Conduites addictives chez les adolescents :
prévention et accompagnement

2014


→ Aller vers ANALYSE→ Aller vers SYNTHESE
Recommandations
Par attrait de la nouveauté et par besoin d’imitation, l’adolescence est une période propice à l’expérimentation dans de nombreux domaines et notamment à l’initiation aux substances psychoactives ou à certaines pratiques pouvant constituer, chez certains, les prémices d’un usage problématique. Résultant d’une alchimie impliquant un individu, son environnement et un (ou plusieurs) produit(s), une simple expérimentation, selon son contexte, pourra aboutir à un comportement aux conséquences néfastes à court et à long terme. Le premier usage d’un produit, et en particulier la précocité de l’initiation, apparaissent comme des déterminants majeurs d’usage problématique par la suite. Aussi, la prévention des conduites addictives chez les adolescents, même si elles ne concernent qu’une minorité, constitue un enjeu majeur pour la société.
En préambule, il est important de préciser que tous les produits, licites ou non, susceptibles d’être à l’origine d’un comportement compulsif ou d’une dépendance sont à prendre en considération mais les actions à développer doivent cibler en priorité l’alcool et le tabac, voire le cannabis, en raison de niveaux d’usage et de dommages associés (en termes de santé publique) plus importants que pour les autres substances et les jeux.

Recommandations d’actions

Les recommandations d’action formulées par le groupe d’experts répondent à plusieurs logiques, non exclusives les unes des autres. Ces recommandations sont fondées sur les preuves d’efficacité (evidence-based) des interventions rapportées dans la littérature scientifique ; elles s’appuient également sur des modèles théoriques (theory-based, c’est généralement le cas des campagnes) qui proposent une liste de déterminants de santé sur lesquels il est possible d’agir ; enfin, elles prennent en considération les besoins exprimés par la population en termes d’information, de sensibilisation ou de services. Ces éléments d’information issus des terrains et des bénéficiaires de la prévention peuvent contribuer utilement à adapter, orienter voire développer des actions de prévention.
Les interventions dites « evidence-based », généralement évaluées sur des indicateurs comportementaux, ont ainsi fait la preuve d’effets bénéfiques sur les comportements de consommation (diminution, arrêt ou absence d’expérimentation) dans le contexte d’implantation de l’intervention, en l’occurrence le plus souvent anglo-saxon.
Les conduites addictives résultent d’interactions entre un produit, un individu et son environnement qui pourront être les cibles des actions de prévention. Les programmes de prévention doivent inclure si possible un ensemble d’actions ayant montré leur efficacité en termes de prévention universelle (population des adolescents) ou sélective (groupes à risque) ou indiquée (adolescents présentant des signes d’addiction) et en priorité les actions susceptibles d’être transférées et adaptées au contexte français. Ils doivent également privilégier les actions pouvant être implantées dans les systèmes de droit commun (école, PMI, médecine préventive universitaire). Dans tous les cas, il est recommandé de privilégier les programmes de prévention qui incluent un volet d’évaluation de leur efficacité. Les études indiquent qu’une intervention est d’autant plus efficace qu’elle s’inscrit dans un cadre multi-interventionnel ou multisystémique1 .
Les recommandations d’actions préconisées par le groupe d’experts ont trois objectifs majeurs :
• Prévenir l’initiation ou en retarder l’âge ;
• Éviter les usages réguliers ;
• Repérer au plus tôt les usages précoces et réguliers et promouvoir une prise en charge adaptée pour éviter les dommages sanitaires et sociaux.
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire d’assurer une coordination nationale et régionale des actions ainsi qu’un soutien financier pérenne.

I. Prévenir l’initiation ou en retarder l’âge

Sensibiliser le public et les différents acteurs à la vulnérabilité de l’adolescent

En dépit des restrictions d’accès aux produits psychoactifs (alcool, tabac, cannabis et autres produits illicites), les prévalences de consommations de ces produits demeurent élevées, à la fois chez les garçons et les filles, avec un âge d’initiation précoce pour certaines substances ou certaines pratiques. Or, l’adolescence constitue une période particulièrement critique en termes de vulnérabilité.
La consommation précoce de tabac, d’alcool, de cannabis ou d’autres substances psychoactives à l’adolescence peut être prédictive d’un usage nocif, voire d’une dépendance ultérieure à cette substance ou à une autre, de troubles du comportement ou de difficultés scolaires et professionnelles. Plus l’initiation de la consommation est précoce (dès le début de l’adolescence), plus les toxicités immédiates sont importantes, plus ces risques sont majorés. Par ailleurs, les processus de maturation cérébrale (qui se poursuivent jusqu’à environ 25 ans) entraînent une vulnérabilité exacerbée vis-à-vis de la neurotoxicité des substances psychoactives en général. Les consommations d’alcool, de cannabis et d’autres produits psychoactifs à cette période clé peuvent ainsi avoir des effets délétères sur le bon déroulement de ces processus et être la cause de dommages irréversibles. Il est à noter que si la consommation de tabac n’entraîne pas de trouble du comportement à l’adolescence, l’initiation précoce favorise la dépendance et majore les risques sanitaires (maladies respiratoires, cardiovasculaires, cancer…).
Concernant l’alcool, les pratiques de consommation ponctuelle importante (API) ont un impact particulièrement délétère sur le cerveau adolescent (toxicité, fonctionnement). Par ailleurs, les effets sur le fonctionnement cérébral et les capacités cognitives sont plus prononcés chez les filles que chez les garçons du même âge. Concernant le cannabis, la consommation au cours de l’adolescence rend vulnérable aux effets psychotomimétiques du cannabis et augmente le risque d’émergence de troubles psychotiques et de troubles cognitifs (notamment perte d’efficience intellectuelle) durables à long terme.
Alors que la pratique des jeux de hasard et d’argent n’est pas autorisée avant 18 ans, les enquêtes en population générale montrent qu’elle est fréquente chez les adolescents avec un risque de perte de contrôle et de passage au jeu problématique qui s’accroît avec la précocité de l’initiation. À cet égard, les études internationales révèlent une initiation précoce, dès le début de l’adolescence pour les garçons. Si la pratique des jeux de hasard et d’argent ne provoque pas de dommages sanitaires majeurs comme c’est le cas avec les substances psychoactives, la dérive addictive entraîne cependant des conséquences préjudiciables (propension à l’usage de substances psychoactives, symptômes dépressifs et anxieux, risque suicidaire, pertes financières, diminution des performances scolaires, activités délictueuses…).
Afin de repousser l’âge d’initiation, de diminuer les consommations des différentes substances psychoactives licites et illicites, d’agir sur les pratiques problématiques des jeux de hasard et d’argent, et de prévenir les usages abusifs pouvant conduire à une addiction, le groupe d’experts préconise d’informer et de sensibiliser le grand public et les différents acteurs concernés (jeunes, parents, intervenants du secteur scolaire, parascolaire et médical…) sur la vulnérabilité particulière du cerveau de l’adolescent et sur les dangers d’une initiation précoce. Le groupe d’experts recommande de renforcer les messages décrivant l’impact durable sur la santé, et en particulier sur le cerveau, d’une consommation massive et rapide d’alcool ainsi que d’une consommation régulière de cannabis pendant l’adolescence. Il convient de le faire sans dramatiser, en s’appuyant explicitement sur les données scientifiques récentes pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une position idéologique. La délivrance de ces informations pourrait faire appel à différents médias : campagnes d’information, sites Internet officiels fournissant des informations sur les risques associés aux substances et les pièges liés à la pratique des jeux de hasard et d’argent.
Même si les campagnes d’information isolées n’ont pas montré d’effets probants sur les comportements, les campagnes médias sont utiles pour modifier les motivations, les attentes et les représentations existantes, en instaurer de nouvelles ou diffuser des connaissances nécessaires à la prise de décision. Il est recommandé d’utiliser l’outil de l’information en accompagnement d’autres mesures (éducation, législation…) et d’optimiser les conditions de son efficacité (répétitions, contenu et médias adaptés aux populations visées). À ce titre, et de façon variable selon la cible et le comportement visés, les campagnes d’information peuvent contribuer utilement à créer un environnement social plus favorable à la santé.

