I. Définitions, repérage et diagnostic de la déficience intellectuelle
2016
ANALYSE |
5-
Outils du diagnostic : tests psychométriques et échelles adaptatives
Le diagnostic positif de la déficience intellectuelle peut s’opérer avant même que soit établi le diagnostic étiologique (des Portes et coll., 2002
). Il s’agit de vérifier la présence des critères fournis par le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, fifth edition) ou l’AAIDD (American Association on Intellectual and Developmental Disabilities), à savoir la limitation intellectuelle, des difficultés adaptatives et l’âge d’apparition des troubles. La démarche diagnostique se fonde nécessairement sur les données recueillies à l’aide d’outils psychométriques récents et validés. Elle s’appuie sur une collecte minutieuse d’informations en provenance de sources diversifiées (parents, enseignants, éducateurs, paramédicaux, etc.) et s’effectue le plus souvent dans un contexte pluridisciplinaire (Handen, 2009
). Les psychologues engagés dans cette démarche doivent avoir une connaissance approfondie des méthodes et stratégies d’évaluation, mais aussi des bases théoriques solides au sujet des dimensions développementales et syndromiques de la déficience intellectuelle (Handen, 2009
).



QI et limitations intellectuelles
Est-il nécessaire de rappeler que le premier test d’intelligence avait pour fonction de repérer les élèves dont l’échec scolaire était la conséquence d’une faiblesse intellectuelle ? Binet et Simon conceptualisèrent la déficience intellectuelle comme un retard de développement dont l’importance pouvait être estimée par le différentiel entre l’âge mental (AM), obtenu à l’échelle métrique de l’intelligence, et l’âge chronologique (AC). En référence au développement typique, l’âge d’acquisition des fonctions cognitives fondamentales, que sont le langage, la maîtrise de l’écrit et la pensée abstraite, fut utilisé pour délimiter les frontières et les degrés de la déficience intellectuelle (AM inférieur à 3 ans pour l’idiotie, AM entre 3 et 6-7 ans pour l’imbécilité, AM entre 7 et 10 ans pour la débilité ; pour une synthèse, voir Courbois et Paour, 2007
). Un peu plus tard, la traduction de ce principe sous la forme d’un QI ([AM/AR]*100)1
permit de situer la débilité en deçà de la valeur fatidique de 70 (Zazzo, 1979
).


Désormais, le calcul du QI ne repose plus sur la notion d’âge mental, mais sur la comparaison entre le niveau de performance de la personne et celui des individus de la même classe d’âge. La valeur limite de 70 a cependant résisté au changement radical d’approche. Elle correspond toutefois à une distance de deux écarts-types sous le QI moyen (par convention le QI moyen est fixé à 100 et l’écart-type à 15). L’application stricte de ce seul critère diagnostique fixerait donc la prévalence théorique de la déficience intellectuelle à 2,28 %.
L’évaluation du QI et l’analyse minutieuse du profil des scores obtenus sont une pièce maîtresse du diagnostic positif ou du diagnostic différentiel (qui permet d’écarter l’hypothèse de déficience intellectuelle dans la détection des troubles d’apprentissage par exemple). Le psychologue dispose d’une variété d’instruments psychométriques de qualité pour effectuer l’évaluation du niveau intellectuel (Borkowski et coll., 2007
; Campbell et coll., 2008
). Les échelles de Wechsler sont les plus utilisées en France comme à l’étranger (WPPSI-IV, WISC-IV, WAIS-IV)2
(Bussy et coll., 2008
; Spruill et Harrison, 2008
). Le KABC II3
, et, plus récemment la NEMI-2, complètent la liste des instruments disponibles.




Il faut cependant être conscient que les valeurs numériques renvoyées par les tests d’intelligence comportent une marge d’erreur estimée par l’erreur type de mesure qui permet de définir un intervalle de confiance (dans lequel il y a 90 ou 95 % de chance de trouver le vrai score du niveau intellectuel de la personne). Selon l’AAIDD, il est très important de considérer (et de communiquer) cette donnée essentielle de l’évaluation. Whitaker (2008
, 2010
) remarque que l’étendue de l’intervalle de confiance est plus élevée lorsque les QI se situent dans la zone de la déficience intellectuelle.


Les précautions liées au choix, à l’administration et à l’interprétation des tests sont connues des psychologues (voir à ce sujet le rapport du Groupe d’études et de psychologie, 2011
). Rappelons simplement la nécessité d’être très vigilant aux facteurs susceptibles de limiter les performances aux tests (contexte socioculturel, langue maternelle, handicaps associés moteurs ou sensoriels, troubles de la communication) et de bien connaître les limites propres à chaque instrument d’évaluation. À ce sujet, les travaux publiés sur l’évaluation du QI chez les personnes avec DI visent, pour la plupart, les échelles de Wechsler et portent sur l’effet Flynn, les variations inter-tests et les effets planchers.

