III. Accompagnement tout au long de la vie

2016


ANALYSE

13-

Intervention et éducation précoces

L’intervention précoce est définie comme un ensemble d’actions pluridisciplinaires destinées à des enfants âgés de 0 à 6 ans présentant des signes ou des risques de déficiences diverses, ainsi qu’à leurs parents. La notion est plus large que celle d’éducation précoce et présente l’avantage de mettre l’accent sur des pratiques qui ne peuvent pas se concevoir isolées les unes des autres, mais précisément en fonction des caractéristiques globales du développement du jeune enfant. L’intervention précoce est nécessairement à multiples facettes (Upshur, 1990renvoi vers). Les principes des programmes d’intervention précoce ont été formulés en termes de stimulation précoce dans le rapport d’expertise collective Inserm de 2004 sur les déficiences et les handicaps d’origine périnatale : plasticité cérébrale et phénomènes d’interaction entre inné et acquis forment la base conceptuelle des programmes (Inserm, 2004renvoi vers, p. 199). Il est à noter que ce rapport portait sur les différents types de déficiences et non spécifiquement sur la déficience intellectuelle1 .
La notion d’intervention précoce est élaborée et précisée chez de nombreux auteurs de pays anglo-saxons, particulièrement aux États-Unis où des manuels entiers lui sont consacrés et où des orientations pratiques sont aussi définies. Le vocabulaire le plus utilisé en France est celui de l’action médico-sociale précoce et c’est ainsi que sont officialisés depuis la loi de 1975, les Centres d’action du même nom (Camsp), destinés aux jeunes enfants avec divers troubles de développement et à leurs parents. L’expression omet la dimension éducative alors qu’elle est pourtant bien présente dans les pratiques de ces centres et dans les collaborations effectivement mises en œuvre avec les structures ordinaires pour la petite enfance (crèches, jardins d’enfants, écoles maternelles).
Un lieu commun, en grande partie hérité des vulgarisations hâtives de la psychologie du jeune enfant, est aujourd’hui largement diffusé dans les médias de toute nature (télévision, journaux et magazines destinés aux parents…).
Or, le slogan « tout se joue avant 6 ans »2 postule des impossibilités radicales de transformations au-delà d’un certain âge et néglige la nécessaire attention à la continuité du développement individuel. À partir des résultats d’enquêtes longitudinales menées aux États-Unis sur des populations de jeunes enfants dits « à risque », des auteurs ont même mis en doute le sens commun selon lequel « le plus tôt c’est le meilleur », car des projets d’action qui commencent tôt n’ont pas nécessairement des effets à long terme, si des actions ne sont pas poursuivies systématiquement (Farran, 1990renvoi vers)3 .

Définitions

De très nombreuses définitions sont proposées. Leur trait commun est de mettre l’accent sur un ensemble d’actions menées envers les enfants de 0 à 6 ans repérés précocement comme atteints de déficiences diverses ou potentiellement « à risque » et envers leurs familles, pour favoriser le développement optimal des enfants et soutenir les parents dans leurs tâches éducatives.
Des nuances apparaissent toutefois selon les pays ou selon les orientations choisies par les auteurs. Aux États-Unis, selon la législation fédérale, l’intervention précoce est conçue comme limitée aux enfants de 0 à 3 ans4 , alors que pour les enfants de 3 à 6 ans, c’est-à-dire avant l’école primaire, c’est l’éducation spéciale pour la petite enfance qui est requise (Frankel et Gold, 2007renvoi vers). Certains auteurs ont tendance à insister sur les équipes professionnelles dans des services dédiés à la petite enfance (Landesman-Ramey et coll., 2007renvoi vers), mais d’autres ne considèrent l’intervention précoce que dans la mesure où les parents sont impliqués (Dunst, 2007renvoi vers) ou accordent une position centrale aux interactions parents-enfant (Guralnick, 1997renvoi vers, 2001renvoi vers et 2011renvoi vers).
En Europe, deux structures ont publié des travaux spécifiques sur l’intervention précoce : le groupe de travail associatif, Eurlyaid (EAECI, European Association on Early Childhood Intervention) qui a réuni des professionnels, des parents et des chercheurs sur des perspectives d’action dans l’aide précoce aux enfants avec difficultés de développement, de leur naissance à leur entrée dans le système scolaire obligatoire (De Moor et coll., 1993renvoi vers) et l’Agence européenne pour le développement de l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers (2005renvoi vers). Les orientations sont convergentes : il s’agit de développer des mesures de toute nature (sociales, médicales, psychologiques et éducatives) auprès des enfants et de leurs familles, dans les cas où les enfants présentent des troubles avérés de leur développement ou sont considérés comme ayant des risques de perturbations de leur développement (d’origine biologique ou psycho-sociale).

