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Med Sci (Paris). 2007 January; 23(1): 107–108.
Published online 2007 January 15. doi: 10.1051/medsci/2007231107.

Prévention de la tumorigenèse chez la souris
Un espoir pour les femmes à risque de cancer du sein

Simone Gilgenkrantz*

Médecine/Sciences, 9, rue Basse, 54330 Clérey-sur-Brénon, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Tumeurs du sein, Modèles animaux de maladie humaine, Femelle, Humains, Tumeurs mammaires de l'animal, Souris

 

Les femmes porteuses d’une mutation dans le gène BRCA1 ont un risque très supérieur à celui de la population générale de développer un cancer du sein ou de l’ovaire, et ce à un âge moyen nettement plus précoce (40 ans au lieu de 60 ans) [ 1]. Une stratégie de surveillance existe pour ces femmes et leur famille dans l’attente d’une prévention efficace, autre que la mammectomie prophylactique. Le rationnel d’une prévention efficace doit passer par la connaissance des fonctions du gène BRCA1. Mise à part son action sur la réparation des altérations de l’ADN, il a été démontré que BRCA1 joue un rôle dans la régulation du récepteur des œstrogènes ERα et dans celle des deux isoformes du récepteur de la progestérone (PR), mais les mécanismes par lesquels ER et PR contribuent à la tumorigenèse induite par une déficience de BRCA1 n’ont pu être précisés jusque-là.

Un travail sur des souris transgéniques d’un groupe de recherche californien (Irvine, États-Unis) vient de mettre en évidence un des rôles majeurs de BRCA1, et devrait, dans l’avenir, aider à la recherche de médicaments capables de prévenir l’apparition de cancers chez ces femmes à risque [ 2]. Il a porté sur une lignée cellulaire de cancer mammaire humain et sur des souris doublement transgéniques : floxage de BRCA1 (Brca1 f11), et de l’exon 11 du gène p53 (p53 f5 et 6), avec recombinase Cre placée sous le contrôle d’un promoteur spécifique de la glande mammaire, WAP (whey acidic protein). Cette double inactivation de p53 et BRCA1 dans les cellules mammaires reproduit en partie ce qui est observé dans les tumeurs humaines.

Le développement et la structure de la glande mammaire de souris nullipare dont les gènes BRCA1 et p53 avaient été inactivés a été comparé à celui de souris normales nullipares mais gestantes. Chez les souris Brca1f11 /f11p53f5&6/f5&6Cre c nullipares, la prolifération des cellules épithéliales mammaires (MEC, mammary epithelial cells) est semblable à celle des souris normales gestantes, avec hyperplasie et ramifications canalaires augmentées (Figure 1). Cette prolifération est sous le contrôle du récepteur PR, et les mesures de l’expression de la protéine PR montre que Brca1 est capable de réguler PR au niveau post-transcriptionnel en orientant la protéine vers le protéasome et illustrant à nouveau que la nature de BRCA1 est d’être une E3 ligase régulant le taux d’un grand nombre de protéines impliquées dans différentes voies cellulaires. Les chercheurs ont examiné l’impact d’implant d’antiprogestatif comme la miféprisone (RU 486). Les souris n’exprimant plus BRCA1 et p53, et traitées, n’ont développé aucune tumeur après 12 mois, alors que les souris non traitées ou ayant reçu un placebo ont présenté des tumeurs à 8,7 et 5,2 mois respectivement.

Un travail récent [ 3] a montré l’importante prolifération des structures canalaires chez les souris avec invalidation conditionnelle de BRCA1, sous l’effet d’implant de progestérone, qui n’a que peu d’effet sur les souris sauvages. Il semble donc qu’il existe un dérèglement des récepteurs de la progestérone, avec un effet mitogène puissant de cette hormone sur les cellules épithéliales mammaires BRCA1 déficientes (BRCA1+/- ), qui doivent par ailleurs avoir des troubles de la réparation de l’ADN, comme ceci a été démontré dans les lignées cellulaires humaines déficientes en BRCA1 [ 4].

Le groupe californien a aussi étudié des cellules épithéliales cancéreuses humaines (T47D). Dans les cellules T47D traitées par ARN interférents anti-BRCA1, une augmentation d’un facteur 3,5 des protéines PR-A et PR-B est observée, alors que la concentration en protéine ERα est inchangée. En outre, l’action de BRCA1 sur le maintien de la stabilité du récepteur PR, sa phosphorylation et sa polyubiquitinylation a pu être mise en évidence dans ces cellules.

La stratégie de lutte contre la tumorigenèse chez les femmes ayant une mutation du gène BRCA1 se précise donc. Le rôle essentiel que semblent jouer les récepteurs PR dans le développement de ces cancers du sein pourrait expliquer pourquoi les tumeurs apparaissent essentiellement dans la glande mammaire et les ovaires : la mutation est présente dans tous les tissus, mais seuls le sein et les ovaires sont pourvus de récepteurs PR.

Il existe bien des réserves. Le modèle murin Brca1f11 /f11p53f5&6/f5&6Cre c ne reflète pas exactement la maladie humaine. Il est vrai que certains auteurs ont montré une augmentation de l’expression de la progestérone dans les tissus adjacents au carcinome mammaire humain. Dans le traitement de la ménopause, le risque de cancer existe surtout quand l’hormonothérapie associe œstrogène et progestérone. Quant à la miféprisone, efficace ici contre la survenue de cancers mammaires chez la souris, elle ne peut évidemment être utilisée chez la femme. Elle ouvre toutefois une voie pour des recherches sur des produits anti-progestérone dans l’optique d’une stratégie chimio-préventive chez les femmes à risque.

 
Acknowledgments

À Dominique Stoppa-Lyonnet pour son aide et ses conseils.

References
1.
Stoppa-Lyonnet D, Jeanpierre M. BRCA1 : de l’identification du gène à l’estimation des risques tumoraux. Mec Sci (Paris) 2004; 20 : 262–3.
2.
Poole AJ, Li Y, Kim Y, et al. Prevention of Brca1-mediated mammary tumorigenesis in mice by a progesterone antagonist. Science 2006; 314 : 1467–70.
3.
Ma Y, Katiyar P, Jones LP, et al. The breast cancer susceptibility gene BRCA1 regulates progesterone receptor signaling in mammary epithelial cells. Mol Endocrinol 2006; 20 : 14–34.
4.
Coupier I, Baldeyron C, Rousseau A, et al. Fidelity of DNA double-strand break repair in heterozygous cell lines harbouring BRCA1 missense mutations. Oncogene 2004; 23 : 914–9.