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Med Sci (Paris). 2007 December; 23(12): 1115–1124.
Published online 2007 December 15. doi: 10.1051/medsci/200723121115.

NM23 et les genès Suppresseurs de métastases

Mathieu Boissan,1,2,3 Marie-France Poupon,4 and Marie-Lise Lacombe1*

1Inserm, U680, Paris, F-75012
2Université Pierre et Marie Curie- Paris, F-75005, France.
3Faculté de Médecine UMRS 680, 27, rue Chaligny, 75012 Paris, France
4Inserm, U612, Institut Curie, Paris, F-75005, France
Corresponding author.
 

Près de 90 % des décès des patients atteints de cancer sont dus aux métastases. Les mécanismes moléculaires précis impliqués dans la dissémination métastatique sont mal connus et leur compréhension devrait faire considérablement progresser la thérapie anti-cancéreuse. L’existence de gènes contrôlant spécifiquement le potentiel métastatique a été rapportée pour la première fois avec la découverte du gène NM23 [ 1]. Il s’agit de gènes suppresseurs de métastases, objets de cet article, mais il existe aussi des gènes dont les produits favorisent le processus métastatique, et qui pourraient intervenir de façon positive sur les mêmes voies.

La formation d’une métastase (« métastatogenèse »), tumeur secondaire à distance de la tumeur primitive, nécessite que les cellules tumorales franchissent de nombreuses étapes (Figure 1) : (1) le détachement de la tumeur primitive ; (2) l’envahissement du stroma péritumoral (invasion) ; (3) l’entrée (intravasation) et la survie dans la circulation sanguine et/ou lymphatique ; (4) l’arrêt au niveau de l’endothélium d’un organe cible secondaire ; (5) l’extravasation dans le tissu environnant ; (6) la prolifération locale au niveau du site secondaire ou colonisation métastatique conduisant à la formation des métastases cliniquement détectables appelées macrométastases. Cependant, la présence de cellules tumorales disséminées au niveau du site secondaire ne permet pas de prédire l’apparition de métastases. En effet, les cellules tumorales peuvent être présentes mais rester quiescentes (état de dormance tumorale). Ces cellules tumorales dormantes peuvent évoluer sous forme de macrométastases de nombreuses années après un traitement apparemment efficace de la tumeur d’origine. La cascade métastatique dépend des propriétés intrinsèques des cellules cancéreuses et de leur interaction avec les cellules stromales, et de la capacité du micro-environnement tumoral à fournir une « niche » pour leur implantation. De multiples voies de signalisation modifiant les interactions cellule/cellule et cellule/matrice extra-cellulaire, et influençant les propriétés adhésives, invasives et migratoires des cellules tumorales, sont mises en jeu dans la cascade métastatique [ 2, 3, 44].

Plusieurs hypothèses pourraient expliquer la formation des métastases [ 4]. La première, ancienne, propose l’existence de sous-populations de cellules tumorales, variantes et rares, ayant acquis un avantage sélectif pour la dissémination métastatique. La deuxième, plus récente et obtenue à partir de l’observation des tumeurs des patients, suggère la présence d’une prédisposition métastatique établie dès le développement de la tumeur primitive. La recherche d’une « signature métastatique » a été possible grâce aux progrès de la génomique fonctionnelle. Les analyses d’échantillons de tumeurs humaines par micro-arrays ont montré que certaines combinaisons d’altérations de l’expression génique induiraient une croissance tumorale sans propension à métastaser alors que d’autres permettraient le développement d’une tumeur à potentiel métastatique. Il est intéressant de noter que plusieurs voies impliquées dans le potentiel métastatique (SRC, PI3K, MAPK…) sont également activées lors des processus oncogéniques suggérant des mécanismes communs. Cependant, la découverte que certains gènes, par leur absence ou leur présence, favorisaient ou inhibaient la dissémination métastatique, indique que ce processus peut être contrôlé spécifiquement.