Populations cibles

Dans ce cadre général de l’intervention précoce, centré sur le développement des diverses capacités des enfants avec déficience intellectuelle (DI), certains groupes cibles peuvent être spécifiquement circonscrits, car identifiables dès la naissance (le cas des enfants trisomiques étant le plus connu) (cf. chapitre « Repérage et dépistage »), mais il est souvent difficile de repérer précocement de jeunes enfants qui seront plus tardivement reconnus comme présentant une déficience intellectuelle. De telles difficultés étaient déjà bien soulignées dans le rapport d’expertise collective Inserm sur les déficiences et les handicaps d’origine périnatale (Inserm, 2004renvoi vers).
Il est fréquent que les inquiétudes parentales sur le développement de leur enfant se manifestent seulement lorsque celui-ci est amené à fréquenter une institution collective, comme une crèche, un jardin d’enfants ou une école maternelle, du fait de la comparaison avec le développement des autres enfants. Sont alors soulevées les questions délicates des relations entre les parents et les professionnels de la petite enfance qui émettent l’hypothèse d’un éventuel retard psychomoteur, voire mental. La « découverte » de la déficience est ainsi différée au cours du développement, en confrontation avec les caractéristiques de l’enfant typique.
Néanmoins, des signes d’alerte sont repérables assez tôt (cf. chapitre « Repérage et dépistage ») et permettent d’engager des pratiques pouvant favoriser le développement. Peuvent apparaître d’abord « des signes directs ou indirects, d’alarme ou de certitude, conduisant au diagnostic d’insuffisance intellectuelle » et, plus tard, « les premiers troubles relationnels évoquant des anomalies du processus de personnalisation, lesquels pourront comporter un risque ultérieur de structuration déficitaire. » (Mises et coll., 1994renvoi vers, p. 186-187).
En ce qui concerne plus spécifiquement les enfants trisomiques, l’attention est portée sur leur retard psychomoteur, manifesté précocement par leur hyper-laxité et leur hypotonie, qui nécessite un suivi kinésithérapique en liaison avec les parents. L’objectif est de « prévenir les déficits et anomalies de statique », en facilitant les coordinations motrices et les intégrations sensorielles élémentaires, par exemple pour la succion-déglutition avec la prise d’un verre à boire (de Fréminville et coll., 2007renvoi vers). Les retards de communication sont aussi fréquemment soulignés. Le contact œil à œil chez l’enfant trisomique très jeune se manifeste plus tard que chez les autres, la fixation du regard sur autrui est aussi moins longue. Les manifestations émotionnelles sont de plus faible intensité, qu’elles soient positives ou négatives, ce qui conduit souvent à considérer l’enfant trisomique comme trop sage (Céleste, 1998renvoi vers). De même, les vocalises sont de plus faible intensité et de plus faible progression. Les pratiques professionnelles, tout autant que parentales, doivent alors stimuler l’enfant pour accéder à la communication, pour susciter ses interactions, y compris en interprétant ses vocalises, comme pour tout enfant, afin de permettre en retour son inscription dans une chaîne d’interactions significatives avec l’adulte. Dès lors, « accompagner la construction de ce premier circuit relationnel consiste d’abord à souligner son importance déterminante pour la construction ultérieure de la personne trisomique. » (ibid., p. 34).

Modèles théoriques

Les modèles théoriques soutenant les interventions précoces auprès d’enfants avec retard mental sont synthétisés par Nader-Grosbois (2004renvoi vers) : il y a ceux se référant à un principe normatif fondé sur la succession d’acquisitions observés chez l’enfant typique ; et ceux reposant sur des théories développementales qui peuvent appréhender les particularités des patterns de développement cognitif et communicatif chez l’enfant. Selon cette dernière orientation, l’auteur s’intéresse aux séquences de développement des enfants avec retard mental, à leurs structures cognitives et aux hétérochronies de développement. Elle se réfère à des instruments d’objectivation tels que : l’Échelle d’évaluation du développement cognitif précoce (EEDCP), adaptée d’une échelle américaine (Nader-Grosbois, 1993renvoi vers), et les « Early Social Communication Scale », dont existe une version française (Guidetti et Tourrette, 2004 et 2009renvoi vers). L’utilisation de ces instruments par l’auteur dans des enquêtes transversales et longitudinales sur enfants avec retard mental comparés à des enfants tout-venant, l’amène aux conclusions principales suivantes : les séquences de développement sont similaires (mais décalées dans le temps), les corrélations entre structures cognitives sont moins élevées, les phénomènes d’hétérochronie dans leur développement sont plus manifestes, des stratégies cognitives spécifiques se manifestent par exemple à propos de la permanence de l’objet, avec labilité de l’attention et moindre motivation de l’enfant. De même, des différences spécifiques apparaissent pour les stratégies communicatives des enfants avec retard mental qui recourent plus souvent à des modes moins évolués. Les descriptions très détaillées de l’ensemble de ces caractéristiques aboutissent à des propositions de pratiques, plus précisément à « une méthodologie d’intervention individualisée visant la consolidation de schèmes cognitivo-socio-communicatifs », qui fait l’objet d’étapes susceptibles d’aider l’intervenant. Des tableaux de situations inductrices sont fournis à l’appui de ces propositions et sont utilisables par des professionnels. L’étayage par l’adulte se révèle ici essentiel pour « consolider le répertoire de compétences et induire une plus grande harmonie développementale chez l’enfant. » (Nader-Grosbois, 2004renvoi vers).

