I. Définitions, repérage et diagnostic de la déficience intellectuelle

2016


ANALYSE

1-

Terminologie, définitions, classifications

Évolution de la terminologie

Les termes utilisés pour désigner la déficience intellectuelle ont évolué au fil du temps : oligophrénie, idiotie, imbécillité, débilité mentale, déficience mentale, handicap mental, arriération mentale, retard mental, incapacité intellectuelle, déficience intellectuelle, personnes présentant/ayant une déficience intellectuelle, difficultés d’apprentissage (learning disabilities au Royaume-Uni) (Salbreux, 2001renvoi vers ; Simeonsson et coll., 2006renvoi vers).
En France, les termes actuellement les plus utilisés dans la littérature scientifique et professionnelle sont « déficience intellectuelle ou retard mental » (Guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées 1993-2007), « handicap mental » qui qualifie à la fois une déficience intellectuelle (approche scientifique) et les conséquences qu’elle entraîne au quotidien (approche sociale et sociétale) (Unapei).
Dans d’autres pays francophones, les termes utilisés sont, en Belgique, « handicap mental – retard mental » (Agence Wallonne pour l’intégration des personnes handicapées), en Suisse, « déficience intellectuelle », et au Canada, « déficience intellectuelle – incapacité intellectuelle ».
Les critères pour définir un terme acceptable ont été discutés par Schalock et Luckasson (Schalock et Luckasson 2004renvoi vers ; Schalock et coll., 2007renvoi vers et 2010renvoi vers). Selon ces auteurs, un terme (nom) :
• doit s’appliquer à un seul phénomène, entité, concept (spécificité) ;
• doit représenter la connaissance actuelle ;
• devrait être utilisé de façon cohérente dans plusieurs contextes (diagnostic, classification, définition, épidémiologie, loi, prestation sociale) et parmi différents groupes (parents, médecins, chercheurs et autres professionnels) ;
• doit être respectueux à l’égard des personnes en question : la connotation d’un mot peut évoquer des sentiments positifs ou négatifs. Par exemple, le mot « handicap » en anglais est considéré comme péjoratif. En effet, un terme est exposé à des valeurs sociales qui peuvent en changer la signification (Brown, In : Parmenter, 2011renvoi vers).
À partir de ces critères et de la littérature internationale, le terme le plus courant en médecine, en éducation, en psychologie ainsi que dans le grand public et les groupes de défense des droits des patients est actuellement « la déficience intellectuelle ». Il fait référence à un déficit de l’intelligence ainsi qu’à des limitations du comportement adaptatif qui y est associé, résultant des problèmes ou des limitations du fonctionnement humain. Le terme « déficience intellectuelle » (DI) répond aux critères de Schalock et Luckasson. Les termes « personnes ayant/présentant une déficience intellectuelle » sont préférés pour désigner des personnes présentant ce problème de fonctionnement humain.
On trouve aussi le terme « handicap mental » soulignant notamment les problèmes sociaux associés à «  la déficience intellectuelle ». Le mot « mental », plus général, s’étend aux domaines psychiques, dépassant le domaine intellectuel/cognitif visé par la notion de DI.
Si le terme « déficience intellectuelle » semble actuellement le plus commun dans les communautés scientifiques et professionnelles, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) envisage d’introduire le terme « trouble du développement intellectuel » dans la nouvelle CIM-11 (Salvador-Carulla et coll., 2011renvoi vers).

Définitions

Définir consiste à expliquer un terme avec le plus de précision possible, de manière à en circonscrire les frontières. Schalock et Luckasson (2004renvoi vers) font une distinction entre définition constitutive ou conceptuelle et définition opérationnelle.
La définition constitutive repose sur une explication descriptive du concept par rapport à d’autres concepts ; elle sert à expliquer et comprendre la notion de DI.
La définition opérationnelle permet de la caractériser en termes de mesure et d’assurer que chacun mesure de la même façon (aborder ce qui se trouve exactement à l’intérieur des limites du terme).
La façon dont un terme est défini peut avoir d’importantes conséquences. Par exemple, une définition peut faire en sorte que quelqu’un ait droit ou non à certains services, puisse être ou ne pas être inclus (égalité des chances, droit à certains avantages sociaux ou financiers). La définition de la DI peut aussi représenter les critères d’accès à la prestation de compensation.

Définitions constitutives

Les autorités internationales impliquées dans la définition de la DI sont :
• l’OMSrenvoi vers pour la Classification internationale des maladies (CIM-10, 1993 ; CIM-11, publication de l’OMS attendue en 2015) ;
• l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD, 2010renvoi vers) ;
• l’American Psychiatric Association pour le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5, 2013 renvoi vers ).

