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Med Sci (Paris). 2007 February; 23(2): 219–220.
Published online 2007 February 15. doi: 10.1051/medsci/2007232219.

Quand la protéomique s’attaque aux modifications post-traductionnelles…

Nicolas Delcourt*

CNRS UMR 5203, Inserm U661, Université de Montpellier I et II, Institut de Génomique Fonctionnelle, Département de Neurobiologie, 141, rue de la Cardonille, 34094 Montpellier Cedex 5, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Glycoprotéines, Glycosylation, Humains, Phosphoprotéines, Phosphorylation, Maturation post-traductionnelle des protéines, Protéomique, Transduction du signal

 

Le 5e congrès mondial annuel de l’HUPO (Human proteome organisation) s’est déroulé du 28 octobre au 1er novembre 2006 à Long Beach (CA, États-Unis), avec l’objectif de faire le point sur les possibilités technologiques qu’offre la protéomique pour l’étude des processus physiopathologiques.

Ce congrès, traditionnellement tourné vers les dernières innovations techniques en spectrométrie de masse et en analyses de données, a laissé la part belle aux études portant sur les modifications post-traductionnelles. Ce compte rendu résumera donc les principales avancées présentées lors de ce congrès, sur le plan du développement technologique pour l’amélioration de la purification et de la caractérisation des phospho- et des glycoprotéines comme sur le plan des applications de ces approches pour la découverte de biomarqueurs de pathologies, ou pour l’étude globale de voies impliquées dans la signalisation cellulaire.

Avancées en phosphoprotéomique

Parmi les approches dédiées à la caractérisation des modifications post-traductionnelles, celles qui ont été développées pour l’étude des phosphoprotéines ont fait l’objet ces dernières années d’un effort méthodologique considérable. Les travaux présentés lors de ce congrès ont montré que la phosphoprotéomique commence à être utilisée pour tenter de répondre à de réelles questions biologiques. Parmi les travaux représentatifs de cette évolution, on peut tout d’abord citer ceux de A. Burlingame, qui a présenté une synthèse de ses résultats portant sur l’identification globale des sites de phosphorylation des protéines de la densité post-synaptique (PSD) [ 1]. L’approche repose sur une première séparation par chromatographie échangeuse d’ions (SCX) de l’ensemble des peptides obtenus par digestion enzymatique du lysat, puis sur la purification des phosphopeptides par chromatographie d’affinité métal-phosphate (IMAC) suivie de leur séquençage par spectrométrie de masse en tandem (MS/MS). Les résultats obtenus montrent que l’étape de purification des phosphopeptides est déterminante dans ce type d’analyse, puisqu’elle permet de simplifier considérablement l’échantillon et de multiplier ainsi par trois le nombre de sites de phosphorylation identifiés, quel que soit le type d’appareillage utilisé en aval. Cette technique a été automatisée et 723 sites de phosphorylation ont ainsi pu être identifiés sur 287 protéines, ce qui représente environ le quart des protéines identifiées jusqu’à présent dans la PSD.

Ensuite, M. Dong a présenté une application intéressante de ce que la phosphoprotéomique quantitative peut apporter pour l’étude de la transduction du signal, ici celui de l’insuline chez C. elegans [ 2]. Il a en effet comparé les protéines phosphorylées après traitement, par l’insuline, de vers sauvages et de mutants pour le récepteur de l’insuline (Daf2−/−) et pour un facteur de transcription régulé négativement par cette hormone (Daf16−/−). Les cellules ont été cultivées dans un milieu enrichi en 15N pour la quantification ultérieure des variations de leur niveau de phosphorylation par spectrométrie de masse. Ces travaux ont permis d’identifier 104 protéines dont le niveau de phosphorylation augmente ou diminue chez les mutants Daf2−/−, certaines étant connues pour être impliquées dans la longévité du nématode. Les auteurs ont pu mettre en évidence une régulation fine par l’insuline de l’expression d’une phosphatase qui serait modulée par la phosphorylation de Daf16, et serait impliquée dans la longévité du nématode.

M. Larsen a quant à lui présenté deux études à l’interface entre phospho- et glycoprotéomique, portant sur l’analyse des corps apoptotiques résultant de la stimulation des cellules β-pancréatiques par l’interleukine-1β (IL-1β). L’originalité de l’approche repose sur le fait que la purification des phospho- et des glycoprotéines se fait sur la même colonne de dioxyde de titanium (TiO2). Cette technique, mise au point en 2005 par le groupe d’O. Jensen, semble très sélective pour purifier les phosphopeptides contenus dans un échantillon biologique complexe. Le principe repose sur le fait que le TiO2 est d’abord saturé en acide dihydroxybutyrique, qui a une affinité pour le titanium meilleure que celle des acides aminés acides (glutamates, aspartates), mais inférieure à celle des acides aminés phosphorylés [ 3]. M. Larsen a ensuite montré que cette colonne pouvait être également utilisée pour purifier des protéines glycosylées contenant en bout de chaîne un acide sialique chargé négativement. L’éluat doit alors subir un traitement par la PNGase F (ou N-glycosidase F) pour permettre l’analyse des glycopeptides en spectrométrie de masse, en présence de 18O pour quantifier les variations de glycosylation en fonction du stimulus. M. Larsen a ainsi pu quantifier les variations de phosphorylation et de glycosylation de plus de 200 protéines induites par l’IL-1β, et déterminer un lien de cause à effet entre la phosphorylation de certaines protéines et leur état de glycosylation. L’approche TiO2 pour l’enrichissement des peptides phosphorylés est donc très prometteuse, et il faudra attendre une confirmation de ces premiers travaux [ 4].