Objectifs

Les objectifs des services d’intervention précoce sont synthétisés par de nombreux auteurs. Bricker et Kaminski (1986) les ont formulés en termes d’impacts possibles : directs (portant sur l’enfant et favorisant son développement) et indirects (ciblant le maintien de l’enfant dans la famille et dans le milieu environnant). Ils y ajoutaient même l’avantage de réduction des coûts des services d’intervention.
Des mises au point plus récentes sont fournies par Frankel et Gold (2007renvoi vers). Ces auteurs mettent l’accent sur la diminution, voire l’élimination des effets associés aux diverses conditions rencontrées par des enfants en risque de retard de développement, aussi bien les conditions d’ordre biologique (facteurs biologiques repérés ou non à la naissance) que les conditions environnementales (pauvreté, violence, alimentation). Pour appuyer leur argumentation, ils citent les résultats obtenus de l’intervention précoce, en reprenant des objectifs détaillés empruntés à Wolery et Bailey (2002renvoi vers) : 1) Promouvoir l’engagement de l’enfant et les comportements de maîtrise par l’enfant lui-même ; 2) Promouvoir le développement de l’enfant dans des domaines clés ; 3) Construire la compétence sociale de l’enfant ; 4) Préparer l’enfant à des expériences de vie dans le milieu ordinaire et à l’école ; 5) Empêcher la survenue de problèmes ou de handicaps futurs ; 6) Permettre des perceptions familiales positives de l’expérience de l’intervention précoce ; 7) Permettre des perceptions familiales positives de l’impact de l’intervention précoce sur l’enfant et sur la famille (voir aussi Odom et Wolery, 2003renvoi vers).
Les rapports de la Fédération Québécoise des Centres de Réadaptation en Déficience Intellectuelle et en Troubles Envahissants du Développement (FQCRDITED, 2008renvoi vers et 2015renvoi vers) dont l’originalité est la formulation de pratiques soutenues par des revues systématiques de littérature, insistent sur les divers apprentissages expérimentés par l’enfant : « L’intervention précoce offre à l’enfant des occasions de promouvoir de nouveaux apprentissages et d’utiliser ses compétences de façon à ce qu’il expérimente une participation sociale significative en interagissant avec les personnes (enfants et adultes) de son environnement. Dans ce sens, l’intervention précoce cherche à optimiser les environnements d’apprentissage dans la vie quotidienne de l’enfant afin que les familles et les autres intervenants puissent lui offrir des occasions d’apprendre et de mettre en pratique ses nouveaux apprentissages. » (FQCRDITED, 2015renvoi vers, p. 36).
Du côté français, un rapport de l’Anesm (2014renvoi vers) est centré sur la formulation de bonnes pratiques professionnelles pour les Camsp et exprime les objectifs en termes d’accompagnement, ce qui n’apparaissait pas aussi central dans les travaux plus anciens sur l’intervention précoce : « … l’intérêt d’un accompagnement le plus précoce possible dès la suspicion ou la découverte des troubles fait consensus. Celui-ci a pour objectifs de :
• favoriser le développement physique, psychologique, intellectuel et social de l’enfant ;
• prévenir, réduire ou éliminer les effets incapacitants en agissant sur sa trajectoire développementale ;
• promouvoir l’inclusion sociale de l’enfant et de sa famille ;
• renforcer les compétences propres à la famille. » (Anesm, 2014renvoi vers).
La prévention est au cœur des interventions précoces. Dans le domaine de la santé, il est classique de distinguer différents niveaux de prévention, de la prévention primaire jusqu’à la prévention tertiaire. Dans le domaine de l’intervention précoce, certains auteurs mettent quasi exclusivement l’accent sur le troisième niveau, c’est-à-dire sur une prévention qui favorise les conditions de développement de l’enfant et agit contre les renforcements des difficultés : « éviter des sur-handicaps en offrant un environnement facilitateur et des aides orientées vers les capacités spécifiques de l’enfant. » (Upshur, 1990renvoi vers, p. 238). Cependant, une telle focalisation ne doit pas exclure des actions préventives aux autres niveaux : la prévention primaire visant à éviter la survenue éventuelle de déficiences dès la période prénatale, la prévention secondaire permettant de repérer les perturbations du développement, y compris dans des situations complexes où se trouvent mêlées des conditions sociales et culturelles difficiles pour les familles. En pratique, la mise en place d’actions plus efficaces nécessite de considérer les trois niveaux d’action qui sont fortement intriqués. Reprenant le vocabulaire spécifiquement français de l’action médico-sociale, Salbreux considère que « prévention et dépistage, d’une part, diagnostic et traitement ou bien découverte et accompagnement, d’autre part, sont indissociablement mêlés dans une démarche qui n’est pas uniquement médicale puisqu’elle a pour objet l’insertion de l’enfant dans sa famille et son plein épanouissement dans la société, dans les limites du possible. » (Salbreux in Ionescu, 1993renvoi vers, p. 356).
Le modèle d’action le plus couramment valorisé n’est plus celui qui définirait seulement une action visant tel facteur isolé du développement mais, au contraire, est un modèle à multiples facettes qui a pour avantage de tenir compte des divers domaines de développement en interaction chez l’enfant et des conditions de son environnement, eux-mêmes en interaction. Le concept de « risque » doit alors être compris en ce sens : non pas comme centré sur un seul aspect mais selon un modèle transactionnel à multiples facettes (Upshur, 1990renvoi vers, p. 646). Les orientations pluridisciplinaires des actions d’intervention précoce se situent actuellement dans cette même perspective.