Les gènes suppresseurs de métastases (GSM) ont été identifiés par la diminution de leur expression dans des cellules tumorales métastatiques par rapport aux cellules tumorales non métastatiques à l’aide de techniques telles que le criblage différentiel, l’hybridation soustractive, les puces à ADN ou le transfert cellulaire de chromosomes (Tableau I). Ces gènes sont définis par leur capacité à inhiber la formation des métastases sans affecter le développement de la tumeur primitive in vivo [ 5]. La fonction de GSM est validée par des expériences de surexpression de ces gènes dans des lignées tumorales hautement métastatiques, avec pour conséquence une réduction de leur potentiel métastatique testé dans des modèles expérimentaux, le plus souvent chez la souris. Des études cliniques corrélant la diminution d’expression des GSM dans les tumeurs humaines à certains indicateurs d’agressivité clinique confirment les données obtenues dans les modèles expérimentaux. Il faut noter que les GSM ne sont pas toujours retrouvés dans les signatures métastatiques et qu’ils ne sont que rarement le siège de mutations ou de délétions. La diminution de leur expression est due le plus souvent à un mécanisme épigénétique, comme une méthylation du promoteur ou une modification post-transcriptionnelle et/ou traductionnelle [5]. Aujourd’hui, près de 12 GSM ont été décrits mais la liste n’est pas exhaustive.

NM23

Le produit du gène NM23 (NM23-H1 chez l’homme ou NM23-M1 chez la souris), découvert comme gène suppresseur de métastases dans une lignée de mélanome de souris, a été caractérisé peu après comme une nucléoside diphosphate kinase qui catalyse la synthèse des nucléosides triphosphates (NDPK, EC 2.7.4.6) [ 6]. Comme ce gène, maintenant appelé NME selon la nomenclature internationale, apparaît toujours dans la littérature sous le nom de NM23, nous garderons le nom d’origine dans cette revue. Depuis, d’autres gènes de cette famille ont été identifiés [ 7] dont les plus abondamment exprimés, NM23-H1 (NME1) et NM23-H2 (NME2), codent des protéines identiques à 88 %. NME3 a été caractérisé par sa surexpression dans la phase aiguë des leucémies myéloïdes chroniques et NME4, identifié au laboratoire, code une isoforme spécifique des mitochondries. Les autres isoformes, plus éloignées phylogénétiquement, possèdent un ou plusieurs domaines NDPK en tandem, associés ou non à d’autres domaines comme la thiorédoxine. La plupart de ces isoformes sont associées aux structures axonémales et l’une d’entre elles est impliquée dans une pathologie ciliaire.

L’expression de NM23-H1 est doublement associée à la cancérogenèse, et les observations suivantes ont été faites : (1) une surexpression précoce de NM23-H1 (et également de NM23-H2) dans les cellules tumorales de la plupart des tumeurs solides humaines par rapport au tissu sain, suggérant un rôle favorisant les étapes initiales de la progression tumorale, et (2), une perte de l’expression de NM23-H1 aux stades avancés de certains types de tumeurs comme les mélanomes, les tumeurs du sein, du côlon et des ovaires, et les carcinomes hépatocellulaires, inversement corrélée au potentiel métastatique [ 8]. Un rôle causal de NM23 dans la dissémination métastatique est démontré par  : (1) une inhibition du potentiel métastatique de lignées tumorales agressives par l’expression forcée de NM23-H1 [2], et (2) une augmentation de l’incidence des métastases pulmonaires chez des souris doublement transgéniques, invalidées pour NM23-M1 et développant des carcinomes hépatocellulaires résultant de l’expression hépato-spécifique de l’antigène T du virus SV40 [ 9]. En ce qui concerne le rôle de NM23-H2/M2 dans le potentiel métastatique, les données de la littérature sont beaucoup moins abondantes et relativement discordantes.

