V. Interventions et politiques publiques

2014


ANALYSE

22-

Politiques de prix et impact sur les inégalités sociales de nutrition

Les politiques de prix dans le secteur alimentaire ont pour objectif de modifier les prix relatifs des aliments selon leur intérêt nutritionnel, et d’envoyer ainsi des signaux incitatifs aux consommateurs sur les différences entre groupes d’aliments. Les politiques fiscales correspondantes consisteraient à taxer les produits peu recommandés sur le plan nutritionnel ou très énergétiques, et à subventionner les produits bénéfiques pour la santé ou peu denses en énergie.
De nombreuses publications traitent de la politique fiscale avec l’optique générale de cibler l’ensemble de la population. Néanmoins peu de ces études distinguent des sous-groupes de population permettant des comparaisons entre niveaux de vie ou statuts socioéconomiques différents, seule une dizaine d’études abordent la question de l’équité de manière chiffrée. Du côté de l’économie expérimentale et des essais randomisés, quelques études s’intéressent à des populations particulières (conditions d’âge, origine ethnique), plus rarement défavorisées.

Modèles économiques

Le principe d’intervention publique pour lutter contre une alimentation défavorable à la santé s’appuie sur plusieurs paradigmes concernant le consommateur. D’une part, la liberté de choix commande de respecter les décisions des individus et par exemple, l’obésité peut être vue dans le contexte rationnel d’individus disposés à assumer des risques. Pour autant, des comportements irrationnels, des routines, ou un défaut d’information justifieraient une intervention paternaliste. D’autre part, la rationalité économique incite à intervenir auprès des individus qui font porter des coûts à l’ensemble de la société. Les politiques d’information (publicité générique et campagnes d’information, éducation nutritionnelle, étiquetage nutritionnel) sont un premier type de réponse à ces comportements (elles sont examinées dans les autres chapitres de cet ouvrage). Une deuxième piste concerne l’opportunité d’interventions au niveau des prix, et particulièrement les taxes, qui font l’objet depuis quelques années d’un intense débat dans de nombreux pays développés.
L’instauration de la politique fiscale repose sur la mise en évidence de la réponse des consommateurs aux variations de prix – élasticités-prix de la demande – découlant de taxes ou de subventions. Ces élasticités-prix1 peuvent être obtenues par deux approches : l’analyse économétrique et les méthodes de l’économie expérimentale.
Dans la première approche, la demande est modélisée à partir de données d’observation et fournit un cadre pour des simulations de politique fiscale. La première étape consiste à estimer un système de demande, en utilisant l’affectation du budget d’un ménage entre les différents groupes d’aliments pour calculer les élasticités. Les paramètres sont utilisés pour estimer la variation de la quantité demandée du bien suite à une augmentation de son prix (cas d’une taxe) ou une diminution (cas d’une subvention).
La deuxième approche consiste à procéder à des interventions expérimentales dans un contexte très précis, les sujets faisant face à des achats et des variations de prix hypothétiques. Une revue récente sur les interventions expérimentales confirme qu’augmenter les prix des produits peu recommandés réduit les achats, et diminuer les prix des produits favorables à la santé augmente les achats (Epstein et coll., 2012renvoi vers). Bien que les élasticités estimées par l’économie expérimentale soient en moyenne plus élevées, ces auteurs relèvent dans plusieurs cas des élasticités-prix du même ordre de grandeur que celles calculées à partir des études d’observation (Epstein et coll., 2012renvoi vers). Les travaux sont en général réalisés sur des données transversales.

Niveau de taxation : aliments/nutriments

La politique fiscale peut être conçue à deux niveaux : celui des aliments (ou produits) et celui des nutriments. La plupart des travaux basés sur des données d’observation s’intéressent plutôt aux élasticités-prix des produits alimentaires, et en particulier ceux appartenant aux groupes d’aliments dont la consommation peut être reliée à la santé. Néanmoins, les études interprètent différemment ce que recouvrent les notions de produits favorables à la santé et de produits peu recommandés. Dans le premier cas, il y a une sorte de consensus sur les fruits et légumes, quelquefois les céréales complètes. Le spectre est beaucoup plus large pour les produits peu recommandés sur le plan nutritionnel : produits gras et sucrés, produits gras et salés, snacks ou produits de grignotage, plats préparés, boissons sucrées, produits laitiers, alimentation hors domicile, fast-food. Thow et coll. (2010renvoi vers) dressent la liste des options retenues par les diverses études en la matière.
De l’estimation des élasticités-prix des produits alimentaires sont inférées dans plusieurs cas des élasticités-prix des nutriments en appliquant des tables de conversion nutritionnelle (Smed et coll., 2007renvoi vers ; Allais et coll., 2010renvoi vers). Les taxes concernent des nutriments à limiter (lipides, acides gras saturés, sodium, glucides, sucres rapides), tandis que les subventions se rapportent à des éléments dont la consommation est à privilégier (fibres, vitamines, minéraux). Les travaux d’économie expérimentale étudient plutôt l’effet de taxes sur les nutriments en se basant sur les profils nutritionnels, comme la densité énergétique (Nederkoorn et coll., 2011renvoi vers) ou les calories par nutriment (Epstein et coll., 2010renvoi vers).

Effets de la politique fiscale : simulations et interventions expérimentales

Les travaux de simulation montrent un impact réel mais souvent limité de la politique fiscale sur la consommation du produit concerné, plus rarement sur l’état de santé mesuré par l’indice de masse corporelle (IMC). Il s’agit en effet de deux échelles de temps différentes : à court terme pour les comportements d’achat et à plus long terme pour les résultats de santé.