Effet Flynn
L’effet Flynn part de l’observation d’une augmentation sensible des résultats aux tests d’intelligence de génération en génération (de l’ordre de 3 à 5 points par décennie ; voir Flynn et Widaman, 2008
) : pour un groupe d’individus testé dans un intervalle de temps relativement court avec une version récente et une version ancienne du même test, l’ancienne version donnera un QI moyen plus élevé que la nouvelle version. La différence observée est liée à l’échantillon servant de référence : « génération actuelle » pour le test récent versus « génération précédente » pour le test ancien. L’effet Flynn est très robuste, mais il peut varier d’un pays à l’autre (on observe une diminution de l’amélioration, voire un plafonnement, dans certains pays scandinaves). Il est aussi moins important pour les tests ou subtests sensibles à l’éducation ou la culture (O’Reilly et Carr, 2007
; Senechal et coll., 2007
).



L’effet Flynn peut avoir une influence sur le diagnostic de la déficience intellectuelle. Dans une étude menée aux États-Unis entre 1989 et 1995, Kanaya et coll. (2003
) analysent près de 9 000 évaluations psychologiques réalisées dans l’intervalle de temps qui couvre la transition entre le WISC-R (commercialisé en 1974) et le WISC-III (commercialisé en 1991). Pendant cette période, certains enfants ont été évalués à deux reprises avec le WISC-R ou le WISC-III, d’autres ont été testés la première fois avec le WISC-R et la seconde avec le WISC-III (le temps entre les deux passations est d’environ deux ans et demi). Cette étude montre une remarquable stabilité des données du QI chez les enfants testés deux fois avec le même instrument (variation de 0 ou 1 point). En revanche, les résultats du QI sont de 5 à 6 points inferieurs dans le WISC-III comparé au WISC-R. Cette variation montre que le WISC-R était en fin de période de validité avec une surestimation du QI en lien avec un étalonnage devenu obsolète. Kanaya et coll. (2003
) montrent que ces quelques points de différence, liés au changement d’instrument, peuvent modifier le diagnostic posé par les praticiens. Cette observation concerne notamment les enfants dont le QI était légèrement supérieur à 70 en première évaluation avec le WISC-R et qui présentent un QI en dessous de 70 à la seconde.


Les spécialistes s’accordent à dire qu’une évaluation valide repose obligatoirement sur l’utilisation d’instruments psychométriques récents (Kanaya et coll., 2003
; O’Reilly et Carr, 2007
; Flynn et Widaman, 2008
; Nijman et coll., 2010
).




Autres limites des tests d’intelligence
Outre l’effet Flynn, le changement d’outil d’évaluation peut entraîner des variations de QI qui ne sont pas nécessairement imputables aux évolutions de la personne. Ainsi, en dépit de très bonnes corrélations avec d’autres tests, la WAIS-III semble surestimer systématiquement le QI des personnes avec DI, tout du moins dans ses versions américaines ou anglaises. Le QI obtenu par la WAIS-III est supérieur de 16,7 points à celui obtenu par le Stanford-Binet (corrélation=0,81 ; Silverman et coll., 2010
) et de 11,8 points du WISC-IV (corrélation=0,93 ; Gordon et coll., 2010
).


Notons enfin que la conversion des notes brutes en notes standards4
s’accompagne d’une perte d’information importante lorsqu’elle s’opère pour les personnes d’un faible niveau intellectuel. La valeur 1 en note standard à un subtest donné correspond effectivement à un intervalle relativement étendu de notes brutes. Même si les items les plus simples aux différents subtests conservent un certain pouvoir de différenciation, la transformation des notes brutes en notes standard produit un effet d’uniformisation et peut conduire à une certaine surestimation du QI (la personne obtient plusieurs notes standard 1 à la suite de résultats très faibles à différents subtests). Elle produit aussi un effet plancher qui gêne l’interprétation des profils psychométriques (Whitaker, 2010
). Ces effets sont d’autant plus importants que le niveau intellectuel de la personne est faible. Une étude anglaise portant sur le WISC-III suggère que plus de 80 % des notes standard sont égales à 1 lorsque les QI sont compris entre 40 et 49. Le pourcentage est de 15 % pour les QI compris entre 60 et 69 (ce qui reste une valeur assez élevée). Cette même étude montre que les effets planchers à la WAIS-III apparaissent dès les QI compris entre 50 et 59 (plus de 15 % de notes standard 1) et qu’ils sont moins importants (Whitaker et Wood, 2008
). Hessl et coll. (2009
) montrent de façon convaincante qu’il est possible d’échapper aux effets planchers en ayant recours aux scores normalisés (scores z)5
à partir des données de l’échantillon de référence. Ils appliquent ce principe à des données psychométriques relevées auprès d’un groupe de personnes avec le syndrome de l’X fragile. Les effets planchers relevés aux subtests du WISC-III disparaissent et les profils deviennent interprétables. D’un point de vue clinique, il est aussi possible de convertir les notes brutes en âge de développement lorsque l’échelle utilisée le permet. Cette méthode est moins précise que la précédente, mais elle peut dégager des profils interprétables. Elle ne peut pas être utilisée avec les échelles psychométriques destinées aux adultes (la WAIS-III par exemple).



Il est clair que les propriétés psychométriques des tests d’intelligence ont tendance à s’étioler dans les zones les plus basses de la distribution (plus particulièrement, au-delà de 3 écarts-types du QI moyen selon l’AAIDD, 2007
). Ce phénomène pourrait être lié (au moins partiellement) au faible nombre de personnes présentes dans les étalonnages à ces niveaux de QI. Notons enfin que les tests classiques d’intelligence sont généralement inapplicables aux personnes qui ont des déficiences sévères ou profondes.