Avancées en glycoprotéomiques

Un fait marquant du congrès a été la place faite aux techniques émergentes dédiées à l’étude des glycoprotéomes, dont quelques applications pourraient aboutir à la « découverte » de biomarqueurs de maladies métaboliques. W. Hancock a tout d’abord présenté le développement d’une plate-forme de protéomique clinique utilisant la technique M-LAC (multilectin affinity chromatography), qui permet l’enrichissement de l’échantillon en glycoprotéines ensuite caractérisées par LC-MS/MS [ 5]. Cette technique, appliquée à l’étude d’échantillons de plasma humain, a permis l’identification de glycoprotéines plasmatiques exprimées à des concentrations relativement faibles (entre 10 et 100 ng/ml). W. Hancock a également insisté sur la relative polyvalence de la méthode, qui permet de se focaliser sur différentes formes de glycosylation en changeant simplement la nature des lectines utilisées.

Une autre approche a été présentée par M. Kostrzewa pour capturer les glycoprotéines contenues dans le plasma. Cette méthode consiste à utiliser des microparticules magnétiques sur lesquelles sont greffées des lectines ou des acides boroniques [ 6]. Les protéines ainsi piégées sont ensuite digérées par la trypsine, puis analysées par LC-MALDI-MS/MS. Les résultats obtenus montrent que le choix des billes (jacaline, acide boronique, concanavaline A ou WGA, wheat germ agglutinin) est déterminant pour la nature des glycoprotéines retenues (O-glycane, mannose, acide sialique). Enfin, les tampons employés étant peu stringents, cette technique peut également être utilisée pour étudier les interactions protéines-protéines dépendantes des glycosylations.

Enfin, quelques applications d’études glycoprotéomiques quantitatives pour la découverte de biomarqueurs ont été présentées, parmi lesquelles celle de G. Hart concernant le diabète [ 7]. Grâce à une approche fondée sur la purification, par des anticorps spécifiques, de protéines « O-linked N-acétylglucosaminées » cytosoliques et nucléaires, G. Hart a pu comparer la dynamique de O-GlcNAcylation des protéines d’érythrocytes chez des patients sains ou diabétiques, première étape vers le développement d’un test diagnostique de cette maladie.

Pour terminer, C. Wong a présenté un très bel exemple d’étude d’une modification post-traductionnelle par une approche protéomique conduisant à la découverte d’un nouveau mécanisme de régulation cellulaire [ 8]. En choisissant d’employer une approche de type shotgun, ce groupe a comparé la masse des peptides aminoterminaux de l’actine de fibroblastes embryonnaires avec celle de peptides synthétiques correspondants liés de façon covalente à l’arginine (arginylation). Cette étude a permis de démontrer que l’actine possède un site unique d’arginylation sur son extrémité aminoterminale, impliqué dans la régulation des processus de polymérisation et d’agrégation des filaments d’actine et dans la motilité cellulaire.

Conclusions

Les innovations technologiques présentées au cours de ce 5e congrès HUPO (sensibilité et précision des appareils, développement de nouvelles sources d’ionisation, sélectivité des techniques de purification des protéines) permettent désormais de caractériser précisément les modifications post-traductionnelles. Le véritable défi consiste à présent à utiliser ce potentiel technique pour résoudre des problèmes biologiques complexes, dans des systèmes physiopathologiques de plus en plus intégrés.

 
Acknowledgments

Je remercie la Société française d’électrophorèse et d’analyse protéomique (SFEAP) pour le financement de ma participation à ce congrès.

References
1.
Trinidad JC, Specht CG, Thalhammer A, et al. Comprehensive identification of phosphorylation sites in postsynaptic density preparations. Mol Cell Proteomics 2006; 5 : 914–22.
2.
Dong MQ, Venable J, Au N, et al. Identification of insulin signaling components by quantitative proteomics. Mol Cell Proteomics 2006; 5 : S48.
3.
Larsen MR, Thingholm TE, Jensen ON, et al. Highly selective enrichment of phosphorylated peptides from peptide mixtures using titanium dioxide microcolumns. Mol Cell Proteomics 2005; 4 : 873–86.
4.
Olsen JV, Blagoev B, Gnad F, et al. Global, in vivo, and site-specific phosphorylation dynamics in signaling networks. Cell 2006; 127 : 635–48.
5.
Yang Z, Harris LE, Palmer-Toy DE, Hancock WS. Multilectin affinity chromatography for characterization of multiple glycoprotein biomarker candidates in serum from breast cancer patients. Clin Chem 2006; 52 : 1897–905.
6.
Sparbier K, Wenzel T, Kostrzewa M. Exploring the binding profiles of ConA, boronic acid and WGA by MALDI-TOF/TOF MS and magnetic particles. J Chromatogr B Analyt Technol Biomed Life Sci 2006; 840 : 29–36.
7.
Hart GW, Wang Z, Park K, Saudek CD. Cycling of O-GlcNAc in response to nutrients and stress; proteomic analyses to determine if O-GlcNAcylation is diagnostic for pre-diabetes ? Mol Cell Proteomics 2006; 5 : S331.
8.
Karakozova M, Kozak M, Wong CC, et al. Arginylation of beta-actin regulates actin cytoskeleton and cell motility. Science 2006; 313 : 192–6.