La perception de l’animal par l’homme a été fortement influencée par les théories philosophiques dont les plus importantes défendaient l’idée que c’est la conscience, autrement dit l’âme, qui différencie l’homme de l’animal. Ces théories n’ont cessé d’évoluer au cours des siècles et ont joué, depuis l’Antiquité, un rôle important dans la pratique expérimentale dont les hommes disposaient pour explorer le vivant et tout particulièrement le cerveau, considéré très tôt comme le siège de la conscience.
Hippocrate (460-379 avant J.C.) avançait déjà que le cerveau était le siège des sensations et de l’intelligence.
Aristote (384-322 avant J.C.) a consacré une grande partie de son œuvre à découvrir le vivant en considérant que l’animal disposait d’une âme végétative et sensitive alors que l’homme possédait en plus une âme intellective. Pour lui le cœur était le siège de l’intelligence, le cerveau servant à refroidir le sang.
Galien (130-200 après J.C.) pratique l’expérimentation en disséquant des gladiateurs, mais aussi des porcs et des chiens, cherchant à démontrer que le cerveau « mou » permet l’impression des sensations alors que le cervelet « ferme » est le centre de commande des muscles. À partir de cette époque, l’Église, en s’opposant à la science qu’elle juge inutile et dangereuse, fait obstacle à l’avancée des connaissances anatomiques. Saint Thomas d’Aquin, théologien (1225-1274), s’est opposé à l’utilisation des données sur l’animal vigile sous le prétexte que, ne possédant pas d’esprit, les animaux sont incapables de rationalité et sont par nature soumis à l’homme.
Au XVe siècle encore, Hippocrate, Aristote et Galien restent les références absolues en matière d’enseignement de la médecine qui se résume à la lecture des textes de Galien pendant qu’un chirurgien dissèque un chien.
C’est à partir de la Renaissance que la chirurgie va se développer de nouveau, grâce à l’observation directe par dissection. Andréas Vesalius (1514-1564) fut le premier à reprendre officiellement des dissections de cadavres pour illustrer ses cours d’anatomie.
Descartes (1595-1635) base son discours sur la séparation du corps et de l’esprit ; l’animal est une machine, certes complexe, mais qui n’a ni conscience ni sensations. Les douleurs qu’il ressent ne sont donc que des dysfonctionnements de la machine.
Le siècle des lumières voit l’explosion des connaissances dans tous les domaines, sciences de la terre, connaissance de l’espace, sciences de la vie. C’est l’avènement de la méthode expérimentale. L’animal, encore considéré comme un ensemble de rouages inertes et passifs, capable de transmettre les mouvements commandés de l’extérieur, va permettre de faire avancer la science dans de nombreux domaines et en particulier ceux de la physiologie et de l’anatomie.
Maupertuis, mathématicien français (1698-1759), établit, en observant la multiplication des espèces animales, les premières théories sur la diversité et les premières bases de l’hérédité. Ces idées sont ensuite reprises par Lamarck (1744-1829) et Darwin (1809-1882) qui théorisent l’évolution des espèces et prouvent enfin la continuité entre l’animal et l’homme.
Grâce à l’Encyclopédie qui donne accès à l’ensemble de ces connaissances, l’homme va pouvoir créer des liens entre les sciences et les techniques. Les bases de la science moderne du XIXe siècle sont posées et la perception de l’homme va changer. La théorie mécaniste de Descartes qui établit une distance infranchissable entre l’homme et l’animal, pratique pour donner bonne conscience, s’effondre, progressivement contredite par les physiologistes et les médecins (Claude Bernard 1813-1878) qui expérimentent sur l’animal avec pour objectif d’extrapoler les connaissances acquises à l’homme.
Marshall Hall (1790-1857), physiologiste anglais, préconise déjà dès cette époque de réglementer les procédures utilisées sur les animaux en physiologie afin de préserver le bien-être animal.