Peut-on utiliser des versions abrégées des tests ?
Les contraintes temporelles liées à l’examen psychologique peuvent amener le psychologue à utiliser des versions abrégées de tests psychométriques classiques. Cependant, ces formes abrégées fournissent une estimation du niveau intellectuel moins précise que celle obtenue avec les formes complètes. Aussi, leur utilisation dans le cadre de la déficience intellectuelle demande beaucoup de prudence en raison d’une augmentation du risque d’erreur diagnostique (Alley et coll., 2007
; Gregoire et Wierzbicki, 2009
). De même, l’indice d’aptitude générale (IAG) du WISC-IV, calculé sur la base des six subtests réguliers des indices de compréhension verbale (ICV) et de raisonnement perceptif (IRP), ne peut être assimilé au QI en dépit de la corrélation importante qui relie ces deux indicateurs. Cet indice, qui n’est pas directement influencé par la mémoire de travail et la vitesse de traitement, semble effectivement augmenter le nombre de faux négatifs dans la démarche diagnostique (Koriakin et coll., 2013
). Utilisé dans des conditions très précises, il peut cependant apporter des informations cliniques intéressantes, notamment dans le cadre du diagnostic différentiel (Grégoire, 2009
; Lanfranchi, 2013
).





Dans le contexte du dépistage rapide, une équipe écossaise a développé un questionnaire destiné à identifier les enfants avec une déficience intellectuelle. Ce questionnaire, dont les propriétés psychométriques semblent être satisfaisantes, a pour vocation de dépister les enfants qui pourraient présenter une déficience intellectuelle et donc faire l’objet par la suite d’un examen psychologique approfondi (McKenzie et Megson, 2012
; McKenzie et coll., 2012a
et b
, 2013
; Murray et coll., 2013
).






À propos des tests non-verbaux
Face aux difficultés particulières d’évaluation chez des personnes présentant des troubles du langage et des troubles moteurs, les psychologues peuvent s’appuyer sur l’utilisation d’épreuves non-verbales comme le Leiter-R (très utilisé dans certains pays, mais pas étalonné en France ; Yang et coll., 2011
; Phillips et coll., 2014
) ou les Progressive Matrices de Raven (Campbell et coll., 2008
) dont il existe une version française. Plus récente, l’échelle non-verbale de Wechsler (WNV) propose une évaluation totalement non-verbale de la personne (comme le Leiter-R). Elle possède cependant des subtests qui ont une composante visuo-motrice, ce qui pourrait désavantager les personnes avec des problèmes moteurs. La recherche psychométrique a peu de recul sur cette échelle récente, et quelques travaux portent sur les Progressive Matrices de Raven très utilisées par les psychologues. Ce test est considéré comme un bon outil d’évaluation de l’intelligence fluide (Gf), c’est-à-dire de la capacité à raisonner et à résoudre des problèmes nouveaux indépendamment des connaissances acquises. Il n’est pas directement assimilable à un test de QI car il n’évalue pas, à proprement parler, la composante cristallisée de l’intelligence (Gc) qui est mobilisée dans la résolution de tâches faisant appel aux connaissances antérieures fournies par l’éducation et l’expérience6
. Il est donc recommandé de l’utiliser en complément d’autres tests. Des consignes simples et un temps court de passation rendent les Progressive Matrices particulièrement adaptées à l’évaluation des enfants avec déficience intellectuelle qui peuvent avoir des capacités attentionnelles limitées (Bello et coll., 2008
; Goharpey et coll., 2010
). L’analyse des erreurs commises par les enfants, avec ou sans déficience intellectuelle, peut fournir des informations intéressantes sur le plan de l’analyse du fonctionnement cognitif7
(Gunn et Jarrold, 2004
; Van Herwegen, et coll., 2011
). Notons aussi que des études comparatives portant sur le niveau de difficulté des 36 items qui constituent la version colorée de l’épreuve (CPM : Progressive Matrices Couleurs) fait apparaître des profils de réponse aux items remarquablement similaires chez les enfants avec déficience intellectuelle et les enfants au développement typique servant de comparaison lorsque les deux échantillons sont appariés selon le score brut à l’épreuve (Facon et Nuchadee, 2010
; Facon et coll., 2011
). Une version encastrable destinée à l’évaluation des jeunes enfants a été commercialisée récemment8
(CPM-BF). Elle pourrait être adaptée à l’évaluation d’enfants présentant différentes formes de déficience car elle est essentiellement non-verbale. Chaque item est composé d’un pattern abstrait que l’enfant doit compléter en choisissant la figure qui convient parmi les six proposées. Pour émettre sa réponse, il doit encastrer la figure choisie dans l’espace prévu à cet effet (dans la version standard des CPM, il donne sa réponse en pointant du doigt une des six figures proposées). Cette version n’a pas fait l’objet d’une procédure de validation approfondie (Goharpey et coll., 2010
). Pour terminer, la version française des Progressive Matrices présente l’inconvénient d’un étalonnage plutôt ancien (1998) avec un risque de surévaluation de l’enfant (effet Flynn).