Place des parents

Un point essentiel de l’intervention et de l’éducation précoces est l’attention portée aux capacités existantes de l’enfant et de ses parents, et non aux manques et aux éventuelles défaillances. Beaucoup d’auteurs, aussi bien américains qu’européens, se réfèrent au cadre théorique de Bronfenbrenner qui a développé un modèle écologique de compréhension du rôle de l’environnement sur les processus de développement humain (voir la présentation détaillée de ce modèle dans le chapitre « Rôle des professionnels »). Son approche éco-systémique qui distingue plusieurs systèmes dans l’environnement (micro, méso, macro) est une clef de repérage de pratiques qui peuvent se situer à ces différents niveaux. Bronfenbrenner insiste surtout sur le rôle des interactions entre la personne et son environnement proche (zones proximales), entendu à la fois sous l’angle des personnes et sous celui des traits physiques et symboliques qui permettent ou non l’engagement vers des interactions plus complexes (Bronfenbrenner, 1979renvoi vers5 ).
Ce type de modèle continue à inspirer par exemple Frankel et Gold (2007renvoi vers) qui y perçoivent l’avantage d’une part de focaliser l’attention sur les expériences et les occasions fournies au jeune enfant dans son environnement proche et d’autre part de donner un cadre d’analyse des effets attendus dans des recherches basées sur des pratiques (ibid., p. 164). Guralnick propose de son côté un modèle synthétique complémentaire qui repose aussi sur une perspective développementale. S’appuyant sur différents cadres de compréhension, dont celui de Bronfenbrenner, cet auteur définit une approche intégrée des systèmes de développement pour comprendre les mécanismes de développement qui peuvent être à l’œuvre, afin de promouvoir une intervention précoce auprès d’enfants dits « vulnérables » et de leurs familles. Il schématise trois niveaux d’action en interaction permanente : le niveau de l’enfant lui-même (compétences sociales et cognitives, processus d’organisation, ressources développementales), le niveau des structures d’interactions familiales, enfin le niveau des ressources familiales au sens large du terme. Un tel modèle lui permet de rendre compte des transactions parent-enfant, de la manière dont les familles « orchestrent » les expériences de l’enfant et lui fournissent des ressources de santé et de sécurité. Dans ces conditions, il peut montrer que l’efficacité d’une intervention précoce dépend de la capacité du programme à établir ou à restaurer aussi bien que possible, le niveau des structures d’interaction familiale (Guralnick, 2011renvoi vers).
De manière générale, il est donc capital de renforcer les compétences de l’enfant mais aussi de favoriser les pratiques des adultes proches qui l’aident à développer, renforcer, voire construire des capacités (Odom, 2007renvoi vers, p. 162). Dans ce cadre d’action, les professionnels sont amenés à promouvoir et à renforcer les compétences des parents envers l’enfant, en se centrant sur les forces plutôt que sur les faiblesses à la fois des enfants et des personnes de l’environnement. L’accent est porté sur les capacités d’agir et l’acquisition de l’autonomie (Dunst, 2000renvoi vers), sur les capacités des parents pour « faire face » et pour adopter des routines adéquates envers leur enfant (De Moor et coll., 1993renvoi vers). L’intervention table alors sur la résilience des personnes, c’est-à-dire sur leur capacité à « se ressaisir », à « se redresser » face à des difficultés, non pas isolément, mais grâce à des stratégies d’aide qui les soutiennent : c’est une « résilience assistée » (Ionescu, 2011renvoi vers). Le concept de résilience envisagé dans une perspective développementale permet sans doute de résumer cette capacité souvent insoupçonnée ou minimisée des personnes à « utiliser les ressources aussi bien internes qu’externes pour réaliser une adaptation positive malgré l’adversité. » (Ionescu, 2000renvoi vers, p. 35 ; voir aussi Jourdan-Ionescu et Julien-Gauthier, 2011renvoi vers).
La question de l’annonce du handicap de l’enfant a sollicité plusieurs analyses qui ouvrent à des propositions d’améliorations. Beaucoup de témoignages dénotent la rudesse de l’annonce et le désarroi qui s’empare des parents.
Choc traumatique, univers qui bascule, épreuve qui désorganise les repères, déstabilise la fonction parentale et engendre une blessure narcissique du fait du contraste entre l’enfant espéré, souvent idéalisé, et l’enfant réel (Mises et coll., 1994renvoi vers ; Korff-Sausse, 1996renvoi vers ; Herrou et Korff-Sausse, 1999renvoi vers ; Ebersold, 2007renvoi vers).
Des étapes ont été distinguées pour rendre compte de ce processus particulier de parentalité (voir par exemple Herrou et Korff-Sausse, 1999renvoi vers ; Tissier et coll., 2000renvoi vers ; Ebersold, 2007renvoi vers ; Korff-Sausse, 2007renvoi vers) :
• une phase de douleur intense, de « sidération », où les parents sont avant tout centrés sur le diagnostic et moins sur l’enfant ;
• une phase d’espoir qui est celle où l’enfant « reprend du terrain », est valorisé dans ce qu’il parvient à faire, à l’image des autres enfants ;
• une phase où les parties « clivées » sont remises ensemble, où l’enfant et son handicap sont à la fois pris en considération dans sa différence et sa singularité.
Les perspectives d’action sont congruentes avec l’objectif formulé plus haut de revaloriser les parents dans leur rôle par « une attitude respectueuse, positive et valorisante » qui peut aussi caractériser un lieu ordinaire d’accueil de la petite enfance (Herrou et Korff-Sausse, 1999renvoi vers). C’est même dès les premiers stades de révélation du handicap que des démarches de partage sont préconisées. Elles permettent aux parents de sortir de l’isolement, de mettre en mots leur souffrance, de les mettre en position d’assumer leur rôle parental, et même de concevoir leur enfant comme enfant en développement et pas seulement comme enfant handicapé (Korff-Sausse, 1996renvoi vers). Les parents peuvent ainsi « exprimer et partager très tôt, avec un professionnel disponible, leurs inquiétudes pour la vie de l’enfant, les craintes pour son avenir, dans une relation contenante, et établir des liens durables et donc, finalement, un transfert global. » (Mises et coll., 1994renvoi vers, p. 195). Pour Salbreux qui restitue son expérience de médecin dans un Camsp, une co-construction au cours du travail d’annonce de la déficience aux parents est possible et « rend l’annonce moins traumatique et la représentation du handicap moins détestable. » (Salbreuxrenvoi versin Scelles et coll., 2013renvoi vers, p. 91). Des mesures pratiques d’accompagnement à destination des parents peuvent aussi être proposées : des cellules d’accueil mises en place par certaines associations (par exemple, les associations Trisomie 21) ; des groupes de parole de parents, proposés par les Sessad (Services d’éducation spécialisée et de soins à domicile) ou les Camsp ; des groupes fratrie (de Fréminville, 2007renvoi vers)6 .

