Notre environnement
Une menace pour notre santé ?

Des pesticides dans les fruits, des parabènes dans les shampoings, des antennes-relais toujours plus nombreuses... Les progrès scientifiques et technologiques ont profondément changé nos demeures et notre quotidien. S’ils nous facilitent la vie, ils ont aussi amplifié le bruit, multiplié les ondes électromagnétiques et introduit des substances potentiellement nocives dans l’air que nous respirons ou les aliments que nous mangeons. Depuis la révolution industrielle, notre environnement s'est enrichi d’environ 100 000 molécules nouvelles. Et, pour la plupart d'entre elles, notre corps n'y avait jamais été exposé. Avec quels risques pour notre santé ? L’exposition à certaines d'entre elles ou à certains de leurs mélanges pourrait-elle expliquer des allergies, cancers, diabètes, mais aussi la baisse de la fertilité humaine ? Le monde qui nous entoure et que nous avons construit est-il en train de nous mener à notre perte ? Plongée dans les dangers de notre environnement quotidien…

Dossier réalisé avec la collaboration de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) unité Inserm 1085/Université Rennes 1/EHESP/Université des Antilles et de la Guyane

Dans nos rues, dans nos maisons, jusque dans nos assiettes…

Les nuisances et les polluants sont partout. À l’extérieur comme à l’intérieur de nos maisons. Chaque jour, à chaque moment de notre vie, nous exposons notre organisme à des centaines de molécules et particules différentes, qui menacent potentiellement notre santé.

Le corps est soumis à rude épreuve
Ⓒ Pierre Bourcier
Elle est invisible, silencieuse, souvent inodore, et tue chaque année des milliers d’Européens. Elle nous enveloppe dans les rues, s’attaque sans crier gare à nos poumons, met en péril la santé de nos enfants. La pollution atmosphérique est l’ennemi insidieux du citadin, comme l’a encore démontré l’étude Aphekom, coordonnée par l’Institut national de veille sanitaire (InVS), dont les résultats ont été rendus publics il y a un peu plus d’un an. Une soixantaine de scientifiques se sont penchés spécifiquement sur les impacts sanitaires de la pollution de l’air de 25 grandes villes européennes. Conclusions : près de 19 000 décès prématurés, dont 15 000 liés à des maladies cardiovasculaires, seraient imputables chaque année au dépassement de la valeur guide de l’OMS pour les particules fines (taux moyen annuel de 10 µg/m3). « Ce ne sont pas seulement les personnes déjà très fragiles qui décèdent du fait de la pollution, précise Rémy SlamaRémy Slama
Unité 823 Inserm/Université Joseph-Fourier
, de l’Institut Albert-Bonniot à La Tronche près de Grenoble. Les impacts de la pollution atmosphériques s’observent à court et long terme. » À Lille, Paris, Lyon, Strasbourg, le respect de cette valeur pourrait augmenter d’environ 6 mois l’espérance de vie à 30 ans de ses habitants. Les Marseillais pourraient eux gagner 7,5 mois de vie supplémentaires. Selon le projet EboDE (Environmental Burden of Disease in Europe) coordonné par l’OMS, cette pollution constitue même le premier fardeau environnemental en Europe : les particules fines en suspension dans l’air sont responsables de deux tiers des années de « bonne vie » perdues (mortalité prématurée et/ou incapacité à travailler) parmi les 9 risques environnementaux considérés (bruit, tabagisme passif, radon...). D’ailleurs, d’ici à 2013, la Commission européenne prévoit de réviser la réglementation actuelle à leur sujet ; leur taux est 2,5 fois supérieur à celui de l’OMS.