Développer les compétences psychosociales des adolescents

Il est nécessaire de sensibiliser les jeunes aux risques associés à la consommation des différentes substances psychoactives, à leurs effets indésirables à court terme (auxquels les jeunes peuvent être réceptifs) et à long terme (auxquels les jeunes sont très peu sensibles), à la variabilité des risques selon les personnes. De même, il faut les sensibiliser aux pratiques problématiques des jeux de hasard et d’argent et des jeux vidéo. Toute action d’information auprès des jeunes doit s’inscrire dans la durée. L’information doit être accompagnée d’interventions validées qui permettent le développement des compétences de l’adolescent, y compris sur le versant émotionnel (prise de conscience et renforcement des ressources : estime de soi, habiletés sociales…), en présence de personnel formé. De plus, toute campagne de prévention auprès des jeunes doit prendre en considération l’influence des croyances et représentation de l’usage. Elle doit aider les adolescents à repérer une éventuelle hypersensibilité aux substances, notamment au cannabis, et confronter leurs expériences à celles véhiculées par les représentations ou croyances. Le développement de stratégies ou d’activités alternatives aux conduites de consommation, telles que la pratique d’un sport, permet à l’adolescent de trouver dans cette pratique une partie du bénéfice qu’il cherche dans l’usage de la substance psychoactive ou dans la pratique des jeux de hasard et d’argent, écrans, jeux vidéo ou Internet.
Le groupe d’experts recommande, comme cela existe déjà au niveau national de manière non structurée, que l’information auprès des jeunes soit accompagnée d’interventions visant un renforcement de leurs compétences psychosociales et de l’affirmation de soi. Le développement des compétences doit s’inscrire dans des activités de groupe utilisant des méthodes interactives (ateliers créatifs, mises en situation, jeux de rôle, discussions de groupe…).
Ces interventions doivent être en adéquation avec le calendrier des entrées dans la consommation des différents produits visés. Pour le tabac : dès 10-12 ans afin d’éviter l’entrée dans les usages (par exemple, des programmes auprès des 10-11 ans qui s’appuient sur des leaders d’opinion sélectionnés par les élèves et parmi les élèves) ; auprès des adolescents âgés de 14-15 ans (classes de 4ème et 3ème) pour viser la sortie de l’usage de tabac.
De tels programmes peuvent être menés en milieu scolaire dès la fin de l’école élémentaire pour le tabac, l’alcool, les jeux vidéo et Internet, puis au début du collège pour ces mêmes substances/comportements auxquels s’ajoutent le cannabis et les jeux de hasard et d’argent. Il est ainsi recommandé que ces programmes s’inscrivent et s’adaptent tout au long du parcours scolaire (second degré notamment) et de l’apprentissage professionnel. Il conviendra de s’appuyer sur des programmes validés, sans pour autant négliger la question de la transférabilité au contexte français, la grande majorité des interventions validées provenant des pays anglo-saxons. Ainsi, des programmes développés aux États-Unis tels que Life Skills Training et Alert chez les élèves de 11-15 ans ont montré leur efficacité sur la prévention de l’initiation ou sur la réduction des consommations d’alcool, tabac et cannabis. On pourra s’intéresser tout particulièrement au programme scolaire Unplugged/EU-DAP2 développé avec le soutien de l’EMCDDA (European Monitoring Center for Drugs and Drug addiction) et implanté dans des contextes plus proches du contexte français tels qu’en Belgique, en Italie ou en Espagne.
Les aménagements du temps scolaire pourraient constituer une opportunité pour la mise en place de telles interventions, sur le temps supplémentaire dégagé.
De plus, des actions d’information et de prévention sont à encourager au niveau des centres existants d’activités périscolaires (clubs sportifs…) et à mener par un personnel formé, par exemple psychologues ou travailleurs sociaux ayant une connaissance des produits ou des comportements à risque, afin de permettre des échanges adaptés et efficaces avec les jeunes.
Pour éviter toute stigmatisation, le groupe d’experts recommande de proposer, au sein de programmes universels, des volets ciblés permettant la prise en compte des autres problèmes rencontrés par le jeune (trouble des conduites, troubles psychiques, mal-être, échec scolaire, histoire familiale…). Les professionnels de santé en milieu scolaire (médecin et infirmière scolaire) sont pour cela des interlocuteurs privilégiés et leur rôle doit être renforcé.
Le recours à des leaders d’opinion (pairs, personnalités reconnues et appréciées) ainsi que des modifications de l’environnement législatif ont par exemple déjà été évalués comme efficaces pour aider à faire évoluer les représentations puis les comportements.
Par ailleurs, il apparaît nécessaire de renforcer la prévention sur les risques au volant/en deux-roues liés à la consommation d’alcool et de cannabis et d’informer sur les sanctions légales qui y sont associées, particulièrement pour les jeunes conducteurs, dans le cadre de l’apprentissage du code de la route et de la conduite automobile.