Faut-il abandonner le QI ?
La littérature scientifique est précise sur les limites des tests d’intelligence, cependant elle ne remet pas en cause leur utilisation, tout du moins dans l’état actuel des connaissances (voir par exemple, Flynn et Widaman, 2008
).

Une évaluation dynamique a été proposée comme une alternative à l’évaluation psychométrique classique de l’intelligence. Selon les promoteurs de cette approche, les tests classiques fournissent une évaluation « statique » de l’intelligence fondée essentiellement sur le produit des expériences antérieures. Ils désavantagent les personnes issues de milieux peu stimulants et ils ne fournissent pas réellement d’indications sur leur potentiel d’apprentissage (White, 1996
; Allal et Pelgrims Ducrey, 2000
). L’évaluation dynamique propose d’estimer le potentiel d’apprentissage en plaçant l’individu dans une situation standardisée dans laquelle l’évaluateur fournit des aides hiérarchisées (de la plus générale à la plus spécifique). Son application à la déficience intellectuelle donne des résultats intéressants. Elle permet de différencier les sujets selon leur potentiel d’apprentissage, alors que les résultats en évaluation statique peuvent être similaires (Budoff et Pagell, 1968
; Schlatter et coll., 1997
; Schlatter et Büchel, 2000
; Hessels-Schlatter, 2002
). Certaines personnes avec une déficience intellectuelle tirent parti des aides fournies et semblent avoir une marge de progression plus importante que d’autres qui voient leur niveau de performance évoluer très peu (l’évaluation dynamique assimile la marge de progression à la zone proximale de développement définie par Vygostsky ; voir Allal et Pelgrims Ducrey, 2000
). Ces personnes ont un potentiel d’apprentissage plus élevé. L’évaluation dynamique peine cependant à s’imposer en raison de problèmes méthodologiques importants9
(Loarer et Chartier, 1996
). Actuellement, il est considéré qu’elle présente un réel intérêt clinique et qu’elle peut être utilisée en complément des tests classiques, sans être en mesure cependant de les remplacer (Borkowski et coll., 2007
).









Pour terminer, rappelons que l’observation clinique ne peut pas remplacer une mesure standardisée de l’intelligence (dans les nombreux cas où un test peut être utilisé pour évaluer la personne). Comme le fait remarquer Grégoire (2009, p. 18
) : « L’usage des tests standardisés et le respect de leur procédure offrent des garanties de validité et de fiabilité de l’évaluation clinique de l’intelligence ». Cependant, l’usage du QI (en particulier son inévitable usage administratif) devrait respecter trois règles :

• le QI devrait toujours être accompagné de l’intervalle de confiance qui donne une estimation de l’erreur de mesure ;
• il devrait toujours être accompagné d’informations à propos de la validité de son recueil (fatigabilité, problèmes linguistiques, moteurs, etc.) ;
• il devrait toujours être accompagné d’une interprétation qui intègre sa valeur dans l’ensemble du tableau clinique de la personne (Grégoire, 2009, p. 16
).

Comportement adaptatif et son évaluation
Comportement adaptatif
Selon l’AAIDD (2010
), le comportement adaptatif correspond à « l’ensemble des habiletés conceptuelles, sociales et pratiques apprises par la personne et qui lui permet de fonctionner au quotidien ».

Cette question du comportement adaptatif est développée dans le chapitre dédié de ce document.
Les difficultés adaptatives, caractéristiques de la déficience intellectuelle, étaient utilisées comme des signes cliniques distinctifs bien avant l’avènement des tests d’intelligence. Cependant, l’introduction du comportement adaptatif dans les critères diagnostiques a été relativement tardive. Elle s’est faite en 1959, aux États-Unis, en réponse aux limites des tests d’intelligence qui commençaient à être perçues. Certains enfants issus de minorités ou de milieux socio-économiques défavorisés étaient alors diagnostiqués déficients intellectuels sur la seule base du QI, quand leurs difficultés étaient essentiellement d’ordre scolaire et sans problèmes particuliers d’adaptation dans leur milieu d’origine (ces enfants furent appelés les « six-hour retarded children » ; voir Baumeister, 1987
). L’usage unique du QI augmentant le risque de faux-positifs en présence de déficience intellectuelle légère, le déficit du comportement adaptatif est ajouté comme critère diagnostique pour corriger ce biais (Harrison et Boan, 2004
; Tasse et coll., 2012
).



Il aura fallu des décennies de recherche pour définir le comportement adaptatif et identifier sa structure factorielle. En 1983, Grossman définit le comportement adaptatif comme le niveau de conformité aux attentes d’autonomie personnelle et de responsabilité sociale selon l’âge et la culture de la personne. En 1992, l’AAMR (American Association on Mental Retardation) précise la définition en introduisant dix domaines d’habiletés adaptives, à savoir : la communication, les soins personnels, les habiletés domestiques, les habiletés sociales, l’utilisation des ressources communautaires, l’autonomie, la santé et la sécurité, les aptitudes scolaires fonctionnelles, les loisirs et le travail (voir Maurice et Piédalue, 2003
). Plus récemment, des recherches factorielles ont fait émerger une structure en trois facteurs, reprise dans les définitions récentes de l’AAIDD (2010
) et opérationnalisée de la façon suivante (traduction française réalisée par le CNRIS10
, Trois-Rivières, Québec) :