Taxes et consommation

Les effets relevés sont d’un ordre de grandeur limité. D’une part, parce que la demande de produits alimentaires est relativement inélastique (peu sensible aux variations de prix) dans les études américaines (Kuchler et coll., 2005renvoi vers ; Chouinard et coll., 2007renvoi vers), comme françaises (Caillavet et coll., 2009renvoi vers ; Allais et coll., 2010renvoi vers) et d’autre part, au vu de la sensibilité aux prix encore plus faible pour les nutriments. Les travaux empiriques s’appuyant sur l’estimation de systèmes de demande (voir le chapitre « Coût des produits et choix alimentaires ») obtiennent des élasticités-prix des nutriments faibles, inférieures à celles obtenues pour les produits alimentaires. Par exemple, à partir de données françaises, Allais et coll. (2010renvoi vers) obtiennent des élasticités-prix des acides gras saturés (AGS) variant entre 0,15 et 0,18. Or les groupes d’aliments dont ces dernières sont issues (beurre et fromages, produits gras et sucrés) ont des élasticités-prix respectives de 0,24 et 0,48. Les auteurs concluent à la faible sensibilité des achats au prix des nutriments, une taxation nutritionnelle des aliments ne pouvant donc affecter substantiellement la composition en nutriments de l’alimentation achetée pour la consommation au domicile. Deux études de simulation rapportent qu’il serait plus efficace de taxer les nutriments plutôt que les aliments contenant ces nutriments (Smed et coll., 2007renvoi vers ; Nordstrom et Thunstrom, 2009renvoi vers). Les travaux d’économie expérimentale trouvent, avec des variations de prix basées sur le profil nutritionnel, des améliorations au niveau de la qualité nutritionnelle de l’alimentation (Epstein et coll., 2010renvoi vers ; Nederkoorn et coll., 2011renvoi vers). Cependant, ces résultats n’ont pas été confirmés par les études sur le terrain en conditions réelles quand le prix a été changé dans une cafétéria ou un supermarché (Epstein et coll., 2012renvoi vers).
L’impact limité sur la consommation découle également du fait que les taxes envisagées sont souvent d’ordre faible (Brownell et coll., 2009brenvoi vers). Cette inertie est confirmée par plusieurs travaux de modélisation (Gustavsen et Rickertsen, 2006renvoi vers, en Norvège ; Nordstrom et Thunstrom, 2009renvoi vers, en Suède) : il faut des taux de taxation très élevés (respectivement 25 % et 50 %) pour atteindre les niveaux de consommation correspondant aux recommandations nutritionnelles. Mytton et coll. (2012renvoi vers recommandent ainsi un taux minimum de 20 % pour un impact réel sur la santé. La même démarche est retrouvée dans les interventions expérimentales, qui introduisent en général des taux élevés (50 % chez French et coll., 1997renvoi vers par exemple). Dans ces expériences contrôlées, les effets des variations de prix sur la consommation peuvent être plus substantiels : Epstein et coll. (2006renvoi vers) trouvent par exemple une élasticité-prix supérieure à 1 sur un échantillon d’enfants.

Taxes et santé

Shroeter et coll. (2008renvoi vers) montrent l’importance des relations de substitution et complémentarité entre aliments à forte et faible densité énergétique via les élasticités-prix croisées. Analysant des données américaines, Fletcher et coll. (2010renvoi vers) examinent l’opportunité d’une taxe sur les boissons et concluent qu’une augmentation d’un point en pourcentage de la taxe sur les boissons sans alcool diminuerait l’IMC des adultes en moyenne de 0,003, soit un résultat très modeste. Les auteurs avancent que les effets peuvent être importants sur certains groupes de population, sans les mesurer. En revanche, Powell et Bao (2009renvoi vers) ne trouvent pas d’association significative entre la taxation des sodas et le poids des adolescents dans l’ensemble de la population. Cependant, chez les adolescents en surpoids, il existe une association négative entre le gain de poids et le niveau de taxes.
Sur la base de données françaises, l’effet d’une combinaison de mesures (hausse de 10 % du prix des boissons non alcoolisées, des pâtisseries et des desserts, des snacks et plats préparés ; baisse de 10 % du prix des fruits et légumes) réduirait l’IMC des femmes et celui des hommes dans différents quantiles de poids (Boizot-Szantai et Etilé, 2009renvoi vers).

Politiques de subventions

Les effets des politiques de subvention sur la consommation et la santé ont été moins étudiés que ceux résultant de la taxation. Ces politiques recouvrent plusieurs types d’intervention : des remises de taxe, des réductions de prix, des aides financières directes. Les programmes d’aide alimentaire en font partie, encore qu’ils englobent aussi des mesures relevant de politique de revenu. Une des mesures nutritionnelles phare est la distribution à des populations ciblées de coupons permettant des achats à prix réduit ou la fourniture gratuite de produits recommandés pour la santé tels que les fruits et légumes.
Il faut souligner que plusieurs interventions simulées sont des combinaisons d’instruments. Tout d’abord au niveau des politiques de prix : mesures de taxation sur certains produits peu recommandés accompagnées de subvention sur des produits sains. Ensuite, l’effet de variations de prix peut être combiné avec des actions au niveau de l’information ou de l’éducation. Ces effets ne vont pas forcément dans le même sens : des études d’intervention expérimentales montrent un effet attendu avec un programme d’éducation renforçant l’effet d’une taxe sur les boissons sucrées (Block et coll., 2010renvoi vers), alors que de l’information sur les calories peut compromettre l’effet de taxes sur les achats (Giesen et coll., 2011renvoi vers), effet contre-intuitif.

Politique de prix et équité : peut-on corriger les inégalités nutritionnelles par la fiscalité ?

L’hétérogénéité des réponses aux variations de prix dans la population (Smed et coll., 2007renvoi vers ; Brownell et coll., 2009arenvoi vers ; Zhen et coll., 2011renvoi vers ; Bertail et Caillavet, 2008renvoi vers ; Allais et coll., 2010renvoi vers, sur données françaises) (voir le chapitre « Coût des produits et choix alimentaires ») crée des inégalités au niveau des politiques fiscales.

Les populations défavorisées sont-elles plus sensibles aux prix et à la politique fiscale ?

