I. Chutes chez les personnes âgées
2015
5-
Syndrome de fragilité
Le terme de fragilité est proposé en gériatrie pour définir la conséquence clinique du déclin de fonctions physiologiques au cours du vieillissement. Le cumul de fonctions physiologiques altérées modifie l’état de santé de la personne âgée et l’expose à des évènements péjoratifs lorsqu’elle est soumise à un stress, même mineur. En d’autres termes, la fragilité est un syndrome physiologique caractérisé par une réduction des réserves et de la résistance aux facteurs stressants, qui résulte d’un déclin cumulatif de multiples systèmes physiologiques et qui cause une vulnérabilité aux effets nocifs (Fried et coll., 2001

). À ce titre, la fragilité permet de définir une population à haut risque de chute, de déclin fonctionnel, d’entrée en institution et de décès (Fried et coll., 2001

; Song et coll., 2010

). On estime que 25 à 50 % des sujets de plus de 85 ans peuvent être considérés comme fragiles dans les cohortes nord-américaines (Fried et coll., 2001

; Song et coll., 2010

) ou européennes (Santos-Eggimann et coll., 2009

). Ces données épidémiologiques soulignent également que 50 à 75 % des sujets âgés ne sont pas fragiles. Dans l’étude Share (
Survey of Health, Aging and Retirement in Europe), chez les plus de 65 ans, la prévalence est estimée à 17,0 % (15,3-18,7) en Europe et à 15,0 % (12,2-17,8) en France (Santos et coll., 2009

).
Certains facteurs conditionnent l’apparition de la fragilité et des interventions appropriées pourraient la prévenir (Clegg et coll., 2013

). Il est habituel de considérer le syndrome de fragilité uniquement chez les sujets âgés de plus de 65 ans ne présentant pas d’altération des capacités fonctionnelles de base de la vie quotidienne telles que l’on peut les évaluer par l’échelle
Activity Daily Living (ADL) de Katz (Rolland et coll., 2011

). Schématiquement, cette approche permet d’appréhender la population âgée en trois groupes relevant de prises en charge distinctes notamment dans le domaine de la prévention des chutes : les sujets âgés robustes, qui relèvent d’une prise en charge comparable à celle d’adultes plus jeunes ; les sujets âgés dépendants, qui sont souvent poly-pathologiques, majoritaires en institutions ou suivis dans une filière de soins spécialisée ; et enfin, les sujets fragiles, le plus souvent à domicile et à haut risque de dépendance (Vellas et coll., 2000

).
Une des caractéristiques de la population fragile est qu’un stress apparemment minime (comme une opération bénigne, une infection peu sévère, une modification thérapeutique, un changement de lieu de vie, un isolement social…) a pour conséquence une modification radicale et disproportionnée de l’état de santé comme la survenue d’un état de dépendance pour les activités de base, mais aussi d’une incapacité à la marche ou des difficultés d’équilibration conduisant à un risque important de chute (Clegg et coll., 2013

). Les capacités d’équilibration et les difficultés à la marche sont un enjeu important de la fragilité. Des chutes peuvent survenir du fait d’une pathologie mineure qui réduit les capacités d’équilibration en dessous du seuil minimal permettant de maintenir les capacités de marche.
Ainsi, la fragilité peut être considérée comme un état de pré-dépendance accessible à des mesures préventives. À ce titre, sa prise en charge est actuellement une priorité de santé publique.
Définition de la fragilité selon la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG)
Si le concept de fragilité est désormais reconnu par l’ensemble de la communauté scientifique (Clegg et coll., 2013

), il n’existe toutefois ni définition, ni outil de dépistage internationaux et consensuels de la fragilité. La Société française de gériatrie et de gérontologie clinique (SFGG) propose de définir la fragilité comme un syndrome clinique. Selon la SFGG, « la fragilité se définit par une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress ». La SFGG considère que « son expression clinique est modulée par les comorbidités et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. Le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d’évènements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisation et d’entrée en institution. L’âge est considéré comme un déterminant de fragilité mais n’explique pas à lui seul ce syndrome ». L’un des points majeurs justifiant l’intérêt pour le syndrome de fragilité est que « la prise en charge des déterminants de la fragilité pourrait réduire ou retarder ses conséquences ». Ainsi, la fragilité s’inscrirait dans un processus potentiellement réversible (Rolland et coll., 2011

).
Deux modèles dominants de la fragilité
Pour porter le diagnostic de fragilité, deux modèles distincts ont émergé des données de la littérature scientifique. Le premier est le modèle du phénotype de fragilité (
phenotype model) issu de l’étude américaine, la
Cardiovascular Health Study (CHS), menée sur une cohorte de 5 317 sujets de 65 ans et plus suivis durant 4-7 ans (Fried et coll., 2001