Informer, sensibiliser et aider les parents

Les parents sont souvent démunis face aux consommations de substances psychoactives, à la pratique trop précoce de jeux de hasard et d’argent, et à la pratique non encadrée et/ou problématique des écrans, jeux vidéo et Internet de leurs enfants. Le groupe d’experts recommande d’informer régulièrement les parents sur les dommages liés aux consommations précoces, sur l’évolution des modes de consommation chez les jeunes et sur les codes marketing qui leur sont destinés et qui visent à promouvoir la consommation. Cette information doit être accompagnée de repères et de conseils pratiques sur la manière de communiquer avec les adolescents. À ce titre, il convient de rappeler aux parents l’importance qu’ils ont pour leurs adolescents. En effet, même si ces derniers semblent vouloir échapper à l’autorité parentale, ils n’en demeurent pas moins très sensibles aux messages véhiculés par les parents.
Des travaux ont montré que différents aspects de la parentalité sont associés aux conduites addictives des adolescents et en particulier au passage éventuel d’une expérimentation à l’installation de la consommation :
• consommations de produits psychoactifs et pratiques de jeux par les parents ;
• climat familial perturbé et discorde au sein de la famille (parents-enfants et entre frères et sœurs) ;
• absence de supervision par les parents des activités des adolescents et de leurs fréquentations.
Pour aborder et limiter les conduites addictives des jeunes, le groupe d’experts souligne l’intérêt de renforcer les compétences parentales, sans culpabiliser, dramatiser, ni banaliser ; il s’agit d’aider les parents à avoir l’attitude la mieux adaptée à la situation. Des brochures à destination des parents (visant à redonner confiance aux parents, leur affirmer que même s’ils se sentent démunis ils ont un rôle important à jouer auprès de leur adolescent…) pourraient être mises à disposition de façon systématique dans les cabinets médicaux, les maisons de santé… Par ailleurs, des programmes de développement conjoint des compétences des enfants et des parents ont montré leur efficacité sur la prévention de l’initiation ou la réduction des consommations. C’est par exemple le cas du programme SFP 10-143 qui a montré une efficacité dans plusieurs pays européens (Pologne, Espagne, Royaume-Uni) et aux États-Unis, même à distance de l’intervention, sur l’initiation au cannabis, la fréquence des ivresses ou la consommation d’alcool. De plus, des programmes visant à impliquer l’ensemble des acteurs concernés (enfants, parents, école, médias…) se sont révélés bénéfiques (tel le programme STAR aux États-Unis) sur l’usage d’alcool et la réduction du tabagisme.
Pour les familles les plus vulnérables, le groupe d’experts recommande la mise en place de dispositifs de soutien individualisés (accompagnement des parents, assistance sociale, soutien scolaire…). Il est important de souligner que le développement des compétences parentales ou plus généralement le soutien à la parentalité peut s’appliquer de manière précoce aux femmes enceintes en situation de vulnérabilité. Le programme Nurse-Family Partnership (États-Unis) a montré, par un suivi à long terme, un bénéfice sur la fréquence de consommation d’alcool des enfants à l’âge de 15 ans.
En ce qui concerne les jeux vidéo, le contrôle par les parents est d’autant plus nécessaire que l’enfant est jeune, l’auto-régulation n’existant pas chez les enfants et étant insuffisante chez les jeunes adolescents. Le groupe d’experts recommande de développer des programmes d’information renforçant les parents dans leur rôle de contrôle de la durée de pratique, du contenu du support et de l’adéquation âge/contenu pour aller progressivement vers le contrôle interne. Pour un meilleur encadrement des plus jeunes adolescents, le groupe d’experts préconise que les outils informatiques restent sous contrôle parental ; le temps passé devant les écrans pourrait faire l’objet de règles domestiques ou d’une négociation en fonction de l’âge de l’adolescent. Il peut être utile de se reporter aux conditions générales d’utilisation d’Internet.

Renforcer la formation des intervenants

Compte-tenu de la prévalence élevée des conduites addictives chez les jeunes en population générale, l’ensemble des acteurs en contact avec les adolescents devraient être informés des problématiques addictives et formés au repérage précoce des adolescents présentant des conduites addictives et aux interventions brèves qui peuvent être réalisées, en milieu scolaire, sportif ou de loisir…
Ils doivent aussi pouvoir orienter les adolescents les plus en difficulté vers des structures ad hoc, s’appuyant sur du personnel compétent.
L’addictologie est une discipline émergente qui doit être développée dans toutes les universités (notamment facultés de médecine, de psychologie et filières paramédicales), avec un enseignement de base comprenant des aspects généraux (épidémiologiques, sociologiques, cliniques, thérapeutiques) et des aspects spécifiques (enfants, adolescents, périnatalité, milieu scolaire et universitaire, milieu professionnel, urgences, accidents, violence, milieu psychiatrique, milieu médical, précarité…). Du fait de la forte comorbidité entre troubles addictifs et troubles psychiatriques, et du fait que l’initiation d’une addiction peut être le témoin voire un facteur précipitant d’une pathologie émergente, il est important de coupler ces formations à celle du repérage des troubles psychiatriques émergents.
À côté de la formation de base (« savoir »), il est nécessaire de développer le « savoir-faire », notamment quant à la prévention et aux prises en charge psychothérapeutiques adaptées à l’addictologie (TCC, entretiens motivationnels et thérapies familiales) formalisées et validées au niveau scientifique.
Le groupe d’experts préconise de :
• Renforcer la discipline de l’addictologie et disciplines connexes en neurosciences, psychiatrie et psychologie (enseignement, recherche, postes…) ;
• Développer les postes d’enseignants titulaires en addictologie (PU-PH, MCU, MCU-PH, chefs de clinique…) ;
• Créer des modules spécifiques d’enseignement en addictologie (formation de base) dans les filières de santé : étudiants en médecine, pharmacie, odontologie, psychologie, soins infirmiers, kinésithérapie, ergothérapeutes, psychomotriciens… ;
• Sensibiliser les professionnels hors filières de santé (travailleurs sociaux, magistrats, policiers, gendarmes) aux spécifités des conduites addictives des adolescents et au repérage précoce afin de faciliter l’orientation vers les filières ad hoc ;
• Créer des unités d’enseignement de prévention/santé publique pour les étudiants, ouvertes à toutes les filières ; mettre en place un module « santé publique » dans le cadre de la formation des enseignants.
Le groupe d’experts insiste sur la nécessité de développer la formation continue, en priorité celle destinée au personnel des centres en charge des adolescents présentant des conduites addictives (CJC, centres hospitaliers). Elle doit aussi s’adresser aux autres personnes susceptibles de recevoir ce public (infirmières scolaires, pédiatres…). Ces formations concernent des méthodes validées scientifiquement : repérage précoce et interventions brèves, entretiens motivationnels et approches psychothérapeutiques (TCC et approches familiales qui ont été adaptées au contexte de l’adolescent présentant des conduites addictives). Elles doivent permettre le repérage des troubles psychiatriques émergents, notamment les troubles psychotiques. Par ailleurs, toutes les formations en addictologie doivent intégrer un volet sur l’importance de l’intégration des parents dans la prise en charge et de l’apport d’un soutien à la parentalité.

Mieux encadrer la vente du tabac et de l’alcool aux adolescents

Contrairement à ce qui est observé dans certains pays comme l’Australie, le Canada ou les États-Unis où la prévalence de l’usage du tabac est en baisse, la situation semble se dégrader en France, malgré un arsenal réglementaire concernant les substances psychoactives déjà conséquent. Les dernières enquêtes montrent que les mineurs déclarent ne pas éprouver de difficultés majeures pour acheter tabac et alcool et la situation semble peu évoluer en dépit des différentes actions menées. Il convient que la loi française concernant les restrictions d’accès aux mineurs soit plus strictement appliquée. Il faut également que les amendes aux contrevenants soient appliquées, voire majorées, en les requalifiant dans une classe de contravention de plus grande gravité.
Compte tenu de ces constats, de la dangerosité de ces deux produits et de la prévalence de leurs usages, le groupe d’experts préconise que l’achat de tabac et d’alcool soit systématiquement assorti de la présentation d’un document officiel indiquant l’âge. L’objectif d’une telle mesure serait double : d’une part, renforcer l’application de la loi actuelle, et d’autre part, faire prendre conscience à l’ensemble de la population de la toxicité particulière de ces produits pour les adolescents. La présentation d’un justificatif, pour tout achat, conduirait tout adulte consommateur à partager la responsabilité d’une politique de santé publique dont un des objectifs prioritaires est de protéger la population adolescente en retardant l’âge d’initiation et de consommation.