Plusieurs éléments de disparité dans les résultats des études de simulation des élasticités-prix (directes et croisées) ne permettent pas de trancher a priori quant à la plus grande efficacité des politiques de taxation sur les populations défavorisées.
Les différences de réponses aux variations de prix entre revenus élevés et revenus faibles sont très hétérogènes entre les différentes études, en particulier en termes de définition des catégories de revenu mais aussi de populations et de groupes d’aliments considérés (voir le chapitre « Coût des produits et choix alimentaires »). Il faut souligner que l’application du même taux de taxation à l’ensemble de la population génère automatiquement des impositions différentes dans le cas de disparités de réponse aux prix entre tranches de revenu les plus faibles et les plus élevées. Une plus grande sensibilité au prix des populations défavorisées impliquerait une plus grande efficacité de la politique fiscale sur ces populations et serait un argument pour réduire les inégalités nutritionnelles par une politique de prix. Par exemple, on trouve cette tendance dans l’étude de Smed et coll. (2007renvoi vers) sur données danoises dans le cas des graisses saturées. C’est en effet dans les deux classes au bas de l’échelle sociale que la taxation provoquerait les diminutions les plus fortes de la demande pour les graisses saturées. Aux États-Unis, dans trois études différentes, les calculs menés sur la taxation des boissons sucrées suggèrent des réductions du nombre de calories consommées supérieures (quoique peu différentes) chez les adultes disposant de revenus faibles par rapport à ceux dont les revenus sont élevés (Fletcher et coll., 2010renvoi vers ; Lin et coll., 2011renvoi vers ; Zhen et coll., 2011renvoi vers). De ce fait, la simulation d’une taxe de 20 % sur les boissons sucrées induirait une plus grande perte de poids chez les adultes à bas revenu que chez ceux aux revenus les plus élevés. En revanche, en ce qui concerne les enfants, la réduction calorique serait plus élevée dans les ménages de revenus élevés (Lin et coll., 2011renvoi vers).
Mais on relève également une tendance opposée (tableau 22.Irenvoi vers). Bertail et Caillavet (2008renvoi vers), sur données françaises, trouvent des élasticités-prix inférieures des fruits et légumes frais pour des classes de ménages défavorisés dans les tranches de revenu les plus faibles, ce qui implique qu’une telle subvention bénéficierait en priorité aux catégories plus aisées. De même, en Norvège, supprimer la TVA sur les légumes augmenterait dans une plus grande mesure les achats des forts consommateurs (Gustavsen et Rickertsen, 2006renvoi vers). Aux États-Unis, Nnoaham et coll. (2009renvoi vers) ne trouvent pas d’effets positifs plus importants pour les plus défavorisés. En outre, les effets de substitution entre aliments sont cruciaux, en particulier lorsque les achats se reportent vers des catégories non recommandées : dans le cas d’élasticités (directes et croisées) plus fortes pour les populations défavorisées, les effets non contrôlés et potentiellement défavorables seront plus importants. Allais et coll. (2010renvoi vers), sur données françaises, trouvent que les produits laitiers non recommandés, les graisses animales, les plats préparés et les snacks gras et sucrés devraient être taxés en priorité si l’objectif nutritionnel est la réduction des apports en calories, cholestérol et graisses. Mais ils montrent qu’une hausse du prix n’aurait pas que des conséquences favorables sur le régime alimentaire et en termes d’équité, puisque la diminution des apports en énergie et en graisses saturées s’accompagnerait également de celle du calcium et du phosphore, avec une réduction plus forte pour les ménages à faible revenu. Fletcher et coll. (2010renvoi vers) rapportent que l’efficacité des taxes sur les sodas est gommée par le report de la consommation sur d’autres boissons denses en calories.
Du fait des réponses diverses au prix qui entraîneraient des substitutions différentes entre aliments, les politiques de prix peuvent être inefficaces, voire aggraver les inégalités sociales de nutrition, alors qu’on attend des politiques un effet compensateur du déficit de santé découlant de l’impact négatif de la pauvreté sur la santé. Dans la grande majorité des cas, lorsqu’on utilise une segmentation selon le revenu, on trouve des effets nutritionnels du prix sur la consommation différents selon les groupes sociaux, entre lesquels il est difficile d’arbitrer. Par exemple, Beydoun et coll. (2008renvoi vers) sur données américaines trouvent qu’un prix plus élevé des fruits et légumes serait associé à une réduction de l’énergie et du sodium chez les plus aisés, alors qu’il serait associé à une augmentation des fibres et une réduction du fast-food chez les plus défavorisés. Sur des données anglaises, Nnoaham et coll. (2009renvoi vers) calculent les effets différenciés de la taxation par quintiles de revenu. Ils montrent que dans les simulations, des scénarios de taxation de produits peu recommandés entraîneraient des réductions de la consommation de fruits et légumes, et que des scénarios ajoutant des subventions seraient indispensables pour contrer cet effet. Cependant, cette étude utilise une méthodologie simplifiée, car elle s’appuie sur des élasticités-prix moyennes et non pas segmentées selon le revenu. Une étude danoise (Smed et coll., 2007renvoi vers) conclut que taxer les aliments peu recommandés serait plus efficace que subventionner les aliments bénéfiques pour la santé, en particulier chez les jeunes et pour les bas revenus. La question de la différence de sensibilité aux variations de prix selon qu’il s’agit d’une hausse ou d’une baisse reste posée.
Des disparités de résultats existent également au niveau de l’état de santé. La taxe américaine sur les sodas serait associée à une réduction de l’IMC chez les enfants en surpoids. En revanche, sur le sous-groupe des enfants de ménages à bas revenu, on ne retrouve pas cet effet sur le poids mais il existe une association négative entre la consommation de boissons sucrées et la taxe (Sturm et coll., 2010renvoi vers).
En économie expérimentale, les études portent davantage sur les populations défavorisées. Epstein et coll. (2006renvoi vers) trouvent des interactions entre le revenu et les prix, les enfants de l’expérience étant moins disposés à substituer leur consommation d’un bien dont le prix augmente à mesure que leur budget croît. En revanche, les résultats d’un essai randomisé en Nouvelle-Zélande étudiant l’effet des réductions de prix en supermarché sur l’achat des produits recommandés ne révèlent pas de variations en fonction du revenu (Blakely et coll., 2011renvoi vers), suggérant que l’action sur les prix n’est pas un instrument clivant selon le revenu, du moins dans ce cas pour la consommation de produits sains.
Une méta-analyse récente sur ces deux types d’étude (Eyles et coll., 2012renvoi vers) conclut à un effet des taxes favorable à la santé des groupes de population défavorisés dans la plupart des cas (11 sur 14). Pour autant, l’effet n’est pas forcément supérieur à celui observé sur les groupes plus favorisés (seulement constaté dans 4 études) et ne participe donc pas dans la majorité des cas à la réduction des inégalités.