Classification internationale des maladies (OMS)

La CIM-10, qui est la version officielle actuelle (CIM-10, OMS 1993-2006), décrit la DI en employant le terme « retard mental » (F70-F79) comme : « Un arrêt ou développement incomplet du fonctionnement mental, caractérisé essentiellement par une altération, durant la période de développement, des facultés qui déterminent le niveau global d’intelligence, c’est-à-dire, des fonctions cognitives, du langage, de la motricité et des capacités sociales. Le retard mental peut accompagner un autre trouble mental ou physique ou survenir isolément ».
La CIM-11 dont la publication est attendue en 2015, envisage le terme « troubles du développement intellectuel » (intellectual developmental disorders, IDD). Selon la proposition du groupe de travail mis en place par l’OMS (Working Group on the Classification of Intellectual Disabilities), la description de ces troubles fait référence à : « a group of developmental conditions characterized by significant impairment of cognitive functions, which are associated with limitations of learning, adaptive behaviour and skills » (« un groupe de troubles développementaux caractérisés par une déficience significative des fonctions cognitives en association avec des problèmes d’apprentissage, d’habiletés et de comportement adaptatif »). La DI est considérée comme une sous-classe de « neurodevelopmental disorders », intitulée « intellectual developmental disorder », et qu’on pourrait traduire par « trouble du développement intellectuel » (Salvador-Carulla et coll., 2011renvoi vers).
Les caractéristiques de la déficience intellectuelle/trouble du développement intellectuel dans le développement de la CIM-11 (Salvador-Carulla et coll., 2011renvoi vers, p. 177) sont les suivantes :
• déficience des fonctions cognitives nécessaires au développement de la connaissance, au raisonnement et à l’utilisation de symboles, par rapport aux personnes du même âge ;
• difficultés de communication verbale, de vitesse d’apprentissage, de mémoire ;
• difficultés d’apprentissage ;
• limitations dans les habiletés cognitives, sociales et pratiques ;
• difficulté à gérer ses comportements ;
• apparition de problèmes comportementaux et sociaux au cours de la vie.

American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD)

La définition officielle de la DI selon l’AAIDD (2010renvoi vers) est : « La déficience intellectuelle est une incapacité caractérisée par des limitations significatives du fonctionnement intellectuel et du comportement adaptatif, qui se manifeste dans les habiletés conceptuelles, sociales et pratiques. Cette incapacité survient avant l’âge de 18 ans. » (AAIDD, 2010renvoi vers ; traduction française/canadienne).
Les postulats suivants font partie intégrante de la définition, ils clarifient le contexte et indiquent comment la définition doit être appliquée :
• les limitations dans le fonctionnement à un temps donné doivent tenir compte des environnements communautaires typiques du groupe d’âge de la personne et de son milieu culturel ;
• une évaluation valide tient compte à la fois de la diversité culturelle et linguistique de la personne, ainsi que des différences sur les plans sensorimoteurs, comportementaux et de la communication ;
• chez une même personne, les limitations coexistent souvent avec des forces ;
• la description des limitations est importante, notamment pour déterminer le profil du soutien requis ;
• si la personne présentant une déficience intellectuelle reçoit un soutien adéquat et personnalisé sur une période soutenue, son fonctionnement devrait s’améliorer.
La version anglaise de la définition de l’AAIDD en 2002renvoi vers est : « Mental retardation is a disability characterized by significant limitations both in intellectual functioning and in adaptive behavior as expressed in conceptual, social, and practical adaptive skills. This disability originates before age 18 ».
La version anglaise de la définition de l’AAIDD en 2010 change les premiers termes seulement en abandonnant le terme mental retardation : « Intellectual disability is characterized by significant […] before age 18 ».
Dans la CIF1 (OMS, 2001renvoi vers), le mot disability est traduit par handicap. Ces deux mots font référence à un phénomène complexe de fonctionnement humain qui découle de l’interaction entre les caractéristiques de structures et de fonctions corporelles et comportementales d’une personne et les caractéristiques de la société où elle vit (voir infra dans la partie « Classification »).

DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)

La définition de la DI selon le DSM-IV TR (American Psychiatric Association, 2000renvoi vers) était : « Fonctionnement intellectuel général significativement inférieur à la moyenne (QI d’environ 70 ou au-dessous pour un test de QI passé de façon individuelle). Des déficits concomitants ou des altérations du fonctionnement adaptatif doivent concerner au moins deux des secteurs suivants : communication, autonomie, vie domestique, aptitudes sociales et interpersonnelles, mise à profit des ressources de l’environnement, responsabilité individuelle, utilisation des acquis scolaires, travail, loisirs, santé et sécurité. Ces déficits ou altérations doivent avoir débuté avant l’âge de 18 ans ».
Le DSM-IV TR avait adopté les critères de la définition de l’AAMR2 de 1992.
Le DSM-5 utilise le terme « déficience intellectuelle », mais il mentionne aussi le terme « trouble du développement intellectuel ». Dans cette définition, il s’agit d’un trouble qui inclut un déficit intellectuel ainsi qu’un déficit touchant le fonctionnement adaptatif dans les domaines conceptuels, sociaux et pratiques, débutant pendant la période développementale (DSM-5renvoi vers, p. 33).
Le terme diagnostique « déficience intellectuelle » est équivalent au terme diagnostique « trouble du développement intellectuel » qui est utilisé dans la CIM-11. Bien que le terme déficience intellectuelle (intellectual disability) soit utilisé dans l’ensemble du DSM-5, les deux termes apparaissent dans le titre pour clarifier leurs relations avec les autres systèmes de classification.
Dans le DSM-5, les trois critères suivants doivent être présents pour le diagnostic :
• présence de déficits touchant des fonctions intellectuelles telles que le raisonnement, la résolution de problèmes, la planification, la pensée abstraite, le jugement, l’apprentissage académique et l’apprentissage par expérience. Ces déficits sont confirmés par une évaluation clinique ainsi qu’une évaluation intellectuelle individualisée et standardisée ;
• présence de déficits du fonctionnement adaptatif qui entraînent une incapacité pour l’individu à répondre aux exigences développementales et socioculturelles d’indépendance personnelle et de responsabilité sociale. Sans soutien, les déficits d’adaptation limitent le fonctionnement dans un ou plusieurs domaines de la vie quotidienne tels que la communication, la participation sociale, les habiletés de vie autonome dans divers environnements, à domicile, dans le milieu scolaire, au travail ou dans la communauté ;
• les déficits touchant les habiletés intellectuelles et adaptatives doivent apparaître pendant la période développementale.

