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Med Sci (Paris). 2009 December; 25(12): 1105–1107.
Published online 2009 December 15. doi: 10.1051/medsci/200925121105.

Anti-VEGF : applications pratiques en ophtalmologie

Nicolas Leveziel,* Gisèle Soubrane, and Eric H. Souied

Service d’ophtalmologie (Pr Éric Souied), Hôpital intercommunal de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94000 Créteil, France
Corresponding author.
Maladies ophtalmologiques associées à une néovascularisation choroïdienne ou prérétinienne

La néovascularisation choroïdienne ou prérétinienne constitue une complication de différentes pathologies ophtalmologiques fréquentes. La néovascularisation choroïdienne est principalement observée dans la forme exsudative de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) [ 1] ainsi qu’au cours de la myopie forte. Cette forme de néovascularisation est la principale cause de la baisse visuelle observée dans ces deux pathologies car elle induit la formation d’un œdème intrarétinien ou une accumulation de fluide sous-rétinien, voire une hémorragie intra- ou sous-rétinienne le plus souvent localisée dans la région maculaire. La néovascularisation prérétinienne complique la rétinopathie diabétique ainsi que la rétinopathie drépanocytaire, deux grandes causes de malvoyance chez le sujet jeune. Dans toutes ces pathologies, le développement d’une néovascularisation est en partie la conséquence d’une augmentation de la concentration locale de VEGF (vascular endothelial growth factor) synthétisé par les cellules de l’épithélium pigmentaire en réponse aux phénomènes ischémiques locaux [ 2]. La Figure 1 illustre les observations faites au fond d’œil dans les principales pathologies néovasculaires rencontrées en ophtalmologie.

L’utilisation d’anticorps anti-VEGF, injectés par voie intravitréenne (Figure 2), constitue une avancée thérapeutique majeure en ophtalmologie dans certaines maladies se compliquant d’une néovascularisation. Actuellement, la seule indication reconnue des anti-VEGF en ophtalmologie est la forme exsudative de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) [1]. Pour d’autres maladies dont l’évolution peut être émaillée par l’apparition de néovaisseaux prérétiniens ou choroïdiens, leur utilisation semble intéressante, parfois bénéfique, mais reste à évaluer dans le cadre d’essais cliniques randomisés multicentriques en double insu dont certains sont actuellement en cours.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge est la principale cause de malvoyance chez le sujet âgé de plus de 60 ans dans les pays développés [1]. À titre d’exemple, plus d’un million de personnes sont atteintes par la maladie en France selon l’association DMLA. Si les causes de la maladie restent obscures, des facteurs environnementaux et des facteurs de susceptibilité génétiques ont été clairement mis en évidence [1, 3]. La forme exsudative de cette maladie (qui représente environ 70 à 80 % des formes cliniques) se traduit par l’apparition de néovaisseaux choroïdiens dans la région maculaire, dont les conséquences fonctionnelles sont une baisse de l’acuité visuelle, une impression de vision déformée (métamorphopsies) et des amputations du champ visuel central (scotomes). Cette forme clinique de la maladie est la plus sévère car elle est rapidement progressive et peut se compliquer d’hémorragies rétiniennes ou sous-rétiniennes.

Anticorps anti-VEGF : une avancée thérapeutique majeure dans la DMLA

Deux anticorps anti-VEGF sont actuellement utilisés en ophtalmologie : le bévacizumab (Avastin®, laboratoire Genentech et laboratoire Roche) et le ranibizumab (Lucentis®, laboratoire Genentech et laboratoire Novartis) (→). Tous deux ciblent et inhibent l’ensemble des isoformes du VEGF, cependant seul le ranibizumab a reçu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de la DMLA exsudative (→). D’un point de vue structural, bévacizumab et ranibizumab sont issus d’un même Acm de souris ayant subi une humanisation poussée. Le bévacizumab est une immunoglobuline (IgG1 kappa) monoclonale recombinante entière et le ranibizumab en est le fragment Fab (fragment antigen binding) ; l’affinité de ce dernier pour le VEGF a été optimisée par rapport à celle du bévacizumab, afin de compenser la petite taille de ce fragment. La demi-vie moyenne d’élimination dans la cavité vitréenne du ranibizumab est estimée à environ 9 jours et celle du bévacizumab à 4,3 jours.

