris 6-7, Tour 43, 2, place Jussieu, 75251 Paris Cedex 05, France
2The Wellcome Trust for Cell Biology, Institute of Cell and Molecular Biology, The University of Edinburgh, Michael Swann Building, Mayfield Road, Edinburgh, EH9 3JR, UK
3Adresse actuelle : Departement of cell biology, AZU RM G02.525, Heidelberglaan 100, 3584 CX Utrecht, Pays-Bas
Corresponding author.
 

On définit par compartiments cellulaires les organites cytoplasmiques entourés d’une membrane. Certains organites comme les endosomes, les lysosomes, les mitochondries et les peroxysomes sont présents en plusieurs exemplaires dans la cellule. D’autres, tels l’appareil de Golgi des mammifères, le réticulum endoplasmique (RE) et l’enveloppe nucléaire sont uniques.

En mitose, la répartition du matériel génétique dupliqué entre les cellules filles est strictement contrôlée. De même, il est essentiel que les compartiments cellulaires soient répartis équitablement. Deux modèles ont été proposés pour expliquer la division des organites [1]. Le premier modèle est dit « stochastique » (au hasard). La distribution uniforme des fragments d’organites dans la cellule en division assurerait leur répartition passive et équitable dans les cellules filles. Plus le nombre de copies de l’organite est grand, plus la répartition est précise et équitable. Le second modèle est dit « ordonné » et invoque une ségrégation active des organites. C’est le cas des mitochondries dont la répartition est dépendante du réseau actine/myosine [2]. Ce serait le cas également des endosomes et des lysosomes qui seraient ségrégés équitablement entre les cellules filles du fait de leur accumulation près des pôles du fuseau mitotique [3]. Ce paradigme de la conservation de l’identité des domaines membranaires pendant la mitose, avec répartition stochastique ou ordonnée de leurs éléments, a été contesté récemment par l’utilisation de nouvelles techniques d’imagerie qui permettent l’étude dynamique in vivo des différents compartiments cellulaires pendant le cycle cellulaire. Les images obtenues suggèrent la disparition transitoire, pendant la mitose, de l’appareil de Golgi et de l’enveloppe nucléaire par résorption dans le RE, leur compartiment d’origine. Ces compartiments seraient ensuite régénérés à partir du RE réparti dans les cellules filles. Ce nouveau modèle de division des organites a suscité des travaux expérimentaux qui, soit le confortent, soit le contredisent. Le but de cet article est de faire le point sur ces résultats contradictoires, en limitant notre étude au RE, à l’appareil de Golgi et à l’enveloppe nucléaire.

Les compartiments uniques de la cellule

Le réticulum endoplasmique (Figure 1A) est un système membranaire continu qui s’étend dans l’ensemble du cytoplasme. Sa membrane est très sinueuse et repliée sur elle-même avec un espace luminal unique. Elle représente 50 % des membranes totales de la cellule et sa lumière occupe plus de 10 % du volume cellulaire total. Sur une partie des membranes du RE se trouvent ancrés les ribosomes, créant ainsi les sites de sortie du RE (Figure 1B).

L’enveloppe nucléaire consiste en deux membranes concentriques, les membranes nucléaires externe et interne, connectées par un domaine membranaire à forte courbure au contact des pores nucléaires [4] (Figure 2A). La membrane nucléaire externe, par sa composition et ses fonctions, fait partie du RE. La membrane nucléaire interne contient des protéines transmembranaires spécifiques (Figure 2A), qui fournissent des sites d’attachement pour l’hétérochromatine et la lamina nucléaire. La lamina nucléaire est un réseau protéique formé par des protéines de la famille des filaments intermédiaires, les lamines de type A et B. Les membranes nucléaires sont donc bien un domaine différencié du RE. Les protéines transmembranaires des domaines de l’enveloppe nucléaire sont synthétisées dans le RE, puis diffusent latéralement dans le plan des membranes et sont finalement retenues au pore et à la membrane interne par interaction avec des protéines spécifiques du pore, de la lamina et de la chromatine (Figure 2A). L’appareil de Golgi des cellules de mammifères en interphase se présente comme un empilement de compartiments membranaires plats d’un micromètre de diamètre environ, les saccules golgiens, constituant « l’empilement golgien » (Golgi stack [5]). GRASP65 et 55 (Golgi reassembly stacking proteins) sont deux protéines impliquées dans la formation de ces empilements [6, 7]. Ces empilements sont polarisés et on distingue les saccules cis, médian ou trans à mesure de leur éloignement du RE (Figure 1A). Les saccules de même nature appartenant à deux empilements adjacents sont reliés les uns aux autres par des tubules. L’ensemble forme un réseau juxta-nucléaire compact d’une architecture unique, le « ruban golgien » (Figure 1A).

