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Med Sci (Paris). 2011 March; 27(3): 275–284.
Published online 2011 March 30. doi: 10.1051/medsci/2011273275.

Les cellules souches mésenchymateuses
Actualités thérapeutiques

Christian Jorgensen,1* Frédéric Deschaseaux,2,3** Valérie Planat-Benard,3*** and Éric Gabison4****

1Unité Inserm U844, Montpellier, France
2EFS Pyrénées-Méditerranée, Toulouse, France
3CNRS/UPS UMR5273 STROMALab - Inserm U1031, Toulouse, France
4Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Hôpital Bichat, 27, rue Manin, 75019 Paris, France
Corresponding author.
 

Nous faisons le point dans cette série d’articles sur les multiples applications thérapeutiques des cellules souches mésenchymateuses (CSM) : maladies auto-immunes dont le diabète, le lupus, la sclérose en plaques et la maladie de Crohn ; affections cardiovasculaires ; régénération des tissus ostéoarticulaires et prévention de la GVHD (graft versus host disease). Plus de 140 essais cliniques utilisant ces cellules sont actuellement répertoriées sur le site clinicaltrials.gov dont 22 concernent les maladies auto-immunes. Beaucoup de ces essais sont en cours, les résultats ne sont pas encore tous publiés mais leur nombre témoigne d’une activité croissante dans ces indications. Les CSM sont des cellules progénitrices adultes essentiellement isolées de la moelle osseuse et du tissu adipeux mais présentes dans la plupart des tissus adultes, y compris les muscles, le tissu synovial, le tissu placentaire et, récemment, les dents. Les indications thérapeutiques des CSM reposent sur deux concepts. Le premier concept utilise les CSM dans l’ingénierie tissulaire, par création de tissus osseux, cartilagineux ou musculaire en combinaison avec des biomatériaux adaptés, comme l’exposent Frédéric Deschaseaux (voir plus loin) et Claire Vinatier et al(→) mais peut être aussi cardiovasculaire (V. Planat-Benard, voir plus loin).

(→) Voir l’article de C. Vinatier et al., page 289 de ce numéro

Un concept thérapeutique plus récent repose sur leurs propriétés paracrines, liées à la sécrétion de nombreux facteurs de croissance dont HGF (hepatocyte growth factor), IGF (insulin growth factor), TGF-β (transforming growth factor beta) mais également des molécules anti-inflammatoires incluant des cytokines, IL-1ra (antagoniste du récepteur de l’interleukine 1), IDO (indoleamine 2,3-dioxygénase) et HLA-G5 (→).

(→) Voir l’article de C. Ménard et K. Tarte, page 269 de ce numéro

L’effet immunomodulateur des CSM sur les cellules dendritiques et/ou sur les lymphocytes T et B suggère effectivement leur utilisation potentielle dans les maladies dysimmunitaires, mais aussi leur intérêt dans les maladies cardiovasculaires (V. Planat-Benard, voir plus loin) ou ophtalmologiques (E. Gabison, voir plus loin).

Les cellules souches mésenchymateuses dans les maladies dysimmunitaires (Christian Jorgensen)

Les capacités immunosuppressives des CSM décrites en détail par C. Ménard et K. Tarte (→) ont été évaluées dans des modèles expérimentaux de maladies auto-immunes dont l’experimental autoimmune encephalopathy (EAE), le diabète, l’arthrite ou le lupus. Dans un modèle de diabète auto-immun, l’injection de CSM a induit une diminution de l’épaississement mésangial et de l’infiltration macrophagique du pancréas.

