III. Processus de réception et traitements des messages sanitaires
2017
ANALYSE |
7-
Apports théoriques de la psychologie à la réflexion sur l’efficacité des campagnes de prévention santé
Les liaisons supposées dangereuses entre les publicités alimentaires et la santé du consommateur potentiellement influencé dans ses choix sont au cœur de la réflexion engagée sur l’efficacité des campagnes de prévention, avec une inquiétude grandissante vis-à-vis de l’évolution des conduites en matière d’alimentation et d’activité physique. Face à ces changements sociétaux dont les conséquences sont réellement préjudiciables à la santé de la population, les pouvoirs publics ont pour mission d’agir pour endiguer l’augmentation des maladies liées à une mauvaise alimentation. L’une des modalités d’action a consisté à mieux informer l’individu des risques qu’il encourt à consommer certains produits alimentaires trop gras, trop sucrés, trop salés. Précisément, les bannières sanitaires apposées au bas des publicités (affichage, presse, télévision) qui font la promotion de ces produits manufacturés sont utilisées pour mettre en garde l’individu face à sa consommation « excessive ». Mais, le message sanitaire à lui seul a-t-il le pouvoir de modifier les comportements des consommateurs ? Peut-on espérer une totale adhésion de l’individu à ces mises en garde ? Ne dit-on pas qu’un individu informé en vaut deux ? À l’évidence, l’efficacité de ces messages sanitaires pose question, et plus généralement l’efficacité des campagnes de prévention santé en matière d’alimentation est pointée du doigt. À n’en pas douter, la psychologie offre un cadre de réflexion pertinent sur les différents freins qui font obstacle à une communication préventive dite réussie. La connaissance du fonctionnement psychologique de l’individu est donc une donnée incontournable à considérer compte tenu de la problématique abordée dans cette expertise. L’objectif de ce chapitre est donc de présenter trois grandes théories du fonctionnement psychologique de l’individu, connues et validées à ce jour sachant que ces théories sont utilisées comme cadres de référence dans le domaine de la prévention/promotion santé. Nous verrons que la présentation de ces théories sera l’occasion d’impulser en parallèle une réflexion sur les deux versants de toute tentative de communication en prévention santé : le versant cognitif avec la question de la mobilisation des ressources (cognitives, attentionnelles) de l’individu pour traiter le message sanitaire et le versant émotionnel avec la question du ressenti de l’individu qui réagit aux caractéristiques de la situation de persuasion et aux propriétés du message véhiculé. À l’appui de ces connaissances, une brève discussion sera engagée non seulement sur les caractéristiques de la situation de communication (message, emplacement, couleur, émotion) mais également sur la nature des mesures collectées et leurs limites (attention, mémoire, intention, attitude mais peu de comportements).
Partons des caractéristiques de la situation de communication : « Mangez cinq fruits et légumes par jour » ; « Pratiquez une activité physique régulière » ; « Évitez de grignoter entre les repas » ; « Ne mangez pas trop gras, trop salé, trop sucré »… Toutes ces injonctions ont pour mission de rappeler à l’individu que ses comportements alimentaires ont une incidence directe sur sa santé, et qu’il convient donc de se plier à ces quelques règles élémentaires pour préserver son capital santé. Or, la communication en santé n’est pas chose aisée car l’adhésion aux préconisations que véhiculent ces messages n’est pas si simple à obtenir. Le fonctionnement psychologique de l’individu exposé à ces tentatives de persuasion non dissimulées est nécessairement à connaître pour s’assurer que les modalités choisies pour lui communiquer ces préconisations en matière de santé ne vont pas être sans effet ou pire, conduire au renforcement des comportements incriminés (Werle et Cuny, 2012
). Dans ce chapitre, nous avons fait le choix d’amorcer cette réflexion sur le fonctionnement psychologique de l’individu en partant d’une des composantes incontournables commune à toute situation de prévention santé, à savoir le message sanitaire délivré. Plus spécifiquement, nous allons nous intéresser au cadrage choisi pour ce message, sachant que cette caractéristique du message va nous permettre de découvrir pas à pas deux grandes théories dont les apports méritent d’être considérés. À travers la quête du « bon » message sanitaire, celui qui est capable « d’atteindre le public ciblé en lui délivrant les informations pertinentes, précises, accessibles et compréhensibles » (Bernhardt, 2004
, p. 2051 ; voir aussi Randolph et Viswanath, 2004
), nous verrons plus généralement combien la psychologie offre un cadre propice sur lequel s’appuyer pour concevoir les messages sanitaires des futures campagnes de prévention santé. L’apport de ce chapitre ne se limite cependant pas à cette composante essentielle qu’est le message sanitaire, d’autres alternatives existent pour amener l’individu à des comportements plus favorables à la santé. Ces alternatives privilégient le versant émotionnel de la communication en santé par rapport au versant cognitif. À la lumière d’une troisième théorie aujourd’hui bien connue des chercheurs en psychologie, nous verrons que la communication en santé peut emprunter des voies encore trop peu explorées pour s’affranchir des stratégies habituellement utilisées et gagner potentiellement en efficacité.



Théorie des perspectives ou Prospect Theory
L’art de délivrer habilement un message de santé est un savoir-faire essentiel à la réussite de toute situation de communication persuasive. Le terme de « cadrage » du message est utilisé pour préciser son orientation, à savoir si le message met l’accent sur les pertes auxquelles l’individu s’expose s’il ne se plie pas à la recommandation (loss-frame message) ou sur les bénéfices qu’il peut retirer à adopter la recommandation (gain-frame message). Le cadrage du message s’appuie à l’origine sur une théorie économique (Prospect Theory) qui a été développée en 1979 par Kahneman et Tversky
(voir aussi Tversky et Kahneman, 1981
). Selon cette théorie, l’individu n’est pas toujours cohérent et rationnel dans ses décisions sachant qu’il se révèle particulièrement sensible à la perspective de gain ou de perte (Rothman et Salovey, 1997
). Ainsi, lorsqu’il a à choisir entre deux options, l’une risquée et l’autre pas, un cadrage axé sur les gains potentiels l’amènera plus volontiers à choisir l’option non risquée alors qu’un cadrage centré sur les pertes le conduira davantage à s’engager sur l’option plus risquée.