Le RE, l’enveloppe nucléaire et l’appareil de Golgi sont présents en un seul et unique exemplaire dans les cellules de mammifères. Leur partition pendant la mitose nécessite donc un remodelage important de leur structure.

Aspects moléculaires du trafic membranaire en interphase

Les glycoprotéines destinées au milieu extracellulaire et aux compartiments membranaires situés en aval du RE sont synthétisées dans le RE et la citerne périnucléaire (Figure 1A). Ces protéines sont ségrégées dans des vésicules qui bourgeonnent à partir de domaines spécialisés du RE (sites de sortie ; Figure 1B) et qui sont recouvertes d’un complexe protéique ou manteau COPII. L’assemblage du manteau COPII requiert l’hydrolyse du GTP par la GTPase Sar1 [8] comme le montre l’effet dominant négatif sur la formation des vésicules COPII de mutants de Sar1 fixés sous la forme Sar1-GDP [9]. Les vésicules COPII perdent leur manteau protéique avant de fusionner avec un compartiment intermédiaire composé de tubes, de tubules et de vésicules membranaires, le réseau du cis-Golgi (Figure 1A et B). Le trafic du RE vers le cis-Golgi représente le transport antérograde. Le contenu du cis-Golgi dirigé vers les compartiments en aval, soit par vésiculation, soit par maturation, atteint la face de sortie du trans-Golgi où il est trié et expédié vers les compartiments appropriés [9].

Contre-balançant le transport antérograde, les saccules golgiens et le cis-Golgi expédient des vésicules recouvertes du manteau protéique COPI vers les compartiments en amont, dont le RE, par un mécanisme dit de transport rétrograde (Figure 1B) [8, 10]. Ces vésicules contiennent des protéines solubles ou membranaires qui ont été adressées par erreur au cis-Golgi ou qui sont à recycler, comme les protéines SNARE (SNAP receptors) (Figure 3) [9]. Les enzymes golgiennes sont aussi recyclées à faible taux dans le RE à partir des saccules golgiens [11]. Ce recyclage est mis en évidence de façon spectaculaire par action de la bréfeldine A, un métabolite fongique qui inhibe le transport antérograde [11], ou par l’expression du mutant Sar1. Dans ces deux circonstances, la majorité des enzymes et des protéines golgiennes sont réadressées complètement au RE [12]. La précision du transport membranaire est obtenue par la spécificité d’adressage et de fusion des vésicules au compartiment accepteur (Figure 3).

Évolution des méthodes d’investigation

L’étude des compartiments membranaires intracellulaires a largement bénéficié des nouvelles méthodologies de microscopie associées à l’utilisation de molécules fluorescentes. L’expérience montre que l’emploi simultané de méthodologies différentes permet de compenser les désavantages de chaque méthode.

Les résultats accumulés à partir de 1970 sont issus de l’utilisation de la microscopie électronique et de la microscopie par immunofluorescence classique ou confocale, méthodes statiques puisque effectuées sur du matériel fixé [13]. Le fractionnement cellulaire et l’ultracentrifugation différentielle ont également permis la caractérisation biochimique des compartiments membranaires, au prix d’une homogénéisation cellulaire qui aboutit inévitablement à la vésiculation des membranes les plus fragiles.

Une véritable révolution méthodologique est apparue vers 1997 [1416] avec l’utilisation de la protéine fluorescente GFP (green fluorescent protein) fusionnée à des protéines spécifiques des divers compartiments. Cela a permis les premières études in vivo de la dynamique des compartiments cellulaires par vidéomicroscopie et l’acquisition de données quantitatives, telles que la vitesse de diffusion des protéines dans les membranes ou leur espace de diffusion dans la cellule. La découverte de nouvelles protéines fluorescentes émettant dans le rouge (DsRed), le jaune (YFP) ou le bleu (CFP), permet désormais de suivre plusieurs protéines recombinantes simultanément in vivo.

