Chez les mammifères, la growth hormone-releasing hormone (GHRH) est le principal facteur stimulateur de la sécrétion de l’hormone de croissance (GH) [ 1]. La GHRH appartient à une grande famille de peptides qui inclut également la sécrétine, le glucagon, le vasoactive intestinal polypeptide (VIP), le glucose-dependent insulinotropic polypeptide (GIP), les glucagon-like peptides (GLP) et le pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide (PACAP) [ 2]. La caractérisation des ADNc de la GHRH et du PACAP chez les mammifères a montré que chacun de leur précurseur comporte un second peptide disposé en tandem : peptide C pour le précurseur de la GHRH et PACAP-related peptide (PRP) pour le précurseur du PACAP (Figure 1A). L’ADNc du PACAP a été cloné ultérieurement chez les oiseaux, les amphibiens, les poissons et même les tuniciers1, [2]. En revanche, jusqu’à tout récemment, aucun ADNc codant la GHRH n’avait pu être identifié chez les espèces non mammaliennes, ce qui laissait supposer que le gène de la GHRH était l’apanage des mammifères [2, 3].
Toutefois, en 1993, l’équipe de Nancy Sherwood à l’Université de Victoria en Colombie Britannique avait montré de façon très surprenante que, chez le saumon, le précurseur du PACAP présentait à la place du PRP une séquence similaire à celle de la GHRH des mammifères, désignée pour cette raison GHRH-like (Figure 1B) [ 4]. Par la suite, les mêmes observations avaient été faites chez divers groupes de vertébrés non mammaliens [ 5– 7]. Ces données avaient conduit les chercheurs à proposer le modèle présenté sur la Figure 1C [2, 8]. Selon ce modèle, chez tous les groupes de vertébrés, à l’exclusion des mammifères, la GHRH et le PACAP seraient issus d’un précurseur commun produit par un seul gène. Une duplication génique propre au lignage des mammifères aurait ensuite conduit à l’apparition de deux gènes distincts codant l’un le précurseur du PRP et du PACAP et l’autre le précurseur de la GHRH et du peptide C. Cette hypothèse restait toutefois sujette à caution dans la mesure où aucune autre duplication génique propre aux mammifères n’a été décrite à ce jour dans le domaine des neuropeptides. De plus, chez les poissons, alors que le PACAP stimule dans une certaine mesure la sécrétion de GH, la GHRH-like est quasiment dépourvue d’activité [ 9, 10].
L’ensemble de ces observations a conduit une équipe de chercheurs de l’Université de Hong Kong, en collaboration avec des chercheurs de l’Unité Inserm 413, à rechercher l’existence d’une authentique GHRH chez les vertébrés non mammaliens. Dans un travail publié récemment, les deux équipes ont réussi à identifier chez les poissons, les amphibiens et les oiseaux deux gènes codant deux précurseurs distincts pour la GHRH et le PACAP [ 11]. Ils ont également caractérisé le récepteur de cette nouvelle GHRH et ils démontrent qu’elle exerce un puissant effet stimulateur sur la sécrétion de GH [11]. Ils établissent enfin, par une approche de génomique comparative, que la GHRH-like des vertébrés non mammaliens n’est autre que l’orthologue du PRP des mammifères [11] (Figure 2A). Ces résultats obligent à reconsidérer totalement l’origine phylogénétique des peptides de la famille de la GHRH et du PACAP. Ils indiquent que, si les gènes de la GHRH et du PACAP proviennent effectivement d’un gène ancestral commun, l’événement de duplication qui leur a donné naissance s’est produit beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait jusqu’à présent, c’est-à-dire non pas sur la lignée des mammifères mais avant même l’émergence des poissons téléostéens. Selon le nouveau modèle (Figure 2B), une seconde duplication serait à l’origine du gène du VIP, ainsi que d’une deuxième copie du gène de la GHRH qui aurait été par la suite rapidement perdue. Ces deux duplications, qui coïncident probablement avec les événements de tétraploïdisation du génome des vertébrés au tout début de leur histoire, sont d’ailleurs responsables de la diversification de nombreuses autres familles de neuropeptides [ 12].
![]() | Figure 2.
A. Structure des précurseurs de la GHRH, du PACAP et du VIP chez l’ensemble des vertébrés telle qu’elle est considérée désormais, à la lumière des travaux présentés dans [11]. B. Schéma évolutif des gènes correspondants, issu de ces nouvelles informations. La croix symbolise une perte génique. |