Définitions opérationnelles

CIM-10

La CIM-10 ne mentionne pas d’instructions opérationnelles spécifiques pour le diagnostic. À partir de la CIM-10, le diagnostic est fait de façon clinique (selon un jugement professionnel de l’examinateur).

AAIDD (2010)

Selon l’AAIDD renvoi vers, le diagnostic de la DI est fait à partir de 3 critères :
• limitations significatives du fonctionnement intellectuel : un QI3 inférieur à environ deux écarts-types sous la moyenne, si on prend en considération l’erreur type de mesure des instruments utilisés ainsi que leurs forces et limites ;
• limitations significatives du comportement adaptatif : performance selon une mesure standardisée du comportement adaptatif, normalisé en regard de la population générale, qui est approximativement à deux écarts-types sous la moyenne, soit dans l’une des trois dimensions (habiletés conceptuelles, sociales, pratiques), soit d’un score général d’une mesure standardisée ;
• âge d’apparition : avant 18 ans.
Dans l’application de ces critères, on doit prendre en considération les 5 postulats déjà mentionnés plus haut.

DSM-5

Selon le DSM-5, le diagnostic repose sur 3 critères. L’application de ces critères implique des postulats cliniques, la définition comporte quelques renseignements pour l’application de ces postulats :
• Déficits des fonctions intellectuelles, comme le raisonnement, la résolution de problèmes, la planification, la pensée abstraite, le jugement, l’apprentissage académique, l’apprentissage par l’expérience et la compréhension pratique, confirmés à la fois par des évaluations cliniques et par des tests d’intelligence personnalisés et normalisés.
Le fonctionnement intellectuel est mesuré au moyen de tests d’intelligence personnalisés, exhaustifs et adaptés à la culture, tout en étant validés et rigoureux sur le plan psychométrique.
Critère : deux écarts-types ou plus sous la moyenne de la population, y compris une marge d’erreur de mesure (en général ± 5 points), un résultat de 65-75 (70 ± 5).
• Présence de déficits du fonctionnement adaptatif à partir de l’interprétation du résultat de mesures normalisées et des entretiens qui doit reposer sur le jugement clinique.
Le fonctionnement adaptatif peut être difficile à évaluer dans des environnements contrôlés (par exemple : prisons, centres de détention). Si possible, il faut obtenir des renseignements corroborants qui reflètent le fonctionnement à l’extérieur de ces environnements.
Critère : au moins un domaine (conceptuel, social ou pratique) du fonctionnement adaptatif suffisamment affaibli pour que la personne ait besoin de soutien lui permettant de participer à un environnement scolaire, au travail, à la maison ou à la communauté.
• Apparition de déficits intellectuels et adaptatifs durant la période développementale. Ce critère reflète la présence des déficits intellectuels et adaptatifs durant l’enfance ou l’adolescence. Le DSM-5 ne mentionne pas un âge spécifique.