). Le deuxième est le modèle du déficit cumulé (
cumulative deficit model) issu de l’étude canadienne, la
Canadian Study of Health and Aging (CSHA), menée sur une cohorte prospective de 2 305 participants suivis sur 5 ans (Rockwood et coll., 2005

). Le premier modèle a conduit à la proposition des critères de fragilité dits « de Fried » pour porter le diagnostic de fragilité tandis que le deuxième modèle a conduit à la proposition de l’indice cumulé de fragilité.
Phénotype de fragilité
Dans le phénotype de fragilité, 5 critères permettent de définir une population fragile (tableau 5.I

).
Tableau 5.I Cinq indicateurs phénotypiques de la fragilité et leurs mesures (d’après Fried et coll., 1991
)
Indicateurs
|
Mesures associées
|
Amaigrissement
|
Perte de poids de plus de 4,5 kg ou ≥ 5 % par an
|
Faiblesse/fatigue/symptomatologie dépressive
|
Sensation d’épuisement 3-4 jours par semaine ou plus selon l’échelle d’autoévaluation US Center for Epidemiological Studies depression scale (Radloff, 1977  )
|
Sédentarité
|
Dépense d’énergie :
< 383 Kcal/semaine (homme)
< 270 Kcal/semaine (femme)
|
Vitesse de marche lente
|
Temps de parcours de 4,57 m sans arrêt, modulé selon le sexe et la taille
|
Faible force de préhension
|
Force de préhension, modulée selon la taille et l’indice de masse corporelle
|
Pour être fragile, la personne âgée doit présenter 3 ou plus des 5 critères. Les sujets ayant 1 ou 2 critères sont dits pré-fragiles et les sujets ne présentant aucun des critères sont considérés robustes. Il est à noter que dans cette approche, les sujets ayant une maladie de Parkinson, un antécédent d’accident vasculaire cérébral, une altération cognitive ou déprimés ont été exclus.
Dans l’étude CHS (population âgée de 65 à 101 ans, 58 % de femmes) et selon ces critères, 7 % des participants étaient fragiles, 47 % étaient pré-fragiles et 46 % robustes (tableau 5.II

). À 7 ans de suivi, la mortalité était respectivement de 43 %, 23 % et 12 %. Comparativement aux sujets robustes, les sujets fragiles ont un risque de décès 1,63 supérieur (HR=1,63 ; IC 95 % [1,27-2,08]). Chez les sujets fragiles, les auteurs rapportent une majoration du risque de chute (HR=1,23 ; IC 95 % [1,50-2,21]), d’aggravation de la dépendance (HR=1,79 ; IC 95 % [1,47-2,17]), et d’hospitalisation (HR=1,27 ; IC 95 % [1,11-1,46]) (Fried et coll., 2001

).
Tableau 5.II Caractéristiques de santé des participants à la Cardiovascular Health Study (CHS) selon l’âge (d’après Fried et coll., 2001
)
|
Robuste
(N=2 469)
46,4 %
|
Pré-fragile
(N=2 480)
46,6 %
|
Fragile
(N=368)
7 %
|
Total
(N=5 317)
100 %
|
65-74 ans
|
76,1 %
|
62,9 %
|
38,0 %
|
67,3 %
|
75-84 ans
|
22,6 %
|
32,7 %
|
48,9 %
|
29,1 %
|
> 85 ans
|
1,3 %
|
4,5 %
|
13,0 %
|
3,6 %
|
Les critères de fragilité de Fried ont été largement repris dans la littérature scientifique et la validité des différents indicateurs confirmée. Toutefois, certains aspects, non renseignés dans la CHS (étude qui n’avait pas vocation initialement à définir des critères de fragilité) tels que les capacités cognitives, n’apparaissent pas dans l’échelle de cotation bien qu’ils soient souvent associés au déclin fonctionnel et à d’autres évènements péjoratifs. D’autre part, la faisabilité des critères de Fried en pratique de ville par un médecin généraliste reste à démontrer.
Indice cumulé de fragilité
L’indice cumulé de fragilité, développé à partir de l’étude CSHA, liste 92 déficits, symptômes ou situations cliniques notés comme absents ou présents. La somme de toutes les variables présentes chez un patient divisée par 92 permet d’obtenir l’indice de fragilité. Plus le score est élevé, plus les sujets sont considérés comme fragiles (Rockwood et Mitnitski, 2007