Appliquée au domaine de la communication en santé, cette théorie permet de distinguer deux types de situation : celles consistant à s’engager dans des mesures jugées peu risquées dites de protection (se mettre de la crème solaire pour prévenir l’apparition de problèmes cutanés notamment en situation d’exposition au soleil) pour lesquelles le message est plus classiquement cadré sur le gain et celles consistant à entreprendre des comportements jugés plus risqués dits de détection (mammographie) pour lesquelles le message est cadré sur la perte (« si vous ne passez pas une mammographie, vous prenez le risque qu’une anomalie ne soit pas détectée »). Les effets du cadrage du message de santé sur l’individu ne sont pourtant pas si simples qu’il n’y paraît. Plusieurs méta-analyses sont à considérer sachant qu’elles font ressortir des résultats pas toujours compatibles et consensuels. Elles sont l’occasion d’impulser une réflexion sur les théories psychologiques qui permettent de mieux comprendre les phénomènes de résistance à la persuasion, comme nous allons le voir ci-après.
Commençons par la méta-analyse publiée en 2007 par O’Keefe et Jensen
. Elle compile 93 études sélectionnées sur la base de plusieurs critères qui sont les suivants : les études traitent explicitement des effets du cadrage du message ; leurs messages cadrés sur le gain mettent en avant les bénéfices attendus et ceux cadrés sur la perte signalent les risques encourus ; leurs messages relèvent seulement des comportements de prévention et pas des comportements de détection ; la disponibilité des données quantitatives collectées permettant de comparer le pouvoir de persuasion de ces messages sur l’individu. Sur la base des résultats de cette méta-analyse, O’Keefe et Jensen (2007
) concluent que pour les messages sanitaires visant à encourager des comportements de prévention, les messages ciblés « gain » (qui mettent en avant les avantages à s’engager dans ces comportements de prévention) sont significativement plus persuasifs que les messages focalisés sur les « pertes » (qui mettent l’accent sur les inconvénients à ne pas s’y plier). Toutefois, cette différence ne semble pas apparaître pour tous les thèmes de santé. Précisément, ils rapportent que cette différence significative entre les deux types de messages comparés serait essentiellement due aux études menées sur la problématique de l’hygiène dentaire, sachant que les autres problématiques de santé abordées dans les études considérées ne font pas ressortir une telle différence (maladies sexuellement transmissibles ; cancer de la peau ; alimentation, nutrition). Dès 2007, cette méta-analyse signale donc des résultats pas toujours consensuels quant aux effets du cadrage du message à privilégier pour s’assurer de l’adhésion de l’individu au comportement préconisé. Les travaux considérés dans cette méta-analyse sont l’occasion pour O’Keefe et Jensen de poser un regard critique sur cette théorie comme seul cadre d’interprétation des données en communication santé. Au regard de la théorie des perspectives (Prospect Theory), ces auteurs soulignent qu’un autre élément est à prendre en compte pour mieux comprendre les comportements de l’individu : l’évaluation qu’il fait de la force du lien entre la conduite préconisée et la survenue d’une conséquence/maladie. Précisément, si le lien entre l’hygiène dentaire et l’apparition de problèmes dentaires semble plus direct à établir, le lien entre la pratique d’exercice physique et le risque de faire une crise cardiaque est moins évident, comme c’est aussi le cas avec le vaccin qui ne garantit pas d’être protégé de la maladie (grippe). Dans le paradigme de recherche classique de Tversky et Kahneman (1981
), deux alternatives sont offertes aux individus, une relativement risquée, l’autre relativement non risquée. Si ce paradigme permet d’examiner les effets du cadrage sur l’option qui est préférée, il n’est pourtant pas pleinement satisfaisant car il faudrait inclure dans l’équation qui amène au comportement non seulement l’évaluation que fait l’individu de la certitude de la conséquence, mais aussi la difficulté de mise en oeuvre du comportement préconisé (se brosser les dents tous les jours ne peut pas être comparé au sevrage tabagique) ou encore le caractère normatif du comportement souvent encouragé par l’entourage.



Dans une méta-analyse publiée en 2011, Akl et coll.
pointent combien il est difficile d’extraire sur les 35 études qu’ils ont sélectionnées des résultats unanimes quant aux effets du cadrage du message. En plus de prendre en compte le cadrage du message, les auteurs ont choisi de porter attention à son caractère plaisant ou déplaisant. Autrement dit, ils ont pris soin d’inclure comme critère de sélection la valence intrinsèque du message qui peut être soit positive soit négative. En d’autres termes, le cadrage du message (gain versus perte) et sa valence (positive versus négative) peuvent être différemment combinés ce qui permet de comprendre pourquoi des résultats consensuels sont difficilement obtenus entre les études. Par exemple, le message de type gain « Si vous vous soumettez à un test de dépistage du cancer » peut être associé soit à une information positive telle que « sachez que la probabilité de survivre à un cancer est de 2 sur 3. » ou à l’opposé à une information négative telle que « sachez que la probabilité de mourir d’un cancer est de 1 sur 3 ». Il en est de même avec le message de type perte « Si vous ne vous soumettez pas à un test de dépistage du cancer » qui peut être soit couplé à une information positive, soit combiné à une information négative. L’intérêt de cette méta-analyse est précisément de souligner que la valence intrinsèque du message est à prendre en compte, et ce d’autant plus que les émotions que suscite le message peuvent être un frein ou à l’inverse un moteur à l’efficacité du message. Selon Akl et coll. (2011
), outre la dimension émotionnelle du message, il y aurait en réalité trop de variables (accès aux soins) qui entrent en jeu pour permettre de conclure à un effet stable et robuste du cadrage du message sur l’efficacité des campagnes de prévention santé. En conséquence, ces auteurs recommandent la plus grande prudence quant à la tentation de généraliser les effets du cadrage du message observés dans certaines études. Ils préconisent également de tester l’efficacité des interventions (des campagnes de communication) empiriquement et en contexte naturel car les expériences menées en laboratoire révèlent parfois des résultats qui sont différents de ceux observés dans un environnement « naturel » (voir Ganzach et coll., 1997
).



