Plasticité neuronale
Électrique plutôt que chimique

La plasticité neuronale n’est plus ce que l’on croyait. Du moins, ce neurone de rat coloré en vert (photo 1) a-t-il permis à Émilie CampanacÉmilie Campanac
Unité 1072 Inserm - Aix-Marseille Université
, sous la direction de Dominique DebanneDominique Debanne
Unité 1072 Inserm - Aix-Marseille Université
, de l’unité Neurobiologie des canaux ioniques de la synapseSynapse
Point de jonction entre deux neurones : l’un, pré-synaptique, d’où arrive l’influx nerveux et l’autre, post-synaptique, où vont se fixer les neurotransmetteurs.
, de mettre en évidence un nouveau mode d’action des interneurones. Comme leur nom l’indique, ceux-ci établissent des connexions avec d’autres neurones qu’ils inhibent. Leur rôle est de réduire l’excitation générale du cerveau : chaque phase d’excitation doit, en effet, être compensée par une phase d’inhibition pour éviter des anomalies de fonctionnement comme l’emballement des réseaux de neurones. Il existe plusieurs classes d’interneurones et celui de la photo appartient à celle des cellules « en panier », caractérisée par la présence de parvalbumine - une protéine qui fixe le calcium - en rouge sur la photo 2. Ils tirent leur nom imagé de la capacité qu’ont leurs multiples axones d’aller entourer, tel un panier, le corps cellulaire d’autres neurones. Leur action inhibitrice se traduit par la libération d’un produit chimique - le neurotransmetteur GABA (acide ?-aminobutyrique) - vers les neurones post-synaptiques. Jusqu’alors, on pensait que l’équilibre entre excitation et inhibition, impliqué dans la plasticité cérébrale, se faisait au travers de la régulation des contacts synaptiques entre neurones. Dominique Debanne et ses collègues ont montré que ce n’était pas entièrement vrai : « Une grande partie de l’ajustement se fait par des changements de leurs propriétés électriques qui dépendent de petites protéines localisées à la surface des interneurones. » Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont soumis les synapses excitatrices s’articulant sur ces interneurones à une stimulation électrique à haute fréquence. Ils ont alors observé une augmentation de leur excitabilité intrinsèque. Autrement dit, l’interneurone devient plus excitable et participe plus facilement à l’inhibition des neurones principaux. En court-circuitant les synapses, les scientifiques ont obtenu le même résultat, preuve que l’augmentation persistante de l’excitabilité n’est pas due à celles-ci. Ce changement est le résultat de la régulation de canaux localisés à la surface des interneurones, sensibles au potentiel électrique et qui laissent passer des ions.
Figures | Neuron 77, 1–11, 20 février 2013
© Émilie Campanac, Célia Gassel in, Agnès Baude, Sylvain Rama, Norbert Ankri, Dominique Debanne
À l’inverse, un autre type d’interneurones, comme celui identifié par la flèche sur la photo 3, ne montre pas de variation de son excitabilité intrinsèque. Sur les photos 4 et 5, on note l’absence de parvalbumine dans ce neurone (flèche). Les chercheurs planchent encore sur son identification.
Outre l’amélioration des connaissances fondamentales du fonctionnement du cerveau, cette découverte pourrait avoir des débouchés en recherche clinique. En effet, des dysfonctionnements dans le contrôle de l’équilibre entre excitation et inhibition jouent un rôle dans certaines maladies telles l’épilepsie et les troubles schizophréniques.

Julie Coquart