Programmes d’intervention précoce aux États-Unis : pratiques et effets

L’intervention et l’éducation précoces selon les orientations politiques dites « compensatoires » sont relativement anciennes aux États-Unis. La question est bien documentée à la fois sous l’angle descriptif et sous l’angle de l’évaluation de l’efficacité relative des programmes. Le développement de ces politiques, soutenu au niveau fédéral au milieu des années 1960, a visé des enfants « désavantagés » socialement et des enfants avec retards de développement (Little et Smith, 1971renvoi vers).
Le programme en 1965, à l’origine de tout un ensemble d’actions, a été appelé Head Start qui, comme son nom l’indique, cherchait à fournir un bon départ à des enfants généralement issus de milieux sociaux pauvres pour lesquels on voulait « compenser » des déficits : « Il s’agit de pallier les insuffisances du développement cognitif attribuées, au terme d’un schéma d’imputations causales aux effets de l’environnement. » (Marquer et coll., 1975renvoi vers). On estime qu’environ 13 % des enfants inscrits dans Head Start présentaient des handicaps (OCDE, 2001renvoi vers). De nombreuses critiques ont été énoncées à l’égard de ce programme fédéral global : extrême diversité des « centres de développement » et des publics visés, quasi absence de validation et surtout de mesure rigoureuse des efficacités qui, lorsqu’elles étaient constatées le plus souvent sur la base de mesures de QI, ne se maintenaient pas à long terme (Bronfenbrenner, 1975renvoi vers).
Néanmoins, dans les années 1970, ont été lancés des programmes d’intervention précoce mieux construits du point de vue méthodologique, comportant des groupes-contrôle. Ils sont synthétisés par Landesman-Ramey et collaborateurs (2007renvoi vers) qui en repèrent cinq dans cette période avec, comme critères d’inclusion, l’offre de services intensifs, continus, systématiques, pour des enfants à risque de retards de développement. Ils citent : The Abecedarian Project (portant sur 111 familles de milieu économique et culturel défavorisé) ; Project Care (portant sur 63 enfants de milieu pauvre) ; The Infant Health and Development Program (portant sur 985 enfants prématurés) ; The Milwaukee Project (ciblant des mères avec un QI inférieur à 75 et de milieu défavorisé). Un de ces programmes, sans doute le plus connu du fait des études longitudinales auquel il a donné lieu, est le Perry Preschool Project. Il portait sur des enfants de 3 et 4 ans avec « retard de développement » dans un groupe expérimental (N = 58) et dans un groupe témoin (N = 65). Le groupe expérimental bénéficiait de préscolarisation, à raison de 12 heures et demie par semaine sur 2 ans avec des professeurs formés, et des visites à domicile pour promouvoir des capacités parentales. Les résultats ont montré, selon des mesures de QI, des avantages au groupe expérimental à l’âge de 5 ans mais des scores équivalents pour les deux groupes à l’âge de 15 ans. Cependant, à plus long terme, d’autres critères révélaient des avantages pour le groupe expérimental : meilleure réussite scolaire, avec moindre abandon, meilleures compétences en lecture-écriture à 19 ans, moindre chômage, et plus généralement, meilleure insertion sociale, grâce à un suivi jusqu’à l’âge de 27 ans.
Finalement, les auteurs tirent de ce bilan des éléments conclusifs qui sont largement partagés. Cinq principes opératoires seraient nécessaires pour rendre compte de programmes d’intervention précoce efficaces et contrôlables du point de vue scientifique. Ils doivent être :
• multidisciplinaires ;
• intergénérationnels ;
• individualisés pour les enfants et leurs familles ;
• enracinés dans des services locaux ;
• scientifiquement construits, c’est-à-dire organisés autour de concepts clés permettant des épreuves de contrôle (Landesman-Ramey et coll., 2007renvoi vers).
D’autres revues et méta-analyses posent la question des effets de ces programmes sur le développement, mais également sur l’aspect économique (en regard des budgets engagés). Elles ont inclus de nombreuses études menées chez des jeunes enfants présentant un développement perturbé ou en risque de retard : Dunst (1986renvoi vers) sur 57 études ; Casto et Mastropieri (1986renvoi vers) sur 74 programmes ; Shonkoff et Hauser-Cram (1987renvoi vers) sur 31 programmes ; Farran (1990renvoi vers) sur 32 publications, puis sur 42 projets, etc. Certains de ces programmes ont porté spécifiquement sur des enfants avec trisomie 21 repérés dès la naissance. La méta-analyse de Farran (1990renvoi vers) sur 42 projets publiés de 1977 à 1986 retient 13 projets concernant des enfants avec syndrome de Down. Les effets positifs notés concernent l’amélioration cognitive, une meilleure adaptabilité, une amélioration de la motricité fine et de l’autonomie (Inserm, 2004renvoi vers, p. 202-203)7 .
Des auteurs ont réexaminé de manière critique les analyses précédentes pour en tirer des principes d’action et définir de « bonnes pratiques » : par exemple, Frankel et Gold (2007renvoi vers), Landesman-Ramey et coll. (2007renvoi vers), Guralnick (2011renvoi vers), Ionescu (2011renvoi vers).
Plusieurs éléments essentiels sont dégagés :
• les failles méthodologiques dans les études menées ne permettent pas toujours de démontrer rigoureusement des effets, qu’ils soient positifs, négatifs ou neutres (contrôle des variables, groupe témoin, validité des critères choisis…) ; cependant, des observations sont suffisamment convergentes sur certains effets pour donner lieu aux conclusions ci-dessous ;
• les effets à court terme peuvent s’estomper à long terme si les actions menées ne sont pas poursuivies. D’où la nécessité de poursuivre des actions avec éventuellement des modalités différentes au-delà de la petite enfance ;
• les actions s’appuyant sur des collaborations interprofessionnelles et le travail en réseaux ont montré une meilleure efficacité que celles menées séparément ;
• les actions incluant la participation de parents ou centrées sur les parents eux-mêmes ont montré un meilleur impact sur le développement des enfants que les actions uniquement centrées sur l’enfant dans des centres spécialisés. L’implication des parents à divers degrés renforce leur capacité d’agir (empowerment) et leurs interactions positives avec l’enfant ;
• les effets positifs contrôlés de certaines actions menées dans un environnement dit « naturel », impliquant les structures ordinaires de la petite enfance (crèche, jardin d’enfants…) plaident pour la généralisation de mesures inclusives des enfants en difficultés de développement. D’où la nécessité de promouvoir des environnements éducatifs de qualité (dont la définition continue d’être travaillée au niveau européen) pour la diversité des enfants accueillis8 .
D’autres bilans effectués par des chercheurs québécois9 reposent sur des revues systématiques d’études en leur appliquant des grilles d’évaluation. L’une de ces revues analyse l’efficacité des interventions précoces auprès d’enfants de 2 à 5 ans présentant des retards de développement (Lehoux, 2015renvoi vers). Dans la sélection de 31 études (dont 27 articles scientifiques), l’auteur cherche à évaluer systématiquement les travaux en repérant les risques de biais, l’objet des mesures, la précision des résultats, la qualité de la preuve. Les résultats sont examinés selon les secteurs de développement de l’enfant ciblés par l’intervention : motricité, cognition, activités de la vie quotidienne, développement personnel et social, développement de la parole et du langage. Certaines interventions touchent plusieurs sphères. De manière générale, la qualité de preuve scientifique est plutôt faible ou modérée dans ce recensement. Ce qui entraîne l’auteur à dire que « la variété des effets observés ne permet pas réellement de déterminer des types d’interventions qui soient plus efficaces les unes que les autres. ». Et d’ajouter cependant « que plusieurs interventions (p. ex. scénarios sociaux, entraînement à la communication fonctionnelle) et certains programmes complets intégrant différentes approches et stratégies d’intervention (…) semblent prometteurs pour favoriser le développement des enfants âgés de 2 à 5 ans présentant un retard global de développement, mais des données additionnelles sont nécessaires pour conclure à des effets observables. » (ibid., p. 51). Une autre revue systématique examine l’efficacité des mesures de soutien aux parents d’enfants de 2 à 5 ans présentant des retards de développement (Gayadeen, 2014renvoi vers). Les 22 documents sélectionnés (dont 19 issues de la littérature scientifique) sont évalués avec une grille (Standard Quality Assessment Criteria) qui permet là encore d’estimer la qualité de la preuve, qui se révèle plus satisfaisante que dans la revue précédente, puisque « modérée » pour 14 d’entre eux. L’auteur en tire le bilan qu’il « est assez hasardeux de conclure qu’un programme particulier se distingue pour soutenir adéquatement les familles. ». Il considère néanmoins que certains contribuent plus efficacement à augmenter les compétences des parents, par exemple ceux aidant à la gestion des comportements difficiles de l’enfant, ceux favorisant le développement du langage ou encore ceux soutenant le sentiment d’efficacité parentale (ibid., p. 45).

