Activite physique
Les seniors se bougent

À l’heure où les jeunots se surpassent aux Jeux olympiques de Londres, que font les personnes âgées ? La même chose. L’activité physique leur est largement accessible. Non seulement comme une forme de prévention des effets du vieillissement, mais aussi à haut niveau. Trois spécialistes le confirment.

Ce n’est pas Jean-Claude Killy, avec sa longue carrière sportive, du ski alpin à la course automobile, qui le contredira : le sport, même de haut niveau, n’est pas réservé aux jeunes. « Depuis trente ans, les performances des seniors au marathon de New York n’arrêtent pas de s’améliorer », déclare Romuald LepersRomuald Lepers
Unité 1093 Inserm/Université de Bourgogne
, chercheur à l’unité Cognition, action et plasticité sensorimotrice. Le physiologiste, triathlète lui-même, et son collègue Thomas Cattagni ont examiné l’évolution du profil des marathoniens et comparé leurs performances au cours de ces trente dernières années. Plus précisément, ils ont analysé l’évolution des 10 meilleurs coureurs de chaque classe d’âge. Si pour les moins de 60 ans, la moyenne des temps pour parcourir les célèbres 42,195 km n’a pas changé, elle a nettement diminué pour les plus âgés. « Ainsi, avec un temps moyen de 3 h 50, le top 10 des hommes entre 60 et 65 ans a gagné 8 minutes pendant la période 1990-2000, puis 7 minutes lors de la décennie suivante. Pour les femmes, ce sont les catégories d’âge supérieures à 45 ans qui ont le plus progressé », précise le chercheur.

La retraite, l’âge des records

Pourquoi l’évolution des performances des classes d’âge concernées est-elle différente selon le genre ? L’explication serait sociétale : les femmes se sont mises au marathon plus tardivement que les hommes. Nul doute, pour Romuald Lepers, que la parité va se rétablir dans les prochaines décennies. Mais comment expliquer cette diminution des temps de course des hommes de plus de 65 ans ? « L’augmentation du nombre de participants joue en partie », estime le chercheur. Les sports d’endurance comme le marathon se sont en effet démocratisés. « De plus, on note un intérêt croissant de cette partie de la population pour l’activité physique. Plaisir du sport, bénéfices pour la santé, et aussi esprit de compétition. Ils n’étaient pas forcément les meilleurs quand ils étaient plus jeunes. Mais le passage à la retraite leur donne le temps nécessaire pour s’entraîner plus. » Bien que ces résultats soient ceux des meilleurs de chaque classe d’âge, et non pas de l’ensemble des participants, pour le chercheur le message est clair : « Il n’est jamais trop tard pour faire du sport. » Fauja Singh, le premier centenaire a avoir terminé un marathon (Toronto, en octobre 2011) en est un bon exemple : il n’avait commencé à courir que vingt ans auparavant. Soit à 80 ans ! L’étape suivante pour Romuald Lepers ? S’intéresser à l’aspect physiologique de cette évolution des performances.
En dehors de l’intérêt compétitif, pratiquer une activité physique permet aussi de faire reculer les effets du vieillissement… qui commence très tôt. Dès l’âge pas si canonique de 30 ans,« on perd entre 3 et 8 % de masse musculaire tous les 10 ans, précise Martine Duclos, chef du service de Médecine du sport et des explorations fonctionnelles au CHU de Clermont-Ferrand. Et le processus s’accélère à partir de 50 ans pour atteindre une perte de 1 à 2 % par an. » Plus que la perte de la masse, c’est la baisse de la qualité musculaire qui doit inquiéter. « Pour l’évaluer en pratique clinique, on utilise différents tests, explique la chercheuse. L’un d’eux consiste à mesurer la distance parcourue pendant six minutes tandis qu’un autre s’intéresse à la vitesse de marche sur 4 mètres. » En dessous de certaines valeurs établies en fonction du sexe et de l’âge, on peut alors dépister des sujets à risques. Les plus fragiles ? Les femmes, chez qui la sarcopénie, ce phénomène par lequel un individu perd sa masse musculaire au profit de sa masse adipeuse, débute plus tôt : elle concerne 15 % d’entre elles entre 50 et 64 ans contre 10 % des hommes à partir de 65 ans.