Un air irrespirable

« Le fait d’habiter à proximité du trafic routier serait aussi responsable d’environ 15 % des asthmes de l’enfant », ajoute Sylvia MédinaSylvia Médina
Médecin, santé publique, Institut de veille sanitaire
qui a coordonné l’étude Aphekom à l’InVS. « À Paris, il est totalement absurde d’avoir des crèches et des écoles près du périphérique. En Californie, construire une école à proximité des routes à fort trafic est interdit, rappelle Isabella Annesi-MaesanoIsabella Annesi-Maesano
UMR-S 707 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie, Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation, équipe « Épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires »
, chercheuse à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie. Mais ce qui est préoccupant, c’est que même les enfants qui habitent dans des zones avec des concentrations en particules fines proches des valeurs de “rêve” de l’OMS ont davantage de maladies allergiques et respiratoires. » Exposées pendant de longues années à la pollution atmosphérique, les personnes âgées voient aussi leur santé respiratoire se dégrader, avec plus de bronchites notamment. « Être exposé de façon répétée et continuelle, à des doses même faibles de pollution, a des conséquences », insiste la chercheuse. D’autres effets s’observent par ailleurs. « Il existe un lien entre les indicateurs de trafic et les leucémies chez les enfants », indique Jacqueline ClavelJacqueline Clavel
Unité 1018 Inserm/Université Paris-Sud 11, équipe « Épidémiologie environnementale des cancers »
, du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif. Les polluants atmosphériques pourraient aussi ralentir la croissance du fœtus et diminuer leur poids à la naissance. Pour le montrer, l’équipe de Rémy Slama s’est fondée sur la cohorte mère-enfant Eden, qui suit 1 800 enfants de Nancy et de Poitiers, et ce, depuis leur vie intra-utérine. Elle a aussi révélé un impact sur les cellules immunitaires jouant un rôle dans la régulation des réactions allergiques : plus les femmes étaient exposées à la pollution de l’air urbain pendant leur grossesse, plus le nombre de ces cellules immunitaires était faible chez le nouveau-né. Avec, à la clé, des asthmes et des allergies plus probables. « Contrairement à ce que l’on pense, la pollution de l’air ambiant urbain ne diminue pas. Les niveaux de particules restent stationnaires et les niveaux d’ozone augmentent », souligne Isabelle Annesi-Maesano. Et pourtant, il y a plus d’un demi-siècle que l’on en a pris conscience. Entre le 5 et 9 décembre 1952, un smog « à couper au couteau » recouvre Londres. Pollué par le chauffage au charbon, la circulation automobile et les industries, l’air fait plus de 12 000 morts dans les jours et les mois qui suivent. « Cet épisode fut l’une des premières preuves que la pollution atmosphérique pouvait influencer notre santé », souligne Rémy Slama. Une pollution qui reste toujours problématique et d’actualité.

En avoir les oreilles cassées

Mais la pollution atmosphérique n’est pas la seule. Un autre ennemi toujours invisible mais bien sonore met en péril notre équilibre : le bruit que génèrent, entre autres, les transports. Selon une étude de l’OMS publiée en 2011, il concourt chaque année en Europe à la perte de plus de 1,5 million d’années de « vie en bonne santé », dont plus de la moitié à cause de la perturbation du sommeil. Notre voisinage peut être une autre source de nuisances sonores : télévision, cris, aboiements... « Des sons considérés comme sans danger le jour peuvent avoir la nuit des effets délétères sur le sommeil, et ainsi des effets biologiques et psychologiques nocifs, souligne Yves CazalsYves Cazals
UMR Inserm 7286 Centre de recherche en neurobiologie-neurophysiologie de Marseille (CRN2M), équipe « Physiopathologies de l’oreille interne et réhabilitation »/UMR CNRS 7260 Neurosciences intégratives et adaptatives/Université Aix-Marseille