(→) Page 269 de ce numéro

Maladie lupique
Dans la maladie lupique, caractérisée par l’hyperactivité lymphocytaire B, la production d’auto-anticorps sous forme d’anticorps antinucléaires, anti-ADN et anti-SM1, quatre études sont en cours. Une première étude chinoise a été publiée portant sur 82 patients traités avec des doses de 1 à 10 millions de cellules par kg de poids [2]. Ces patients ont bénéficié d’injection de cellules mésenchymateuses d’origine médullaire autologues mais là encore sans bénéfice thérapeutique. Une des patientes a développé une insuffisance rénale liée au lupus. La tolérance des injections était acceptable et les auteurs ont pu constater une augmentation modeste des lymphocytes T régulateurs circulants.
Sclérose en plaques
La sclérose en plaques est caractérisée par un infiltrat lymphocytaire T dans le système nerveux et une démyélinisation responsable d’épisodes neurologiques déficitaires récurrents. Dans le modèle d’encéphalite expérimentale (EAE), l’injection systémique de CSM allogéniques montre un bénéfice quand l’injection se fait avant l’induction de l’encéphalite, mais elle n’a pas d’effet curatif. On constate alors une régression de l’infiltrat lymphocytaire T et une diminution des lésions neurologiques centrales qu’accompagne l’amélioration du score clinique [5]. Des études contrôlées sont nécessaires pour démontrer un bénéfice par rapport au traitement standard qui inclut l’interféron.
Maladie de Crohn
La maladie de Crohn, maladie intestinale inflammatoire, se complique fréquemment d’arthrite, d’uvéite et de fistulisation. Ces complications locales sont source de gêne fonctionnelle majeure et de surinfection. Une étude de phase II, incluant 49 patients, prospective et randomisée, a montré l’intérêt d’un traitement local par des cellules mésenchymateuses issues du tissu adipeux dans les cas de fistule [6] : 25 patients ont été traités par fibrine seule et 24 patients par fibrine associée à 20 millions de CSM. Une majorité de ces derniers (71 %) a montré une cicatrisation contre 16 % seulement dans le groupe contrôle. L’action bénéfique se manifeste également par la réduction de l’inflammation et le raccourcissement du délai de cicatrisation locale. D’autres études sont en cours dont des études contrôlées de phase III qui vont pouvoir comparer des doses de 10 à 90 millions de cellules en injection locale versus un bras placebo.
Diabète de type 1
Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune caractérisée par un infiltrat lymphocytaire T des îlots pancréatiques aboutissant à une destruction des cellules β sécrétrices d’insuline. Dans des modèles expérimentaux de diabète, les injections de cellules mésenchymateuses humaines ont amélioré l’état clinique et la survie des animaux, ont réduit l’infiltrat lymphocytaire T pancréatique et entraîné une anergie lymphocytaire T. C’est donc à la suite de ces travaux qu’ont été proposées des injections de cellules mésenchymateuses allogéniques dans le diabète de type 1. OSIRIS2 est promoteur de cette étude qui compare chez 60 patients répartis en 2 bras, soit 8 millions de cellules par kg, soit placebo. Les patients seront suivis pendant un an sur les marqueurs du diabète et notamment le taux d’hémoglobine glyquée (Hba1c).
Arthrite expérimentale
Dans l’arthrite expérimentale induite par le collagène chez l’animal, des travaux montrent une amélioration de l’inflammation articulaire suggérant un bénéfice thérapeutique potentiel des CSM dans la polyarthrite rhumatoïde. Néanmoins, les résultats sont discordants entre les études selon le moment de l’injection des CSM. L’amélioration clinique ne se voit qu’en cas d’injection préventive avant l’induction de l’arthrite complète. Ainsi, il a été rapporté qu’une seule injection de CSM primaires issues de moelle osseuse empêche l’apparition de l’arthrite grave, ce qui a été associé à une diminution dans le sérum des cytokines pro-inflammatoires et à une augmentation des T régulateurs (Treg) [8]. Il n’y a pas actuellement d’études cliniques chez l’homme évaluant l’effet des CSM dans la polyarthrite rhumatoïde.
CSM et cellules progénitrices des chondrocytes
Il a également été proposé que les CSM puissent être utilisées comme des cellules progénitrices des chondrocytes pour la régénération du cartilage [11]. Des études cliniques phase 1/2 contrôlées contre placébo sont en cours par injection intra-articulaire de CSM allogéniques (produit Prochymal® d’Osiris).