Discussion

Concernant la définition constitutive, chacun des systèmes consultés (CIM, AAIDD, DSM-5) contient trois concepts principaux pour décrire les caractéristiques essentielles de la DI : l’intelligence, le comportement adaptatif et la notion de « problème de développement ».
La définition opérationnelle de l’AAIDD est la seule entièrement psychométrique qui donne les mesures et les critères précis de l’intelligence, du comportement adaptatif et d’âge pour un diagnostic valide. Elle implique que soient respectés les 5 postulats qui doivent accompagner tout diagnostic.
Comme l’AAIDD, le DSM-5 utilise la valeur de 2 écarts-types sous la moyenne de la population comme critère de l’intelligence. Il ajoute le critère clinique d’évaluation du besoin de soutien de la personne nécessaire à son fonctionnement dans plusieurs domaines de la vie. Cette évaluation peut s’appuyer sur des échelles de comportement adaptatif, mais le DSM-5 ne donne pas de critère psychométrique. Il en est de même du critère d’âge de développement.
Bien qu’un consensus existe sur la définition de la DI, certains auteurs estiment que les définitions actuelles ne sont pas tout à fait complètes. Notamment, Stephen Greenspan et Harvey Switzky (Greenspan, 2006renvoi vers ; Greenspan et Switzky, 2006arenvoi vers et brenvoi vers ; Greenspan et coll., 2011renvoi vers) soulignent la différence entre l’intelligence comme telle (notion académique) et le « comportement intelligent » dans la vie pratique de chaque jour. Ils mentionnent l’importance de la sensibilisation aux risques dans la vie pratique et sociale et de la conscience des risques pour survivre dans la vie au quotidien. Les personnes avec une DI ont tendance à sous-estimer ces risques et, par conséquent, elles rencontrent plus souvent des problèmes et des échecs. Ces auteurs ajoutent aussi la naïveté et la crédulité comme caractéristiques de la DI. Ces traits ne sont pas inclus dans les échelles courantes d’habiletés adaptatives (ces comportements seront inclus dans la nouvelle échelle Diagnostic Adaptive Behavior Scale, de l’AAIDD).
Il y a d’autres difficultés avec la définition de la DI, la plus importante étant la définition même de l’intelligence (Arnold et coll., 2011renvoi vers ; Felce, 2011renvoi vers). Il existe plusieurs définitions, des différences considérables apparaissent entre la composition des tests et les résultats peuvent être différents pour une même personne. La définition de l’intelligence (de Gottfredson, 1997renvoi vers) utilisée par l’AAIDD est très générale : « L’intelligence est une capacité mentale générale. Elle comprend le raisonnement, la planification, la résolution de problèmes, la pensée abstraite, la compréhension d’idées complexes, la facilité à apprendre et les apprentissages à partir d’expériences » (Schalock et coll., 2010renvoi vers, p. 15).
Whitaker (2008renvoi vers) mentionne que l’usage du terme DI tend à suggérer qu’il s’agit d’un phénomène bien appréhendé qui permet, par exemple, d’identifier d’une manière précise et fiable le nombre de personnes dans une population ou de formuler des critères numériques (en termes de QI ou de scores de comportement adaptatif) pour donner accès à certains services de soutien ou d’éducation. Ceci n’est pas tout à fait le cas, car tout dépend des tests et échelles utilisés, de la précision et de la fiabilité de ces instruments (qui sont contestables, surtout pour un QI < 50). De plus, le phénomène Flynn qui reflète une augmentation des scores de QI dans le temps (de 0,3 à 0,5 point par an) représente un défi potentiel dans l’interprétation des scores (Flynn et Widaman, 2008renvoi vers).
Whitaker propose une définition moins psychométrique et plus clinique en incluant la notion de besoin de soutien (2008renvoi vers) : « A person can be regarded as having an ID if they are judged to be in need of community care or educational services due to a failure to cope with the intellectual demands of their environment and are suffering significant distress or are unable to take care of themselves or their dependents or unable to protect themselves or their dependents against significant harm or exploitation. »4 (Whitaker, 2008renvoi vers, p. 8).
Quant à Arnold et coll. (2011renvoi vers), ils proposent d’ajouter à la définition de DI, la notion de « besoin additionnel de soutien ». Ils suggèrent même de remplacer le diagnostic de DI par un diagnostic de besoins additionnels de soutien sur le plan du fonctionnement intellectuel (comme pour le diagnostic de déficiences physiques). Le mot « additionnel » fait référence au fait que chacun, dans la vie quotidienne ou dans certaines situations, a parfois besoin du soutien d’une autre personne, mais que ces besoins sont différents et plus intenses pour des personnes en situation de handicap (pour atteindre un fonctionnement caractéristique des personnes de même âge et de même culture et une participation dans la société).
Les définitions du DSM-5 et de la CIM-11 ont tendance à accentuer la nature développementale de la DI, notamment en relation avec le développement du système nerveux. Dans le DSM-5, la DI est considérée comme une sous-classe des troubles neuro-développementaux.
Avec les progrès en sciences neurobiologiques et neuropsychologiques, la relation entre les phénomènes comportementaux ou psychométriques et le système nerveux ouvre de nouvelles perspectives. « À l’échelle macro-anatomique, une DI peut être associée à une altération de la structure du cortex cérébral et de l’hippocampe, ou à une microcéphalie. En revanche, certaines formes de DI, par exemple celles associées aux syndromes de Down, de l’X fragile, de Rett ou encore de Rubinstein-Taybi, ainsi que certaines formes non syndromiques de DI, se caractérisent par une altération de la densité et de la morphologie des épines dendritiques. » (Harel et Jenna, 2011renvoi vers).
Pendant le xxe siècle, la compréhension de la DI a été le domaine de la psychologie voire de la psychométrie. Il est probable qu’au xxie siècle, et déjà dès aujourd’hui, la DI sera le domaine d’une approche encore plus interdisciplinaire, ce qui pourrait moduler sa terminologie ainsi que sa définition.

Classification

Classifier signifie créer des subdivisions à partir de certains critères à l’intérieur du phénomène abordé par la définition. L’objectif de la classification peut être l’approfondissement du diagnostic aussi bien que la construction de groupes pour faciliter la recherche, le remboursement, le financement de services, le soutien, les comparaisons…

Classification selon la gravité de la DI

La classification de la DI fait souvent référence aux degrés de gravité de la déficience sur la base du niveau intellectuel en termes de QI (tableau 1.Irenvoi vers).