Le (ou les) mécanisme(s) moléculaire(s) impliquant NM23 dans le contrôle du potentiel métastatique ne sont pas encore élucidés. Il était tentant de proposer que les NDPK, responsables de la synthèse du GTP, puissent jouer un rôle dans l’activation des protéines liant le GTP. Paradoxalement, il s’agit d’une inhibition, en accord avec le rôle de suppresseur de métastases. L’interaction de NM23-H1 avec Tiam1, facteur d’échange nucléotidique de Rac1, Rho-GTPase impliquée dans la motilité cellulaire, inhibe l’activation de Rac1 [ 10]. NM23-H1, en interagissant avec la protéine d’échaffaudage KSR, inhibe l’activation de la voie ERK/MAPK [ 11]. Une activité de type histidine kinase a été proposée pour NM23 [2]. Cependant, celle-ci n’a pas été démontrée pour la protéine recombinante purifiée et n’est pas compatible avec la structure tridimensionnelle de l’enzyme. Des travaux sur les mécanismes moléculaires de l’endocytose chez la drosophile et les cellules de mammifères suggèrent une coopération entre NM23 et la dynamine, GTPase indispensable à ce mécanisme, dans la modulation du signal induit par certains récepteurs, en particulier par le récepteur du FGF (fibroblast growth factor) [ 12]. Ainsi, l’absence de NM23 empêcherait le recyclage de ces récepteurs et prolongerait leur action. NM23 a également été impliquée dans la dynamique de l’attachement des cellules à la matrice extracellulaire via l’intégrine β1 [ 13]. Une analyse transcriptomique comparative de lignées de carcinome surexprimant ou non NM23-H1 et différant dans leur potentiel invasif, a permis d’identifier différents gènes dont l’expression est modulée par NM23-H1. Il faut noter particulièrement une diminution induite par NM23-H1 de l’expression de récepteurs membranaires, en particulier d’EDG2, récepteur du LPA (lipophosphatidic acid), activateur des Rho-GTPases, et de MET, récepteur de l’HGF (hepatocyte growth factor) ou scatter factor, activateur de la transition épithéliale-mésenchymateuse [ 14]. Un mécanisme totalement différent pourrait impliquer la propriété de NM23-H1 et/ou H2 de lier l’ADN et leur activité désoxyribonucléase vis-à-vis de l’ADN simple brin [ 15]. Ainsi, NM23-H1 et -H2 régulent la transcription de différents gènes tels que c-myc, le gène de la MMP-2 et de la sous-unité A du PDGF (platelet derived growth factor). L’activité nucléase de NM23-H1 est impliquée dans l’apoptose induite par les lymphocytes T cytotoxiques. La granzyme A, importée dans la cellule cible, éventuellement une cellule tumorale, libère NM23-H1 du complexe SET permettant son transfert dans le noyau où elle clive l’ADN et induit la mort cellulaire [ 16].

Les autres gènes suppresseurs de métastases

La plupart des GSM (Tableau I) agissent sur la signalisation intracellulaire via deux voies majeures, celle dépendante des protéines G monomériques (NM23, RhoGDI2 et SSeCKS) et hétérotrimériques (KISS1 et CRSP3), et celle dépendante des MAPK (NM23, MKK4, RKIP, Drg-1), elle-même contrôlée par des GTPases monomériques, ce qui pourrait impliquer des voies communes ou interactives encore mal connues (Figure 2).