Politiques de subventions alimentaires

Plusieurs travaux, incluant des études d’intervention, étudient l’impact sur la consommation et la santé des bons d’achat distribués à des populations défavorisées. Ces coupons peuvent concerner l’ensemble de l’alimentation ou se limiter à des produits recommandés tels que les fruits et légumes frais (marchés de producteurs) ou en conserves (magasins ou colis). Ils peuvent s’appliquer également à des produits lactés ou des vitamines. Lorsque les coupons concernent toute l’alimentation, leur intérêt nutritionnel n’est pas garanti, si les achats supplémentaires portent sur des produits non recommandés ou si les économies réalisées sur l’alimentation sont reportées sur du non alimentaire. Afin de contrôler la destination finale de ce surcroît de pouvoir d’achat, les études privilégient les scénarios concernant des coupons ciblés sur les fruits et légumes. Black et coll. (2012renvoi vers) ont analysé 14 études évaluant l’effet de politiques de subvention mises en place. Ainsi, dans des populations de mères à bas revenus bénéficiaires de programmes d’aide alimentaire aux États-Unis, on relève un effet positif de coupons fruits et légumes sur la consommation de ces produits (par exemple, Wilde et coll., 1999renvoi vers ; Anderson et coll., 2001renvoi vers ; Herman et coll., 2008renvoi vers). C’est aussi le cas, au Royaume-Uni (Burr et coll., 2007renvoi vers) et en Nouvelle-Zélande (Ni Mhurchu et coll., 2010renvoi vers), lorsque les coupons concernent l’ensemble de l’alimentation. En ce qui concerne d’autres indicateurs nutritionnels et biomarqueurs, les effets des programmes de subvention sur l’ensemble de l’alimentation varient selon les indicateurs retenus, avec quelques impacts positifs (Bailey et coll., 1983renvoi vers ; Rush et coll., 1988renvoi vers) ou une absence d’effet (Pehrrson et coll., 2001). L’essentiel des études porte sur les femmes enceintes, pour lesquelles l’impact positif de ces programmes paraît bien établi, en particulier au niveau de l’augmentation de poids des nouveaux-nés (Bailey et coll., 1983renvoi vers ; Metcoff et coll., 1985renvoi vers ; Rush et coll., 1988renvoi vers). Ce critère d’amélioration de la santé des populations défavorisées pourrait donc être de nature à réduire les inégalités sociales de santé.
Une polémique sur l’incidence de ces programmes sur l’obésité est apparue aux États-Unis. DeBono et coll. (2012renvoi vers) en font une revue : ils concluent à une association entre participation à ces programmes et obésité pour les femmes bénéficiaires sur une longue période, mais pas pour d’autres groupes de population. Ils estiment que l’influence des facteurs contextuels est insuffisamment étudiée et pourrait biaiser ces résultats.
Sur des données françaises, une étude d’intervention en économie expérimentale (Darmon et coll., 2011renvoi vers) rapporte un effet positif d’une réduction du prix des fruits et légumes sur la qualité nutritionnelle du panier alimentaire pour deux groupes de femmes (revenus moyens et revenus faibles). Cependant, l’effet observé, plus faible pour les femmes défavorisées, ne permet pas de réduire les inégalités sociales de nutrition. Ainsi une politique de coupons n’est-elle justifiée du point de vue des inégalités que si elle est ciblée vers les catégories les plus défavorisées.
En termes de coût/efficacité, une étude de simulation à partir de données françaises (Mouzon et coll., 2011renvoi vers) compare une politique de coupons visant le 1er décile de revenu de la population (d’une valeur de 100 € par personne et par an) versus une politique non ciblée de réduction de la TVA (-3,4 %) sur les fruits et légumes. Elle conclut à l’avantage de la réduction de la TVA sur le plan global. Cependant, seule la politique de distribution de coupons réduirait les disparités de santé.

Taxation : un fardeau fiscal accru pour les populations défavorisées

Dans toutes les études, la taxation nutritionnelle est régressive, c’est-à-dire aggrave les inégalités économiques, dans la mesure où la part de l’alimentation dans le budget des plus défavorisés est supérieure. Il est admis que la part budgétaire des biens de base diminue à mesure que le revenu augmente. Par ce biais, et indépendamment de la valeur de leur élasticité-prix comparée à celle d’une population plus aisée, les plus défavorisés contribueraient davantage, en proportion de leurs revenus, aux rentrées fiscales (Leicester et Windmeijer, 2004renvoi vers ; Caraher et Cowburn, 2005renvoi vers ; Allais et coll., 2010renvoi vers). Au Royaume-Uni, Leicester et Windmeijer (2004renvoi vers) ont modélisé l’impact d’une « fat tax » sur les achats en termes de nutriments. La modélisation montre peu de variations de la consommation de graisses entre les bas revenus et les hauts revenus. Mais les implications financières sont clairement régressives : pour les 2 % les plus défavorisés de la population, la taxe représenterait 0,7 % de leur revenu ; pour les revenus moyens, 0,25 % du revenu ; pour les plus aisés, moins de 0,1 %. Un autre exemple est l’étude de Zhen et coll. (2011renvoi vers), sur données américaines, qui simule les effets d’une taxe sur les sodas, les boissons sucrées aux fruits et les boissons énergisantes. La consommation de boissons sucrées diminuerait plus pour les bas revenus que pour les hauts revenus, mais la taxe s’avère régressive : le fardeau fiscal représenterait 0,1 % des revenus pour les bas revenus contre 0,03 % pour les hauts revenus. Dans le contexte français (Allais et coll., 2010renvoi vers), une étude de simulation suggère que le fardeau fiscal d’une taxe sur le fromage et le beurre, les plats préparés et les produits gras et sucrés, atteindrait 0,19 % dans le groupe de ménages les plus défavorisés et 0,057 % chez les plus aisés.
Les effets différentiels des politiques fiscales de taxation et/ou de subvention selon le revenu sont résumés dans le tableau 22.Irenvoi vers.