Alors même que Akl et coll. (2011
) mettent en doute l’importance de considérer les caractéristiques du message de prévention santé (cadrage, valence) sur l’efficacité des interventions considérées, une méta-analyse plus récente encore, celle de Gallagher et Updegraff (2012
), relance la réflexion en proposant nombre de pistes intéressantes à explorer. Cette méta-analyse (Gallagher et Updegraff, 2012
) est à la fois plus large et plus précise dans sa contribution à saisir les effets du cadrage du message en prévention santé. Comparée aux autres méta-analyses, elle présente l’avantage de n’inclure que des travaux publiés dans des revues indexées (les thèses et rapports ne sont pas considérés). Pour cette méta-analyse, les auteurs reprennent les critères d’inclusion adoptés par O’Keefe et Jensen (2007
) mais ils sont moins restrictifs puisqu’ils prennent en compte à la fois les études réalisées sur les messages de prévention et celles menées sur les messages de détection. Autre point fort de cette méta-analyse, et non des moindres, les auteurs proposent de distinguer les effets du cadrage du message sur les attitudes et intentions de l’individu d’une part et sur son comportement d’autre part. Autrement dit, cette distinction a pour intérêt de clarifier les mesures de persuasion considérées, avec l’attitude et l’intention qui sont plutôt des réponses cognitives immédiates et le comportement qui est une donnée beaucoup plus significative de l’efficacité du message. Même si des travaux sont en faveur de l’existence d’un lien entre les intentions exprimées et le comportement effectif (Hagger et coll., 2002
), parier sur la présence systématique de ce lien reste risqué. Au total, 94 études sont considérées dans cette méta-analyse.





Dans la lignée de la théorie des perspectives de Rothman et Salovey (1997
), Gallagher et Updegraff (2012
) s’attendent à ce que les messages de type « gain » soient susceptibles de favoriser l’adoption de comportements préventifs de santé alors que les messages de type « perte » seraient plus susceptibles de favoriser l’adoption de comportements de santé de détection (voir aussi Meyerowitz et coll., 1991
; Rothman et coll., 1996
et 2006
). Notons que dans cette méta-analyse, tous les modes de communication en santé sont considérés, que le message soit diffusé dans la presse écrite, en contexte auditif seulement ou encore en situation audiovisuelle.





S’agissant des comportements de prévention qui sont ceux qui nous intéressent plus spécifiquement pour cette expertise, ils rapportent, tout comme O’Keefe et Jensen (2007
), un avantage (même si celui-ci est modéré) pour les messages de type « gain » sur les messages de type « perte » lorsque les mesures ciblent les attitudes et les intentions. S’agissant des mesures comportementales, Gallagher et Updegraff (2012
) rapportent que les messages de type « gain » sont nettement plus convaincants que les messages de type « perte » pour la promotion de comportements préventifs de santé. Cet effet est notamment observé pour trois problématiques que sont le sevrage tabagique, la prévention du cancer de la peau et la promotion de l’activité physique. Une des contributions majeures de cette méta-analyse est de pointer cet écart entre les résultats obtenus pour les attitudes et intentions d’une part, qui révèlent des effets plus modérés du cadrage du message et les résultats obtenus via des mesures comportementales qui marquent davantage l’intérêt à utiliser des messages de type « gain ». Retenons ici que l’absence d’effet du cadrage du message sur les attitudes et intentions n’est donc pas pour autant synonyme d’une absence d’effet sur le comportement, d’où l’importance de combiner le plus souvent possible ces deux types de mesures, et d’accorder plus d’importance à la mesure des comportements qui est plus strictement représentative de l’efficacité du cadrage du message.


Forts de ces résultats, Gallagher et Updegraff (2012
) soulignent que la théorie de Tversky et Kahneman (1981
) qui a largement influencé la recherche sur les effets du cadrage du message en prévention/promotion santé ces 15 dernières années ne peut à elle seule rendre compte de l’hétérogénéité des effets observés. La raison évoquée est solide si l’on considère que le cadrage du message peut communiquer d’autres types d’informations qui pourraient potentiellement influencer plus directement le comportement des individus. Précisément, les croyances de l’individu en sa capacité à réaliser le comportement préconisé (sentiment d’auto-efficacité), l’émotion positive suscitée par le message, ou encore les normes sociales (« tout le monde est capable de manger sain, vous aussi ») jouent un rôle clé quant à l’efficacité du message dans sa mission de persuasion. Ces facteurs sont d’autant plus importants qu’il s’agit d’entreprendre des changements de mode de vie qui sont souvent perçus comme difficiles ou complexes. Gallagher et Updegraff (2012
) évoquent également le poids d’une variable interindividuelle non négligeable qui est la perception du risque encouru. Cette variable aurait le pouvoir à elle seule de modérer les effets du cadrage du message. La question de l’existence de différences interindividuelles est donc soulevée et permet d’amorcer la transition vers une autre théorie psychologique qui met précisément l’accent sur les particularités de l’individu. Il s’agit de la théorie du Regulatory Focus (Higgins, 1997
, 1998
, 2000
) qui, nous allons le voir, gagne à être considérée dans la réflexion engagée sur l’efficacité des messages de prévention santé (Ludolph et Schulz, 2015
).







Théorie du focus de régulation ou Regulatory Focus Theory
La façon dont le message de santé est libellé, focalisé sur le gain ou sur la perte, fait écho à la théorie du focus régulateur (Higgins, 1998
et 2000
; Lee et coll., 2000
) qui défend l’existence de différences interindividuelles quant au fonctionnement motivationnel. Selon cette théorie, il convient d’établir une distinction entre deux styles cognitifs, l’un plus favorable à la prise de risques (style promotion) selon lequel les individus recherchent l’avancement, la réussite, tandis que l’autre est plus tourné vers la sécurité, le respect des règles afin d’éviter toutes conséquences négatives (style prévention). Tout individu qui doit réaliser une tâche s’orienterait spontanément vers des stratégies (risquées versus sécuritaires) qui sont à l’image de son style cognitif habituel puisqu’instauré au fil de ses expériences personnelles. À l’heure actuelle, il existe plusieurs questionnaires et/ou échelles (voir Higgins et coll., 2001
; Lockwood et coll., 2002
) qui permettent de déterminer/d’identifier le style cognitif de chacun, c’est-à-dire la tendance relativement stable à être soit dans la prise de risque pour réussir, soit dans la sécurité.