Une autre approche dynamique est fondée sur la reconstitution ou la dispersion de compartiments membranaires isolés puis incubés dans des extraits cytosoliques interphasiques ou mitotiques. Cette approche in vitro a l’avantage de permettre l’introduction ou la déplétion de facteurs exogènes (inhibiteurs des protéine kinases, protéines recombinantes purifiées) dans le système. Ainsi, la dynamique de l’appareil de Golgi in vitro a été étudiée en utilisant soit des empilements golgiens purifiés à partir de foie de rat et incubés dans du cytosol mitotique [5], soit dans des cellules perméabilisées [17]. De même, la dispersion et la reconstitution in vitro de l’enveloppe nucléaire autour de la chromatine a été effectuée dans des extraits mitotiques ou interphasiques d’œufs de xénope ou d’oursin [18, 19].

Le réticulum endoplasmique en mitose

Les observations de microscopie électronique montrent que le RE se fragmente de façon modérée en mitose et que cette fragmentation varie selon les types cellulaires. Un large réseau de citernes interconnectées occupant le cytoplasme de la cellule mitotique est révélé dans des cellules exprimant un marqueur du RE couplé à la peroxydase [20]. Des études dynamiques dans des cellules somatiques et embryonnaires exprimant des protéines intégrales du RE couplées à la GFP montrent que leur vitesse et leur espace de diffusion sont identiques dans les cellules interphasiques et mitotiques [15, 21]. En mitose comme en interphase, le RE semble donc constitué d’un réseau de citernes et de tubules interconnectés, dans lequel les protéines intégrales peuvent diffuser très rapidement. La partition du RE dans les cellules filles n’est donc pas secondaire à un phénomène de vésiculation, mais plutôt le résultat de la fragmentation de larges domaines membranaires, induite progressivement par l’anneau contractile du sillon de division. Cette partition semble activée par l’association avec les microtubules des pôles mitotiques [21].

L’enveloppe nucléaire en mitose
La cellule entre en mitose
L’enveloppe nucléaire est une structure dynamique qui croit en interphase, disparaît en prophase, et est reconstituée après la métaphase. En prophase, les chromosomes se condensent, les filaments de la lamina sont dépolymérisés, les pores nucléaires dissociés et les lamines et les nucléoporines dispersées à l’état soluble dans le cytoplasme. Les membranes de l’enveloppe sont dispersées, exclues du fuseau mitotique, et perdent ainsi tout contact avec les chromosomes (Figure 2B).

La dispersion des membranes nucléaires en mitose est due principalement à la phosphorylation de nombreux composants des domaines membranaires et juxta-membranaires de l’enveloppe. En particulier, les protéines intégrales LBR (lamin B receptor) et les LAP (lamin associated proteins), les lamines de type A et B, certaines nucléoporines (dont gp210) et certaines protéines de la chromatine sont des substrats de la kinase mitotique cycline B/Cdk1 (cyclin dependent kinase) [2224]. Les lamines sont phosphorylées par la PKC (protéine kinase C) et Cdk1 selon un processus vraisemblablement séquentiel [25].

La cellule sort de mitose
La reconstitution de l’enveloppe nucléaire après la métaphase se fait par étapes (Figure 2B). L’appareil mitotique régressant, les contacts entre les chromosomes et les membranes sont rétablis dès l’anaphase [15, 2628]. En télophase, les membranes fusionnent et les pores nucléaires sont reconstitués à partir des nucléoporines membranaires et solubles, mais ils ne redeviennent fonctionnels qu’en télophase tardive, lorsqu’ils sont ancrés et scellés aux membranes par l’adressage de gp210 [28]. Les lamines sont réimportées en télophase tardive et en phase G1 précoce, permettant la croissance en taille de l’enveloppe [26, 28]. Cette reconstitution séquentielle de l’enveloppe a également été obtenue in vitro [25].

La reconstitution de l’enveloppe nucléaire après la métaphase est due à une déphosphorylation de différentes protéines par des phosphatases, la mieux identifiée étant la phosphatase P1, dont la lamine B est un substrat [29]. La fusion des membranes est induite par la présence, sur les chromosomes, de la GTPase Ran sous la forme Ran-GTP, secondairement à l’action du facteur d’échange GDP-GTP chromatinien RCC1 (regulator of chromosome condensation 1) [19]. L’ATPase p97 agirait en aval de Ran dans la reconstitution de l’enveloppe nucléaire [30].