• habiletés conceptuelles : langage, lecture et écriture, argent, temps et concepts mathématiques ;
• habiletés sociales : habiletés interpersonnelles, responsabilité sociale, estime de soi, crédulité, naïveté (prudence), conformité aux règlements/aux lois, évitement de la victimisation (ou évitement de se faire victimiser) et enfin résolution de problèmes ;
• habiletés pratiques : activités quotidiennes (soins personnels), habiletés occupationnelles, usage de l’argent, sécurité, santé, voyage/transport, agenda/ routine, utilisation du téléphone.
Comme le souligne la définition de Grossman (1983
), le comportement adaptatif possède à la fois une dimension développementale et une dimension culturelle. Les comportements adaptatifs augmentent en nombre et en complexité au cours du développement. Les attentes sociales normatives envers l’individu se modifient, elles aussi, en fonction de l’âge (Harrison et Boan, 2004
). De plus, les comportements adaptatifs sont très fortement liés au contexte culturel dans lequel ils sont appris. Certains comportements peuvent être adaptés dans un milieu culturel donné alors qu’ils sont jugés inopportuns dans un autre milieu. L’évaluation du comportement adaptatif à l’aide d’échelles adaptées doit donc se faire en référence aux normes développementales et culturelles propres au milieu dans lequel la personne évolue.


Évaluation du comportement adaptatif
La psychométrie du comportement adaptatif est plus récente que celle de l’intelligence, mais les qualités psychométriques des échelles de comportement adaptatif ont fortement progressé ces dernières années (Tasse, 2009
) et certaines d’entre elles permettent d’obtenir des évaluations normées nécessaires au diagnostic (le score en comportement adaptatif doit être au-delà de deux écarts-types de la moyenne, l’erreur standard de la mesure doit être prise en considération). Actuellement, quatre échelles standardisées, étalonnées sur un échantillon représentatif de la population américaine, sont disponibles pour un usage diagnostique outre-Atlantique (Tasse et coll., 2012
) : l’Adaptive Behavior Scale-School, Second Edition (ABS-S :2) ; l’Adaptive Behavior Assessment System, Second Edition (ABAS-II) ; la Scale of Independant Behavior-Revised (SIB-R) ; la Vineland Adaptive Behavior Scale-Second Edition (Vineland II). La France a accumulé un retard très important au regard d’autres pays européens dans le processus de traduction et d’adaptation culturelle de ces échelles dont les qualités psychométriques sont élevées (pour l’Espagne, voir par exemple : Alonso et coll., 2010
; Navas et coll., 2012
). À ce jour, aucune de ces échelles n’est disponible sur le territoire français. La parution prochaine de l’adaptation française de la Vineland II comblera partiellement ce retard préoccupant.




La Vineland II évalue le comportement adaptatif à tous les âges de la vie selon quatre domaines (communication, vie quotidienne, socialisation, motricité), chacun d’eux étant subdivisé en deux ou trois sous-domaines (la communication est par exemple subdivisée en : écouter et comprendre ; parler ; lire et écrire). Elle comporte au total 433 items. L’échelle permet de définir des scores pour chaque sous-domaine (moyenne=10, écart-type=3) et chaque domaine (moyenne=100, écart-type=15) ainsi que les équivalents en terme d’âge de développement. Elle renvoie aussi un score composite fournissant une évaluation globale du comportement adaptatif (moyenne=100, écart-type=15). Les spécialistes de l’évaluation du comportement adaptatif s’accordent pour dire que les qualités psychométriques de cette échelle sont tout à fait satisfaisantes (Harrison et Boan, 2004
; Raines et Van Acker, 2009
; Reva et Bardos, 2011
).



Construite sur des bases différentes, l’échelle québécoise de comportement adaptatif (EQCA), récemment adaptée en Belgique11
(EBCA), pourrait figurer dans la liste des instruments utilisables en France. Cette échelle évalue 7 domaines au travers de 317 items (autonomie, habiletés domestiques, santé et sensori-moteur, communication, habiletés préscolaires et scolaires, socialisation, habiletés de travail). Ses qualités psychométriques sont tout à fait satisfaisantes, mais elle n’a pas fait l’objet d’un étalonnage. L’échelle fonctionne effectivement sur la base de critères établis par 26 experts et les protocoles sont corrigés à l’aide d’un algorithme qui, à notre connaissance, n’est pas public (les protocoles peuvent faire l’objet d’une correction en ligne qui génère automatiquement un rapport). Si on se réfère stricto sensu aux critères de l’AAIDD ou du DSM-5, cet instrument psychométrique de qualité ne peut pas avoir un usage diagnostique car il n’est pas normé. On peut aussi regretter le manque d’informations sur le procédé utilisé pour déterminer le niveau de comportement adaptatif.
Les échelles d’évaluation du comportement adaptatif ne sont pas destinées à déterminer les capacités maximales des individus en les plaçant dans des situations standardisées comme le font les tests de QI. Au contraire, elles évaluent les compétences fonctionnelles réelles de la personne dans des situations de la vie quotidienne. Il ne s’agit pas de savoir ce que la personne pourrait faire dans un environnement optimal, mais bien de déterminer ce qu’elle fait réellement dans son environnement. Le corollaire de cette approche est que le comportement adaptatif n’est pas conceptualisé comme un trait stable, tel le QI, mais plutôt comme une donnée en partie modifiable (Harrison et Boan, 2004
). Les informations nécessaires à l’évaluation sont habituellement collectées en questionnant des proches (parents, éducateurs, instituteurs, etc.) qui connaissent bien la personne et qui ont pu l’observer dans des contextes variés. Les tiers sollicités renseignent directement le formulaire de l’échelle ou sont interrogés par l’évaluateur. Le recours à des tierces personnes pose nécessairement la question de la fiabilité des informations recueillies (risque de surévaluation, manque d’informations fiables sur certains domaines). La démarche retenue pour éviter ces biais consiste à procéder à des évaluations approfondies en multipliant les sources d’informations et les répondants. Le recours à la méthode d’entretien, comme cela est préconisé pour la Vineland II, est de nature à renforcer la fiabilité des informations recueillies (Tasse et coll., 2012
).