basé à l’université d’Aix-Marseille. Pour un repos nocturne de bonne qualité, le niveau sonore ne devrait pas excéder 30 décibels. » Somnolence, difficultés de concentration, irritabilité... Les troubles du sommeil ont rapidement des effets sur l’activité en journée, ils peuvent aussi entraîner, à terme, des hypertensions, des anomalies cardiaques et même des dépressions. Selon l’OMS, un Européen sur cinq serait régulièrement exposé, la nuit, à des niveaux sonores nocifs pour sa santé.
Le jour, le bruit change de cibles. Des études menées dans les écoles proches des aéroports ont montré que les enfants y avaient des performances réduites dans l’exécution de tâches telles que la lecture, la réalisation de puzzles difficiles... Mais, le bruit a surtout des impacts directs sur nos oreilles. En écoutant de la musique fortissimo, pendant des heures, nous épuisons les cellules ciliées de notre oreille interne. Au nombre de 15 000, elles sont très fragiles. Et moins de cellules ciliées, c’est moins d’audition. Les acouphènes en sont les signes avant-coureurs. Ces sifflements qui se font entendre en dehors de toute stimulation sonore sont dus à un message nerveux aberrant qui part de l’oreille vers notre cerveau. « Des enquêtes de terrain indiquent qu’aujourd’hui un usager de baladeur sur 10 risque d’avoir des troubles d’audition », avertit Yves Cazals. Si l’intensité du bruit est importante, la durée d’exposition l’est tout autant.« Un passage fortissimo à 110 dB pendant une minute dans un orchestre symphonique ou une rave party n'est pas forcément plus toxique que de longues écoutes quotidiennes sur des baladeurs à des volumes sonores supérieurs à 85 décibels », précise le chercheur, qui rêve de baladeurs MP3 qui enverraient un signal rouge aux utilisateurs lorsqu’ils auraient dépassé leur quota sonore de la journée !
Les ondes du quotidien
Ⓒ Pierre Bourcier
Si aujourd’hui tout un chacun baigne dans un monde sonore, il nage aussi dans un univers d’ondes électromagnétiquesOnde électromagnétique
Une onde est une vibration qui se propage dans l’espace. Le courant électrique alternatif produit un champ électrique et un champ magnétique également alternatifs : la succession des cycles « aller-retour » constitue l’onde.
émises par l’ensemble des dispositifs électriques et appareils électroniques qui se multiplient autour de nous. Sont-elles toutes à mettre dans le même bain ? Loin de là ! Chaque onde a des effets biologiques bien différents selon sa fréquence et son intensité. Les lignes à haute tension, par exemple, émettent des rayonnements électromagnétiques dans la gamme des basses fréquences, une gamme dans laquelle les champs magnétiques et électriques sont portés par des ondes différentes. « Alors que le champ électrique s’atténue de manière très forte au contact du corps humain, le champ magnétique, lui, pénètre notre corps et peut exciter nos muscles et nos nerfs. C’est ce qu’on appelle les “courants induits”. Ce phénomène est dangereux si le champ a une intensité supérieure à 5 millitesla », explique Isabelle LagroyeIsabelle Lagroye
Laboratoire de bioélectromagnétisme, laboratoire IMS UMR 5218, École pratique des hautes études, Bordeaux
du laboratoire de bioélectromagnétisme de Bordeaux. Pour comparaison, juste sous une ligne à haute tension de 400 000 volts, le champ magnétique moyen est de 6 microtesla ; à 30 m de distance il est de 1,6 microtesla, et à 100 m, de 0,16. En 2002, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), organisme de l’OMS, a toutefois classé ces champs magnétiques en tant que « cancérigènes possibles pour l’homme ». « Certaines études épidémiologiques ont montré une association entre l’exposition aux champs produits par les lignes de haute tension et des leucémies infantiles. Mais pour des valeurs de l’ordre de 0,3 microtesla ! À ce niveau d’exposition, cela ne passe pas par les courants induits. Par quoi ? On ne le sait pas, souligne la chercheuse. En outre, sous l’hypothèse que ce lien soit causal, des chercheurs ont calculé que le nombre de leucémies, dans un pays comme la France, serait d’un cas supplémentaire tous les 2 ans. Un nombre qui est à comparer avec les 400 nouveaux cas de leucémie par an. »