Tableau 22.I Effet des différentes options de politique fiscale : simulations et interventions considérant plusieurs niveaux de revenu

Références
Pays
Années
Méthode d’estimation
Base des élasticités-prix
Simulation de politique
Effets sur les inégalités économiques
Effets sur les inégalités de santé
Bihan et coll., 2012renvoi vers
France
2007-2008
Essai randomisé
Faibles revenus
Subvention par coupons pour fruits et légumes frais (10 à 40 Ä/mois)
Progressif
Diminution de la proportion de petits consommateurs de fruits et légumes dans la population ciblée
Lin et coll., 2011renvoi vers
États-Unis
1998-2007
Simulation
Boissons sans alcool
2 classes de revenu
Taxe de 20 % sur les boissons sucrées
Fardeau fiscal accru (% budget alimentaire) :
- bas revenus : 1 %
- hauts revenus : 0,6 %
Réduction du poids : plus forte chez les adultes à bas revenu
Zhen et coll., 2011renvoi vers
États-Unis
2004-2006
Simulation
Boissons sans alcool
2 classes de revenu
Taxe sur sodas, boissons sucrées aux fruits, et boissons énergisantes
Fardeau fiscal accru (% revenu) :
- bas revenus : 0,1 %
- hauts revenus : 0,03 % du revenu
Réduction de la consommation légèrement plus forte pour les bas revenus
Blakely et coll., 2011renvoi vers
Nouvelle-Zélande 2010
Essai randomisé
Produits sains
2 classes de revenu
Réduction de prix de 12,5 % des produits sains + éducation nutritionnelle
Progressif
Achats d’aliments recommandés : pas d’effet du revenu
Darmon et coll., 2011renvoi vers
France
2008
Économie expérimentale
2 classes de revenu
Réduction de prix de 30 % sur les fruits et légumes
Progressif
Augmentation de la qualité de l’alimentation : moins forte pour les bas revenus
Allais et coll., 2010renvoi vers
France
1996-2001
Simulation
Alimentation à domicile
4 classes de revenu
Taxe de 10 % sur beurre et fromages, produits gras et sucrés, plats préparés
Fardeau fiscal accru (% revenu) :
- revenus les plus bas : 0,19 %
- revenus les plus élevés : 0,057 %
Diminution plus forte des achats de produits gras et sucrés : 1,20 % pour les revenus les plus bas versus 0,9% pour les revenus les plus élevés
Mais effets négatifs pour certains nutriments pour les revenus les plus faibles
Finkelstein et coll., 2010renvoi vers
États-Unis 2006
Régression multivariée
Boissons sucrées
Quartiles de revenu
Taxes de 20 % et 40 %
Fardeau fiscal supérieur chez les revenus plus élevés
Réduction du poids pour les revenus moyens
Fletcher et coll., 2010renvoi vers
États-Unis
1990-2006
Régression multivariée
Boissons sucrées
Au point moyen
Taxe de 1 %
Régressif
Réduction de l’obésité et du surpoids : plus forte pour les revenus les plus bas (0,01 %) et les plus hauts dans la distribution
Dans la catégorie des revenus les plus bas, réduction de l’obésité de 0,08 % et du surpoids de 0,10 %
Dong et Lin, 2009renvoi vers
États-Unis
2004
Simulation
Fruits et légumes
3 classes de revenu
Réduction de prix de 10 % sur fruits et légumes pour bénéficiaires potentiels d’aide alimentaire
Progressif
Réduction du gap par rapport aux recommandations nutritionnelles dans la population ciblée :
- fruits : 6,4 % - légumes : 6,7 %
Nnoaham et coll., 2009renvoi vers
Royaume-Uni
2003-2006
Simulation
1988-2000
Au point moyen
Sur quintiles de revenu :
- taxation des sources d’AGS de 17,5 %
- taxation des aliments au profil nutritionnel le moins sain
- idem + subvention de 17,5 % aux fruits et légumes
Régressif
Régressif
Compensation partielle
- Taxe seule augmente la mortalité par MCV et cancer - Taxe plus subvention diminue la mortalité
Pas d’effet accru pour les plus pauvres
Herman et coll., 2008renvoi vers
États-Unis
Essai randomisé
Fruits et légumes
Mères bénéficiaires d’aide alimentaire
Coupons de 10 $/semaine pour des fruits et légumes
Sur 6 mois
Progressif
Augmentation de la consommation de fruits et surtout de légumes dans la population ciblée comparée au groupe contrôle
Smed et coll., 2007renvoi vers
Danemark
1997-2000
Simulation
Alimentation à domicile
5 classes de revenus
- Réduction TVA sur fruits, légumes et produits à base de céréales
- Taxation des aliments : viande, graisses - Taxation des nutriments (AGS, sucre), subvention fibres
Compensation partielle dans certains scénarios
Combinaison de taxe et subvention améliore le régime alimentaire, avec un effet plus fort sur le statut socioéconomique faible en particulier sur les AGS
Chouinard et coll., 2007renvoi vers
États-Unis
1997-1999
Simulation
Produits laitiers
Au point moyen
Taxe de 10 % sur les graisses
Fardeau fiscal accru (% revenu) :
- revenu de 7 500 $ : 0,35 %
- revenu de 70 000 $ : 0,016 %
Effet faible et peu différencié
Leicester et Windmeijer, 2004renvoi vers
Royaume-Uni
1988-2000
Simulation
Au point moyen
Taxes :
1 penny/kg AGS
1 p/kg graisses monosaturées
1 p/g sodium
1 p/g cholestérol
1 p/1 000 calories
Fardeau fiscal accru (% revenu) :
- 2 % les plus pauvres : 0,7 %
- revenus moyens : 0,25 %
- très hauts revenus : 0,1 %
Variation très faible sur ces nutriments entre plus riches et plus pauvres
Anderson et coll., 2001renvoi vers
États-Unis
2000
Essai randomisé
Bénéficiaires d’aide alimentaire
Subventions de 20 $ sur les marchés de producteurs + éducation nutritionnelle
Progressif
Augmentation de la consommation de fruits et légumes dans la population ciblée

AGS : Acide gras saturés ; MCV : mortalité cardiovasculaire

Termes de l’arbitrage des politiques fiscales : efficacité/équité

Plusieurs études soulignent la contradiction entre l’efficacité des politiques fiscales qui, pour obtenir des changements substantiels de comportement, demandent un taux de taxation élevé et l’inéquité du fardeau fiscal qui en résulte.
Deux arguments sont avancés pour justifier une politique de taxation, malgré sa régressivité.