Liens avec le niveau intellectuel et avec les « comportements-problèmes »
Les corrélations entre l’intelligence et le comportement adaptatif sont habituellement modérées. Elles varient cependant d’une étude à l’autre en fonction des caractéristiques de l’échantillon et des instruments d’évaluation utilisés (Harrison, 1987
). Une étude récente portant sur un échantillon d’une centaine d’enfants adressés en consultation psychologique (avec ou sans déficience intellectuelle) rapporte des corrélations de l’ordre de 0,60 entre le QI évalué avec le WISC-IV et les différentes dimensions du comportement adaptatif évaluées avec l’ABAS-II (0,64 pour conceptuel ; 0,56 pour social ; 0,64 pour pratique ; Murray et coll., 2014
). Par ailleurs, une analyse factorielle confirmatoire montre que le comportement adaptatif (évalué avec l’échelle de Vineland) et l’intelligence (évaluée avec le KABC) sont deux construits distincts, mais reliés entre eux (Keith et coll., 1987
). L’évaluation du comportement adaptatif est complémentaire à celle du quotient intellectuel. Les informations qu’elle apporte, pourraient être particulièrement importantes dans la zone de la déficience intellectuelle légère. Un enfant peut parfaitement avoir un QI légèrement inférieur à 70 sans présenter de déficit du comportement adaptatif. Notons enfin qu’il existe une relation nette entre le comportement adaptatif et le niveau d’indépendance personnelle dans le monde du travail ou dans le domaine du logement (Harrison, 1987
; Woolf et coll., 2010
). Cette dernière observation renforce la justification de l’évaluation du comportement adaptatif chez les personnes avec déficience intellectuelle.





La plupart des échelles d’évaluation du comportement adaptatif comprennent une partie optionnelle destinée à évaluer les comportements problématiques (c’est le cas de la Vineland II et de l’EBCA) (cf. également chapitre « Comportement adaptatif »). Les comportements problématiques et les comportements adaptatifs ne doivent pas être considérés comme les deux pôles opposés d’une même dimension (Raines et Van Acker, 2009
). Bien au contraire, il s’agit de deux dimensions conceptuellement distinctes faiblement corrélées entre elles (Thompson et coll., 1999
). Une personne peut avoir un niveau de comportement adaptatif relativement élevé dans un secteur donné tout en manifestant des « comportements-problèmes » dans ce même secteur. Inversement, une personne peut avoir un niveau faible en comportement adaptatif sans pour autant présenter de « comportements-problèmes » (bien que les corrélations entre ces deux variables aient tendance à augmenter avec la sévérité de la déficience intellectuelle). Ainsi, lorsqu’ils sont présents, les « comportements-problèmes » doivent faire l’objet d’une évaluation distincte de celle des comportements adaptatifs. Par ailleurs, les données recueillies sur les « comportements-problèmes » n’entrent pas dans le calcul du score composite du comportement adaptatif. Seule la limitation des comportements adaptatifs est un critère diagnostique de la déficience intellectuelle, la présence de « comportements-problèmes » n’en est pas un.