Mieux faire respecter et élargir les lois règlementant la publicité

Dès 1993, l’American Journal of Public Health alertait sur le marketing très agressif déployé par les industriels du tabac et de l’alcool pour influencer les comportements des jeunes. La publicité et le marketing des industriels du tabac et de l’alcool sont associés à l’initiation à ces produits et à la continuité de leur usage, avec un impact particulièrement important chez les jeunes. Quant aux messages véhiculés par la publicité sur les jeux de hasard et d’argent, ils renforcent chez les adolescents les distorsions cognitives concernant les possibilités de gain et favorisent une pratique précoce des jeux.
Face à ce constat, le groupe d’experts recommande de faire appliquer les lois visant à restreindre les actions publicitaires. Il est important de mettre en place des contrôles réguliers.
Le groupe d’experts recommande également de renforcer les dispositifs existants en matière de restriction publicitaire en s’appuyant sur l’expérience d’autres pays et sur la littérature scientifique pour choisir les actions les plus efficaces :
• Pour le tabac, ne pas exposer les produits proposés à la vente, adopter le paquet de cigarettes neutre (exempt des logos et stimuli marketing et adopté par l’Australie et bientôt en Nouvelle-Zélande et en Irlande), agrandir la taille des messages sanitaires sur les paquets pour laisser moins de place au marketing des marques ;
• Pour l’alcool, interdire les supports publicitaires susceptibles d’entrer en contact avec des jeunes, voire des très jeunes (présence sur Internet, affichage dans l’espace public, en particulier à proximité des établissements scolaires où il faut établir des « zones protégées »), agrandir la taille des messages sanitaires pour laisser moins de place au marketing des marques sur les publicités et les emballages ;
• Concernant les relations publiques qui constituent une forme de marketing, interdire la présence des industriels de l’alcool et du tabac dans l’activité (financement, commission...) des structures publiques de prévention et de recherche afin de prévenir les conflits d’intérêt.

Assurer une meilleure visibilité du contenu des jeux vidéo

En France comme dans de nombreux pays, l’usage des jeux vidéo est très répandu chez les jeunes. Cet usage peut faire toutefois l’objet d’une perte de contrôle et d’un comportement problématique, en particulier à l’occasion de la pratique de jeux en réseau. Il en est de même pour l’usage d’Internet. Dans les deux cas, des effets néfastes sont associés à l’usage abusif.
S’agissant des jeux vidéo, le groupe d’experts rappelle la nécessité de la présence et du respect des logos définissant les classifications : âge, indications sur le contenu, informations en langue française, claires et les plus lisibles possibles sur les emballages. La Fédération européenne des logiciels de loisirs a mis en place le premier système paneuropéen de classification par catégorie d’âge et par contenu des jeux vidéo baptisé PEGI (Pan European Games Information). Ce dernier est conçu selon une signalétique destinée à informer les adultes sur les contenus des jeux et leurs caractères adaptés à l’âge de l’enfant (par exemple, des éléments pouvant heurter la sensibilité du joueur). Il existe également le système PEGI online. Toutefois, cette classification, relativement méconnue des parents, présente un certain nombre de limites, comme par exemple le fait que la restriction d’âge conseillée pour un jeu vidéo peut différer de celle appliquée au film duquel le jeu est adapté. Néanmoins, il paraît opportun d’utiliser cette classification comme base de discussion et d’information auprès de parents et du grand public. Il existe par ailleurs une liste de logiciels de contrôle parental qui serait à actualiser.

II. Éviter les usages réguliers et les dommages sanitaires et sociaux

Améliorer le repérage et les interventions précoces

Il est essentiel de repérer le plus tôt possible une conduite addictive qui s’installe afin de permettre à l’adolescent de retrouver un contrôle sur ses consommations ou sa pratique des jeux ou d’Internet avant l’apparition des premiers dommages. Un repérage précoce doit être couplé aux interventions brèves (Repérage Précoce et Intervention Brève : RPIB), entretiens motivationnels, counseling, thérapies cognitives et comportementales en milieu spécialisé.
Le groupe d’experts recommandea minima de former au repérage précoce et à l’intervention brève (qui comprend aussi l’orientation vers une structure/un acteur de soin adapté), les médecins généralistes, les urgentistes, les pédiatres, les médecins scolaires, les infirmières scolaires, les services de médecine préventive dans les universités.
Pour ceux qui souhaitent s’impliquer davantage, il est recommandé de les former aux outils de prise en charge précoce (par exemple : DU, site Internet). En milieu hospitalier, il incombe aux équipes d’addictologie de liaison de former les équipes des urgences, de pédiatrie... au RPIB, d’évaluer les jeunes et de les orienter vers les structures ad hoc (CJC, Maison des adolescents, service d’addictologie).
Quel que soit le contexte (centres/médecins généralistes), dans l’état actuel des connaissances sur les outils disponibles, le groupe d’experts préconise l’utilisation des outils dont les qualités métrologiques et de repérage ont été évaluées pour les adolescents dans le contexte français, comme par exemple : DEP-ADO pour l’ensemble des substances ; CAST (Cannabis Abuse Screening Test) pour le cannabis4  ; Rocado pour l’alcool ; Fagerström ou HSI (ciblés sur la dépendance à la nicotine) pour le tabac. À défaut d’outils validés dans le cadre français en population adolescente pour les jeux de hasard et d’argent, on pourra utiliser le Lie/Bet ou le DSM-IV-J. Même s’il n’y a pas de consensus international sur le concept d’addiction aux jeux vidéo et à Internet, le Problematic Internet Use Questionnaire (PIUQ) peut être utilisé pour Internet.

Renforcer les actions de première ligne

Les « Consultations Jeunes Consommateurs » (CJC) privilégient une approche globale : prévention, éducation à la santé, réduction des dommages, soins, rappel à la loi. Elles proposent une stratégie globale d’intervention précoce explicitée dans le guide pratique paru en 2012. Des journées régionales d’accompagnement sont organisées dans de nombreuses régions et, pour poursuivre la dynamique initiée, le groupe projet national de la Fédération Addiction a élaboré en 2013, avec le soutien de la Direction Générale de la Santé (DGS) et la Mildt, un document de communication à destination des partenaires de ces CJC.
Le groupe d’experts recommande de développer et renforcer le dispositif spécifique des CJC selon les modalités suivantes :
• Former le personnel des CJC aux méthodes de prises en charge précoces qui doivent comprendre :
- Accueil de l’adolescent, bilan des addictions avec ou sans substances ;
- Connaissances de l’impact de ces conduites sur le parcours de l’adolescent (notion de perte de chance pour l’avenir) ;
- Pratique de l’approche motivationnelle et aide à l’auto-évaluation, ce qui nécessite une formation adéquate ;
- Accueil de la famille, écoute, compréhension sans jugement, aide et orientation. Tenir compte des dynamiques familiales dans les stratégies de prévention et de traitement des conduites addictives chez les jeunes ;
- Sensibilisation au risque de troubles psychiques émergents associés, repérage des signes et connaissance des filières d’orientation ;
- Mettre à profit les nouvelles technologies (logiciels, Internet, SMS) ayant montré des preuves d’efficacité pour une aide à l’arrêt ou à la diminution de la consommation et offrir une information permettant l’orientation vers des structures ad hoc. En effet, certains programmes d’aide au sevrage via internet ont fait leurs preuves à l’étranger (tel que le programme allemand Quit the shit) ;
• Développer les partenariats avec les intervenants jeunesse (école, collège, lycée, université, foyer, structure ASE5 , PJJ6 ), incluant le recours à des formations, des mises en commun d’outils adaptés et validés... ; favoriser l’orientation des jeunes engagés dans tout usage à risque (substances psychoactives, jeux) vers les CJC, sachant que ces structures manquent encore de visibilité et sont plutôt identifiées « cannabis » par les jeunes. Les CJC doivent être des ressources pour les acteurs de terrain et pouvoir fournir des informations sur les outils de repérage précoce et les possibilités d’orientation.