On peut s’attendre à des études de faisabilité dans des indications de maladies auto-immunes rares comme les vascularites systémiques, la sclérodermie, la maladie de Gougerot-Sjögren. En effet, un bénéfice thérapeutique peut être attendu en raison de l’effet pro-angiogénique des CSM et des effets antifibrosant, anti-inflammatoire et immunosuppresseur induits par ces cellules.

GVHD
Dans la GVHD (graft versus host disease), une étude préliminaire utilisant des CSM fait état d’une réduction significative de la mortalité à 2 ans [12] (→).

(→) Voir l’article de C. Ménard et K. Tarte, page 269 de ce numéro

Ces résultats prometteurs ont conduit à une étude plus large randomisée, contrôlée contre placebo, mais les résultats n’ont pas permis de confirmer l’efficacité des CSM comme traitement en première ligne pour traiter la GVHD corticorésistante. Le traitement a cependant entraîné une amélioration significative chez les patients ayant une atteinte hépatique ou gastro-intestinale dans le cadre de la GVHD et une amélioration cliniquement significative par rapport aux témoins dans une population pédiatrique [13].

Conclusion
La régénération de tissus endommagés dans différentes situations pathologiques et inflammatoires est un objectif majeur à atteindre dans un proche avenir et elle pourrait bénéficier des propriétés réparatrices et immunomodulatrices des CSM. La régénération complète d’un tissu est en effet un objectif difficile à atteindre et comprend l’intégration du tissu nouvellement régénéré au sein des tissus receveurs et la récupération de sa capacité fonctionnelle. Dans le cas de la thérapie cellulaire des maladies dysimmunitaires, les CSM sont les meilleurs candidats. Enfin, les données récentes montrent que le bénéfice thérapeutique repose sur les propriétés paracrines médiées par les facteurs sécrétés. Afin de progresser dans ces applications thérapeutiques, une collaboration pluridisciplinaire est indispensable afin d’optimiser la production des CSM, les doses, le suivi in vivo des cellules injectées et l’identification des mécanismes physiopathologiques impliqués.
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Cellules souches mésenchymateuses et régénération du tissu osseux (Frédéric Deschaseaux)
Formation du tissu osseux à partir des CSM
Le tissu osseux se forme lors de la squelettogenèse qui débute par la condensation de cellules mésenchymateuses. Puis selon le type d’os à construire, os long ou os plat, la formation osseuse progresse via deux mécanismes différents nommés ossification membranaire ou endochondrale. L’ossification membranaire se fait en une seule étape de différenciation directe des cellules condensées en ostéoblastes alors que l’ossification endochondrale se fait en deux étapes : la formation de cartilage précède la néo-ostéogenèse. Ces deux mécanismes s’appliquent aux cellules multipotentes, les CSM, qui donneront donc les cellules du cartilage (chondrocytes) et les cellules capables de synthétiser la matrice osseuse, les ostéoblastes (pour revue, voir [1]). Ces CSM sont visibles lors de la squelettogenèse en périphérie des structures condensantes (périchondrales ou ostéales). Cette capacité d’ossification endochondrale et membranaire est conservée tout au long de la vie d’un individu du stade fœtal au stade adulte, y compris chez le sujet même très âgé (bien qu’avec semble-t-il une moindre efficacité). Ainsi, il est possible d’utiliser les CSM comme cellules réparatrices dans certaines pathologies du tissu osseux comme l’ostéoporose (qu’elle soit liée à l’âge ou non), les défauts de consolidation après une fracture, les pertes importantes de substance osseuse (post-traumatique ou à la suite d’une exérèse tumorale), les maladies d’origine génétique comme l’ostéogenèse imparfaite (OI ou maladie des os de verre), les ostéonécroses, etc. Le but est donc de reconstituer un tissu osseux fonctionnel assurant pleinement ses différents rôles dans le métabolisme du calcium, le support d’organes et comme niche d’un certain nombre de cellules souches et progéniteurs adultes (cellules souches hématopoïétiques, progéniteurs endothéliaux, progéniteurs vasculaires).
Stratégies d’utilisation des CSM pour la reconstruction osseuse
Les atouts des CSM natives Pour ce faire, il existe plusieurs approches qui dépendront de l’indication clinique. La première est une approche basée sur un tri (par cytométrie de flux ou colonnes magnétiques) direct de CSM à partir d’échantillons de moelle osseuse ou de tissu adipeux. Grâce à la connaissance d’un (ou plusieurs) marqueur moléculaire spécifiquement exprimé à la surface des membranes des CSM, il est possible de concevoir des billes magnétiques recouvertes d’anticorps monoclonaux dirigés contre ce marqueur. Les CSM pourraient alors être retenues (sélection positive) sur des colonnes apposées contre un aimant (ce principe est utilisé en hématologie pour trier des cellules souches hématopoïétiques CD34+ utilisées dans le traitement de certaines hémopathies). Cela permettrait d’obtenir des greffons très riches en CSM de type natif (contrairement aux CSM cultivées) qui pourraient être injectés aux patients à traiter. L’obstacle principal auquel se heurte cette démarche est le faible nombre de cellules obtenu après ces tris, ce qui peut sérieusement limiter leur utilisation en clinique humaine. En effet, on estime la fréquence des CSM à 1/105 cellules mononucléées dans la moelle osseuse chez l’adulte, donc très inférieure à la fréquence des cellules hématopoïétiques CD34+ que l’on utilise pour certaines greffes en hématologie [8]. Plus le nombre de colonies issues de CSM ou de CFU-F (colony forming unit-fibroblast) était élevé dans la moelle osseuse concentrée, plus important était le taux de consolidation des pseudarthroses. Cela démontre que les CSM natives, dont sont issues les CFU-f, peuvent être suffisamment concentrées par des techniques simples pour induire la guérison d’une pathologie de l’os.
Les atouts des CSM cultivées
Les CSM cultivées offrent plusieurs aouts : la population est pure et il est possible d’obtenir un très grand nombre de cellules dans des conditions sécurisées de grade clinique [20] (→→).