Âge du diagnostic et diagnostic différentiel
Âge du diagnostic
Le déficit intellectuel et les limitations du comportement adaptatif doivent être présents pendant la période développementale. Selon le DSM-5, cette période comprend l’enfance et l’adolescence. L’AAIDD fixe la limite à 18 ans en étant probablement motivée par des considérations d’ordre juridique. Une question importante concerne cependant l’âge à partir duquel le diagnostic positif peut être posé. Rappelons que le diagnostic positif précède parfois le diagnostic étiologique et que dans 35 à 40 % des déficiences intellectuelles, il n’y a pas d’étiologie connue. Il existe un consensus assez large dans la littérature scientifique pour considérer que la période de la petite enfance n’est pas adaptée à ce type de décision. Les coefficients de développement, obtenus aux épreuves d’évaluation de la petite enfance12
, ne permettent pas de prédire avec une précision suffisante la valeur du QI quelques années plus tard (Bayley, 1955
; Sternberg et coll., 2001
; Handen, 2009
; Baron et Leonberger, 2012
). Il y a au moins deux raisons à cela. La première est que de nombreux facteurs peuvent modifier, influencer sensiblement l’évolution des trajectoires développementales des très jeunes enfants (par exemple, l’impact des facteurs environnementaux est très important). La seconde est liée aux échelles de la petite enfance qui n’évaluent pas les mêmes dimensions psychologiques que les échelles de QI. Les unes se focalisent sur des changements développementaux dans une période de la vie où l’influence des aspects sensori-moteurs est importante. Les autres sont construites en référence à des modèles factoriels de l’intelligence qui, par ailleurs, ne semblent pas s’appliquer aux jeunes enfants (Ward et coll., 2011
). La situation est légèrement différente pour les enfants présentant un faible niveau intellectuel chez qui on relève des corrélations plus importantes entre les indices fournis par les échelles de développement et les QI obtenus quelques années plus tard (Handen, 2009
; Baron et Leonberger, 2012
). Cependant, cette liaison statistique ne permet pas de définir une règle diagnostique car elle cache une importante variabilité interindividuelle. Une étude menée chez des enfants prématurés à faible poids de naissance apporte des informations intéressantes à ce sujet. Hack et coll. (2005
) utilisent l’échelle de Bayley13
pour évaluer le niveau de développement d’enfants prématurés âgés de 20 mois (âge corrigé). L’analyse porte sur l’indice de développement mental fourni par l’échelle MDI (Mental Development Index). Les enfants sont évalués une seconde fois à l’âge de 8 ans avec le KABC. Les résultats montrent que la probabilité d’avoir un QI inférieur à 70 au KABC, pour un enfant ayant obtenu un score MDI inférieur à 70, est de 0,37 seulement. Si l’enfant présente un trouble neurosensoriel à 20 mois, la probabilité augmente à 0,61. Pour un enfant qui n’en présente pas, elle passe à 0,20. En l’absence de troubles neurosensoriels, 80 % des enfants évalués en dessous de 70 au MDI ont un QI supérieur à 70 à 8 ans. Certes, la prédiction est meilleure pour les enfants qui ont des troubles neurosensoriels, mais elle est loin d’être satisfaisante (39 % des enfants sont effectivement évalués au-dessus de 70 à l’âge de 8 ans). La validité prédictive de l’index de développement mental obtenu avec l’échelle Bayley est plutôt faible. Une méta-analyse récente reprenant 14 recherches, soit 1 330 enfants prématurés à faible poids de naissance, confirme les résultats précédents en montrant que le MDI explique 37 % de la variance du fonctionnement cognitif ultérieur, ce qui laisse une grande partie de la variance inexpliquée (Luttikhuizen dos Santos et coll., 2013
). Un retard de développement dans la petite enfance ne se traduit pas nécessairement par une déficience intellectuelle quelques années plus tard.









Peut-on identifier clairement un âge seuil au-delà duquel le diagnostic devient possible ? La littérature scientifique n’apporte pas de réponse claire à cette question. On sait que les échelles d’intelligence pour la période préscolaire, comme la WPPSI, sont plus fortement corrélées aux tests d’intelligence que les échelles de développement de la petite enfance (Sternberg et coll., 2001
). Cependant, il n’y a pas, à notre connaissance, d’étude portant sur la validité prédictive des échelles préscolaires pour les QI inférieurs à 70. Dans la pratique, il semblerait que la confirmation du diagnostic de déficience intellectuelle se fasse vers l’âge de 6 ans, autour de considérations concernant l’orientation scolaire de l’enfant (Handen, 2009
; Herbillon et coll., 2010
). La mesure du QI est alors considérée comme étant plus fiable et les équipes disposent de plus d’informations concernant l’adaptation comportementale de l’enfant dans ses différents milieux de vie (famille, école).



Diagnostic différentiel
Le DSM-IV précise que les critères diagnostiques de la déficience intellectuelle ne comprennent aucun critère d’exclusion. Le diagnostic devrait donc être posé dès que les trois conditions sont remplies, qu’un trouble associé soit présent ou non. Par contre, le diagnostic d’un trouble cognitif spécifique (dysphasie, dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, troubles déficitaires de l’attention) demande de vérifier que les difficultés observées ne sont pas attribuables (entre autres) à une déficience intellectuelle. La plupart des enfants avec un trouble cognitif spécifique ne remplissent pas les critères diagnostiques de la déficience intellectuelle, mais, dans certains cas, les difficultés cognitives peuvent avoir un impact négatif sur le QI (les « multidys » par exemple) (Herbillon et coll., 2010
). La question du diagnostic différentiel devient alors essentielle. Peu d’articles scientifiques abordent cette question. Lorsqu’ils le font, ils insistent sur l’importance d’une approche clinique qui s’appuie sur une anamnèse bien construite, sur des sources multiples d’information et sur des instruments psychométriques choisis en fonction des difficultés de l’enfant. Les Progressive Matrices de Raven permettent, par exemple, d’évaluer l’intelligence fluide14
de l’enfant dans un contexte de passation peu contraignant (consignes simples, faible durée de passation) (Herbillon et coll., 2010
). Un bon niveau de réussite à ce test permet d’écarter l’hypothèse d’une déficience intellectuelle. Une évaluation normée du comportement adaptatif peut être très utile car l’absence de déficit dans ce domaine permet aussi d’écarter la piste d’une déficience intellectuelle.