Prendre en charge les adolescents présentant des conduites addictives dans les centres de deuxième ligne

Chez le jeune adolescent, la conduite addictive peut s’avérer difficile à soigner en particulier si elle s’inscrit dans un contexte familial difficile et s’accompagne de troubles psychiatriques. Face à cette situation, il convient d’orienter la prise en charge vers des professionnels formés en addictologie7.
Le groupe d’experts recommande une prise en charge spécifique des adolescents présentant des conduites addictives. Il faut pour cela :
• Développer les centres ressources capables de prendre en charge les adolescents présentant des conduites addictives (y compris les formes sévères) selon des pratiques ayant fait l’objet d’étude avec niveau 1 de preuve (essai clinique randomisé avec comparaison avec une autre méthode efficace). Ces centres de deuxième ligne doivent être des CJC avec personnel soignant (psychologue, psychiatre, médecin addictologue) et être adossées à un CSAPA8 , des consultations hospitalières ou un service d’addictologie ;
• Former les équipes de ces centres aux deux modalités de prise en charge ayant fait preuve de leur efficacité auprès des publics jeunes, c’est-à-dire :
- Les prises en charge de type thérapies comportementales et cognitives (TCC) centrées sur l’adolescent, avec intégration des parents dans le processus. Pour les adolescents, un travail motivationnel serait un préalable à toute inclusion en TCC ;
- Les prises en charge familiales inspirées des modèles systémiques mais adaptées aux spécificités de l’adolescent présentant des conduites addictives (centrage sur les conduites addictives considérées comme invalidantes, travail en sous-système parent, adolescent…). Plusieurs modèles ont fait l’objet de validation, dont un en France : la thérapie familiale multidimensionnelle ;
- Prendre en compte le fait que les thérapies familiales apparaissent plus efficaces pour le public plus jeune (moins de 16 ans), tandis que pour le public plus âgé (plus de 16 ans), ce sont plutôt les TCC.
Le groupe d’experts insiste sur la nécessité d’une prise en compte des comorbidités psychiatriques :
• Préconisation des tests de repérage et articulation avec des structures spécialisées dans l’évaluation des troubles psychiatriques émergents de l’adolescent et du jeune adulte, pour faciliter l’accès au système de soin des jeunes présentant des troubles psychiatriques associés ;
• Développer les collaborations entre les services d’addictologie et les services de psychiatrie pour une meilleure orientation ;
• En cas de suspicion de pathologie psychiatrique émergente, les patients doivent pouvoir être orientés vers des centres spécialisés dans l’évaluation et l’intervention précoce chez l’adolescent et le jeune adulte, permettant une stratégie thérapeutique adaptée au stade évolutif d’une éventuelle pathologie psychiatrique émergente et articulée avec la prise en charge des consommations.

Prendre en charge les adolescents en milieu résidentiel en cas d’échec des soins en ambulatoire

Un séjour en milieu résidentiel (hospitalisation de courte durée, centres thérapeutiques résidentiels médico-sociaux et hospitalisation moyen-long séjour) peut être proposé dans le cadre d’un parcours de soins, en cas d’échec des soins en ambulatoire conduits de manière adaptée. Il s’avère opérant en cas de nécessité d’éloigner momentanément un adolescent en souffrance psychique, en voie d’exclusion scolaire, familiale et sociale de son environnement et de lui proposer un cadre thérapeutique et d’apprentissage bienveillant et contenant. Cette solution thérapeutique peut lui donner une nouvelle chance.
Le groupe d’experts recommande de respecter les indications suivantes :
• Addiction sévère (dépendance, polyaddictions) résistant aux traitements ambulatoires ;
• Retentissement important avec une désinsertion scolaire ou professionnelle et/ou une rupture en cours ou consommée avec la famille et le milieu environnant ;
• Existence de comorbidités psychiatriques (trouble de la personnalité et/ou troubles psychiatriques avérés mais stabilisés). En cas de situation de crise ou de décompensation psychiatrique, une orientation vers le milieu psychiatrique est conseillée.
Chez l’adolescent, les cures de désintoxications isolées, en hospitalisation courte, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Les demandes de cure de sevrage en urgence correspondent en fait à des situations de crise familiale et de décompensations psychiatriques qui requièrent une admission en centre de crise pour adolescent.
Pour une prise en charge efficace sur le long terme, le groupe d’experts recommande de développer les centres de traitement résidentiel devant correspondre à un cahier des charges précis :
• Accueil spécifique des adolescents et de leur famille ;
• Prise en charge sur le site selon des modalités thérapeutiques définies précédemment (modèle familial et/ou thérapie comportementale) ;
• Travail en milieu résidentiel sur un projet de réinsertion scolaire ou professionnel, et poursuivi après la sortie ;
• Renforcer les centres de crise pour les adolescents adaptés aux comorbidités psychiatriques.

Renforcer les liens entre les dispositifs d’addictologie médico/sociaux et sanitaires et les services de pédopsychiatrie/psychiatrie adulte

Compte tenu de l’importance de la comorbidité, les liens doivent être renforcés entre dispositifs d’addictologie et les services de psychiatrie, notamment ceux spécialisés dans l’évaluation et l’intervention précoce chez le jeune adulte ainsi qu’avec les maisons des adolescents.
Le groupe d’experts recommande de :
• Développer des centres de recherche référents dont la mission est l’expérimentation d’outils d’évaluation et de repérage de pathologies psychiatriques parmi les jeunes consommateurs, notamment de cannabis. Ces centres devraient permettre d’identifier précocement les sujets à risque de complication(s) psychiatrique(s) ou présentant une pathologie émergente et de favoriser une évaluation et une prise en charge pluridisciplinaires ;
• Développer les collaborations entre services de pédiatrie, pédopsychiatrie, psychiatrie adulte (à partir de 17 ans) et services d’addictologie et renforcer les consultations jeunes consommateurs de deuxième ligne afin qu’elles puissent repérer les pathologies psychiatriques émergentes et les adresser en milieu spécialisé ;
• Il n’existe pas de traitement médicamenteux indiqué dans la prise en charge des addictions dans la population spécifique des adolescents, ce qui confère un intérêt particulier aux entretiens motivationnels, par des acteurs formés à cette pratique, pour tous les types d’addiction.

Améliorer les liens avec la justice

Un adolescent est très rarement demandeur d’aide, et les soins sous contraintes externes (parents ou justice) sont la règle et non l’exception. Les études ont montré qu’en général, ces contraintes chez les mineurs ne constituent pas un obstacle à la prise en charge. Pour une meilleure efficacité, le groupe d’experts recommande de :
• Améliorer la coopération entre les professionnels de l’éducation et de la santé avec ceux de la justice (lien avec les juges pour enfants et la protection judiciaire de la jeunesse) pour optimiser l’orientation et la prise en charge ;
• Faire mieux connaître le dispositif de soins aux services judiciaires ;
• Sensibiliser au moyen de formations et de consultations avancées le personnel des services de la protection judiciaire et de la jeunesse ;
• Veiller à l’homogénéisation des mesures concernant la détention et l’usage de cannabis sur l’ensemble du territoire, et favoriser les alternatives aux poursuites pénales ;
• Compte tenu des spécificités de la population concernée (mineure), aménager les réponses pénales en favorisant l’orientation vers le dispositif des Consultations jeunes consommateurs.

