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Med Sci (Paris). 2008 May; 24(5): 551–554.
Published online 2008 May 15. doi: 10.1051/medsci/2008245551.

Vers un nouveau rôle du récepteur PPAR-γ dans le syndrome d’immunodéficience acquise et les hémopathies chez l’homme

Stéphane Prost,1,2,3,9* Mikael Le Dantec,1,9 Sylvie Augé,4,5 Roger Le Grand,1 Sonia Derdouch,1 Gwenaelle Auregan,1,6 Nicole Déglon,6 Francis Relouzat,2,3 Anne-Marie Aubertin,7 Bernard Maillere,8 Isabelle Dusanter-Fourt,4,5,9 and Marek Kirszenbaum1,9

1Institut des Maladies Émergentes et des Thérapies Innovantes, Service d’Immuno-Virologie
2Service des Thérapies Innovantes, CEA, Fontenay-aux-Roses, France
3UMR U733 Inserm-CEA-Paris XI, CEA, Fontenay-aux-Roses, France
4Institut Cochin, Université Paris Descartes, CNRS (UMR8104), Paris, France
5Inserm, U567, Paris, France
6CEA, I2BM et programme MIRCen, Orsay, France
7Laboratoire de Virologie, Université Louis Pasteur, Strasbourg, France
8CEA, Département d’Ingénierie et d’Étude des Protéines, Saclay, France
9Ces auteurs ont respectivement contribué de façon identique à ce travail
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Antigènes CD34, Régulation de l'expression des gènes, Produits du gène nef, Macaca, Récepteur PPAR gamma, Facteur de transcription STAT-5, Syndrome d'immunodéficience acquise du singe

L’infection SIV induit la perte d’expression des facteurs de transcription Stat5a et Stat5b dans les cellules CD34+

Les patients infectés par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) manifestent, en dehors des lymphopénies, de multiples déficiences hématologiques associées au syndrome d’immuno-déficience acquise (Sida). Ces déficiences combinées reflètent un dysfonctionnement des cellules souches hématopoïétiques (CSH) elles-mêmes. Pourtant, bien que les fonctions de ces cellules souches soient altérées, aucune séquence virale n’a pu y être détectée [ 1], posant la question du mode d’action du VIH dans ce contexte cellulaire. Les mêmes types de désordres hématologiques caractérisent des singes infectés par le virus apparenté SIV (simian immunodeficiency virus) [ 2]. Afin de comprendre l’origine du dérèglement de telles CSH, nous avons infecté des macaques par l’isolat viral SIVmac251 et purifié une population de cellules médullaires contenant les CSH et les progéniteurs hématopoïétiques multipotents, sur la base de l’expression du marqueur CD34 [ 3]. Nous avons observé que la capacité caractéristique de ces cellules à former des clones de différentes cellules hématopoïétiques se trouve diminuée d’environ 50 à 60 % par rapport à la même population issue de singes non infectés. L’analyse comparée des niveaux d’expression de divers facteurs transcriptionnels actifs dans cette population cellulaire CD34+ a révélé la perte sélective d’expression des facteurs Stat5a et Stat5b dans les progéniteurs hématopoïétiques des animaux infectés. Cette perte est décelable très tôt après l’administration de virus aux animaux et se maintient tout au long de l’infection (Figure 1). La simple introduction dans les CSH des singes malades d’un vecteur permettant l’expression du transgène Stat5b, conduit au rétablissement de leurs propriétés clonogéniques [3]. Ces facteurs Stat5a/b sont des molécules de signalisation ubiquitaires, fréquemment activées par des cytokines et facteurs de croissance, qui peuvent directement convertir le message d’une cytokine/facteur de croissance en une régulation de l’expression de gènes particuliers grâce à leur double propriété de circuler du cytoplasme au noyau et d’agir comme facteurs de transcription. L’absence de ces facteurs chez la souris knock-out avait déjà révélé le rôle de Stat5a/b dans le maintien de CSH fonctionnelles capables de reconstituer l’hématopoïèse de souris irradiées [ 4, 5]. Le fait que la seule réintroduction de Stat5b dans des CSH de singes infectés suffise à rétablir les propriétés biologiques de ces cellules démontre que les mêmes facteurs Stat5 sont également des régulateurs importants des CSH de primates.