). Cet indice présente l’avantage de donner une graduation du niveau de fragilité. Il soutient le concept de fragilité en octroyant à chaque déficit même minime (comme les difficultés auditives), un rôle cumulé sur des évènements péjoratifs (comme le décès). La valeur de 0,67 représente un seuil critique au-delà duquel l’homéostasie de l’individu et donc sa capacité à faire face à une situation de stress semble compromise (Scheffer, 2010

).
Un indice comportant 30 variables parmi les 92 initiales permet d’avoir un score d’une valeur prédictive comparable et plus simple d’utilisation (Song et coll., 2010

). Cet indice de fragilité est prédictif de décès et d’entrée en institution (Mitnitski et coll., 2005

).
Les travaux de recherche clinique se sont principalement appuyés sur ces deux modèles de fragilité mais les cliniciens ont également besoin d’un outil simple, valide, précis et fiable pour détecter la fragilité de leurs patients. Il est important que les outils développés soient sensibles aux changements de l’état robuste vers l’état pré-fragile, puis fragile (de Vries et coll., 2011

).
Autres tests pour dépister la fragilité
Autres tests cliniques
Différents tests tels que le Timed Up and Go ou le Grip Strength Test ont été proposés pour dépister la fragilité lors de l’examen clinique. Ces mesures sont simples et rapides. Toutefois, leur fiabilité pour appréhender la fragilité reste à démontrer.
Certains travaux ont suggéré que la station unipodale pouvait être aussi prédictive de fragilité et de perte d’indépendance (Drusini et coll., 2002

; Michikawa et coll., 2009

).
La vitesse de marche a démontré sa valeur prédictive de nombreux évènements péjoratifs dont la mortalité comme le rapportent deux méta-analyses sur de larges études épidémiologiques aux États-Unis (Studenski et coll., 2011

) et en Europe (Cooper et coll., 2010

). Une revue de la littérature a conclu que la vitesse de marche est prédictive de perte d’indépendance, de déclin cognitif, d’entrée en institution, de mortalité et de chute (Abellan van Kan et coll., 2009

). Les seuils de vitesse de marche compris entre 0,8 et 1 mètre par seconde sur un test de 4 mètres sont proposés pour caractériser une population fragile (Abellan van Kan et coll., 2009

). D’autres seuils légèrement plus lents (par exemple 0,6 mètre par seconde) ont été également proposés mais caractérisent des sujets ayant déjà des incapacités fonctionnelles (Abellan van Kan et coll., 2009

). D’autres tests composites comme l’
Edmonton Frail Scale, qui inclut le
Timed Up and Go et des tests cognitifs, sont également des moyens simples, accessibles pour des médecins généralistes. Ils ont été proposés pour dépister les sujets fragiles en routine (Rolfson et coll., 2006

).
Exemples de questionnaires de dépistage de la fragilité
Le
Groningen Frailty Indicator (Schuurmans et coll., 2004

) et le
Tilburg Frailty Indicator (Gobbens et coll., 2012

) sont des exemples, parmi d’autres, de questionnaires en cours d’évaluation pour dépister les sujets fragiles dans la population vivant à domicile. Les 19 items du questionnaire
Frail Elderly Functional Assessment (FEFA) pour personnes âgées fragiles permettent d’évaluer l’effet d’interventions sur les capacités fonctionnelles menées chez des sujets fragiles. Ce questionnaire est valide, précis et sensible aux changements (Gloth et coll., 1999

). Il présente l’avantage important de pouvoir être renseigné par téléphone.
Ce dépistage peut être réalisé par le médecin traitant. L’augmentation croissante des personnes âgées au sein de la population et le manque de médecins dans plusieurs régions de France doivent conduire chaque bassin de vie à motiver d’autres acteurs à repérer la fragilité chez les plus de 70 ans. Plus largement, ce sont donc tous les acteurs de santé du domicile (infirmière ou aide-soignante libérale, pharmacien, kinésithérapeute, travailleurs sociaux…) qui sont à former et impliquer pour cette étape de pré-évaluation.
Fragilité et fracture
L’idée selon laquelle le sujet fragile est un sujet particulièrement à risque de fracture de hanche est récente (Ensrud et coll., 2007

). Pourtant, la fragilité et les mécanismes qui l’accompagnent, comme l’inactivité, la baisse de la force, la perte de poids sont des conditions pouvant favoriser l’ostéoporose (Ferrucci et coll., 2002

), la chute et la fracture. Indépendamment de la densité minérale osseuse, des travaux récents montrent que les sujets fragiles ont un risque de chute nettement majoré par rapport aux sujets non fragiles (OR=2,41 ; IC 95 % [1,93-3,01]) (Ensrud et coll., 2007