Dans un bain électromagnétique

Qu’en est-il de nos portables qui, eux, reçoivent et émettent dans la gamme des radiofréquences ? « Aujourd’hui, aucune étude épidémiologique, ni aucun mécanisme biologique connu, ne permet de dire que l’utilisation du téléphone mobile augmente le risque de tumeur du cerveau. Si, en 2011, le CIRC l’a classée comme "cancérigène possible", c’est surtout suite aux conclusions ambiguës de l’étude européenne Interphone qui concernait les utilisateurs intensifs. Certains pays trouvaient une augmentation de tumeurs, d’autres non », explique Catherine YardinCatherine Yardin
Unité d’histologie-cytologie-cytogénétique et biologie cellulaire, CHU de Limoges
, médecin et professeur à l’université de Limoges. En octobre 2011, une étude portant sur plus 300 000 Danois statuait sur l’absence de lien entre l’utilisation d’un mobile et l’apparition de tumeurs du cerveau. Actuellement de nombreuses associations demandent d’abaisser le seuil d’exposition aux radiofréquences des antennes-relais de téléphonie sans fil, de 41 et 58 Volt/mètre (V/m), à 0,6 V/m. « C’est une demande aberrante car les valeurs actuelles sont déjà 10 000 fois inférieures aux limites recommandées. La conséquence : cela va diminuer la zone de couverture de chaque antenne, multiplier leur nombre et conduire la plupart des portables à émettre plus pour capter le signal émis par la nouvelle antenne-relais », explique la chercheuse. Résultat : des ondes plus fortes près de l’oreille !
Mais in vitro, quelle est la réaction d’une cellule aux radiofréquences ? « Aux seuils de préconisation actuels, on ne détecte aucune altération chromosomique ni génique, aucun facteur de stress, ni de mort cellulaire », indique Catherine Yardin. En revanche, dès qu’on augmente la puissance, des effets thermiques apparaissent, comme dans un micro-onde. « Face à un champ électromagnétique, les molécules d’eau se réorientent et se mettent à tourner. Résultat : la température augmente et perturbe le fonctionnement des enzymes », explique Yves Le DréanYves Le Dréan
Unité 1085 Inserm/Université de Rennes I, Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail (Irset), équipe « TREC : Transcription, Environnement et Cancer »
, de l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail (Irset) de Rennes. Pourtant quand on téléphone, on a bien l’oreille qui chauffe ? « Oui, mais c’est dû à l’électronique, et surtout au fait de garder le téléphone tout contre soi, cela empêche la circulation d’air », justifie le chercheur.
Un peu plus loin dans la gamme des ondes électromagnétiques se trouve la lumière visible. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) considère actuellement avec attention les ampoules à diodes électroluminescentes (LED) riches en lumière bleue de forte intensité. Elles pourraient être nocives pour nos yeux. « Il existe surtout un risque pour les enfants jusqu’à l’âge de 7-8 ans. D’abord transparent, leur cristallin se charge progressivement en pigments qui filtrent les longueurs d’ondes dangereuses pour la rétine. Or la lumière bleue, proche du rayonnement ultraviolet, peut générer un stress oxydatifStress oxydatif
Déséquilibre entre la production par l’organisme d’agents oxydants nocifs (radicaux libres, notamment) et celle d’agents antioxydants (comme les vitamines E et C). Il entraîne une inflammation et la survenue de mutations de l’ADN.
dans les cellules et conduire à leur mort »,
explique Jean-Pierre CésariniJean-Pierre Césarini
Médecin photobiologiste, cancérologue, fondateur et directeur général de Sécurité solaire
, chercheur Inserm retraité et ancien directeur du Laboratoire de recherche sur les tumeurs de la peau humaine. Les personnes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l’âge y seraient également sensibles. Par ailleurs, tout ce bleu pourrait provoquer un dérèglement de notre horloge biologique. « Si elle est perçue le soir avant de se coucher, elle peut induire des retards à l’endormissement, prévient Claude GronfierClaude Gronfier