Gains de santé

Les politiques de taxation sur les biens alimentaires introduisent un fardeau plus conséquent sur les catégories à bas revenu que sur celles à haut revenu, mais sont susceptibles de générer d’importants gains de santé. C’est cet argument qui a été retenu dans le cadre de la lutte contre l’alcool et le tabac. Cette option a alimenté le débat américain qui s’est en partie focalisé sur une taxation éventuelle des boissons sucrées, débat d’actualité en France. Dans le cas de l’alimentation, un tel choix suppose que les substitutions entre aliments suite à une variation des prix soient favorables sur le plan nutritionnel.
Dans le cas des boissons, plusieurs auteurs suggèrent que chez les personnes disposant des revenus les plus faibles la régressivité pourrait être contrée par un bénéfice plus important au niveau de la santé car une des alternatives, boire de l’eau, permettrait de réduire les dépenses (Brownell et coll., 2009arenvoi vers). Or, on ne dispose pas pour l’instant d’études économétriques considérant la demande d’eau parmi celle de boissons et par conséquent de bases pour cet argument. L’étude de Fletcher et coll. (2010renvoi vers) constate en revanche des reports de consommation vers d’autres boissons caloriques.
Par ailleurs, on manque de travaux abordant les effets différenciés selon le revenu des taxes sur la santé. En considérant les scénarii de taxation qui produiraient des gains de santé, une étude au Royaume-Uni ne trouve pas de bénéfices supérieurs chez les personnes les plus défavorisées (Nnoaham et coll., 2009renvoi vers). Il s’agit pourtant d’un critère crucial pour la décision.

Mesures de compensation

L’effet régressif des taxes peut être limité par la mise en place de subventions favorisant les catégories défavorisées en leur apportant un surcroît de pouvoir d’achat. Des subventions sur certains produits doivent, de même que la taxation, toucher en priorité ces populations, par le jeu des substitutions et complémentarités entre aliments.
Dans plusieurs études, les scénarios de taxation sont accompagnés de politiques de subvention ou de baisse de TVA sur l’ensemble de la population (Smed et coll., 2007renvoi vers ; Nordstrom et Thunstrom, 2009renvoi vers ; Nnoaham et coll., 2009renvoi vers ; Kotakorpi et coll., 2011renvoi vers. Dans les calculs de Smed et coll. (2007renvoi vers), diverses combinaisons de taxes et de subventions sur les nutriments peuvent aboutir à une légère diminution de la dépense alimentaire totale pour les classes les plus défavorisées.
Au cœur de ce débat, une seule étude examine l’effet d’une politique basée uniquement sur des subventions (Lordan et Quiggin, 2011renvoi vers). Puisque la taxation des mauvais aliments est régressive, pourquoi ne pas subventionner les aliments favorables à la santé et mener ainsi une politique progressive ? Les auteurs prennent l’exemple d’une réduction de la consommation de sucre qui pourrait être obtenue soit en taxant les boissons sucrées, soit en subventionnant les boissons avec édulcorants qui, en substitution des boissons sucrées, pourraient réduire l’obésité.

Plusieurs limites fortes à l’efficacité d’une politique de prix

Substitutions entre aliments

La plupart des travaux sur les substitutions entre aliments induites par des changements dans la structure des prix relatifs soulignent l’incertitude des résultats ou mentionnent des reports de consommation défavorables (Nordstrom et Thunstrom, 2009renvoi vers ; Allais et coll., 2010renvoi vers ; Fletcher et coll., 2010renvoi vers). Il est à noter que peu de travaux considèrent l’ensemble de la consommation pour la modélisation (Mytton et coll., 2007renvoi vers ; Caillavet et coll., 2009renvoi vers ; Allais et coll., 2010renvoi vers ; Smed et coll. 2007renvoi vers sur l’ensemble de la consommation au domicile). Les travaux issus de l’analyse économétrique de la demande portent (pour des raisons de disponibilité de données) sur les achats destinés à la consommation au domicile. Or la contribution du secteur hors domicile peut être importante sur le plan calorique et nutritionnel, selon les données nord-américaines (Todd et coll., 2010renvoi vers). Il est donc très hasardeux de tirer des conclusions à partir de l’étude d’un groupe d’aliments, ce qui de fait porte des réserves sur la majorité des études citées. En outre, la politique fiscale joue sur les achats mais peut n’être pas directement liée à la consommation ou au poids si l’environnement de vie (en termes de préparation des aliments par exemple) ne permet pas l’utilisation effective des produits (Faith et coll., 2007renvoi vers).

Ordre de grandeur du taux de taxation

Plusieurs études soulèvent la nécessité d’un taux de taxation important (20 à 50 %) pour espérer une efficacité sur la consommation. La taxation sur le tabac, souvent citée en exemple, est d’un autre ordre de grandeur puisqu’elle renchérit actuellement le prix de 348 % (cité par Winkler, 2012renvoi vers sur données britanniques). Par ailleurs, le consommateur est dans un environnement dans lequel l’industrie alimentaire offre fréquemment des promotions de 50 %. En outre, si une politique nutritionnelle doit modifier la hiérarchie des coûts des aliments, l’idéal étant que les aliments les plus sains soient aussi les moins chers, l’écart à combler est grand. Darmon et coll. (2005renvoi vers) sur données françaises trouvent un rapport de 1 à 5 entre coût des calories issues des fruits et légumes, et coût des autres aliments (cf. Caillavet et Darmon, 2012renvoi vers et le chapitre de cet ouvrage sur le coût et la qualité nutritionnelle de l’alimentation). Un taux de taxation multipliant le prix par 5 n’est pas réaliste.

Réaction de l’industrie alimentaire face à la taxation

Face à la mise en place d’une taxe nutritionnelle, se pose la question de la réponse de l’offre. On dispose de peu d’éléments tirés d’observations réelles. L’industrie alimentaire a deux options : soit réduire la qualité nutritionnelle des produits taxés afin de rester à un niveau de prix évitant une baisse des ventes, soit développer de produits de meilleure qualité nutritionnelle en substituant par des ingrédients plus chers, ce qui mettrait les produits les plus sains et innovateurs hors de la portée de la bourse des ménages modestes. Dans ce cas, les inégalités nutritionnelles s’accroissent. Différentes options stratégiques des industries alimentaires sont abordées par Duvaleix-Tréguer et coll. (2012renvoi vers) face à l’instauration d’une taxe sur les aliments en-dessous d’un seuil de qualité nutritionnelle minimum. Cet article envisage d’une part les conséquences de l’introduction d’un meilleur produit en termes de qualité nutritionnelle sur la concurrence des prix et l’efficacité de la concurrence sur le marché ; d’autre part l’impact d’une taxe liée à un seuil de qualité sur l’offre de produits en termes de qualité, de variété et de prix. Il suggère que la combinaison d’un seuil de qualité modéré génère de bons effets en incitant une grande partie des entreprises à améliorer la qualité nutritionnelle des produits sans effets adverses sur le plan des inégalités (voir le chapitre « Interventions de prévention et impact sur les inégalités sociales de nutrition »).
Taxation et subvention sont sans doute traitées différemment par les entreprises. Il est plus probable qu’une taxe soit reportée entièrement sur le prix du produit acheté par le consommateur (Finkelstein et coll., 2010renvoi vers ; Zhen et coll., 2011renvoi vers ; Lin et coll., 2011renvoi vers), alors qu’une subvention risque d’être en partie captée par l’entreprise comme profit. Une étude récente sur données françaises (Berardi et coll., 2012renvoi vers), suite à l’établissement de la taxe sur les boissons sucrées (11 centimes par bouteille de 1,5 litre, cf. plus loin), indique qu’au bout de 6 mois la taxe était entièrement répercutée sur le consommateur dans le cas des sodas, alors qu’elle ne l’était que partiellement pour les jus de fruits et les eaux aromatisées. Ces modalités de transmission seraient en particulier dues à la situation de concurrence subie sur chacun de ces marchés, notamment entre marques nationales et marques de distributeurs.
Les conditions de mise en place de la taxe peuvent également être déterminantes. Il y a certainement un déficit d’études sur l’opportunité d’introduire la politique fiscale au niveau du point de vente ou du point de production, la combinaison taxation/subvention, l’option à privilégier entre taxe forfaitaire (% du prix du produit final) et taxe conditionnelle (appliquée à un nutriment particulier au-delà d’un certain seuil).

