On ne sait si c’est son côté rouennais, ou, plus vraisemblablement, sa double appartenance neuropsychiatrique et génétique, mais Dominique Campion, dans son dernier livre, se situe d’emblée à l’interface délicate, et si controversée, entre ces deux disciplines.
Dans cet ouvrage [ 1], Dominique Campion propose une vaste réflexion qui s’étend de la description des molécules constitutives des systèmes vivants à celle de la pensée consciente, en passant par celle des représentations neuronales et des comportements. Il propose une critique de la théorie de la sélection des groupes neuronaux, chère à Jean-Pierre Changeux et Gerald Edelman, au profit du concept d’auto-organisation à partir d’un programme de développement, mais aussi d’informations épigénétiques (tout en réfutant les théories fumeuses selon lesquelles il existerait une connaissance de l’homme qui serait d’un autre ordre que la connaissance biologique). Il s’attarde sur la notion de facteur de risque génétique, issue des différences entre génétique mendélienne classique et génétique polyfactorielle, en décrivant le continuum qui va du polymorphisme à la mutation délétère, en passant par les maladies monogéniques à pénétrance incomplète et expressivité variable qui, en fonction de modifications génétiques ou environnementales, glissent vers les maladies polygéniques. Il aborde ensuite l’analyse fonctionnelle des réseaux neuronaux impliqués dans plusieurs affections du système nerveux central (Parkinson, troubles obsessionnels compulsifs, syndromes schizophréniques, toxicomanies). Puis il résume les données, issues de la neuropsychologie et de l’imagerie cérébrale fonctionnelle qui permettent d’appréhender l’architecture cognitive modulaire et l’identité des structures cérébrales impliquées dans ces affections. Le livre se termine par une critique virulente des thèses ultra-darwiniennes sur la valeur sélective des gènes pris individuellement (pas de gène égoïste mais une interaction évolutive entre les éléments du pool génétique).
D’une écriture très agréable, avec une iconographie sobre mais adéquate, le livre est organisé en huit courts chapitres, chacun suivi d’une bibliographie choisie (revues et articles originaux indispensables, beaucoup de textes en langue française). Cet ouvrage a véritablement sa place dans une collection dont le titre est Références en psychiatrie. Il pourra être consulté avec profit par tout lecteur de M/S intéressé par ces questions d’actualités.