Unité 846 Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1
, de l’Institut Cellule souche et cerveau à Lyon. Elle pourrait aussi agir sur les autres fonctions associées à notre horloge : notre vigilance, notre mémoire, notre humeur. » Quant aux lampes à basse consommation, non protégées par une enveloppe, elles émettent des rayonnements ultraviolets qui pourraient être nocifs pour notre peau. Rappelons qu’en 2009, le CIRC a classé les rayonnements UV solaires et émis par les installations de bronzage artificiel comme « cancérogènes certains pour l’homme ». Un soleil bien plus dangereux pour notre santé que nos téléphones portables !
Mais il est inutile de se réfugier dans nos maisons pour se croire à l’abri des nuisances extérieures. Les ondes électromagnétiques, bien sûr, nous y poursuivent et aux polluants de l’air extérieur viennent s’ajouter ceux qui émanent de nos bâtiments, meubles et activités. Le tout s’y concentre, parfois à des taux 15 fois supérieurs à celui de l’extérieur. L’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) y a inventorié plus de 1 000 substances différentes : des composés organiques volatils (COV) comme le formaldéhyde, du monoxyde de carbone, des moisissures, ou encore des allergènes d’acariens. Il a aussi mesuré la concentration de 20 COV dans 567 logements. « Excepté deux molécules, tous les COV mesurés étaient présents dans 100 % des habitations et 10 % d’entre elles étaient polluées à de fortes concentrations par certains d’entre eux. Par ailleurs, 37 % des habitats présentaient une contamination par les moisissures », précise Séverine Kirchner, coordinatrice scientifique à l’OQAI. « Les personnes dont les domiciles présentaient au moins cinq COV à des concentrations élevées avaient respectivement 40 % et 22 % plus de risque d’asthme et de rhinite », ajoute Isabella Annesi-Maesano. Outre des maladies respiratoires, les cocktails de polluants de l’air intérieur peuvent provoquer des irritations des yeux, de la fatigue, des maux de tête, mais aussi des pathologies plus graves comme des troubles cardiovasculaires et des cancers. Ils pourraient aussi avoir des impacts in utero. L’équipe de Jacqueline Clavel a montré un lien entre l’utilisation ménagère d’insecticides par les femmes durant leur grossesse et les leucémies chez l’enfant.
Dans les écoles aussi, la qualité de l’air intérieur est préoccupante. « Près d’un enfant sur trois est scolarisé dans une école où la qualité de l’air ne répond pas aux critères de l’OMS pour les particules fines et à ceux de l’Anses pour le formaldéhyde », dénonce Isabelle Annesi-Maesano, dont l’équipe a analysé l’air de 401 classes reparties dans 108 écoles dans toute la France. La forte concentration en formaldéhyde a été reliée à l’utilisation des feutres et des colles par les enfants, et de solvant pour nettoyer les tableaux. Or, seulement 5 % des classes sont équipées, à ce jour, de système de ventilation mécanique. « L’hiver, par souci de confort thermique, d’économie d’énergie ou de bruits extérieurs, les fenêtres restent trop souvent fermées », déplore Séverine Kirchner. En outre, « l’aération pose problème lorsque les locaux se trouvent à proximité de voies de circulation à fort trafic, car il y a un transfert des polluants produits par les véhicules à l’intérieur des locaux », ajoute Isabella Annesi-Maesano. Quant à la qualité de l’air de nos bureaux, l’OQAI va s’y pencher dans les trois années à venir avec une attention particulière aux sources spécifiques de pollution : bataillons d’ordinateurs, d’imprimantes et de photocopieurs... D’ores et déjà, les polluants de l’air intérieur et extérieur font figure de coupables puisqu’ils sont probablement responsables de l’accroissement spectaculaire des allergies respiratoires : aujourd’hui près de 30 à 40 % de la population est touchée contre 15 % il y a 30 ans.

