Médecine de demain - Ondes térahertz
Voir à travers la matière

Qui n’a jamais rêvé de voir le contenu d’une boîte sans l’ouvrir ou même à travers les vêtements ? C’est maintenant possible grâce aux ondes térahertz. Et l’imagerie médicale pourrait bientôt en bénéficier pour scruter encore plus précisément nos cellules.

C’est dans le domaine de la sécurité que les premières applications grand public liées aux ondes térahertz (THz) ont vu le jour. En effet, la faculté première de ces rayonnements électromagnétiques est de permettre de discerner sans contact, ni rayonnement ionisantRayonnement ionisant
Il interagit avec la matière en arrachant des électrons à ses atomes et en lui transférant une certaine quantité d’énergie.
des éléments à travers des matières opaques. La poste centrale de Tokyo est ainsi équipée d’appareils capables de détecter des explosifs ou des toxines dans des lettres sans avoir à les ouvrir. Dans certains aéroports, de nouveaux portiques de sécurité permettent d’identifier les objets transportés par les passagers en rendant leurs vêtements quasiment invisibles. Autre exemple, des expériences ont été menées en archéologie pour explorer le contenu de céramiques antiques égyptiennes scellées. Surnommées « rayons T », ces ondes pourraient également être utilisées dans l’industrie afin de repérer des défauts de fabrication. Un projet européen, DOTNAC (Development and Optimisation of THz NDT on Aeronautics Composite multi-layered structure), s’intéresse particulièrement à l’usage des ondes THz sur les chaînes de production aéronautiques où les défauts dans les matériaux composites coûtent cher. Dans les télécommunications, les THz seraient à même d’augmenter les débits d’informations. Et enfin, compte tenu de leur capacité à voir au travers de certaines matières, les rayons T pourraient bien évidemment être exploités en imagerie médicale.
Toutefois, dans ce domaine, elles présentent un inconvénient car elles sont en grande partie absorbées par l’eau. Ainsi, comme le révèle Guilhem GallotGuilhem Gallot
Unité 696 Inserm/École polytechnique, Dynamique des interactions moléculaires et imagerie cellulaire, équipe Microscopies avancées et physiologie des tissus
, chargé de recherche au laboratoire d’optique et biosciences de l’École polytechnique : « Nous parvenons à traverser 1 millimètre d’eau liquide mais pas 1 centimètre. Ce qui est problématique pour explorer le corps humain, composé de 80 à 90 % d’eau. » Ces ondes ne permettraient donc pas de visualiser une fracture sur un os de la jambe, par exemple. En revanche, d’autres applications leur sont ouvertes. « Pour des cancers de la peau, qui ne nécessitent pas d’inspection en profondeur, avance le chercheur. En effet, il est possible d’exploiter cette faculté d’absorption pour localiser les zones cancéreuses qui se développent grâce à un réseau vasculaire contenant plus d’eau. »

Validé sur le principe

Outre les cancers de la peau, Guilhem Gallot a également démontré l’intérêt des rayons T dans l’observation des neurones. Grâce à un microscope THz, il a pu relever les infimes variations internes de concentrations en ions dans des cellules nerveuses, signe de leur activité. Des évènements qu’aucun microscope n’avait pu voir jusqu’alors. Et ce, « sans ajout de colorant, ni autre produit perturbateur », précise le physicien. Ces ondes ouvrent ainsi la voie à une technique véritablement non invasive. Quant aux effets indésirables, le chercheur estime que « l’interaction est possible avec le vivant mais peu probable. Les effets thermiques sont négligeables. Il y a actuellement des recherches sur l’impact potentiel. À ce jour, aucun risque n’a été mis en évidence. »
Mais cette méthode d’exploration THz est encore loin d’être au point. « Nous avons validé le principe général avec une technique difficile à reproduire hors laboratoire », déplore le chercheur. Aujourd’hui, les scientifiques se heurtent à l’absence d’outils émetteurs et récepteurs qui leur permettraient de travailler en situation réelle. Toutefois, même si les rayons T devraient à terme aider à établir des diagnostics toujours plus précis, « ils ne feront pas table rase des autres techniques [IRM et rayon X, NDLR] », précise Guilhem Gallot.

Pascal Nguyên