Tableau 1.I Classification des niveaux de gravité de la DI

Niveau de gravité de la DI
DSM-IV TR en termes de QI
CIM-10 en termes de QI (âge mental)
En général en termes d’écarts-types
Léger
50-55 à 70
50 à 69 (9-12 ans)
Entre -2 et -3
Moyen
35-40 à 50-55
35 à 49 (6-9 ans)
Entre -3 et -4
Grave
20-25 à 35-40
20 à 34 (3-6 ans)
Entre -4 et -5
Profond
Inférieur à 20-25
Inférieur à 20 (- 3 ans)
Inférieur à -5
Dans la définition de l’AAMR de 1992, cette classification par niveau de QI a été abandonnée avec l’argument que les catégories « moyen », « grave » et « profond » ne peuvent pas être distinguées d’une manière fiable à partir d’un test de QI (Whitaker, 2008renvoi vers et 2010renvoi vers) et que ces catégories n’apportent rien pour comprendre les besoins de la personne dans un cadre de soutien individuel. L’AAMR a introduit en 1992 une grille non standardisée de qualifications d’intensité de besoin de soutien : besoin de soutien intermittent, limité, approfondi, ou généralisé (grille ILAG).
Dans les éditions de 2002renvoi vers et 2010renvoi vers, l’AAIDD mentionne la possibilité d’utiliser des classifications de gravité à des fins de recherche, des fins scolaires ou des fins de remboursement sur la base de QI ou d’une mesure du niveau de comportement adaptatif, mais l’AAIDD préfère une classification de DI sur la base de l’intensité de soutien requis. En 2010, la grille non standardisée ILAG comme degrés d’intensité de soutien est abandonnée et des échelles psychométriques (notamment, l’Échelle de l’intensité du soutien de Thompson et coll., 2004renvoi vers) sont préférées pour mesurer l’intensité de soutien.
Il est à noter qu’une classification à partir de l’âge mental a été abandonnée par l’AAIDD depuis 1992. Cette classification, apparemment évidente et compréhensible (et se rapprochant de la notion originale de Binet et Simon pour mesurer l’intelligence), n’est pas soutenue par des données scientifiques consistantes et, surtout, elle risque d’infantiliser l’approche et l’accompagnement de la personne ayant une DI. Le DSM-5 ne mentionne pas cette classification, seule la CIM-10 en fait encore mention (voir tableau 1.Irenvoi vers) et le traitement de cet aspect dans la CIM-11 n’est pas connu.

Tableau 1.II Critères de gravité de la DI d’après le DSM-5

Gravité
Domaine conceptuel
Domaine social
Domaine pratique
Léger
La personne a une manière plus pragmatique de résoudre des problèmes et de trouver des solutions que ses pairs du même âge…
La personne a une compréhension limitée du risque dans les situations sociales ; a un jugement social immature pour son âge…
La personne occupe souvent un emploi exigeant moins d’habiletés conceptuelles…
Modéré
D’ordinaire, la personne a des compétences académiques de niveau primaire et une intervention est requise pour toute utilisation de ces compétences dans la vie professionnelle et personnelle…
Les amitiés avec les pairs tout-venant souffrent souvent des limitations vécues par la personne au chapitre des communications et des habiletés sociales…
Présence, chez une minorité importante, de comportements mésadaptés à l’origine de problèmes de fonctionnement social…
Grave
La personne a généralement une compréhension limitée du langage écrit ou de concepts faisant appel aux nombres, quantités, au temps et à l’argent…
Le langage parlé est relativement limité sur le plan du vocabulaire et de la grammaire…
La personne a besoin d’aide pour toutes les activités de la vie quotidienne, y compris pour prendre ses repas, s’habiller, se laver et utiliser les toilettes…
Profond
La personne peut utiliser quelques objets dans un but précis (prendre soin de soi, se divertir)… Des problèmes de contrôle de la motricité empêchent souvent un usage fonctionnel…
La personne peut comprendre des instructions et des gestes simples…
La personne dépend des autres pour tous les aspects de ses soins physiques quotidiens, pour sa santé et pour sa sécurité, quoiqu’elle puisse participer à certaines de ces activités…
Le DSM-5 en 2013renvoi vers abandonne aussi le critère du QI pour classifier la gravité de la DI, et offre une typologie descriptive (dit specifiers) à partir du comportement adaptatif cognitif, social et pratique. Les niveaux de gravité de la déficience intellectuelle restent : léger, modéré, grave, profond.
Un résumé des différents niveaux de gravité est présenté dans le tableau 1.IIrenvoi vers, des descriptions plus élaborées se trouvent dans le manuel DSM-5 (p. 34-36). L’objectif de la classification du DSM-5 est d’identifier les besoins de soutien de la personne (DSM-5, p. 33).

Classification selon l’intensité des besoins de soutien

L’AAIDD, comme le DSM-5, souligne l’importance de la notion d’intensité des besoins de soutien. L’intensité des besoins de soutien peut être mesurée à l’aide de la typologie du DSM-5 ou à l’aide d’échelles comme l’Échelle de besoins de soutien (Thompson et coll., 2004renvoi vers). Cet instrument réalise une mesure standardisée selon une échelle continue. En cas de nécessité de classification, les écarts-types peuvent être utilisés pour distinguer les catégories.
Il existe aussi un instrument australien permettant d’identifier le type et l’intensité de soutien requis : le I-Can (Instrument for the Classification and Assessment of Support Needs) (Riches et coll., 2009renvoi vers) qui est partiellement inspiré de la CIF (2001).

Classification selon l’étiologie

Il faut également mentionner la classification étiologique de la DI (AAIDD, 2002renvoi vers et 2010 renvoi vers). Parce que l’étiologie est multifactorielle, la classification étiologique est devenue une classification de facteurs de risque de déficience intellectuelle comme présenté dans le tableau 1.IIIrenvoi vers.

Classification selon le fonctionnement

Comme la DI est conçue comme un problème du fonctionnement (un handicap) de la personne, il est utile de considérer les systèmes de classification de ce fonctionnement.
Il y a trois modèles importants de la classification du fonctionnement humain :
• le modèle du fonctionnement de la CIF ;
• le modèle du fonctionnement de l’AAIDD ;
• le modèle du processus de la production du handicap (Patrick Fougeyrollasrenvoi vers).

