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Med Sci (Paris). 2008 March; 24(3): 328–330.
Published online 2008 March 15. doi: 10.1051/medsci/2008243328.

Et Dieu dans tout ça ?

Simone Gilgenkrantz*

Médecine/Sciences, 9, rue Basse, 54330 Clérey-sur-Brénon, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Confinement de risques biologiques, Femelle, Génome bactérien, Génome humain, Humains, Vie, Mâle, Mycoplasma genitalium, Organismes génétiquement modifiés, Périodiques comme sujet, Religion et science

 

Au début de l’année 2008 sont survenus deux événements en miroir, bien représentatifs de notre temps, inquiétants pour les uns, prévisibles pour d’autres.

En janvier, en effet, est paru le numéro inaugural du premier journal scientifique créationniste, dont nous ne saurions trop vous recommander la lecture tant nous sommes soucieux de l’édification personnelle des esprits des lecteurs de médecine/sciences : http://www.answersingenesis.org/arj

Il y est question des « microbes », ces bêtes du bon Dieu que les Hommes ont trop mal jugées par le passé. Ces petits êtres qui participent au Dessein de Dieu ont été ré-analysées au cours d’un Forum qui s’est tenu en juin 2007. Certains auteurs, grands scientifiques selon la rédaction de Answers Research Journal, ont pris des pseudonymes pour éviter d’obérer leur carrière par leurs prises de position créationnistes…

Le second événement, sorte de réplique au premier, est la re-création du génome d’un organisme vivant, une grande première de l’Institut de Craig Venter, ce grand capitaine d’industrie qui n’a plus de secrets pour nous depuis qu’il a mis à nu sur le Net la séquence presque entière de son génome [ 14]. Il avait déjà, du reste, réussi en 2003 la synthèse d’un virus fonctionnel, Phi174 [ 5]. Le choix des chercheurs s’est porté sur Mycobacterium genitalium. Découverte en 1980, cette bactérie sans paroi mais capable d’adhérence fait partie des agents émergents sexuellement transmissibles doués de pouvoir pathogène chez l’homme (urétrite, épididymite, prostatite) et chez la femme (vaginite, endométrite, salpingite). L’infection peut entraîner des complications pendant la grossesse et chez le nouveau-né. Le génome de M. genitalium est un des premiers à avoir été séquencé [ 6]. Il a été choisi car il est un des plus petits, avec 485 gènes (le record appartenant à Carsonella ruddi, une bactérie symbiotique d’insectes phyllophages ne possédant que 160 000 paires de bases). La synthèse artificielle s’est faite en plusieurs étapes [ 7] : (1) Les 580 076 pb de M. genitalium ont été synthétisés et assemblés en une centaine de cassettes chevauchantes de 5 à 7 kb dont la séquence a été vérifiée pour éliminer toute erreur. (2) Des traceurs ont été incorporés dans 5 cassettes pour permettre la reconnaissance du génome synthétique. (3) De plus, pour empêcher la virulence, une insertion a été introduite dans le gène MG408, ce qui supprime la capacité d’adhérence aux cellules de mammifères.

Le montage a ensuite été réalisé par étapes successives : (1) assemblage de 4 cassettes par recombinaison in vitro, puis formation de BAC (bacterial artificial chromosome) dans E. coli avec vérification et correction des séquences ; (2) les blocs obtenus ont ensuite été incorporés dans S. cerevisiae, en raison de leur taille, pour former des YAC (yeast artificial chromosome) par approche TAR (transformation associated recombination). Un des clones, sMgTARBAC37, fut ensuite sélectionné pour reconstituer complètement le génome.

Les auteurs soulignent l’exploit technique ainsi réalisé et envisagent d’utiliser cette méthode pour produire d’autres organismes synthétiques. Pourtant, une note ajoutée sur l’épreuve signale discrètement que la souche sMg ainsi obtenue est incapable de se multiplier, le vecteur TARBAC interrompant le gène codant la sous-unité ARN de l’ARNase P.

Comme on le sait, Craig Venter a déposé dès début 2007 une demande de brevet pour une bactérie artificielle, Mycoplasma laboratorium, qui deviendrait une « usine biochimique » fabricant de l’éthanol et de l’hydrogène. Force est de constater que le but n’est pas encore atteint. En effet, l’objectif est non seulement de synthétiser l’ensemble d’un génome bactérien, mais aussi d’en tirer un véritable organisme vivant (par exemple en intégrant ce génome synthétique dans une bactérie préalablement débarrassée de son propre ADN).

Mais déjà les Comités d’Éthique s’inquiètent. Au Royaume-Uni, Helen Wallace, porte-parole de l’ONG Genewatch, souligne le danger de la création d’organismes vivants artificiels et des éventuelles conséquences pour l’environnement, tandis que les ONG canadiennes regrettent l’absence de débat public et d’organes de réglementation. Sans compter les utilisations possibles à des fins terroristes…

Néanmoins, Craig Venter s’est conformé aux textes législatifs en rigueur et collabore avec le groupe d’experts réunis sous la responsabilité de la Sloan Foundation (http://www.sloan.org/) pour mesurer l’intérêt et les dangers de cette technologie émergente

Espérons que dans tout cela, « Dieu reconnaîtra les siens ».

 
Acknowledgments

À Bertrand Jordan pour ses conseils.

References
1.
Levy S, Sutton G, Feuk L, Halpern AL, et al. The diploid genome sequence of an individual human. PLoS Biol 2007; 5 : e254.
2.
Jordan B. Chroniques génomiques. Les révélations du « génome diploïde » de Craig Venter. Med Sci (Paris) 2007; 23 : 875–6.
3.
Jordan B. Chroniques génomiques. Génome personnel, gadget ou révolution ? Med Sci (Paris) 2008; 24 : 91–4.
4.
Chardin P. Nous sommes tous de « race » africaine. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 205–7.
5.
Smith HO, Hutchison CA, Pfannkoch C, et al. Generating a synthetic genome by whole genome assembly: phiX174 bacteriophage from synthetic oligonucleotides. Proc Natl Acad Sci USA 2003; 100 : 15440–5.
6.
Glass JI, Assad-Garcia N, Alperovich N, et al. Essential genes of a minimal bacterium. Proc Natl Acad Sci USA 2006; 103 : 425–30.
7.
Gibson DG, Benders GA, Andrews-Pfannkoch C, et al. Complete chemical synthesis, assembly, and cloning of a Mycoplasma genitalium genome Science 2008; 24 janvier, online.