L’étude récente de Cornoldi et coll. (2014
) apporte quelques éléments intéressants concernant les profils obtenus au WISC-IV chez des enfants présentant une déficience intellectuelle (77 enfants, QI < 70) ou des troubles cognitifs spécifiques (155 enfants avec TCS : dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, etc.) Les enfants avec des TCS sont répartis en deux groupes en fonction de leur niveau intellectuel : ceux qui ont un QI compris entre 70 et 85 et ceux qui ont un QI supérieur à 85. Les auteurs étudient les quatre indices fournis par le WISC-IV : compréhension verbale (ICV ; intelligence cristallisée) ; raisonnement perceptif (IRP ; intelligence fluide et intelligence visuo-spatiale) ; mémoire de travail (IMT) ; vitesse de traitement (IVT). Ils étudient aussi les deux indices généraux dérivés des indices précédents : l’indice d’aptitude générale (IAG), dérivé de l’ICV et de l’IRP ; l’indice d’efficience cognitive (IEC), dérivé de l’IMT et de l’IVT. Les résultats montrent que, comparativement aux enfants avec TCS, les enfants avec déficience intellectuelle ont un profil relativement homogène aux quatre indices.

De même, la différence entre IAG et IEC est faible. En revanche, chez les enfants TCS, l’ICV et l’IRP sont nettement supérieurs aux deux autres indices (IMT et IVT), ce qui se traduit par un IAG supérieur à l’IEC15
. Ce profil vaut pour les deux groupes d’enfants avec TCS, qu’ils aient un niveau intellectuel limite, ou pas. Ainsi, l’analyse des indices fournis par le WISC-IV suggère que les enfants avec DI se caractérisent par une faiblesse intellectuelle générale, alors que les enfants avec TCS sont particulièrement en difficulté dans les épreuves qui mettent en jeu la mémoire de travail et la vitesse de traitement. Ces variations dans les profils présentent un intérêt clinique certain, mais elles ne peuvent cependant pas servir de règle diagnostique car Cornoldi et coll. (2014
) remarquent que tous les enfants avec TCS n’ont pas un IAG supérieur à l’IEC.

En conclusion, l’évaluation diagnostique et la restitution de ses conclusions fournissent des informations essentielles pour la personne et son environnement familial. Elles permettent aux professionnels d’ajuster leur réponse, tout en modifiant sensiblement la représentation qu’ils ont de l’individu. Transmises aux organismes demandeurs, elles participent aux décisions importantes qui concernent la personne et sa famille (orientation, plan de compensation). L’évaluation diagnostique s’appuie sur une collecte minutieuse d’informations en provenance de sources multiples (anamnèse, parents, enseignants, etc.). Elle s’effectue le plus souvent dans un contexte pluridisciplinaire.
Les psychologues engagés dans cette démarche doivent avoir une connaissance solide des méthodes d’évaluation, mais aussi des dimensions développementales et syndromiques de la déficience intellectuelle. Ils ont à leur disposition des instruments psychométriques de qualité pour pratiquer l’évaluation du quotient intellectuel. Ils doivent cependant connaître les limites de leur utilisation dans le contexte d’une faible efficience intellectuelle. Le recours aux anciens tests (Terman-Merill, WISC-R, etc.) est à proscrire en raison d’une surévaluation des caractéristiques psychométriques de la personne, augmentant le risque de faux-négatifs. Les versions complètes des tests sont à préférer aux versions abrégées qui ne sont pas suffisamment précises et par conséquent sources d’erreur diagnostique. Le choix des épreuves et les conditions de l’examen psychologique doivent parfois être aménagés en fonction des difficultés spécifiques de la personne. L’utilisation d’épreuves non-verbales est, par exemple, adaptée à l’évaluation d’enfants présentant des difficultés de langage, mais les résultats obtenus ne sont pas totalement assimilables à ceux d’un test de QI classique car ils ne prennent pas en considération l’intelligence cristallisée. Le résultat du test de QI doit être mentionné avec son intervalle de confiance et être accompagné de précisions sur la validité des informations recueillies. Rappelons enfin qu’un retard de développement dans la petite enfance ne se traduit pas nécessairement par une déficience intellectuelle quelques années plus tard.
L’évaluation des comportements adaptatifs est un complément indispensable à celle du QI. Elle porte sur les performances réelles de la personne dans des situations de la vie quotidienne, informations recueillies par l’interrogation de tiers qui connaissent bien la personne évaluée. À ce jour, il existe outre-Atlantique plusieurs échelles d’évaluation du comportement adaptif normées avec de très bonnes qualités psychométriques. L’utilisation d’échelles d’évaluation du comportement adaptatif diminue le risque de faux-négatif et apporte des informations très utiles pour orienter les accompagnements éducatifs. Ces échelles permettent aussi d’évaluer les « comportements-problèmes » qui sont, rappelons-le, conceptuellement distincts des comportements adaptatifs et qui n’entrent pas dans les critères diagnostiques de la déficience intellectuelle. Dans ce domaine, la France accuse un retard considérable qu’il est important de combler au vu de l’apport incontournable de l’évaluation du comportement adaptatif.
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