Cibler des groupes de population

On a constaté une réelle lacune de travaux comparant l’ensemble de la consommation selon les divers niveaux de revenus. Nombre de ces études, nécessaires pour la conception de mesures adaptées aux populations défavorisées, n’incluent pas d’autres groupes à titre de comparaison. Si l’on disposait d’estimations précises il resterait l’obstacle de la mise en place de telles mesures. Les possibilités de cibler certaines populations par une politique fiscale sont limitées, hormis la distribution de bons d’achat à la population vulnérable ou l’accès à des épiceries sociales. Concernant la taxation des produits, le ciblage paraît difficile, hormis dans des circuits clos comme celui de la restauration collective.

Politiques fiscales mises en place

Le débat est intense dans les pays développés sur l’opportunité d’une politique fiscale pour combattre l’obésité, ce qui explique le grand nombre d’études effectuées dans ce domaine. Cependant, très peu ont donné lieu à une concrétisation sur le terrain. En outre, les rares politiques de taxation mises en place n’ont pas été évaluées pour leur efficacité sur la santé (Smed, 2012renvoi vers ; Traill, 2012renvoi vers), et encore moins en ce qui concerne leur impact sur les inégalités.

Taxes

La plupart des taxes sur l’alimentation ont été conçues uniquement pour générer des revenus fiscaux et l’objectif nutritionnel reste l’exception (Hongrie, Danemark). Aux États-Unis, des taxes ont été mises en place dans 40 États depuis 2007 sur les boissons sans alcool, la confiserie et certains produits de snack, vendus dans les magasins et dans les distributeurs automatiques. Trente quatre États taxent les sodas, 30 les bonbons, 29 le chewing-gum, 15 les chips et les bretzels. Avec un taux variant entre 1 % et 8 % selon les États et les produits (les taux les plus élevés correspondant aux ventes en distributeurs), ces taxes restent modérées et sont peu susceptibles d’infléchir les comportements alimentaires. Elles jouent le même rôle que la TVA en Europe : générer des revenus, et ne sont pas destinées à la prévention et au financement des politiques de santé. Elles peuvent en effet générer des sommes considérables, comme le calculent par exemple Brownell et coll. (2009arenvoi vers). À noter que les taxes sur l’alimentation aux États-Unis ne s’appliquent pas aux achats faits au moyen de coupons alimentaires issus du programme d’aide fédérale (Chriqui et coll., 2008renvoi vers). Nombre de taxes sur l’alimentation ont été retirées après une courte période en raison de l’activité de lobbying des industriels pour les faire supprimer (Caraher et Cowburn, 2005renvoi vers).
La France n’a pas de fiscalité nutritionnelle. Elle taxe à travers la TVA certains aliments avec un taux spécial : la confiserie et chocolaterie, les margarines et huiles végétales supportent un taux de 19,6 % alors que le reste de l’alimentation est à 5,5 % (par exemple le beurre). Ces taux de TVA n’ont aucune cohérence nutritionnelle. Au 1er janvier 2012 a été mise en place une taxe sur les boissons contenant du sucre ajouté2 . Avec un taux de 7,16 €/hl, soit 11 centimes par bouteille de 1,5 l, cette taxe reste de faible portée pour en espérer un réel bénéfice nutritionnel. En outre, le revenu dégagé ne sera pas destiné à la politique de santé mais aux agriculteurs, en vue de l’allègement du coût de la main-d’œuvre dans les champs. Selon les élasticités-prix calculées dans l’étude de Caillavet et coll. (2009renvoi vers), la demande de boissons non alcoolisées (jus de fruits exclus) est moins sensible au prix dans le quintile le plus bas que dans le plus élevé. L’impact éventuel sera plus fort chez les riches, sans éviter la régressivité due au poids du budget alimentaire chez les plus défavorisés. Par ailleurs, Boizot-Szantai et Etile (2011renvoi vers) n’envisagent pas d’effet positif d’une telle taxe.
Récemment, deux pays invoquent les gains de santé comme moteur de l’introduction de nouvelles taxes sur l’alimentation. La Hongrie taxe depuis 2011 une gamme de produits snacks à haute teneur en sel et en sucre, tels que les chips, les noix salées, la chocolaterie, confiserie, les biscuits, les glaces, et les boissons énergisantes. Cette décision est justifiée par l’utilisation des revenus de la taxe pour le financement du système de santé et par la responsabilité individuelle des consommateurs qui ont des comportements à risque. Face à l’argument d’inéquité de cette mesure, les autorités ont affirmé que cette taxe n’augmentera pas la pauvreté car les produits de snacks taxés sont des aliments dont on peut se passer (Holt, 2011renvoi vers).
Les taxes instaurées par le Danemark en 2011 ont une visée plus nutritionnelle : elles touchent des produits sucrés, et fait original concernent aussi les graisses saturées. La taxe sur les graisses s’applique au taux de nutriment puisqu’elle concerne les aliments contenant plus de 2,3 % de graisses saturées3 . Une telle mesure s’appuie sur les travaux de Smed et coll. (2007renvoi vers) dont les modélisations mettaient en évidence une sensibilité au prix plus importante pour les tranches de revenus les plus faibles. Toutefois, le fondement de telles mesures a été remis en cause (Smed, 2012renvoi vers). Face aux critiques des consommateurs et à leurs comportements d’échappement (en particulier par le développement des achats de beurre et de crèmes glacées dans les pays frontaliers), cette taxe a été retirée en novembre 2012. Le projet d’une taxe sur les boissons sucrées est également abandonné.
Aucune de ces politiques de taxation ne prend en compte la problématique des inégalités, et notamment sa régressivité, puisqu’aucune mesure de compensation n’est envisagée lors de leur conception. Avec une approche globale, Traill (2012renvoi vers) suggère de taxer l’ensemble de l’alimentation et avec le montant conséquent dégagé, financer une politique de revenu pour les plus défavorisés.
Il faut également souligner que ces politiques n’ont pour l’instant pas été évaluées.