Tout dans les muscles

Quelles recommandations alors pour éviter ou limiter la perte de muscle ? « L’activité physique au quotidien : monter les escaliers à pied, marcher de façon active, effectuer trois fois par semaine trois séries de 10 répétitions de mouvements des jambes (fléchissements, appui sur pointe des pieds) et des bras (avec une bouteille d’eau)… » Des exercices d’autant plus essentiels que le muscle est un véritable acteur de la santé : la diminution de la qualité musculaire entraîne une gêne dans les activités quotidiennes, la fatigue se fait ressentir plus vite, car pour un même effort, il faut recruter plus de muscles. Bref, c’est tout le maintien de l’autonomie qui est en jeu. Et ce n’est pas tout, solliciter ses muscles permet aussi de maintenir ses capacités cognitives. Surtout, les sujets souffrant de sarcopénie présentent un pourcentage plus élevé de chutes et voient augmenter leurs risques de morbidité et de mortalité.
C’est dans ce contexte que l’essai randomisé « Ossébo », codirigé par Patricia Dargent-MolinaPatricia Dargent-Molina
Unité 953 Inserm/Université Pierre-et-Marie Curie, Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants
, épidémiologiste à l’Inserm, et Bernard Cassou, professeur de santé publique et médecin gériatre au centre de gérontologie Sainte-Périne, à Paris, a été lancé. Son but ? Vérifier s’il est possible de prévenir les chutes graves, et surtout celles entraînant des fractures, par des exercices. « Au-delà de 75 ans, une personne sur trois fait au moins une chute dans l’année et, à âge égal, les femmes sont plus à risque que les hommes, rappelle Patricia Dargent-Molina. Dans notre étude, nous avons donc inclus des femmes de plus de 75 ans, qui vivent à leur domicile mais avec des capacités physiques locomotrices diminuées et donc un risque plus élevé de chute et de fracture. » De nombreux traitements de l’ostéoporose préventifs des fractures sont actuellement disponibles, mais ils sont à réserver aux femmes à haut risque sur le plan osseux. « Si on veut diminuer significativement le nombre de fractures et autres traumatismes graves liés à une chute dans la population, il faut disposer de mesures de prévention complémentaires pouvant être proposées à un grand nombre de personnes âgées. » L’exercice physique apparaît actuellement comme une des mesures les plus prometteuses. C’est pourquoi 706 femmes, réparties dans 20 centres d’études en France, participent à l’étude « Ossébo ». Au programme ? Ateliers hebdomadaires en petits groupes, et en fonction de leurs capacités, exercices à la maison. Et tout ça pendant deux ans. « Elles sont encadrées par des spécialistes de l’entraînement des personnes âgées, grâce au partenariat avec l’association SIEL Bleu, un groupe associatif qui propose des programmes utilisant l’Activité Physique Adaptée (APA) comme outil de prévention santé et de bien-être. » Au programme : principalement des exercices axés sur le travail de l’équilibre et visant à améliorer les capacités de protection en cas de chutes. « Les premiers résultats suggèrent une amélioration », note la chercheuse. Les exercices permettent certainement aux participantes de reprendre confiance en elles-mêmes tout en appréhendant mieux leur limite. Fin de l’étude prévue en mai 2013.
En attendant les résultats définitifs, vous savez ce qu’il vous reste à faire : préférer l’escalier aux ascenseurs, marcher régulièrement et, pourquoi pas, se lancer dans la pratique d’un sport. Après visite chez le médecin pour les plus âgés !

Julie Coquart