Quel est le devenir des membranes nucléaires en mitose ?
Deux modèles coexistent actuellement pour expliquer le devenir des membranes nucléaires en mitose.

Le premier modèle propose que les membranes nucléaires se fragmentent en domaines membranaires plus petits, de taille indéterminée, qui conservent leur identité. Plusieurs observations sont en faveur de ce modèle : (1) la fragmentation des membranes nucléaires observée en ultrastructure ; (2) l’isolement, à partir d’homogénats de cellules mitotiques, de fractions membranaires enrichies soit en marqueurs de la membrane nucléaire interne (LBR et LAP2), soit en marqueurs des pores (gp210) [26, 27] ; (3) le fait qu’en sortie de mitose, les marqueurs de la membrane interne et des pores sont adressés à la chromatine successivement, suggérant un adressage séquentiel de vésicules différentes [26, 27]. Ces vésicules seraient donc individualisées en prométaphase, fusionneraient en anaphase et en télophase pour reformer l’enveloppe interphasique. Ainsi, dans ce modèle, l’enveloppe nucléaire serait le résultat d’un équilibre entre les activités de vésiculation et de fusion. En prophase, la vésiculation l’emporterait sur la fusion, produisant des vésicules dérivées des différents domaines de l’enveloppe nucléaire, tandis que la prédominance de la fusion après la métaphase permettrait la reconstitution de l’enveloppe nucléaire.

Un deuxième modèle a été proposé récemment, fondé sur l’étude dynamique, pendant la mitose, de marqueurs de l’enveloppe nucléaire. Ce modèle suggère une disparition transitoire des domaines membranaires nucléaires pendant la mitose par résorption dans le RE, donc sans fragmentation mais avec perte de leur identité protéique (Figure 2B). L’expression de protéines intégrales recombinantes, étiquetées avec la GFP, a montré que ces protéines peuvent diffuser aussi rapidement et librement dans les membranes du RE des cellules métaphasiques que les protéines du RE ellesmêmes [15, 28]. Or, la présence de ces protéines dans des vésicules isolées devrait ralentir leur diffusion. Ces résultats suggèrent donc un système membranaire continu dans lequel les protéines intégrales de la membrane nucléaire diffuseraient en prophase et en métaphase, avant de s’immobiliser à nouveau en anaphase-télophase, par contact avec les lamines, les pores nucléaires en voie de reconstitution et des protéines de la chromatine (Figure 2B).

Pour les cellules somatiques, il semble exister désormais un consensus en faveur du second modèle. L’adressage séquentiel des protéines intégrales des différents domaines en sortie de mitose observé par immunofluorescence conventionnelle [26, 27] a été confirmé par les études dynamiques, mais réinterprété comme survenant dans le réseau membranaire continu du RE mitotique [15, 28]. En raison de l’épaisseur des ovocytes et des cellules dans les embryons précoces, aucune étude dynamique similaire n’a été possible et le problème de l’existence de vésicules dans le cytoplasme de l’ovocyte et les cellules embryonnaires reste entier.