Concernant la signalisation dépendante des protéines G, RhoGDI2 est un inhibiteur de la dissociation du GDP de Rho et Rac, Rho-GTPases ayant un rôle déterminant dans la migration cellulaire [ 17]. En maintenant ces protéines sous une forme inactive liée au GDP, RhoGDI2 contribuerait à inhiber la motilité cellulaire. De plus, ce GSM contrôle la prolifération des cellules endothéliales au cours de l’angiogenèse par l’axe endothéline/récepteur de l’endothéline. Le mécanisme par lequel SSeCKS inhibe la formation des métastases est mal connu. Il vient d’être rapporté que la ré-expression de SSeCKS dans des cellules NIH3T3 transformées par l’oncogène SRC inhibait la formation des podosomes, structures riches en actine impliquées dans l’invasion tumorale et la migration, via les Rho-GTPases RhoA et cdc42, et restaurait la morphologie cellulaire [ 18]. L’équipe de Gelman propose aussi que SSeCKS puisse inhiber la formation des métastases en inhibant la production du VEGF, principal facteur pro-angiogénique, par les cellules tumorales et stromales, et en induisant la synthèse de facteurs solubles anti-angiogéniques [ 19]. Le gène KISS1 code un précurseur, KiSS1, dont la protéolyse conduit à la formation des Kisspeptines. Les Kisspeptines sont les ligands du récepteur couplé aux protéines G GPR54 et jouent un rôle majeur dans la régulation de l’axe gonadotrope en stimulant la sécrétion hypothalamique de GnRH. En ce qui concerne l’effet suppresseur de métastases de KISS1, les Kisspeptines sécrétées par les cellules tumorales pourraient agir sur les cellules tumorales par un mécanisme autocrine et/ou paracrine, et/ou sur les cellules stromales par un mécanisme paracrine via GPR54 ou d’autres récepteurs non définis à ce jour [ 20]. De plus, KISS1 réprime la transcription du gène de la MMP-9, impliquée dans l’invasion tumorale, en inhibant la liaison de NF-κB sur le promoteur de ce gène [ 21]. Quant à CRSP3, sa surexpression dans des cellules humaines de mélanome entraîne une augmentation de l’expression de KISS1 suggérant que KISS1 est régulé par CRSP3 [ 22]. VDUP1, un GSM en amont de KISS1, en interagissant avec la thiorédoxine (TXN), favoriserait l’activation de ASK1, une kinase pro-apoptotique [22]. L’équipe de D. R. Welch suggère une voie régulatrice des métastases : CRSP3 → VDUP1 → KISS1.

Concernant la voie des MAPK, les travaux d’Aguirre-Ghiso et al. montrent que l’équilibre entre l’activation de p38 et de ERK1/2 est déterminant dans l’état prolifératif ou dormant d’une tumeur ce qui pourrait influencer la colonisation métastatique au niveau du site secondaire [ 23]. L’activation de p38 induit une inhibition de la croissance tumorale alors qu’une activation de ERK1/2 facilite la dissémination tumorale. MKK4 active les kinases JNK et p38 alors que NM23 et RKIP inhibent la voie ERK1/2. L’équipe de Rinker-Schaeffer a récemment montré que selon le type de cellules tumorales, prostatique ou ovarien, l’effet suppresseur de métastases de MKK4 résultait de l’activation de JNK ou de p38, respectivement [ 24, 25]. Le mécanisme par lequel Drg-1 inhibe le potentiel métastatique n’est pas connu. Néanmoins, Drg-1 est activée via MKK4 suggérant qu’elle agirait en aval de MKK4 [ 26]. MKK4 pourrait être également activée par VDUP1 via l’activation de la kinase ASK1 déjà mentionnée. Enfin, RKIP, comme NM23, est un régulateur de la voie Ras/Raf/MEK/ERK dont la surexpression inhibe l’activation de ERK1/2 [ 27].