(→) Voir l’article de L. Sensebé et P. Bourin, page 297 de ce numéro

(→→) Voir l’article de C. Vinatier et al., page 289 de ce numéro

Cependant, les études chez l’homme se font plus rares et une bonne partie étaient compassionnelles. Parmi les études, il faut retenir celle effectuée en plusieurs étapes par l’équipe d’Horwitz pour traiter des enfants atteints d’ostéogenèse imparfaite [12]. Cet enfant, à 2 ans, a une croissance similaire à celle d’un enfant sain de même âge.

Un élément qui doit être pris en compte est la dureté du tissu osseux. La perte, même partielle, de ce matériel doit être compensée par un apport de biomatériaux capables de servir de support aux cellules mais capables aussi de supporter certaines contraintes mécaniques. La perte de substance osseuse peut être compensée par l’ajout simultané de biomatériaux et de CSM cultivées, ou de cellules ostéoblastiques (issues de CSM dont la différenciation a été induite in vitro). Le premier essai chez l’homme a été réalisé chez trois patients ayant eu des pertes de substance osseuse à la suite de divers traumatismes. Des CSM autologues amplifiées in vitro ont été ajoutées à un biomatériau (hydroxyapatite) puis greffées, ce qui a permis aux patients une bonne reconstitution des membres atteints [13].

Cependant, il n’y a pas eu, dans cette étude, de témoins contrôles traités par le biomatériau seul, sans CSM. De façon similaire, des essais de reconstitution de mâchoire ont été tentés. Notamment, Warnke et al. ont confectionné un implant ostéorégénératif composé de CSM sur un support titane/hydroxyapatite imbibé de facteur ostéogénique recombinant humain BMP-7 (bone morphogenetic protein) [16].

Dans d’autres études, des CSM cultivées in vitro ont été utilisées pour combler des pertes de substances consécutives à des procédures d’allongement de membres ou de résection de tumeurs [18]. Dans l’ensemble les résultats sont encourageants mais ils restent insuffisants, notamment dans la conduite d’essais rigoureux, ce qui rend difficile les analyses à court et à long terme. Le développement de protocoles cliniques associant CSM cultivées et biomatériaux un peu partout dans le monde, notamment en Europe, nous permettra sans doute de répondre à un certains nombre de questions et surtout contribuera à améliorer notre prise en charge des pathologies du tissu osseux.