L’appareil de Golgi en mitose
La cellule entre en mitose
La ségrégation des amas mitotiques golgiens est ordonnée Du fait de sa structure complexe, les changements morphologiques de l’appareil de Golgi en mitose sont spectaculaires. Les tubules joignant les saccules de deux empilements golgiens adjacents se rompent en prophase, entraînant la fragmentation du ruban golgien en empilements golgiens plus petits. En métaphase, ceux-ci sont euxmêmes fragmentés en amas mitotiques golgiens composés de tubules de 15 à 250 nm de longueur, de petites vésicules de 50 à 70 nm de diamètre et de vésicules plus grandes. Les petites vésicules sont majoritairement recouvertes d’un manteau protéique COPI [5]. Elles représentent entre 60 et 75 % des membranes des amas mitotiques golgiens et semblent complètement dépourvues de marqueurs du RE [31]. L’amélioration des techniques de microscopie a fait évoluer le modèle initial de ségrégation stochastique des éléments du Golgi en mitose [1]. En effet, l’utilisation de marqueurs du Golgi a montré que les amas mitotiques golgiens sont des entités stables, en nombre constant (environ 300 dans les cellules HeLa) et qui, bien que dispersés pendant la mitose, conservent la polarité cis-trans normalement observée en interphase [14, 32]. Par ailleurs, l’examen en microscopie électronique de cellules exprimant un marqueur du Golgi couplé à la peroxydase [20] ou à la GFP [14] a confirmé la présence constante de marqueurs golgiens dans les amas mitotiques golgiens. Enfin, la micro-injection de tubuline marquée à la rhodamine dans les cellules exprimant une protéine du Golgi couplée à la GFP a montré que les amas mitotiques golgiens sont répartis de façon ordonnée et semblent ségréger par association avec les microtubules émanant des pôles du fuseau mitotique [33, 20]. On favorise donc désormais un modèle ordonné actif de partition du Golgi plutôt qu’un modèle stochastique passif (Figure 4A).
Une disparition transitoire du Golgi mitotique ? Les expériences précédentes concluaient à la conservation de l’identité golgienne malgré la perte de ses caractéristiques morphologiques. Un modèle récent a remis en cause la permanence même de cette identité, suggérant une résorption des protéines résidentes et des membranes golgiennes dans le RE dès l’entrée en mitose et maintenue jusqu’à la télophase (Figure 4A, modèle B) [16]. La partition de l’appareil de Golgi dans les cellules filles serait alors secondaire à la partition du RE en mitose [34]. En utilisant un marqueur du trans-Golgi fusionné à la GFP, les auteurs ont observé une dispersion quasi totale (98 %) de la fluorescence en mitose. Les valeurs de vitesse de diffusion et d’espace de diffusion obtenues par les techniques de photoblanchiment sont compatibles avec l’arrivée du marqueur dans un large compartiment dispersé dans l’ensemble de la cellule en division, évoquant le RE. Enfin, l’expression de la GTPase Sar1 mutée, qui bloque la production de vésicules COPII, empêche la reconstitution du Golgi en fin de mitose [34, 35] suggérant que celle-ci est entièrement dépendante du RE.

Malgré l’aspect contradictoire de ces deux modèles de division de l’appareil de Golgi lors de la mitose, il est vraisemblable que tous deux coexistent. Une partie du complexe golgien persisterait en mitose tandis qu’une autre partie serait résorbée dans le RE. Les amas mitotiques golgiens persistants seraient enrichis en protéines d’ancrage (GM130, p115, Giantin) et ségrégeraient avec les pôles mitotiques [20] tandis qu’une partie des enzymes et des membranes golgiennes serait résorbée dans le RE [36]. Le mécanisme de cette résorption est encore à définir, puisque le transport rétrograde est bloqué en mitose (voir plus loin).

Le contrôle moléculaire du remodelage de l’appareil de Golgi pendant la mitose Quel que soit son mode de ségrégation mitotique, l’appareil de Golgi est considérablement remodelé pendant la mitose. Aussi bien in vivo qu’in vitro, la formation des amas mitotiques golgiens semble être le résultat de deux processus parallèles, dépendant et indépendant de COPI (Figure 4) [5].

Dans le processus dépendant de COPI, les vésicules COPI seraient produites à la même vitesse qu’en interphase, mais leur accumulation proviendrait de leur incapacité à fusionner.

Le processus indépendant de COPI a été suggéré par la présence dans les amas mitotiques golgiens de larges vésicules et de tubules [5]. La dissection de ce processus au niveau moléculaire a permis d’identifier MEK1 (mitogen-activated protein kinase) comme agent de fragmentation [17]. CDK1 activerait MEK1 qui activerait à son tour un substrat potentiel (ERK : extracellular signal regulated protein kinase) spécifiquement localisé sur l’appareil de Golgi, entraînant ainsi sa fragmentation (Figure 4A).

Récemment, GRASP55, l’une des deux protéines impliquées dans l’empilement des saccules golgiens [7], a été identifiée comme un substrat de ERK2, elle-même substrat de MEK1 [37]. MEK1 a été également impliquée dans le désassemblage du ruban golgien en empilements golgiens par rupture des tubules de connexion [17].

La cellule sort de mitose
En sortie de mitose, les empilements golgiens se reforment à partir des amas mitotiques golgiens (Figure 4B) [5]. L’ancrage des fragments les uns aux autres permettrait la formation de contacts entre les récepteurs localisés à la surface des vésicules (v-SNARE) et des membranes cibles (t-SNARE) (Figure 3) et conduirait à la fusion des couches lipidiques des membranes. Les saccules seraient reformés et empilés simultanément. Ces petits empilements golgiens migreraient le long des microtubules interphasiques jusqu’au centre d’organisation des microtubules où le ruban golgien serait réassemblé. Le transport entre le RE et l’appareil de Golgi reprendrait juste avant que les empilements golgiens ne soient complètement formés.