Perspectives européennes

En Europe, un nouvel intérêt a porté sur la question générale de la qualité de l’attention précoce et de l’éducation à l’égard de la petite enfance (Assessing Childcare Services, 2014renvoi vers). Des développements précis du rapport final concernent directement les enfants en situation de handicap ou de vulnérabilité et s’appuient sur des études de cas dans différents pays européens. À nouveau, on relève des points aussi essentiels que l’implication des parents dans les mesures d’aide et pour leur perception des « petites étapes » gagnées par leur enfant (le cas des enfants trisomiques est alors cité), les actions coopératives, une certaine flexibilité des pratiques. Les mesures inclusives dans les centres ordinaires de la petite enfance sont préconisées mais il est bien souligné que cela implique la volonté des équipes professionnelles de s’engager dans un tel processus, et sans doute de développer des formations complémentaires10 .
Cette perspective de l’inclusion dès la petite enfance a été l’objet d’une enquête spécifique dans plusieurs pays (Allemagne, Suède, Hongrie, Portugal, France), publiée dans plusieurs langues dont le français (Kron et Plaisance, 2012renvoi vers). Il s’agissait de fournir des matériaux de réflexion sur la pratique éducative à des professionnels de la petite enfance, afin de permettre la participation la plus large possible d’enfants différents au processus éducatif. La question posée était résumée ainsi : quels sont les principes et les pratiques pédagogiques qui facilitent la coéducation et l’inclusion de jeunes enfants (le plus souvent de 2 à 6 ans) qui présentent des « besoins particuliers », dont certains avec de graves difficultés ? La définition de l’inclusion était alors la suivante : un processus qui permet de créer un environnement approprié pour tous. Sous le titre significatif « Grandir ensemble », le rapport final fait état de conditions favorables aux pratiques inclusives dans les institutions pour la petite enfance, à partir des résultats des enquêtes de terrain dans les différents pays :
• le travail en équipe, permettant à la fois une responsabilité collective vis-à-vis d’enfants en difficultés et une flexibilité des actions des professionnels, en fonction des besoins présentés ;
• l’appui du cadre institutionnel global, y compris de la hiérarchie officielle ;
• le rôle de l’espace, des salles disponibles, offrant des possibilités de diverses activités à la fois pour les interactions entre enfants en groupes et pour les actions individualisées ;
• les réseaux de coopération avec les parents, la communauté environnante et les services spécialisés offrant des aides aux enfants avec besoins particuliers11 .