Des nids à polluants

Revenons au cœur de nos habitations. Là, s’il est bien des polluants qui gâchent la vie des maîtres de maison, ce sont ceux qui ne restent pas en suspension et qui ont la mauvaise idée de se déposer partout, sur les meubles, les tapis, les jouets, le sol… Dans les poussières de nos maisons, plus de 250 substances chimiques différentes ont ainsi été répertoriées par l’équipe de Philippe GlorennecPhilippe Glorennec
Unité 1085 Inserm/Université Rennes 1/École des hautes études en santé publique, Département Santé, environnement et travail, Institut de recherche sur la santé, l’environnement et travail, équipe « Recherches épidémiologiques sur l’environnement, la reproduction et le développement »
, de l’Irset de Rennes : du plomb, des PCBPCB
Composés aromatiques chlorés utilisés jusqu’en 1987 dans les transformateurs électriques, encres, peintures
, des pesticides, des retardateurs de flammes bromés... Ces derniers sont utilisés pour ignifuger les matériaux plastiques, les composants électroniques, mais aussi les « doudous » et vêtements. « Beaucoup de ces substances ont des effets nocifs sur la reproduction ou le développement des enfants. Bon nombre sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens », souligne le chercheur. C’est notamment le cas des phtalates qui composent parfois jusqu’à 40 % des revêtements de sol en vinyle. Perturbateurs endocriniens avérés, ils inhibent la production de testostérone chez le rongeur mais aussi chez l’homme. Anecdotique, la contamination par les poussières ? Pas si sûr, surtout pour les enfants qui jouent souvent à même le sol et portent facilement leurs mains à la bouche. Selon l’agence américaine pour l’environnement (EPA), un enfant ingère chaque jour quelques dizaines de mg de poussière. Il est donc conseillé d’avoir une maison propre. La serpillière humide serait bien plus efficace pour retenir les particules que l’aspirateur ! Même s’il n’est pas une partie de plaisir, le ménage est indispensable pour notre bonne santé...
D’autant qu’un ennemi redoutable, mais identifié depuis longtemps se cache dans les poussières de nos maisons : le plomb. Contrairement à d’autres métaux, il n’a aucune utilité dans notre organisme. Sa toxicité est grande : dysfonctionnement des reins, de la thyroïde, baisse de la fertilité, anémie... et même mort. Face à ce danger, les autorités sanitaires ont lancé depuis les années 1980 de vastes chantiers : rénovation des bâtiments vétustes recouverts de peintures au plomb, élimination des canalisations en plomb, interdiction de l’essence au plomb... Une politique qui a payé : en 13 ans, le nombre d’enfants atteints de saturnisme, c’est-à-dire avec un taux de plomb dans le sang supérieur à 100 µg/L, a été divisé par 20. Avec également une baisse de la plombémie moyenne qui est passée de 36 μg/L à 15 μg/L. Voilà pour la bonne nouvelle. La mauvaise maintenant : « 100 μg/L, c’est un seuil de déclaration administrative, pas un seuil d’innocuité. Aujourd’hui, on se rend compte des effets à très faibles doses, avec notamment un retentissement sur le développement cérébral des enfants. Et ils sont nombreux à être exposés à ces faibles doses », souligne Philippe Glorennec. Les symptômes sont alors discrets : difficulté de concentration, fatigue, hyperactivité... « L’intoxication est souvent multi-source », précise le chercheur dont l’équipe et ses partenaires (CSTB, InVS, AP-HP) ont réalisé près de 50 000 dosages et mesures isotopiques de peinture, de poussières, d’eau, de terre présente sur les aires de jeux, en parallèle de mesures sanguines. Des voix se font aujourd’hui entendre, dans la communauté médicale, pour baisser le seuil légal de saturnisme infantile à 50 μg/L, voire moins.
Après avoir chassé les poussières dans toute la maison, il est temps d’aller se débarbouiller dans la salle de bains. Et là encore, des polluants chimiques se cachent un peu partout, comme s’en est rendu compte Marion, qui, depuis sa grossesse, fait la chasse aux parabènes et aux phtalates, ces perturbateurs endocriniens, contenus dans les produits cosmétiques. « J’ai commencé à faire attention pour mon bébé, et après pour tout le monde. » Gels douches, shampoings, crèmes, tout y passe. Pour les enfants, la voie cutanée pourrait être une source d’exposition non négligeable aux produits chimiques. Une étude américaine a montré la présence de métabolites d’au moins 7 phtalates dans les urines de 80 % de 163 enfants, en lien avec l’application de lotions, poudres ou shampoings... Quant aux parabènes, « ils sont loin d’être les produits les plus actifs. Certains sont certes capables de se lier aux récepteurs des oestrogènes, mais la réponse provoquée serait de 100 000 à 1 million de fois plus faible que la réponse physiologique à l’hormone naturelle », rassure Patrick BalaguerPatrick Balaguer
Unité 896 Inserm/Université Montpellier 1, Plateforme CMT (Criblage de modulateurs transcriptionnels), équipe « Signalisation hormonale, environnement et cancer »
de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier. Utilisées comme filtre UV dans les crèmes solaires, « certaines benzophénones sont bien plus actives et plus problématiques », ajoute-t-il. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) recommande d’ailleurs de les éviter pour les enfants jusqu’à l’âge de 10 ans. Quant aux sels d’aluminium présents dans les déodorants, « les données épidémiologiques ne permettent pas d’établir un lien concluant entre l’exposition cutanée à l’aluminium et l’apparition d’un cancer du sein », note un rapport de l’Afssaps, tout en mettant en avant ses effets neuro- et reprotoxiques chez l’animal.
Une habitation « multirisques »
Ⓒ Pierre Bourcier