Les mécanismes moléculaires de fusion ont été élucidés par la mise au point d’un modèle expérimental in vitro qui mime la sortie de mitose. À partir de fragments golgiens issus d’un système acellulaire mitotique, on peut reconstituer des empilements golgiens de grande taille par incubation dans un cytoplasme interphasique [5]. Le premier événement de ce processus semble être la déphosphorylation de la protéine d’ancrage GM130 par la protéine phosphatase 2A (PP2A). Cette déphosphorylation restaure la capacité de GM130 à interagir avec la p115, une interaction nécessaire au réassemblage [32].

Deux machineries de fusion des fragments mitotiques sont impliquées, le complexe NSF/αSNAP et le complexe p97/p47 (Figure 3) [5, 38]. Toutes deux, d’abord considérées comme indépendantes sont en fait interconnectées. En effet, la syntaxine 5, le t-SNARE golgien, est le récepteur d’αSNAP et aussi celui de p47 [39]. Le complexe p97/p47 pourrait donc aussi être impliqué dans la dissociation des liaisons v/t-SNARE, celle de la syntaxine 5 en particulier.

Conclusions et discussion

Nous avons examiné la division de deux compartiments membranaires directement issus du RE. L’un, l’enveloppe nucléaire, est en continuité directe avec le RE, et les protéines membranaires qui la composent y sont adressées par diffusion latérale, puis retenues par interaction avec un composant spécifique de la chromatine, de la lamina ou des pores. L’autre compartiment, l’appareil de Golgi, est au contraire en équilibre dynamique avec le RE par un processus permanent de vésiculation et de fusion. En mitose, tandis que le RE change en apparence de structure tout en continuant à former un réseau membranaire continu, ces deux compartiments vont connaître un sort différent, étroitement lié aux mécanismes différents de leur formation. Les protéines intégrales des membranes nucléaires, libérées de leurs interactions avec leurs partenaires, vont retrouver transitoirement leur mobilité et diffuser dans tout l’espace du RE. Entre prophase et métaphase, les membranes nucléaires vont donc perdre leur identité. Un mécanisme similaire de perte transitoire d’identité pendant la mitose a aussi été récemment proposé pour l’appareil de Golgi : la persistance de la fusion membranaire dans la voie rétrograde avec arrêt de la vésiculation dans la voie antérograde entraînerait une réintégration totale de l’appareil de Golgi dans le RE. De nombreuses données expérimentales accumulées démontrent que ce phénomène de réintégration est seulement partiel et que l’appareil de Golgi garde son identité en mitose.

Pour ces deux compartiments, enveloppe nucléaire et appareil de Golgi, c’est une vague de phosphorylations directes par la kinase mitotique cycline B/Cdk1 qui est à l’origine des modifications mitotiques, d’autres kinases en amont ou en aval pouvant également intervenir. Après la métaphase, survient une vague de déphosphorylations par des protéine phosphatases dont beaucoup restent à identifier.

Quant à la répartition du RE et des fragments golgiens dans les cellules filles, le modèle actuel serait plutôt ordonné que stochastique, les pôles mitotiques et les microtubules jouant un rôle essentiel dans cette répartition.

Enfin, on peut souligner que les mécanismes, exposés ici, de division mitotique des organites à copie unique dans les cellules somatiques existent également, avec quelques variations, dans les cellules à division asymétrique ou à organites à copies multiples.

Note ajoutée aux épreuves

Depuis la rédaction de cet article, deux publications ont montré que le processus de détachement de l’enveloppe nucléaire des chromosomes est un processus actif dépendant de la dynéine et des microtubules de l’aster [40, 41](→).

Par ailleurs, concernant la ségrégation de l’appareil de Golgi pendant la mitose, Seemann et al. ont montré que le mécanisme de ségrégation de l’appareil de Golgi est indépendant du réticulum endoplasmique [42] et le débat entre les deux modèles a fait l’objet d’un News feature dans Nature [43].

(→) m/s 2002, n°1, p. 41

 
Acknowledgments

Nous remercions les Drs Xavier Fant, Sandrine Ruchaud, Brigitte Buendia et Isabelle Duband-Goulet pour leurs judicieux commentaires sur le manuscrit.

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