III. Nécessité d’assurer une coordination nationale et régionale

Pour développer la prévention et améliorer la prise en charge, il est capital de se doter d’une stratégie sur le long-terme s’appuyant sur une coordination nationale et régionale pérenne et mobilisant des partenaires multiples et complémentaires (agences régionales de santé, éducation nationale, justice…). Une telle politique coordonnée et cohérente implique des moyens nécessaires à son application.
Le groupe d’experts souligne la nécessité de soutenir et développer au niveau local des structures publiques transversales d’animation dédiées aux addictions (en appui ou en lien avec le dispositif de la Mildt) afin d’assurer une coordination régionale des acteurs territoriaux en mesure de :
• Recenser, évaluer et coordonner les actions de prévention et d’information menées à l’échelle régionale ; en France, de nombreuses initiatives de prévention sont mises en œuvre, mais elles ne sont pas toujours formalisées et diffusées. Il n’existe pas de système centralisé permettant leur recensement. Par ailleurs, elles sont rarement évaluées et ne font pas l’objet de publication.
Ce recensement et cette évaluation permettraient une diffusion des stratégies de prévention validées et la proposition de recommandations d’interventions aux établissements scolaires et collectivités territoriales. Ce partage des connaissances devrait faciliter la mise en place de programmes de prévention validés et apporter une aide à la labellisation des programmes. Se pose également le problème de la diversité des outils d’intervention, aussi faut-il recommander les outils validés en population adolescente :
• Diffuser les actions de prévention et d’information validées et reconnues efficaces ;
• Développer les synergies territoriales en accompagnant les acteurs locaux (institutionnels et privés) dans la mise en œuvre de programmes de prévention validés ; favoriser et organiser les partenariats chercheurs/acteurs de prévention afin de promouvoir l’évaluation des actions de prévention ;
• Développer une expertise locale avec la formation des acteurs ;
• Étudier la faisabilité dans le contexte français des programmes reconnus efficaces dans d’autres pays et adapter les actions en milieu scolaire ou hors milieu scolaire selon les âges et les compétences psychosociales et privilégier en particulier les approches multidimensionnelles visant à impliquer l’ensemble des acteurs concernés.
Le groupe d’experts propose la mise en place d’une commission d’évaluation des programmes de prévention. Tous les programmes de prévention recommandés doivent avoir fait l’objet d’une évaluation préalable.

Recommandations de recherche

Il existe en France plusieurs enquêtes transversales régulières sur les consommations de substances psychoactives chez les adolescents (Espad, Escapad et HBSC) qui sont particulièrement importantes et utiles pour renseigner sur les grandes tendances en matière d’usages et leurs évolutions. En revanche, il existe peu d’études longitudinales d’adolescents permettant de suivre les trajectoires de consommations et les trajectoires de vie bien que les niveaux de consommations d’alcool, de tabac et de cannabis chez les jeunes soient parmi les plus élevés en Europe.
Concernant l’addiction chez les jeunes, si les données quantitatives sont nombreuses et de qualité, les données reposant sur une approche de type sociologique ou anthropologique, voire sur des monographies, sont encore très lacunaires. Ces démarches, qui nécessitent souvent de longues études sur le terrain, sont à encourager par des financements pluriannuels. La thématique des addictions recouvrant différentes disciplines, il conviendrait de favoriser les projets multidisciplinaires en santé et en sciences humaines et sociales, et les projets translationnels (cliniques et précliniques). De même, il est préconisé de poursuivre une politique de recherche à long terme, en pérennisant les axes de recherche. Les recherches dans ce domaine nécessitent au préalable de valider des outils de dépistage et de diagnostic consensuels, qui permettront de comparer les données en France à celles des études internationales. Concernant l’addiction aux jeux vidéo et à Internet, cela peut être rendu difficile du fait de l’absence de critères diagnostiques valides.
Il apparaît également nécessaire de soutenir les programmes d’évaluation des actions.
Le financement de la recherche dans le domaine des addictions paraît insuffisant comparativement à d’autres pays (comme les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, les États-Unis…) et au regard des besoins. Les recommandations de recherche nécessitent un financement public fort via l’attribution par l’État d’une part fixe et non négligeable des taxes (alcool, tabac, jeux de hasard et d’argent) et « fonds de concours drogue » ; la gestion des financements et la sélection des projets pourraient s’appuyer sur les structures existantes ou la création d’une fondation indépendante.

I. Mieux connaître les usages, les facteurs de risque et les effets sanitaires et sociaux

Mieux recueillir et valoriser les données de consommations et de pratiques

Les données concernant les usages, les usages problématiques et les pratiques de consommation sont issues de sources multiples qui répondent à des objectifs différents. Le croisement et l’analyse de ces différentes données constituent un travail de recherche à part entière.
Le groupe d’experts recommande la pérennisation et la valorisation des enquêtes existantes :
• Il s’agit d’améliorer l’articulation entre la recherche académique et les agences productrices de données afin d’optimiser d’une part les outils de recueil des données et, d’autre part, l’exploitation des données des enquêtes représentatives par des analyses complémentaires. Cette articulation entre producteurs d’enquêtes et chercheurs devrait reposer sur des partenariats durables et intégrer un axe recherche dans les objectifs des agences ;
• Les données des enquêtes épidémiologiques transversales pourraient être enrichies ou croisées avec les données provenant d’autres sources comme le réseau OSCOUR (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences) ou le PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information) et des rectorats d’académie (nombre d’alcoolisations dans les établissements scolaires, chiffres des mineurs admis aux urgences pour intoxication éthylique…).

Améliorer la compréhension des trajectoires de consommation et de pratique en interaction avec les facteurs de risques et de résilience