D’autres GSM modulent l’endocytose et les interactions cellule/cellule. Le produit du gène KAI1 est une glycoprotéine appartenant à la superfamille des tétraspanines, protéines de la membrane cellulaire à 4 domaines transmembranaires régulant la migration, l’invasion et la fusion cellulaire. La surexpression de KAI1 dans les cellules épithéliales mammaires HB2 induit une diminution de la migration cellulaire en réponse à l’EGF corrélée à une augmentation de l’endocytose du complexe EGF/EGF-R [ 28]. D’autres études rapportent que l’activité anti-métastatique de KAI1 pourrait être due à l’inhibition de l’activation de MET ou de la kinase Src [ 29]. Récemment, l’équipe de K. Watabe a montré que la fonction anti-métastatique de KAI1 dépendait d’une interaction directe entre KAI1 des cellules tumorales et le récepteur DARC présent à la surface des cellules endothéliales, induisant une inhibition de la prolifération et la sénescence des cellules tumorales, et ainsi la suppression des métastases [ 30]. En effet, l’injection intraveineuse de cellules de mélanome B16F10 surexprimant KAI1 à des souris invalidées pour DARC induit la formation de métastases pulmonaires alors que l’injection de ces mêmes cellules à des souris sauvages inhibe la dissémination métastatique, suggérant que la fonction anti-métastatique de KAI1 est dépendante de la présence de DARC. BRMS1, partenaire du complexe répresseur transcriptionnel mSin3-HDAC, pourrait inhiber la transcription de gènes pro-métastatiques. En particulier, BRMS1 réprime la transcription de gènes cibles dont l’activation est NF-κB dépendante, notamment des gènes uPA et OPN, impliqués dans l’invasion tumorale [ 31, 32]. BRMS1 est aussi capable de maintenir les communications cellule/cellule au niveau des jonctions communicantes Gap [ 33]. Un autre gène, celui de la maspine, a une expression inhibée par la voie NF-κB. Il est connu comme suppresseur de métastases mais a également été rapporté comme suppresseur de tumeur [ 34].

Quelques nuances sont à apporter à l’ensemble de ces données. Il semble que l’activité anti-métastatique de certains GSM dépende du contexte cellulaire et tissulaire. Dans certains cas, il semblerait, paradoxalement, que leur absence inhibe la dissémination métastatique ou que leur présence la favorise. Ainsi, NM23 est surexprimé dans les neuroblastomes les plus agressifs par rapport à ceux de stade précoce [ 35]. Une donnée récente rapporte que l’invalidation in vitro du gène MKK4 dans la lignée tumorale pancréatique PL5 inhibe la formation des métastases pulmonaires chez la souris nude [ 36]. Certains GSM seraient-ils aussi des gènes suppresseurs de tumeurs ? En effet, 41 % des souris invalidées pour le gène VDUP1 développent des carcinomes hépatocellulaires par rapport aux souris sauvages qui n’en développent pas, suggérant que la perte de VDUP1 faciliterait la formation de la tumeur primitive [ 37].

Place des GSM dans la cascade métastatique

D’après leur mécanisme d’action, il semble que chaque GSM puisse altérer une ou plusieurs étapes de la cascade métastatique. En effet, BRMS1 agirait au niveau des étapes précoces lors du détachement de la tumeur primitive en maintenant les jonctions inter-cellulaires mais également, comme KISS1, sur l’invasion. NM23 agirait sur l’adhérence cellule/cellule et cellule/matrice extracellulaire et également, comme RhoGDI2 et SSeCKS, en inhibant la motilité des cellules tumorales via, entre autres, un mécanisme commun, l’inhibition de l’activation de Rho-GTPases. KISS1 et MKK4 interviendraient lors de l’étape de colonisation en empêchant la croissance des cellules tumorales au niveau du site secondaire. En effet, l’équipe de D. R. Welch a montré que si le nombre de cellules de mélanome C8161.9 surexprimant ou non KISS1 atteignant le poumon était comparable après injection intraveineuse, seules les cellules n’exprimant pas KISS1 sont capables de former des métastases macroscopiques [20]. Cependant, cette étude ne peut exclure un rôle de KISS1 au cours des étapes précoces de la cascade métastatique. CRSP3 et VDUP1, qui sont situés en amont de KISS1, devraient également contrôler l’étape de colonisation métastatique mais cela n’a pas été montré. L’activité anti-métastatique de MKK4 serait également due à une inhibition spécifique de la colonisation et non pas à une diminution du nombre de cellules tumorales arrivant au niveau du site secondaire. L’équipe de C. Rinker-Schaeffer a suggéré qu’un signal activant MKK4 serait spécifiquement présent au niveau de l’organe secondaire mais absent ou insuffisant au niveau de la tumeur primitive [24]. La fonction anti-métastatique de KAI1, qui dépend d’une interaction entre KAI1 des cellules tumorales et le récepteur DARC des cellules endothéliales, indique que KAI1 pourrait agir au niveau de la colonisation.