Un ensemble de travaux a par ailleurs montré qu’un style cognitif peut être temporairement induit chez un individu, alors même que ce style n’est pas compatible avec son mode de fonctionnement chronique (Freitas et coll., 2005
; Bar et Neta, 2006
et 2007
; Mehta et Zhu, 2009
). Les procédures d’induction consistent en l’utilisation de messages verbaux ou plus simplement de stimuli visuels (forme, couleur) qui amorcent explicitement ou implicitement un mode de fonctionnement (Elliot et coll., 2007
; Dries-Tönnies et coll., 2014
et 2015
). Ces éléments sont particulièrement éclairants si l’on considère que la « bonne réception » des messages sanitaires pourrait donc dépendre de la façon dont ils sont libellés et selon que cette formulation corresponde ou pas au style cognitif de l’individu ciblé (vigilance-prévention, empressement-promotion).







Lorsque cette formulation est en adéquation avec le style cognitif de l’individu, les termes de « regulatory fit » sont utilisés pour désigner une situation harmonieuse où l’individu se sent « à l’aise » et davantage motivé à atteindre l’objectif fixé (Higgins, 2000
; Avnet et Higgins, 2006
; Hong et Lee, 2008
). Précisément, pour comprendre le phénomène du « regulatory fit », considérons les processus cognitifs à l’oeuvre dans cette situation de traitement d’un message sanitaire. Selon Cesario et coll. (2008
), lorsque l’individu est exposé à un message sanitaire dont les caractéristiques correspondent à son style cognitif, cette « bonne » réception du message engendre chez lui un ressenti positif qui n’est pas sans importance. Autrement dit, un ressenti positif découle de l’adéquation entre les caractéristiques du message sanitaire et le style cognitif de l’individu, ce ressenti étant soit lié aux conditions favorables de traitement de l’information, soit au contenu informationnel délivré. D’après Lee et Aaker (2004
), ce ressenti positif se nourrit de la fluidité du traitement du message et conduit l’individu à adopter une attitude favorable vis-à-vis des informations traitées. Lorsque le contenu informationnel du message lui-même est à l’origine de ce ressenti positif, le comportement préconisé est de fait coloré positivement ce qui engendre des attitudes positives vis-à-vis des recommandations (voir Schwarz et Clore, 1983
et 1988
; Schwarz, 1990
; voir aussi Cesario et coll., 2008
; Appelt et coll., 2009
). En résumé, il semble crucial de créer des messages qui suscitent des émotions positives vis-à-vis des comportements préconisés (Higgins, 2000
) dans la mesure où les individus sont plus enthousiastes à poursuivre un but qui correspond à leur mode de fonctionnement chronique.











La pertinence de considérer cette théorie dans le domaine de la prévention santé est appuyée par une analyse récente publiée en 2015 par Ludolph et Schulz
. Ces auteurs partent du principe que les résultats hétérogènes jusqu’ici observés concernant le cadrage du message peuvent être clarifiés et réinterprétés à la lumière de la théorie du focus régulateur qui a pour avantage de prendre en compte l’adéquation du cadrage du message au style cognitif de l’individu. Parmi les trente études considérées et retenues pour insertion dans leur analyse, 23 ont été menées aux États-Unis. La majorité d’entre elles cible les intentions comportementales des individus, certaines d’entre elles concernant notamment les comportements alimentaires (voir tableau 7.I
).


Précisément, les cinq critères d’inclusion dans cette analyse sont les suivants :
• les études comportent un dispositif expérimental permettant d’assurer un lien de causalité entre les hypothèses dérivées de la théorie mises à l’épreuve et les variables considérées ;
• les études portent sur les comportements de prévention ou de promotion de la santé ;
• les études pour lesquelles le message de santé est un stimulus expérimental ;
• les études évaluent la réponse de l’individu à travers au moins un de ces indicateurs : comportement effectif, intention, persuasion, rappel de l’information, attitude.
Tableau 7.I Études incluses dans l’analyse de Ludolph et Schulz (2015) qui concernent la problématique d’une alimentation saine (ou la nutrition)
Étude
|
Comportement ciblé
|
Mesures collectées
|
Impact bénéfique de la théorie du focus régulateur
|
---|---|---|---|
Alimentation saine
|
Intention comportementale
|
Oui
|
|
Alimentation saine
|
Implication/Engagement
|
Oui
|
|
Alimentation saine
|
Intention comportementale
|
Partiellement
|
|
Alimentation saine
|
Intention comportementale
|
Oui
|
|
Alimentation saine, activité physique
|
Intention comportementale Persuasion
|
Partiellement Contrastés
|
|
Alimentation saine, activité physique
|
Attitude
Persuasion
Intention comportementale
|
Oui
Oui
Oui
|
|
Alimentation saine
|
Comportement
|
Oui (seulement à 4 mois)
|
|
Alimentation saine
|
Comportement
|
Oui
|
|
Alimentation saine
|
Intention comportementale
Comportement
|
Oui
Oui
|
Dans le tableau 7.I présenté ci-dessus figurent uniquement les études qui ciblent les comportements alimentaires, avec la mention des mesures collectées et l’influence du style cognitif de l’individu telle que le prédit la théorie du focus régulateur. À l’image des résultats massivement en faveur de la théorie du focus régulateur sur cet ensemble d’études, les auteurs rapportent que sur les 30 études prises en considération (toutes thématiques confondues), pas moins de 26 témoignent d’effets significatifs en faveur des hypothèses issues de cette théorie. À la lumière de cette analyse, une première en la matière, Ludolph et Schulz (2015
) concluent que la théorie du focus régulateur s’avère particulièrement prometteuse quant à la réflexion engagée sur l’efficacité des messages sanitaires. Les auteurs encouragent donc à prendre en compte cette théorie qui défend l’existence de différences interindividuelles quant au style cognitif (motivation). Ils préconisent de favoriser l’adéquation du cadrage du message au style cognitif de l’individu pour en optimiser l’efficacité.