Tableau 1.III Classification étiologique de la déficience intellectuelle selon l’AAIDD

Période
Biomédical
Social
Comportemental
Éducationnel
Prénatale
Troubles chromosomiques
Troubles génétiques
Syndromes
Troubles métaboliques
Dysgénésie cérébrale
Pathologies maternelles
Âge parental
Pauvreté
Malnutrition maternelle
Violence familiale
Manque d’accès aux soins prénatals
Abus de drogues par le parent
Abus d’alcool par le parent
Parent fumeur Immaturité parentale
Incapacité cognitive du parent et absence de soutien
Manque de préparation à la parentalité
Périnatale
Prématurité
Traumatisme à la naissance
Troubles néonatals
Manque d’accès aux soins périnatals
Rejet par le parent de la responsabilité de dispenser des soins à l’enfant
Abandon de l’enfant par le parent
Manque de référence médicale pour des services d’intervention
Postnatale
Blessure traumatique cérébrale
Malnutrition
Méningo-encéphalite
Troubles convulsifs
Troubles dégénératifs
Incompétence du tuteur de l’enfant
Manque de stimulation
Pauvreté familiale
Maladie chronique dans la famille Institutionnalisation
Agression et négligence envers l’enfant
Violence familiale
Mesures de sécurité inadéquates
Privation sociale
Comportement difficile de l’enfant
Habileté parentale déficitaire
Diagnostic tardif
Services d’intervention précoce inadéquats
Services spécialisés inadéquats
Soutien familial inadéquat
Le but général de ces modèles est de représenter la multi-dimensionnalité du fonctionnement humain et de fournir un cadre conceptuel pour mieux comprendre les problèmes du fonctionnement (par exemple dans un cadre diagnostique) et pour une meilleure gestion des interventions afin d’améliorer le fonctionnement. Un modèle de fonctionnement est un cadre théorique reflétant sa nature dynamique et présentant un langage commun pour faciliter la communication entre disciplines professionnelles. Il peut aussi offrir un cadre pratique pour le diagnostic interdisciplinaire du fonctionnement, pour la description des besoins de soutien et pour faciliter la planification du soutien au plan individuel.

Modèle de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF-OMS)

En 1974, Stein et Susserrenvoi vers proposent une réflexion sur le contenu de la notion de « retard mental » selon laquelle il faut distinguer trois composantes :
• organique ou psychique, en termes d’atteinte, de diminution, de déficit ;
• fonctionnelle, en termes d’incapacité ;
• sociale, exprimant des différences, limitations, que les auteurs proposent d’appeler « handicap » (Salbreux, 2001renvoi vers).
On va retrouver cette distinction dans le modèle de la Classification internationale des déficiences (Impairments), incapacités (Disabilities) et handicaps (CIDIH) publié par l’OMS en 1980renvoi vers.
La CIDIH était d’abord conçue comme un outil de classification statistique et descriptif de la réalité rencontrée par les soignants. Mais, cet outil était inspiré par un modèle de fonctionnement humain qui permettait d’organiser, d’une façon consistante, la compréhension du fonctionnement et le handicap. Ce modèle plutôt médical liait l’étiologie, la pathologie et ses manifestations de façon linéaire et statique.
La CIDIH intègre, dans sa conception du fonctionnement, les 3 composantes décrites par Stein et Susserrenvoi vers (Wood, 1975renvoi vers ; Salbreux, 2001renvoi vers) (figure 1.1Renvoi vers).
Figure 1.1 Modèle de la CIDIH (Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps) (d’après OMS, 1980renvoi vers)
Ce modèle a suscité certaines critiques envers :
• sa conception unidirectionnelle de la cause (pathologie) aux conséquences ;
• l’absence de prise en compte du contexte dans lequel vit la personne, c’est-à-dire l’influence de l’environnement sur le fonctionnement (par exemple, des attitudes envers les personnes handicapées dans la société sont parfois des barrières plus importantes que la cause proprement dite) ;
• et enfin une terminologie négative (déficit, incapacité, handicap…).
Suite à ces critiques et à une évolution des concepts de santé, notamment des modèles socio-écologiques, l’OMSrenvoi vers publie en 2001 la CIF. Ce modèle s’organise toujours autour d’un concept bio-psycho-social du fonctionnement humain mais tient compte de la complexité des interactions sociales et environnementales (figure 1.2Renvoi vers).
Figure 1.2 Interactions entre les composantes de la CIF (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé) dans la terminologie neutre du fonctionnement (a) et la terminologie du fonctionnement problématique (b) (d’après OMS, 2001renvoi vers)
Le modèle du fonctionnement humain de la CIF a adapté le modèle de la CIDIH par :
• l’inclusion du contexte (environnement et facteurs personnels) de l’individu ;
• la représentation de la complexité des interactions entre les facteurs ;
• la conception du fonctionnement comme un phénomène neutre qui s’applique à chacun, des difficultés et des problèmes de fonctionnement pouvant se produire.
S’orientant vers une perspective systémique du fonctionnement humain, la CIF s’efforce de concevoir le handicap comme le résultat d’un processus où sont mises en interaction plusieurs dimensions (et non un processus linéaire, comme dans le modèle du CIDIH) : les structures organiques et les fonctions anatomiques, les activités de la vie quotidienne et la participation sociale, les facteurs environnementaux et les facteurs personnels.
L’environnement devient un facilitateur ou au contraire un obstacle à la réalisation des activités quotidiennes et à la participation des personnes à la vie en société.
Le handicap n’est pas une maladie (trouble ou problème de santé), ni un problème seulement individuel, mais une situation influencée par différents facteurs, notamment des facteurs corporels, des facteurs sociaux et des facteurs de contexte, c’est-à-dire de l’environnement et des facteurs personnels. Une même déficience ou une même limitation d’activités sera vécue de manière très différente selon le regard porté par la société sur la personne, selon l’organisation de la société.
Des détails sur les sous-classifications de ces composantes du fonctionnement sont présentés dans le tableau 1.IVrenvoi vers.
Pour les quatre grandes composantes (s, b, d et e), on utilise le qualificatif générique uniforme dont l’échelle est graduée de 0 à 4. Avoir une difficulté peut vouloir dire une déficience, une limitation, une restriction ou se heurter à un obstacle, selon la composante dont il s’agit :
• 0=Aucun problème, absent, négligeable 0-4 % ;
• 1=Problème léger, faible 5-24 % ;
• 2=Problème modéré-moyen, passable 25-49 % ;
• 3=Problème grave-élevé, extrême 50-95 % ;
• 4=Problème absolu-total 96-100 %.