En France : rôle des Camsp

La formulation la plus répandue pour désigner les services et les pratiques visant les jeunes enfants en situation de handicap est généralement celle de l’action médico-sociale précoce. Celle-ci a pour caractéristiques de se dérouler sur une période relativement courte (de 0 à 6 ans), d’être mise en œuvre par une pluralité de lieux et de professionnels, s’adressant à la fois aux parents et aux enfants : « entourer, soutenir l’enfant et ses parents, protéger l’installation des interactions précoces, le tissage des premiers liens entre eux et proposer des aides techniques préventives… » (Tissier et coll., 2000renvoi vers). Ces services et ces professionnels spécialisés ne peuvent agir efficacement que s’ils sont en connexion étroite avec des lieux et des professionnels « ordinaires » de la petite enfance, c’est-à-dire les crèches, les jardins d’enfants, les écoles maternelles, institutions avec lesquelles des coopérations sont clairement établies (Assistance éducative et recherches, 1981renvoi vers ; Aubert et Morel, 1993renvoi vers).
Nous ne disposons pas d’enquêtes sur les pratiques mises en œuvre en France et leur validation aussi nombreuses et approfondies qu’aux États-Unis. Seuls sont disponibles des bilans descriptifs, des monographies de services, qui décrivent des manières de faire pouvant être fondées sur des assises théoriques, mais restant insuffisantes généralement pour établir le lien entre les besoins d’accueil et d’éducation et les offres effectives de services. De telles lacunes sont mentionnées dans plusieurs publications qui plaident pour des analyses plus systématiques sur les populations concernées (Inserm, 2004renvoi vers ; Plaisance et coll., 2005renvoi vers et 2006renvoi vers).
Un rapide inventaire des lieux et des services de l’action médico-sociale précoce montre que certains sont spécialisés sur une déficience (par exemple, des Sessad12 pour jeunes enfants avec infirmité motrice cérébrale, polyhandicapés, ou encore avec déficiences sensorielles), alors que d’autres accueillent une grande diversité d’enfants en situation de handicap (voir les Camsp ci-après). Dans certains jardins d’enfants associatifs, on constate même l’adoption du principe d’accueil d’un tiers d’enfants en situation de handicap pour deux tiers d’autres enfants : c’est l’accueil de tous les enfants, y compris d’enfants avec déficiences diverses qui n’ont pas été acceptés ailleurs (Herrou et Korff-Sausse, 1999renvoi vers). De manière générale, les enfants avec diverses déficiences intellectuelles sont rarement accueillis dans des services qui leur sont spécifiquement dédiés. Ils sont accueillis dans des structures spécialisées polyvalentes et dans des institutions éducatives destinées à tous.
Dans cet ensemble très hétérogène de services et de lieux d’accueil, les Centres d’action médico-sociale précoce (Camsp) occupent une place particulièrement importante13 . Ils sont considérés comme des structures « pivot » dans la mesure où ils se situent à l’interface du secteur sanitaire et du secteur médico-social, tout en orientant leur action vers l’intégration de l’enfant dans les structures ordinaires (crèches, écoles maternelles…). Ils ont été lancés sur le modèle d’un centre expérimental qui s’intitulait en 1971 à Paris « Centre d’assistance éducative du tout petit  » (Lévy, 1972renvoi vers et 1991renvoi vers) et qui tablait sur l’éveil de l’enfant et la collaboration avec les parents. Les Camsp ont été officialisés par la loi de 1975 « en faveur des personnes handicapées  » et par un décret spécifique de 1976. Ils comportent trois volets d’action envers les enfants âgés de 0 à 6 ans : la prévention, le dépistage, la prise en charge précoce. Ils se situent en position charnière, entre des structures en amont et des structures en aval (figure 13.1Renvoi vers) (Inserm, 2004renvoi vers, p. 325). Dès leur mise en place, les orientations essentielles des Camsp ont été le travail en réseau et la promotion de l’accueil des enfants dans les structures ordinaires de la petite enfance : « Une des interventions des Camsp est de rechercher, en liaison avec les familles, les modalités d’adaptation des conditions éducatives du jeune enfant handicapé qui permettront son maintien dans son milieu naturel. L’équipe favorisera l’intégration des enfants dans des structures d’accueil de la petite enfance, puis […] à l’école maternelle.  » (Inserm, 2004renvoi vers, p. 274).
Figure 13.1 Mise en place du réseau d’aval orientant les patients à haut risque vers les structures adaptées à la prise en charge précoce (d’après Inserm 2004renvoi vers, p. 325)
Un bilan statistique de 2008 sur l’offre de Camsp permet de rendre compte de plusieurs éléments (CNSA, 2008renvoi vers) :
• au nombre de 306, ils sont présents dans tous les départements, mais les disparités régionales restent fortes, malgré un objectif de généralisation atteint en 2007 ;
• ils confirment leur vocation de polyvalence pour 73,5 % d’entre eux, mais certains Camsp sont spécialisés : 3,6 % pour déficiences intellectuelles dont déficiences intellectuelles avec troubles associés ; 8,2 % pour déficiences auditives ; 4,9 % pour déficiences motrices ; 2,3 % pour déficiences visuelles ; 1 % pour autisme…