Du poison dans nos assiettes

Après la salle de bains, visite de la cuisine où Marion aurait pu trouver des biberons au bisphénol A (BPA), un autre perturbateur endocrinien. Mais il y a deux ans, la législation en a formellement interdit la présence, et depuis l’année dernière, l'Assemblée nationale a déposé au Sénat une proposition de loi pour le bannir de tous les contenants alimentaires : assiettes et bols en plastique rigide, boîtes de conserves et canettes en aluminium. « Le chimiste Edward Charles Dodds avait initialement sélectionné le BPA dans les années 1930 comme possible composé oestrogénique commercialisable », raconte Bernard Jégou, directeur de l’Irset. Outre les récepteurs aux oestrogènes, le BPA se fixe aussi sur d’autres récepteurs hormonaux. « Chez la souris, il a des effets sur les adipocytesAdipocytes
Cellules du tissu adipeux, spécialisées dans le stockage de la graisse
et le métabolisme des lipides. Cette réaction est aussi fortement suspectée chez l’homme où il pourrait favoriser l’obésité 
», explique Jean-Pierre CravediJean-Pierre Cravedi
UMR1331 Inra Toulouse, ToxAlim Toxicologie alimentaire
de l’Inra de Toulouse. De récentes études suggèrent aussi des effets sur les maladies cardiovasculaires, le diabète et le développement in utero des fœtus. « Certaines substances, notamment de type perturbateur endocrinien, ont un effet dramatique pendant la grossesse, alors que la même substance n’en aura aucun chez un individu adulte », souligne le chercheur. « Une seule exposition à un moment bien particulier de la grossesse peut suffire à produire des modifications irréversibles, en particulier sur l’appareil reproducteur mâle, plus dépendant de la production d’hormones », avertit Bernard Jégou. Tout comme le BPA, les phtalates sont classés parmi les « plastifiants »et sont notamment présents dans les plastiques souples des barquettes et films alimentaires, peuvent migrer des contenants aux aliments. Seront-ils aussi bientôt interdits ? « Mais, il ne suffit pas de bannir, il faut également trouver des molécules de substitution non nocives pour la santé », insiste Patrick Balaguer de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier.
Pour contaminer nos aliments, certains polluants utilisent une autre voie que celles des emballages : la chaîne alimentaire. Composés perfluorésComposés fluorés (PFC)
Composés utilisés pour rendre les matières imperméables : casseroles en téflon, vestes en Goretex®
, PCB, dioxinesDioxines
Contaminants qui se forment au cours de la combustion de matière organique (incinération des ordures ménagères ou combustion de déchets verts).
, pesticides, retardateurs de flamme bromés... Toutes ces molécules ont la peau dure : elles se dégradent très, très lentement dans le milieu naturel, se concentrant petit à petit tout au long de la chaîne alimentaire, et notamment dans les tissus graisseux des animaux. Pourtant interdit depuis 1987, les PCB sont ainsi encore retrouvés dans 86 % de nos aliments. Or, tous ces « salopards » sont des perturbateurs endocriniens qui ont souvent plusieurs cibles et donc des effets très divers sur notre santé. Pour les pesticides, « les impacts concerneraient surtout le neurodéveloppement, la croissance des enfants et l’obésité,indique Sylvaine CordierSylvaine Cordier
Unité 1085 Inserm/Université Rennes 1, Irset, équipe « Recherches épidémiologiques sur l’environnement, la reproduction et le développement »
de l’Irset de Rennes. Il existe aussi des présomptions de liens avec des troubles de comportement tels que l’hyperactivité ou l’autisme. »
L’eau qui coule de notre robinet de cuisine n’est pas exempte, elle non plus, de polluants cachés. Des pesticides, par exemple l’atrazine, un herbicide interdit depuis 2003 mais qui persiste durablement dans l’environnement et pourrait affecter le poids de naissance des bébés, comme le souligne une récente étude menée par Sylvaine Cordier à partir de la cohorte mère-enfants PELAGIE, une cohorte 100 % bretonne. Son équipe se penche aussi sur des molécules moins connues du grand public : les sous-produits de chloration de l’eau. Utilisé en sortie des usines de traitement de l’eau, le chlore permet de tuer les bactéries et les microbes, mais il engendre aussi la production de près de 600 sous-produits. Certains sont associés à des cancers de la vessie et du côlon. Leur effet in utero est aussi suspecté. Quant à Benoît RoigBenoît Roig
Unité 1085 Inserm/Université Rennes 1/École des Hautes Études en santé publique, Laboratoire d'étude et de recherche en environnement et santé/ Institut de recherche santé, environnement et travail
, du Laboratoire d’étude et de recherche en environnement et santé (Leres)-Irset à Nîmes, il recherche dans l’eau les résidus de médicaments. Présents à l’état de trace, peuvent-ils être un risque pour la santé ? « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de répondre sur une quelconque toxicité due à une exposition continue à ces molécules, indique le chercheur. Elles sont certes présentes en quantité infinitésimale. Cependant, elles ne sont pas retrouvées seules, mais en mélange. » Et, en effet, certains produits pourraient se révéler toxiques lorsqu’ils sont alliés à d’autres. « Mais l’impact combiné des molécules n’est pas forcément synergique ou additif, il peut aussi être antagoniste, souligne Robert BaroukiRobert Barouki
Unité 747 Inserm/Université Paris Descartes, Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire
de l’université Paris Descartes à Paris. Aborder la question des mélanges est une vraie question de fond. L’idée n’est pas de travailler directement sur les molécules mais sur les mécanismes biologiques, beaucoup moins nombreux. » Le tout avec une attention spéciale aux effets « cocktails » des polluants pendant la période embryo-fœtale, une période-clé durant laquelle organes, réseaux neuronaux, système immunitaire se mettent en place. Neuf mois de vie à protéger impérativement des dangers de notre environnement pour éviter que « même pas né, déjà contaminé »…
Un seul repas, combien d’agents néfastes ?
Ⓒ Pierre Bourcier