). Le nombre de chutes lui-même est un facteur de risque important de fracture de hanche indépendamment de la densité minérale osseuse (Dargent-Molina et coll., 1996

). Ensrud et coll. ont montré que le risque de fracture chez les sujets fragiles était augmenté comparativement à des sujets âgés du même âge non fragiles (OR=1,70 ; IC 95 % [1,35-2,15]) (Ensrud et coll., 2007

).
Ainsi, toute fracture (même mineure comme celle du poignet) par traumatisme à basse énergie (chute de sa hauteur), au même titre qu’une chute sans conséquence grave, devrait donc conduire à une évaluation gériatrique pour repérer les facteurs de risque de fragilité. Le développement de l’éducation thérapeutique et la formation des aidants professionnels ou non au risque de chute pourraient aider à responsabiliser les patients et leurs aidants familiaux dans le suivi des recommandations découlant de la synthèse de l’évaluation gériatrique.
Intérêt et modalités de la prise en charge de la fragilité
L’intérêt principal de la reconnaissance du syndrome de fragilité est qu’il ouvre des perspectives d’organisation de soins préventifs de la dépendance et d’évènements péjoratifs comme les chutes. La réduction de la prévalence (selon les critères catégoriels de Fried) ou de la sévérité (selon l’indice cumulé de fragilité de Rookwood) aurait un intérêt majeur pour le patient, sa famille et en termes de santé publique.
La prise en charge de la fragilité repose sur l’organisation d’une évaluation gérontologique standardisée et l’organisation d’interventions ciblées. Cette prise en charge personnalisée aux données recueillies lors de l’évaluation repose, entre autres, sur des conseils et un suivi nutritionnel, des conseils d’activité physique, l’organisation d’un soutien humain et d’activités sociales stimulantes, d’aménagement de la prescription médicamenteuse. Elle a démontré son efficacité pour améliorer le taux de retour à domicile, réduire le risque de déclin cognitif et fonctionnel ainsi que le risque de décès des sujets âgés fragiles pris en charge en unités gériatriques spécialisées comparativement aux unités d’hospitalisation traditionnelles (Ellis et coll., 2011

). La méta-analyse d’Ellis et coll. (2011

) réunit 22 études, soit 10 315 participants, certains bénéficiant d’un examen gérontologique détaillé, d’autres d’un examen médical classique. À la fin des interventions, les premiers sont plus aptes à vivre au domicile (OR=1,16 ; IC 95 % [1,05-1,28] ; P=0,003) et sont moins nombreux à vivre en institution (OR=0,78 ; IC 95 % [0,69-088] ; P < 0,001). Leurs aptitudes cognitives sont plus élevées (
Standardised Mean Difference=0,08 ; IC 95 % [0,01-0,15] ; P=0,02) (tableau 5.III

).
Tableau 5.III Résultats d’interventions de prévention sur la prise en charge de la fragilité
Référence
|
Études
|
Âge
|
Interventions
|
Résultats
|
Ellis et coll., 2011
|
22 études
10 315
participants
|
65 ans et plus
|
Examen gérontologique détaillé aux urgences
|
Meilleure aptitude à vivre au domicile
Aptitude cognitive plus élevée
|
Stuck et coll., 2002
|
18 études
13 447
participants
|
65 ans et plus
|
Visites à domicile, conseils de prévention
Soit plus de 9 visites soit entre 0 et 4 visites
|
Si plus de 9 visites, meilleure aptitude à vivre au domicile, déclin fonctionnel réduit lorsqu’il y a un suivi et des conseils, effet bénéfique sur la mortalité évident chez les populations les plus jeunes mais pas chez les plus âgées
|
Beswick et coll., 2008
|
89 études
97 984
participants
|
65 ans et plus
|
Interventions au domicile dans le but de préserver le statut fonctionnel et l’indépendance des personnes âgées
|
Réduction du risque de ne pas vivre au domicile, réduction du risque d’admission en institution, réduction du risque d’admission à l’hôpital et du risque de chute
Statut fonctionnel meilleur
|
La même approche déclinée chez les sujets âgés fragiles vivant à domicile favorise le maintien à domicile, réduit les entrées en institution et le nombre de chutes (Stuck et coll., 2002