(→) voir N. Cézé et al., page 1099

(→) voir J. Biot et al., page 1177

Les études MARINA et ANCHOR1 ont permis de montrer que l’utilisation du ranibizumab permet d’améliorer l’acuité visuelle dans au moins 30 % des cas de DMLA après 2 ans de traitement, au prix d’une injection intravitréenne mensuelle. Ces résultats représentent une réelle avancée thérapeutique dans cette pathologie puisque les traitements antérieurement utilisés (laser ou photothérapie dynamique à la visudyne®) [ 4] permettaient au mieux de stabiliser l’acuité visuelle.

Si l’utilisation du bévacizumab dans la DMLA exsudative n’a pas obtenu l’AMM, de nombreuses études pilotes soulignent l’efficacité et l’innocuité de cet Acm dans cette indication. Comme son mécanisme d’action est similaire à celui du ranibizumab, et que son coût est bien inférieur (1950 $ pour pour une injection de ranibizumab versus 30 $ pour le bévacizumab), cet Acm est largement utilisé de façon « off label » (hors AMM) dans le monde entier pour traiter la forme exsudative de la DMLA. Afin de clarifier cette situation, différents pays ont mis en place des essais cliniques randomisés multicentriques en double insu comparant le bévacizumab au ranibizumab dans la DMLA exsudative. Des essais sont ainsi en cours au Royaume-Uni et aux États-Unis ; en France, un essai multicentrique en double insu financé par un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) et par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) va également être mis en place (groupe GEFAL : groupe d’évaluation français Avastin® versus Lucentis® sous la direction du Dr Kodjikian).

Le traitement par injections intravitréennes d’Acm anti-VEGF a largement contribué à l’amélioration du pronostic visuel des patients souffrant de DMLA exsudative au prix d’une surveillance clinique rapprochée et de multiples injections intravitréennes. Dans un avenir assez proche, l’utilisation combinée d’autres thérapeutiques ciblant le VEGF ou l’ARNm du VEGF, par exemple les VEGF-trap (molécule chimère combinant des fragments de récepteurs au VEGF) [ 5] et les ARN interférents, pourraient permettre de diminuer la fréquence des injections et d’alléger la surveillance de nos patients.

Conflit D’Intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 MARINA et ANCHOR sont deux études randomisées de phase III menées dans deux grandes séries de patients atteints de DMLA (néovasculaire), aux États-Unis pour la première, et aux États-Unis ainsi qu’en Australie et en Europe pour la seconde, pour évaluer l’efficacité du Lucentis par comparaison avec les traitements classiques.
References
1.
Leveziel N, Delcourt C, Zerbib J, et al. Epidemiology of age related macular degeneration. J Fr Ophtalmol 2009; 32 : 440–51.
2.
Bressler NM. Antiangiogenic approaches to age-related macular degeneration today. Ophthalmology 2009; 116 : 15–23.
3.
Haddad S, Chen CA, Santangelo SL, Seddon JM. The genetics of age-related macular degeneration : a review of progress to date. Surv Ophthalmol 2006; 51 : 316–63.
4.
Behar-Cohen F, Sennlaub F, Berdugo M. Age-related macular degeneration : therapeutic hopes. Med Sci (Paris) 2007; 23 : 127–9.
5.
Nguyen QD, Shah SM, Browning DJ, et al. A phase I study of intravitreal vascular endothelial growth factor trap-eye in patients with neovascular age-related macular degeneration. Ophthalmology 2009 (sous presse).