Une enquête quantitative complémentaire sur un nombre plus réduit de Camsp (N = 220) recense plus de 40 000 enfants concernés (exactement 42 279) et un nombre relativement important d’enfants avec DI suivis, soit 17 % (selon la déficience principale), ce qui signifie que des Camsp polyvalents suivent effectivement ce type d’enfants, sans se déclarer spécialisés. Ce sont les troubles des apprentissages et de la communication qui sont le plus souvent recensés, dans la proportion de 27 %. On note que les orientations vers les Camsp proviennent essentiellement du secteur médical (hospitalier ou libéral) pour 46 % des cas, des structures ordinaires de la petite enfance (crèche, école maternelle) pour 13 %, et 12 % des services de protection maternelle et infantile.
Dans ces bilans statistiques sur l’offre et sur l’activité réelle des Camsp, les rapporteurs soulèvent des questions qui mériteraient des enquêtes complémentaires, parmi lesquelles : la pertinence de la précocité d’intervention (« pour quels types de déficiences ou de problématiques ») ; la spécificité de l’apport du Camsp ; les points de satisfaction et d’insatisfaction des usagers du Camsp ; l’articulation avec les réseaux périnatalité, la PMI, le secteur libéral, les hôpitaux, les établissements et services médico-sociaux et les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) ; le partenariat avec les modes d’accueil petite enfance et avec l’Éducation nationale.
Le bilan de l’Anesm (2014renvoi vers) sur l’action des Camsp propose des recommandations de bonnes pratiques professionnelles, afin « d’assurer au plus tôt le repérage, le diagnostic, l’évaluation pluridisciplinaire et l’accompagnement précoce et personnalisé des enfants » (pour une vision d’ensemble sur ces différentes dimensions, voir aussi les 3 tomes de Bricker, 2013renvoi vers). La méthode de travail a consisté en le recueil d’un consensus du groupe de travail à partir de la littérature et l’étude qualitative des pratiques professionnelles. Certaines recommandations portent sur les aspects organisationnels des Camsp. Nous retenons seulement ici des pistes d’action qui concernent les parents et les professionnels.
Pour le rapport aux parents, on relève ces recommandations : réaliser avec les parents une évaluation globale des besoins de l’enfant et les informer des résultats ; les associer à la construction du projet personnalisé et à la mise en œuvre des soins et l’accompagnement de l’enfant ; et de manière générale, reconnaître, restaurer et valoriser les compétences des parents dans l’accompagnement de leur enfant.
Pour le travail des professionnels : renforcer et valoriser leurs compétences ; favoriser les échanges interinstitutionnels ; travailler en collaboration avec les professionnels des établissements d’accueil du jeune enfant et de la protection de l’enfance ; faciliter l’inclusion sociale et scolaire de l’enfant.
En conclusion, les services, les programmes et les professionnels qui permettent précocement de fournir des aides diverses, parmi lesquelles les appuis éducatifs ou rééducatifs, destinés aux enfants âgés de 0 à 6 ans en difficultés de développement et à leurs familles, sont unanimement reconnus comme essentiels. Ils se situent dans le cadre des interventions précoces (vocabulaire diffusé aux États-Unis et en Europe) ou des actions médico-sociales précoces (selon le vocabulaire utilisé en France). De nombreux bilans critiques sur les effets des programmes d’intervention précoce ont été systématiquement menés aux États-Unis et au Canada. Il en ressort que les enfants avec retard de développement ou en risque de retard mental, qui bénéficient d’un programme structuré d’intervention précoce et de continuité d’accompagnement, obtiennent un meilleur développement, que la coopération avec les parents soutient leur capacité d’agir et offre une modalité efficace d’intervention. En France, un rôle pivot est attribué aux Centres d’action médicosociale précoce (Camsp), services pluridisciplinaires qui se situent à l’interface du secteur sanitaire et du secteur médico-social, tout en orientant leur action vers l’intégration de l’enfant dans les structures éducatives ordinaires (crèches, jardins d’enfants, écoles maternelles…). De manière générale, la coordination des services existants, les mises en réseau doivent être amplifiées pour répondre aux attentes de familles. L’offre devait être souple et diversifiée, non stigmatisante pour les parents qui ont recours à ces services, sans qu’il soit nécessaire de passer par un diagnostic préalable pour leur enfant. L’accueil des enfants en situation de handicap, parmi lesquels les enfants avec DI ou en retard de développement, dans les structures ordinaires de la petite enfance doit faire l’objet d’une attention particulière, non seulement pour développer une politique globale d’accueil mais aussi pour offrir un environnement éducatif de qualité destiné à tous sans exclusion.

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