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Med Sci (Paris). 2009 April; 25(4): 335–337.
Published online 2009 April 15. doi: 10.1051/medsci/2009254335.

Un apport du modèle C. elegans sur le rôle des cellules gliales envers la réponse neuronale

Raphael Vazquez, Nicolas Offner, and Christian Néri*

Laboratoire de Biologie et Pathologie du Neurone, Centre de Psychiatrie et de Neurosciences, Inserm U894, 2ter, rue d’Alesia, 75014 Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Structures anatomiques de l'animal, Animaux, Caenorhabditis elegans, Protéines de Caenorhabditis elegans, Gènes d'helminthe, Humains, Modèles animaux, Névroglie, Interférence par ARN, Rats, Organes des sens, Spécificité d'espèce, Transmission synaptique, Thrombospondines

 

La glie est une population de cellules non neuronales qui procure bien plus qu’un soutien logistique aux neurones. Parmi leurs nombreuses fonctions, les cellules gliales fournissent un support physique, maintiennent l’homéostasie et procurent des nutriments ; elles forment également la myéline qui isole les axones et surtout participent à la transmission des signaux dans le système nerveux. Malgré cela, le rôle de la glie dans les organes sensoriels n’est pas clairement établi. Appréhender la fonction de la glie dans ces organes est d’un grand intérêt pour la compréhension de son rôle dans le cerveau humain, et pourrait avoir un impact en médecine. Il a en effet été montré que certaines cellules gliales d’origine sensorielle sont capables de promouvoir la régénération nerveuse chez des rats paraplégiques [ 1]. Ces cellules constituent donc une voie de traitement possible de la paraplégie chez l’homme. Dans leur article publié dans la revue Science, Bacaj et al. [ 2] montrent que les cellules gliales du nématode C. elegans sont un bon modèle d’étude de la fonction de ces cellules. Les organes sensoriels d’espèces différentes présentant des similitudes structurales, fonctionnelles et moléculaires, ces auteurs ont étudié les plus grands organes sensoriels du nématode, les amphides.

Ablation de la cellule gliale des amphides

Les amphides sont l’organe chémosensoriel principal du nématode, mais transmettent également des informations tactiles et thermiques. Elles constituent une paire de sensilles sur la tête, chacune contenant 12 neurones qui envoient des dendrites vers la partie antérieure du nématode (Figure 1). Les neurones de chaque amphide sont entourés d’une seule cellule gliale. Huit de ces neurones ont leurs dendrites exposées à l’environnement extérieur par un pore, les dendrites restantes se terminant à l’intérieur de la cellule gliale. Pour comprendre le rôle des cellules gliales dans le développement et la physiologie des neurones, les auteurs ont procédé à l’ablation de la cellule gliale de l’amphide, par élimination laser ou par expression localisée de la toxine diphtérique. Une observation importante issue de ces expériences est que la survie des neurones n’est pas compromise par l’ablation de la cellule gliale. L’observation est originale car dans d’autres modèles, l’ablation de la glie entraîne la mort neuronale. Ce modèle d’ablation dans l’amphide du nématode permet donc aux auteurs d’analyser la biologie du neurone dépourvu de sa glie. Ils montrent ainsi que l’ablation de la glie affecte la morphologie et la sensibilité de la plupart des neurones de l’amphide et que le comportement du nématode s’en trouve modifié.

Ainsi, si les terminaisons dendritiques des trois neurones de l’amphide, AWA, AWB et AWC sont incorporées dans la cellule gliale, l’absence de cette cellule altère la réponse chémotactique des neurones AWA et AWC mais pas celle du neurone AWB, qui reste intacte. Chez les animaux dont la cellule gliale a été éliminée, ces trois neurones ont un même environnement extracellulaire. Comme le neurone AWB est le seul qui reste capable de répondre, cela signifie que la cellule gliale participe à l’intégration des signaux environnementaux pour les deux autres neurones AWA et AWC. La question est donc posée d’un rôle plus général des cellules gliales, qui pourraient modifier la fonction de certains neurones. Un autre exemple intéressant chez les animaux privés de cellules gliales est la perte dans le neurone ASH de la réponse calcique au stress osmotique, en dépit de la présence de la machinerie protéique nécessaire à cette réponse, ce qui suggère une contribution de la cellule gliale à la sensibilité à l’osmolarité. Toutes ces expériences indiquent que les cellules gliales sont requises pour la sélection, le traitement et la transmission des signaux neuronaux.

Gènes candidats de la glie intervenant dans la modulation de la réponse neuronale

Les auteurs ont recherché les gènes qui sont exprimés dans la glie et qui pourraient moduler la réponse neuronale. Une analyse du transcriptome leur a permis d’identifier 298 transcrits spécifiquement enrichis dans la glie. À l’aide de tests d’interférence ARN, les auteurs ont identifié fig-1, qui présente des domaines homologues aux thrombospondines et qui permettrait d’internaliser le DiI (un colorant internalisé par les neurones de l’amphide). Les nématodes mutants pour fig-1 ne peuvent internaliser le DiI et, même si leur morphologie neuronale est normale, le comportement d’évitement de certaines substances par les nématodes (un comportement contrôlé par les neurones des amphides) s’en trouve perturbé. Ainsi FIG-1, et vraisemblablement d’autres protéines, jouent un rôle dans le contrôle du comportement et de la physiologie des neurones par les cellules gliales. Comme les auteurs le discutent, les thrombospondines sécrétées par les astrocytes ont une fonction importante au niveau des synapses [ 3]. L’extrémité des neurones sensoriels partage certaines caractéristiques structurales et moléculaires avec les synapses [ 4], et les auteurs font l’hypothèse que les analogies entre synapse et « synapses sensorielles » reflètent une vraie homologie.

Cette étude élégante souligne et clarifie le rôle des cellules gliales dans le système nerveux. En s’appuyant sur la simplicité du modèle amphide, les auteurs montrent que la cellule gliale permet d’accroître la spécificité et la sensibilité des neurones sensoriels, alors que ces neurones restent indépendants de la glie d’un point de vue trophique. Cette situation reflète vraisemblablement une fonction ancestrale des cellules gliales dans la discrimination et l’analyse d’un signal neural.

References
1.
Ramón-Cueto A, Cordero MI, Santos-Benito FF, Avila J. Functional recovery of paraplegic rats and motor axon regeneration in their spinal cords by olfactory ensheathing glia. Neuron 2000; 25 : 425–35.
2.
Bacaj T, Tevlin M, Lu Y, Shaham S. Glia are essential for sensory organ function in C. elegans. Science 2008; 322 : 744–7.
3.
Christopherson KS, Ullian EM, Stokes CC, et al. Thrombospondins are astrocyte-secreted proteins that promote CNS synaptogenesis. Cell 2005; 120 : 421–33.
4.
Sato K, Pellegrino M, Nakagawa T, et al. Insect olfactory receptors are heteromeric ligand-gated ion channels. Nature 2008; 452 : 1002–6.
5.
Perkins LA, Hedgecock EM, Thomson JN, Culotti JG. Mutant sensory cilia in the nematode Caenorhabditis elegans. Dev Biol 1986; 117 : 456–87.