Assistance médicale à la procréation
Où en est la France ?

Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire vient de publier un numéro sur l’assistance médicale à la procréation. Premier constat : en 2009, les techniques d’AMP ont permis la naissance de 21 759 enfants, soit 2,6 % des naissances en France. Un chiffre assez stable depuis 2005. Quelles en sont les raisons ? Et quelles perspectives pour ces techniques ?

Le 7 juillet dernier, la loi de bioéthique a été publiée au Journal Officiel. Le cadre médical de l’assistance médicale à la procréation (AMP) y a été réaffirmé : elle reste limitée aux couples en âge de procréer et qui souffrent d’infertilité. « Cette stricte réglementation peut expliquer que le nombre de tentatives d’AMP reste stable en France, mais aussi que des personnes recherchent dans d’autres pays des solutions à leur attente », explique Pierre JouannetPierre Jouannet
Centre de recherche Sens, éthique, société (CNRS/Université Paris -Descartes), ancien président de la fédération des Cecos
qui a coordonné le numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 14 juin dédié à l’AMP.
Couples homosexuels, femmes seules ou ménopausées n’y ont pas accès en France, contrairement à d’autres pays comme la Belgique, l’Espagne ou la Grèce. Et les patientes françaises qui s’y rendent ont surtout recours aux dons de sperme ou d’ovocyte, ou encore à la gestation pour autrui. Mais certaines pourraient en toute légitimité bénéficier d’une AMP dans notre pays, notamment pour les dons d’ovocyte. Alors pourquoi traverser les frontières ? Parce que les délais d’attente vont parfois jusqu’à 5 ans…
Dans son rapport d’activité de 2010, l’Agence de la biomédecine (ABM) le reconnaît : « La situation du don d’ovocytes en France est préoccupante. » En 2009, seules 328 femmes ont fait des dons, ce qui a permis 933 FIVFIV
La fécondation in vitro repose sur deux techniques : la FIV classique (les spermatozoïdes rencontrent les ovocytes dans un milieu de culture) et l’ICSI. Cette technique consiste en l’injection intra-cytoplasmique d’un spermatozoïde dans l’ovocyte.
et 190 naissances. « Ce nombre est très largement insuffisant car, à raison de deux couples receveurs pouvant bénéficier des ovocytes issus d’une donneuse, il aurait fallu 800 donneuses supplémentaires. » Résultat : plus de 1 600 couples étaient en attente d’un don fin 2009.
Pour Pierre Jouannet, l’AMP dans notre pays est aussi confrontée à une « épidémie de grossesses multiples », conséquence du transfert de plusieurs embryons au cours des FIV. « En 2006, le taux de naissances multiples en France était de 20,6 % contre 5,8 % en Suède. Or ces grossesses multiples comportent des risques non négligeables de complications pour les femmes et les enfants. » Françoise Merlet, médecin référent AMP à la Direction médicale et scientifique de l’ABM, souligne cependant les efforts dans ce sens : « En 2004, nous étions en moyenne à une réimplantation de 2,15 embryons, aujourd’hui nous sommes à 1,8. D’ailleurs, le taux moyen d’accouchements gémellaires en FIV en 2009 est de 18 %. » Pour améliorer encore ces chiffres, Pierre Jouannet prône, chez les femmes les plus jeunes et les plus fertiles, le transfert sélectif d’un embryon, celui doté des meilleures chances de s’implanter. « Les recherches actuellement menées sur les premiers stades de développement devraient nous permettre de définir des critères rigoureux de sélection et privilégier le transfert d’un seul embryon », confirme Françoise Merlet.
Autre perspective de l’AMP : la cryoconservation des gamètes et des tissus germinaux (ovaires et testicules), notamment pour contrer les effets destructeurs d’une chimiothérapie sur les organes reproducteurs. « Avec l’Institut national du cancer et les professionnels, nous travaillons sur les possibilités de préserver la fertilité, notamment lorsque le traitement anticancéreux intervient avant la puberté », assure Françoise Merlet. Pour les femmes, le tissu ovarien serait prélevé, conservé, puis regreffé après le traitement. Une possibilité qui a déjà fait ses preuves : en 2009, Ysaline est le premier bébé français né suite à une autogreffe ovarienne. Une naissance naturelle.

Gaëlle Lahoreau

Dans 95 % des cas, le enfants sont issus des gamètes du couple
Ⓒ Carole Fumat Source : Agence de la biomédecine