Ré-exprimer les gènes suppresseurs de métastases : un défi thérapeutique

Quelle est la valeur et l’intérêt des GSM en clinique ? Une application potentielle serait leur utilisation comme marqueur du risque métastatique des tumeurs nouvellement diagnostiquées. Il faut noter que la tumeur primitive est très hétérogène et il apparaît difficile de fonder une thérapie sur un prélèvement ne représentant que très partiellement l’intégralité de la tumeur. D’autre part, au moment du diagnostic de la tumeur primitive, la dissémination métastatique a déjà pu avoir lieu. Un des défis de la thérapie anti-métastatique serait d’augmenter l’expression des GSM dans les cellules déficientes ou de réactiver les voies dans lesquelles ils sont impliqués au niveau de la tumeur primitive ou du site secondaire. Deux approches sont envisageables : ré-exprimer le gène endogène à l’aide d’agents thérapeutiques ou apporter le gène déficient par thérapie génique. L’équipe de P. Steeg a mis en évidence dans le promoteur de NM23-H1 une région potentiellement régulée par les stéroïdes et a observé que l’acétate de médroxyprogestérone (MPA), un agoniste des récepteurs des glucocorticoïdes, stimulait l’expression de NM23-H1 et réduisait l’incidence, le nombre et la taille des métastases pulmonaires dans un modèle expérimental de métastases chez la souris nude [ 38]. De même, le traitement de souris avec un antagoniste de la voie endothéline impliquant RhoGDI2, l’atrasentan, réduit, de manière similaire à RhoGDI2, l’incidence des métastases pulmonaires dans un modèle murin [ 39]. L’équipe de D.R. Welch propose l’injection de Kisspeptines pour inhiber la colonisation métastatique [20]. Il a été montré que l’injection intra-péritonéale d’un vecteur adénoviral exprimant NM23-H1 réduit l’incidence des métastases hépatiques d’un modèle orthotopique de cancer de l’ovaire [ 40]. Très récemment, une équipe japonaise rapporte que l’administration intra-trachéale d’un vecteur adénoviral exprimant KAI1 réduit de façon majeure la masse des métastases ganglionnaires d’un modèle orthotopique de cancer du poumon [ 41]. Ainsi, il paraît possible, tout du moins pour certains GSM, de restaurer leur fonction suppressive de métastases, offrant ainsi une réelle perspective thérapeutique anti-métastatique [ 43].

Conclusions

Le concept de « gène suppresseur de métastases » vient de l’identification de gènes capables de contrôler spécifiquement le potentiel métastatique des cellules tumorales sans affecter, le plus souvent, leur potentiel tumorigène. La métastatogenèse, bien que partageant certaines voies de la tumorigenèse, a un mécanisme propre comme le montre l’existence de gènes spécifiques favorisant ou inhibant la dissémination métastatique. Parmi ces gènes, les GSM agissent sur les propriétés intrinsèques des cellules tumorales et modulent, pour la plupart, des voies de signalisation contrôlées plus ou moins directement par des GTPases. L’analyse précise de ces voies devrait permettre l’identification de nouvelles cibles et de nouveaux agents thérapeutiques capables d’inhiber la formation des métastases. De même, une réactivation de leur expression endogène ou une stimulation des voies dans lesquelles ils sont impliqués pourrait constituer une thérapie anti-métastatique efficace apte à limiter, annihiler ou même prévenir la dissémination métastatique.

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Acknowledgments

Nous remercions le Docteur Christèle Desbois-Mouthon et Adeline Wohlhuter pour leur lecture du manuscrit et Yves Chrétien pour son travail infographique. Nous regrettons de n’avoir pu citer, faute de place, tous les auteurs ayant contribué à l’étude des GSM. Ce travail a été soutenu par l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), le Groupement des Entreprises Françaises dans la Lutte contre le Cancer (GEFLUC), l’Association pour la Recherche contre le Cancer (ARC) et la Ligue Nationale contre le Cancer.

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