La pertinence d’établir des liens entre le cadrage du message et les différences interindividuelles telles que définies dans la théorie du focus régulateur est illustrée ci-dessous au travers de trois études particulièrement informatives. L’idée force commune à ces travaux est qu’il paraît opportun de considérer la possibilité qu’un comportement suscite un état d’esprit (promotion versus prévention) qu’il est judicieux de prendre en compte pour adapter le mode de communication qui lui correspond (message de type « gain » versus message de type « perte »).
En 2004, Lee et Aaker exploitent les principes de la théorie motivationnelle du focus régulateur pour élaborer deux types de message accompagnant la présentation d’une publicité pour produit alimentaire (un jus de raisin). La moitié des participants était exposée à la version dite « promotion » qui mettait l’accent sur l’énergie et les nutriments retirés à la consommation du produit, l’autre moitié des participants était exposée à la version dite « prévention » qui mettait l’accent sur les propriétés de protection du produit qui réduisent la survenue de cancer et/ou de maladies cardiovasculaires. Dans la version « promotion » de cette publicité, le cadrage du slogan était manipulé de sorte qu’il mette l’accent sur le gain avec « Faîtes le plein d’énergie ! » (Get energized) ou sur la perte avec « Ne ratez pas l’occasion de faire le plein d’énergie ! » (Don’t miss out on getting energized). Dans la version « prévention » de cette publicité, le cadrage du slogan était également manipulé, avec un slogan gain du type « Protégez vos artères » (prevent clogged arteries), comparé à un slogan perte du type « Ne ratez pas l’occasion de protéger vos artères » (Don’t miss out on preventing clogged arteries). L’attitude des participants vis-à-vis du produit était évaluée à l’aide d’une échelle en 7 points à partir de trois items (négative-positive ; défavorable-favorable ; mauvaisbon). Les résultats sont conformes à la théorie du focus régulateur avec des attitudes plus positives envers le produit dans la version promotion quand le slogan est centré sur le gain et dans la version prévention lorsque le slogan est centré sur la perte.
Outre le fait que ces auteurs répliquent ces résultats dans plusieurs expériences et pour différents types de produits, ils permettent également de faire la lumière sur l’importance de considérer le rôle que joue le risque perçu dans la survenue de ces effets. Précisément, ils ont sondé l’attitude de participants vis-à-vis d’un produit naturel de type « complément alimentaire » permettant de renforcer les défenses immunitaires. Les participants étaient distingués selon le degré de risque encouru de contracter la mononucléose (fort versus faible). Ils rapportent que ce produit donnait lieu à une attitude plus positive lorsque le slogan était centré sur le gain chez les participants à risque faible ; lorsque le slogan était focalisé sur la perte chez les participants à risque fort.
En résumé, dès 2004 (voir aussi Aaker et Lee, 2001
), Lee et Aaker mettent en évidence que l’attitude envers un produit de consommation courante (un jus de raisin, un complément alimentaire) est sensible au mode de fonctionnement que les informations fournies amorcent chez les individus (prévention versus promotion), un effet positif étant observé sur l’attitude des participants quand le type de slogan utilisé fait écho au mode de fonctionnement induit (promotion/gain ; prévention/perte). Cette compatibilité entre le mode de fonctionnement induit et le cadrage du slogan facilite le traitement des informations fournies et favorise ainsi l’adhésion de l’individu. En conséquence, peu importe le mode de fonctionnement chronique de l’individu (orientation naturelle de l’individu pour le mode prévention ou promotion), il est possible d’amorcer temporairement un mode de fonctionnement compatible au cadrage des informations fournies pour optimiser les conditions de persuasion.

Dans une étude plus récente menée sur 98 adultes âgés en moyenne de 41 ans, Pfeffer (2013
) s’intéresse à la promotion de l’activité physique. Selon elle, la théorie du focus régulateur est un cadre parfait pour s’interroger sur l’efficacité des messages sanitaires, avec l’idée que les messages de masse, trop généraux, ne permettent pas de toucher de manière ciblée les individus. À l’appui de cette théorie, elle fait l’hypothèse que libeller les messages sanitaires selon le style cognitif des individus devrait favoriser leur efficacité puisqu’en adéquation avec leur mode de fonctionnement chronique (prévention versus promotion). Pour les besoins de son étude, elle compare deux types de messages (promotion versus prévention) et examine en quoi l’adéquation entre la formulation du message et le style cognitif des individus permet d’observer un effet positif sur leur intention à s’engager dans le comportement, leur évaluation du message (préférence) ; et plusieurs autres variables dont les émotions (positives ou négatives) associées au comportement (passé et futur). Pour le message de type promotion, l’accent est mis sur le gain à s’engager dans une activité physique régulière (being physically active will improve your physical performance). Pour le message de type prévention, l’accent est mis plutôt sur les risques encourus auxquels l’individu peut échapper s’il s’engage dans une activité physique régulière (being physically active prevents you from chronic heart diseases). Autrement dit, pour le message de type prévention, l’explicitation de ce qui peut être évité est préférée à l’explicitation de ce qui pourrait être perdu/encouru, ce qui a pour incidence de garantir une même coloration émotionnelle (positive) pour les deux types de messages comparés dans cette étude. Les principaux résultats confirment au moins en partie la pertinence de prendre en compte les différences interindividuelles telles que définies dans la théorie du focus régulateur, des effets positifs de l’adéquation entre le type de messages et le style cognitif de l’individu étant observés au niveau intentionnel (en particulier avec le message du type prévention) mais aussi sur l’émergence d’émotions positives associées au comportement (avec le message de type promotion). Cette étude suggère donc de concevoir les messages de santé en s’appuyant sur l’existence de ces différences interindividuelles. Trouver les arguments qui permettent d’instaurer ce « regulatory fit » qui a pour effet de favoriser l’adhésion des individus aux messages sanitaires, telle est la recommandation de Pfeffer (2013
) aux annonceurs qui devraient concevoir au moins deux types de messages, des messages qui font écho au mode de fonctionnement « promotion » et des messages qui font écho au mode de fonctionnement « prévention » (voir aussi Werth et Foerster, 2007
). Notons que cette adéquation entre les caractéristiques du message sanitaire et le style cognitif de l’individu (« regulatory fit ») permet également de faire le lien avec les émotions des individus vis-à-vis du comportement préconisé. À nouveau, la question des émotions de l’individu est soulevée et l’efficacité des messages de santé semble ne pas pouvoir s’affranchir d’une discussion relative aux conséquences émotionnelles de cette situation de traitement des messages sanitaires, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre.



