Greffe osseuse
Cellules souches et biomatériaux, un tandem gagnant

Une nouvelle technique alliant cellules souches et biomatériaux est en passe de révolutionner la greffe de tissus osseux. Entrez dans l’ère de la médecine régénérative !

Aujourd’hui, en cas de fracture sévère ou d’ostéonécroseOstéonécrose
Affection caractérisée par la mort des cellules du tissu osseux
, le chirurgien greffe des tissus osseux ou pose une prothèse. Plus d’un million de greffes sont ainsi réalisées chaque année en Europe, l’os étant le tissu le plus transplanté chez l’homme.
Il existe deux types de greffe. La première est dite « autologue » : le prélèvement est réalisé sur le patient lui-même, sur sa hanche par exemple, pour consolider le tibia. La seconde est dite « allogénique » : le tissu osseux provient d’un donneur. Malheureusement, ces techniques ne sont pas dénuées d’inconvénients. Ainsi, l’autogreffe entraîne deux interventions chirurgicales à deux endroits différents du corps et le prélèvement de tissu est limité en quantité. Dans le cas de l’allogreffe, le principal risque reste le rejet. Dans certaines situations, des substituts synthétiques de l’os, les biomatériaux à base de phosphate de calcium, sont une alternative aux greffons traditionnels et peuvent être implantés seuls ou mélangés à une ponction de moelle osseuse réalisée dans les os plats du patient. Mais en raison de la faible proportion de cellules souches dans le prélèvement, on ne peut soigner que de petites fractures.
Tous les inconvénients de ces techniques vont bientôt pouvoir être évités. Avec le projet Reborne, une équipe européenne coordonnée par Pierre LayrollePierre Layrolle
Unité 957 Inserm/Nantes
du laboratoire Physiopathologie de la résorption osseuse et thérapie de tumeurs osseuses primitives à Nantes a en effet mis au point une nouvelle technique de greffes qui combine des cellules souches à un biomatériau.
Sous anesthésie locale, on prélève au préalable de la moelle osseuse ou du tissu adipeux chez le patient. Puis, on isole les cellules souches qui sont alors multipliées dans des centres de production. « En culture, on obtient aisément 400 millions de cellules souches mésenchymateuses, qui interviennent dans le processus de cicatrisation », indique Pierre Layrolle. Ensuite, ces dernières sont associées à de la céramique synthétique ou un hydrogel selon l’intervention. Enfin, le mélange est implanté au niveau du site osseux à régénérer. Cette approche permet donc de pallier les défauts de la greffe traditionnelle. « Si nous utilisions les cellules souches mésenchymateuses seules, précise Pierre Layrolle, elles ne se fixeraient pas toutes à l’endroit souhaité, beaucoup seraient drainées et distribuées ailleurs dans l’organisme. Le biomatériau comble cette lacune en jouant le rôle d’échafaudage dans la cicatrisation. »
Les essais précliniques chez l’animal ont été couronnés de succès avec la régénération d’os gravement endommagés. Cinq tests cliniques devraient être lancés en 2012, sur des victimes de fractures d’os longs (fémur, tibia), ainsi que sur des patients nécessitant une augmentation osseuse au niveau de la mandibule, os de la mâchoire inférieure, pour la pose d’implants dentaires. Viendront ensuite des essais pour le traitement de l’ostéonécrose chez l’adulte, puis chez l’enfant. L’utilisation en routine de la thérapie cellulaire et de la médecine régénérative lors des greffes osseuses est donc sur la bonne voie, comme le démontre la diversité des chantiers présents et futurs.

Pascal Nguyên

Implant sous-cutané Implant sous-cutané formé à partir de cellules souches et d’un biomatériau chez la souris
Ⓒ Unité 957 Inserm /Inserm