Mais où faut-il vivre ?

Face aux dangers de notre environnement vaut-il mieux vivre à la campagne qu’en ville ? Quels sont les lieux à éviter ? Notre « monde » ne risque-t-il pas de nous rattraper quel que soit le lieu où nous posions nos valises ?

Pour tout le monde c’est une évidence : à la campagne, la qualité de l’air est meilleure qu’en ville. C’est exactement ce que vient de confirmer une récente étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Elle y souligne également la différence d’origine des particules en suspensions, surtout liées au chauffage au bois, mais aussi aux pratiques agricoles avec l’émission de poussières émises par les engins ! Mais tout n’est pas noir dans les agglomérations. Loin de là ! « À Créteil, par exemple, on trouve des zones fortement polluées près de l’A86, mais il existe aussi des zones d’habitation très proches qui le sont très peu. Cela tient beaucoup aux aménagements urbains et notamment à la présence d’espaces verts », souligne Isabella Annesi-Maesano à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie.
Pour Sylvaine Cordier de l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail de Rennes (Irset), il convient « d’éviter les zones industrielles, les raffineries, les usines de traitement des déchets, les zones d’agriculture intensive ». À cette liste, nous pourrions ajouter les stations-service et les garages. Vivre près d’une source émettrice de benzène multiplie par quatre le risque de développer une leucémie chez les enfants. Habiter au-dessus des pressings est aussi déconseillé : près de 90 % d’entre eux utilisent du tétrachloroéthylène – aussi appelé perchloroéthylène ou « perchlo » – pour le nettoyage à sec des vêtements. Très volatil, ce solvant traverse les planchers et peut avoir des effets sur le système nerveux, le foie et les reins selon l’Anses. Mi-avril, le gouvernement a d’ailleurs annoncé un renforcement de sa réglementation : interdiction du « perchlo » dans les nouveaux établissements, fermeture des pressings aux émanations trop fortes et arrêt progressif des anciennes installations utilisant ce polluant d’ici à 2022. Le tout pour des pressings jouxtant des habitations.
Mais choisit-on toujours notre cadre de vie et les dangers qui y sont liés ? Quand Françoise a fait construire sa maison en 1993, à 18 km de l’aéroport de Roissy, le trafic aérien n’était pas aussi intense et son extension était prévue sur d’autres secteurs. « J’ai cru choisir un environnement à l’écart du bruit. Mais en 1999, j’ai vu arriver des avions juste au-dessus de ma maison. » Déménager ? Françoise n’y a jamais songé. « Mon travail est à 3 km. Toute ma famille est ici ! » Pour Élodie, le souci n’est pas venu du ciel, mais du périphérique parisien. « J’ai pris conscience des risques de la pollution atmosphérique quand j’ai su que mon fils devait être scolarisé dans une école située à 200 m du périphérique, raconte Élodie, près de Paris. Plus d’un million de véhicules y circule chaque jour ! Comme on en avait les moyens, on l’a inscrit dans le privé. Mais tout le monde n’a pas cette possibilité. Beaucoup de gens qui habitent le long du “périph” sont en situation précaire et logent dans des HLM. »
Ne serions-nous pas tous égaux face aux dangers de notre environnement ? Y aurait-il une « injustice environnementale » ? La réflexion sur ce concept est encore récente en France. Il est étudié depuis une trentaine d’années aux États-Unis, porté par le constat d’un « racisme environnemental » vis-à-vis des populations noires et hispanophones, plus sujettes à avoir dans leur voisinage des décharges et des usines polluantes. « Ces injustices environnementales peuvent contribuer à l’accroissement des inégalités sociales de santé », selon Denis Zmirou-NavierDenis Zmirou-Navier
Unité 1085 Inserm/Université Rennes 1/École des hautes études en santé publique, Département Santé, environnement et travail/Institut de recherche santé, environnement et travail
, co-directeur de l’Irset. Dans le cadre du projet Equit’Area, son équipe les étudie à Lille, Paris, Lyon et Aix-Marseille, chacune découpée en petites unités territoriales d’environ 2 000 habitants pour lesquelles l’Insee produit des statistiques socio-économiques : les unités Iris. À Lille par exemple, les sites industriels sont apparus plus nombreux dans les zones les plus défavorisées. Outre des différences d’expositions, les chercheurs étudient aussi les différences de vulnérabilité.« Les groupes socio-économiques défavorisés sont souvent plus sensibles aux effets sanitaires des pollutions. Leur état de santé est souvent plus dégradé et ils ont un moindre accès au système de soins »,précise Séverine DeguenSéverine Deguen
Unité 1085 Inserm/Université Rennes 1/École des hautes études en santé publique, Département Santé, environnement et travail/Institut de recherche santé, environnement et travail, équipe « Recherches épidémiologiques sur l’environnement, la reproduction et le développement », Hautes études en santé publique
, professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes, qui coordonne le projet. Accéder à des données sanitaires à des échelles fines n’est cependant pas simple. « Pour des raisons de confidentialité mais aussi par tradition administrative, les données de mortalité sont par exemple agrégées à l’échelle communale ou à celle de l’arrondissement. Une échelle bien trop grossière pour rendre compte des inégalités sociales », regrette la chercheuse.
En se fondant sur le découpage territorial des unités Iris, des chercheurs de l’Observatoire régional de la santé PacaPaca
Unité 912 Inserm/Aix-Marseille Université, Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale
se sont penchés sur les inégalités d’exposition au bruit routier. Ils ont montré qu’à Marseille les classes intermédiaires y étaient les plus soumises. À l’inverse, à Paris, ce sont les populations des quartiers socialement favorisés ! Pour aboutir à ce résultat surprenant, l’équipe de Basile ChaixBasile Chaix
Unité 707 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie, Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation
, à la faculté de médecine Saint-Antoine, a couplé les modélisations de l’Observatoire du bruit de la ville de Paris à la cohorte Record, la première cohorte à se consacrer à l’étude des disparités de santé en France. « Notre objectif est aussi d’explorer l’association entre l’exposition au bruit et le risque d’hypertension artérielle », précise le chercheur. Le bruit du trafic aérien sera aussi pris en compte. Chaque jour, plus de 800 avions survolent la commune de Gonesse, à 5 km de Roissy : « Je vis dans une ville où l’on cumule les handicaps. Dans les écoles, les enfants arrivent souvent fatigués, énervés. Les vols de nuit doivent y être pour beaucoup » souligne Olivier, conseiller municipal de cette ville. En effet, les territoires défavorisés conjuguent souvent différentes nuisances. « C’est aux autorités publiques, locales et nationales, de faire en sorte que chaque personne vive dans un lieu décent », pointe Denis Zmirou-Navier. Un constat partagé par l’avocat François Lafforgue, qui défend les familles confrontées au saturnisme infantile en lien avec des logements insalubres et des pollutions industrielles. « En 2007, la Cour de cassation de Paris a rendu une décision sans précédent en condamnant l’usine de traitement de batteries usagées de Métal-Blanc de Bourg-Fidèle, dans les Ardennes, pour le délit de "mise en danger de la vie d’autrui" », souligne-t-il. Située au cœur de la ville, l’usine a rejeté du plomb dans l’air jusque dans les années 2000, intoxiquant irrémédiablement adultes et enfants !
Alors où vivre ? Loin des axes de trafic routier et aérien, de zones industrielles et agricoles intensives ? Mais une décision qui intègre de nombreuses autres variables : lieu de travail, attaches familiales, ressources financières. Pour le reste, le vent et les rivières décideront pour vous en emportant ou non vers votre lieu de résidence les pollutions ambiantes.

Gaëlle Lahoreau