Dans la même lignée que les travaux de Pfeffer (2013
), les travaux de Chien
publiés la même année sont également compatibles avec la réflexion engagée sur la théorie du focus régulateur, même si cet auteur n’établit pas le parallèle entre ses résultats et la dite théorie. La question de recherche qu’il se pose est de savoir comment augmenter la motivation des individus (180 étudiants) à se faire vacciner contre la grippe (exposition à des bannières sur Internet). Il manipule à la fois le cadrage du message (gain versus perte) et les conditions de présentation du message (message blanc sur fond rouge ; message blanc sur fond bleu ; message noir sur fond jaune). D’après les résultats rapportés à un questionnaire de persuasion comportant 4 items, les individus se déclarent plus enclins à se faire vacciner lorsque le message est cadré « perte » par rapport au message cadré « gain » mais seulement lorsque le message est présenté en blanc sur fond rouge. L’utilisation de la couleur rouge qui signale potentiellement une menace (activation du mode prévention), associée à un message dont le cadrage met l’accent sur la perte conduit à une plus forte intention à se faire vacciner (voir aussi Gerend et Sias, 2009
), résultat qui paraît des plus cohérents à la lumière de la théorie du focus régulateur (regulatory fit). À l’évidence, l’interprétation de ces résultats dépasse donc la seule question de la perception visuelle du message, sachant qu’aujourd’hui plusieurs études fournissent des résultats en faveur de cette idée que les couleurs sont susceptibles d’amorcer implicitement un style cognitif plutôt qu’un autre (Mehta et Zhu, 2009
), à la condition que la signification culturelle des couleurs soit prise en considération (Elliot et Maier, 2007
). La contribution forte de cette étude est qu’elle met l’accent sur la possibilité de favoriser l’adhésion à un message sanitaire en amorçant chez l’individu un style cognitif via des indices visuels (couleur), style cognitif en adéquation avec la façon dont le message est libellé. Ainsi, l’idée selon laquelle la connaissance du style habituel des individus n’est pas indispensable est confirmée puisque l’individu peut être induit temporairement dans un style cognitif adapté au cadrage du message sanitaire véhiculé.





Si ces trois études sont particulièrement informatives quant à l’importance à accorder à ces différences interindividuelles telles que définies par la théorie du focus régulateur, on peut néanmoins regretter qu’elles se limitent à l’évaluation immédiate des attitudes et des intentions comportementales des individus. Cette critique souligne la nécessité pour les recherches futures d’examiner l’efficacité de combiner ces deux paramètres (cadrage du message et couleurs de présentation) pour améliorer la mise en œuvre effective du comportement préconisé (pas seulement les intentions) et ce, non seulement sur l’instant mais également sur le long terme, ligne de recherche prometteuse pour les études à venir.
En résumé, la question du cadrage du message offre l’opportunité d’inscrire la réflexion de l’efficacité des messages sanitaires au sein des deux théories précédemment mentionnées, la théorie des perspectives et la théorie du focus régulateur (la théorie de la probabilité d’élaboration « Elaboration Likelihood Model » proposée par Petty et Cacioppo en 1986
gagne également à être considérée, comme le souligne notamment le chapitre « Modèles et processus psychosociaux du changement et de la résistance appliqués aux messages sanitaires » dans cette expertise). Concevoir des messages de santé plus spécifiquement ciblés au regard de ces deux grandes théories semble être une stratégie toujours moins coûteuse que celle qui consiste à développer des messages « sur mesure » (voir Kreuter et coll., 2000
; Noar et coll., 2007
). Gardons à l’esprit que ces deux théories ne sont pas incompatibles dans leur conception du fonctionnement psychologique de l’individu, comme l’ont déjà judicieusement pointé Rothman et coll. (2006
). Ces derniers soulignent également la nécessité de s’interroger sur la façon dont les pratiques de santé peuvent être initiées mais aussi et surtout maintenues dans le temps (Rothman, 2000
; Rothman et coll., 2004
). Comment le cadrage des messages peut-il être utilisé pour motiver les individus à adopter durablement un comportement ? L’exposition répétée à un même type de cadrage pourrait-elle nuire à son efficacité ? À l’évidence, des recherches sont à mener pour appréhender l’efficacité du cadrage du message dans le temps, sachant que la plupart des études ne nous renseigne que sur une fenêtre de temps très réduite quant à l’efficacité du cadrage du message (mesurée une seule fois, après une seule exposition).






Théorie du conditionnement évaluatif ou Evaluative Conditioning Theory
Comme nous avons pu le voir avec ces deux théories (Prospect Theory ; Regulatory Focus Theory), la frontière est mince entre les aspects cognitifs et affectifs de la situation de communication en prévention santé. Force est de reconnaître que l’efficacité de la communication préventive ne peut être examinée sans tenir compte de ce versant affectif. Sachant que les émotions de l’individu sont potentiellement un levier à considérer pour engendrer de « bonnes associations » en mémoire, associations qui pourraient influencer l’individu dans ses comportements, cette partie prend le parti d’appuyer explicitement sur l’intérêt de considérer avec attention une théorie de la psychologie qui place les émotions au cœur de sa conception de l’individu. Cette théorie qui fait la part belle à l’émotion dans le fonctionnement cognitif de l’individu, est la théorie du conditionnement évaluatif (voir De Houwer et coll., 2001
; Walther et Langer, 2008
; Hofmann et coll., 2010
; Bouy et coll., 2014
). Selon cette théorie, l’évaluation d’un stimulus initialement neutre (produit) est sensible au stimulus affectif (positif ou négatif) auquel il est associé. Ainsi, l’exposition (répétée) à ce stimulus neutre apparié à un stimulus affectif va conduire l’individu à évaluer ce stimulus neutre de façon congruente au regard de la valence du stimulus affectif auquel il a été associé. Désormais conditionné, le stimulus initialement neutre est donc évalué par l’individu comme étant soit positif, soit négatif, selon la valence même du stimulus affectif auquel il a été apparié. La littérature scientifique sur la validité de cette théorie et la robustesse des effets qu’elle permet d’interpréter est relativement abondante (pour une revue, voir Bouy et coll., 2014
). Cette conception du fonctionnement psychologique de l’individu gagne à être considérée dans le domaine des choix alimentaires comme l’ont récemment montré deux études présentées ci-après.