Les consommations individuelles entre le début de l’adolescence et l’âge adulte évoluent très fortement, délimitant des groupes de sujets à risque de poursuite et d’usage problématique nécessitant des efforts particuliers en matière de prévention.
Il existe peu de documentation sur les trajectoires de consommation et la sociologie des usages en France : actuellement, seuls quelques indicateurs rétrospectifs sont disponibles dans les travaux de type quantitatif, et les études qualitatives sont très rares et plutôt anciennes.
Le groupe d’experts recommande d’intégrer davantage de données rétrospectives datées (âge de début des consommations régulières, âge de début des consommations quotidiennes, âge de réduction ou d’arrêt de la consommation) dans les enquêtes transversales (comme c’est déjà en partie le cas dans le Baromètre santé 2010 de l’Inpes qui interroge essentiellement les adultes) afin de permettre, dans la mesure du possible, des analyses descriptives et explicatives plus fines. La collecte de données rétrospectives devrait également concerner les représentations, les amis et les évènements familiaux (parmi lesquels les antécédents de consommation des parents) et les indices d’une trajectoire biographique fragilisée (redoublement, retard, difficultés scolaires, contact avec un psychologue…).
En France, il existe peu d’études longitudinales d’envergure et contemporaines dans les populations adolescentes permettant de suivre les trajectoires de consommations et les trajectoires de vie. Les cohortes existantes sont de trop petite taille (par exemple : cohorte d’adolescents Imagen), incluent des jeunes désormais adultes (par exemple : cohorte Tempo de jeunes en population générale suivis depuis l’enfance mais âgés de 30 ans en moyenne en 2011, cohorte d’étudiants I-Share), ou des enfants trop jeunes pour être concernés par les usages de produits (cohorte mère-enfant Eden débutée en 2003-2005, cohorte de naissance Elfe débutée en 2011).
Le groupe d’experts recommande la mise en place d’une cohorte qui permettrait d’étudier les trajectoires de consommation et de pratique, les facteurs de risque et de protection, ainsi que les dommages sanitaires et sociaux à la fois chez les adolescents et les jeunes adultes, dans le contexte français. Il s’agit de :
• Mieux comprendre les interactions entre facteurs individuels (genre, niveau d’études…), familiaux, relationnels (pairs…), socioéconomiques et contextuels vis-à-vis des consommations et des pratiques ; il apparaît important d’étudier non seulement les facteurs associés à la persistance des conduites addictives mais également ceux associés à la diminution ou à l’arrêt de la consommation ;
• Identifier les facteurs de risque et de résilience des conduites addictives en cas d’antécédents familiaux d’addiction ou de troubles psychiatriques ;
Par ailleurs, il conviendrait de :
• Développer la recherche observationnelle en population générale adolescente sur la pratique des jeux vidéo et d’Internet ;
• Étudier l’influence des technologies de l’information et de la communication sur la pratique des jeux de hasard et d’argent, des jeux vidéo et Internet en France ; des travaux étrangers, anglais notamment, ont indiqué que l’utilisation d’Internet et de smartphone était un facteur de risque de jeu et de pratique problématique des jeux de hasard et d’argent ;
• Développer la recherche sur l’ampleur de l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes, sur les circonstances et les motivations de l’entrée dans cet usage ainsi que sur un éventuel effet « porte d’entrée » vers la consommation de cigarette classique.

Améliorer la compréhension des motivations et des représentations

Le rôle des motivations et des représentations par rapport aux trajectoires d’usage et de pratique est mal connu, reflétant la faible mobilisation des acteurs de la recherche sur ce thème. Or, les conduites addictives sont aussi des pratiques sociales ; elles font sens pour les consommateurs, satisfont des besoins, et les représentations comme les attentes à l’égard d’une pratique sont en général socialement construites, en particulier au sein de la famille ou du groupe des pairs. Une meilleure compréhension des représentations et motivations des consommations de substances psychoactives et de pratique des jeux de hasard et d’argent, jeux vidéo/Internet chez les adolescents permettrait une prévention plus adaptée et donc plus efficace.
Le groupe d’experts recommande de développer la recherche en sciences humaines et sociales sur la compréhension des usages chez les jeunes et de réfléchir aux conditions d’opérationnalisation de cette recherche pour aboutir à des interventions concrètes. Il s’agit de :
• Développer l’effort de compréhension des usages, des représentations et des motivations des jeunes à l’égard des produits et des pratiques de jeux en mobilisant différentes méthodologies de recueil de données classiques et innovantes, en particulier qualitatives ;
• Intégrer des modules d’analyse spécifiques des motivations et des représentations dans les dispositifs de recueil de données existants ;
• Développer des recherches sur les non-consommateurs afin d’identifier les facteurs de non-consommation et les ressources que ces individus mobilisent au sein du groupe social.

Mieux évaluer l’impact du marketing sur les attitudes, les représentations et les comportements

Des chercheurs aux États-Unis, en Australie et en Grande-Bretagne ont conduit des études afin d’observer les pratiques marketing des industriels du tabac, de l’alcool et des jeux de hasard et d’argent, d’analyser l’impact de ces pratiques sur les attitudes et comportements des individus puis de tester l’impact des mesures proposées par les acteurs de la santé publique pour s’opposer au marketing de l’alcool et du tabac9 . La France reste peu présente dans les travaux académiques développés sur ce thème. Pourtant, de telles recherches permettraient d’améliorer l’impact et la portée des politiques préventives mises en place pour changer les comportements dans un contexte culturel français différent du contexte anglo-saxon. À titre d’exemple, des recherches mériteraient d’être menées pour cerner l’effet sur les jeunes :
• Des stratégies déployées par les industriels du tabac, de l’alcool, des jeux de hasard et d’argent sur Internet, les réseaux sociaux, les applications... ;
• Des innovations déployées par les industriels : e-cigarette, produits aromatisés... ;
• Des dispositifs proposés par les acteurs de la santé pour contrer et réduire l’impact du marketing des industriels (pictogrammes sur les bouteilles d’alcool, messages sanitaires sur les paquets de cigarettes et les publicités pour l’alcool...).
Le groupe d’experts recommande de développer des recherches sur l’impact en France des politiques de mécénat et de lobbying développées par l’industrie du tabac et de l’alcool sur les aspects législatifs et l’application des lois.

Mieux connaître les dommages sanitaires

L’exposition aux substances psychoactives et une pratique problématique des jeux de hasard et d’argent, jeux vidéo/Internet peuvent entraîner des dommages sanitaires plus ou moins sévères, à court et long terme. L’adolescence est une période de vulnérabilité particulière pour les conséquences en termes cognitifs qui sont corrélées à la quantité de substance consommée, la fréquence, la durée d’exposition et également à l’âge des premières consommations. La précocité d’usage de tous les produits est associée à une augmentation du pouvoir addictogène et à un risque accru de troubles cognitifs et psychiatriques. Par exemple, la consommation de cannabis peut engendrer des effets néfastes sur la santé dont l’apparition peut être immédiate, différée ou largement retardée par rapport à la consommation du produit voire au sevrage. La consommation de substances psychoactives telles que l’alcool et le cannabis impacte le cerveau et sa maturation. Compte tenu de l’importance de ces phénomènes, trop peu d’études sont menées en France comme en Europe.
Aussi, le groupe d’experts recommande de recueillir des données sur les conséquences sanitaires à court et à long terme en relation avec la précocité des consommations et les pratiques problématiques/pathologiques des jeux de hasard et d’argent, des jeux vidéo et d’Internet par des enquêtes d’observations y compris en intégrant des techniques d’imagerie cérébrale pour les substances psychoactives.
Il recommande de développer les recherches fondamentales en neurosciences et les recherches cliniques afin de mieux comprendre l’impact délétère des consommations au cours de l’adolescence sur l’activité fonctionnelle cérébrale et la cognition à court et à long terme. Ces études devraient cibler en particulier : les effets sanitaires de la consommation d’alcool, tant modérée que massive, chez les adolescents et selon le genre (les atteintes cognitives étant plus importantes chez les filles) ; l’impact du cannabis sur le système cardiovasculaire, en particulier sur le risque d’accident vasculaire cérébral ; l’impact pulmonaire des produits de combustion liés aux pipes à eau artisanales en plastique utilisées par certains pré-adolescents pour fumer du cannabis ; la toxicité des cannabinoïdes synthétiques, type spice… ; l’impact cognitif chez les adolescents consommateurs ou dépendants au cannabis et l’influence des dépendances associées (polyconsommations).
Le groupe d’experts recommande d’encourager les études sur l’influence des consommations sur l’émergence de troubles psychiatriques, en particulier la schizophrénie dont les symptômes apparaissent pendant l’adolescence, ou l’aggravation de troubles neurodéveloppementaux pré-existants. Il préconise également d’étudier l’impact des troubles psychopathologiques sur le développement des addictions et leurs conséquences, afin de mieux comprendre les liens de causalité.
Le groupe d’experts recommande la mise en place d’une étude prospective multimodale en population clinique chez l’adolescent visant l’évaluation des facteurs de risque individuels d’addiction avec ou sans substance, et les dommages sanitaires, notamment les comorbidités psychiatriques. Elle doit intégrer des approches couplant génétique, biologie, psychopathologie, imagerie, exploration cognitive avec l’analyse des déterminants sociaux. Cette étude devrait cibler en particulier :
• L’influence des pathologies psychiatriques familiales associées et de facteurs de personnalité, l’impulsivité dans la dépendance aux substances notamment au cannabis ;
• Les profils cognitifs par des évaluations en neuropsychologie et en imagerie fonctionnelle ;
• L’influence de ces facteurs sur l’évolution des consommations et des éventuelles comorbidités psychiatriques ou psychiques associées ;
• L’influence de la consommation de substances psychoactives sur le risque suicidaire.
Le groupe d’experts recommande d’encourager les recherches chez l’animal sur la thématique des alcoolisations ponctuelles importantes mais également sur les mécanismes spécifiques impliqués dans l’usage du cannabis à l’adolescence, notamment dans ses effets à long terme et avec pour objectifs d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques préventives de l’addiction et de l’émergence de troubles psychotiques et/ou de schizophrénie.

