Autisme
Quand les parents orientent les traitements

Pour atténuer le handicap de leur enfant, les parents utilisent une large palette de traitements et de méthodes. Problème : leur choix est souvent lié aux « théories parentales » sur les causes de la maladie. Les professionnels de santé doivent le prendre en compte.

Les forums Internet sur l’autisme sont des lieux passionnés. L’équipe de Roland DardennesRoland Dardennes
Centre de psychiatrie et de neurosciences, unité Inserm 894/ Paris 5, équipe « Vulnérabilité aux troubles psychiatriques et addictifs ». R. Dardennes est professeur de psychiatrie (université Paris-Descartes et centre hospitalier Sainte-Anne).
en a pris la mesure lorsqu’elle y a proposé son enquête sur la perception de l’autisme par les parents. Ces derniers soupçonnaient une démarche psychanalytique sous-jacente à cette étude, ce qui a parfois déclenché des volées de commentaires. « Nous avons été philosophes face à ces réactions. Les parents et les enfants souffrent et manquent tellement de structures adéquates », souligne le psychiatre. La France est en effet loin d’être un modèle dans la compréhension et la prise en charge de ce handicap. Contrairement aux pays anglo-saxons et d’Europe du Nord, les théories psychanalytiques y perdurent. Élaborées dans les années 1940-1960, elles considèrent le cercle familial responsable du manque de communication d’enfants « traumatisés » par des  mères « frigidaires » ou « mortifères ».
Chez les parents, ces approches n’ont aujourd’hui que peu d’échos, comme le montre l’analyse des 78 questionnaires recueillis. Pour 73 % d’entre eux, l’autisme de leur enfant est causé par des anomalies cérébrales. Pour 78 %, il est relié à des facteurs génétiques (réponses non exclusives), 42 % font aussi référence à des complications durant la grossesse et 27 % à des allergies alimentaires. « Contrairement à certaines maladies aux représentations univoques, il existe pour l’autisme une multitude de représentations étiologiques, simplement parce qu’il n’existe pas de remède incontestable », indique Roland Dardennes.
Ces différentes « théories parentales » ont des conséquences sur les thérapies suivies par les enfants. De manière prévisible, les parents qui invoquent une cause alimentaire ou un déséquilibre chimique, ont davantage recours à des régimes particuliers et aux suppléments vitaminés. Ceux qui mettent en avant les facteurs génétiques ont recours, plus que les autres, à des méthodes d’apprentissage éducatives. Mais ce qui a surpris l’équipe, c’est que ceux qui utilisent le plus de médicaments sont les parents persuadés que l’autisme a été provoqué par une maladie pendant la grossesse. « La "psychologie du regret" pourrait l'expliquer. La plupart des femmes ne veulent pas prendre de médicaments pendant la grossesse pour ne pas nuire à leur enfant, même si, comme dans 80% des cas, elles contractent une maladie bénigne. Ainsi, si l’enfant se révèle porteur d’un handicap, la mère pensera qu'elle aurait dû se soigner et privilégiera le traitement médicamenteux », en conclut le chercheur.
Pour sa collègue Nebal Al AnbarNebal Al Anbar
Centre de psychiatrie et de neurosciences, unité Inserm 894/ Paris 5, équipe « Vulnérabilité aux troubles psychiatriques et addictifs ».
, « il est important que les médecins aient conscience de ces croyances et de leurs conséquences. Ils doivent être la référence pour l’information sur les causes et les traitements, afin de permettre aux parents de ne pas céder à des promesses parfois miraculeuses qui peuvent circuler sur Internet. Cela nécessite un dialogue, une attention aux théories des parents, et les enfants en seront gagnants. »

Gaëlle Lahoreau