Dans l’étude menée par Houben et coll. (2010
), la question était de savoir si le conditionnement évaluatif est précisément une conception théorique de l’individu (et une procédure) à exploiter dans le cas de la prévention de la consommation de l’alcool chez les jeunes (116 étudiants allemands ont participé à cette étude, dont 88 femmes). Précisément, la question était de savoir si l’association répétée de stimuli du registre « alcool » (vin, bière, vodka, whisky) à des stimuli négatifs que sont des photographies jugées négatives issues de la base IAPS (International Affective Picture System) (Lang et coll., 2005
) ou encore des photographies de visages exprimant une émotion négative (Tottenham et coll., 2009
) pouvait amener à modifier non seulement les attitudes implicites envers la consommation d’alcool mais aussi les comportements de consommation. En parallèle de ces associations alcool/photographie négative, les individus étaient exposés à des associations soda/photographie positive (ce qui n’est pas sans poser question au regard du sujet de notre expertise). Avant et après cette phase de conditionnement, les attitudes des individus étaient examinées vis-à-vis de ces deux types de produits. Pour évaluer les attitudes implicites des individus vis-à-vis des produits alcoolisés (et des sodas), ils étaient soumis à une tâche qui mesure les associations en mémoire, selon un paradigme expérimental classiquement utilisé dans ce type de situation (IAT : Implicit Association Test ; Greenwald et coll., 1998
). Selon les principes de l’IAT, les stimuli des registres alcool et soda sont présentés dans un ordre aléatoire et la tâche consiste à catégoriser le plus rapidement possible chaque stimuli selon deux modalités de réponse « plaisant versus déplaisant ». Le temps de réponse des individus est jugé représentatif des associations établies en mémoire, avec des temps plus rapides pour les connexions déjà existantes. En comparant les réponses fournies par les individus avant et après cette phase de conditionnement, Houben et coll. (2010
) indiquent que les attitudes implicites des individus envers les produits alcoolisés peuvent être modifiées, avec une évaluation plus négative de ces produits lorsqu’ils étaient associés à des photographies négatives issues de la base IAPS (ce qui n’est pas le cas pour les photographies de visages) et une réduction de leur consommation dans la semaine qui a suivi l’expérimentation. Les apports de cette étude ouvrent ainsi la voie à l’utilisation de cette procédure de conditionnement évaluatif non pas à des fins commerciales mais préventives et dont la visée serait d’instaurer une évaluation positive/négative des produits plus robuste dans le temps.





En prise directe avec le sujet de cette expertise, l’étude menée par Hollands et coll. (2011
) met en évidence la pertinence de considérer le conditionnement évaluatif pour amener à une consommation alimentaire plus saine. À l’appui de cette théorie qu’est le conditionnement évaluatif, les auteurs ont mis au point une expérience dans laquelle des produits alimentaires de type « snack » à fort apport calorique (par exemple du chocolat) sont présentés associés à des photographies qui montrent les conséquences négatives de leur consommation excessive (par exemple, personne en surpoids ou obèse). Autrement dit, les photographies négatives qui accompagnent la présentation de ces produits illustrent les conséquences potentielles sur la santé de choix alimentaires non sains (maladie cardiovasculaire, obésité).

Adoptant une méthodologie proche de celle de Houben et coll. (2010
), Hollands et coll. (2011
) soumettent les participants à des mesures avant et après l’exposition à la phase de conditionnement évaluatif pour laquelle les produits de type « snack » à fort apport calorique sont associés (pour la moitié des participants seulement) à des photographies négatives. Ainsi, les attitudes implicites des participants sont mesurées via la tâche d’IAT, avec la présentation des exemplaires des deux catégories utilisées dans la tâche de conditionnement, les catégories « fruits » et « snack », pour lesquels les participants doivent décider le plus rapidement possible s’ils sont plutôt plaisants ou déplaisants. Les attitudes explicites vis-à-vis de ces deux types de produits sont également sondées via des questionnaires pour lesquels les réponses sont fournies sur une échelle en 7 points (pour moi, manger un fruit c’est : pas du tout sain/sain). Leurs comportements sont également examinés en deux temps, avec initialement la possibilité de choisir un produit présenté comme un cadeau en remerciement de leur participation à l’étude (soit un fruit, soit un produit de type snack), et à l’issue de l’expérience avec la possibilité de choisir un bon pour retirer gratuitement à la gare la plus proche un produit de type snack ou un fruit. Dans l’ensemble, les résultats obtenus confirment que la procédure de conditionnement évaluatif a significativement influencé les choix alimentaires, sachant que les participants exposés aux photographies négatives associées aux produits de type snack ont été plus enclins à choisir le bon pour un fruit gratuit que celui pour un produit de type snack. Par ailleurs, ces auteurs révèlent que les attitudes implicites des participants sont sensibles à cette phase de conditionnement évaluatif avec une diminution des attitudes initialement positives vis-à-vis de ces produits de type snack (alors qu’aucun effet n’est observé sur les attitudes explicites). En résumé, associer des photographies négatives à la présentation de produits de type snack a pour conséquence de modifier les attitudes implicites vis-à-vis de ces produits, et les choix de consommation qui en découlent. Hollands et coll. (2011
) suggèrent de poursuivre ce type d’investigation avec des études longitudinales chargées d’évaluer à plus long terme le poids des attitudes implicites sur les choix de consommation, et la possibilité de renforcer périodiquement les « bonnes » associations instaurées en mémoire pour s’assurer de l’efficacité des interventions de prévention sur le long terme.



En dépit du caractère peu « écologique » de ces deux études expérimentales qui sont difficilement transposables en l’état, elles contribuent à asseoir l’importance d’une distinction entre les mesures explicites et les mesures implicites. En plus d’appuyer subtilement sur la nécessité de distinguer chez l’individu ses attitudes implicites de ses attitudes explicites (voir Nosek, 2005
), ces dernières étant trop sensibles au phénomène de désirabilité sociale (Gawronski et coll., 2007
), l’idée commune de ces deux études est que le conditionnement évaluatif peut potentiellement être un outil prometteur pour concevoir les interventions de prévention santé. Le nombre de recherches consacrées à l’exploitation de cette théorie dans le domaine de la prévention santé est cependant aujourd’hui bien trop réduit pour se risquer à une généralisation de ces effets. À n’en pas douter, les recherches à venir auront pour avantage de s’emparer de cette théorie pour interroger le caractère malléable des attitudes des individus vis-à-vis de produits à fort apport calorique dont il convient de limiter la consommation.