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Les cellules souches mésenchymateuses de moelle osseuse et du tissu adipeux en médecine régénératrice cardiovasculaire (Valérie Planat-Benard)
Potentiel cardiovasculaire des CSM
Dans le domaine des maladies cardiovasculaires, la thérapie cellulaire se positionne comme une alternative prometteuse aux traitements actuels et elle représente en outre une thématique passionnante pour la recherche. De nombreuses études se sont concentrées sur des populations cellulaires non sélectionnées de la moelle osseuse - les cellules mononucléées médullaires ou BM-MNC - et des tissus adipeux - fraction stromale vasculaire ou SVF. Ces fractions cellulaires ont été et sont encore testées dans des protocoles cliniques de thérapie cellulaire pour le traitement de pathologies cardiovasculaires. En effet, elles représentent des sources abondantes et facilement accessibles de cellules à potentiel thérapeutique. Cependant, l’hétérogénéité de ces fractions brutes non purifiées nécessite de grandes quantités de cellules car les cellules d’intérêt y sont diluées, ce qui réduit considérablement l’efficacité thérapeutique. Les cellules souches mésenchymateuses (CSM) présentent une alternative pertinente à ces fractions cellulaires non triées. Outre les potentiels connus de différenciation des CSM dans les voies adipogénique, ostéogénique et chondroblastique, les CSM semblent également capables de différenciation en des phénotypes myocytaires et vasculaires dans des conditions de culture appropriées. Leur administration semble faciliter la réparation cardiaque comme la néovascularisation, contribuant à l’amélioration de la fonction ventriculaire. Les mécanismes sous-jacents à ces effets bénéfiques semblent majoritairement indirects via des sécrétions paracrines, et plus modestement liés à des capacités de transdifférenciation de ces cellules [36] (→).

(→) Voir l’article de P. Charbord et L. Casteilla, page 261 de ce numéro

Mécanismes cellulaires des CSM pour la régénération cardiaque
Différenciation des CSM en cardiomyocytes La première démonstration de la différenciation de CSM in vitro en cardiomyocytes contractiles a été obtenue après traitement de ces cellules par la 5-azacytidine, un agent hypométhylant [2]. En effet, ce traitement induit dans les cellules une ultrastructure de cardiomyocyte, de type myotube, et celles-ci expriment de multiples caractéristiques des cellules cardiaques : expression de facteurs de transcription (Nkx2.5, GATA4, TEF-1 et MEF-2c), de protéines spécifiques (peptides natriurétiques, myosines, troponines, connexines), de récepteurs adrénergiques et muscariniques capables de moduler la rythmicité des contractions, développement de potentiels d’action caractéristiques. L’obtention d’une différenciation cardiomyocytaire en l’absence de 5-azacytidine à laquelle on substitue divers facteurs de croissance (vascular endothelial growth factor, VEGF ; transforming growth factor beta, TGF-β) ou agents inducteurs (acide butyrique, acide rétinoïque) ne permet qu’une différenciation incomplète et un phénotype immature, suggérant que les facteurs de différenciation requis et les mécanismes moléculaires ne sont pas tous identifiés.

Une autre stratégie permettant de diriger le devenir des cellules immatures est de les placer dans un système de coculture avec les cellules différenciées d’intérêt. Les CSM, mises en présence de cardiomyocytes néonatals, adoptent ce phénotype, ce qui a conforté l’hypothèse que des événements de transdifférenciation peuvent survenir in vitro [14].

Une situation considérée comme très favorable pour orienter le devenir des cellules vers un phénotype d’intérêt consiste à administrer les cellules in vivo dans un contexte cellulaire de régénération, par exemple dans un tissu lésé. Ainsi, les CSM ont été injectées dans des modèles d’ischémie cardiaque mais les données sont contradictoires : certaines sont en faveur de l’acquisition de marqueurs cardiaques par les CSM, alors que d’autres ne montrent aucun signe de cardiogenèse par transdifférenciation in vivo, en particulier à partir de CSM de tissu adipeux. Compte tenu des incertitudes concernant le devenir des cellules injectées et la faible quantité de cellules implantées, la réelle capacité de différenciation des CSM en nouveaux cardiomyocytes in vivo reste donc très discutée et des arguments en faveur de sa réalité restent encore à apporter.

