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Med Sci (Paris). 2008 August; 24(8-9): 671–672.
Published online 2008 August 15. doi: 10.1051/medsci/20082489671.

Vers une thérapie « épigénétique » du cancer ?

Walter Rocha1 and Alain Verreault2*

1Institut de Recherche en Immunologie et Cancérologie
2Département de Pathologie et de Biologie Cellulaire. Université de Montréal, CP 6128, Succursale Centre-Ville, Montréal, Québec, H3C 3J7 Canada
Corresponding author.

MeSH keywords: Évolution de la maladie, Épigenèse génétique, Thérapie génétique, Humains, Tumeurs

 

Les cellules cancéreuses sont caractérisées par une accumulation d’altérations génétiques. Celles-ci leur confèrent des « superpouvoirs » leur permettant de proliférer de manière anarchique tout en échappant aux mécanismes de contrôle homéostatique et à la vigilance du système immunitaire. Ainsi, le transcriptome tumoral diffère de celui de la cellule saine, ce qui permet l’acquisition d’une nouvelle identité cellulaire propre aux cellules malignes : blocage de la différenciation, prolifération soutenue, instabilité génomique, résistance à l’apoptose, migration et invasion tissulaire ectopique. Depuis la découverte de mutations altérant l’expression d’oncogènes et de gènes de suppression tumorale, il est indéniable que les dérèglements génétiques sont les moteurs de la carcinogenèse. Cependant, nombre d’études récentes ont aussi établi que des changements épigénétiques (dont plusieurs sont décrits dans ce numéro de Médecine/Sciences) contribuent également au développement du cancer, notamment en causant la perte d’expression de gènes suppresseurs de tumeurs et l’expression aberrante de gènes facilitateurs [ 1] (→).

(→) Voir l’article de S. Laget et P.A. Defossez, page 725 de ce numéro

De façon intéressante, l’information épigénétique est pluri-stratifiée. Dans la cellule saine, la méthylation des cytosines de l’ADN fonctionne souvent de concert avec la méthylation des histones pour assurer la fidélité de la transmission de plusieurs traits épigénétiques, telles les empreintes génomiques parentales, l’inactivation du chromosome X, l’hétérochromatine et la propagation stable du silence transcriptionnel [ 25] (→).

(→) Voir les articles de A. Bertin et S. Mangenot, A. Henckel et R. Feil, P.E. Jullien et F. Berger, R. Terranova, pages 715, 747, 753 et 720 de ce numéro

Une approche thérapeutique du cancer par le versant épigénétique est-elle envisageable ? Il est loin d’être clair que l’armure épigénétique de la cellule cancéreuse soit aussi robuste que celle de la cellule normale. Par exemple, il est possible de restaurer l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs en inhibant certaines désacétylases d’histones sans toutefois affecter la méthylation de l’ADN associée au silencing de ces gènes. Conséquemment, plusieurs inhibiteurs de désacétylases sont en essais cliniques afin d’évaluer leur potentiel anti-néoplasique [ 6] (→).

(→) Voir l’article de D. Mottet et V. Castronovo, page 742 de ce numéro

L’information épigénétique étant réversible et perpétuée par des enzymes dont l’action est requise lors de chaque cycle cellulaire, il est concevable d’interférer avec la transmission de marques épigénétiques par ciblage pharmacologique transitoire des enzymes nécessaires à leur propagation. Néanmoins, la promesse d’une intervention épigénétique devra d’abord franchir une première étape consistant à répertorier, dans différents types de cancers, les anomalies (pertes et acquisitions) de marques épigénétiques ainsi que les niveaux d’expression des enzymes qui en sont responsables [ 7] (→).

(→) Voir l’article de M. Weber, page 731 de ce numéro

De plus, il sera important d’établir la chronologie des altérations épigénétiques associées à la progression tumorale. Ces études seront nécessaires afin d’identifier de nouveaux outils diagnostiques mais aussi des enzymes dont l’inhibition pharmacologique puisse freiner l’élan des cellules malignes sans toutefois altérer grossièrement le profil épigénétique de la cellule normale.

References
1.
Laget S, Defossez PA. Le double jeu de l’épigénétique : cible et acteur du cancer. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 725–30.
2.
Bertin A, Mangenot S. Structure et dynamique de la particule cœur du nucléosome. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 715–19.
3.
Henckel A, Feil R. Asymétrie des génomes parentaux : implications en pathologie. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 747–52.
4.
Jullien PE, Berger F. L’empreinte parentale, un phénomène épigénétique essentiel pour la reproduction des plantes. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 753–7.
5.
Terranova R. L’hétérochromatine constitutive dans tous ses états. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 720–4.
6.
Mottet D, Castronovo V. Les histones désacétylases : nouvelles cibles thérapeutiques anti-cancéreuses. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 742–6.
7.
Weber M. Profils de méthylation de l’ADN dans les cellules normales et cancéreuses. Med Sci (Paris) 2008; 24 : 731–4.