; Beswick et coll., 2008

). La méta-analyse de Stuck et coll. (2002

), incluant 13 447 participants âgés de plus de 65 ans, montre un effet significatif des visites à domicile sur l’entrée en institution si elles sont supérieures à 9 (RR=0,66 ; IC 95 % [0,48-0,92]). En dessous de 4 visites, il n’y a pas d’effet (RR=1,05 ; IC 95 % [0,85-1,0] pour 0-4 visites). Le déclin fonctionnel est réduit lorsqu’il y a un suivi et des conseils (RR=0,76 ; IC 95 % [0,64-0,91])
versus leur absence (RR=1,01 ; IC 95 % [0,92-1,11]). Un effet bénéfique sur la mortalité est évident chez les populations les plus jeunes (RR=0,76 ; IC 95 % [0,65-0,88] entre 72,7 et 77,5 ans) mais ne s’observe pas chez les plus âgées (RR=1,09 ; IC 95 % [0,92-1,28] entre 80,2 et 81,6 ans). L’efficacité n’est toutefois pas aussi importante lorsque l’intervention s’adresse aux sujets les plus vulnérables.
La méta-analyse de Beswick et coll. (2008

) qui inclut 89 études, soit 97 984 participants de 65 ans et plus, s’intéresse aux interventions au domicile dans le but de préserver le statut fonctionnel et l’indépendance des personnes âgées. Les résultats montrent une réduction du risque de ne pas vivre au domicile (RR=0,95 ; IC 95 % [0,93-0,97]), une réduction du risque d’admission en institution (RR=0,87 ; IC 95 % [0,83-0,90]), à l’hôpital (RR=0,94 ; IC 95 % [0,91-0,97]) et du risque de chute (RR=0,90 ; IC 95 % [0,86-0,95]). Le statut fonctionnel est meilleur (
Standardised Mean Difference=−0,08 ; [−0,11 ; −0,06]).
Les études cliniques d’intervention ont rarement recruté les patients sur des critères de fragilité préétablis mais les analyses secondaires, stratifiées sur les critères de fragilité, suggèrent que les plus fragiles ou dépendants bénéficient moins des interventions. Les interventions portant sur l’exercice physique (revue
Cochrane de Forster et coll., 2009

) et la nutrition (revue
Cochrane de Langer et coll., 2003

) sont les plus nombreuses (tableau 5.IV

). Les revues de la littérature suggèrent une efficacité de l’activité physique sur la perte de la mobilité comparées aux interventions nutritionnelles qui sont moins convaincantes (Langer et coll., 2003

). Le recours à des agents thérapeutiques est une voie de recherche pharmacologique importante. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC), la vitamine D, les hormones et d’autres molécules plus spécifiquement orientées vers l’amélioration de la fonction musculaire sont en cours d’évaluation dans le traitement de la fragilité.
Tableau 5.IV Résultats d’interventions de prévention sur la prise en charge de la fragilité dans les établissements de long séjour
Référence
|
Études
|
Âge
|
Interventions
|
Résultats
|
Forster et coll., 2009
|
49 études
3 611
participants
2/3 femmes
|
82 ans
69-89 ans
|
Rééducation physique en établissement de long séjour, en groupe, 30-45 min, durant 20 semaines
12 essais poursuivis durant une année
|
Bénéfices pour la santé physique par différents types d’interventions de rééducation physique. Peu d’événements indésirables liés aux interventions
Critères de jugement : capacité/incapacité dans la vie quotidienne, force, souplesse, équilibre, état physique général, humeur, statut cognitif, assiduité des patients, taux de mortalité, maladies et effets indésirables associés à l’intervention, comme des blessures
|
Langer et coll., 2003
|
8 études
|
–
|
Prévention et traitement des escarres
|
Combinaison de suppléments nutritionnels faiblement énergétiques et de protéines à différents dosages : pas de conclusion, études de mauvaise qualité
|
En conclusion, le diagnostic d’un syndrome de fragilité est une opportunité pour prévenir l’entrée dans la dépendance des sujets âgés. Actuellement, les personnes âgées bénéficient des soins et traitements spécifiques à leurs diverses pathologies et sont aidées lorsqu’une dépendance apparaît. Cette approche, trop tardive, n’est pas optimale pour prévenir le déclin fonctionnel. Le repérage de la fragilité, un état de pré-dépendance, permet d’envisager des actions de prévention avant le stade le plus souvent irréversible de la dépendance. Cette prévention est d’autant plus efficace que la fragilité est débutante ou que la personne a fait une chute récente ou deux chutes durant l’année passée. Cette démarche anticipative s’appuie sur une évaluation gérontologique standardisée (comportant entre autres une évaluation du risque de chute) et l’organisation d’interventions personnalisées pouvant limiter le risque de chute. Ces interventions peuvent concerner de multiples domaines comme la iatrogénie médicamenteuse, la lutte contre la sédentarité, la nutrition, l’aménagement du domicile.
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