Rôle trophique indirect des CSM dans la réparation cardiaque L’ensemble des données recueillies dans les modèles animaux d’infarctus du myocarde mais aussi dans des modèles non ischémiques de cardiopathie dilatée, de cryolésion, d’arythmie ou de défaut des valves cardiaques s’accordent toutefois à démontrer le bénéfice fonctionnel et tissulaire associé à l’administration de CSM. Dans les cœurs qui ont reçu des CSM, la cicatrice fibreuse est de plus petite taille, la viabilité des myocytes préservée et la néo-angiogenèse augmentée [37] (→).

(→)Voir l’article de C. Ménard et K. Tarte, page 269 de ce numéro

En particulier, les CSM diminuent l’expression et la sécrétion de cytokines inflammatoires (tumor necrosis factor alpha [TNF-α], IL-6), inhibent la formation de collagène de types I et III ainsi que l’expression des protéines MMP-1 et TIMP-1 (tissue inhibitor of metalloproteinases). Une augmentation de la germination du nerf cardiaque a été démontrée dans un modèle porcin d’infarctus du myocarde, suggérant également la sécrétion de facteurs neurotrophiques par les CSM administrées [28].

Mécanismes cellulaires des CSM pour la régénération vasculaire
Ils découlent des modèles d’ischémie in vivo (cardiaque, membre postérieur, cérébrale ou encore cutanée) qu’un effet majeur des CSM est de promouvoir la néo-angiogenèse et d’améliorer ainsi la perfusion tissulaire. La différenciation en cellules de type endothélial a été obtenue in vitro à partir de CSM de moelle osseuse [29] et de tissu adipeux [35] amène à la conclusion que les cellules issues de tissu adipeux sont plus efficaces pour stimuler la néo-angiogenèse que les cellules issues de moelle osseuse.

La preuve d’une contribution significative des CSM à la réparation cardiaque et vasculaire a été apportée dans de multiples modèles précliniques. Cependant leur capacité à générer des cellules fonctionnelles capables de remplacer les cardiomyocytes endommagés ou détruits et de produire de nouveaux vaisseaux semble limitée. Leurs effets bénéfiques sont plutôt associés à un rôle « stromal », un rôle de soutien qui tend à rétablir une homéostasie tissulaire via des sécrétions paracrines et des mécanismes régulateurs, afin de préserver la fonction contractile ventriculaire et une bonne perfusion tissulaire tout en modulant la réponse inflammatoire délétère. Les CSM représentent donc des candidats intéressants pour les thérapies cellulaires des pathologies cardiovasculaires. L’utilisation des CSM de moelle osseuse est actuellement en cours dans quelques essais cliniques de thérapie cellulaire. Les CSM de tissu adipeux sont actuellement testées dans deux essais de faisabilité et d’innocuité pour le traitement de l’ischémie critique chronique des membres inférieurs en France et en Espagne. De nombreux aspects devront toutefois être optimisés dans un contexte clinique, comme les modes d’administration et la survie des cellules après transplantation. La recherche fondamentale doit surtout apporter des réponses quant au mode d’action de ces populations de cellules, à la sécurité de leur isolement et de leur production ex vivo [38] (→), sur leur innocuité et devenir à long terme et enfin sur leurs propriétés immunomodulatrices et leur potentielle utilisation allogénique.

(→) Voir l’article de L. Sensebé et P. Bourin, page 297 de ce numéro

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Les cellules souches mésenchymateuses et la médecine régénérative en ophtamologie (Éric Gabison)

Dans le domaine de l’ophtalmologie, les cellules souches mésenchymateuses représentent une nouvelle voie de recherche avec des applications possibles dans les pathologies de la cornée mais également de la rétine et du nerf optique.

