Imagerie biphotonique
Dans l’intimité de nos neurones

Plonger au cœur de notre cerveau et voir in vivo son fonctionnement, c’est désormais possible grâce à l’imagerie biphotonique. Une technique qui va permettre de mieux connaître notre encéphale.

Comprendre le fonctionnement du cerveau est le Graal de la physiologie moderne. Or, pour mieux déchiffrer cet organe vital, il faut pouvoir l’observer in vivo par des moyens non invasifs. Un véritable défi que des chercheurs InsermChercheurs Inserm
Unité 603 Inserm/Paris 5, Neurophysiologie et nouvelles microscopies
viennent de relever. Dans la revue Nature Medicine de juin, ils détaillent comment ils sont parvenus à mesurer, de manière non invasive, le flux sanguin et la pression d’oxygène dans le bulbe olfactif d’un rat, cette région du cerveau où sont traitées les informations liées au sens de l’odorat. Pour cela, ils ont eu recours à une technologie de microscopie en plein développement : l’imagerie biphotonique qui permet de pallier les problèmes de la microscopie traditionnelle, monophotonique, inefficace au cœur des tissus. En effet, au delà d’une centaine de microns de profondeur, les tissus biologiques diffractent fortement la lumière et les images obtenues sont floues.
Combinée à l’emploi de marqueurs moléculaires fluorescents, l’imagerie biphotonique permet, elle, de plonger jusqu’à 1 mm à l’intérieur des organes sans les endommager. « Au lieu d’exciter les marqueurs fluorescents avec un seul photon de forte énergie, nous utilisons deux photons d’énergie moitié moindre mais appliqués simultanément, précise Serge Charpak, directeur du laboratoire. Cela présente un double avantage, d’une part, nous pouvons travailler avec des longueurs d’onde de 800 à 1 000 nm qui pénètrent plus profondément les tissus et, d’autre part, l’excitation du marqueur fluorescent et son émission lumineuse se font sur un point focal extrêmement précis, environ 1 micromètre cube. »Résultat, la phototoxicité et les interférences lumineuses qui parasitaient l’image en microscopie de fluorescence traditionnelle sont réduites.
Grâce à ce procédé, l'équipe a réussi à mesurer simultanément le flux sanguin dans les capillairesCapillaires
Ce sont les vaisseaux sanguins les plus petits et les plus fins. Déployés en arborescence, ils relient les veinules et les artérioles, et ferment ainsi la boucle du réseau de la circulation sanguine. Les capillaires fournissent aux cellules les nutriments et le dioxygène.
du cerveau, ainsi que la pression d’oxygène à une profondeur de 300 à 400 micromètres. Le tout avec une précision spatiale de l’ordre du micron et une résolution temporelle inférieure à une seconde. La mesure simultanée de ces deux paramètres a permis de montrer que la concentration de l’oxygène, tant dans les vaisseaux que dans le tissu cérébral, fluctuait au cours d’une activation sensorielle. Quant à la mesure de la pression en oxygène, elle s’effectuait, auparavant, via des électrodes de Clark. Ce système très invasif, puisque les électrodes devaient être plantées dans le cerveau, permettait uniquement de mesurer l’oxygène dans le tissu cérébral. L'étude a également apporté la preuve de ce que des modèles théoriques laissaient supposer : dans les capillaires du cerveau, le sang n’est pas oxygéné de manière homogène, les régions entourant les globules rouges sont plus oxygénées que le reste du plasma sanguin. Et grâce à l’imagerie biphotonique, ce phénomène peut être observé directement.
Par ailleurs, l’imagerie biphotonique devrait permettre à terme d’explorer plus facilement les affections neurologiques qui se traduisent par une modification des apports en oxygène des tissus cérébraux, tels que les accidents vasculaires cérébraux ou encore les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer.

Erwan Leconte

Cartographie de la pression partielle en oxygène dans les vaisseaux du cerveau. Les couleurs indiquent des taux en oxygène différents dans les vaisseaux.
Ⓒ Serge Charpak /Inserm