Responsabilité de PPAR-γ dans la perte d’expression des protéines Stat5 provoquée par Nef

Nous avons ensuite utilisé diverses approches pour identifier les déterminants viraux responsables de telles altérations [3]. En l’absence d’infection directe des CSH, les plasmas des animaux infectés ont été testés pour leur capacité à altérer les propriétés clonogéniques des CSH : ces plasmas se sont avérés inhibiteurs. La sélection des protéines virales présentes rapidement et en grande quantité dans le plasma des individus infectés nous a conduit à nous intéresser à la protéine Nef. Cette protéine codée par le génome viral participe à la pathologie SIDA à plusieurs niveaux : elle est nécessaire à une intense production de virions par les cellules infectées, elle augmente les capacités du virus à échapper au système de défense immunitaire et favorise la progression vers le SIDA des individus infectés [ 6]. Plusieurs approches complémentaires nous ont conduit à mettre en évidence la responsabilité directe de Nef dans l’altération des propriétés des CSH. En effet, les plasmas d’animaux infectés dépourvus de leur contenu en protéine Nef perdent leur pouvoir inhibiteur sur les CSH. De même, des souches de virus SIV mutantes, présentant un déficit d’expression de la protéine Nef, ont perdu toute action sur les CSH. Enfin, l’addition au milieu de culture des CSH de protéines Nef recombinantes issues du génome de SIVmac251, mais également de VIH, suffit à elle seule à induire une diminution de la fonctionnalité des CSH.

Bien que Nef existe sous une forme ancrée à la membrane (myrNef) et sous une forme cytosolique, l’analyse des diverses propriétés de Nef indique que cette protéine peut également être localisée dans le noyau et même pénétrer spontanément dans des cellules non infectées, sans que l’on comprenne les bases moléculaires de cette propriété [68]. Différents domaines fonctionnels de la protéine ont été identifiés, dont un domaine central, riche en Proline, particulièrement bien conservé entre les formes humaines et simiennes [ 9]. L’analyse fonctionnelle de ces domaines nous a permis de montrer qu’un peptide couvrant le domaine central reproduit les effets de la protéine Nef entière sur les CSH, et que le motif riche en Proline est essentiel à cette activité. Des travaux antérieurs ont par ailleurs montré que Nef modifiait massivement l’expression de récepteurs nucléaires et les activités transcriptionnelles du récepteur orphelin PPAR-γ [ 10]. PPAR-γ est un régulateur essentiel du métabolisme des lipides ; il participe à l’homéostasie du glucose et aux processus de différenciation cellulaire, et divers agonistes sont utilisés comme agents anti-diabétiques [ 11]. Nous avons donc fait l’hypothèse d’une intervention de PPAR-γ dans les actions de Nef sur les CSH. De fait, un antagoniste pharmacologique de PPAR-γ ou l’inhibition de l’expression de PPAR-γ par interférence ARN, bloque totalement les effets inhibiteurs de Nef sur des CSH/progéniteurs en culture (Figure 2, encadré). De plus, nous avons montré que la simple addition d’agonistes de PPAR-γ à des cultures de progéniteurs ex vivo (Figure 2), ou leur administration à des animaux sains - singes ou souris -, reproduit les effets observés lors de l’infection virale, c’est-à-dire l’inhibition des propriétés clonogéniques et la diminution de l’expression des facteurs Stat5a et Stat5b dans ces cellules CD34+ [3].

Conclusion et perspectives

L’ensemble de ces données élargit la responsabilité de la protéine Nef dans la physiopathologie du Sida et les manifestations cliniques associées. Ce travail confirme en effet la capacité de Nef à altérer des cellules en dehors d’une infection virale directe. Il révèle de plus qu’une partie des actions de Nef est relayée par le récepteur orphelin PPAR-γ (Figure 3). Ces résultats soulèvent la question de la responsabilité de PPAR-γ dans d’autres activités de Nef, notamment au niveau des cellules lymphoïdes T elles-mêmes. Ils suggèrent que des molécules antagonistes de ce type de récepteur nucléaire, qui ont déjà fait l’objet de multiples recherches des laboratoires pharmaceutiques dans le cadre d’autres pathologies (diabète, maladies cardiovasculaires, obésité), puissent représenter une nouvelle approche pour le traitement du Sida ou de certaines des complications qui lui sont associées. Ces travaux soulèvent également la question d’un rôle de PPAR-γ dans le développement d’hémopathies chez l’homme et posent clairement le problème de l’innocuité des drogues agonistes de PPAR-γ prescrites comme anti-diabétiques.

References
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