Modèle du fonctionnement humain de l’AAIDD (2002 et 2010)renvoi versrenvoi vers

L’AAIDD conçoit le fonctionnement humain en 5 dimensions (figure 1.3Renvoi vers). Pour le comprendre, il faut en examiner les cinq dimensions. Le fonctionnement n’est pas statique mais est influencé par le soutien (répondant au type et à l’intensité des besoins de soutien).

Tableau 1.IV Système de classification de la CIF

Fonctions organiques (b)
 
Chapitre 1
Fonctions mentales
Chapitre 2
Fonctions sensorielles et douleurs
Chapitre 3
Fonctions de la voix et de la parole
Chapitre 4
Fonctions des systèmes cardio-vasculaire, hématopoïétique, immunitaire et respiratoire
Chapitre 5
Fonctions des systèmes digestif, métabolique et endocrinien
Chapitre 6
Fonctions génito-urinaire et reproductives
Chapitre 7
Fonctions de l’appareil locomoteur et liées au mouvement
Chapitre 8
Fonctions de la peau et des structures associées
Structures anatomiques (s)
 
Chapitre 1
Structures du système nerveux
Chapitre 2
Œil, oreille et structures annexes
Chapitre 3
Structures liées à la voix et à la parole
Chapitre 4
Structures des systèmes cardiovasculaire, immunitaire et respiratoire
Chapitre 5
Structures liées aux systèmes digestif, métabolique et endocrinien
Chapitre 6
Structures liées à l’appareil génito-urinaire
Chapitre 7
Structures liées au mouvement
Chapitre 8
Peau et structures annexes
Activités et participation (d)
 
Chapitre 1
Apprentissages, application des connaissances
Chapitre 2
Tâches et exigences générales
Chapitre 3
Communication
Chapitre 4
Mobilité
Chapitre 5
Entretien personnel
Chapitre 6
Vie domestique
Chapitre 7
Relation, interaction, vécu d’autrui
Chapitre 8
Grands domaines de la vie
Chapitre 9
Vie communautaire, sociale et civique
Facteurs environnementaux (e)
 
Chapitre 1
Produits, systèmes, techniques
Chapitre 2
Environnement naturel, changements apportés par l’homme à l’environnement
Chapitre 3
Soutien à la relation
Chapitre 4
Attitudes
Chapitre 5
Services, systèmes politiques
Figure 1.3 Modèle du fonctionnement humain de l’AAlDD (d’après le Comité Ad Hoc de l’AAlDD sur la terminologie et la classification, 2014renvoi vers, p. 14)
Les capacités intellectuelles comprennent le raisonnement, la planification, la résolution de problèmes, la pensée abstraite, la compréhension d’idées complexes, la facilité à apprendre et les apprentissages à partir d’expériences (Gottfredson, 1997renvoi vers). Loin d’être parfait, le QI constitue le meilleur moyen de représenter la capacité intellectuelle d’une personne à condition qu’il ait été établi individuellement et à l’aide d’instruments appropriés.
Le comportement adaptatif regroupe l’ensemble des habiletés conceptuelles, sociales et pratiques apprises par la personne qui lui permet de fonctionner au quotidien. Les habiletés conceptuelles concernent le langage, la lecture, l’écriture, l’organisation de la vie au quotidien, la notion de temps, les concepts mathématiques… Les habiletés sociales sont les habiletés interpersonnelles, la responsabilité sociale, l’estime de soi, la capacité à suivre des directives, l’évitement de la victimisation et d’être piégé ou manipulé… Les habiletés pratiques concernent les activités quotidiennes (soins personnels comme se laver, s’habiller, préparer des repas, manger), la santé, l’usage de l’argent, les voyages/transport, la sécurité, utiliser un téléphone, les habiletés de travail…
La santé physique et mentale, définie par l’OMS comme « un état de bienêtre physique, social et mental », regroupe l’état de santé général, les facteurs de risque et de comorbidités, la qualité de l’environnement du point de vue de la santé, l’accès aux services de santé, l’étiologie (approche multifactorielle de l’étiologie qui comprend des facteurs biomédicaux, sociaux, comportementaux et éducationnels) ainsi que la prévention.
La participation, les interactions, les rôles sociaux représentent la performance d’une personne au quotidien dans son milieu social : sa participation à la vie communautaire (activités, événements et organisations), ses interactions avec des amis, la famille, les voisins, ses rôles sociaux par rapport à la famille (à la maison), à l’école (classe), au travail, aux activités de loisir (culture, sports), au domaine spirituel (activités religieuses).
Le contexte concerne l’environnement dans une perspective écologique et des facteurs personnels (voir CIF). L’AAIDD fait référence à l’environnement « micro » (en contact direct avec la personne), « meso » (organisations, environnement communautaire) et « macro » (systèmes, société, culture).
Le soutien est l’ensemble des ressources et des stratégies visant à promouvoir le développement, l’éducation, les intérêts et le bien-être d’une personne et qui améliorent le fonctionnement individuel (AAIDD, 2010renvoi vers, p. 17).