Subventions : programmes ciblés de coupons

Aux États-Unis, des politiques de subvention ciblées sur les populations à faibles revenus existent au niveau de tous les États depuis 1975 à travers les programmes d’aide alimentaire distribuant des bons d’achat. Certains programmes sont limités à la fourniture de produits recommandés tels que les fruits et légumes (par exemple dans le programme WIC Women, Infant and Children). Ces interventions couplées à de l’éducation nutritionnelle ont un effet positif sur la qualité de la consommation alimentaire des personnes défavorisées et la santé (par exemple, Anderson et coll., 2001renvoi vers ; Herman et coll., 2008renvoi vers ; Yen, 2010renvoi vers et cf. plus haut). La fourniture de coupons serait plus efficace que la simple réduction de prix (Dong et Leibtag, 2010renvoi vers). Une autre étude avance que l’accroissement de budget lié à la fourniture de bons alimentaires non limités à certains aliments est souvent utilisé pour acheter davantage de produits peu recommandés pour la santé, plutôt que des produits plus chers mais de meilleure qualité nutritionnelle (Wilde et coll., 1999renvoi vers).
La Grande-Bretagne a un programme équivalent au WIC américain : le programme « Healthy Start »4 , qui s’adresse aussi aux femmes enceintes ou avec des enfants de moins de 4 ans, sous conditions de revenu. Les bons sont échangeables contre des produits alimentaires (lait y compris certains laits infantiles, et des fruits et légumes frais ou surgelés) et des vitamines. L’évaluation de ce programme est positive (Ford et coll., 2009renvoi vers) : il est observé une plus forte proportion de bénéficiaires atteignant les recommandations en calcium, folate, fer et vitamine C.
En France, on relève quelques interventions isolées concernant la distribution de bons d’achat, et notamment de coupons fruits et légumes par des ONG. On ne connaît qu’une seule étude publiée basée sur un essai randomisé de distribution de coupons de 10 à 40 €/mois échangeables contre des fruits et légumes frais pendant 12 mois sur une population à faible revenu. À 3 mois, cette étude montre une augmentation de la consommation de fruits et légumes de 0,74 portion/jour ainsi qu’une réduction de la proportion de faibles consommateurs (moins d’une portion/jour) qui passe de 21,9 à 5,5 % de l’échantillon (Bihan et coll., 2012renvoi vers). La population n’a cependant pas pu être maintenue dans l’intervention plus longtemps. L’accès à des épiceries sociales où l’alimentation est vendue à prix réduit fait partie des politiques locales mises en place par les associations.
En conclusion, on relève un consensus sur le faible impact des taxes sur les comportements alimentaires et l’état de santé. Pour être efficace sur le plan du changement de comportement nutritionnel, le taux de taxation doit être très élevé. De ce fait la taxe serait très régressive, c’est-à-dire le fardeau fiscal serait significativement supérieur pour les plus défavorisés. La justification d’une telle taxe ne peut résider que dans sa contribution à la réduction des inégalités de santé : pour cela, elle doit induire un effet bien établi sur la santé, concernant des pathologies qui touchent en particulier les populations défavorisées. Dans la mesure où la taxation ne peut être une mesure ciblée, elle n’est pas concevable sans un volet d’autres mesures ciblées afin d’atténuer sa régressivité. La taxe doit être accompagnée de mesures de compensation de pouvoir d’achat pour les populations à bas revenu, telles que des subventions ciblées, qui peuvent être financées à partir du revenu généré par la taxe. Ces subventions peuvent s’adresser à certains groupes de revenus sous forme de bons d’achat de fruits et légumes par exemple. Elles peuvent également prendre la forme de réductions de prix pratiquées dans des lieux précis tels que dans les cantines scolaires, les points de vente dans certains quartiers…
Dans tous les cas, une politique fiscale ne peut être considérée comme le seul instrument pertinent. Elle doit être combinée avec des mesures dans d’autres champs d’intervention : information, éducation nutritionnelle… qui peuvent elles aussi être ciblées afin de réduire les inégalités.
Dans ce domaine, on manque d’études établissant la réponse au prix des différentes strates de population sur l’ensemble de l’alimentation afin de pouvoir prendre en compte toutes les implications nutritionnelles, en particulier les reports entre aliments, de mesures de taxation. L’hétérogénéité des réponses aux prix, point-clef de l’opportunité de la politique fiscale, dépend aussi de la prise en compte de la séparabilité des biens alimentaires, du champ de la consommation pris en compte et des approximations des mesures de prix dans la modélisation. Ici aussi, les techniques utilisées sont assez variables. Par ailleurs, il s’agit d’achats au niveau du ménage qui ne permettent pas d’en tirer des effets directs sur la consommation ou la santé de l’individu. Enfin, d’autres variables peuvent être importantes comme l’âge, le niveau de consommation, ou l’activité physique, jamais prises en compte dans ces études. Dans ce contexte, les résultats sur l’ampleur des effets des politiques fiscales doivent être considérés avec une grande prudence. Enfin, l’expérience des pays qui ont mis en œuvre de telles politiques n’a pour l’instant pas été évaluée, et encore moins sous l’aspect des inégalités. Lorsqu’elles ne les aggravent pas, les politiques de taxation n’apparaissent pas comme le meilleur moyen de lutter contre les inégalités nutritionnelles.
France Caillavet
Inra UR 1303 ALISS, Alimentation et sciences sociales, Ivry sur Seine

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