Si les deux études rapportées ci-dessus proposent de faire appel au registre des émotions négatives pour impulser un changement de comportement, l’appel aux émotions négatives n’est cependant pas sans risque tant les stratégies de protection mises en place par l’individu peuvent aboutir à une plus forte résistance au changement. Une autre piste que celle de l’appel aux émotions négatives mérite donc d’être considérée, celle de l’induction des émotions positives (voir Gall Myrick, 2015
). Dans le domaine de la prévention santé, le recours aux émotions positives, notamment via l’introduction d’informations humoristiques (voir Blanc et Brigaud, 2013
et 2014
), reste pour l’instant marginal alors même qu’il est très fréquent dans le domaine commercial (pour une synthèse, voir Blanc et Daudon, 2009
; Eisend, 2009
et 2010
) et qu’il est adapté à l’adulte comme à l’enfant (Picard et Blanc, 2013
). Appliqué à la communication en santé, l’humour a pourtant à son actif plusieurs effets positifs (Mukherjee et Dubé, 2012
; Turner, 2012
) :









• il augmente spontanément l’attention portée aux messages ;
• il facilite leur mémorisation ;
• il favorise l’adhésion des individus qui présentent des attitudes plus positives envers les recommandations (Lee, 2010
; Blanc et Brigaud, 2013
et 2014
; Nabi, 2015
) ;




• il diminue le recours aux stratégies de contre-argumentation (Young, 2008
; Moyer-Gusé et coll., 2011
).


La présence d’humour favorise également l’apparition d’un phénomène dit de contagion (Campo et coll., 2013
) qui consiste à s’engager activement dans la recherche d’informations en lien avec la campagne de prévention humoristique et dans sa diffusion à l’entourage via notamment les réseaux sociaux (Lafont et Blanc, 2015
). Plus généralement, l’idée force de ces travaux est que les émotions positives ressenties en présence d’humour ont pour effet de contrebalancer les émotions négatives que véhicule toute campagne de prévention santé, et donc de réduire les réactions de rejet qui en découlent et ainsi d’éviter la survenue d’un effet boomerang qui consiste en un renforcement du comportement incriminé chez l’individu (Ringold, 2002
). À notre connaissance, aucune étude n’a pour l’heure entrepris de conditionner l’individu à adopter des comportements sécuritaires via l’utilisation de stimuli humoristiques. Il y a là fort à parier que cette ligne de recherche permettra de moderniser le registre actuel des stratégies de communication en prévention santé.



Le contexte de diffusion du message de santé est également une piste à considérer lorsqu’il s’agit de sensibiliser le public sans le braquer. C’est notamment le cas avec la réflexion engagée sur l’insertion de messages de santé dans des programmes télévisés divertissants et éducatifs, ces « édumusements » qui apparaissent aujourd’hui comme une alternative aux campagnes classiques (voir Kaiser Family Foundation, 2004
; voir aussi Singhal et coll., 2004
). La majorité des études menées porte sur des problématiques de santé ayant trait à la sexualité tels que le port du préservatif, la contraception, la prévention VIH (Brodie et coll., 2001
; Singhal et Rogers, 2001
; Collins et coll., 2003
; Kennedy et coll., 2004
; Moyer-Gusé et coll., 2011
) ou encore le cancer (Murphy et coll., 2011)
. Le caractère novateur de ces travaux réside dans le contexte choisi pour diffuser des messages de prévention santé. Ce contexte facilite la diffusion de l’information à l’individu qui adopte alors une attitude positive vis-à-vis du message véhiculé. Comme le souligne Moyer-Gusé (2008
), il est nécessaire de comprendre les processus psychologiques à l’oeuvre dans cette situation de communication atypique, ligne de recherche aujourd’hui des plus actuelles. Quoi qu’il en soit, le contexte émotionnel positif du divertissement (regarder une série à la télévision) permet de contourner la résistance de l’individu au message de santé et ainsi de l’informer et de l’amener à réaliser des comportements en faveur de sa santé. À notre connaissance, aucune étude n’a à ce jour utilisé ce contexte de communication pour aborder la question d’une alimentation saine et équilibrée.









Conclusions, limites et perspectives
La psychologie offre un cadre d’investigation et de compréhension de l’individu consommateur. La littérature scientifique est riche de théories sur le fonctionnement psychologique de l’individu qui, nous l’avons vu, méritent d’être considérées lors de l’élaboration de campagnes de prévention santé. Le recours à ces théories (et bien d’autres) peut permettre d’optimiser les pratiques de communication, avec aujourd’hui un recul certain sur l’importance à accorder au cadrage du message sanitaire et tout ce qu’il sous-tend (risque perçu, sentiment d’auto-efficacité, émotions véhiculées). Les études accumulées sur certains pans de la question de l’efficacité des messages sanitaires sont autant d’indices qui participent à une meilleure objectivation des phénomènes psychologiques à l’œuvre en situation de persuasion. Les théories évoquées dans ce chapitre alimentent une conception généraliste de l’individu qui met l’accent sur la relation réciproque entre « cognition » et « émotion », avec l’idée que les émotions de l’individu peuvent impacter sa cognition et que le fruit de son activité cognitive n’est pas sans effet sur ses émotions. Ces théories doivent servir de balises pour amorcer une réflexion plus aboutie encore sur les caractéristiques de la situation de communication qui garantissent son efficacité. Le chantier est d’ampleur car il reste de nombreuses zones d’ombre à clarifier. À titre d’exemple, l’engouement pour les mesures attitudinales et/ou cognitives ne doit pas faire oublier que la preuve réelle de l’efficacité d’une campagne passe par le comportement de l’individu, qui n’est hélas pas suffisamment observé. Également, le manque d’études longitudinales ne permet pas d’établir des conclusions sur le long terme quant à l’efficacité d’une campagne. Plus problématique encore, les théories proposées et discutées dans ce chapitre ont essentiellement été mises à l’épreuve chez l’adulte. Qu’en est-il chez l’enfant et l’adolescent ? Ainsi appréhendées à travers le prisme de la psychologie, les préconisations et recommandations sanitaires devraient gagner en efficacité. La possibilité de s’affranchir du modèle de communication classique offre de réelles opportunités d’améliorer les campagnes de prévention santé en privilégiant tantôt une communication plus ciblée (avec l’idée que les messages doivent être en adéquation avec les caractéristiques de l’individu), tantôt une stratégie de communication de masse qui a pour avantage de « plaire » à tous (l’humour, les « édumusements »). Au regard des connaissances actuelles, l’apport des études susmentionnées est précieux car il permet de dégager plusieurs pistes qui contribueront à une avancée certaine sur la question de l’efficacité des actions de prévention santé en matière d’alimentation.
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