Modèle de la production du handicap (Patrick Fougeyrollas)

En 1998, Patrick Fougeyrollasrenvoi vers publie le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH) (figure 1.4Renvoi vers). Ce modèle résulte d’une approche anthropologique et vise à documenter et expliquer les causes et conséquences des maladies, traumatismes et autres atteintes à l’intégrité ou au développement de la personne. Dans ce modèle, le fonctionnement individuel est représenté au niveau de « l’interaction » comme produit ou résultat dynamique d’un processus complexe. Ce modèle a été modifié pour aboutir à un modèle bonifié en 20105 (figure 1.5Renvoi vers).
Figure 1.4 Modèle du Processus de production du handicap (PPH)
Les changements apportés ciblent la place des « facteurs de risque » dans la composante PPH (processus de production du handicap). Ces derniers sont désormais intégrés à l’intérieur des trois domaines conceptuels que sont les facteurs personnels, les facteurs environnementaux et les habitudes de vie. Des précisions ont également été apportées aux « facteurs environnementaux »6 , lesquels se décomposent en « environnement sociétal » (ou macro), en « environnement communautaire » (ou méso) et en « environnement personnel » (ou micro). Les habitudes de vie7 sont définies en termes d’« activités courantes » et de « rôles sociaux ». Ces deux catégories comprennent chacune six habitudes de vie. En dernier lieu, la place accordée aux « facteurs identitaires » à l’intérieur des facteurs personnels a considérablement augmenté. Ces derniers sont considérés interagir avec les systèmes organiques8 et les aptitudes9 des personnes et des populations.
Figure 1.5 Modèle de développement humain et Processus de production du handicap (MDH-PPH 2)
Aussi dans le MDH-PPH 2 (figure 1.5Renvoi vers), on distingue des (sous-)classifications dans les domaines principaux comme illustré dans le tableau 1.Vrenvoi vers.
En conclusion, la fonction de ces modèles est de servir de cadre de référence ou de langage commun pour analyser, soutenir ou promouvoir le fonctionnement individuel ou collectif de personnes en situation de handicap. Ce sont d’abord des cadres au service des professionnels et des chercheurs mais ils peuvent aussi servir comme cadre de référence pour la communication avec les responsables de la politique sociale.
La CIF comme le MDP-PPH 2 sont des modèles généraux tandis que le modèle de l’AAIDD est un modèle spécifiquement construit dans le domaine de la DI. La CIF et le MDP-PPH 2 comportent des classifications standardisées tandis que le modèle de l’AAIDD ne connaît pas de sous-classifications ni de codes standardisés, il sert plutôt comme un modèle mental du fonctionnement. Servir de « modèle mental » pourrait caractériser la fonction principale de ces modèles de classification. Il est évident que les prémisses et les principes sous-jacents de ces modèles se ressemblent beaucoup, en particulier, parce qu’ils reposent sur un paradigme socio-écologique. Dans ce sens, la fonction de ces modèles est d’organiser la complexité du fonctionnement humain et de faciliter la communication au plan scientifique, professionnel et social. Dans la pratique de la communication entre disciplines, il est moins nécessaire de forcer un choix pour tel ou tel système que de comprendre leur fonction de principe d’organisation d’un phénomène si complexe que le fonctionnement humain.

Tableau 1.V Modèle conceptuel du MDH-PPH 2 de Fougeyrollas

Facteurs personnels
 
Systèmes organiques
 
Système nerveux
Système urinaire
Système auriculaire
Système endocrinien
Système oculaire
Système reproducteur
Système digestif
Système cutané
Système respiratoire
Système musculaire
Système cardiovasculaire
Système squelettique
Système hématopoïétique et immunitaire
Morphologie
Aptitudes
 
Aptitudes reliées aux activités intellectuelles
Aptitudes reliées à la respiration
Aptitudes reliées au langage
Aptitudes reliées à la digestion
Aptitudes reliées aux comportements
Aptitudes reliées à l’excrétion
Aptitudes reliées aux sens et à la perception
Aptitudes reliées à la reproduction
Aptitudes reliées aux activités motrices
Aptitudes reliées à la protection et à la résistance
Facteurs environnementaux
 
Facteurs sociaux
Facteurs physiques
Systèmes politiques et structures gouvernementales
Géographie physique
Système juridique
Climat
Système économique
Temps
Système socio-sanitaire
Bruits
Système éducatif
Architecture
Infrastructures publiques
Aménagement du territoire
Organisations communautaires
Technologies
Réseau social
 
Règles sociales
 
Habitudes de vie
 
Activités courantes
Rôles sociaux
Communications
Responsabilités
Déplacements
Relations interpersonnelles
Nutrition
Vie communautaire
Condition corporelle
Éducation
Soins personnels
Travail
Habitation
Loisirs

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