Mieux connaître les conséquences sur la scolarité et les autres dommages sociaux

Si de nombreux facteurs sociaux constituent des facteurs de risque d’entrée dans des consommations régulières, voire abusives, des usages problématiques de substances psychoactives ou des pratiques incontrôlées des jeux peuvent à leur tour entraîner de graves dommages sociaux, avec des répercussions néfastes sur le parcours scolaire, l’activité professionnelle, la vie familiale…
Le groupe d’experts recommande d’étudier les conséquences sociales à court et long terme des consommations de substances psychoactives et des pratiques problématiques/pathologiques des jeux de hasard et d’argent, des jeux vidéo et d’Internet sur le fonctionnement global de l’individu : parcours scolaire (« perte de chance »), devenir professionnel, insertion sociale, délinquance, qualité de vie, activités de loisirs, relations interpersonnelles (violence, vie affective…), accidentologie…

II. Développer, évaluer et valider les outils de dépistage et les stratégies de prise en charge

Les prises en charge des jeunes présentant des conduites addictives nécessitent au préalable une bonne évaluation du contexte et des possibilités de traitement. En ambulatoire comme en résidentiel, l’entretien motivationnel et les thérapies cognitivo-comportementales (souvent en association) se révèlent souvent, selon les travaux analysés, efficaces chez les adolescents. De plus, une approche multisystémique incluant la famille garantit généralement une plus grande efficacité. L’adaptation et l’évaluation des dispositifs tant de dépistage des problèmes d’addiction que de prise en charge doivent pouvoir s’appuyer sur des recherches fondamentales sur les comportements chez les adolescents et sur l’efficacité de différentes approches en relation avec les caractéristiques individuelles.
Concernant les dispositifs de dépistage et de diagnostic, le groupe d’experts recommande de :
• Mener des recherches sur les qualités métrologiques des outils de dépistage et de diagnostic, y compris des outils de dépistage de risque de complications psychiatriques (sujets sensibles aux effets psychotomimétiques du cannabis, notamment) ; valider l’adaptation de ces outils en langue française au contexte culturel français et en population adolescente, en population générale comme en consultation ;
• Développer des outils d’évaluation des troubles cognitifs adaptés à l’adolescent/jeune adulte dépendant à l’alcool ou au cannabis et utilisables en pratique clinique quotidienne.
Concernant l’évaluation de la prise en charge, le groupe d’experts recommande de :
• Étudier l’efficacité des interventions de prise en charge des conduites addictives, notamment pour la prise en charge des nouveaux comportements ou modes de consommation tels que l’alcoolisation ponctuelle importante ; étudier le choix du ou des critères principaux d’efficacité pour ces évaluations ;
• Poursuivre l’évaluation des dispositifs tels que les CJC afin de ne retenir que les meilleures actions thérapeutiques ; mesurer l’impact de la formation des intervenants sur les résultats de la thérapie.
Concernant les modalités de prise en charge, le groupe d’experts recommande également de :
• Développer de nouvelles stratégies d’aide au sevrage et d’entretiens motivationnels faisant appel aux nouvelles technologies et évaluer leur efficacité. Ces stratégies pourraient comprendre l’évaluation systématique des croyances anticipatoires liées aux attentes positives de la consommation du produit, des croyances liées au soulagement par la consommation et les croyances permissives donnant l’autorisation de consommer ;
• Développer et évaluer l’intérêt des techniques de remédiation cognitive chez les sujets jeunes dépendants au cannabis et à l’alcool ;
• Évaluer l’efficacité de la prise en charge combinée des conduites addictives et des troubles psychiatriques comorbides, en particulier des troubles phobiques sociaux, des troubles psychotiques et bipolaires émergents ;
• Évaluer l’intérêt et l’efficacité des psychothérapies, notamment cognitivo-comportementales, focalisées simultanément sur les conduites addictives et les troubles du comportement.

III. Développer la recherche sur les interventions de prévention

Pour mieux prévenir les pratiques addictives des jeunes, il ne suffit pas de mener des recherches prenant ces pratiques pour objet, mais également de conduire des recherches sur les moyens de prévenir ces conduites.
Le groupe d’experts recommande de :
• Développer la recherche sur l’adaptabilité au contexte français des actions implantées et évaluées dans d’autres contextes nationaux ainsi que de leur implémentation ; il s’agit de mieux définir les conditions de mise en place et de déploiement des interventions jugées efficaces dans un environnement politique, institutionnel et géographique donné ;
• Développer la recherche sur l’adaptation des technologies numériques aux techniques d’aide à l’arrêt ou à la réduction de la consommation (par exemple les approches motivationnelles et comportementales et cognitives) ;
• Développer les coopérations entre équipes de prévention et de prise en charge et équipes de recherche ;
• Développer la recherche sur l’efficacité des messages de prévention tels qu’ils sont diffusés dans les campagnes média ;
• Développer la recherche translationnelle10 , notamment celle adossée aux modèles théoriques de prédiction et de changement des comportements dans le champ de la prévention des addictions.
Le groupe d’experts recommande également de mener des recherches réflexives sur :
• La prévention elle-même : concernant par exemple ses cibles (à quels jeunes s’adressent les campagnes de prévention), ses catégories d’analyse et d’action (par exemple la notion d’addiction, qui recouvre aujourd’hui un éventail de pratiques très hétérogènes) ;
• Les acteurs de la prévention (médecins généralistes, éducateurs, intervenants en milieu scolaire, policiers...) : ces différents acteurs ne sont pas une simple courroie de transmission, ils ont des formations, des objectifs, des croyances, des principes, qui leur sont propres et qui influencent dans une large mesure leurs activités ;
• La réception de la prévention par le public. Comment les jeunes perçoivent-ils la prévention, ses messages, ses mesures et ses intervenants ? Parmi ces derniers, lesquels sont considérés comme compétents, comme dignes de confiance ?

Copyright © 2014 Inserm