CSM et maladies de la cornée
La cornée, première lentille transparente localisée à la surface de l’œil, a été l’un des tissus précurseurs dans le domaine de la thérapie cellulaire. Les opacités cornéennes associées aux insuffisances en cellules souches épithéliales limbiques (ICSL)3 ont fait l’objet d’études chez l’homme dès la fin des années 1990 [27] (→).

(→) Voir l’article de C. Ménard et K. Tarte et, page 269 de ce numéro

Des cellules souches mésenchymateuses ayant de nombreuses homologies avec les CSM issues de la moelle osseuse ont d’ailleurs été identifiées au niveau de la périphérie cornéenne où elles pourraient participer au microenvironnement - à la « niche » - des cellules souches limbiques et avoir une action trophique sur ces cellules. Des études expérimentales chez l’animal décrivent l’effet bénéfique des CSM sur la cicatrisation cornéenne après application de milieu conditionné de CSM ou même après injection de CSM dans le tissu lésé [12].

(→) Voir l’article de P. Charbord et L. Casteilla, page 261 de ce numéro

Les opacités cornéennes du stroma (derme) cornéen pourraient également être traitées par injection de CSM. L’organisation semi-cristalline de la matrice extracellulaire cornéenne et les propriétés de faible diffraction de la lumière des kératocytes (fibroblastes qui synthétisent cette matrice) concourent à la transparence cornéenne. Si l’injection de fibroblastes cutanés dans le stroma cornéen est à l’origine d’une inflammation et d’une perte de transparence cornéenne, des études ont démontré la survie et la différenciation en kératocytes de CSM médullaires injectées au niveau du stroma cornéen et la préservation de la transparence cornéenne. De plus, dans des modèles murins d’opacités cornéennes héréditaires, l’injection de CSM humaines a permis la restauration de la transparence des cornées traitées [16]. Ces cellules humaines, injectées dans le stroma de souris déficientes en lumican (un protéoglycane de la matrice extracellulaire), étaient capables d’y produire la forme humaine de ce protéoglycane et de rétablir l’organisation matricielle stricte nécessaire à la transmission de la lumière et à la transparence cornéenne.

Cellules souches mésenchymateuses et maladies rétiniennes
Les propriétés thérapeutiques des CSM ont également été évaluées au cours des pathologies rétiniennes. Chez le rat, dans un modèle de rétinopathie pigmentaire héréditaire, l’injection de CSM dans l’espace sous rétinien ou par voie intraveineuse a permis de ralentir l’évolution de la dégénérescence rétinienne [22]. Dans ces différents modèles expérimentaux, l’effet bénéfique rapporté n’était pas constamment associé à la survie au long cours des CSM. En effet, si in vitro ces cellules peuvent exprimer certains marqueurs de cellules de l’épithélium pigmentaire ou même de photorécepteurs, la différenciation des CSM en cellules rétiniennes observée dans certaines études n’est néanmoins pas nécessaire à leur effet thérapeutique in vivo, soulignant ainsi l’importance de leur rôle trophique.

Cet effet neuroprotecteur des CSM a également été démontré dans des pathologies traumatiques ou dégénératives (glaucome chronique à angle ouvert) du nerf optique, dans des modèles murins. Dans ces études, les CSM étaient d’origine humaine ou autologue, génétiquement modifiées ou non pour la production de facteurs neurotrophiques [24].

L’intérêt croissant pour les CSM en ophtalmologie repose sur leurs propriétés immunomodulatrices, anti-inflammatoires, trophiques et sur leur plasticité. Ces propriétés sont particulièrement adaptées au traitement des pathologies oculaires de la cornée au nerf optique.

Conflit d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
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Footnotes
1 Sm désigne l’antigène Smith, premier autoantigène décrit en 1966 au cours du lupus, un complexe de protéines nucléaires et d’ARN.
2 Osiris est une compagnie privée américaine qui la première a commercialisé des cellules mésenchymateuses pour des applications thérapeutiques, sous le nom de Prochymal® (administration intraveineuse) et Chondrogen® pour l’arthrite.
3 Le limbe cornéen est à la jonction de la conjonctive et de la cornée périphérique. C’est là que se trouveraient les cellules souches épithéliales.